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Mémoires Du Général Bigarré, Aide De Camp Du Roi Joseph
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Mémoires Du Général Bigarré, Aide De Camp Du Roi Joseph

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Mémoires du général Bigarré, aide de camp du roi Joseph. Paris, Kolb, 1893, in-80, XV-320 p.
« Ces souvenirs ont été écrits en 1830. Entré à la garde consulaire, Bigarré assiste au sacre puis à la bataille d’Austerlitz. Son régiment ayant perdu un drapeau à Austerlitz, il se cabre sous les reproches de Napoléon (pp. 180-183) et passe aide de camp de Joseph qu’il suit à Madrid (chapitres IX-XI), le récit s’arrête en 1812. Racontées naïvement les conquêtes galantes et les infortunes conjugales de Bigarré donnent à ses souvenirs un ton plaisant. Malheureusement, l’appareil critique fait défaut. » p 18 - Professeur Jean Tulard, Bibliographie Critique Des Mémoires Sur Le Consulat Et L’Empire, Droz, Genève, 1971.
LanguageEnglish
PublisherWagram Press
Release dateJun 13, 2014
ISBN9781782891444
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    Mémoires Du Général Bigarré, Aide De Camp Du Roi Joseph - Général Baron Auguste Bigarré

    MÉMOIRES DU GÉNÉRAL BIGARRE

    AIDE DE CAMP

    DU ROI JOSEPH

    1775-1813

     This edition is published by PICKLE PARTNERS PUBLISHING—www.picklepartnerspublishing.com

    To join our mailing list for new titles or for issues with our books – contact@picklepartnerspublishing.com

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    Text originally published in 1893 under the same title.

    © Pickle Partners Publishing 2013, all rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted by any means, electrical, mechanical or otherwise without the written permission of the copyright holder.

    Publisher’s Note

    Although in most cases we have retained the Author’s original spelling and grammar to authentically reproduce the work of the Author and the original intent of such material, some additional notes and clarifications have been added for the modern reader’s benefit.

    We have also made every effort to include all maps and illustrations of the original edition the limitations of formatting do not allow of including larger maps, we will upload as many of these maps as possible.

    TABLE DES MATIÈRES

    Contents

    TABLE DES MATIÈRES 2

    AVANT-PROPOS 4

    PRÉFACE 6

    PREMIÈRE PARTIE—AUX ANTILLES ET EN BRETAGNE 7

    CHAPITRE PREMIER 1775-1790 7

    Une famille bretonne. —Le feu de la Saint-Jean. — Les régiments de Belle-Isle. — L’abbé Caradec. — Cabotage. — Etudes à Lorient. — La prise de la Bastille. — La cocarde tricolore. — La garde nationale. 7

    CHAPITRE I — 1790-1793 15

    Le Raisonnable. — Bain en Loire.— Saint-Domingue. — La révolte de noirs. — Combats et exécutions. — Beck. — Couacou. — Le drapeau blanc et le drapeau tricolore à la Martinique. — Exécution de Louis XVI. 15

    CHAPITRE II — 1793-1796 22

    Nomination de sous-lieutenant. — Le régiment de Normandie. — Le Mariage de Figaro. — Mars et Vénus. — L’insurrection de Bretagne.— La Terreur. — Les Chouans. —Combat de Parigné. — Le général Bernard. — Le général Hoche. — Piquet de Bois Guy. — Quiberon. — Sombreuil. — Le comte d’Artois. — Stofflet. — Charette. — La légion des Francs. 22

    CHAPITRE III — 1796-1797 34

    Expédition d’Irlande. — Embarquement. — Tempête. — La flotte désemparée. — Le vaisseau les Droits-de-l’Homme. — Combat naval. —Le commandant de Lacrosse. —Le commandant Prévôt-Lacroix. — Naufrage. — La faim. — A la nage. — Le salut. 34

