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Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise)
Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise)
Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise)
Ebook328 pages4 hours

Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise)

By C VA

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About this ebook

Il a fallu 72 années et 9 000 km à Estrange pour réaliser qu’Alma était son âme sœur et leurs destins ont été liés depuis qu’elle était une jeune enfant.
Pendant ce temps, les talents cachés d’Alma sont remarqués par une organisation secrète qui travaille dans l’ombre et qui est prête à tout. Dans une bataille pour leurs vies, Estrange est blessé et séparé d’Alma. Quand Alma le trouve il est dans un état secondaire, égaré dans le continuum temps oscillant entre deux mondes.

Maintenant, le passé est juste un cauchemar pour Estrange. Est-ce que c’est juste un vague souvenir ? Ces images dans lesquelles il retrouve sa passion naissante pour Alma... Images qui le poussent au bord de la réalité et prennent le contrôle de sa vie... Ou pas ? Si ces visions ne sont qu’un message désespéré que son âme luttant dans la mort de l’espace-temps essaye d’envoyer, afin qu’il comprenne que ce cauchemar c’est la vie et le rêve n'est qu’une impasse ?

Prête à tout pour son amant, Alma se lance dans une campagne de renaissance pour Estrange. Peut-Alma le sauver ? Avec l’aide de l’ami d’Estrange, Sasakawa, peut-elle percer le mystère de son existence et de son lien avec Estrange ?
Une histoire d’amour intense, leur attirance pour l’autre magnétique et irrésistible, nous séduit, nous dévoilant le lien inconnu et magique entre les âmes, loin au-dessus d’un simple destin de la vie humaine et même au-delà des dimensions interstellaires.

MAUDIT, nous enchante avec un magnifique conte sur l’amour qui a échoué, mais brûle encore, sur l’amitié et la loyauté, même si tous sont contre, et sur les mystères du passé et du présent d’une lignée des vampires qui marchent parmi nous. Et puis... il y a ceux qui ont été génétiquement modifiés pour chasser les vampires...

LanguageFrançais
PublisherC VA
Release dateMay 3, 2013
ISBN9781301994427
Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise)
Author

C VA

She began her career as a graphiste and she's still doing it when she conceive her book covers, but writing romance novels was her passion. She enjoys writing both YA and adult drama and steampunk romance infused with elements of magic and non-public scientific final research results, along with eerie SF novels. Carmen has two ongoing series, The Estrange Reality Series (vampire romance) and The Neural Network Series (SF & time travel romance, a comic book). All the titles are in french and are also available in english. When not behind her computer doing research for her novels out to come or writing, you can find her reading, usually something involving the eerie, supernatural or SF. She lives in France, Paris, with her two black & white mischievous cats. Carmen would love to hear from you! You can reach her at estrange.reality@gmail.com.

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    Maudit (Estrange Reality, #2) (Edition Francaise) - C VA

    Table des matières

    1 GOUFFRE

    2 REPÈRES

    3 RETOUR

    4 ESSENCE

    5 ÉCHEC

    6 VOILE

    7 RENOUVEAU

    8 MÉTEMPSYCOSE

    9 ÉVOLUTION

    10 RENVERSEMENT

    11 RÉUNION

    12 MORT

    13 SOUVENIRS

    14 SASAKAWA

    15 ÉCHÉANCE

    16 EXPIATION

    17 TOURMENTS

    18 GAGE

    19 DÉSOLATION

    20 CONSTERNATION

    NOTES

    DU MÊME AUTEUR

    Illustration et conception

    ***

    PROLOGUE

    En frissonnant et fixant le regard fou de son acolyte, il chancela d’horreur quand il vit sa main gauche s’enfoncer dans la poitrine de celui qui était étendu là et ressortir avec un cœur encore battant pendant que les griffes de la main droite serraient de plus en plus fort, finissant par séparer la tête du corps.

