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Joe Dassin: Les revers de la gloire
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Joe Dassin: Les revers de la gloire

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Sous une apparente sérénité, Joe Dassin était agité de tourments qui l’ont conduit à ignorer les fragilités d’un corps mal préparé aux excès et incapable de résister aux assauts conjugués de l’éloignement de ses fils, de la déception amoureuse, de l’alcool et de substances plus dangereuses encore. Il y avait, ancrée dans cette âme, une inaltérable mélancolie, celle qui, réveillée un jour à l’excès par une soif d’expériences nouvelles, a pris le pas sur la raison. Alors, il a mis en pratique une lente autodestruction qui a déchaîné des débordements dont les conséquences se sont avérées impossibles à enrayer. Puis, ironie du sort, il est décédé au moment où il reprenait goût à la vie. Cette biographie détaillée, basée sur les témoignages de ses proches, révèle un homme dont l’aspect lisse et souriant cachait de terribles angoisses. / Under an apparent serenity, Joe Dassin was shaken by torments which led him to ignore the fragilities of a body unprepared to excesses and unable to resist the combined assaults of the remoteness of his sons, disappointment in love, alcohol and more dangerous substances. There was, anchored in this soul, an unalterable melancholy, which, awakened by an excessive thirst of new experiences, took precedence over reason. Then, he put into practice a slow self-destruction that unleashed excesses whose consequences proved impossible to stop. And, irony of the fate, he died as he was regaining a taste for life. This detailed biography, based on the testimonies of relatives and close friends, reveals a man whose smooth and smiling aspect hid terrible anguishes.

LanguageFrançais
Release dateMar 31, 2015
ISBN9781311498748
Joe Dassin: Les revers de la gloire

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    Joe Dassin - Alain-Guy Aknin

    D’Odessa à Hollywood

    Au sein de l’Europe de l’Est, l’Ukraine est un pays relativement plat, agrémenté en son centre de terres fertiles qui assurent une large part de ses ressources, et dont l’histoire a été riche en événements. Un temps dominée par des Scandinaves, qui en feront le plus vaste et le plus puissant État d’Europe, occupés par les Tatars Mongols, passée sous l’autorité de la Pologne et de la Lituanie, et finalement presque entièrement annexée à la Russie, il lui faudra des siècles avant d’acquérir son indépendance.

    De toutes les villes d’Ukraine, celle d’Odessa est l’une des plus particulières, dans la mesure où elle a été fondée par l’impératrice Catherine la Grande pour constituer le plus important port de Russie, sur la côte de la Mer Noire. Construite sur les ruines d’une petite forteresse turque, Odessa connaît alors un accroissement extraordinaire, grâce à sa situation, mais aussi du fait de privilèges exceptionnels, car sont autorisés à y résider des gens de toutes sortes, parmi lesquels les serfs en fuite, les étrangers et les Juifs. Dès lors, elle devient l’une des cités majeures de l’empire, et surtout la plus multiculturelle, au point que le duc de Richelieu, rescapé de la Révolution française, en sera, au début du XIXe siècle, gouverneur pendant plusieurs années.

    Malgré son bombardement pendant la guerre de Crimée, Odessa, grâce à l’exportation de céréales, poursuit un brillant développement au sein duquel la communauté juive, sans cesse plus influente, joue un rôle de premier plan, ce qui entraîne de temps à autre des violences antisémites. Le 28 mars 1871, pendant la Semaine sainte, des marins grecs, excités par des commerçants locaux que la concurrence des Juifs indispose, déclenchent un véritable pogrom, qui durera trois jours avant que la police ne parvienne à rétablir le calme.

    Pour beaucoup, c’est l’agression de trop, celle qui laisse entrevoir le pire un jour prochain, et nombre d’entre eux, préoccupés par l’incertitude du lendemain, envisagent de quitter Odessa et l’Ukraine. Même si leur collectivité est florissante, tous ne sont pas fortunés et si presque tous les riches préfèrent rester sur place à profiter d’une existence confortable, les plus défavorisés optent pour le grand départ, l’exil vers des pays où leur religion ne sera plus un handicap et où, peut-être, ils réussiront à se construire une vie moins éprouvante. Pour cela, la plupart d’entre eux arrêtent leur choix sur la nation où, dit-on, l’argent coule à flots et où chacun peut prospérer : l’Amérique.

    Parmi eux se trouve Samuel, jeune homme qui assure laborieusement son quotidien comme garçon coiffeur tout en rêvant de rivages lointains et d’événements heureux, encouragé par son père, perruquier à l’opéra. Il sait que ce ne sera pas facile de parvenir jusqu’aux États-Unis, et pas simple non plus de s’y faire une situation, mais il imagine déjà sans peine le jour où, dans une rue de Brooklyn, des clients entreront dans son commerce, un beau et vaste salon de coiffure, en l’appelant du diminutif de Sam, voire, mieux encore, d’un familier « Sammy ». Alors, il sera devenu un vrai Américain.

