Rembrandt
By Émile Michel
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Rembrandt - Émile Michel
Amsterdam.
Les Débuts de sa carrière
Sa Formation
Rembrandt serait né le 15 juillet 1606. Bien que très vraisemblable, cette date de 1606 ne présente cependant pas un caractère de certitude absolue. Il était le cinquième des six enfants d’un meunier, nommé Harmen Gerritsz qui, né en 1568 ou 1569 et à peine âgé de vingt ans, avait épousé la fille d’un boulanger de Leyde, originaire de Zuitbroeck, Neeltge Willemsdochter. Tous deux appartenaient à la petite bourgeoisie et jouissaient d’une certaine aisance. Harmen avait gagné l’estime de ses concitoyens et, en 1605, il avait été nommé chef de section dans le quartier du Pélican. Il s’était, paraît-il, acquitté avec honneur de ses fonctions, puisqu’en 1620 il en avait été chargé de nouveau. C’était un homme instruit, à en juger par la fermeté de son écriture. Comme son fils aîné, il signait : Van Rijn (du Rhin), et, à leur exemple, Rembrandt dut plus tard, au bas des œuvres de sa jeunesse, faire suivre son monogramme de cette désignation. Enfin, la possession d’une sépulture près de la chaire à prêcher de l’église Saint-Pierre témoigne également de la situation aisée de la famille.
Malheureusement, nous ne possédons aucun document qui puisse nous renseigner sur les premières années de Rembrandt. Cependant, il est permis de penser que son instruction religieuse fut l’objet de la sollicitude particulière de sa mère. Son fils la montre tenant le plus souvent en main, ou ayant à sa portée, la Bible, son livre favori. Ses lectures, les récits qu’elle en faisait à l’enfant produisirent en tout cas sur lui une impression profonde et vivace, car c’est aux Saintes Écritures que l’artiste devait plus tard emprunter la plupart des sujets de ses compositions.
Afin de pousser plus loin l’instruction de leur fils, le père et la mère de Rembrandt l’inscrivirent dans les classes de lettres latines à l’université. Mais le jeune garçon n’était, paraît-il, qu’un élève assez médiocre. Il n’eut jamais grand goût pour la lecture, à en juger du moins par le petit nombre des volumes portés plus tard à son inventaire.
Quoique d’un caractère affectueux et tendre, Rembrandt demeurait toujours assez sauvage, aimant à observer dans son coin, à vivre à part et à sa guise. Aussi, de bonne heure, il manifesta cet amour de la campagne qui ne fit que croître chez lui avec les années. Il fallut bien, à la fin, se rendre à l’évidence, et le peu de goût que Rembrandt montra pour les lettres, en même temps que la vivacité du penchant qui l’entraînait vers la peinture, décidèrent ses parents à le retirer de l’école latine. Renonçant à l’avenir qu’ils avaient caressé pour lui, ils lui permirent, vers l’âge de quinze ans, de se livrer à sa vocation. Ses rapides succès dans cette nouvelle carrière donnèrent bientôt à l’ambition de sa famille des satisfactions plus hautes que toutes celles qu’elle s’était promises.
La Lapidation de saint Étienne, 1625.
Huile sur bois, 89,5 x 123,6 cm.
Musée des Beaux-Arts, Lyon.
Les ressources qu’on pouvait alors trouver à Leyde pour son éducation artistique étaient assez restreintes, et après une période antérieure d’activité et d’éclat, la peinture avait cédé le pas aux sciences et aux lettres. Une première tentative faite pour y établir en 1610 une guilde de Saint-Luc n’avait pu aboutir, tandis que des villes du voisinage, comme La Haye, Delft et Harlem, comptaient déjà, parmi les membres des associations qu’elles possédaient, des maîtres nombreux et en vue. Mais les parents de Rembrandt le jugèrent encore trop jeune pour se séparer de lui et ils résolurent de le mettre en apprentissage dans sa ville natale. D’anciennes relations et peut-être même des liens de parenté fixèrent leur choix sur Jacob van Swanenburgh, un artiste aujourd’hui tout à fait oublié, mais qui jouissait alors d’une grande considération parmi ses concitoyens. Si Rembrandt ne put guère apprendre d’un tel maître que « les premiers éléments et les principes », il trouva du moins près de lui une bienveillance qu’à cette époque les jeunes gens ne rencontraient pas toujours chez leurs patrons. Mais Swanenburgh avait su se concilier l’affection de ses élèves, qu’il traitait comme ses propres enfants. Pendant les trois années qu’il passa chez ce maître, ses progrès furent tels que ses concitoyens qui s’intéressaient à son avenir « en étaient tout à fait émerveillés et pouvaient déjà pressentir la brillante carrière à laquelle il était appelé ».