    La tête tomba à terre en résonnant, roula, et à chaque fois que le visage apparaissait, les yeux semblaient observer les deux comparses avec attention. Puis elle s’arrêta au milieu de la pièce.

    Il retira de son sac à dos une boîte en argent magnifiquement ouvragée, qu’il ouvrit et dans laquelle il posa le cœur puis rangea dans son sac.

    Sans faire attention à son compagnon, il s’approcha de la tête qui gisait dans une mare de sang et la saisit par les cheveux. Il la regarda en souriant, la tournant vers la droite et la gauche puis vers son partenaire, la mine apeurée.

    Tu vois ? Ce n’était pas si compliqué, à la fin ! Ha ! Ha ! Ha !

    Toujours riant, il posa le sac à dos par terre, à ses pieds, et sans lâcher la tête, il sortit une autre boîte d’argent, plaquée de bois de rosier ouvragé de filigranes en argent vieilli, presque noirci par le temps, et posa avec hargne la tête à l’intérieur.

    1

    GOUFFRE

    — Peut-être que ce ne sera pas nécessaire. Attendons, d’accord ? fit une voix masculine qui m’était vaguement connue.

    — Oui, s’il te plaît, répondit une voix vive, féminine. J’ai vraiment peur.

    L’homme s’esclaffa doucement.

    Un léger frottement de doigts torsadant une mèche - je m’imaginai que la fille caressait ses cheveux.

    — Un jour plutôt intéressant pour toi, non ? continua-t-il en plaisantant.

    La jeune fille rit avec lui. Son rire était cependant un peu amer. Les pas s’en allèrent et je me retrouvai abandonné.

    Non ! Reviens ! cria ma pensée déformée.

    Mon esprit se heurta à la folie et l’hallucination entrava ma perception et devint la source de mon égarement.

    L’eau coulait sur mon visage et je réussissais péniblement à garder les yeux ouverts, car elle jaillissait interminablement, m’empêchant d’y voir clair. Mes bras étaient tendus vers l’avant, pesants et m’attirant vers le sol comme des aimants. Je voulus jeter mon fardeau, car il m’alourdissait et me paralysait ; je fis un mouvement.

    À ce moment précis, une brise légère m’effleura. Un mouvement évanescent, une matière aérienne me frôla la joue et j’aperçus quelque chose de gris - un tissu rugueux, humide, froid. Le vent devint plus fort et la substance me fouetta le visage, me heurta durement et resta collée à ma joue.

    L’eau tombait, ruisselait sans fin, écrasante. Mes yeux avaient du mal à rester ouverts. Je secouai vivement la tête, voulant enlever cette chose solidement fixée, mais je n’y arrivai pas. J’agitai ma tête en grondant, et la matière quitta ma joue, atteignit mon cou et glissa, figée, hideuse, tellement dégoûtante que je voulus m’en défaire d’un mouvement rapide. Étirant le cou vers la droite, je penchai la tête, hurlai. Ma bouche se plissa, mes yeux s’agrandirent et sortirent presque des orbites, mes genoux fléchirent et se dérobèrent sous moi. Je touchai le fond, meurtri, m’effondrai sous la douleur en découvrant ce que je protégeais dans mes bras.

    La couverture tomba et un corps frêle, dépourvu de vie, glissa au sol. Simultanément, une gigantesque vague apparut.

    Lieutenant ! Comment allons-nous nous sortir de là ? dit une voix lointaine.

    Je flottais entre deux eaux, j’étais seul et mon âme m’avait abandonné.

    — Que lui est-il arrivé ? demanda la fille.

    « Je devrais me relever, peut-être… Leur dire que je suis là.

