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Ebook199 pages3 hours

Lyv

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About this ebook

Lyv voudrait une vie loin de sa famille dysfonctionnelle et de leur restaurant des Hamptons, d’autant que Ten, son meilleur ami et point d’ancrage à la normalité, s’en va passer un semestre étudier en Europe. 
Mais ce que Lyv doit gérer c’est l’absence du père de son enfant à venir et un choix difficile à faire … à moins bien sûr que quelqu’un d’autre ne le fasse à sa place. 

Romance contemporaine. 

LanguageFrançais
Release dateFeb 14, 2015
ISBN9781507089637
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    Lyv - Olivia Rigal

    Partie I

    1978

    1

    Manhattan est magique pendant les fêtes. Je suis heureuse que Ten ait pu m’y emmener. J’ai encore du mal à croire que ma mère ait dit oui et m’ait laissé partir avec lui. Mais d’un autre côté, c’est difficile de dire non à un Clark et surtout à Tennessee Charles Clark lorsqu’il fait son grand numéro de charme. Ten et moi nous connaissons depuis toujours, enfin, depuis que mes parents se sont installés à Long Island pour y ouvrir leur restaurant. J’étais si jeune, j’ai l’impression que cela fait une éternité.

    L’été, toute la famille Clark prend ses quartiers dans les Hamptons. C’est une tradition et, chez les Clarks, les traditions c’est sacré. Une de ces traditions veut que toute la famille se réunisse pour le brunch le dimanche en fin de matinée. L’endroit devient à la mode dès qu’ils le choisissent. Mes parents ont eu de la chance, James Tennessee Clark, le patriarche, s’est arrêté une fois dans leur établissement et celui-ci lui a suffisamment plu pour qu’il crée une nouvelle tradition. Le Main Street Diner doit son succès à James Clark, alors mon abominable mère, sait qu’elle n’a pas intérêt à refuser quoi que ce soit à un Clark.

    De temps en temps, je pense qu’elle espère qu’il se passera quelque chose entre Ten et moi. Elle rêve. Si elle avait les pieds sur terre, elle réaliserait que je ne suis pas du tout son genre. Toutes les filles avec qui il sort sont plates. C’est le genre sans-fesses sans-seins, si androgynes que de dos elles ne ressemblent pas vraiment à des filles.

    Moi, je suis tout le contraire. Il n’y a rien de plat chez moi. Je suis tout en rondeur. Objectivement, je sais que j’ai un joli visage, mais le reste de ma personne n’est pas à la bonne taille. Je ne suis pas au goût du jour, mais je me suis fait une raison. Et puis, en plus, maintenant que Ten est à l’université il sort avec des filles plus vieilles que moi. Je suis la petite sœur qu’il n’a jamais eue. On est des potes.

    Nous roulons sur sa Superglide jusqu’à Manhattan et déjeunons – c’est lui qui invite – en regardant le sapin géant. Nous nous baladons dans Central Park et dans West Village avant de nous rendre à un concert en bas de la ville. Je suis tellement excitée que c’en est ridicule ! Mais comme je vais jamais nulle part, pour moi c’est une véritable aventure. Manhattan c’est comme un univers différent. Même la nourriture n’a pas le même goût ici. Je regarde les décorations de Noël et je souris à Ten.

    – Assez de cet esprit de fêtes ridicule, dit-il en riant. Il y a ce club sur le Bowery. C’est là où tout se passe en ce moment et c’est là où nous allons ce soir.

    La musique c’est sa passion. Sans lui, la seule chose que j’y connaîtrais serait ce qui passe à la radio. Non, en fait, c’est pas tout à fait vrai. Je suis injuste avec notre professeur de musique. Le pauvre homme fait de son mieux pour élargir notre horizon. Il a commencé avec l’opéra chinois et, sérieusement, écouter ça, c’était pire qu’une punition. Quelques semaines après son fiasco oriental, il nous a initiés aux tambours africains et c’était plutôt cool.

