Au-delà des apparences
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About this ebook
Ce petit roman vous transportera dans un univers plein de mystères bercés de légendes Irlandaises, de magie, de fantômes et d'intrigues humaines...Une fois commencé, vous ne le lâcherez plus!
Marielle Lanzalavi
Diététicienne, praticienne en Iridologie et en EFT. Le résultat de son travail est riche d'une expérience de plus de vingt années de pratique en cabinet libéral. Autrice de plusieurs ouvrages en diététique mais aussi de romans.
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Au-delà des apparences - Marielle Lanzalavi
La gloire n’est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque fois que l’on tombe.
( Proverbe chinois)
Inhaltsverzeichnis
Prologue
1- Juliana
2- Lauren
3-Juliana
4-Judith et John
5-Le dîner
6- Le récit d’Amy et Teddy
7- Les mandalas de Juliana
8 – Lauren et Juliana
9- L’objectif de Lauren
10- Fergus
11- Alice
12- Maureen
13- Les italiens
14- Runes
15- Le don de Maureen
16- Magie blanche
17- L’inconnu
18- Kate et Linda
19- John
20- Alice
20- Les récits d’Amy
21- Paola
22- Grania
23- Richard
24- La serre
25- Le plan de Lauren
26- Echec et mat
27- Linda
28- Bal masqué
29- La voix de la raison
30- Dansons maintenant
31- Les peintures de Paola
32- La visite
33- Avis de tempête
34- Le manteau rouge
35- Trahison
36- Les recherches
37- Falaise maudite
38- Quelques mois plus tard…
Quelques mots de plus, rien que pour vous…
Du même auteur, chez BoD
Prologue
Dans la nuit froide et silencieuse une femme à la longue chevelure rousse vêtue d’un ample manteau carmin danse et tourne à la lueur des bougies. Ses pieds nus tapent la pierre froide et ses bras s’élancent vers les cieux à la recherche de quelque lien invisible. La forêt environnante semble à l’écoute. Les oiseaux se sont tus, les bêtes des bois restent immobiles et le temps est figé. Sa douce mélopée se déverse dans un flot continu clair et fluide, semblable à la douce caresse d’une plume voletant au grés du vent…Tout semble fragile autour d’elle et une brume de magie l’enveloppe et la protège.
Puis le plan s’éloigna tout à coup et le tableau changea. La nature se déchaîna tout à coup comme si elle réagissait en se révoltant. Les étoiles disparurent soudainement et le ciel devint aussi noir que de l’encre. Des éclairs brefs vinrent piquer la scène, l’illuminant par intermittence. Le vent se leva. Des rafales plièrent les arbres et les pierres roulèrent au sol. La terre se souleva et vola entre les arbres jusqu’à la falaise où la roche détrempée saignait à flot.
Le cri d’une femme retentit au loin, couvert par le vacarme assourdissant des vagues qui se fracassaient contre la falaise. Ils se disputaient. Ils se battaient. Non, il semblait essayer de la calmer mais elle gesticulait en reculant puis elle trébucha. Il tendit le bras pour la rattraper mais sa main ne saisit qu’un pan de son manteau. Des larmes coulèrent silencieusement sur ses joues pendant qu’elle tombait, bouche ouverte et bras s’agitant dans le vide. Yeux dans les yeux, il maintint sa prise encore un instant, les doigts blanchis sous l’effort agrippés à l’étoffe mais le sol glissant l’entraînait avec elle.
Ils savaient qu’ils vivaient leurs dernières secondes de vie. Rien ne pourrait arrêter leur destinée à présent. Leurs cœurs se serrèrent à l’unisson dans un dernier sursaut d’amour l’un envers l’autre et les deux corps enlacés tombèrent dans un vide infini. Le roulement du tonnerre se mêla à celui des vagues pour couvrir leurs cris désespérés. La pluie se mêla rapidement à la mer pour laver le sang de ces deux innocents, faisant disparaître ce drame, en quelques minutes.
Juliana se réveilla le cœur battant et en sueur.
1- Juliana
- La chambre vous convient-elle? Demanda la propriétaire de la chambre d’hôtes en ouvrant les doubles rideaux.
La lumière du jour pénétra dans la pièce en révélant une superbe vue sur les jardins et la campagne verdoyante. De fines gouttelettes de pluie tombaient sans discontinuer sur les vitres, le cliquetis qui les accompagnait était lent et triste.