    Mais je ne pouvais pas. Comment leur faire comprendre que j’allais bien ? Apparemment, j’avais l’air plus mal en point que je ne croyais et l’attention de l’homme se concentra sur moi tandis que la fille attendait. »

    Mes bras tendus poussèrent l’énorme houle tout en essayant de protéger encore le corps, et au contact de l’eau mes mains brûlèrent, les gouttes se séparèrent, les molécules se différencièrent et formèrent de lourds rubans de vapeur. Les grains de sable remontèrent, attirés par le fluide de mes paumes et, en rencontrant cette atmosphère humide et brûlante, commencèrent à s’aligner ; établissant des connexions chimiques, ils se transformèrent en fusionnant, étincelants dans leur transparence, en de fins éclats de verre.

    Les gouttes avaient disparu.

    Le son monotone se fit furieux, grinçant et leur texture me lacéra pendant qu’une odeur intense me submergeait. De mes yeux blessés, je vis le tourbillon pirouettant autour de moi, de plus en plus rapide. Les éclats de lumière me heurtèrent et je voulus protéger mes yeux avec le bras. Je le levai, instinctivement. Il ne répondit pas. Je sentis mon autre bras le bloquer, l’empêchant de se détacher de son étreinte, l’obligeant à suivre la courbe gracieuse de ce qu’il abritait. Sans vraiment comprendre, mes bras se resserrèrent, et j’essayai de saisir l’importance que mon être donnait à cet acte.

    Le temps se figea ; les éclats tombèrent.

    Mon corps s’inclina, mon dos se courba, mes bras se rapprochèrent et en penchant la tête, mes lèvres touchèrent une texture particulière, soyeuse. J’avançai en reniflant, et la chose qui se trouvait entre mes bras s’alourdit.

    Mes yeux s’ouvrirent et, médusé, je découvris ce que mon être essayait de protéger, ce que mes bras gardaient précieusement.

    Mon regard se fit perçant, explorant au-delà de la forme effondrée entre mes bras, et rencontra le gris terne des yeux morts.

    Les éclats de verre tombèrent en m’assourdissant et créèrent des étoiles éclairant la nuit de mon cauchemar.

    — Je ne comprends pas ! énonça, la fille, en colère, allant et venant sans cesse.

    Le ciel approchait, d’un bleu immatériel, diaphane. Les cumulus semblaient transparents, presque éphémères, comme le nimbe d’un ange.

    Pénétrant à travers les nuées, des faisceaux brillants de lumière s’élancèrent vers moi.

    Le soleil m’apparut minuscule à travers l’éthérée pellicule de nuages et je soupirai, comblé, à sa vue.

    Je fermai les yeux. J’aspirai l’air pur, matinal, en souriant. Je rouvris mes paupières et me régalai de cette image que j’aimais.

    La forme du soleil grandissait, comme je le regardais à travers mes paupières entrouvertes, et j’eus l’impression qu’il s’approchait. Je plissai les yeux, mais l’image ne s’éclipsa pas. Contrairement à la loi newtonienne, le soleil grandissait à vue d’œil ; il se rapprochait dangereusement et devenait de plus en plus effrayant à chaque fois que je clignais des yeux, risquant de s’effondrer sur moi. Ses reflets étaient subtilement cuivrés, virant à l’or brillant, et à chaque millionième de seconde qui passait, je le voyais avancer et pivoter. Il commençait à s’aplatir, ressemblant moins à une sphère, montrant deux faces avec une image sur chacune : une pile et… une…

    Pour une fois… Eh bé !

    La voix d’homme se perdit dans l’espace et devint un écho lointain.

    — Cesse de marcher, vociféra l’homme qui était près de moi. Essaie d’être calme !

    — Je ne peux pas, répliqua la fille. Je ne sais pas quoi faire ! Il faut que je trouve le moyen de le guérir.

    La pièce de monnaie étincela juste une seconde et tomba dans une paume sale. Le clochard se dépêcha de cacher la pièce dans un recoin de sa poche et se lança presque à plat ventre, sans jeter un regard au stylo qui roulait vertigineusement sur le trottoir juste à ses pieds, pour attraper une pomme.

