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Zarya 4 : Et la pierre des Ténèbres
Zarya 4 : Et la pierre des Ténèbres
Zarya 4 : Et la pierre des Ténèbres
Ebook406 pages5 hours

Zarya 4 : Et la pierre des Ténèbres

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About this ebook

Zarya Adams entame sa deuxième année au Temple des Maîtres Drakar. Elle s’y plaît de plus en plus et continue de montrer des aptitudes exceptionnelles. Pourtant, depuis son retour de Vonthruff, il ne lui est pas toujours facile de se concentrer sur ses études. À la suite d’un profond coma, Jonathan, son bien-aimé, souffre d’amnésie lacunaire. Alors qu’il semble avoir oublié ce qui l’unissait à elle, Zarya apprend qu’il supervisera le stage d’initiation qu’elle est sur le point d’effectuer, avec cinq autres académiciens, dans le monde sans magie. Sans magie… c’est du moins ce qu’ils croient ! En effet, quelque part en Angleterre, des morts inexpliquées et des manifestations étranges entourent les ruines d’une boutique d’antiquités, Les tentations de Rose, détruite par un incendie un demi-siècle plus tôt. Zarya et ses amis, ainsi qu’une jeune photographe, vont se retrouver plongés au cœur de péripéties dramatiques et devront élucider ensemble de terribles mystères.
LanguageFrançais
Release dateAug 9, 2012
ISBN9782895495338
Zarya 4 : Et la pierre des Ténèbres

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    Zarya 4 - Goyette JP

    512, boul. Saint-Joseph Est, app. 1

    Montréal (Québec)

    H2J 1J9

    Téléphone : 514 526-0770

    Télécopieur : 514 529-7780

    www.lesintouchables.com

    DISTRIBUTION : PROLOGUE

    1650, boul. Lionel-Bertrand

    Boisbriand (Québec)

    J7H 1N7

    Téléphone : 450 434-0306

    Télécopieur : 450 434-2627

    Conception graphique : Marie Leviel

    Illustration de la couverture : Polygone Studio

    Direction éditoriale : Érika Fixot

    Révision : Natacha Auclair, Patricia Juste Amédée

    Correction : Élaine Parisien

    Conversion au format ePub : Studio C1C4

    Pour tout commentaire ou question technique au sujet de ce ePub : service@studioc1c4.com

    Les Éditions des Intouchables bénéficient du soutien financier du gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC et sont inscrites au Programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    © Les Éditions des Intouchables, JP Goyette, 2012

    Tous droits réservés pour tous pays

    Dépôt légal : 2012

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    ISBN (papier) : 978-2-89549-497-3

    ISBN (ePub) : 978-2-89549-533-8

    Zarya et la pierre des Ténèbres

    Dans la même série :

    Zarya et le Crâne maudit, roman, 2009

    Zarya et la malédiction de la dague d’Azazel, roman, 2009

    Zarya et le Grimoire de Trotsky, roman, 2011

    JP Goyette

    Quelque part dans le nord-est de l’Angleterre, 19 h 55

    a résidence Shepherdson se trouve dans l’une des villes importantes du Royaume-Uni, et se veut l’une des propriétés les plus huppées de cette belle région d’Angleterre. Une Mercedes Benz rouge franchit le portail à la grille superbement ouvragée et alla se garer près de l’entrée principale. Une sexagénaire aux traits sévères, presque belle dans sa maigreur, sortit de la voiture et se dirigea vers le coffre arrière. Avec la plus grande des précautions, elle prit un paquet qui y avait été méthodiquement rangé, tout au fond. Madame Ursina Shepherdson était encore surexcitée par son achat si particulier, un objet qu’elle n’aurait jamais cru trouver durant son existence.

    Sur le pas de la porte d’entrée, la dame fouilla dans son sac pour prendre sa clef, puis profita de la lueur de la lanterne sur pied pour admirer la forme du paquet, enveloppé dans du papier d’emballage. Son enthousiasme fut toutefois de courte durée : elle eut soudain le désagréable sentiment d’être observée. Elle regarda par-dessus son épaule et se hâta de déverrouiller la porte pour pénétrer dans sa maison. À son grand soulagement, l’atmosphère à l’intérieur était plus accueillante en raison de la présence de ses six caniches miniatures qui l’accueillirent avec des aboiements joyeux.