Juliana admira brièvement le paysage brillant sous les quelques rayons de soleil qui percèrent les nuages avant de jeter un regard autour d’elle. Elle était postée à côté du grand lit, son sac encore suspendu à son épaule et sa valise à ses pieds. Elle hocha imperceptiblement la tête. La chambre était démodée mais coquette, suffisamment spacieuse pour pouvoir y séjourner pendant quelques semaines. Silencieuse, elle caressa du bout des doigts le petit fauteuil en velours élimé et jauni par la lumière du soleil dont elle se demanda ironiquement la provenance. L’Irlande n’étant pas connue pour ses chaudes journées ensoleillées.
Elle était si absorbée dans son inspection qu’elle sursauta presque lorsque la femme ouvrit une petite porte qui dévoila une salle de bain.
- N’auriez-vous pas une chambre qui comporterait un petit bureau, par hasard? Lui demanda-t-elle l’air ennuyé.
La femme se gratta la tête d’un doigt distrait et la dévisagea de ses yeux noisettes aussi clairs qu’un verre de thé dans la lumière du soleil. Ses cheveux étaient négligemment attachés et de longues mèches rousses tombaient de chaque côté de son visage marqué par le temps. Sa bouche était dessinée au crayon brun, en dehors de ses contours originels et ses pommettes étaient rehaussées par un blush rose maladroitement déposé sur ses joues. Ce maquillage lui donnait un faux air de poupée de cire.
- Non, aucune n’en contient. Cela vous manque-t-il?
- Et bien oui, répondit Juliana en pinçant les lèvres d’un air navré. J’ ai un travail à terminer et j’espérais pouvoir le faire ici, lui expliqua -t-elle. Je suis illustratrice et écrivain, il me faudrait un coin où je puisse m’installer . Même une petite table ferait l’affaire mais celle-ci est bien trop petite. Dit-elle en désignant la console d’un mouvement de tête.
A ce moment-là seulement, elle réalisa à quel point son voyage avait été décidé sur un coup de tête. Elle avait éprouvé le besoin irrésistible et absurde de fuir sa maison et ses problèmes en se rendant dans un lieu dépaysant où elle ne connaîtrait personne. L’Irlande s’était imposée comme une évidence. Elle avait imaginé ses paysages verts à perte de vue comme une bouffée d’oxygène dans sa vie tourmentée et le premier contact avec les lieux lui avait confirmé qu’elle ne s’était pas trompée dans son choix.
- J’aurais peut-être une solution à vous proposer, si elle vous convient…Voudriez-vous me suivre pour que je vous montre?
- Bien entendu.
Elle suivit la femme qui avait déjà tourné les talons pour se diriger vers le fond d’un couloir étroit et sombre. Une moquette aubergine défraîchie étouffa le bruit de leurs pas.
La décoration datait d’une bonne trentaine d’années . Lorsque Juliana avait vu la photo du bâtiment sur Internet, elle avait été immédiatement séduite : The Maureen’s Manor lui avait semblé imprégné d’histoires de légendes et de sentiments profonds comme son pays d’origine.
Elles montèrent les escaliers qui menaient à l’aile droite de la bâtisse, lentement et en silence. Le bas de la longue jupe de la femme devant elle, frôlait les marches en froufroutant et le bois craquait sous leurs pieds. Son parfum capiteux laissait une longue traînée derrière elle et Juliana reconnu sans mal les effluves du célèbre Habanita que sa mère portait jadis et elle en frissonna, comme si la seule présence de cette flagrance pouvait appeler son fantôme. Elle repoussa l’image douloureuse de la frêle silhouette de cet être qui lui fut si cher.
Elles s’arrêtèrent devant une porte qui lui parut plus haute et plus ancienne que ses voisines. La femme souleva son chemisier en flanelle pour attraper une bourse accrochée à sa taille et dans laquelle elle prit une grosse clé cuivrée qu’elle glissa dans la serrure. La porte ne grinça pas à l’ouverture comme Juliana s’y attendait et une immense salle aux murs hauts et d’un blanc éclatant lui fut dévoilée.
- Voici notre bibliothèque…Elle a été récemment refaite, nous avons eu un feu il y a quelques années.
- C’est une pièce magnifique!
- Hum, cette superbe cheminée est d’origine, mais le reste a dû être rafraîchi! Et si je pouvais, j’en ferai autant avec le reste de la bâtisse mais l’énergie et l’argent me manquent!
Les étagères meublaient deux murs entiers, elle caressa de la main des reliures de cuir usées, décolorées et pour certaines, noircies.
