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Un tuteur sur le parcours des jeunes en difficulté
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Un tuteur sur le parcours des jeunes en difficulté

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Ce volume réfère à l’histoire de la psychoéducation en apportant une synthèse des différents concepts cliniques utilisés dans cette discipline, tels les fonctions du Moi, les mécanismes de défense et les épigénèses. L’auteure affirme que ces paramètres sont des balises spécifiques d’évaluation pour l’intervenant oeuvrant au niveau de la réadaptation auprès des jeunes en difficulté et tente de donner sens à ces notions en les intégrant à une pratique clinique. Ce volume apporte également un aperçu de quelques approches cliniques utilisées dans l’évaluation et l’intervention auprès des jeunes en difficulté : les approches béhaviorale, cognitive, psychodynamique et systémique. L’auteure considère qu’une vision polyvalente et une disposition éclectique permettent de mieux cibler l’intervention appropriée pour un sujet en particulier. Enfin, quatre études de cas mettent en relief la qualité et la valeur d’une évaluation clinique spécifique à la réadaptation.
LanguageFrançais
PublisherBéliveau
Release dateNov 14, 2014
ISBN9782890927117
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    Un tuteur sur le parcours des jeunes en difficulté - Caron Michèle

    2008.

    Introduction

    « Je considère maintenant que le progrès de l’enfant le long des lignes de développement vers la maturité dépend de l’interaction de nombre d’influences extérieures favorables avec… une évolution de structures internes. »

    Anna Freud

    La citation d’Anna Freud traduit l’esprit qui a prévalu à la conception de ce livre. Nous croyons effectivement que les interactions d’un individu avec son environnement physique, affectif, relationnel, éducatif et social sont le creuset à l’intérieur duquel se joue sa croissance.

    La centration du psychoéducateur, comme le précise le champ d’exercice de la profession, est de favoriser l’adaptation optimale de la personne en interaction avec son environnement. Nous devons donc tenir compte du milieu de vie dans lequel évolue l’individu. En ce qui concerne un jeune en difficulté d’adaptation, l’essentiel est de lui offrir un milieu de vie particulier afin de lui créer des opportunités de croissance et de poursuite de son développement. Nous visons alors l’appropriation d’une autonomie réelle en tenant compte des étapes de développement et du rythme du sujet. Nous sommes donc appelés à être des « tuteurs » pour le jeune, mais aussi à voir les tuteurs de développement qui lui appartiennent. En ce sens, nous cherchons à ne pas nous attarder uniquement sur les symptômes, mais nous tentons de découvrir les forces d’un individu dans l’identification de zones libres de conflit. Selon Cyrulnik (1999), nous sommes là pour donner à l’enfant en souffrance une occasion de rebondir et de tricoter sa vie dans le cadre d’une relation privilégiée au centre d’un événement significatif. La résilience est fondamentalement ce phénomène de rebondissement et d’appropriation de son histoire par l’individu traumatisé dans sa vie. La résilience souligne donc l’aspect adaptatif et évolutif du Moi. Or, ne travaillons-nous pas précisément en fonction de cette « musculation du Moi » puisque notre rôle est de favoriser l’adaptation du sujet à la réalité ?

    Dans son livre, Un merveilleux malheur, Cyrulnik (1999) questionne notre façon de travailler dans les services sociaux et il confronte les intervenants engagés auprès des enfants et des adolescents vivant des problèmes multiples. Il parle d’attitude, de présence, de « savoir-être ». Il nous incite, par nos mains tendues, à être des occasions de rencontre pour les enfants blessés… Nous, professionnels engagés auprès des personnes en souffrance, quel regard avons-nous sur ces êtres ? Comment aidons-nous un jeune en détresse à contenir et exprimer sa blessure ? Comment l’aidons-nous à parvenir à une représentation de lui qui permet la réparation par la création de liens privilégiés ? Ne sommes-nous pas responsables de lui créer un « alentour » réparateur par une intervention soignante qui favorise la résilience, c’est-à-dire l’appel à des forces vives ? Avons-nous les conditions pour être ce regard soignant, cette main tendue, cette présence privilégiée ? Notre mission n’est-elle pas d’amener l’enfant de tout âge à sortir du vide et à se créer une vie psychique, une représentation de soi et une conscience d’être à travers une relation qui offre des assises ?