    Depuis la mort tragique de son mari, qui remontait à un an déjà, elle vivait seule avec ses chiens de race. Étant donné son épouvantable caractère, la veuve recevait rarement de la visite. Seul son neveu avait l’audace de venir la voir, en dépit de l’irrespect qu’elle montrait pour sa mère. Malgré les personnalités similaires du jeune homme et de sa marraine, ce n’était pas pour passer du temps avec elle qu’il venait la voir toutes les semaines : il avait un insatiable besoin d’argent. La vieille dame l’avait compris : elle était détestable, mais elle n’était pas folle…

    Elle était née dans une famille modeste, mais avait épousé un homme qui possédait une colossale fortune : il avait reçu un héritage anonyme, deux ans seulement avant de se marier.

    — Laissez-moi passer, petits garnements ! dit-elle en essayant de se frayer un chemin dans la meute agitée.

    Après s’être confortablement installée dans le salon, près de l’immense cheminée de marbre turquin ornée de trois vases d’albâtre pleins de fleurs aubergine, Ursina entreprit de déballer son paquet. Le dernier morceau de papier tomba à ses pieds, dévoilant ainsi un visage dans un somptueux cadre centenaire : c’était le portrait du docteur Newton Shepherdson, illustre ancêtre de son mari. De son regard d’acier, le docteur Shepherdson regardait au loin, comme s’il était perdu dans ses pensées. Un rictus lui donnait un air cynique. La femme sursauta : les chiens, les poils de l’échine hérissés, aboyaient furieusement devant ce visage sinistre.

    — Il est vraiment magnifique ! s’exclama-t-elle avec satisfaction.

    Fixant le portrait de l’ancêtre de leurs yeux exorbités tout en montrant les crocs, les chiens exprimaient un complet désaccord à leur maîtresse.

    — Oh là ! Ce n’est qu’un tableau, lança-t-elle à ses roquets sans même baisser la tête vers eux.

    Elle jeta un regard en biais en haut des escaliers.

    — Je crois qu’il serait mis en valeur sur le palier, au-dessus de l’urne d’Ulrik, pensa-t-elle à haute voix.

    La vieille dame prit la toile, puis gravit les escaliers en tenant fermement la main courante de sa main libre tout en fixant la table en demi-lune sur laquelle étaient déposées les cendres de son défunt mari.

    Après avoir remplacé le cadre qui se trouvait là par celui du docteur, elle recula d’un pas pour admirer l’effet. Satisfaite du résultat, elle alla rejoindre ses animaux de compagnie dans le salon. Curieusement, ceux-ci avaient préféré rester à cet endroit. Épuisée, la vieille dame s’installa enfin dans son fauteuil moelleux avec un roman dans lequel elle se plongea.

    Deux heures plus tard, un bruit sortit de sa douce torpeur la femme qui s’était assoupie. Elle remarqua que ses chiens étaient regroupés au pied de l’escalier. Un nouveau son se fit entendre : on aurait dit un vague murmure, une voix d’outre-tombe. Les chiens, tous crocs sortis, fixaient intensément le portrait du docteur. La dame s’approcha.

    — Vous allez en faire réellement une maladie ? demanda-t-elle à ses chiens.