    L’homme en manteau continuait, impassible, sa promenade, il s’arrêta devant la station de métro, se cachant dans l’ombre du kiosque à journaux. Il fit semblant de s’intéresser aux revues qui se trouvaient en vitrine. Un sourire apparut sur son visage quand les freins d’un bus résonnèrent douloureusement. Il vit dans le reflet de la vitre une ambulance s’approcher et le « médecin », suivi de son « assistant », déposa sur un brancard le corps accidenté. L’homme en manteau descendit comme si de rien n’était dans la station de métro avec le stylo à la main.

    — Qu’est-ce qu’il a ?

    La voix retentit encore plus près - la fille s’inquiétait de mon état.

    — Je ne sais pas, dit l’homme en se raclant la gorge, mais je sais qu’il reviendra… Si quelqu’un a eu, un jour, une raison de vivre, c’est bien lui… Il faut seulement qu’il prenne conscience que tu es en vie, c’est tout.

    L’homme restait en retrait et faisait confiance à son flair. Il était apparemment consumé par la culpabilité, et ses excuses semblaient intarissables. Il aurait voulu savoir ce qu’elle pensait et elle aussi avait trouvé en lui un interlocuteur attentif à son récit.

    J’eus un instant de tension quand il lui demanda comment elle s’en était sortie. J’attendis, le souffle court, tandis qu’elle hésitait.

    — Euh…, l’entendis-je dire, alors qu’elle tortillait ses mèches de cheveu, sans cesse.

    Puis elle s’arrêta si longtemps que l’homme se demanda si sa question ne l’avait pas troublée. Enfin, elle continua :

    — Je ne sentais aucune douleur. Je ne me sentais pas du tout, d’ailleurs. Je n’avais plus conscience d’avoir un corps. Mon esprit se trouvait quelque part, comme en apesanteur, flottant. Des sons me parvenaient, mais ils ne résonnaient pas. Comme si eux aussi flottaient avec moi. J’étais dans un espace clos qui avançait. Je ne savais pas où je me trouvais, quand les odeurs me frappèrent avec intensité, violemment - surtout celle d’essence brûlée au contact du moteur. Une camionnette ! J’inspirai, profondément. J’avais cette soudaine envie de humer et de découvrir chaque odeur.

    — Oui, fit à ce moment-là une voix lasse qui provenait de l’intérieur de la camionnette, derrière moi, à ma droite.

    Avec la voix, une odeur différente me parvint - de sueur, de viande, de tabac. Mon esprit s’élança, captivé par ces émanations et je me trouvai devant la source de cette attirance, choquée de découvrir que j’étais devant le visage d’un homme. Lui ne me voyait pas et continuait sa conversation téléphonique. Ensuite, une autre bouffée, légèrement différente. Ils étaient deux. L’un conduisait la camionnette, l’autre était assis sur le siège à côté.

    — C’est bon ? demanda une voix à l’autre bout du fil, voix que j’entendais parler dans ma tête.

    Je ne savais pas comment je devais interpréter ce phénomène mais la voix poursuivit sans me laisser le temps de réfléchir :

    — Vous l’avez ?

    — Oh que oui, chef ! C’est fait !

    Cette voix aussi prit le même chemin et la discussion se déroulait maintenant complètement dans ma tête. Mais je ne l’imaginais pas, je l’entendais. Je commençais à me demander comment je pouvais me trouver à l’avant de la camionnette, regardant les deux acolytes, tout en étant invisible pour eux. Et comment étais-je arrivée là ?

    — Bien ! Vous savez ce qui vous reste à faire…

    Les sensations me revenaient par bribes. Je commençais, vaguement, à reprendre conscience. Un bourdonnement continu, un fourmillement et une sensation d’effondrement furent suivis d’une impression d’enfermement. Toute cette liberté de mouvement que j’avais auparavant avait disparu. Je pris conscience de chaque cellule de mon corps et j’entendis le vrombissement léger que faisait mon organisme. Ma peau commença à se réchauffer dangereusement et sa température augmentait à chaque battement de cœur. Le pouls s’accéléra et mes tempes commencèrent à battre le rythme d’un tambourin infernal. Tout mon organisme s’activa comme à un signal. Je sentis à l’instant tout mon corps, alors qu’il était étendu, avancer, courir vers une destination précise à la même vitesse que la camionnette.