    Quoi qu’il en soit, j’adore la soul, j’aime la pop et je suis curieuse de découvrir d’autres choses grâce à Ten qui est une encyclopédie musicale vivante. Je le taquine en lui demandant quand est ce qu’il va admettre que 10CC c’est le diminutif de Tennessee Charles Clark et qu’il a écrit I 'm Not In Love. Il fait semblant de se vexer, c’est beaucoup trop commercial pour lui !

    Pendant que Ten gare sa moto, je regarde autour de nous et me rends compte qu’on est dans un coin pas terrible. Je suis contente de ne pas être seule. Je suis ravie de voir le grand mec baraqué qui surveille l’entrée. Ten demande à cette montagne de garder un œil sur sa bécane. Je me demande s’il est armé. La rue est peuplée de dingues qui parlent tout seuls ou hurlent en s’adressant à la terre entière. L’un d’eux délire à propos du Vietnam. Un vétéran, je suppose. Le pauvre homme semble poursuivi par des fantômes. Il y a aussi des clochards en train de cuver leur poison sur le trottoir malgré le froid. Je vois des bouteilles de bière et d’alcool vides. Ces hommes ne sont pas comme nos clochards de Long Island. Ils ont l’air plus amochés. Je retire mon casque et tente de ne pas les fixer. Je n’y arrive pas, c’est comme une fascination morbide. C’est difficile de détourner mon regard d’eux, mais j’y arrive pour glisser mes doigts dans les cheveux de Ten pour remédier au look que lui a fait son casque.

    Ten me laisse faire en souriant. Je crois qu’il aime bien que je le materne un peu. Sa mère est encore plus froide que la mienne. Je ne croyais pas que c’était possible avant de la rencontrer. Si ma mère est la Reine des Salopes, la mère de Ten est la Reine de la Banquise.

    Quand j’ai fini de le recoiffer, nous rentrons dans le club. C’est sombre, plein de gens et bruyant. Ten traverse la foule avec facilité. Je m’accroche à sa main pour suivre dans son sillage jusqu’à ce qu’il décide que nous sommes assez près de la scène. Il s’est rapproché pour moi. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il devait probablement tout voir depuis l’autre côté de la salle. Il me pousse devant lui. Je fais un pas et je reste pétrifiée.

    En réalité, je pense que Ten et moi sommes tous les deux subjugués. Quand je m’immobilise, Ten me rentre dedans. Je tourne la tête et je vois qu’il regarde bouche bée ce mec sur la piste de danse juste devant nous. C’est comme une version moderne d’un dieu grec. Il doit avoir l’âge de Ten, une petite vingtaine d’années et il est bâti comme lui.

    Il est grand, de larges épaules sont visibles sous son blouson de cuir, sa taille mince est mise en faveur par son 501 et il porte des bottes de motard. Comme Ten et moi, il y a quelques instants, ses cheveux ont été écrasés par un casque. Plus je le regarde, plus je me dis qu’ils pourraient être frères. Ils ont tous les deux une mâchoire carrée et des cheveux châtains, mais alors que les yeux du dieu grec sont bleu pâle, les yeux de Ten sont si sombres qu’ils semblent noirs.

    Mais il y a une différence fondamentale entre eux. Ten possède cet air de gentil garçon qui pousse toutes les femmes mûres à rêver qu’il s’intéresse à leurs filles. Ten a l’air de quelqu’un de confiance, quelqu’un sur qui l'on peut compter. Et d’ailleurs, avec Ten, je me sens protégée. Quand je suis avec lui, le monde n’est plus dangereux. Le dieu grec c’est une autre histoire. Juste à le regarder bouger, je me dis qu’il est tout sauf rassurant. Il a le pouvoir de séduction du danger, le pouvoir d’attraction du diable. Il est craquant.

    Mon cœur s’est mis à battre au rythme du rock que joue le groupe sur scène. Je mets ma main sur l’épaule de Ten et, sur la pointe des pieds, je crie dans son oreille : je crois que je suis amoureuse. 