    Elle posa son regard sur la toile et constata qu’elle était un peu de travers. Agacée, Ursina gravit les marches, plaça une chaise devant le cadre, y monta avec maladresse et fit les ajustements nécessaires. Les chiens se remirent à aboyer, rageusement cette fois. La dame se retourna et leur ordonna de se taire sur-le-champ. Ils lui obéirent à contrecœur. Réalisant après coup qu’elle était dans une position hasardeuse, elle fut saisie de vertige. La vieille femme s’agrippa au cadre pour ne pas tomber. C’est en pivotant vers l’image de l’ancêtre de son mari, le nez à quelques centimètres du sien, qu’elle poussa un cri de frayeur : le docteur Shepherdson la fixait droit dans les yeux avec un sourire démoniaque. Prise d’une peur atroce, les yeux écarquillés d’horreur, elle perdit l’équilibre et bascula vers l’arrière. Son corps chuta et déboula les marches de chêne tandis que sa tête percutait les barreaux en fer forgé, faisant entendre des bruits sinistres de craquements. Le corps disloqué de madame Shepherdson termina sa chute près de ses chiens, dans une position impossible. Dans un dernier soupir, la dame laissa échapper :

    — Mon Dieu, pardonnez-moi…

    ◊ ◊ ◊

    Quelques instants plus tard, la porte principale s’ouvrit.

    — Tante Ursina ! C’est moi, Derek. Tu as laissé un message dans ma boîte vocale me demandant de venir te voir ? Me voici !

    L’adolescent se figea de stupéfaction devant l’étrange scène qui s’offrait à lui. Les six chiens d’Ursina étaient étendus sur le sol, morts. Sa tante, elle, flottait à deux mètres du sol, comme si elle était accrochée par des fils invisibles. Il s’approcha pour essayer de comprendre ce phénomène étrange, lorsqu’un bruit de pas derrière lui le fit se retourner.

    — Mais… mais qui êtes-vous ? C’est vous qui ? …NOOOOOON ! cria-t-il en protégeant son visage avec ses bras.

    Une lumière d’une extrême intensité, aussi sombre que celle du soleil est claire, happa l’adolescent de plein fouet. Cette lumière était aussi noire que pouvaient l’être les ténèbres…

    1

    La réunion

    Attilia, au Temple des Maîtres Drakar

    arya Adams, la jeune mage aux magnifiques yeux bleus et à la volumineuse coiffure noir de jais, leva la tête du livre qu’elle regardait distraitement plus qu’elle ne le lisait. Assise dans les tribunes depuis quarante-cinq minutes, pendant sa période libre de la matinée, elle observait un groupe de Maîtres Drakar qui s’entraînaient sur le terrain poussiéreux de la salle de sport. Le regard de l’adolescente s’arrêta sur l’un d’eux. Cheveux foncés, corps élancé et bien proportionné… c’était Jonathan Thomas. De l’endroit où il se trouvait, il lui était impossible de voir Zarya. C’était d’ailleurs ce qu’elle voulait. En vérité, si elle se plaçait ainsi à l’écart, c’était parce qu’elle appréhendait sa réaction. Elle préférait se faire discrète et vivre dans l’espoir qu’il se réveille un beau matin en se souvenant de tout. Le voir ainsi, de loin, ne consolait pas pour autant la jeune gothique de sa tristesse. L’absence de vent, les nuages gris qu’elle pouvait apercevoir par les hautes fenêtres de la salle, tournoyant lentement sous une lumière d’un mauve terne, ne faisaient rien pour lui remonter le moral. Elle décida de fermer les yeux quelques instants, cédant ainsi à la somnolence, autorisant son esprit à s’éloigner de l’épisode auquel elle ne voulait plus penser.

    Il va sans dire que le but de Zarya n’était pas de s’éloigner de Jonathan, bien au contraire : son souhait le plus cher était justement d’être près de lui, de réentendre sa voix, de pouvoir enfin regarder dans les yeux le jeune homme qu’elle aimait maintenant mille fois plus fort qu’au premier jour… Pourtant, et bien qu’il se soit enfin réveillé après les longs mois qu’il avait passés dans les limbes, l’adolescente ne s’était jamais sentie aussi loin de lui.