    DEUXIÈME PARTIE A L’ARMÉE DU RHIN 41

    CHAPITRE IV —  (1797-1800) 41

    Joyeux voyage. — Le Rhin. — Premier combat. — Emprisonnement à Mayence. — Marche sur Paris. — Fâcheuse méprise. — Le 18 Fructidor. — Guerre en Suisse. — Reddition de Berne. — Brienne. — Nuit agitée. — Blessure à la mâchoire. — Cheveux à la Titus. — Masséna. — Bataille de Zurich. — Réveillon au couvent. — Colmar. — Les bottes oubliées. — Le Consulat. — Combats. — La Tour-d’Auvergne. — Armistice. 41

    CHAPITRE V —  1800-1801 54

    Les dames de Munich. — Bataille de Hohenlinden et suivantes. — Armistice. — Retour à Munich. — Amies et ennemies. — Garnison à Huningue. — Charlotte et Madelon. 54

    TROISIÈME PARTIE DANS LA GARDE IMPÉRIALE 62

    CHAPITRE VI —  1801-1803 62

    Madame Bonaparte à Luxeuil. — Lettre au Premier Consul. — Admission dans sa garde. — Inspection de Bonaparte. — La Malmaison. — La comédie. — Masséna à Rueil. — Mariage. — La Légion d’honneur. — Préparatifs maritimes contre l’Angleterre. — Cadoudal. — Le duc d’Enghien. — Moreau. — Rewbel. — Couronnement ä Paris. — Tentative d'assassinat. — Habitudes de l’Empereur. — Couronnement à Milan. — Nomination au commandement d’un régiment. 62

    CHAPITRE VIII — 1805-1806 80

    Le camp de Boulogne. — Soult. — Baraquements. — Le prince Joseph. — Départ pour le Rhin. — Elchingen. — Capitulation d’Ulm. — Entrée à Vienne. — Illumination du bivouac. — Austerlitz. — Perte d’une aigle. — Le grand-duc Constantin. — Reproches de Napoléon. — Riposte chaleureuse. — Refus de dîner avec l’Empereur. — La paix. 80

    QUATRIÈME PARTIE A NAPLES 93

    CHAPITRE IX —1806 93

    L’infanterie en blanc. — Services offerts et acceptés à Naples. — Adieux de l’Empereur. — Départ pour l’Italie. — Bâle. — Milan. — Bologne. — Florence. — Rome. — Pie VII. — Lucien Bonaparte. —Canova. 93

    CHAPITRE X — 1806 98

    Naples. — La noblesse ralliée au roi Joseph. — Jourdan. — Masséna. — Réception au palais. — Nomination de colonel aide de camp. — Un régiment napolitain. — Expédition contre les brigands. — Les officiers napolitains et leur famille. — Voyage en Calabre. — Les mœurs à Naples. 98

    CHAPITRE XI — 1807-1808 104

    Insurrection sur la place du Palais. — Habitudes du roi Joseph. — Mantoue. — Aventure. — Mœurs des soldats napolitains. — Le régiment vient en France. — Revue de l’Empereur. —Sa conversation avec un soldat. — Le Mont-Cenis. — Retour à Mantoue. — Visite du roi de Bavière. — Les exorcismes. — La Léoni. 104

    CINQUIÈME PARTIE EN Espagne 111

    CHAPITRE XII — 1808 111

    Joseph roi d'Espagne. — Nomination de général. — Napoléon à Bayonne. — Le roi Joseph à Burgos. — Napoléon en Espagne. — Sa harangue aux moines. — Entrée à Madrid. — La noblesse. — Opposition du Clergé. — Voyage de Madrid à Compostelle. 111

    CHAPITRE XIII — 1809 116

    Campagne de Portugal. — Marches et combats de Soult. — Mort du général Jardon. — Prise d’Oporto. — Aspirations de Soult à la couronne de Portugal. — Vive le roi Nicolas ! — Évacuation d’Oporto. 116

    CHAPITRE XIV — 1809 122

    Retour à Madrid. — Vie et habitudes du roi Joseph. — Ses bienfaits. — Bataille de Talavera. — Réorganisation du royaume. — Bataille d’Ocaña. — Suchet. — Déprédations de certains officiers. — Sentiments de la population. — Les prêtres et les femmes. — La maison du roi. — L’autorité du roi balancée par les ordres directs de Napoléon. 122

