Qui a tué?
By Eric Pilon
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Deux morts suspectes, l'une au Vatican, l'autre dans les rues de Paris. Deux frères, sans doute les plus célèbres du vingtième siècle, assassinés à quelques années d'intervalles. Enfin, une liste énigmatique qui contient des noms de personnes décédées dans des circonstances soi-disant étranges.
C'est ce que nous présente Eric Pilon dans le premier livre de la série « Complots imaginaires ». Deux mots qui résument à eux seuls le contenu de cet ouvrage. Complots parce que les hommes conçoivent mal que les événements dont il est question ici n'aient pas été le fruit de manœuvres menées derrière les rideaux par des personnages de haut rang trop pressés d'en finir avec de coriaces rivaux. Imaginaires parce que, comme l'auteur s'évertue à le démontrer, l'imagination exubérante de quelques-uns contribue à enflammer les foules et à discréditer, chaque fois, les versions officielles.
Lady Diana, le pape Jean-Paul 1er et les frères Kennedy ont-ils été la cible d'un complot? L'étrange liste qui circule sur Internet et que l'on appelle « Clinton body count » est-elle une fumisterie? Eric Pilon répond à ces questions en confrontant les versions et les sources, ce qui nous donne un livre passionnant, où la fiction ne saurait empiéter sur la réalité.
Eric Pilon
Diplômé des sciences politiques, Eric Pilon a plus d'une corde à son arc.Auteur depuis quelques années, Eric a écrit trois livres : Qui a tué, premier tome de la série Les complots imaginaires, Le crime du siècle, un succès depuis sa parution sur la boutique Kindle, et Le zoo, son deuxième et dernier roman. Amateur d'espionnage, de mystères et fin connaisseur du crime organisé, Eric puise ses influences entre autres dans le cinéma français et américain. Il est aujourd'hui reconnu comme l'un des auteurs indépendants francophones les plus populaires d'Amazon.Amoureux de la langue française, il partage sa passion en offrant des articles sur des conseils en matière d'écriture sur son site d'auteur, disponible à l'adresse suivante : www.ericpilon.com.Eric se consacre à l'écriture d'un troisième roman, La passerelle du Jihad, qu'il compte publier cet automne.
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Qui a tué? - Eric Pilon
Introduction
Qui a tué? S'il y a une question qui réfère à un absolu dans l'imaginaire des « théoriciens » de la conspiration, c'est bien celle-là. Dans les sociétés issues des grandes révolutions, le meurtre représente le crime ultime, alors que le meurtrier incarne la froideur calculée du désir macabre. Mais même dans ces sociétés dont on dit qu'elles sont civilisées, le meurtre n'a pas valeur égale — on entend par là la « valeur morale » —, car celle-ci, à une époque où l'homme s'invente constamment des héros, résulte de l'importance de la victime et du rang que celle-ci occupait dans sa communauté. Un clochard n'a malheureusement pas la même « valeur » qu'un ouvrier ou un bureaucrate qui contribuent à l'impôt, cependant que le meurtre d'un ouvrier ou d'un bureaucrate ne sera pas souligné de la même façon que celui d'une haute personnalité publique.
Pour les conspirationnistes, ce calcul est important : un assassinat commis à l'endroit d'une personnalité de premier plan, comme un président américain par exemple, tombe dans la catégorie des événements pluriels, ordonnés, donc, par un mouvement collectif. Un seul individu ne peut en vouloir à un si grand homme, dira-t-on en coulisse. Ainsi, un déséquilibré peut s'en prendre à la vie d'un parent, d'un voisin ou d'un simple quidam, mais certainement pas à un président, qui ne peut être victime que d'un complot, en général ourdi par un « consortium » composé d'escrocs qui s'accommodent mal de l'influence diffuse de cette personnalité dominante.