    La préoccupation du moment, qui caractérisait désormais son existence, était déconcertante. À vrai dire, Zarya s’étonnait de bien réussir dans son apprentissage en dépit du fait qu’elle se fût retrouvée dans cette salle en n’ayant aucun souvenir de son début de matinée. Plissant le front, la jeune fille se repassa mentalement le film des derniers mois. Depuis que Jonathan était sorti de l’infirmerie, leurs regards ne s’étaient pas croisés une seule fois. Bien entendu, elle en était responsable : elle était consciente que le jeune Maître Drakar avait besoin d’une période de récupération après ces nombreux mois passés dans un profond coma. Elle n’aurait jamais cru cependant qu’il se remettrait aussi rapidement à l’entraînement. Même si la docteure Drius trouvait prématurée cette envie de regagner son agilité d’antan et de reprendre son travail de Maître Drakar, elle avait tout de même donné à Jonathan, après avoir fait de profondes analyses pour évaluer son état de santé physique et mentale, l’autorisation de repartir pour une mission qui n’était pas jugée trop risquée.

    Soudain, Zarya entendit quelqu’un approcher.

    — J’étais certaine que je te trouverais ici, dit Abbie en s’assoyant près d’elle.

    — Ne parle pas aussi fort !

    — Crois-tu vraiment qu’il ignore ta présence, pauvre Zarya ? demanda Abbie en roulant les yeux. N’oublie pas qu’il est Maître Drakar. Il a des yeux tout le tour de la tête !

    — Je crois être suffisamment bien cachée.

    Malgré la foule, nombreuse dans les tribunes ce jour-là, la jeune Adams s’était en effet dissimulée derrière une colonne massive.

    — Même une montagne ne pourrait pas cacher ton regard flamboyant, ma chère.

    — Il n’est pas flamboyant !

    — Ah non ? Je n’ose même pas te regarder dans les yeux, par peur de me brûler, fit Abbie avec un petit sourire malicieux.

    Zarya lui sourit aussi.

    — Vas-tu finir par lui parler ? s’enquit son amie, exaspérée. Ça fait près de dix mois qu’il est revenu des limbes.

    — Il était parti en mission.

    — Mais je te signale qu’il est ici, maintenant…

    — Je l’avais remarqué, merci, répondit Zarya en baissant de nouveau la tête vers son livre.

    — Karine, Élodie et moi, nous en avons discuté longuement et nous sommes toutes d’accord sur un point, insista Abbie. Nous pensons que tu devrais lui raconter toute l’histoire, de la recherche du Grimoire de Trotsky jusqu’à ton sacrifice rituel pour aller le chercher aux confins des limbes. Nous sommes certaines qu’il va te comprendre et qu’il essayera de se souvenir de tout.

    Zarya, inexpressive, regarda son amie en se rappelant fort bien les raisons qui la poussaient à agir ainsi.

    — Pas question. Je veux qu’il me revienne d’une façon naturelle. Je ne veux surtout pas forcer les choses.

    — Si tu te caches derrière cette colonne, indiqua Abbie avec un air de défi, il n’est pas près de retomber amoureux de toi « d’une façon naturelle », comme tu le dis si bien !

    Zarya resta silencieuse pendant quelques secondes, cherchant visiblement quelque chose à répondre, mais elle se contenta de lâcher :

    — Pas aujourd’hui, Abbie. Je saurai quand ce sera le moment.

    — Je crois plutôt que tu as peur qu’il ne revienne pas…

    Cette fois, la jeune gothique resta bouche bée.

    — Oh, pardon, Zarya ! Je ne voulais pas être aussi directe, dit Abbie, contrite.

    Zarya referma son livre et le déposa sur ses genoux.

    — Je dois l’admettre. Ça me fait mal de croire qu’il m’a peut-être oubliée pour toujours.

    — Ne dis pas de sottises, fit son amie en posant sa main sur la sienne. Tu as tout pour lui plaire. Tu es intelligente, tu es jolie…

    — Je ne veux pas qu’il m’aime pour mon apparence, l’interrompit Zarya, une boule dans la gorge. Je veux qu’il me revienne par amour.

    — Tout d’abord, pour ça, il faudrait qu’il te voie.

    — Tu as peut-être raison. Mais si… Je veux dire…

    — Ne t’en fais pas…

    Abbie se tut, se tourna vers Jonathan en réfléchissant, puis elle ajouta :

    — Si je demandais à Olivier qu’il lui parle ? Tu sais, entre garçons…

    — Quoi ? Non, surtout pas !