Ce temps écoulé, Rembrandt n’avait plus rien à apprendre chez Swanenburgh et il était en âge de quitter ses parents. Ceux-ci consentirent donc à se séparer de lui, afin qu’il pût se perfectionner dans un centre plus important, et ils firent alors le choix d’Amsterdam et d’un artiste très en vue à cette époque, Pieter Lastman. Rembrandt trouva chez ce dernier avec un talent bien supérieur à celui de Swanenburgh, des enseignements qui étaient en quelque sorte la continuation de ceux qu’il avait déjà reçus. Lastman, en effet, faisait partie du même groupe d’italianisants qui à Rome gravitaient autour d’Elsheimer.
Au moment où Rembrandt entra dans son atelier, Lastman était en possession de toute sa renommée. On le tenait pour un des meilleurs connaisseurs de tableaux italiens, et comme ces tableaux commençaient à être en vogue à Amsterdam, il était assez souvent appelé en qualité d’expert pour apprécier leur valeur dans des rentes ou des inventaires. Sa maison était fort recherchée, et son jeune élève eut sans doute l’occasion d’y rencontrer quelques-uns des personnages ou des artistes les plus en vue. Un tel commerce ne pouvait évidemment que lui être utile, ouvrir ses idées et développer ses facultés d’observation. Le temps que Rembrandt passa dans l’atelier de Lastman fut très court. Malgré la supériorité de ce dernier sur Swanenburgh, il n’était, en réalité, exempt d’aucun des défauts des italianisants. En somme, l’art de ces derniers n’était qu’un compromis entre l’art italien et l’art hollandais. Un tempérament aussi entier que celui de Rembrandt ne pouvait s’en accommoder. Ses instincts, son amour de la vérité s’y refusaient. Jusque-là, on ne lui avait parlé que de l’Italie qu’il ne connaissait pas, où il n’irait jamais, tandis qu’il se voyait entouré de choses qui l’intéressaient, qui parlaient à son âme d’artiste un langage plus immédiat et plus intime. Il aimait la nature avec plus de simplicité ; il lui découvrait des beautés à la fois moins compliquées et plus profondes. Il voulait l’étudier de plus près, en elle-même, sans ces prétendus intermédiaires qui s’interposaient entre elle et lui et faussaient la naïveté de ses impressions.
Peut-être aussi l’ennui d’être séparé de ce milieu de famille auquel il était si attaché, devint-il de plus en plus fort. Il regrettait les siens, et avec le désir d’indépendance qui était en lui, il en avait assez de tous les enseignements qu’il avait reçus.
Le Prophète Biléam et l’ânesse, 1626.
Huile sur bois, 63,2 x 46,5 cm.
Musée Cognacq-Jay, Paris.
Allégorie musicale, 1626.
Huile sur toile, 63,5 x 48 cm.
Rijksmuseum, Amsterdam.
Tobie en prière ou Anne accusée
par Tobie du vol du chevreau, 1626.
Huile sur bois, 39,5 x 30 cm.
Rijksmuseum, Amsterdam.
Le Baptême de l’eunuque, 1626.
Huile sur bois, 63,5 x 78 cm.
Rijksmuseum Het Catharijneconvent, Utrecht.
Les Premiers Travaux à Leyde
Enfant choyé, Rembrandt ne pouvait manquer, en rentrant au foyer familial, d’être fêté dignement par les siens. Il avait renoncé à une direction qui lui pesait ; maintenant il devait marcher seul et à ses propres risques. Que fit-il dès son arrivée à Leyde et quels furent ses premiers ouvrages au commencement de son séjour ? Nous l’ignorons et l’on n’a pu jusqu’ici découvrir aucune œuvre de Rembrandt antérieure à l’année 1627. Il faut en convenir d’ailleurs, les premiers tableaux que nous connaissons de lui — car ce sont des peintures qui portent cette date — ne sont que les premiers balbutiements de sa carrière. Mais, bien que ces productions un peu hâtives témoignent d’une grande inexpérience, elles contiennent cependant pour nous de précieuses indications.
Rembrandt acquit le sentiment de la vie et la science du clair-obscur, que nous remarquons déjà dans ces divers tableaux, par des études toutes personnelles, faites directement d’après nature et qui eurent une grande influence sur le développement de son talent. Les modèles à cette époque étaient rares en Hollande, particulièrement à Leyde qui ne possédait pas, comme Harlem, une académie de peinture. Passionné pour son art, il apportait une telle ardeur à l’étude que, selon le témoignage d’Houbraken, « il ne cessait pas de travailler dans la maison de ses parents, tant que durait le jour ».
De ce temps datent quelques petites têtes d’étude peintes sur panneaux et dont non seulement l’attribution à Rembrandt fut tardive, mais qui furent longtemps contestées, car elles déroutaient les opinions reçues et paraissaient