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Atl et le Nécromancien
Atl et le Nécromancien
Atl et le Nécromancien
Ebook313 pages4 hours

Atl et le Nécromancien

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About this ebook

Atl est une petite fille Maya qui n'a rien de particulier. Elle ne comprend pas pourquoi elle serait transportée dans un monde étrange, dangereux et magique sous l'emprise d'un magicien noir. C'est pourtant ce qu'il lui arrive. Elle devra apprendre à survivre seule, et à faire la part entre ceux qui lui veulent du bien et ceux qui la manipulent.

Un livre de fantasy réaliste qui plonge une petite fille dans une aventure fantastique qui la dépasse, mais qu'elle devra comprendre tout de même si elle veut survivre.

LanguageFrançais
PublisherJulien Boyer
Release dateJun 29, 2013
ISBN9781301633685
Atl et le Nécromancien
Author

Julien Boyer

Je suis un geek néo-nomade. Si vous vous imaginez un boutonneux à lunettes sur un chameau cybernétique, vous n'y êtes pas du tout. Mais kudos pour votre imagination. Je traverse les contrées de cette petite planète le pouce en l'air et un ordinateur en poche. Quand on aura colonisé Mars, j'irais y faire du stop et y écrire des romans. Je m'arrête de temps en temps. Vous me trouverez alors vissé dans un ordinateur, en train d'écrire mon prochain roman, de bénévoler pour une alternative quelconque ou d'organiser la révolution. J'ai beaucoup d'imagination. C'est ma force et mon calvaire. Parce que d'un coté ça me permet d'écrire de bonnes histoires. Mais de l'autre, j'ai l'impression de vivre dans le passé. Le futur m'intéresse au plus haut point et j'ai hâte qu'on y soit. En attendant, je ronge mon frein.

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    Book preview

    Atl et le Nécromancien - Julien Boyer

    Préface

    J’aurais voulu appeler ce livre Le livre de la Jungle. Malheureusement le titre était déjà pris. L’idée de ce livre est née des jungles du pays Maya et c’est là qu’il nous conduit tout droit. Ce n’est pas une figure de style. Il s’agit d’une aventure réelle, en chair et en os. Le retour vers la jungle s’expliquera au dernier chapitre, qui est en fait le premier chapitre de la véritable aventure.

    Mais, passons, je ne veux pas vous gâcher la surprise.

    Je vous dévoile tout de même un détail : Atl n’est pas complètement fictive. Elle existe pour de vrai.

    Exploration solitaire

    Les symboles gravés sur la stèle étaient difficiles à déchiffrer. Il rapprocha sa torche vacillante, scrutant intensément la pierre noire. Il n’avait que peu d’avance sur le Nécromancien. Il fallait faire vite.

    Cette jungle, il l’avait déjà traversée dans sa jeunesse. Ses souvenirs s’étaient révélés utiles et il avait quelques heures d’avance. Peut-être pas tant...

    La stèle avait mal vieilli. Sa surface patinée par les intempéries était couverte de gravures atténuées, certaines portions effacées. Il posa le doigt sur un signe. Pays ? Ile ? Il fouilla sa mémoire, à la recherche de symboles similaires. Ça allait prendre longtemps.

    Les heures s’étaient écoulées, la nuit était tombée. Il était pleinement conscient que la lueur de sa torche trahissait sa présence à plusieurs kilomètres à la ronde. Mais maintenant qu’il avait trouvé la pyramide, il ne repartirait pas sans avoir déchiffré le message laissé par les chamanes du passé. Tout dépendait de cette inscription. Et à mesure qu’il déchiffrait, les battements de son cœur s’accéléraient. Et ce n’était pas que l’angoisse de savoir que le Nécromancien pouvait le surprendre à tout moment. Il avait suffisamment déchiffré le message pour comprendre pourquoi le Nécromancien tenait tant à faire disparaitre la stèle. Là, sur la pierre, était la clé de sa destruction. Encore quelques minutes et il saurait exactement où chercher ; quand attendre.