    — Excuse-moi, ce n’est vraiment pas logique. Par contre, Jeremy pourrait…

    — Abbie ? !

    — Je te taquinais, voyons !

    Il y eut un moment de silence pendant lequel Abbie perdit son sourire et fronça les sourcils.

    — J’ai vraiment de la difficulté à m’imaginer qu’il a oublié tout ce que vous avez vécu ensemble à Vonthruff, finit-elle par déclarer tristement. Durant cette belle soirée à la Mélusine ! Et lorsqu’il t’a révélé son grand amour, au bal ! Je ne peux pas comprendre ! Comment peut-on oublier ces beaux moments ?

    — Comme je te l’ai déjà dit, Abbie, il a oublié une certaine période de sa vie. La docteure Drius m’a clairement expliqué que Jonathan souffre d’amnésie lacunaire. Moi, je peux très bien comprendre qu’après avoir vécu dans une dimension surréelle pendant de longs mois, il soit victime de confusion mentale…

    Pendant cette explication, Abbie resta muette, se contentant de fixer son amie qui semblait encore bouleversée par cet épisode.

    Zarya prit soudainement un ton plus tranchant :

    — Ce que je maudis le plus, c’est ce damné « détachement ».

    Abbie se souvint alors d’une conversation qu’elles avaient eue quelques semaines plus tôt à ce propos. « Toutes les personnes qui sont momentanément séparées de leur corps reviennent avec un certain détachement. Pour une raison qui reste incompréhensible, les liens qui unissent deux âmes sœurs se brisent d’une façon inexplicable. » La jeune gothique n’avait quitté son corps que peu de temps, et les dommages s’avéraient heureusement négligeables. Mais pour Jonathan…

    ◊ ◊ ◊

    Quelques minutes plus tard, Zarya et Abbie marchaient vers la salle où aurait lieu leur prochain cours, soit celui des pierres magiques.

    — Ah oui, j’allais oublier ! s’exclama Zarya en faisant sursauter son amie qui pensait encore à leur discussion sur le détachement. Mon grand-père est venu me voir ce matin avant que je me rende au cours de goétie.

    — Que voulait-il ?

    Zarya s’arrêta devant la porte B-104 et fit face à son amie avec une mine subitement joyeuse.

    — Il m’a demandé d’assister à une réunion, dans la soirée.

    — Quel genre de réunion ?

    — Une réunion préparatoire pour une mission opérationnelle.

    — C’est-à-dire ?

    — Lorsqu’un Maître Drakar part en mission, il doit absolument rencontrer mon grand-père et son équipe de spécialistes afin d’obtenir les informations nécessaires et les directives à suivre pour l’exécution de son opération.

    — Ça risque d’être intéressant.

    — J’imagine.

    Il y eut alors un bruit semblable à celui d’un troupeau de grabtos de Burianise se dirigeant vers elles : plusieurs académiciens affluaient dans leur direction. Zarya et Abbie s’empressèrent donc de pénétrer dans la classe du professeur Razny, qui leur enseignait le pouvoir des pierres, avant de se faire bousculer.

    ◊ ◊ ◊

    Zarya savait qu’Abbie n’avait eu que de bonnes intentions en lui suggérant d’aller parler à Jonathan. Plus d’une fois, d’ailleurs, elle avait été tentée d’aller lui raconter tout ce qui s’était passé. Une fois, entre autres, trois semaines après la rentrée, elle était discrètement sortie du dortoir des filles pour se rendre au logement de Jonathan, dans le Temple. Toutefois, alors qu’elle s’apprêtait à frapper à sa porte, une voix intérieure, semblable à celle de sa grand-mère Martha, lui avait murmuré : « Patience… » La jeune gothique avait décidé de suivre cette voix, comme elle l’avait toujours fait dans le passé.

    Dans le dortoir qu’elle partageait avec Abbie et trois autres filles, Zarya était allongée depuis un bon moment, absorbée dans ses pensées. Tout à coup, voyant l’heure qu’indiquait le cadran lumineux posé sur sa table de chevet, elle se leva d’un bond.

