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Les sorcières de Kinvar
Les sorcières de Kinvar
Les sorcières de Kinvar
Ebook195 pages3 hours

Les sorcières de Kinvar

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About this ebook

A neuf ans, Emily croit encore fermement aux contes de fées et s'imagine souvent dans des rôles de princesse aux pouvoirs incroyables. Alors, quand la réalité rattrape la fiction et que la fillette s'avère capable de parler avec quatre poupées de bois aux caractères si différents, elle découvre un monde bien plus surprenant que celui dont elle rêvait. Mais si les héros existent, il en est de même pour son flot de mauvaises sorcières, vampires ou loup-garous en tout genre. Et en grandissant, l'adolescente ne tarde pas à s'apercevoir qu'ils ne lui veulent pas que du bien, particulièrement quand elle cherche à explorer son passé.
LanguageFrançais
Release dateApr 21, 2015
ISBN9782322008742
Les sorcières de Kinvar
Author

Marie-Laure Junier

Née dans le Cher en 1979, l'auteur est très vite attirée par la lecture et l'écriture. Après son bac littéraire et de multiples écrits abandonnés, elle part au Mexique et suit des études d'espagnol. De retour à Toulouse, elle quitte l'université pour se consacrer à ses enfants. Elle ne se remet à l'écriture que douze ans plus tard avec l'histoire d'Emily et des sorcières de Kinvar.

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    Les sorcières de Kinvar - Marie-Laure Junier

    Épilogue

    Prologue

    Plusieurs millénaires avant Jésus Christ…

    Arkil, encore abasourdi par les événements récents, repoussa les derniers gravats qui bloquaient son passage vers la sortie de la cahute. Les rumeurs étaient donc vraies. Les Hommes, que certains avaient jusqu’alors considérés comme une race inférieure, cessaient de courber l’échine pour se rebeller et affirmer leur indépendance. Malheureusement, de la pire manière qu’il fut possible. Au lieu de ne s’en prendre qu’à leurs oppresseurs et à ceux qui les suivaient, ils avaient mis tous les œufs dans le même panier, incluant ceux qui les avaient soutenus et aidés. Ainsi, ils ne faisaient aucune différence entre les lutins facétieux qui leur jouaient sans cesse de mauvais tours, les fées chapardeuses qui dérobaient leurs enfants, les sorciers qui guérissaient leurs maux, les esprits-animaux qui veillaient sur la nature, les démons qui se repaissaient de leur chair ou encore les innocentes selkies qui dansaient librement sous les rayons de lune. Chaque être doué de pensée semblait subir leur courroux. Cependant, pouvait-on vraiment leur en vouloir après tant d’années de soumission, de torture et d’humiliation ?

    Arkil avait simplement profité de la cohue générale pour se cacher, préférant l’ensevelissement à la mort. La chance lui avait permis de se trouver un peu à l’écart au moment de l’attaque, et de chercher des ingrédients pour des potions dans la seule cahute qui n’avait pas entièrement pris feu grâce à l’écroulement d’une partie du mur, qui l’étouffa avant sa propagation. Les pouvoirs de ses confrères sorciers avaient été inefficaces, attirant les bipèdes plutôt que les repoussant. Même les sortilèges d’invisibilité se transformaient en phare en leur présence. Quelque chose s’était passé parmi les humains. Une volonté forte était apparue et semblait les protéger des pouvoirs de leurs ennemis, d’une certaine manière. Pas tous, évidemment, mais ils étaient si nombreux que la lutte en était alors devenue déséquilibrée.

    Arkil courba un peu plus son dos bossu afin de passer le pas de la porte et s’arrêta pour humer l’air frais de la nuit, les sens aux aguets, les muscles de ses quatre pattes tendus à l’extrême, prêt à s’enfuir au moindre bruit suspect. Ses mains se crispèrent quelques secondes sur les restes des montants de ce qu’avait été la porte. Puis, comme le son de la forêt chuchotait calmement et sereinement, il se détendit et souffla. Les Hommes étaient partis, ne laissant derrière eux que cendres et cadavres. La plupart des sorciers n’étaient pas des combattants. Ils usaient de leurs pouvoirs surnaturels pour soigner les maux physiques autant que spirituels. Ils n’avaient eu aucune chance durant l’attaque. Arkil savait que les humains les avaient confondus avec des démons. Leurs corps difformes ressemblaient beaucoup à ceux de ces derniers. Dans le doute, les Hommes préféraient tout exterminer. Le jeune sorcier versa une larme pour ses confrères défunts puis, il rabattit sa cape aux bords carbonisés et déchirés autour de ses épaules et s’enfonça au cœur de la forêt où il espérait trouver d’autres survivants de sa race.