    Il me sourit et se penche pour crier dans la mienne.

    – Moi aussi, j’adore les mauvais garçons. 

    Il rit en voyant l’expression sur mon visage alors que je réalise ce qu’il vient de me dire.

    – Allons Lovey. Ne me dis pas que tu ne le savais pas. Tu sais que je mange à tous les râteliers. Il rit.

    Je secoue la tête en souriant. Bien sûr, il fut un temps où je m’étais interrogée sur ses préférences. J’avais remarqué qu’il observait des mecs qui avaient accroché mon regard. Mais depuis qu’il a commencé à sortir avec ses planches à pain, je m’étais dit qu’il observait ces garçons parce qu’il s’inquiétait pour moi. Je pensais qu’il voulait garder un œil sur ceux qui me plaisaient. Bon, et bien maintenant, je connais la vraie raison. Il les observait parce qu’on aime le même genre d'homme.

    – Je m'en doutais un peu, je reconnais.

    Je veux lui demander pourquoi il ne m’en a pas parlé plus tôt. Il ne me faisait pas assez confiance ? Je comprends qu’il se cache du reste du monde. Je suppose que s’il montre seulement les filles avec lesquelles il sort, c’est par crainte de la réaction de son grand-père. Il serait probablement rejeté du cercle familial s’il savait.

    Le dieu grec nous regarde, se retourne et s’éloigne. Nous l’observons tous les deux. Ten est debout derrière moi et me glisse à l’oreille, Je ne sais pas de quel coté il penche, mais son pantalon a gonflé quand il nous regardait. Je me demande si c’est pour toi ou pour moi. 

    Je ris. Ah les mecs ! Comment a-t-il pu repérer l’érection de ce garçon alors que je n’ai rien vu ? La réponse à cette question n’est pas compliquée. Je regardais ses yeux alors que le regard de Ten était descendu vers le sud.

    Nous dansons. Enfin, Ten danse et moi je remue un peu au rythme de la musique du groupe qui joue sur la scène. Ce n’est pas mon genre de musique, mais ce n’est pas insupportable. Rapidement, le froid de l’hiver est oublié et j’ai chaud. Je pense que la salle est comble et que cela fait monter la température.

    – On peut boire quelque chose ici ? Je crie.

    J’ai vraiment très chaud.

    – Ne bouge pas, garde ma place. Je reviens, me répond Ten en partant nous chercher un verre.

    J’attends son retour quand le dieu grec s’approche de moi. Il me dit quelque chose, mais la musique est si forte que je ne comprends rien .

    Je secoue la tête et lui fais un signe de la main pour lui montrer que je n’ai rien entendu. Il pose sa main sur mon bras et me tire vers lui. Je lève les yeux vers lui et je suis perdue.

    Il me faut toute la force de ma volonté pour ne pas lever une main jusqu’à son visage pour le caresser ou le contour de ses lèvres du bout de mes doigts. Je voudrais toucher cette perfection pour vérifier qu’il est réel. Je crois que mon cœur a cessé de battre et je ne peux rien faire d’autre que plonger dans l’océan de ses yeux.

    Il se penche vers moi.

    – Tu as perdu ton mec ? 

    Je comprends que ce qu’il demande vraiment c’est ‘ Est ce que vous êtes ensembles ? ’

    Ne nous excitons pas trop. Cette question peut être comprise de deux façons. Soit c’est Ten qui le branche et il me demande où il est passé. Soit, il me demande si je suis disponible parce que c’est moi qui lui plait. Oh ! mon dieu, je crois que c’est moi parce que son visage reste juste à côté du mien une fois la question posée. Il ferme les yeux et il me respire. C’est chaud bouillant quand il fait ça. Je crois que je viens de fondre. Mes os ne sont plus solides et j’ai presque besoin de m’appuyer sur lui pour rester debout. Pourrais-je avoir sur lui l’effet qu’il a sur moi ? Je ne connais même pas ce type et je me sens si attirée par lui que cela me fait peur. Je me reprends et je me rappelle que je suis douée de paroles. En plus, je n’ai pas besoin de crier puisqu’il est resté penché. Son oreille est à portée de ma bouche.