    Dehors, le Nécromancien n’était plus loin. Vite...

    Atl de Yucatan

    Atl était une petite fille mexicaine somme toute assez ordinaire   : elle avait deux parents, un petit frère et une meilleure amie qui s’appelait Natalia. Elle avait aussi deux chiens qui aboyaient tout le temps et un grand cactus sans épines dans son jardin, comme tout le monde. Elle n’était ni très grande, ni très petite. Elle n’aimait pas trop la cuisine de sa mère et son père ne la battait pas trop souvent. Elle habitait un village pas trop petit, à côté d’une ville pas trop grande, dans la province du Yucatan. Le Yucatan est une grande plaine toute plate chauffée par le soleil et dont les seules éminences sont les quelques ruines mayas qui parsèment le pays.

    On était dimanche et elle se rendait chez son ami Cédric. Ce dernier était un adulte, mais dans sa tête il n’était pas beaucoup plus vieux qu’Atl. Il parlait avec un drôle d’accent qu’elle trouvait très drôle, mais elle ne devait pas trop se moquer sinon il se fâchait. Il n’était pas d’ici, mais de France ou d’Allemagne, Atl n’arrivait jamais à se souvenir lequel. Il était programmeur. Ça veut dire qu’il a toujours la tête dans son ordinateur.

    Elle l’avait rencontré deux ans auparavant. Un jour où elle avait accompagné son père au travail. Son père était jardinier et il travaillait le samedi dans le jardin du bâtiment de Cédric. Atl l’accompagnait souvent, quand sa Mère était trop occupée.

    Au départ, elle avait eu un peu peur de ce grand gringo avec ses cheveux en bataille et son t-shirt noir trop grand pour lui. Il était descendu dans le jardin, leur avait fait un petit signe de tête et s’était assis sur la chaise branlante, derrière la table en plastique, sous le palmier. Il avait aussitôt sorti un ordinateur portable de son sac à dos, l’avait déplié et s’était planté devant comme si ç’avait été une télé. Atl l’avait observé du coin de l’œil le temps que son père finisse. Le gringo n’avait pas cessé de fixer son ordinateur, ne serait-ce qu’une seconde. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y faire ? C’est seulement une fois que son père eut rangé ses outils et qu’ils passèrent à côté de lui que le gringo décrocha les yeux de son écran, pour leur faire le même petit hochement de tête silencieux que quand il était arrivé. C’était comme ça qu’on disait bonjour et au revoir dans son drôle de pays ?

    La fois suivante, il était déjà dans le jardin quand ils étaient arrivés. Il échangea même quelques mots avec son père, avec son accent bizarre, avant de se pencher sur son écran à nouveau, sans jamais lever les yeux. Au bout d’une demi-heure, comme elle s’ennuyait, elle décida d’aller voir ce qu’il faisait. Ça devait être super-important pour qu’il soit aussi concentré. Quand elle vit ce qu’il y avait sur l’écran, elle resta stupéfaite un moment. Elle n’avait jamais vu d’aussi belles images. Et le gringo semblait les contrôler... Elle resta derrière lui à regarder jusqu’à ce qu’il la remarque.

    — Ben quoi ? T’as jamais vu un jeu vidéo ?

    Il lui avait montré un peu comment ça marchait le temps que son père finisse. Et le samedi suivant, elle demanda à accompagner son père même si sa mère était à la maison. Cédric était là, comme s’il n’avait pas bougé de la semaine.

    — Je me disais bien que t’allais revenir.

    Il y avait une deuxième chaise devant l’ordinateur. C’est comme ça qu’ils étaient devenus amis.

    Pendant un an et demi, quand les parents d’Atl allaient en ville faire leurs trucs de grands, ils la laissaient souvent chez Cédric pour qu’il la garde. Mais maintenant qu’elle était grande, elle n’avait plus besoin d’un babysitteur. Ils étaient plus comme des potes. Il la battait aux jeux de stratégie, mais c’était-elle la meilleure dans les jeux d’aventure.