    Il marcha peu avant de repérer sur sa droite un bruit de pas discret entrecoupé d’un souffle saccadé et difficile. Prudent, il avança à couvert, se gardant bien d’utiliser un sortilège d’ombre ou d’invisibilité. La magie ne paraissait plus être le meilleur moyen de se défendre. Il fit quelques pas doucement, se cachant derrière chaque arbre, jusqu’à arriver en vue d’une forme recroquevillée. De taille humaine, elle ne pouvait cependant pas être confondue avec les Hommes. Son corps bosselé, le dos long et cambré pour accueillir ses quatre pattes, sa tête aux yeux profondément enfoncés dans leurs orbites ainsi que son nez proéminent trahissaient sans doute possible son appartenance à la race des sorciers, tout comme lui. Bien que le sang d’une profonde entaille sur le front barbouille son visage verdâtre comme un maquillage rituel, Arkil la reconnut. Elle appartenait à une congrégation voisine avec qui il avait déjà fait affaire par le passé. Son nom était Shol. Il s’agissait d’une jeune sorcière, bien plus que lui-même, encore apprentie. Il avait échangé quelques mots avec elle autrefois et l’avait trouvée intéressante et charmante. Instinctivement, il plongea la main dans sa sacoche qu’il ne quittait jamais pour en retirer des herbes aux vertus de régénération, puis il fit quelques pas à découvert. Shol releva à peine les yeux sur lui. La perte de sang et une course dans la forêt l’avaient probablement affaiblie et exténuée. Arkil approcha et se posa sur ses deux pattes arrière. Il appliqua délicatement une feuille sur le front de l’apprentie afin d’arrêter la coulée de sang. Il écarta ensuite les oripeaux qu’elle portait et y apposa les herbes, prenant le risque d’incanter une légère formule. Une puissante magie aurait probablement attiré l’armée humaine encore proche. Son cœur se mit à battre plus vite. Il resta silencieux ensuite, écoutant son environnement. Comme tout semblait normal, il finit de bander Shol et l’aida à se remettre sur ses pattes, la soutenant pour avancer plus loin dans la forêt.

    — Il faut aller à la clairière. Tiens bon.

    L’apprentie le regarda. Malgré la souffrance que lui procuraient ses blessures, le sorcier vit une expression de remerciement s’afficher sur son visage. Arkil s’en voulut aussitôt de forcer la marche, au risque d’aggraver son état, mais il se rassura vite sur sa décision en entendant le son d’une armée en marche par-delà les arbres. En avançant rapidement, ils pourraient atteindre la clairière avant d’être rattrapés. Ils seraient en sûreté, là-bas. La barrière magique créée par des centaines de sorciers depuis des siècles ne pouvait tomber aussi facilement que les êtres vivants, malgré le nombre d’ennemis. Shol s’agrippa à lui, effectuant des efforts considérables pour maintenir un bon rythme. Elle avait également pris conscience que le havre au cœur de la forêt était leur seule chance de survie. Ils ne ralentirent pas une seconde. Les branches basses griffèrent leurs visages, déchirèrent autant leurs vêtements que leur peau, mais la peur les poussait toujours plus loin. Bien que l’un d’eux fût blessé, leurs quatre pattes rééquilibraient leurs chances pour échapper aux humains. Plus ils se rapprochaient de la clairière, plus Arkil croyait en sa bonne étoile. L’atmosphère autour de lui en devenait presque frénétique.

    Focalisé sur son objectif, il ne sentit pas la présence qui se dressa brusquement devant eux. Leur course se finit brutalement. Ils tombèrent lourdement sur le sol pour éviter s’empaler sur l’arme qu’elle pointait vers eux. Grande, se tenant sur deux pattes, la peau légèrement rosée et portant des touffes de poils sur le crâne et autour de la gueule, la créature à l’horrible apparence était sans nul doute un humain. Arkil jeta un coup d’œil aux alentours tandis que l’ennemi se remettait de sa surprise. Il était seul. Un éclaireur sans doute. Shol se tordait de douleur près de lui. Sans hésiter, il porta la main à sa besace et fouilla à peine quelques secondes pour y trouver la potion qu’il recherchait. Ce fut le temps exact que mit l’humain pour arriver jusqu’à lui. Il profita du fait que la créature l’agrippe pour déboucher sa fiole. Son ennemi le tenait pour s’assurer de bien le tuer en enfonçant son arme dans le cœur si petit des sorciers. Sa prudence allait aussi causer sa perte. Avec une patte, il lui jeta de la terre dans les yeux, en se tortillant pour se dégager et s’éloigner de quelques pas. L’homme hurla et porta une main à ses yeux. Il n’avait pas lâché son arme. Arkil l’aspergea aussitôt du contenu de sa fiole en incantant une formule aquatique pour la contrôler. Les éléments s’emboîtèrent et répondirent à son appel. Le liquide glissa sur le corps de l’homme et convergea entièrement vers sa bouche, entrant dans son gosier avec célérité pour y rester coincé. La créature frappa l’air de son arme puis la lâcha en suffoquant pour s’agripper la gorge et se noyer devant eux..