    CHAPITRE XV — 1810 130

    Le roi Joseph à Séville. — Procession interrompue. — Fêtes en Andalousie. —Malaga. — Les guérillas. —Caractère des Espagnols. — Le roi Joseph et l’ambassadeur de France. — Mari trompé. 130

    CHAPITRE XVI — 1811 — 1812 140

    Combats à Aranjuez. — Bataille d'Albuhera. —La famine à Madrid. — La duchesse de San-Carlos. — Le chanoine de Saint-lsidore. — Première mission à. Paris. — Audience de Napoléon. — Aventure parisienne. — La vie en congé. — Préparatifs delà campagne de Russie. — Second mariage. — Défaite d’Arapiles. — Les français quittent Madrid. — Talleyrand. — Les Français rentrent à Madrid. — Seconde mission à Paris. — Napoléon à son retour de Russie. — Consternation de Paris. —Instructions envoyées au roi Joseph. — Celui-ci résiste au projet de démembrement de l’Espagne. 140

    AVANT-PROPOS

    Les mémoires manuscrits du général Auguste Bigarré dormaient oubliés à la bibliothèque d'Angers; nous croyons, en les publiant, intéresser le public.

    Leur auteur les a écrits vers 1830. Il avait, à cette époque, cinquante-cinq ans. Le demi-siècle qu’il raconte comprend les fiévreuses périodes de la Révolution, et surtout l'épopée impériale.

    Son style est peu correct, sa phraséologie souvent emphatique ou triviale ; sa gauloiserie choquera les moins prudes ; son jugement s’élève peu. Mais, en dépit de ces reproches, il a semblé que l'honnêteté native de ce soldat rude et illettré, son patriotisme sincère, ses enthousiasmes, ses préjugés même, fidèle et curieux reflet de son temps, l’importance des événements et des personnages qu’il a vus, seraient capables d’attacher et de plaire.

    Si Bigarré n’a ramassé dans le sillage de Napoléon ni sceptre de roi ni bâton de maréchal, c'est qu'il fut piètre courtisan. S’il resta dans l’ombre, très près des grands rayons, ce n’est pas parce qu’il rudoya la syntaxe, — d’autres ont brillé, qui n’en savaient pas davantage; — non, si ce brave n'a pas été admis sur le char du triomphe, c’est parce qu’il manqua de souplesse et regimba sous la cravache. Il lui arriva en quelque occasion, sinon de formuler le blâme, au moins de l’écouter; il lui arriva un jour de subir, sans dissimuler son amertume, un reproche peu justifié du maître. Il a expié cette indépendance dans les postes sans gloire. Du moins a-t-il été en bonne place pour voir les choses, beaucoup de choses.

    Fils d’un pauvre sénéchal breton, il s’embarque, à douze ans, avec un capitaine caboteur. A seize ans, il suit la campagne de Saint-Domingue. A dix-huit ans, il entre comme sous-lieutenant au régiment de Normandie et il fait la guerre aux Chouans, non sans déplorer la cruelle barbarie des répressions auxquelles il prend part. En 1796, il est capitaine à la Légion des Francs, assiste à la lamentable expédition d'Irlande, fait naufrage, et regagne à la nage la côte bretonne. Il part ensuite pour l'armée du Rhin, combat en Suisse et en Allemagne. En 1801, il a la bonne chance de rencontrer aux eaux la femme du Premier Consul, Joséphine de Beauharnais, et l'audace de solliciter directement son entrée dans la garde consulaire. Il devient ainsi, sans toujours fermer l’oreille aux murmures des rivaux de Napoléon, le familier de la Malmaison et des Tuileries. Il est de garde à Notre-Dame pendant le couronnement impérial. En 1805, il passe major et commande effectivement le régiment dont était colonel honoraire le frère de l’Empereur, le prince Joseph. Bigarré figure alors au camp de Boulogne, puis il prend héroïquement part à la bataille d'Austerlitz.