    Mais aujourd’hui, Atl ne se rendait pas chez lui pour jouer. Elle avait quelque chose d’important à lui montrer. Cédric était très intelligent. Il savait beaucoup de choses qu’il avait apprises dans tous ses livres ou sur internet. Elle espérait qu’il allait pouvoir l’aider à résoudre un mystère.

    Elle descendit du bus à deux coins de rue de chez lui et se rendit à sa porte. Elle était dispensée d’école même si c’était un jeudi, parce qu’elle venait de revenir de... de l’enterrement de sa Grand-Mère. Elle était encore très triste, car elle avait beaucoup aimé sa Grand-Mère. Mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un peu d’exaltation de se balader comme ça, dans la rue, alors que tous les autres enfants étaient à l’école.

    Quand elle arriva devant chez Cédric, elle se sentait un peu coupable, de ne pas porter le deuil plus sérieusement.

    Le bâtiment de Cédric faisait l’angle de la rue. Il y avait un petit jardinet qu’on devait traverser avant d’arriver à l’entrée. Le vrai jardin était à l’arrière. Elle appuya sur l’étiquette de son nom, à l’interphone, pendant quelques secondes et attendit. Pas de réponse. Elle savait bien qu’il était là pourtant, car elle entendait la musique à fond de sa fenêtre. Son appartement était au premier étage, à gauche de l’entrée. Elle mit ses mains en porte-voix de chaque côté de sa bouche et cria : « Cédric ! » Ça ne servait à rien, avec cette musique infernale...

    Après avoir passé une minute à crier et à sonner sans résultat, Atl décida de monter voir.

    Grimper au premier aurait été impossible sans l’arbre qui poussait dans le jardinet. Un beau flamboyant à branches basses. On pouvait arriver à la hauteur de la terrasse du premier si on n’avait pas peur. Atl n’avait pas peur, parce qu’elle avait l’habitude. Dans son village, c’était une des meilleures grimpeuses.

    De l’arbre, elle pouvait voir par la fenêtre dans l’appartement. Cédric était là, devant l’évier de la cuisine. Il lui tournait le dos et, face à son miroir, le visage couvert de mousse blanche, il se rasait avec beaucoup de concentration. La musique était tellement forte et Cédric était tellement concentré qu’il ne s’était même pas rendu compte de la présence d’Atl.

    Cette dernière se fendit d’un petit sourire espiègle. Elle attendit qu’il éloigne le rasoir de son visage et cria de toutes ses forces : « Baja la musica ! ».

    Cédric fit un bond presque jusqu’au plafond, qui était bien bas. Il se retourna tout tremblant vers elle qui riait aux éclats et la fixa d’un air furieux.

    — Tu m’as fait une de ces peurs !

    Atl en riait de plus belle. Il pointa vers elle un doigt accusateur.

    — Je t’ai déjà dit de ne plus jamais faire ça !

    Mais Atl savait bien qu’il n’était pas sérieux.

    — Aide-moi à rentrer, demanda-t-elle.

    Le visage encore couvert de mousse, il vint lui tendre la main pour l’aider à passer de la branche de l’arbre à la petite terrasse.

    Cédric se rinça le visage et, seulement à moitié rasé, se tourna vers Atl, tout excité :

    — Alors, tu l’as apporté ?

    Atl hocha la tête énergiquement et sortit une boite à chaussures de son sac à dos.

    Dans cette boite, il y avait tout ce que sa Grand-Mère lui avait laissé. Ses jouets préférés quand elle était petite, quelques objets qu’elle aimait bien, quelques autres dont elle ne se rappelait pas vraiment et puis un étrange cahier rempli de notes. C’était ce qu’elle voulait montrer à Cédric. Atl réprima un sanglot en le lui donnant. Elle avait pleuré toute la semaine déjà. Mais maintenant, Grand-Mère était en terre. Enfin, aux Cieux. Il fallait arrêter de pleurer comme une gamine.