    Arkil se baissa pour reprendre Shol contre lui, gardant une cadence toujours aussi intense, si ce n’est plus. Il avait fait appel à la magie. Les humains avaient dû le sentir et converger vers eux. Ils coururent à perdre haleine pendant ce qui lui sembla être une éternité. L’apprentie s’affaiblissait à vue d’œil et il la portait presque quand ils arrivèrent en vue de la clairière. La barrière, toujours entière, la protégeait. Seuls les sorciers pouvaient la traverser. Ils achevèrent leur course et se réfugièrent derrière la protection avant de s’effondrer sur le sol en tentant de reprendre leur souffle. Le pouls de Shol était faible, à peine perceptible. Les efforts l’avaient beaucoup trop épuisée. Sans attendre, il incanta de nouveau, cette fois une formule de soin, tout en lui faisant boire une autre fiole. Combinés aux herbes utilisées plus tôt, les effets se firent très vite ressentir. La peau de l’apprentie reprit une teinte verdâtre plus acceptable. Les blessures commencèrent même à se refermer doucement. Satisfait, mais épuisé, il s’allongea sur le dos, admirant les étoiles. Ses nerfs lâchèrent. Il sanglota de longues minutes, partagé entre la joie d’être en vie, la mort qu’il avait dû donner et le bonheur d’avoir sauvé l’une des leurs.

    — Bienvenue à la clairière, dit une voix féminine. Je suis la matriarche Nanksha.

    Arkil se redressa avec peine et s’aperçut alors qu’ils n’étaient pas seuls. Derrière la femelle qui venait de lui parler se tenait au moins une centaine de ses congénères, réunis sous la protection de la barrière. S’efforçant à se remettre sur ses pattes par respect pour l’une des rares matriarches qui peuplaient la contrée, il tituba légèrement. Seuls les plus puissants sorciers, ceux qui atteignaient un niveau particulier et qui avaient passé l’épreuve de Lugnasad, pouvaient prétendre à ce titre prestigieux. Du coin de l’œil, il vit Shol tenter de l’imiter.

    — Vous arrivez juste à temps, poursuivit la matriarche. Joignez-vous au cercle.

    — Juste à temps ?

    L’apprentie avait à peine réussi à balbutier. Mais Nanksha l’ignorait, toute son attention était absorbée par Arkil, qu’elle observait avec grand intérêt. Le sorcier se sentit mal à l’aise.

    — Je vois un grand potentiel émaner de toi, mais tu sembles encore jeune pour avoir passé ton Imbolc ou même ton premier Beltaine. J’imagine que, faute de mieux, nous ferons avec.

    Avant qu’Arkil ait pu rétorquer à propos de son Imbolc, ou la questionner sur la nature du sujet abordé, elle leva une main griffue dans leur direction et s’expliqua.

    — Nous ne pouvons plus nous déplacer hors de la clairière. Et il en est ainsi pour chacune des races douées de magie. Malgré tout, nous ne considérons pas les humains comme nos ennemis. Ce sont simplement de dangereux enfants qui mûrissent trop vite. Nous sommes trop peu nombreux pour nous opposer à eux et ça ne convient pas à notre nature de vivre cloîtré dans un lieu à l’écart du monde. Après réflexion, il nous est apparu que le meilleur moyen de survivre est de leur faire penser que nous sommes eux. Quand j’étais jeune, j’avais mis au point un rituel, avec un patriarche, afin de changer nos corps et de leur faire prendre la forme d’un humain. Nous souhaitions les observer dans leur milieu naturel. Malheureusement, ce patriarche est mort avant que nous ne tentions l’expérience. Ce rituel demande une réelle puissance si l’on veut transformer plus de cent d’entre nous. Je ne pourrai pas soutenir la transformation d’autant de monde. C’est pourquoi il est nécessaire d’être deux pour fournir cet effort.

