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L'Impasse
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Ebook147 pages1 hour

L'Impasse

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About this ebook

Un guide se met à saigner du nez et déroute une famille, un couple s'installe avec leur fils à Harlem pour faire fi des conventions, une fille redécouvre son vieux père lors d'une nuit du nouvel an à Dubaï, un homme s'impose de monter un sommet pour prouver qui il est, deux camionnettes se heurtent à La Paz, un fantôme apparait dans un bureau à Shinjuku...

De Paris à Shanghai, de New-York à Tokyo, recueil de nouvelles où voyage rime avec aventure. Ils habitent les tours des grandes capitales, installés dans leur repères ou loin de chez eux, ils semblent au fond s'interroger sur qui ils sont et le sens de ce qu'ils vivent.
L'auteur, grande voyageuse par ses fonctions internationales dans des maisons de luxe a vécu à Paris et aux Etats-Unis.

LanguageFrançais
PublisherMadeleine Ruh
Release dateMay 25, 2013
ISBN9781301506163
L'Impasse
Author

Madeleine Ruh

Shorts stories writer. Born in Paris. Live in San Francisco.Auteur de nouvelles.Grande voyageuse. A vécu à New York et Paris, vit actuellement à San Francisco

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    L'Impasse - Madeleine Ruh

    Un jour, cette vie lisse et polie comme un galet leur avait paru insupportable. Le doorman brandissant sa casquette et son « Good morning Sir, Mam, nice weather today ! » se tuant à la tâche pour payer son doctorat qui probablement ne serait jamais achevé. Le bouquet de fleur gigantesque dans le hall en marbre, dégueulant de couleurs. Le dong aseptisé de l’ascenseur entre les étages et les femmes passives avec leur coach de sport ou leur chien selon les heures, les maris l’air occupés pianotant déjà sur leur smartphone. Chaque fois qu’ils rentraient dans leur hall d’immeuble, ils suffoquaient.

    Depuis quelques mois, ils ne rendaient plus que les invitations des gens qu’ils appréciaient. Cela valait à Norha des regards plein de sous-entendus de petits groupes de mères aux brushing impeccables et aux ongles soigneusement manucurés, quand elle allait chercher son enfant à l’école internationale ; elle y allait une fois par semaine, comme elle se l’était promis, le jour du cours de guitare de Timotée.

    Depuis quelques semaines, ils faisaient de plus en plus d’escapades le week-end dans des flee markets le long des berges, d’où ils ramenaient des lampes improbables et des boites à trésor que Timotée collectionnait depuis peu.

    Ils appréciaient les brunchs dans des restaurants grecs ou hongrois découverts au hasard de leurs ballades ; la clientèle de quartier les entourait, en tablées bruyantes et gaies, autour de foie de veau haché avec des oignons, de fromage de chèvre couvert d’huile d’olive et de tranches de concombre et tomates.

    Ils avaient l’impression de revivre.

    Timotée s’accommodait bien de la vie dans cette nouvelle ville, dès qu’il les voyait contents, il rayonnait. Il avait une nouvelle manie, souffler sur sa mèche brune pour la soulever, mais il avait arrêté de se ronger les ongles, et sa mère en était fière.

    Ce soir là, Norha avait surfé sur internet pendant des heures. Elle avait couché Timotée et le bordant, et s’était demandée combien de temps encore il accepterait le câlin du soir.

    Michel tardait à rentrer du travail, pris par un gros dossier d’une société internationale où ses talents de juriste fiscaliste français le rendaient incontournable.

    Il l’avait appelée pour la prévenir, le ton un peu sec, comme chaque fois qu’il était entouré de collègues. Cela ne lui faisait plus rien, après bien des disputes lors de leurs premières années de mariage. Elle prenait Michel pour ce qu’il était, fantasque, narcissique, un rien paresseux et macho, mais tellement drôle aussi comparé à tous les autres.

    Et puis il la calmait. Elle qui aimait tout organiser, être parfaite, maitriser le temps, oui, jusqu’à le morceler. Il lui avait appris les longues nuits d’amour, les grasses matinées sous la couette, et les soirées largement arrosées, à refaire le monde entre amis.

    Norha s’ennuyait, être journaliste française à New York, n’était pas une mission facile, et aucun signe d’accueil bienveillant en deux ans ne lui avait été donné.

    Soudain sur l’écran du Mac, une photo l’interpella : une photo d’intérieur clair avec un grand escalier en colimaçon, et de larges fenêtres donnant sur un petit jardin vert.

    L’annonce était libellée ainsi, ou plutôt c’est ainsi qu’elle s’en souvint ensuite : belle maison, fraichement rénovée, décoration ayant du style et contemporaine, lumineux, trois étages, parfait pour une famille.

    En rentrant, Michel l’avait écouté attentivement malgré sa fatigue. Il hochait la tête, dénouant ses lacets et sa cravate, assis sur le rebord de leur grand lit.

    La maison de l’annonce était située dans Harlem, mais elle s’était renseignée, le Harlem sans danger, celui qui allait même monter en valeur probablement dans les années à venir, les jeunes couples bohêmes se lassant de Brooklyn devenu trop sage. Michel lui dit oui, et aussi à sa suggestion de changer Timotée d’école, et de le mettre dans le système américain rapidement.

    Le lendemain, Norha visitait l’endroit de ses rêves.

    Le taxi mit une éternité à arriver, elle ne savait plus bien si c’était l’embouteillage d’Upper East Side à cause de la pluie, la buée sur les fenêtres qui brouillait la vue, ou simplement l’impatience.