    Cédric prit le cahier d’apparence banale, dont les pages étaient couvertes d’écritures mayas. Atl, qui parlait le maya parfaitement, n’avait rien compris au sens des notes. Une suite de chiffres et de symboles sans queue ni tête. Elle pensait que Cédric, avec ses livres et son internet, arriverait peut-être à le comprendre.

    Mais Cédric ne parlait pas le maya. Atl dut passer des heures à lui déchiffrer les mots du cahier. Et Cédric les recopiait en français (ou en allemand, elle n’était pas sure) dans un gros cahier.

    Il faisait nuit noire quand ils arrivèrent à la dernière page. Atl avait dû appeler à la maison pour dire à sa mère que Cédric lui payerait le taxi pour rentrer. Elle avait de bonnes chances de se prendre une raclée de son père, taxi ou pas. Mais elle voulait absolument comprendre le cahier de sa Grand-Mère.

    Enfin, quand ils eurent fini, Cédric poussa un long soupir.

    — Tu vas me prendre pour un fou, mais c’est un algorithme.

    — Cédric ! Parle espagnol ! Je ne comprends rien !

    — C’est des math ! Des math très complexes. Et très bien décrit. Mais sans queue ni tête... J’ai du mal à en comprendre le but. Il faudrait l’exécuter...

    — Ça va faire quoi ?

    — Ho, il y en a pour cinquante pages. J’ai pas un compilateur dans la tête.

    Parfois, Cédric disait des choses qui ne voulaient rien dire. Mais Atl arrivait toujours à lui faire expliquer.

    — On peut le mettre sur un ordinateur ?

    — Ben... Oui. C’est programmable. Ça ne va probablement rien faire, mais on pourrait essayer. Le langage est simpliste, mais les instructions sont très claires. Avec une procédure de test récursive, on arriverait peut-être à... » bla-bla-bla, voilà qu’il repartait dans son patois.

    Elle l’interrompit.

    — Tu peux le faire marcher ?

    Il resta interdit un moment.

    —Je peux essayer, mais ça va probablement provoquer un gros plantage.

    Atl savait qu’un plantage, c’est quand l’ordinateur est bloqué. Quand ça arrivait, ça rendait toujours Cédric furieux. La première fois qu’elle avait vu ça, ça lui avait fait un peu peur. Mais elle avait compris qu’il n’était pas vraiment en colère.

    — Non, continua-t-il, le vrai problème, c’est de savoir où ta Grand-Mère a trouvé ça. Un algo écrit sur du papier et en maya...

    — C’est elle qui l’a écrit. C’est son écriture.

    Cédric haussa les sourcils d’un air sceptique : « Elle avait un ordinateur ta Grand-Mère ? Elle faisait des math ?

    Atl savait bien que sa Grand-Mère n’avait jamais touché à un ordinateur. Déjà, elle ne comprenait pas comment faire marcher la télécommande de la télé. Quant aux math elle ne l’avait jamais vu en faire.

    — Non, je crois pas.

    — Eh ben, on est devant un drôle de petit mystère. Tu sais quoi, je vais essayer de l’écrire, ce programme. Ça va probablement servir à rien, mais j’arriverai pas à dormir tant que j’en n’aurai pas le cœur net.

    Atl poussa un petit cri d’excitation.

    — On va descendre te chercher un taxi, continua-t-il et je vais commencer tout de suite. J’aurai peut-être fini demain. Tu reprends l’école quand ?

    Le sourire d’Atl se transforma en grimace amère.

    — Ben demain. Mais je viens sur la place de la mairie après.

    — Parfait. Passe me voir une fois que t’auras fini.

    * * *

    Dans le taxi qui la ramenait chez elle, Atl était tout excitée de ce que Cédric allait faire avec les formules du cahier de sa Grand-Mère. Quand elle arriva, il était déjà dix heures du soir et sa mère n’était pas contente du tout.

    — Va au lit tout de suite ! On va bien voir si tu arrives à te réveiller demain matin !