- Nous avons pu conserver quelques livres qui appartenaient à notre famille depuis des générations…j’y tiens beaucoup!
Puis elle se tourna vers la fenêtre devant laquelle était disposé un très joli bureau de fabrication récente en bois patiné et blanchi avec son fauteuil assorti.
- Cet endroit vous conviendrait-il mieux? C’est tranquille et je veillerai à ce que la cheminée soit allumée chaque jour…C’est une pièce calme et la vue sur le jardin est agréable, vous verrez, combien il est plaisant d’y rester!
- Je ne voudrais pas vous déranger…Riposta doucement Juliana, soudainement gênée par la gentillesse de son hôtesse.
- Oh! Bien au contraire…Lui répondit celle-ci. C’est avec un grand plaisir que je verrais cette pièce avoir encore quelque utilité. Lorsque mes enfants étaient petits, ils venaient y faire leurs devoirs. Les gens qui passent ici ne restent pas bien longtemps enfermés dans le Manoir car ils veulent visiter l’Irlande et non rester cloîtrer dans une vieille bâtisse!
La jeune femme perçut une légère amertume dans ces propos et crut comprendre ce qu’elle voulait dire. Elle accepta l’ offre en la remerciant.
- Bien. Je vais vous laisser vous installer…Une dernière précision : vous êtes conviée à dîner avec les autres pensionnaires à dix-huit heures dans l’ancienne chapelle qui jouxte l’accueil au rez-de-chaussée, vous la trouverez aisément… Si vous préférez dîner seule dans votre chambre, vous n’aurez qu’à le demander mais je trouve qu’un repas en commun permet à tous de se connaître et cela rend le séjour bien plus agréable! D’autant plus que nous avons une cuisinière hors paire!
- Bien, c’est entendu, je serai là.
- Parfait. Je vous laisse…A plus tard.
- Oui, à tout à l’heure.
La femme lui tendit la clé et s’en retourna vaquer à ses occupations. Juliana resta seule, inspectant les lieux avec curiosité. Elle aima cette atmosphère transmise par la présence de tous ces livres et c’était le meilleur endroit qui puisse lui convenir pour l’inspirer.
Depuis le décès de sa mère, elle avait pris la décision de se servir un peu de ses dons pour aider les gens à trouver leur voie ou leur chemin de vie comme disait sa grand-mère.
Elle ne souhaitait pas en faire son métier mais avait trouvé un bon compromis entre son désir d’écriture et cette capacité qu’elle avait au fond d’elle , en décidant de mettre au point un coffret de méditation zen. Cela consistait en un jeu de cartes, peintes par elle-même et agrémentées de citations qui permettaient la réflexion sur une question posée et qui pouvaient orienter les personnes dans la résolution de leurs problèmes. L’écriture du livret qui accompagnait ce jeu lui avait pris plus de temps que prévu car elle avait dû expliquer le concept et la méthode pour qu’il puisse être à la portée de tous. Chaque carte était illustrée d’un Mandala et était porteuse d’un message utile à la réflexion. Ce travail lui plaisait et même s’il était assez éloigné de l’écriture d’un roman, il lui permettait d’oublier un moment tous ses soucis personnels qui envahissaient un peu trop facilement son esprit depuis quelque temps. Ce projet était une sorte de thérapie qu’elle avait entreprise et elle souhaitait la terminer avec succès.
Dans son malheur elle avait la grande chance d’être à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours car ses parents lui avaient laissé un héritage très conséquent. Elle écrivait donc pour le plaisir, sans avoir la nécessité d’une rentabilité financière et cela libérait très largement son imagination puisqu’elle ne ressentait aucune pression.
Elle jeta un œil par la fenêtre avant de regagner sa chambre et remarqua que la nuit était déjà tombée. La route avait été longue pour atteindre ce pays qui était à l’autre bout du monde mais elle était satisfaite malgré tout de son choix. Même s’il était vrai qu’elle appréhendait au fond de se retrouver seule dans ce coin perdu pendant trois semaines.
Elle n’aimait pas plus l’idée de dîner avec des étrangers mais elle pensa que cela serait préférable au fait de dîner en solitaire dans sa chambre.
D’un naturel plutôt introverti, la jeune femme évitait en général de participer à toute manifestation où il y avait du monde en dehors de ses amis proches, rares, elle devait bien se l’avouer. Mais ici, elle n’avait déjà plus les mêmes repères! Le manoir et tout ce qui l’entourait et le composait , semblait faire partie d’une autre dimension, rien n’était et ne pouvait rester habituel. Elle s’était sentie différente et cela à partir du moment où elle avait pris la décision de venir. Comme si ce choix lui avait été dicté par une force extérieure, ce qui n’était pas une chose impossible vu ses intimes convictions.