    — La réunion ! lança-t-elle.

    Ève, très concentrée sur le devoir de démonologie que leur avait donné la professeure Emma Bignet, sursauta en voyant Zarya bondir en bas de son lit. Cette dernière passa près d’elle en la saluant, puis disparut de son champ de vision.

    Équipée de son bloc-notes et d’un crayon à mine, le pan de sa robe noire voltigeant autour d’elle, Zarya traversa d’un pas rapide le couloir menant à la salle où devait avoir lieu la réunion préparatoire. Elle n’était pas encore en retard, mais elle devrait maintenir cette allure pour arriver à temps. L’intérieur du Temple était plus sombre qu’à l’ordinaire. Et pour cause : en passant devant une fenêtre, Zarya jeta un coup d’œil dehors et constata qu’un orage s’abattait sur Attilia. Les gouttes qui frappaient les carreaux étaient aussi grosses que des raisins, ce qui faisait de surcroît un vacarme d’enfer.

    La salle de réunion se trouvait au premier étage, non loin de la salle de sport. Et en regardant les chiffres sur l’une des portes, Zarya constata qu’elle était presque arrivée. Son grand-père lui avait demandé d’assister à la réunion et de prendre des notes. Comme il le lui avait clairement mentionné, cela faisait partie de la difficile formation qui pourrait, dans un avenir très proche, la mener au poste de directrice du Temple des Maîtres Drakar.

    Zarya s’arrêta en face d’une monumentale porte voûtée sur laquelle figurait un glyphe doré représentant un pentacle à neuf pointes. « Quel étrange symbole… », pensa-t-elle. Elle poussa le lourd battant, pénétra dans la pièce et referma derrière elle. Elle vit alors des gens qui semblaient absorbés par une conversation apparemment très préoccupante. Ils étaient assis autour d’une table ronde au centre de laquelle un trou avait été pratiqué afin de recevoir un cristal bleu azur deux fois plus gros qu’une boule du Savoir.

    Balayant la salle du regard, Zarya aperçut avec stupéfaction une personne qu’elle ne s’attendait pas à voir là : Jonathan. Ce dernier se tourna vers elle et se leva avec une certaine maladresse, faisant presque tomber sa chaise ; les autres l’imitèrent, d’une façon moins malhabile, cela va sans dire. Le regard de la jeune fille s’arrêta sur Jonathan, qui lui adressa un sourire timide en la saluant. Elle s’efforça de lui sourire aussi, mais ne prononça pas un mot. Son cœur battait très vite, et sa bouche était extraordinairement sèche.

    — Bonsoir, Zarya, fit Gabriel en s’approchant de sa petite-fille. Tu n’es pas en retard, ne t’en fais pas. Nous n’avions pas encore commencé.

    L’adolescente resta plantée là, comme une statue de pierre, pendant trop longtemps, lui sembla-t-il. Le vieil homme l’invita à s’asseoir, très poliment, sur la seule chaise libre qui, curieusement, se trouvait en face de celle de Jonathan, lequel était toujours debout. En voyant le visage souriant de son grand-père, Zarya devina que c’était prémédité de sa part, qu’il avait fait exprès de l’inviter à une réunion à laquelle Jonathan serait présent. Les mains légèrement tremblantes, elle déposa son bloc-notes et son crayon à mine sur la table. Les gens se rassirent et reportèrent leur attention sur le directeur.

    — Bonsoir à tous, dit celui-ci d’une voix formelle. Nous sommes réunis pour la mission 20-148 B-5. Les agents Jonathan Thomas et Didier Leny y seront affectés. Le code de cette intervention est 673, et elle aura lieu dans la dimension sans magie, plus précisément dans le bassin amazonien, en Amérique du Sud.

    — Et quel genre de créatures hante cette région, monsieur le directeur ? demanda le professeur Marius Biafora, connaissant bien la nature de ce code.

    Zarya avait déjà rencontré ce professeur à plusieurs reprises. C’était un grand spécialiste des créatures fantastiques. Il était assis entre les professeures Katyn Masanari et Emma Bignet.