    Elle passa par la cuisine pour éviter son père qui était dans le salon, probablement en train de finir un pack de bières.

    Elle entra dans la chambre sur la pointe de pieds. Son petit frère Joaquim dormait déjà surement. Mais il avait le sommeil léger. Avant même qu’elle ait eu le temps d’atteindre son hamac, elle l’entendit chuchoter en boucle comme une chanson.

    — Atl elle est amoureu-seu. Et Cédric c’est son amoureux-eu !

    Elle poussa son hamac du pied et il se mit à balancer de gauche à droite en protestant.

    — Tu dis n’importe quoi !

    Pour se venger du coup de pied, il se mit à murmurer le générique du dessin animé qu’Atl détestait le plus. C’en était trop. Atl se jeta sur son hamac, se glissa dedans et, ignorant ses murmures affolés, chercha ses côtes à tâtons et lui administra une bonne dose de chatouilles. Joaquim les craignait beaucoup, il gesticulait dans tous les sens, laissant échapper des gloussements paniqués qui n’allaient pas manquer de faire rappliquer Maman. Tant pis, il l’avait bien mérité. Effectivement, la porte vibra soudain sous les coups et la voix de Maman tonna à travers.

    — Arrêtez de faire du boucan vous deux ! Au dodo, tout de suite !

    Atl s’extirpa du hamac de Joaquim avec un sourire satisfait sur le visage.

    — Tu vas me payer ça ! l’entendit-elle chuchoter, alors qu’elle s’étendait dans son hamac.

    Elle eut du mal à trouver le sommeil, malgré sa fatigue. Elle pensa à sa Grand-Mère et sa gorge se serra. C’était la mère de sa maman. Elle avait habité dans un tout petit village où personne ne parlait espagnol très bien. Atl était obligée de parler maya avec elle. C’était pour ça qu’elle le parlait si bien. Sa Grand-Mère, c’était le docteur du village, c’est-à-dire qu’elle savait faire des remèdes avec les herbes et tout le monde allait voir la « vieille sorcière » quand ils étaient malades. Atl avait passé beaucoup de temps en sa compagnie et elle savait bien qu’elle n’était pas une vraie sorcière. Les gens du village l’appelaient surement comme ça pour rire.

    * * *

    Sans surprise, Atl peina à se lever. L’école commençait à sept heures, mais avant, elle devait donner à manger aux poules. Il y en avait cinq dans le jardin. Il était déjà six heures et demie quand elle se mit en chemin vers l’école, qui était à une heure à pied de la maison.

    Atl ne faisait jamais tout le chemin en marchant. Une fois qu’elle arrivait sur la départementale, il y avait toujours un professeur ou les parents d’un autre élève de l’école ou un ami de ses parents qui passait en voiture. Elle espérait que ce ne serait pas son professeur d’espagnol. Il habitait dans le même village qu’elle et c’était lui qui s’arrêtait pour elle la moitié du temps.

    Elle marchait déjà depuis vingt minutes déjà lorsqu’une voiture klaxonna derrière elle. Elle se retourna en croisant les doigts et vit que c’était celle des parents de Natalia, sa meilleure amie. Son cœur fit un petit bond de joie et elle se précipita pour les rejoindre.

    Avant de monter, elle pensa bien à remercier les parents de Natalia. Puis elle se précipita sur le siège arrière et elle fut soulagée de voir que le frère de Natalia n’était pas là. « Javier est malade » expliqua Natalia. Aussitôt qu’elle eut refermé la portière, les deux filles se lancèrent dans une de ces grandes conversations chuchotées, qui avait le don d’exaspérer les grands.

    — Alors, il a compris ce que ça voulait dire ? demanda Natalia. Elle parlait du cahier de sa Grand-Mère. Atl le lui avait montré avant d’aller voir Cédric. Elle n’y avait rien compris non plus, bien qu’elle parlât maya très bien elle aussi.

    — Pas tout a fait. Il dit que c’est un programme et qu’il va essayer de l’écrire sur son ordinateur.