***
2- Lauren
Lauren roulait doucement. Sa petite voiture de sport blanche offerte par Richard pour son dernier anniversaire collait à la route sinueuse qui serpentait dans la campagne verdoyante. Voilà plus de deux heures qu’elle avait pris la route .Tout en conduisant elle repensa à la façon dont elle avait eu l’idée de se rendre dans ce manoir aux pouvoirs soi-disant magiques! Elle s’était trouvée dans la brasserie de l’entreprise dans laquelle elle travaillait et de jeunes femmes, employées à l’accueil et qu’elle ne fréquentait pas s’étaient assises à la même table qu’elle.
Les organisateurs avaient pensé que le simple fait de mettre de grandes tables permettraient à tous les employés de se côtoyer et donc, forcément, de se rapprocher mais cela ne fonctionnait pas avec tout le monde et surtout pas en ce qui concernait Lauren car elle estimait que sa place en tant que secrétaire de direction et surtout en tant que maîtresse du directeur impliquait une distance respectueuse entre les autres et elle-même.
Elle lâcha le volant pour replacer machinalement une mèche de cheveux rebelle invisible et se remémora les paroles de la jeune employée à la tignasse rousse flamboyante:
- Savez-vous que Mary- Ellen a annoncé ses fiançailles?
Avait-elle demandé.
- Oh! s’exclamèrent ses voisines à l’unisson.
Raconte donc comment elle s’y est prise pour LE décider enfin!
- Elle lui a organisé un week-end en amoureux dans un endroit qui a des pouvoirs magiques…
- Magiques?...Tu plaisantes? S’esclaffa l’une d’entre elles.
- Et bien, pas vraiment en fait… Dit la rousse en minaudant un air mystérieux.
Les deux autres ainsi que Lauren, tendirent une oreille curieuse et la rouquine continua :
- Il existe en Irlande, un manoir dans lequel on peut séjourner et qui a une renommée particulière… On dit que ceux qui ne sont pas les bienvenus n’y trouvent jamais une chambre de libre et que seuls ceux qui sont choisis par je-ne-sais-qui, y trouvent une hospitalité personnalisée.
- Tu nous fait marcher? Rétorqua la blonde d’une voix nasillarde.
- Pas du tout! Je te répète ici ce que j’ai entendu dire de source certaine : le manoir te choisit ou pas. Je sais, c’est fou mais c’est véridique!
- Mais comment ça? Demanda l’autre.
- Et bien, je ne sais pas comment mais il y a un blog sur Internet qui ne parle que de ça et il y a des tonnes de témoignages qui révèlent les pouvoirs de ce manoir.
- J’ai du mal à y croire mais pour Mary- Ellen, que s’est-il passé exactement? Dit à nouveau la blonde.
- Bon, vous savez qu’elle aime Harry depuis des années mais il n’était pas décidé à envisager l’avenir avec elle…Elle l’a emmené dans ce manoir et elle raconte que lorsqu’ils sont arrivés là-bas ils se sont sentis en accord sur tout. Ils ont eu l’impression que toutes leurs craintes avaient disparu et que tout était soudainement facile. Il semblerait que les lieux soient superbes et que l’on y ressent des présences étranges mais bénéfiques…Il lui a demandé sa main, sur place, dans un jardin de roses! Il s’était absenté pour acheter une bague ancienne à Galway, le truc hyper romantique!
- Ouaow! Formidable!...Et ou est ce manoir magique?
- Cela s’appelle The Maureen’s Manor , c’est dans le Connemara, tu peux trouver l’adresse sur Google…
Lauren était remontée précipitamment dans son bureau et s’était connectée sur Internet pour vérifier si ce lieu existait vraiment ou s’il avait été inventé par la jeune femme.
La page d’accueil de la résidence s’était affichée assez rapidement et elle avait téléphoné à Richard pour lui demander s’ils pouvaient prévoir quelques jours ensemble. Il n’avait pas répondu avec certitude et lui avait laissé entendre qu’il y réfléchirait. Mais cela ne l’avait pas satisfaite. Elle avait défini elle-même une date et avait téléphoné pour réserver. Ce qui avait été confirmé quelques heures plus tard. Du coup, elle pensa que puisqu’elle avait été choisie, ses vœux seraient forcément exaucés. Elle imagina immédiatement Richard lui demandant de l’épouser, au milieu des roses…Elle attendait ce moment depuis si longtemps, il lui semblait tout à fait logique que le destin fasse enfin son travail après tous les stratagèmes qu’ elle avait déployé depuis l’instant où elle l’avait rencontré.