    J’ouvris péniblement les paupières et une lueur me blessa. La lumière du soleil passait à travers les vitres arrière de la camionnette et je vis le rayon se transformer en quelque chose qui ressemblait à un arc-en-ciel, mais son spectre dépassait les sept couleurs humainement connues. Je fermai les yeux puis je les rouvris, désireuse de vérifier que toute cette beauté était bien réelle.

    — Oui, chef ! proféra la voix, en riant vers la fin.

    Un sentiment de panique me fit sursauter et un voile rouge tomba, qui m’assombrissait le regard. Mon cœur s’arrêta soudainement de battre, mon pouls se fit insaisissable et la température de mon corps commença à redescendre.

    La camionnette s’arrêta et brusquement les portes arrière furent ouvertes. Je sentis la lumière du soleil me blesser - mes paupières fermées ne me servaient apparemment à rien, car je sentais le blanc de mes yeux s’enflammer et mes pupilles devinrent incandescentes. Inconsciemment, je me tortillai de douleur et un faible gémissement sortit de ma poitrine. Je voulus protéger mon visage avec le bras, mais une chose froide et dure m’en empêchait. J’étais clouée sur un brancard, les poignets et les chevilles attachés avec de lourdes menottes métalliques. À ce moment-là, les deux hommes attrapèrent le brancard et le soulevèrent en le balançant en même temps de droite à gauche.

    — On dirait qu’elle remue encore, dit la voix rauque en tirant un morceau de tissu sur mon visage, le couvrant complètement.

    — Arrête de te faire un film ! Nous, on a fini ! On la dépose, et puis… Qu’il se démerde ! répondit l’homme d’une voix lasse.

    — Tu crois qu’elle ne devrait pas déjà être morte ? lâcha, interrogateur, le premier. Tu as bien vu l’accident… le bus lui a carrément roulé dessus ! Tu l’as vue bouger, toi ?

    — Non.

    Des pétales de roses blanches se mélangèrent avec des portraits, un peu plus loin sur l’avenue… D’un regard vers la droite, j’aperçus un clochard, à plat ventre, une pomme à la main… La lumière verte du feu de signalisation, devant le passage piéton, se réfléchit dans la lumière du soleil… L’ombre du bus rampait vers le passage piéton et occupait le couloir étroit qui se trouvait devant moi et sur lequel, étrangement, personne n’osait s’avancer… Pourtant le feu était vert… L’ombre s’avança rapidement en obscurcissant l’étroit passage et je me dépêchai pour arriver de l’autre côté, quand… un cri, un grincement, et le crépuscule occulta la lumière que je voulais atteindre, de l’autre côté…

    — Depuis quand es-tu médecin, toi ? rouspéta la voix lasse en expirant bruyamment vers mon visage. Tu n’es que mon assistant.

    — Depuis que j’ai cette blouse, répondit-il avec un rire rauque. Bah ! Qu’est-ce que j’en ai à foutre ?

    — Oui ! Arrête de te poser des questions. Ça fait toujours mal à la tête de trop réfléchir !

    Ils continuèrent leur chemin en portant le brancard sans douceur, le balançant de droite à gauche et frappèrent à une porte.

    — Qui est-ce ? demanda une voix de femme.

    — Une livraison ! Pour notre chef !

    — Qui est votre chef ? exigea la même voix, troublée.

    — Sergent Marcus.

    — Attendez ici ! Ne bougez surtout pas !

    La sonnerie du téléphone retentit deux fois et une voix pressée répondit :

    — Oui !