    — Un programme ? Il est fou ! Ta Grand-Mère n’a jamais touché un ordinateur !

    — En attendant, c’est le seul qui a l’air d’y comprendre quelque chose.

    — Il parle maya ?

    — Non, je lui ai tout traduit et il a pris des notes. Il en a rempli au moins deux cahiers comme celui de Grand-Mère...

    Atl sentit son estomac se contracter. Elle prit une grande inspiration, maitrisant un sanglot et continua :

    — Et il a fait plein de dessins sur des feuilles. Je sais pas comment il va faire pour s’y retrouver dans tout ça.

    Natalia était tout émerveillée des possibilités d’avoir un programme d’ordinateur écrit par une grand-mère maya.

    — Tu crois que c’est un jeu vidéo ?

    — Ouah ! Ça serait trop bien !

    Elles passèrent la suite du trajet à discuter de possibles jeux d’exploration de pyramides pleines de fantômes et de jungles infestées de jaguars.

    * * *

    À l’école, Atl ne pouvait pas se concentrer. « ...démontrez que les points B’, P et R sont alignés »... Impossible de s’y mettre. Elle pensait à sa Grand-Mère, chez qui elle allait souvent avec son frère. Sa maman disait que c’était parce que « la vieille » les réclamait ; mais sa Grand-Mère, bien qu’elle ne dît rien, donnait l’impression que sa mère avait besoin d’« être tranquille de temps en temps ».

    Atl avait cessé de fixer des yeux le problème que monsieur Qemal leur avait donné à résoudre en quinze minutes. Elle regardait par la fenêtre.

    C’était sa Grand-Mère qui lui avait appris à faire des gâteaux. Le soir, elle la couchait avec Joaquim dans le salon car il n’y avait que deux pièces dans sa petite maison. Elle leur racontait les vieilles légendes mayas que Maman avait oubliées. Atl adorait ces histoires. Au lieu de s’endormir, comme son frère, elle gardait les yeux grands ouverts et posait des questions de temps en temps. Sa Grand-Mère et elle avaient de longues discussions sur ces histoires anciennes. Parfois elle refusait de répondre à ses questions et lui disait que c’était l’heure de dormir. Une grosse main apparut devant les yeux d’Atl et claqua des doigts. Elle fit un bond sur sa chaise.

    Monsieur Qemal était juste devant elle. La classe étouffait avec peine ses éclats de rires.

    — Tu nous corriges le problème au tableau, Atl ?

    Son estomac s’enfonça d’au moins vingt centimètres dans son ventre.

    Elle sortit de l’école à midi, comme tous les jours, un peu énervée à cause des trois points qu’elle avait perdus pour avoir été incapable de résoudre le problème. Mais elle était tout de même contente parce que Natalia lui avait donné un bracelet pour la consoler. « J’en ai deux comme ça, je voulais te donner celui-là de toute façon » avait-elle expliqué. Elle rentra chez elle pour aider sa mère à préparer le repas de midi qui, au Mexique, se mange plutôt vers 2h.

    Après manger, elle prit son sac à dos, rempli de boites de chewing-gum pour aller les vendre en ville. Alors qu’elle marchait en attendant qu’une voiture s’arrête, elle regardait les perles de plastique de son nouveau bracelet avec un grand sourire. Elle avait complètement oublié sa mauvaise note en math.

    Cette fois-ci, c’est un ami de son père, monsieur Santos, qui s’arrêta pour elle alors qu’elle marchait depuis seulement dix minutes. Elle était contente, parce que monsieur Santos a une camionnette et elle pouvait monter dans la caisse à l’arrière. Elle aimait bien s’accrocher à l’armature, debout. Le vent sur son visage lui faisait pleurer des larmes qui roulaient vers ses tempes avant de sécher en contractant sa peau. C’était drôle de pleurer sans avoir mal. Quand monsieur Santos passait sur un trou, ça la faisait sauter. C’était plus facile de ne pas penser à l’après-midi qui l’attendait depuis l’arrière d’une camionnette tressautante. Au bout d’un moment beaucoup trop court, il la déposa à trois coins de rue de la mairie, où elle était censée se rendre.