    Il se lance donc dans le long et fatiguant périple qui, à travers l’Europe, va le mener vers les côtes de l’Atlantique et, de là, vers celles de l’Amérique, lors d’une traversée dans les entreponts de troisième classe d’un médiocre paquebot à l’hygiène douteuse et à la promiscuité détestable. Qu’importe, puisqu'il est en route vers la fortune et que son jeune âge lui permet d’endurer tout cela avec une relative insouciance. Un jour enfin, après des semaines d’une navigation où ont alterné les périodes de gros temps et les accalmies, la cité de tous les fantasmes est en vue : New York.

    Lorsqu'il arrive à l’entrée du port, il ne distingue rien, que le vague aperçu de bâtiments très lointains. La fameuse Statue de la Liberté appelée à devenir un symbole universel n’a pas encore été offerte aux États-Unis par la France et Ellis Island, sur laquelle on la dressera, n’est qu’un îlot pratiquement déserté.

    Il n’y a pas non plus de vrais gratte-ciels à New York, dont l’immeuble le plus haut, le Haughwout Store, compte à peine cinq étages, desservis, ô merveille, par un ascenseur de la firme Otis. La nuit, New York ne se fait pas remarquer par ses éclairages, puisqu'il faudra une dizaine d’années avant qu’elle ne soit électrifiée par Thomas Edison. Mais c’est déjà le premier port américain, celui par lequel transitent tous les mouvements de passagers et de commerce en provenance d’Europe, et c’est également la ville la plus prospère, où la plupart des entreprises américaines ont installé leur siège. New York, que l’on surnomme la Reine du Nouveau Monde, est la métropole qui attire la planète entière et dont les trois quarts des habitants sont des déracinés comme lui, Samuel.

    Samuel, qui ne parle pas le moindre mot d’anglais, se présente avec une certaine appréhension devant les services d’immigration. Ils sont impressionnants, les officiers chargés du sort de ces miséreux, avec leurs épaisses vareuses fermées jusqu’au cou par de rutilants boutons dorés, et, face au flux considérable des arrivées, ils n’ont pas le temps d’être aimables ou attentifs. Leurs questions sont courtes, expéditives, mécaniques et exigent des réponses rapides : nom, prénom, date de naissance, pays d’origine… Les rares interprètes présents ne maîtrisent pas toutes les langues étrangères et ne peuvent, de toute façon, être partout à la fois, aussi va-t-il devoir se débrouiller seul.

    Lorsqu’on lui demande comment il s’appelle, il croit bien faire en déclarant venir d’Odessa, être un Odéssien, ce qui se traduit par un vague borborygme ressemblant à « Odessian » et qui, teinté d’un fort accent ukrainien, peut s’entendre comme « dessine ». Il n’en faut pas plus au fonctionnaire qui remplit sa fiche pour lui attribuer le patronyme de Dassin, parfaite transposition anglophone de cette prononciation. Samuel Dassin… voilà qui ne lui déplaît pas, loin de là ; il trouve même une belle consonance américaine à ce nom qu’il dit et redit avec une certaine délectation en arpentant les quais de New York, sa nouvelle patrie.

    Il y a dans tous les ports du monde des individus malintentionnés cherchant à escroquer aux voyageurs leur maigre pécule. Il y a aussi quelques bonnes âmes prêtes à aider les nouveaux arrivants, des compatriotes qui s’efforcent de leur dénicher un abri et de quoi gagner quelques premiers dollars, ce qui ne s’avère pas difficile dans la mesure où l’on embauche à tour de bras, dans cette ville en constante expansion. C’est à ces honnêtes gens que Samuel, fort heureusement pour lui, va avoir affaire, s’assurant grâce à eux un lit, un travail, et apprenant quelques indispensables mots d’anglais.

    Samuel Dassin est énergique et économe, ce qui lui permet d’amasser relativement vite de quoi louer une échoppe où exercer son métier de coiffeur. Pour des raisons financières et parce qu'il pense s’y faire plus facilement une clientèle, il s’implante à Middletown, petite ville du Connecticut à quelque cent cinquante kilomètres de New York City, tout en continuant à appeler de ses vœux le fameux salon à Brooklyn et, pourquoi pas, dans un quartier plus cossu de Manhattan. C’est là qu’il fait la connaissance de Berthe Vogel, jeune juive polonaise, immigrée comme lui, et qu’il l’épouse, fondant avec elle une famille où naîtront cinq garçons et deux filles.

    Le 18 décembre 1911, Berthe donne le jour à Jules Moïse, alors que Samuel a déjà décidé de se rapprocher de la grande ville où il compte développer son commerce, et, peu après, tout le monde s’installe à Harlem, où le gamin va grandir. Au nord de Manhattan, Harlem, à cette époque, n’est plus tout à fait une campagne, car, avec l’arrivée du métro, beaucoup de New-yorkais ont choisi de s’y établir, les terres agricoles laissant la place à de nombreuses constructions. Peu à peu, ce quartier résidentiel blanc accueillera une population majoritairement noire, d’abord bourgeoise puis de plus en plus pauvre, mais, lorsque les Dassin viennent y habiter, c’est encore une sorte de village où se plaisent à vivre artistes et musiciens et où les enfants peuvent jouer sans problème, dans des rues où ne circulent ni voitures ni drogue.