    Je reconnus la voix d’avant, celle de la conversation téléphonique à l’intérieur de la camionnette.

    — Sergent Marcus ? demanda la femme.

    — Oui, c’est moi !

    — Apparemment, il y a une livraison pour vous…

    — Bien ! Dis-leur d’attendre. J’arrive !

    — Il arrive, répéta la femme en posant le combiné. Mettez-vous sur la droite, ne restez pas devant la porte.

    Le drap encore collé à mon visage, j’osai ouvrir les yeux, mais aucun autre muscle ne voulut bouger. J’étais figée dans un état cataleptique de peur. J’entendais tout ce qui bougeait dans l’entrée où je me trouvais et je pouvais même distinguer les battements des cœurs, le souffle, les respirations. Par-dessus tout, il y avait les odeurs ! Une odeur de sang flottait autour de moi, mais je ne m’attardai pas ! Il y avait autre chose qui m’attirait. Une faible odeur, lointaine, sinuait. Un parfum qui me semblait connu, mais que je n’arrivais pas à définir. Il était sucré avec une note légèrement florale de bergamote délicatement caféinée, profonde sans être lourde, avec une pointe épicée de basilic finement relevée par une senteur boisée, de cèdre, et enfin mes narines se réchauffèrent étrangement à l’odeur du benjoin. Tout ce mélange me fit penser à Pégase aspergeant l’Olympe d’une pluie de lumière avant d’être transformé en constellation.

    Je voulais réfléchir davantage à cet arôme, mais des pas s’approchèrent et un mélange écœurant de sueur et d’ail me fit presque vomir. Je me concentrai et fis tout ce qui restait en mon pouvoir pour ne pas bouger.

    Une main arracha brusquement le drap sous lequel j’étais cachée et l’odeur m’étouffa.

    — Oh ! explosa la voix à senteur d’ail. Elle est couverte de sang !

    — Vous nous avez dit de ne pas la toucher, chef ! répondit l’homme à la voix lasse.

    — On l’a touchée quand même, dit le deuxième en retrouvant son rire rauque.

    — Quoi ? cria leur chef.

    — Eh bé ! Quand on l’a posée sur le brancard, se rattrapa-t-il rapidement.

    — Tu es con ! marmonna son collègue, dégoûté.

    — Bon ! C’est fait ! Suivez-moi, gronda leur chef qui sentait l’ail.

    Le brancard fut soulevé sans ménagement et je fus portée vers un escalier, qu’ils empruntèrent. Mon corps glissait de tout son poids vers le bas pendant que les menottes attachées à mes mains et mes pieds et fixées au brancard me blessaient la peau. Je sentais leur frottement me râper continuellement en allant et venant sur mes blessures, à chaque marche descendue. Mais je ne ressentais pas une once de douleur.

    Ils continuèrent tout droit, après avoir descendu l’escalier, et j’entendis la voix de leur chef s’élever.

    — Ouvre-moi la porte ! Je prends la pièce nº 3. J’ai un interrogatoire.

    — La pièce nº 3 est déjà prise, monsieur, répondit une autre voix après avoir fait une légère pause, comme pour vérifier la disponibilité. Par vous, d’ailleurs.

    — Bien, je prendrai la nº 4 alors.

    Un bruit grinçant - une porte en fer. L’atmosphère changea et un courant d’air frais releva doucement les coins du drap qui me couvrait. Ils descendirent encore vingt marches et après avoir ouvert une autre porte en fer, ils jetèrent le brancard par terre et sortirent tous les trois. Une clé tourna dans la serrure et ils s’éloignèrent à grands pas.

    J’attendis seule, durant les plus longues heures que j’ai jamais vécues, écoutant les alentours grouillant de sons. Avec obstination, j’essayai de m’accrocher à ces sons, je me forçai à saisir les détails qui pouvaient m’aider à comprendre. Je voulus détecter une odeur connue, mais cela me fut impossible. J’essayai de bouger, de me détacher, sans résultat. Cette anxiété, cette crainte bloquaient mes muscles ; apparemment, je n’avais pas trouvé la solution qui me libérerait, pas encore.