    Elle passa toute l’après-midi et la soirée à vendre ses chewing-gums sur la place et dans le parc, tout en pensant à Cédric qui devait avoir fini son programme. Elle faisait passer le temps en admirant les perles de son nouveau bracelet qui était quand même super. Surtout que Natalia en avait un pareil. Elle était bien fatiguée quand la grande horloge de la mairie indiqua sept heures. Elle en avait vendu pour 150 pésos (ça fait à peu près 8 euros). C’en était assez. Il était temps d’aller voir Cédric.

    * * *

    — Cédric ! Ho Cédric !

    Pas de réponse. Et cette fois, pas de musique. La lumière était éteinte. Où pouvait-il être ? Il savait bien qu’elle devait passer !

    Alors qu’elle l’appelait pour la cinquième fois, une dame se pencha au balcon d’à côté.

    — Cédric n’est pas là, répondit-elle.

    — Désolée de vous avoir réveillée ! s’excusa Atl aussitôt.

    — Oh pas du tout ! dit la dame avec le sourire, C’est juste qu’il m’a donné quelque chose pour toi, au cas où il ne serait pas là quand tu viendrais. Ne bouge pas, je descends.

    Atl était très intriguée et elle trouva que la dame prenait beaucoup de temps pour descendre. Enfin, la lumière s’alluma dans la cage d’escalier et la porte du bâtiment s’ouvrit.

    — Voilà, c’est juste ça.

    La voisine lui tendit une petite clé USB. Atl sentit un grand sourire s’épanouir sur son visage. Ça devait être le programme de sa Grand-Mère que Cédric avait déjà terminé !

    — Merci beaucoup madame !

    Elle se dépêcha pour ne pas rater le dernier bus.

    En chemin, elle trépignait d’impatience. Enfin le bus arriva dans le village voisin du sien. Elle se mit à marcher les cinq kilomètres jusqu’à son village à elle, où le bus ne passait pas. Elle était tellement excitée qu’elle craignait de ne jamais pouvoir tenir une heure le temps d’arriver. Heureusement, madame Perez s’arrêta pour elle à peine cinq minutes plus tard et la déposa devant chez elle. Elle rentra dans la maison en courant.

    — Tu arrives bien tard ! lui dit sa mère en baissant le son de la télé, Mets l’argent dans la boite et va diner. Il y a des tacos dans la cuisine.

    — Je peux allumer l’ordinateur ?

    — Bon, mais pas longtemps. Et après tu vas faire tes devoirs.

    Et sa mère rétablit le son de la télé. Atl lui tourna le dos sans lui dire « Adieu ». Comment aurait-elle pu deviner que c’était la dernière fois qu’elle la voyait ?

    * * *

    C’était un vieil ordinateur qui prenait bien cinq minutes pour démarrer. Elle mangeait ses tacos pendant l’écran de chargement. Elle ne tenait plus en place et retournait sans cesse la clé USB de Cédric dans sa main. C’est à ce moment-là que tout bascula. Une fois l’ordinateur prêt, elle inséra la clé dedans et, le cœur battant, elle attendit que le programme se lance.

    Il y eut comme un bug. La souris se bloqua, l’ordinateur se mit à faire de drôles de bruits. Et tout à coup, l’écran s’éteignit et un grésillement se fit entendre. Une grande étincelle jaillit de l’unité centrale et une épaisse fumée s’en échappa. Atl, complètement paniquée, se jeta sous la table pour tout débrancher. Elle plongea dans le nuage de fumée produit par l’ordinateur, arracha la prise, se releva et se sentit prise de nausée. Ses yeux lui piquaient. Elle tituba vers la porte de la cuisine, les yeux fermés et se cogna à quelque chose qui la fit tomber.

    Elle se releva tant bien que mal. L’ampoule avait dû bruler, car il faisait tout noir. Ses yeux

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