    Pour ce faire, les intervenants expriment leur besoin d’être outillés en regard de la compréhension clinique des sujets qui leur sont confiés afin de réaliser une intervention bien ciblée. Il nous semble que, pour parvenir à une action concertée entre les différents professionnels et les différents milieux impliqués, il doit y avoir une compréhension partagée de la dynamique du jeune à travers une évaluation rigoureuse (Gendreau et Goulet, 1999). Nous considérons le psychoéducateur comme un chef de file sur ce chemin, car sa formation universitaire tout comme l’encadrement clinique apporté par l’Ordre professionnel l’habilitent à évaluer et à intervenir en tenant compte de l’évolution des concepts et des données probantes.

    Il est essentiel de tenir compte du contexte social, c’est-à-dire de l’actualisation de lieux d’appartenance, pour que le jeune parvienne à une réelle autonomie dans l’acquisition d’une représentation de soi et d’une identité. Le jeune a droit fondamentalement à un « alentour affectif » pour structurer sa vie. Pour faire son évaluation, le psychoéducateur doit mesurer la gravité des difficultés rencontrées par le sujet en tenant compte :

    de l’ensemble des dimensions touchées dans sa vie : les aspects cognitif, affectif, relationnel et social ;

    de l’intensité des perturbations identifiées ;

    des ressources disponibles dans le milieu immédiat ;

    de l’interaction possible avec l’environnement, c’est-à-dire les différentes fenêtres ouvertes sur le réseau social.

    Dans la première section de ce volume, nous proposons des paramètres d’évaluation clinique. Ces paramètres sont en lien avec le degré de « musculation du Moi » pour reprendre l’expression du Dr Boris Cyrulnik. Cette première section comprend donc un premier chapitre où nous présentons nos références cliniques qui ont trait aux fonctions du Moi, aux mécanismes de défense, aux zones libres de conflit et au tableau d’Erikson qui présente le développement intégral d’un individu. Les notions présentées ici font partie de l’histoire de la psychoéducation et datent de l’origine de cette profession. On comprendra que les différents auteurs concernés sont davantage d’allégeance psychodynamique puisqu’ils s’intéressent au fonctionnement du Moi comme instance psychique. Nous tenons compte également de l’apport de Gilles Gendreau qui, dans son volume Briser l’isolement précise sa conception des interactions existentielles (l’histoire du sujet) et expérientielles (les attitudes éducatives, par exemple dans le « ici et maintenant »). L’échelle des besoins de Maslow permet également de compléter notre évaluation clinique.

    Dans le second chapitre, nous tentons de présenter différents angles sous lesquels nous pouvons aborder la psychopathologie et ses divers déterminants. Nous pouvons, par exemple, prendre le biais de l’évaluation clinique par problématiques identifiées (la problématique de la négligence, de l’abus physique, de l’abus sexuel, etc.). Les différents organismes impliqués dans le réseau de la santé et des services sociaux recherchent une cohérence et tablent sur l’implantation de programmes liés aux problématiques pour y parvenir. Nous pouvons également référer à des manuels spécialisés dans le domaine de la santé mentale des adultes, des enfants et des adolescents, par exemple dans notre cas, le DSM-IV¹ ainsi que d’autres volumes spécifiques à la pathologie de l’enfant et de l’adolescent. Nous pensons ici à Pelsser, à Dumas ainsi qu’à Habimana, Éthier, Petot et Tousignant, car ce sont des outils fort pertinents lorsque nous sommes en face de jeunes ayant de graves difficultés d’adaptation. Ces différents volumes spécialisés ont la richesse de considérer les variables en jeu au cœur des problématiques, d’énumérer les différents symptômes présents et de mettre en lumière les déterminants autant d’ordre familial, social que psychologique. Enfin, nous pouvons considérer l’angle des stades de développement tel que définis au premier chapitre et poser une hypothèse clinique consécutive à l’évaluation réalisée. Ce point de vue tient compte des lois de la croissance humaine comme processus d’évolution sous-jacent.