    Son regard en direction d’Arkil se fit plus intense.

    — Tu n’es pas patriarche, mais ton potentiel magique est celui qui s’en rapproche le plus parmi nous, moi excepté. Je pratiquerai donc ce rituel avec toi. Il te suffira de recopier mes mouvements et de répéter mes incantations. Un nourrisson pourrait réussir. Il y a environ une quarantaine de mâles, ce qui constitue la partie minoritaire et ça tombe bien. Nos esprits s’accorderont plus facilement aux individus de notre propre sexe. Nous allons nous répartir en deux cercles distincts…

    Comme elle continuait à expliquer, les sorciers se séparèrent selon ses dires et le plus grand rituel de tous les temps commença. Au même moment, chacun sentit des vibrations violentes retentir sur la barrière, comme un bélier contre une porte de château fort. L’armée humaine se trouvait juste de l’autre côté. Nanksha restait sereine et entama ses incantations. Arkil souffla, toujours épuisé par la course folle qui les avait conduits ici. Il avait du mal à se concentrer et répétait les paroles de la matriarche sans rien comprendre. Les coups contre la barrière étaient réguliers les uns après les autres, mais leur puissance augmentait à chaque fois. Des fils invisibles attachèrent Arkil aux sorciers mâles de son cercle. Nanksha l’était autant à toutes les femelles. Le rituel se déroulait parfaitement. Des hurlements gagnèrent leur rang. Les corps changeaient et se transformaient peu à peu en ces bipèdes affreux. Arkil avait beau tenter de se convaincre du bienfait de ce changement, il en éprouvait un puissant dégoût au fond de lui. Il ne souhaitait pas réellement ressembler à ces horribles créatures. Ce fut une partie de ce qui causa la perte du rituel. La fatigue le gagnait. La puissance lui manquait. La volonté était amoindrie. L’alchimie qui découla de l’expérience donna un résultat mitigé. Tandis que les femelles finirent d’obtenir leur nouvelle forme, les changements des mâles les torturaient et n’aboutissaient à aucune différence, retournant irrémédiablement à leurs corps d’origine.

    Arkil s’écroula et le peuple sorcier fut séparé en deux. La barrière choisit ce moment pour céder aux assauts humains qui se ruèrent sur ce qu’ils pensaient être des démons s’en prenant à d’étonnantes et immondes femmes rousses. Les sorcières ne purent pas cacher l’ensemble des mâles derrière leurs robes et seuls quelques-uns d’entre eux avaient pu trouver refuge sous les capes ou les oripeaux les plus longs des femelles. Ce fut le début de l’événement encore connu de nos jours sous le nom de Massacre d’Arkil … Shol eut cependant le réflexe de le dissimuler et il survécut à cette tuerie sauvage. Elle se sentait une dette envers lui. Et peut-être aussi la naissance de sentiments plus intimes et plus profonds…

    1

    Les marionnettes

    De nos jours, il existe différentes étapes dans la vie d’un sorcier. La nuit du Samain a lieu le premier novembre, lorsque le magicien atteint l’âge de quinze ans. Ses pouvoirs sont considérés comme mûrs et prêts à être libérés. Il devient alors sorcier à part entière. Chaque année, les membres d’une même congrégation, appelée conclave, organisent un rassemblement à cette date précise. Il n’est possible d’y participer qu’après avoir passé cette première étape. Un rituel est effectué juste avant, dans la même nuit, et contribue à briser les entraves qui retiennent jusque-là les pouvoirs du sorcier afin de préserver du danger l’enfant et son entourage. On découvre alors quel type de magicien il est. La matriarche, si c’est une femme, ou le patriarche, s’il s’agit d’un homme, décide de l’enseignement qui doit l’accompagner et qui devient son mentor jusqu’à l’étape suivante…

    Selon le talent et la puissance du sorcier, il faut entre deux et cinq ans pour atteindre l’étape suivante. Quand le maître estime son élève prêt, il lui permet de participer au rituel d’Imbolc, qui a lieu le premier février de notre calendrier. Il y reçoit son nom de sorcier. Celui-ci est très important et donne une matière plus tangible sur laquelle s’appuyer en magie, car ses frères et sœurs du conclave l’auront enchanté durant la cérémonie. Dorénavant, le magicien a le droit de créer ses propres incantations et devient un maître à son tour. La matriarche ou le patriarche peut alors lui

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