Dès l’instant précis où elle l’avait vu, dans son costume sombre, auréolé du charisme propre à de nombreux chefs d’entreprises appréciés de tous, elle s’était fait la promesse de devenir un jour sa femme et peu importe qu’il soit déjà marié ou pas, cela ne rentrait aucunement dans ses considérations. Elle connaissait ses propres valeurs et se savait au-dessus de toutes celles qui se trouvaient sur son chemin. La première preuve qui lui venait à ce moment précis en tête était son évolution rapide au sein de l’entreprise. Elle avait dû jouer des coudes et parfois aussi de son corps en plus de savoir se servir de sa tête mais elle était devenue La secrétaire de direction, la place indispensable pour pouvoir côtoyer le PDG et le séduire. Elle méritait bien que le manoir l’ait choisie.
***
3-Juliana
Juliana retourna dans sa chambre pour s’y installer et épuisée par le long voyage, décida de prendre un bain pour se détendre.
Depuis quelques jours son esprit était en ébullition. Elle n’arrivait plus à dormir et mangeait très peu, la gorge nouée par la contrariété. D’ailleurs, en se déshabillant elle remarqua qu’elle pouvait presque faire glisser son pantalon sans en ouvrir la braguette. Elle qui songeait depuis quelque temps à faire un petit régime pour perdre les quelques kilos qui avaient épaissi insidieusement son tour de taille, elle aurait pu s’en réjouir si elle ne s’était pas sentie aussi triste.
Après avoir coincé ses longs cheveux dans une pince, elle se glissa dans l’eau du bain qu’elle venait de faire couler. Elle soupira d’aise en sentant son corps engourdi se détendre au contact de l’eau chaude. S’allongeant plus profondément, elle laissa ses épaules totalement immergées se dénouer.
Avant de se laisser aller à somnoler dans l’eau chaude, elle attrapa son téléphone portable pour appeler ses enfants. La tonalité raisonna dans le vide et la messagerie se déclencha. Déçue, elle se contenta de laisser un message en disant qu’elle rappellerait. Elle se glissa ensuite plus profondément sous la mousse et laissa son esprit divaguer suivant le flot de ses pensées au hasard et dans un ordre totalement illogique. Elle songea à ses deux petites et en premier lieu au sourire coquin de la plus jeune, Emeline qui avait six ans. Elle l’imagina aisément dans l’eau bleu turquoise des Antilles où elle était partie avec sa sœur et son père, plongeant indéfiniment sa petite tête blonde sous l’eau et la ressortant en soufflant pendant des heures. Sa blondeur et ses yeux rieurs la faisaient ressembler à un ange mais elle était si maligne et si farceuse que Juliana l’appelait affectueusement mon petit démon .Cela faisait rire l’enfant qui imaginait être l’héroïne d’un des contes que sa maman lui lisait : une jolie fillette portant des petites cornes roses et qui faisait des blagues rigolotes à tous ceux qui l’entouraient. Elle pensa ensuite à Aurore qui avait huit ans et demi. Plus délicate et bien plus râleuse. Elle l’imagina en train de pester contre le sable fin qui collait à sa peau et qui la démangeait, sur le sel qui lui piquait les yeux ou sur le soleil qui l’obligeait à mettre de la crème qui elle-même favorisait l’adhérence du sable, à son grand désespoir…Son Aurore était ainsi depuis sa plus tendre enfance. Toujours insatisfaite, comme si le monde entier se liguait contre elle en permanence .
Mais en dehors de ce travers, pas toujours facile à gérer pour l’entourage, Aurore était une magnifique enfant brune aux yeux verts comme sa mère et était très affectueuse ; Ce qui la rendait particulièrement attachante.
Juliana ricana intérieurement en souhaitant bien du courage à son époux pour gérer ses petites pestes! Elle les adorait mais partir avec les deux fillettes réunies était une vraie galère! Elles étaient si différentes qu’il aurait fallu pouvoir leur donner des vacances à la carte pour que cela se passe idéalement mais leur père ne les connaissait pas assez pour le savoir et il apprendrait à ses dépends.