    C'est au lendemain de ce grand jour qu'il osa braver Napoléon. Son régiment, anéanti par la mitraille, avait perdu un drapeau. Les reproches de l’Empereur en cette occasion aigrirent le brave major, qui se cabra sous la férule. Aussi obtint-il facilement de quitter la Garde impériale, pour passer comme colonel aide de camp au service de Joseph Bonaparte « nommé roi de Naples. » Bigarré traverse l'Italie, organise les troupes de son roi et combat les insurgés, qu’il appelle les brigands. Quand Joseph est « nommé roi d’Espagne », Bigarré l’accompagne à Madrid, comme général de brigade ; il suit la campagne de Soult, en Portugal, prend part aux luttes du roi Joseph contre les guerillas et contre les Anglais, jusqu’en 1813.

    A cette époque s’arrêtent brusquement ses mémoires.

    Depuis, Bigarré devint général de division pendant la campagne de France. Disgracié sous la Restauration, il reçut, en 1830, le commandement d’une division à Rennes, où il est mort en 1838.

    Mais Napoléon, Joséphine, la Cour de Naples, la Cour de Madrid, les souvenirs belliqueux d’Allemagne, de Suisse, d’Italie, d'Espagne, les voyages, les impressions, les jugements ne remplissent pas seuls les pages, très variées, laissées par le général. Bigarré était un casse-cœurs et un vert-galant, qui raconte ses prouesses amoureuses avec la désinvolture franche et gauloise dont il est coutumier. Il paraît avoir rencontré partout, chez les vaincus comme en France, des âmes sensibles et complaisantes ; il enregistre avec ingénuité ses conquêtes multiples d'heureux soudard, ainsi que les anecdotes risquées dont il fut le héros, sans nous dissimuler même ses propres infortunes conjugales.

    On n’a pas cru que ces hors-d’œuvre pimentés dussent disparaître dans un récit qui leur doit une partie de sa saveur spéciale, propre aux choses et aux hommes du temps. En publiant les mémoires de Bigarré, on s'est borné à supprimer les longueurs fatigantes, les répétitions fastidieuses, les réflexions prolixes et les lourdes théories. Le texte, d'ailleurs absolument respecté, a été divisé, pour plus de clarté, en parties et en chapitres, selon les époques et les aventures. L’orthographe un peu fantaisiste du général a été amendée. Tel a été le seul travail des éditeurs.

    Ils ont pensé qu’à cette heure des reconstitutions historiques, on apprécierait le général Bigarré comme un témoin oculaire, surgissant après un long sommeil, apportant, à son tour, son simple et sincère tableau des grands événements qui ont stupéfié le monde il y a cent ans, et dont le détail circonstancié passionnera longtemps encore la postérité.

    L. DE B.

    PRÉFACE

    Je ne vous dirai pas que les mémoires que vous allez lire vous intéresseront autant que je le désirerais; je ne prétendrai pas qu'ils sont exempts de ces futilités dont on remplit les livres nouveaux, ni de ces détails maussades et ennuyeux qui précèdent ou suivent les faits, les actions qu’on a à décrire; mais ce que je puis vous assurer, c’est que du commencement jusqu’à la fin ils contiennent l'exacte vérité, chose assez rare par le temps qui court et qui, par cela seul, doit me mériter votre indulgence.

    Ne m'en veuillez pas, amis lecteurs, d’avoir débuté dans cette entreprise en vous entretenant des premiers jours de mon enfance, et en continuant de vous conduire par tous les âges de la vie, à celui où j’ai pris la plume pour me faire connaître de vous. Cette conception de ma part n’est pas tout à fait aussi désintéressée que vous pourriez bien le croire. Je me suis dit: s’il me prend jamais la fantaisie de faire imprimer un jour mes mémoires, il faut au moins que je parvienne à en former deux volumes in-octavo ; pour ce faire n’omettons rien de ce qui peut me faire arriver à ce but, ai-je ajouté, et dès lors, ne voyant la possibilité de remplir huit cents pages sans parler un peu de ma vie privée, j’ai commencé à prendre votre auteur au berceau.