    Au bout d’une interminable attente, j’entendis un grincement lointain suivi d’un bruit de pas, qui s’avancèrent dans ma direction et s’arrêtèrent devant la porte. Après s’être attardés pendant quelques secondes, les pas continuèrent vers la gauche en claquant durement sur le béton et s’arrêtèrent, un court moment, quand le bruit d’une clé tournée dans une serrure fut suivi par le crissement désagréable d’une porte. La personne ne s’arrêta pas après avoir passé la porte et continua, puis un bruit sec, métallique, brisa le silence. Les pas changèrent de direction et avancèrent vers moi.

    — Voyons voir ce que ça a donné, dit la voix et je reconnus celle de l’homme à l’haleine à l’ail : Marcus. Hum, apparemment ça ne s’est pas passé comme prévu. Devrais-je le leur révéler ? Je suis impressionné, mais je garderai cela pour moi.

    Il fit encore deux pas, un bruit sec ; quelque chose de lourd tomba et le fit reculer d’un pas.

    — Et merde ! dit-il à voix basse. Hé ! Réveille-toi ! Je sais que tu m’entends, continua-t-il, élevant légèrement la voix.

    Un grincement différent, un gémissement et encore ce bruit de sac tombant.

    — Ça va mieux. Bien. Regarde-moi ! Ne t’avise pas de faire un mauvais geste ! Sinon, tu vois cela ? Ça t’achèvera avant que j’aie besoin de faire un mouvement. C’est bien ! Tu viens avec moi à présent, ordonna-t-il.

    Il fit demi-tour et j’entendis la porte.

    Dans le couloir, se rapprochant de la pièce où je me trouvais, je distinguai deux pas différents : Marcus était suivi de quelqu’un d’affaibli et les pas de cette personne étaient plus légers. Il tourna la clé dans la serrure et la porte s’ouvrit.

    — Assieds-toi là, ordonna-t-il, et les pas, qui boitaient, passèrent près de moi et puis s’arrêtèrent.

    — Comme ça, dit-il alors qu’un léger clic se faisait entendre, je serai en sécurité. Quoique… Je suis sûr que tu seras plus intéressée par autre chose dans pas longtemps.

    Une nouvelle odeur. L’odeur… il y avait quelque chose dans ce deuxième arôme qui me dérangeait, me brûlait légèrement la langue, mais il y en avait un autre aussi, indéfini, qui m’arrêtait. Je refermai les paupières, me concentrant sur ces énigmes.

    Marcus s’approcha de moi et d’un coup arracha le drap qui me couvrait. J’entendis un hoquet derrière Marcus qui riait, content.

    — Ah ! Tu ne t’attendais pas à celle-là ! Eh oui, c’est bien elle. Mais celle qui est là n’est plus ta copine, mais ton ennemie ! On va la remettre sur pieds. Je crois qu’elle aussi est prête !

    Il me détacha les pieds puis les mains. Je gardai mes yeux fermés et je ne bougeai pas. Mon instinct me disait de lui sauter dessus, par surprise, rapidement, mais j’eus peur et je ne fis rien. La gifle qu’il me donna me brûla de sa haine et je voulus répliquer, mais finalement, de crainte, je ne fis rien. Il me souleva et m’installa durement sur une chaise, m’attachant les mains derrière le dos. Je laissai ma tête tomber, le menton collé contre la poitrine et j’attendis.

    — J’espère que ce ne sera plus long, continua Marcus. Lève la tête ! aboya-t-il et une autre gifle m’explosa sur la joue.

    — Non, ne faites pas ça !