    Ensuite, le troisième chapitre identifie les caractéristiques importantes d’une intervention clinique ciblée, dite par contrat. En élaborant un plan d’intervention en vue de corriger la situation problématique présente, le professionnel collabore avec la ou les personnes concernées et accompagne celle-ci ou ceux-ci dans la démarche de changement.

    Une seconde section apporte un aperçu et une synthèse de quelques approches cliniques dans le domaine de la réadaptation. Nous identifions ces approches en tant que modèle d’évaluation et d’intervention cliniques. Les modèles retenus sont l’approche de l’apprentissage social (modèle behavioral), l’approche cognitivo-comportementale (modèle cognitiviste), l’approche psychodynamique et l’approche systémique. Le choix de ces différentes approches tient compte de leur apport particulier à un moment ou l’autre dans l’histoire du développement des connaissances en sciences humaines et plus particulièrement en psychologie.

    Lors de la présentation de chacune de ces approches, nous illustrons notre propos par une étude de cas en référence aux paramètres d’analyse lors de l’évaluation clinique dans un contexte de réadaptation (première section) et en identifiant des balises de l’approche privilégiée dans l’élaboration du plan d’intervention (deuxième section). Le choix des études de cas s’est effectué en fonction de la clientèle spécifique que l’on retrouve dans le réseau des services sociaux. Différentes problématiques sont présentées en lien avec la violence subie ou agie par les jeunes qui ont besoin d’une intervention de type curatif. Cette section comporte donc deux chapitres pour chacune des approches : un chapitre de présentation de l’approche et un chapitre pour l’étude de cas.


    1 En 2002, le DSM-IV est le volume de base de référence en psychiatrie. Sa conception est issue de l’association psychiatrique américaine. Cet outil élabore les critères diagnostiques spécifiques à chaque trouble mental afin d’améliorer la fidélité des jugements diagnostiques. Actuellement le DSM-5 est la référence puisque paru en 2013.

    SECTION 1

    Les paramètres

    de l’évaluation clinique

    en réadaptation

    « L’interaction est un résultat, la conséquence, le fruit d’une rencontre entre le potentiel d’adaptation du sujet et le potentiel expérientiel de l’environnement éducatif. »

    Gilles Gendreau

    Les paramètres d’analyse

    en réadaptation

    L’intervenant en réadaptation, plus spécifiquement l’éducateur, est un des professionnels concernés par le mieux-être du jeune en difficulté. Il est interpellé dans sa spécificité professionnelle au même titre que d’autres intervenants œuvrant auprès du jeune dans le besoin. Quelle est donc cette spécificité du professionnel en réadaptation et quels sont les outils cliniques qu’il utilise pour accomplir son évaluation et son intervention ?

    Les centrations de ce professionnel concernent particulièrement « la musculation du Moi » et ses outils cliniques d’observation, d’évaluation et d’intervention gravitent autour de cet objectif. Il en est ainsi puisqu’il vise la réadaptation du sujet dans sa réalité familiale, scolaire et environnementale. Les paramètres utilisés apportent un éclairage spécifique en ce sens.

    Parmi ces paramètres, les fonctions du Moi déterminent le niveau d’ancrage du sujet dans la réalité, et les mécanismes de défense nous situent sur le niveau d’évolution du fonctionnement défensif du sujet devant des envahissements pulsionnels internes ou des perturbations externes majeures.

    Puis, l’échelle des besoins de Maslow permet d’évaluer s’il y a fixation ou régression du sujet quant au niveau où il se trouve d’après son étape de vie.