    Depuis plusieurs blocs, on ne voyait que des gens noirs, silhouettes colorées affairées ou observant les autres, assis sur des bancs. Harlem.

    Le chauffeur latinos lui déclara, en prenant le billet et le pourboire, et en la fixant de ses yeux un peu globuleux: «You know, it’s s strange that you come here, not a place for you ».

    Une petite femme, au visage et aux formes rondes, sa cinquantaine pimpante habillée de rouge, afficha un sourire jovial affiché pour l’accueillir sur le perron, ainsi abritée de la pluie.

    «Hello darling, you look like your voice ! » dit-elle d’une voix forte à Norha qui répondait à son welcome. La propriétaire s’appelait Rose Aymée, et pendant qu’elle visitait les lieux, elle berça l’arrivante d’un flot de paroles, mêlant conseils pratiques, considérations philosophiques et compliments sur la taille fine de Norha et son joli grain de peau. « Dark skin is a headache to treat, you know!  I hate hashiness » dit-elle en riant.

    La maison était digne d’une rock star : salle de bain effet or et baignoire en forme de coquillage géant, grands miroirs un peu partout, cuisine laquée noire, dans un espace architecturé, et baigné de lumière malgré le temps pluvieux.

    Norha voyait déjà où mettre les grandes toiles qu’elle avait achetées ces deux dernières années et qui s’entassaient dans le bureau de Michel.

    Les mains sur le cœur, et soudain l’air d’une gamine enthousiaste du haut de sa trentaine, elle s’écria :

    « I love it. I just love it! »

    Rose Aymée sourit, pleine d’orgueil, elle avait mené les travaux seule, au décès de son mari, et s’était la première maison de ses nombreux investissements.

    Elle aurait pu profiter de la situation et monter les prix, mais elle aimait bien cette jeune femme un peu inquiète, au teint pâle et aux longs cheveux, cachant presque ses yeux par sa frange.

    La photo du mari et du garçon, que Norha avait sorti de son portefeuille à sa demande, lui plaisait.

    « Darling, Ok, it’s your home! You come when you want to, we’ll help you! »

    Le jour du déménagement, c’était plus compliqué que prévu.

    Les déménageurs habituels refusèrent de transporter des meubles dans ce quartier. Trop risqués, affirmèrent-ils.

    Au final, ils payèrent au noir un transporteur que connaissait Rose Aymée. Ils arrivèrent un soir du mois de Juin, avec les fameuses toiles que Norha ne voulait pas voir abimer, et quelques objets précieux, et l’écran plasma.

    Quand ils arrivèrent, dix jeunes black du quartier les attendaient, les uns assis sur les marches, les autres allongés sur la balustrade en fer forgé. Il faisait lourd, et tout le monde était en débardeur et short.

    Ils se levèrent tous ensemble, et entourèrent le fourgon, ni menaçant, ni cordiaux non plus.

    Michel, se raclant la gorge, demanda : « Tu crois qu’ils veulent quoi ? Nous aider ou regarder la maison pour ensuite nous cambrioler ? » Norha le foudroya du regard pour le faire taire.

    Le chauffeur de la camionnette était mal à l’aise, et leur demanda de partir dès que les objets furent à terre.

    -« Mam, can we help you? » dit un grand gars musclé, en la regardant droit dans les yeux.

    Elle sourit, gênée, il était trop proche d’elle à son goût, et évidemment Michel regardait ailleurs.

    L’un des garçons apprenait à Timotée comment serrer la main de manière virile, avec une chorégraphie compliquée, et d’inquiet, le visage de l’enfant était devenu souriant.

    Les tableaux étaient lourds, et Michel et elle-même ne pourraient pas les monter tous seuls par l’escalier. Norha hésitait à leur faire voir la maison, comme embarrassée par l’opulence du lieu, dans un quartier aussi pauvre.

    Soudain, Rose Aymée apparut en haut des marches, leur demandant de tout monter avant la nuit.

    Surprise, Norha fit un signe de la main, pour garder contenance. Rose Aymée avait la clé et cette idée lui déplaisait, quelqu’un pouvait rentrer à tout moment du jour et de la nuit, chez eux.

    La première nuit, elle ne ferma pas les yeux, concentrée sur les bruits nouveaux. Des sirènes de voitures de police ou pompier, des airs de musiques raps, des appels aussi, des voix d’hommes, des klaxons tard dans la nuit.

    Timotée pleura le lendemain soir. Ils n’avaient pas trouvé de taxi pour le ramener de l’école et était arrivé le matin avec elle limite de l’heure de la cloche. Ils décidèrent en attendant l’inscription à la nouvelle école, de prendre les services d’une limousine, matin et soir.

    La deuxième soirée, les flics arrivèrent vers vingt-trois heures, et sonnèrent.

    Un groupe se forma aussitôt autour de la porte, avec des femmes qu’elle avait vu à l’épicier du coin, et aussi le garagiste d’à côté et un homme d’une soixantaine d’année, la tête ornée de dreadlocks grises.

    Les policiers étaient aussi noirs, la panse sortant de leur ceinture, nourris au fast-food et dougnuts. Ils leur demandèrent leurs papiers qu’ils observèrent longtemps, la mine crispée. Ils les accusaient d’avoir mal trié les ordures. Les cartons du déménagement s’étaient entassés la veille dans la rue.

    S’ensuivit une sourde dispute avec leurs voisins, où l’argot dominait, ce qui fit que ni Michel ni Norha ne comprirent rien.

    Après vingt minutes de palabres, les policiers partirent en menaçant du doigt les deux hommes noirs, qui les avaient comme protégé de leurs grands corps.

    L’homme aux dreadlocks sourit à Norha, et donna une grande

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