Sous le soleil de plomb qui brille sur ces personnages politiques comme apolitiques se cachent, dans quelque recoin ombrageux, des esprits dotés d'un sens inné de la haine, prêt à en découdre avec le premier venu — de haut rang — sinon avec le monde entier. Trouvez-moi une victime et je vous trouverai un assassin. Mais trouvez-moi une victime notable et je vous trouverai une cabale. Derrière cette prémisse se camoufle la logique du déterminisme dans la mesure où chaque événement est analysé sous le prisme de la raison. Cela peut, au préalable, paraître singulier, mais n'est-ce pas la raison qui nous pousse à commettre un acte calculé? Le conspirationnisme ne serait donc pas le produit d'une folie passagère.
Ici donc, deux notions s'affrontent : au départ, la réflexion du conspirationniste s'instruira de la raison, mais celle-ci finira par lui tourner le dos pour lui préférer le principe de « préconception », non pour des considérations logiques, mais pour mieux appréhender le phénomène par suppositions. C'est possiblement la « raison » qui a tué John F. Kennedy, mais c'est davantage la préconception qui nous fait croire qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul tireur sur la Dealey Plaza. Quelles que soient les hypothèses suggérées, elles se servent de cette idée dominante selon laquelle Lee Harvey Oswald, ce « simple d'esprit », n'a pu agir seul. On le voit bien, la complexité du phénomène est dissoute dans la légende, le mythe, le rêve et même l'utopie. La légende parce qu'une histoire — la théorie de la conspiration — est racontée puis transmise oralement de récepteur à récepteur, quel que soit l'émetteur originel. Le mythe parce qu'il désigne une croyance manifestement erronée, mais qui peut se rapporter à des éléments concrets exprimés de façon symbolique et partagée par un nombre significatif de personnes. Le rêve parce que la supposition du conspirationniste forge une alliance avec un idéal, lequel doit d'abord affronter le mal. Et cet affrontement débouche sur une utopie, une communauté libérée des chaînes du capitalisme sauvage et de la barbarie des élites, celles qui contrôlent tout, y compris — et surtout — les postes-clés du pouvoir.
On le voit bien, dans une société de pouvoir, tout renvoie aux élites. Chaque hypothèse renferme son lot de personnages qui ordonnent et commandent. Complots politiques, complots financiers : les élites maintiennent le pouvoir sur les masses par une domination qui transcendent leur conscience; aux conspirationnistes de trouver les coupables. Et dans les quatre cas étudiés dans cet ouvrage (en excluant le dernier chapitre sur Bill Clinton), des coupables, les conspirationnistes en ont déniché à profusion. À commencer par John F. Kennedy, qui traîne à lui seul une lignée de centaines de conspirateurs. L'homme, après tout, avait plusieurs « ennemis ». Son frère, Robert, en eut beaucoup moins, mais à sa décharge il n'eut jamais l'occasion de fouler le sol de la Maison-Blanche à titre de président des États-Unis. Quant aux deux autres, lady Diana Spencer et le pape Jean-Paul 1er, dont le pontificat n'a duré que 33 jours et six heures, ce n'est pas tant le nombre des accusés qui importe que leur proximité. Comme dans de nombreux romans d'Agatha Christie et consorts, c'est l'entourage de la victime qui est mise en cause : des banquiers familiers du Vatican ou des adversaires au sein de la curie pour Jean-Paul 1er, le prince Charles pour lady Diana.
Quant aux motifs, ils ne sauraient porter ombrage à la conspiration elle-même. Pourquoi a-t-on assassiné Kennedy déjà? Parce qu'il voulait retirer les troupes américaines du Vietnam, comme si le conflit vietnamien était considéré comme un événement majeur à l'époque de JFK. Ou encore est-ce parce que la mafia lui en voulait d'avoir sévi contre elle? Le motif du prince Charles est encore plus grotesque : tuer son ex-femme était une priorité depuis le jour où elle s'était acoquinée avec un musulman. L'honneur était ainsi sauvé.
Nous verrons que l'analyse conspirationniste est trop simpliste pour passer la rampe. Le travail d'enquête repose entre les mains de la justice, non de quelques pseudo journalistes ou enquêteurs qui s'y substituent dans la plupart des cas de façon maladroite. Par cynisme et par dégoût des hommes de pouvoir, le conspirationniste trouve son salut dans la démarche d'investigation. Trouver les coupables revient à lui remettre les clés de la vérité. C'est pour lui (ou pour elle) un acte de bravoure, comme ces anciens shérifs qui tentaient tant bien que mal de nettoyer les villes américaines des voyous du Far West. Pourtant, il n'y a rien de brave à accuser des innocents, surtout sur une plateforme, Internet, où l'immunité des diffamateurs a généralement cours.