    Enfin, les étapes de développement et l’évolution des différentes épigénèses élaborée par Erikson apportent à la fois une vision verticale et horizontale de l’évolution du jeune. Est-ce que le sujet se situe à son étape de développement ? Est-il au niveau de son groupe d’âge et de son étape de vie (aspect vertical des étapes de développement) ? De plus, y a-t-il des écarts dans le développement des différents aspects de sa personnalité (aspect horizontal de son développement) : par exemple, les dimensions affective, sociale et relationnelle sont-elles à un niveau de développement alors que la dimension cognitive accuse du retard ?

    Tous ces paramètres sont en étroite relation et apportent une lecture clinique qui favorise une analyse diagnostique nous permettant de situer l’intensité de la problématique adaptative du jeune en difficulté.

    Ces outils cliniques particulièrement utiles aux intervenants en réadaptation peuvent être regardés en lien avec les outils d’évaluation propres à d’autres professionnels interpellés par le jeune en souffrance. Ce partage multidisciplinaire d’analyses cliniques ne peut que favoriser une meilleure compréhension de la dynamique du sujet et par conséquent une meilleure concertation dans l’intervention.

    La centration de l’intervenant en réadaptation

    L’intervenant en réadaptation se voit interpellé par un jeune en difficulté grave de développement et d’adaptation dans son milieu et son environnement. L’évaluation de la situation peut révéler des perturbations majeures dans le milieu de vie (par exemple, des problèmes de négligence ou d’abus physique) ; l’évaluation peut aussi montrer que le jeune lui-même joue un rôle déterminant dans les difficultés d’interaction avec son milieu : il est donc impliqué dans l’enjeu de la rupture de l’interaction entre lui et son milieu. Il est important alors de prendre en considération ces difficultés du jeune de même que ses capacités. Ainsi l’intervention et les services de réadaptation doivent être centrés sur les besoins du jeune en développement et sur ceux de ses parents.

    « C’est le jeune en difficulté de développement qui sera le point focal de notre intervention. Cette intervention doit suivre une stratégie concertée et intersectorielle, dont le préalable incontournable est une approche commune de l’évaluation du développement du jeune. » (Gendreau et Goulet, 1999, p. 23.)

    Dans la perspective psychodynamique, il y a une centration sur le dynamisme interne inhérent à chaque personne humaine. Le comportement normal, nous devons comprendre ici adapté, se traduit par la manifestation d’une forme d’équilibre psychique. Freud nous a familiarisés aux trois instances psychiques : le Ça, le Moi et le Surmoi. Si ces trois instances intrapsychiques en contexte de réalité manifestent un équilibre relativement harmonieux, nous disons que la personne se sent adaptée. Un comportement problématique est par le fait même le symptôme d’un déséquilibre interne dû à un traumatisme actuel : il peut être aussi la manifestation présente d’un conflit antérieur intériorisé qui perdure encore, et que Gendreau (1993) identifie aux interactions existentielles reliées à l’histoire du sujet.

    L’approche psychodynamique favorise l’insight ou la prise de conscience de son propre fonctionnement interne pour parvenir à un changement comportemental. Cette prise de conscience réside au cœur du Moi, instance privilégiée puisque au carrefour de ce qui est en soi (ses pulsions, ses fantasmes, ses pensées, ses valeurs, sa morale) et hors de soi (la réalité). Le but visé par cette approche est un meilleur équilibre interne en lien avec la réalité. Le Moi est l’instance centrale puisque conçue comme un agent unificateur et intégrateur.