Durant leur mariage Patrick les avait délaissées pour se construire une carrière puis lorsqu’il fut, enfin, plus disponible, il trouva d’autres excuses comme le sport, les loisirs et enfin : les maîtresses , jusqu’à ce que Juliana découvre cette nouvelle activité.
Elle chassa ses idées noires et rajouta un peu d’eau chaude dans le bain pour le faire durer encore un peu, malgré sa peau qui commençait à blanchir et à friper au bout de ses doigts. Elle prit le gant de crin qu’elle avait apporté et se frotta énergiquement tout le corps pour se faire une peau lisse, comme si d’éliminer les cellules mortes permettait aussi de chasser toute la crasse qui s’accumulait dans sa tête depuis qu’elle avait découvert les infidélités de son époux. Après s’être rincée, elle se leva et attrapa l’épaisse serviette et se sécha en prenant son temps, se concentrant sur ce moment pour ne pas réaliser à nouveau qu’elle allait passer son premier séjour depuis des années toute seule et que cela l’angoissait au plus haut point. Elle s’habilla tout aussi lentement en sortant en même temps ses affaires qu’elle déballait de son sac au fur et à mesure pour les ranger. Après avoir enfilé un pantalon de toile noire et un pull fin en cachemire vert elle prit le temps d’épaissir ses cils avec un peu de mascara et de brosser ses cheveux.
Il était dix-sept heures trente. Elle s’accorda encore un moment de repos en s’asseyant dans le petit fauteuil, face à la fenêtre. Elle s’interrogea sur les autres visiteurs du manoir et se demanda s’ils avaient fuis eux aussi quelque chose comme elle puis elle se reprit mentalement en se disant que la plupart des gens voyageait pour le plaisir de découvrir d’autres lieux et non pour éviter de rester chez eux.
Elle se leva et se laissa tomber sur le lit. Allongée de tout son long elle fixa le plafond en réfléchissant encore, caressant machinalement une mèche de cheveux d’une main distraite et laissant divaguer le cours de ses pensées vers les évènements passés. Dans son esprit des images intervenaient comme des flashs résumant une vie entière : elle était petite et blottie dans les bras de sa mère qui portait ce beau manteau de laine rouge à la coupe évasée et courte qu’elle adorait tant. Elle venait de tomber et des larmes perlaient encore sur ses joues que sa mère caressait tendrement. Un serrement au cœur lui procura une angoisse lorsqu’elle crut déceler son parfum dans la chambre…Lorsqu’elle se souvint que la propriétaire des lieux portait le même, elle laissa sa tête retomber dans la couette.
Elle aurait aimé pouvoir dormir pendant six mois et se réveiller l’esprit vide de tout souvenir et de tout sentiment mais hélas, c’était impossible. Elle avait dû faire semblant de vivre comme si elle n’avait rien découvert pour que les deux petites ne soient pas aussi perturbées qu’elle l’était elle-même et avait profité du fait que son époux veuille les emmener en voyage pour prévoir le sien en solitaire. Elle espérait que cela lui permettrait de prendre du recul car depuis cette découverte, la tristesse, la colère, la déception et la nostalgie faisaient partie de son lot quotidien.
La sonnerie du téléphone la tira soudainement de ses réflexions. Elle se contorsionna pour l’attraper sur la table de chevet et jeta un regard sur le nom de l’appelant affiché avant de répondre, déçue que cela ne soit pas une de ses filles mais son amie d’enfance, Alice, qu’elle n’avait pas franchement envie d’entendre à ce moment précis, tant elle se sentait mal.
- Juliana! Cria Alice dans l’appareil. Où es-tu donc! Je te cherche partout!
- Alice…Je suis désolée, je t’avais oubliée.
- Comment ça : tu m’avais oubliée?! Où es-tu donc?
Répliqua Alice, toujours aussi nerveuse.
- Et bien…Je suis partie!
- Partie où? Avec Patrick?
- Mais non. Pas avec Patrick…
- Pas avec Patrick? Cela fait quinze jours que je n’arrive plus à te joindre! Tu ne réponds pas à mes appels! Tu ne me rappelles pas! J’espère que tu as une bonne excuse car je me suis fait un sang d’encre!
- Il s’est passé tant de choses que j’ai eu besoin de prendre un peu de recul. Expliqua Juliana.
- Tant de choses? Quoi donc?
- Et bien c’est si long à expliquer…
Juliana ne savait pas par quoi commencer et curieusement elle se sentait coupable de ce qui lui arrivait. Elle n’en avait parlé à personne car nul