    Si je n’avais pas été mis à la retraite à l’âge de 48 ans, il est probable que j’eusse agi différemment. Mes appointements d’activité ou de disponibilité m’eussent donné les moyens d’être généreux; mais mon ancien camarade le marquis de Clermont-Tonnerre m’ayant forcé de devenir industrieux, c'est à lui qu’il faut vous en prendre si je n’ai pas le bonheur de vous contenter.

    Vous verrez dans mes récits que j’ai commencé à faire la guerre à Saint-Domingue en 1791 et que jusqu’à 1815 je n’ai cessé d’être sous les armes. Vous verrez que j’ai combattu les nègres révoltés, les blancs ennemis de la Patrie, les Autrichiens, les Prussiens, les Badois, les Bavarois, les Saxons, les Polonais, les Suisses, les Russes, les Wurtembergeois, les Hollandais, les Romains, les Napolitains, les Hongrois, les Turcs, les Espagnols, les Portugais, les Irlandais, les Écossais et les Anglais.

    Vous apprendrez qu’ayant servi dans la Garde impériale pendant deux ans, et ayant été aide de camp du roi Joseph Bonaparte, sept autres aunées, il n'est pas étonnant que je sois informé de beaucoup d’autres choses que d'autres peuvent ignorer.

    Vous verrez les détails d’un combat naval où j'ai assisté et ceux du naufrage qui Ta suivi.

    Vous ne trouverez pas étonnant qu’après avoir servi mon pays pendant 25 années de guerre, je sois parvenu au grade de général en payant chaque grade de mon sang.

    Si je vous entretiens de quelques aventures galantes qui me sont particulières, veuillez-vous rappeler que les souvenirs du bonheur sont diffus et bavards.

    Les Victoires et Conquêtes des Français ayant assez fait connaître les grandes choses que nos armées ont faites, je passerai légèrement sur tout ce qui a rapport aux batailles et combats, ne voulant pas revenir sur ce qui a été si bien détaillé dans ce précieux ouvrage.

    Ne vous plaignez pas, je vous prie, lecteurs, de ce que ces mémoires sont écrits sans ordre et sans méthode; de ce qu'on y trouve ça et là des anachronismes, des barbarismes et même des solécismes; souvenez-vous, s'il vous plaît, que je vous préviens que j’ai fait mes études dans les camps.

    PREMIÈRE PARTIE—AUX ANTILLES ET EN BRETAGNE

    CHAPITRE PREMIER 1775-1790

    Une famille bretonne. —Le feu de la Saint-Jean. — Les régiments de Belle-Isle. — L’abbé Caradec. — Cabotage. — Etudes à Lorient. — La prise de la Bastille. — La cocarde tricolore. — La garde nationale.

    Je suis né à Belle-Isle en mer, le 1er janvier 1775. Je fus le treizième enfant auquel ma mère, qui était grande grasse, forte et bonne, donna le jour, mais elle en fit encore deux autres après moi. Mon père, à l'époque de ma naissance, était sénéchal de la juridiction royale de cette île, subdélégué de l’intendance de Bretagne, et correspondant intermédiaire des états de cette province. Il était, ainsi que ma mère, fortement constitué et n’avait qu’une médiocre fortune.

    Je fus porté à l’église au son de la musique du régiment de Turenne, qui se trouvait à cette époque en garnison à Belle-Isle. On me nomma Auguste-Julien.

    Je pris de très bonne heure des goûts militaires. Les officiers des régiments en résidence dans l’île, qui venaient souvent passer la soirée chez mon père, contribuèrent beaucoup à fortifier cette inclination que j'ai eue de bonne heure pour les armes. Chaque fois que je pouvais m’emparer de leur épée ou qu'ils me parlaient de fusils et de tambours, il n’était plus possible de me dompter. C’est surtout à messieurs les officiers des régiments de Courten et de Castella que je suis redevable de cet amour pour l'état militaire. Le pain de munition avait pour moi tant d'attraits qu’a l'âge de cinq ans, j'allais à une caserne occupée par une compagnie de grenadiers de Castella changer des poires et du raisin pour avoir un gros pain de soldat. C’était avec bien de la peine qu’on parvenait à me ramener chez mon père quand une fois j'avais pu entrer chez mes bons amis les grenadiers de Castella. Ces braves, qui connaissaient ma famille et qui me faisaient manger des pommes de terre avec eux, me protégeaient toujours quand j'étais menacé du fouet. Il est vrai que je ne payais point leur protection d'ingratitude, car je les aimais aussi sincèrement que mes frères et sœurs, et j’aurais volontiers, dès cet âge, passé ma vie dans leur société.