    Je levai la tête et j’ouvris les yeux, m’attendant à trouver devant moi le visage de celui que je haïssais déjà. Il était comme je m’y attendais : grand, bouffi, avec les cheveux châtain clair et des yeux de rongeur, noisette, petits et fouineurs. Son regard rampant se posa sur moi et me fit penser à un reptile. Il aurait pu me donner la chair de poule, me faire peur, mais je commençais à comprendre qu’il ne méritait pas un tel honneur. Je redressai la tête et je le regardai droit dans les yeux ; il n’était pas du genre à aimer la franchise, je risquais encore une gifle. Et alors ?

    — Ha, ha, ha !

    La gifle qu’il me donna fut suivie de son rire idiot.

    — Toi, tu ne sembles pas effrayée du tout, dit-il en s’éloignant.

    Un léger bruit, un frottement le long du mur à l’extérieur de la pièce m’ont distraite de sa question. J’étais sûre qu’il y avait quelqu’un dehors, qu’il y avait du danger. Cette personne longea le mur en s’approchant de la porte. Ce ne pouvait pas être un de ses acolytes. Mais qui était-ce ? Marcus continua à m’épier, attendant ma réaction.

    — Je ne le suis pas du tout, finis-je par articuler, la tête ailleurs.

    Un sentiment bizarre, que je pouvais qualifier de joie, partit du centre de mon corps, me survola l’échine et se transmit dans chaque cellule à travers mon système nerveux.

    — Ce sera bientôt fini ! Vous - toutes les deux - allez rejoindre nos rangs rapidement, mais sous une autre forme… Nos équipes de recherche ont besoin de rats de laboratoire, ça suffit avec les expériences sur les nôtres…

    — Et toi … continua-t-il en pivotant sur ses talons, Tyrone a un peu de mal à nous écouter, mais avec toi en guise d’otage et en t’administrant le même traitement, il ne pourra plus nous échapper.

    — Ah !

    Cette voix me fit tourner la tête et je vis, à ma grande surprise, un visage que je regardai au début avec circonspection. Cette brûlure me revint encore, mais quand la fille me sourit timidement, le film se déroula à l’envers et je compris qui elle était : Vera ! Que faisait Vera, ma copine, ici ? Pourquoi ?

    Je n’achevai pas ma pensée, car le frottement dehors s’approcha encore et un autre visage, indistinct, surgit du tréfonds de ma mémoire et l’image d’une pluie d’étoiles avec son odeur parfumée au benjoin explosa à l’intérieur de ma tête. Des morceaux éparpillés d’anciens souvenirs se regroupèrent rapidement, se collèrent comme des clichés en sépia dispersés et formèrent un film qui se déroula en play-back dans ma tête. Ce film prit toute la place de ma vision et tout ce qui m’entourait disparut étrangement.

    — Comme ça, on aura deux Infectores¹ à la chasse des… inhumains, comme toi… Ha ! Ha ! Ha !

    L’air me râpa la joue quand son bras gifla Vera.

    — Comment ? dit Vera, en se retournant vers moi, le regard interrogateur. Que veut-il dire ?

    — Tu n’étais pas au courant ? Tyrone ne t’avait rien dit ? Pourtant, il le savait, lui… Ah, j’oubliais ! Il n’a pas eu le temps pour ça. Ça veut dire que… toi non plus…dit-il en me regardant. Ça ne m’étonne pas de lui. Flyer croyait qu’il allait me cacher assez longtemps ton existence, une aberration comme lui !

    Flyer ? … Marcus ne connaissait donc pas son vrai nom ? Moi, si ! …À présent, je me souvenais de lui, et de Sasakawa aussi. Marcus poursuivait son monologue, mais les mots n’arrivaient plus jusqu’à moi. Ils restaient en arrière et à chaque fois qu’ils avançaient vers moi, une barrière les renvoyait d’où ils étaient venus. Les souvenirs tournèrent dans ma tête, je vis son visage et enfin, je compris que ma vie d’avant avait trouvé un sens.

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