    L’intervenant en réadaptation est donc appelé à créer une relation significative en favorisant une mutualité avec la personne dans le besoin. Cette mutualité s’exprime dans la manière de se mettre à l’écoute du vécu d’une personne en vue d’un mieux-être et d’un mieux vivre, et ce, en favorisant le contact avec soi-même. La mutualité tient compte de toute évidence des interactions existentielles inhérentes à l’histoire du sujet. L’actualisation du Moi comme agent intégrateur est rendue possible grâce à des interactions expérientielles (Gendreau, 1993) qui tiennent compte des défis gradués nécessaires à toute démarche d’appropriation de ses capacités, de ses forces internes. La relation d’aide est donc au cœur de cette approche et devient l’outil privilégié. L’intervenant devient un modèle d’identification recherché dans une expérience relationnelle correctrice : là où s’ancrait la rupture, l’intervenant dose les échanges pour que la mutualité prenne forme. Il apprend à donner selon ce que l’autre peut recevoir par une saisie appropriée des enjeux psychiques de cette personne. En un mot, par son évaluation clinique, il tente de saisir le mieux possible les coordonnées du jeune afin de le rejoindre là où il se trouve et de l’accompagner sur la suite du parcours…

    Pour ce faire, l’intervenant apprend donc à se centrer sur des balises et des paramètres qui concernent spécifiquement le Moi du sujet. En effet, l’intervenant veut favoriser, en alliance avec le jeune, un renforcement de son Moi et un accroissement des sphères de fonctionnement libres de conflit pour une meilleure adaptation à la vie. Les paramètres identifiés concernent, entre autres, les fonctions du Moi et les mécanismes de défense. De plus, pour que la mutualité s’actualise, l’intervenant doit être en mesure d’identifier les besoins de la personne en regard de l’échelle des besoins de Maslow.

    Bien sûr, l’intervenant est appelé à inscrire cette lecture du fonctionnement du Moi dans l’ensemble de la conception psychodynamique qui, à travers Freud, a ouvert le monde de l’enfance comme un papyrus où sont inscrites les vicissitudes de la vie au cœur des phases de développement. Ce psychanalyste est venu témoigner de la charge pulsionnelle, sexuelle, inconsciente qui s’exprime du premier cri de la naissance jusqu’à l’âge adulte. Erikson et Piaget sont venus parfaire cette connaissance du développement humain à travers les différentes épigénèses. Hartmann, en se centrant sur l’autonomie du Moi et sur les sphères libres de conflit, a fait appel aux nouvelles fonctions adaptatives et intégratives du Moi comme la perception, la mémoire, le jugement, le langage...

    Aujourd’hui, il est convenu de reconnaître le développement humain comme se réalisant par phases successives. Il y a donc les stades de développement psychosexuel qui sont identifiés selon la zone érogène privilégiée : nous parlons alors de phase orale, de phase anale et de phase œdipienne reliée à la différenciation des sexes par la découverte de la zone génitale. Là où l’intérêt s’est précisé pour l’intervenant préoccupé par le Moi des sujets et leur capacité d’adaptation, c’est l’élaboration d’un tableau des différentes épigénèses conçu par Erik Erikson. Cet auteur a su relier les phases psychosexuelles de Freud avec le développement cognitif élaboré par Piaget ainsi qu’avec les manifestations au niveau comportemental et adaptatif de ces phases de développement. Ainsi, il a inséré l’épigénèse psychosociale, l’épigénèse du Moi et de l’identité en lien avec les découvertes de Freud et de Piaget. Jeannine Guindon (1982) a toujours fait sienne cette conception évolutive qui prend en compte de façon majeure l’autonomie du Moi d’un sujet, en considérant ses forces et ses vulnérabilités.

    Le tableau d’Erikson s’avère un outil pertinent pour l’évaluation clinique de la capacité adaptative d’un individu. Il permet de vérifier s’il y a des écarts entre les différents secteurs impliqués : par exemple, un sujet a-t-il poursuivi son développement cognitif malgré des perturbations dans ses relations affectives, y a-t-il des zones libres de conflit ? Une évaluation de cette sorte peut également favoriser une relation de mutualité en identifiant clairement où se situe notre sujet : sommes-nous à construire une relation de confiance ou sommes-nous plutôt dans le registre d’une autonomie à renforcer ?