    Une mésintelligence qui survint entre mon père, sénéchal de l’ile, et M. le comte de Béhague, gouverneur, fit prendre à la cour la résolution de les appeler tous les deux à Paris. Il s’agissait entre eux de prérogatives usurpées et d’actes arbitraires. Mon père, comme magistrat né protecteur des citoyens, ne voulait pas permettre à M. le comte de Béhague de vexer injustement les habitants de sa juridiction, et ce dernier, en sa qualité de gouverneur pour le Roi, prétendait avoir le droit de les conduire à sa fantaisie.

    La France était en guerre avec l'Angleterre, on avait formé des gardes-côtes à Belle-Isle-en-Mer, qui, conjointement avec la garnison, devaient contribuer à la défense de la place. Cette troupe, qui n’est ordinairement organisée que comme garde sédentaire et qui ne reçoit de solde que les jours qu’elle fait un service actif, n'est point assujettie à porter un uniforme. Elle se compose d'officiers choisis parmi les habitants les plus aptes au commandement, et de soldats pris à la ville ou à la campagne, dans le nombre de ceux âgés de 18 à 50 ans Ces gardes-côtes, une fois hors de service, rentrent dans leurs foyers et vacquent à leurs affaires et ne cessent pas d’être citoyens soumis à l’autorité civile.

    M. le comte de Béhague prétendit qu’il devait en être différemment, il voulut obliger ces citoyens à porter des queues, et à se faire faire des uniformes à leurs frais. Il fut jusqu’à vouloir les contraindre à travailler par corvée à lui faire un jardin anglais, et quand ils refusaient de se rendre à cette corvée, non seulement il les faisait mettre en prison, mais souvent il lui arrivait de les frapper de sa canne.

    Les habitants de l’île, faisant partie des gardes-côtes, s’adressèrent à mon père pour se plaindre des vexations et exactions d'abus d'autorité dont M. le comte de Béhague se rendait coupable envers eux ; celui-ci en écrivait au gouverneur et le priait de changer de conduite à leur égard. Le comte de Béhague répondait que M. le sénéchal ne devait pas s’insinuer dans les affaires militaires, et qu’il traiterait les gardes-côtes comme bon lui semblerait. Mon père informa le Parlement de Bretagne de ce qui se passait, et le Parlement lui ordonna de continuer à protester contre les prétentions du gouverneur en lui enjoignant de soutenir les habitants de sa juridiction.

    L’affaire enfin fut soumise par le Parlement à M. le garde des sceaux, et par M. le comte de Béhague au ministre de la Guerre. Ces deux ministres ne s’entendirent pas pour faire cesser des abus qui pouvaient compromettre la tranquillité de tout un pays. L’un et l’autre ne voyaient dans tout cela que des prérogatives à soutenir, aussi ne prirent-ils les ordres du roi que quand la chose s’envenima à tel point qu’il leur devint impossible d’y remédier avec justice.

    Dans ces entrefaites, la veille de la Saint-Jean arriva. On était alors dans l’habitude de faire, ce jour-là, un feu de joie, sans doute pour célébrer dignement la fête de ce célèbre évangéliste.

    Le clergé et les autorités civiles et militaires se rendaient en procession sur la place où était dressé le bûcher ; suivant l’antique usage, le gouverneur, le sénéchal et le curé de la paroisse, marchant en tête de la procession, tenant chacun une torche à la main, mettaient le feu au bûcher en tournant autour de ce feu de joie. M. le comte de Béhague qui, ce jour-là même, avait reçu de mon père une nouvelle remontrance, s’avisa de vouloir lui défendre de mettre le feu aux fagots, porta l’insolence jusqu’à lui faire barrer le chemin par des grenadiers du régiment suisse de Courten ; toute la procession allait prendre fait et cause pour son sénéchal, lorsque ce dernier, traversant courageusement la haie de Suisses, parvint malgré leurs fusils et leurs baïonnettes à embraser le feu de joie. L’hilarité fut si grande quand le triomphe de mon père se manifesta par des flammes qu’au lieu de continuer à chanter l’hymne en l’honneur de saint Jean, les assistants se mirent à huer le gouverneur.