    – Mon ami est parti nous chercher à boire.

    Il relève la tête et ne tente même pas de dissimuler son sourire.

    – Alors c’est juste un ami.

    Je n’arrive pas à détacher les yeux de la courbe de ses lèvres. Avant que je ne me couvre de ridicule, je suis sauvée par le retour de Ten. Dieu grec se tourne vers lui me donnant ainsi l’occasion d’observer son magnifique profil. Ce garçon est si parfait que c’en est terrifiant.

    – Salut, moi c’est Alexander,

    – Moi c’est Ten et je vois que tu t’es présenté à Lyv, dit Ten en souriant.

    – Comme Lyv Ullmann ?

    Je hoche la tête, impressionnée. La plupart du temps, je dois répéter mon nom et expliquer que, non, ce n’est pas un diminutif. C’est juste Lyv. Ma mère est une fan d’Ingmar Bergman, mais une fois que j’ai dit cela je ne suis pas vraiment avancée parce que ma génération n’a jamais entendu parler du metteur en scène suédois et de son actrice fétiche.

    Alexander a un air satisfait. Sa main est toujours sur mon bras et il me tire vers lui. C’est à mon tour de prendre une grande respiration. Il sent la lavande et quelque chose d’autre qui pourrait être juste son odeur à lui. Il jette un regard interrogateur vers Ten comme pour lui demander la permission de faire quelque chose. Ten fronce les sourcils et secoue les épaules. Mon regard va de l’un à l’autre. Leur communication silencieuse me bluffe. Ces deux-là ne se connaissaient pas il y a deux minutes et ils semblent capables de communiquer par la pensée. Je suppose que c’est un truc d'hommes.

    Le premier groupe de la soirée arrête de jouer et la pièce s’éclaire un peu plus. Une bande de garçons monte sur la scène pour aider le groupe à remballer son matériel et préparer le plateau pour le groupe suivant. Ten et Alexander commencent à discuter musique. Ils semblent avoir les mêmes goûts de Blue Oyster Cult à ZZ Top.

    Je les écoute sans mettre mon grain de sel. Ce n’est vraiment pas mon genre de musique. J’aime les choses plus douces. En ce moment, j’écoute America et mes deux chansons préférées sont Dancing in the Moonlight de King Harvest's et Moondance de Van Morrison. Je n’y peux rien, je suis lunaire.

    La main d’Alexander passe de mon bras à ma taille et le geste est parfaitement naturel. C’est comme si j’étais à ma place blottie contre lui.

    Des mecs montent sur la scène, sans doute des membres du prochain groupe au programme. Le bassiste et le guitariste accordent plusieurs instruments, le batteur règle son siège et, à son signal, la lumière baisse à nouveau. Je les regarde s’installer jusqu’à ce qu’Alexander lâche ma taille. Il place un doigt sous mon menton pour tourner mon visage vers le sien. Il frôle mes lèvres avec les siennes et me dit, A tout à l’heure, Love. 

    J’en ai presque la tête qui tourne. Il s’en va et monte sur scène alors que le groupe commence à jouer.

    Ce n’est pas comme si c’était le premier homme que j’embrasse. J’ai connu des baisers plus fougueux avec des mecs au lycée, mais cette légère caresse de ses lèvres c’était autre chose. C’était un avant-goût, la promesse de meilleures choses à venir.

    Ou alors c’est tout dans ma tête.

    Il prend une guitare et se place devant un micro. Ils jouent l’intro de la chanson et Alexander fait un clin d’œil dans ma direction. Une seconde plus tard, il ouvre la bouche et je suis ébahie.

    Sa voix ne ressemble

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