    Enfin, ce tableau nous donne des indications sur le niveau relationnel d’un sujet : sommes-nous encore au niveau de la phase orale dans des relations fusionnelles ; la phase anale est-elle en jeu à travers le vécu de relations utilitaires sous forme d’emprise ; enfin avons-nous dépassé tout cela dans l’actualisation de la phase œdipienne où l’autre existe dans des relations de réciprocité ? En précisant le niveau relationnel, nous nous permettons d’avoir une vue sur le concept d’identité. De plus, en situant la personne dans son processus de séparation-individuation face à une figure d’attachement, nous pouvons préciser s’il y a intériorisation de la constance de l’objet, c’est-à-dire conservation à l’intérieur de soi de cette personne investie, car c’est par ce biais que s’ouvre l’avenue d’une réelle identité individuelle.

    Ainsi, dans les pages qui suivent, nous présentons ce tableau des différentes épigénèses ; il sera une référence majeure lors des études de cas présentées ultérieurement. Nous abordons auparavant une synthèse des différentes fonctions du Moi et des principaux mécanismes de défense ; puis, nous présentons un bref aperçu des besoins de Maslow.

    La centration sur l’instance du Moi se comprend dans le sens qu’il est reconnu que cette instance est le siège des affects, de l’organe de la pensée et le lieu de la mémoire tout en étant l’agent exécutif du comportement. L’acquisition d’une relative liberté d’action du Moi se fait à travers des phases de développement. Cette relative liberté humaine est à reconquérir à chaque instant de l’existence avec les acquisitions internes réalisées à travers le développement. Le vouloir humain est donc une faculté du Moi et la liberté s’exerce toujours à l’intérieur des frontières limitées du dynamisme psychique. L’intervenant en réadaptation centre son action davantage au niveau du Moi, car il veut permettre chez l’individu en besoin une objectivation, une capacité de se voir et de se regarder en distance, ce que nous nommons le « Moi observant ». Pour y parvenir, l’intervenant est souvent amené à jouer le rôle « d’auxiliaire du Moi » car le jeune, trop envahi par son mode pulsionnel et les perturbations de sa réalité, n’a pas l’énergie nécessaire à un tel recul. (Rangell, 1986.)

    Les fonctions du Moi

    Les fonctions du Moi¹ identifient le fonctionnement d’un individu dans la réalité. Elles donnent un portrait de son adaptation au milieu dans lequel il évolue. Elles permettent de donner un éclairage sur les forces et les vulnérabilités de la personne en difficulté.

    Nous avons répertorié neuf fonctions du Moi que nous pouvons regrouper selon des centrations particulières. Ainsi le Testing de la réalité, le Sentiment de sa propre identité et les Relations interpersonnelles sont trois fonctions du Moi qui mettent l’accent sur la capacité de différenciation de soi face à l’autre et face à son environnement : la personne peut-elle distinguer son vécu intérieur (ses sensations, ses perceptions) des circonstances dans l’environnement et de la réalité des personnes significatives dans sa vie ? Trois autres fonctions du Moi se caractérisent davantage par la capacité de se voir en acte, c’est-à-dire dans ses comportements en regard de la réalité : la personne peut-elle contenir les charges pulsionnelles et affectives, Régulation et contrôle des pulsions, affects et besoins ; peut-elle doser l’intensité des stimulations, Tolérance aux stimulations ; et enfin parvient-elle à exercer un jugement sur son comportement dans la réalité, Jugement ? Finalement, le Processus de pensée, la Maîtrise et compétence et la Régression au service du Moi apparaissent comme trois fonctions du Moi qui réfèrent à la présence d’une énergie disponible pour investir une dimension qualitative plus grande : la personne a-t-elle une énergie disponible pour avoir une souplesse de pensée, pour observer la concordance entre son sentiment de compétence et sa compétence réelle et pour parfois vivre une certaine régression afin de mieux avancer par la

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