    Mon père et son procureur du roi n’en dressèrent pas moins procès-verbal de ce qui venait de se passer. Cette pièce fut sur-le-champ adressée au Parlement, qui prit fait et cause pour le sénéchal de Belle-Isle et qui insista auprès du garde des sceaux pour que le comte de Béhague fut improuvé par qui de droit.

    De son côté, le gouverneur rendit compte au ministre de la Guerre de la scène scandaleuse dont il avait été l'auteur. Cette fois, les deux ministres sentirent la nécessité de mettre fin à une pareille discorde. Ils soumirent au roi les deux rapports qu’ils reçurent dans cette occasion, et Sa Majesté Louis XVI ordonna que M. le comte de Béhague serait exilé à Versailles, et mon père et son procureur du roi a Dreux.

    Au bout de trois mois que dura cet exil, les trois champions obtinrent leur liberté et reçurent l’ordre de retourner à Belle-Isle pour y reprendre leurs fonctions. Il fut intimé au gouverneur de ne plus se mêler des affaires des habitants, et au sénéchal de vivre en paix avec le comte de Béhague.

    A l’occasion du retour de mon père dans sa sénéchaussée, tous les habitants de Belle-Isle illuminèrent spontanément leurs maisons, et vinrent en foule le remercier de tout ce qu’il avait fait pour les soustraire à l’autorité despotique du gouverneur. Ce dernier, voyant bien qu’il ne pouvait espérer de faire oublier ses torts envers cette intéressante population, prit le parti de solliciter un autre gouvernement. Gomme il avait du crédit à la cour, il obtint aisément le commandement de Brest, et par là délivra mon pays d’un petit tyran, comme on en voyait beaucoup sous le régime d’un pouvoir absolu.

    Ce fut en l’année 1783 que partirent de Belle-Isle les régiments suisses de Courten et de Castella ; ces deux beaux régiments avaient fait quatre années de garnison dans cette île. Les officiers et les soldats étaient si connus, si aimés, si estimés des habitants, que le jour de leur départ en fut un de deuil pour toute la population ; pour mon compte particulier, je regrettai si vivement mes bons amis les grenadiers de Castella, qu’on ne pouvait parvenir à me consoler. En faisant mes adieux à MM. Sartoria, Amédro, Prieri, Denuéé, Muller et de Mayenfisch, qui étaient ceux des officiers que je voyais le plus fréquemment chez mon père, je ne pus contenir l’abondance de mes larmes. De leur côté, ces bons Suisses me donnèrent des témoignages d’amitié si vrais et si tendres que j’en conserverai éternellement le souvenir.

    Courten et Castella furent remplacés à Belle-Isle par les régiments de Bourbon et Conti. Ces deux superbes corps d’élite ne laissaient rien à désirer sous le rapport de la belle tenue et de la discipline, mais quoiqu’ils fussent nationaux, il leur fallut plusieurs mois de séjour pour faire oublier leurs prédécesseurs.

    Les Belle-Islois, qui doivent aux Suisses de Courten et de Castella l'amélioration de la culture de leurs terres, et l'introduction de différentes espèces de pommes de terre, dont les laboureurs font encore aujourd'hui un très grand cas, se rappelleront toujours avec reconnaissance qu'ils forent pour eux d’excellents amis. On est si pénétré de ce sentiment à leur égard, que tout Suisse qui vient à Belle-Isle est parfaitement accueilli, et il le doit très certainement au souvenir qu'on a conservé dans ce pays de la bonne intelligence qui régna entre les insulaires et les officiers et soldats des régiments de Castella et de Courten.