    Il en va de même dans le Bronx, de l’autre côté de la Harlem River, où, après l’école primaire, Jules entre à la Morris Academy for Collaborative Studies, sur Boston Road, un lycée où il ne restera pas longtemps. Comme ses frères aînés, en effet, il doit effectuer ce que l’on appellerait aujourd'hui de petits boulots pour contribuer au budget familial, ce qui l’oblige à ne fréquenter que les cours du soir, puis a abandonner ses études. Lorsqu'il lui arrive de se rendre sur la 5e Avenue, le luxe qui s’étale dans les boutiques et les habitations constitue un choc lui donnant matière à réflexion. Il est frappé par les différences de niveau de vie entre riches et pauvres, nantis et défavorisés, constat amenant dans son esprit une amorce de conscience politique et sociale, semant une graine dont la poussée lui attirera plus tard des ennuis qui ne seront pas sans conséquence pour sa descendance.

    Jules, par ailleurs, s’est toujours senti des aspirations artistiques, peut-être éveillées par le fait que son père adore la musique classique, mais il n’a pas appris à manier un instrument, ne possède pas une voix capable de chanter l’opéra, et il s’intéresse donc à la comédie. Lorsqu’on l’envoie dans les camps d’été juifs de Kinderland ou Nisht-Gedayget, dans les montagnes Catskills au nord de New York, il y monte de courtes pièces, utilisant comme acteurs les autres jeunes ou des visiteurs de passage, premiers essais où il acquiert des rudiments de mise en scène. Il y fait aussi intervenir des musiciens, et notamment la jeune Beatrice Launer, une gamine âgée de treize ans qui manifeste de magnifiques dons de violoniste. Fille d’un juif autrichien immigré aux États-Unis, elle habite le Bronx, fréquente le conservatoire et lui trouve un charme dont il saura user quelques années après pour la demander en mariage.

    Il s’en va ensuite suivre les cours, presque gratuits, de la Civic Repertory Theater Company fondée par la belle actrice Eva Le Gallienne. Cette compagnie à l’esprit citoyen convient bien à ses idées et il s’y épanouit peu à peu, mais, en 1933, elle doit abandonner ses activités, tuée par la crise économique, la défection de ses mécènes et le prix trop bas de ses tickets. Ayant épousé Beatrice, qui a maintenant dix-huit ans tandis qu’il en a vingt-deux, il rejoint alors l’ARTEF, l’Arbeter Teater Farband, plus connu sous l’appellation familière de Yiddish Theater, où prédomine une idéologie à tendance socialiste.

    L’ARTEF, dont le nom signifie Atelier théâtral des Travailleurs, est une association juive de théâtre ouvrier qui dispense des leçons d’art dramatique et monte un répertoire inspiré de celui du Théâtre juif de Moscou. Apprenant le yiddish avec l’aide d’une tante pour mieux s’y intégrer, il y tient quelques rôles avant de se tourner plus résolument vers la mise en scène, participant à des pièces de Lipe Resnick ou Moshe Kulbak, toujours à titre bénévole puisque personne n’est payé à l’ARTEF. Tout cela ne lui permet pas de gagner décemment sa vie, mais il se sent bien dans cet univers où l’argent ne règne pas en maître et où se développent ses idées politiques. Lorsqu'il assiste, en 1935, à une représentation de Waiting for Lefty, basée sur une grève des taxis durant la Grande dépression, il est définitivement convaincu de devoir s’impliquer plus avant, ce qu’il fait en rejoignant les rangs du Parti communiste, qu’il quittera toutefois en 1939, déçu de voir l’Union Soviétique conclure un pacte de non-agression avec Hitler.

    Jules se met à écrire des sketches pour l’émission radiophonique de la chanteuse Kate Smith et il monte une adaptation du Manteau de Nikolaï Gogol si remarquable que le producteur Martin Gabel lui confie la mise en scène de son nouveau spectacle à Broadway, The Medicine Show. Hollywood, alors, s’intéresse à lui et la RKO lui signe un contrat d’assistant-réalisateur, fonction qu’il commence à exercer auprès du prestigieux Alfred Hitchcock pour Mr. and Mrs. Smith, dont la vedette est Carole Lombard. Pour poursuivre sa carrière dans le cinéma, il s’installe à Los Angeles, juste après la naissance à New York, le 5 novembre 1938, de Joseph Ira, qui sera son unique fils et dont Beatrice a choisi le deuxième prénom en hommage au parolier Ira Gershwin, auteur, avec son frère George, de célébrissimes comédies musicales.

    Les Dassin habitent maintenant North Bronson Avenue, une très longue artère qui remonte de Beverly Boulevard vers Griffith Park en coupant les boulevards Santa Monica, Sunset et surtout, étonnant présage, le cimetière Hollywood Forever, où ce fils reposera pour l’éternité. En attendant, heureusement ignorant des pathétiques circonstances dont il sera un jour victime, Joseph, auquel on a vite attribué le classique diminutif de Joe, joue dans le jardin de la maison familiale tandis que son père est engagé pour sept ans par les studios MGM. À la même époque, Beatrice donne le jour, en 1940, à Richelle,

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