    — Ce sont deux trolls, professeur Biafora, répondit Gabriel en regardant ses documents.

    — Deux trolls dans une région équatoriale ! Vraiment surprenant. Ils sont pourtant reconnus pour détester la chaleur… Je suis très surpris, répéta Marius Biafora en se frottant le menton.

    — Quel dommage ont-ils fait, Maître Adams ? demanda Jonathan.

    Zarya le regardait de biais. C’était agréable d’entendre à nouveau la voix de velours de Jonathan. Elle secouait discrètement la tête, n’osant croire que seule une table les séparait. Sur le mur, derrière le directeur, l’aiguille de la grande horloge marquait le temps d’une manière étrange, inégale, rythmée par des mouvements saccadés. La jeune fille avait remarqué qu’elle ralentissait lorsque le professeur prenait la parole et qu’elle accélérait trop rapidement quand Jonathan s’exprimait à son tour. De toute évidence, c’était l’impression de la jeune Adams. En réalité, Zarya aurait voulu que le temps s’écoule plus lentement pour avoir davantage le loisir de contempler les magnifiques traits du garçon qu’elle aimait. Alors qu’elle l’observait de cette manière, pendant une fraction de seconde, une image s’imposa à son esprit, celle de leur couple marchant main dans la main dans les ruelles de Vonthruff.

    — Considérable, Jonathan, déclara Gabriel Adams. Trois personnes sont décédées et sept autres ont mystérieusement disparu. Parmi elles, il y avait un petit enfant. Bien entendu, les autorités de cette dimension nous demandent de leur venir en aide le plus rapidement possible.

    — Ne peuvent-elles rien faire contre deux trolls, professeur ? demanda Didier en se tournant vers Marius Biafora.

    — Excellente question, monsieur Leny, dit le professeur. Laissez-moi vous expliquer.

    Il allongea le bras et toucha de sa main droite le lapis-lazuli, la boule bleue qui se trouvait au centre de la table et qui se mit à scintiller d’une lumière bleutée. L’hologramme d’un troll apparut au-dessus du cristal. Zarya fixait à présent un abominable géant à la peau épaisse et verdâtre, pourvu de membres robustes ressemblant étrangement à des troncs d’arbres. On pouvait voir dans ses yeux exorbités un regard absent, voire benêt.

    — De toute évidence, à cause de leur épouvantable gabarit, les trolls sont doués d’une force extraordinaire. Mais ce qui les caractérise surtout, c’est paradoxalement leur faculté de camouflage…

    Penchée sur son calepin, Zarya prenait en note la description détaillée du professeur Biafora. Elle fut cependant déconcentrée par une faible oscillation, en face d’elle. Elle leva légèrement — et discrètement — les yeux vers la main de Jonathan. Ce dernier s’amusait à faire tournoyer son propre crayon grâce à son pouvoir télékinésique. L’adolescente esquissa un petit sourire en coin et reporta son attention sur le professeur.

    — Pour une personne qui n’a pas de chakras évolués comme les nôtres, ils sont impossibles à repérer.

    — Un camouflage indétectable ? lança la professeure Masanari en regardant la silhouette holographique.

    — Oui, professeure, indétectable, fit Marius Biafora. Ils peuvent se fondre dans la nature, tout simplement.

    — Comment peut-on les repérer ? l’interrogea Didier, suspendu à ses lèvres.

    La jeune gothique continuait d’écouter attentivement, suivant le conseil de son grand-père : « Prends le plus de notes possible, Zarya, car, un jour, c’est toi qui présideras ces réunions préparatoires… »

    Quelque chose la déconcentra encore une fois. Le bruit en face d’elle avait cessé ! Elle leva de nouveau les yeux vers le crayon de Jonathan : il ne bougeait plus. Le jeune homme la fixait avec une expression indéfinissable. Zarya sentit son cœur se contracter comme si une lame chauffée à blanc l’avait touché. Sans le vouloir, elle appuya tellement fort sur son propre crayon que la mine se cassa. Terriblement gênée, elle regarda le reste du groupe, mais personne n’avait prêté attention à cet incident insignifiant. Elle reporta donc son regard sur Jonathan, qui fit léviter son crayon vers elle en lui souriant gentiment.