Nous découvrirons qu'aucun des cas étudiés dans cet ouvrage n'est relié à un complot. Personne, même ceux qui prétendent le contraire à coups d'arguments plus ou moins efficaces, n'a réussi à prouver hors de tout doute raisonnable qu'une conspiration est à l'origine des événements dont il est question ici. C'est peu dire qu'un tel ouvrage ne peut faire l'unanimité...
L’assassinat de John F. Kennedy
Avec les attentats du 11 septembre 2001 et la marche de l’homme sur la lune, l’assassinat de John F. Kennedy est certainement l’événement le plus marquant du vingtième siècle. Le meurtre d’un homme politique est déjà peu banal, à plus forte raison quand l’homme en question est le président des États-Unis, superpuissance politique, industrielle et militaire. Un tel scénario suppose que soit l’assassin (ou les assassins, c'est selon) a fait preuve d’une audace irréfléchie, soit il se trouvait dans un état d’esprit suicidaire. Quoi qu’il en soit, les Américains apprendront quelques heures seulement après le meurtre du président Kennedy que le principal suspect est un certain Lee Harvey Oswald, qui a eu le culot d’en rajouter cet après-midi-là en abattant froidement un policier en service de Dallas, J.D. Tippit.
Tout commence à 12h30 le 22 novembre 1963 dans la ville de Dallas, au Texas. Le président des États-Unis, John F. Kennedy, est assis sur le siège arrière de la limousine présidentielle décapotable qui fait partie d’un cortège officiel en route vers le Dallas Trade Mart, où le président doit tenir un discours dans une ville jusque-là peu disposée à son égard. À ses côtés est assise sa femme Jackie, alors que sur le siège central se trouve le gouverneur du Texas, John Connally, accompagné de sa femme Nellie. Le siège avant est occupé par Roy Kellerman, chef du Secret Service à la Maison-Blanche, ainsi que par le chauffeur William Greer. Le vice-président Lyndon B. Johnson est également présent dans le cortège à bord d'une Lincoln qui talonne une Cadillac du Secret Service. Il est accompagné de sa femme Claudia, du sénateur Ralph Yarborough, du chauffeur Hurchel Jacks et d’un agent du Secret Service du nom de Rufus Youngblood.
À 12h30 donc, le cortège roule sur Elm Street en plein coeur de la désormais célèbre Dealey Plaza, dans le centre-ville de Dallas. Au moment où la limousine présidentielle s’éloigne de l’édifice du Texas School Book Depository — situé au nord de la Dealey Plaza — à la vitesse d’environ 16 km/h, des coups de feu sont tirés. Kennedy et Connally sont touchés, mais c'est le président qui est le plus mal en point : le tir fatal fait exploser sa tête. Transporté à la hâte à l’hôpital Parkland, son décès sera confirmé à 13h00. Aux États-Unis — et même dans le monde entier —, l'événement crée une onde de choc et provoque au sein de la population un sentiment de vulnérabilité.
Tandis que la limousine quitte la Dealey Plaza pour se diriger vers l'hôpital, des policiers de Dallas accourent sur les lieux d’où l’on croit que les tirs proviennent, le Texas School Book Depository. Ils apprendront qu’un employé manque à l’appel. Puis à 13h15, un de leurs collègues, J. D. Tippit, tombe sous les balles d’un assassin. Une heure plus tard, Lee Harvey Oswald est appréhendé revolver à la main dans un cinéma. Il sera accusé du meurtre de Tippit, jusqu’à ce que l’on découvre qu’il est l’employé manquant du Texas School Book Depository.
Le tueur « solitaire »
Le FBI sera la première autorité à clore l'enquête sur l'assassinat de Kennedy. Pour le Bureau, la conclusion est sans équivoque : Lee Harvey Oswald était le seul