    La paix avec l’Angleterre qui fut signée dans la même année provoqua des réjouissances et des fêtes qui donnèrent à MM. les officiers de Bourbon et de Conti l’occasion de faire danser les Belle-Isloises et de faire connaissance avec leurs frères et leurs maris. Ils improvisèrent un bal des plus brillants le jour même qu’on proclama la paix, et comme ils savaient que les Suisses s’étaient distingués à l’époque de la naissance du premier enfant de Louis XVI, ils mirent tout en œuvre pour les surpasser en plaisirs et en galanterie, et vinrent à bout de mériter la palme qu'on ne put leur refuser.

    Cette paix si désirée de toute la France, et qui allait permettre à celle-ci de s’occuper essentiellement de son commerce maritime, fut accueillie en Bretagne avec une allégresse générale. On vit revenir des prisons d’Angleterre une foule de marins indignés du traitement qu’on leur avait fait subir dans un pays qui passe pour avoir d’excellentes institutions, et qui pourtant manque d’humanité. Ces malheureux avaient souffert toutes les privations imaginables, ils assuraient que non seulement on les avait laissés manquer des subsistances indispensables à la vie de l'homme, mais que, par excès de haine et de barbarie, ils avaient été privés d’air, et plusieurs de leurs camarades étouffés en demandant du biscuit ou du pain.

    Il est vraiment honteux pour la nation anglaise d’avoir à se reprocher des cruautés qui se reproduisent chaque fois qu’elle est en guerre avec la France et d’autant plus honteux que les prisonniers anglais sont si bien traités dans notre pays que pas un d’eux ne saurait se plaindre avec raison de la plus légère infraction à leur égard aux lois et aux droits de l’humanité. Si les Français étaient moins généreux qu’ils ne le sont, certes ils pourraient, sans craindre d’être improuvés par les peuples de l’Europe civilisée, se venger à leur tour de la férocité des Anglais, car il est bien reconnu que ce peuple, qui rejette sur son gouvernement les horreurs commises en tout temps envers nos prisonniers, participe lui-même à les faire périr de misère.

    Né au milieu de la mer, les inclinations de ma plus tendre enfance me portaient à devenir marin, mais le souvenir de Castella et la musique du régiment de Mont-Réal, qui était alors en garnison à Belle-Isle, me faisaient balancer entre le service militaire ou celui de la marine. Comme plébéien, je ne pouvais guère espérer de parvenir au grade d’officier dans un régiment, au lieu qu’en me faisant marin j'avais la perspective de commander un jour un navire de la Compagnie des Indes et d’être admis comme officier de la marine royale. Mon petit bon sens ne me permettait pas encore de faire toutes ces réflexions, mais mon goût se prononçait si bien que mon père m’en suggéra plusieurs et jugea convenable de diriger mon instruction dans le sens le plus favorable à la carrière que je paraissais décidé à embrasser. Il n’en jugea pas moins indispensable de me faire apprendre le latin et pour cela me mit entre les mains d'un prêtre de ses amis, qui me fit faire avec beaucoup de peine des thèmes, des versions et quelques traductions peu difficiles.

    Il y avait à peu près dix-huit mois que je passais mon temps à conjuguer des verbes, à jouer de la serinette pour apprendre à chanter aux serins de mon professeur, et à faire avec lui des fruits à l’eau-de-vie et des confitures, quand un beau jour qu’il s’avisa de vouloir me fustiger parce que j’avais mangé ses abricots confits au lieu d’apprendre mes leçons, je jetai mes livres et mes cahiers au feu. Le brave homme qui m’aimait beaucoup fut bien déconcerté de ce coup de tête de ma part, mais il eut la générosité de ne pas en rendre compte à mon père. Il ne s’exposa pas à employer la force pour me soumettre à son autorité, et bien il fit, car j’étais résolu à lui résister par tous les moyens dont je pouvais faire usage ; il voulut néanmoins que je me misse à genoux devant son prie-Dieu pour expier tous les torts que j’avais eus envers lui, mais il n’obtint pas cette satisfaction que je me refusai constamment à lui accorder.

    A partir de la journée aux abricots confits,

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