    — On peut les détecter grâce à leur aura, messieurs, précisa le professeur en s’adressant à Jonathan et à Didier. Elle est rouge et très claire, alors qu’un arbuste, ou un arbre dans leur cas, dégage une aura argentée. Il ne faut pas l’oublier. En conséquence, lorsque vous verrez un arbre avec un halo rouge, il est plus que probable que ce soit l’un de ces monstres.

    En continuant d’écrire avec le crayon de Jonathan, Zarya se demandait combien de temps celui-ci l’avait observée sans qu’elle s’en aperçoive. Et surtout, elle se demandait pourquoi il l’avait regardée de cette manière… Avait-il des sentiments qui se manifestaient pour elle ?

    — Tout à l’heure, vous avez semblé surpris lorsque Maître Adams a mentionné que des trolls vivaient dans cette région équatoriale, professeur Biafora, déclara Jonathan, intrigué. Croyez-vous vraiment qu’ils y sont venus d’une façon naturelle, ou croyez-vous plutôt qu’ils y ont été intentionnellement déplacés pour créer des problèmes ?

    Cette fois, ce fut Gabriel qui prit la parole :

    — Votre mission première est de les capturer vivants pour qu’on puisse les transporter dans un endroit sécuritaire pour eux, mais surtout suffisamment éloigné des humains de cette dimension pour que ceux-ci soient aussi en sécurité. Pour ce qui est de la mystérieuse raison de leur présence en ce lieu, si vous trouvez des indices permettant de prouver qu’il y a motif à arrestation, alors vous m’en ferez part aussitôt. Dès lors, je communiquerai avec les autorités locales qui se chargeront du reste.

    — Très bien, Maître.

    Tout fut terminé en une heure.

    Gabriel, Katyn Masanari, Emma Bignet et Zarya discutèrent un peu ensemble pendant que Jonathan et Didier, à l’autre bout de la table, posaient des questions supplémentaires sur les trolls au professeur Biafora.

    Après la courtoise pression sur l’épaule que lui fit son grand-père, la jeune fille se leva et parcourut la courte distance qui la séparait de la porte. Elle jeta un dernier regard derrière elle, résistant à la tentation de se diriger droit vers Jonathan pour enfin lui parler. Rapidement, elle ouvrit la porte et sortit en poussant un soupir de résignation.

    En entendant la porte se refermer, Jonathan se retourna pour jeter un coup d’œil dans cette direction. Il fouilla la pièce du regard, pensif, en fronçant les sourcils…

    2

    La tache

    À la résidence Shepherdson, Angleterre

    ne magnifique pelouse méticuleusement entretenue, sillonnée d’allées irrégulières bordées de bosquets d’arbustes à fleurs, moutonnait entre la fontaine richement sculptée et les briques brunes de la résidence Shepherdson. Entre les voitures de police garées dans le désordre le plus total, des individus vêtus de leur uniforme officiel scrutaient minutieusement les alentours, cherchant des indices sur la mystérieuse mort d’Ursina Shepherdson.

    À l’intérieur de la résidence, l’inspecteur Scott Lawford se massait la nuque tout en observant la scène du crime le plus énigmatique de sa carrière.

    — Y a-t-il quelqu’un, parmi vous, qui pourrait enfin m’expliquer ce que fait madame Shepherdson… dans les airs ?

    — Nous l’ignorons, inspecteur…, répondit un agent qui se trouvait tout près de lui et qui avait, lui aussi, les yeux exorbités.

    Homme dans la quarantaine aux cheveux châtains et coupés court, portant un veston froissé, l’inspecteur Lawford traversa le salon rempli de policiers pour se rendre dans la pièce voisine. En refermant la porte derrière lui, il aperçut Derek qui, assis dans un large fauteuil, buvait à petites gorgées un grand verre d’eau. L’adolescent de

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