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Ce qui ne tue pas
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Ce qui ne tue pas

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About this ebook

Lili, Frankie et Liz avaient le plan parfait : mourir tous ensemble, sans que les gens croient à un suicide. C'est du moins ce qu'ils pensaient. Mais ça ne s'est passé comme prévu…Lili, elle, a survécu.Après un long coma, elle se réveille à l'hôpital, où tout le monde crie au miracle. Mais pour l'adolescente, c'est un désastre. Elle n'est pas morte comme elle le voulait! Et ses meilleurs amis sont partis, la laissant seule pour endurer cette vie qu'elle désirait tellement fuir. Pas facile de se battre pour recommencer à marcher quand ton seul souhait est d'en finir…Lentement, Lili prend toutefois conscience que son geste a eu de graves répercussions sur les membres de sa famille. Méritaient-ils tous la peine qu'elle leur a fait endurer? D'ailleurs, ses raisons de vouloir mourir étaient-elles valables? Au-delà du rétablissement de son corps brisé, la jeune femme devra entreprendre une guérison beaucoup plus difficile. Celle de son esprit.
LanguageFrançais
PublisherDe Mortagne
Release dateJan 15, 2014
ISBN9782896623037
Ce qui ne tue pas
Author

Emilie Turgeon

Emilie Turgeon a toujours aimé écrire. C’est en suivant un cours de création littéraire à l’université que l’idée de publier un jour s’est manifestée. Écrire pour la jeunesse lui semblait la chose à faire puisque ses fréquentes visites dans les librairies s’éternisent surtout dans le rayon pour adolescents. D’ailleurs, selon elle, les livres dont on se souvient le plus sont ceux qu’on lit quand on est jeune. Aujourd’hui, elle est enseignante de français au secondaire et trouve chaque jour dans ses classes de nouvelles sources d’inspiration.

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    Ce qui ne tue pas - Emilie Turgeon

    Emilie Turgeon

    Ce qui ne

    tue pas

    Édition

    Les Éditions de Mortagne

    C.P. 116

    Boucherville (Québec) J4B 5E6

    Diffusion

    Tél. : 450 641-2387

    Télec. : 450 655-6092

    Courriel : info@editionsdemortagne.com

    Les Éditions de Mortagne

    © Ottawa 2014

    Tous droits réservés.

    Dépôt légal

    Bibliothèque et Archives Canada

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale de France

    1er trimestre 2014

    Conversion au format ePub : Studio C1C4

    ISBN 978-2-89662-303-7

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) et celle du gouvernement du Québec par l’entremise de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC. Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

    Pour tous ceux et celles qui ont su,

    et sauront, faire le bon choix.

    Prologue

    Il faut attendre l’hiver. Une journée de tempête, ou du moins de mauvais temps. Personne ne pourra vérifier les traces de freinage. Une cause accidentelle sera évoquée d’emblée. Ce sera tragique, tellement triste, et vendeur. Nous ferons la première page du journal, le téléjournal du soir, on nous rendra sans doute hommage sur Facebook.

    Frankie demande à conduire. Il veut être tenu responsable. De toute façon, je ne crois pas que je pourrais le faire. Quant à Liz, elle n’a même pas de permis de conduire. Mais nous voulons tous la même chose : mourir au plus vite, sans souffrir.

    Mon téléphone cellulaire sonne vers dix-neuf heures, un jeudi soir de février. Selon Frankie, la météo va se déchaîner samedi toute la journée. Il est temps de mettre notre plan à exécution. Je raccroche, soudainement très nerveuse. Mais il est trop tard pour reculer. Et je n’en ai pas envie.

    Vendredi soir, Frankie, Liz et moi prévenons nos parents que nous sortirons le lendemain. Magasinage et resto. Rien d’anormal. Ils insistent tous sur la prudence, puisque la météo n’annonce rien de bon. Les parents de Liz proposent même de nous reconduire, mais nous les rassurons.

    Le samedi 26 janvier, vers midi, Frankie passe me prendre en premier, puis nous allons chercher Liz. Nous devons faire un arrêt au centre commercial pour acheter un bidule ou deux, histoire de rendre notre scénario plus crédible. C’est en chemin vers le resto que nous aurons notre accident.

    La route présente une courbe idéale surplombant une falaise jonchée d’obstacles tous plus meurtriers les uns que les autres. Une issue fatale.

    Pendant un instant, j’essaie d’imaginer nos corps morts. Ce sera sans doute horrible, il y aura du sang partout. Ou, alors, rien du tout en apparence, que des lésions internes.

    Frankie nous avertit lorsque nous approchons de l’endroit crucial. Liz lui prend la main et se retourne vers moi, un sourire triste aux lèvres. Elle a tenu à s’asseoir à l’avant, je ne m’y suis pas opposée. Je me suis installée sur la banquette arrière de la vieille Honda de Frankie, au milieu, pour voir devant.

    La voiture fracasse le garde-fou. Je ressens, l’espace d’une seconde ou deux, l’état d’apesanteur et cette drôle de sensation au cœur qu’on a dans certains manèges. J’entends crier, sans savoir si c’est Liz ou moi. Puis plus rien. Le grand trou noir tant espéré.

    Mais ce n’est pas parce qu’on en décide ainsi que les choses vont comme prévu. C’est pourquoi cette histoire a une suite.

    Le réveil

    Un picotement, léger, mais désagréable. Dans le pied gauche. Des sons aussi. Confus. C’est ça, mourir ? Je n’ai jamais vraiment cru à la vie après la mort. Je n’ai même jamais souhaité qu’il y ait une vie après la mort !

    — ELLE A FRONCÉ LES SOURCILS !

    Aïe ! Ces sons-là n’ont rien de confus. Ni d’agréable.

    — JE N’IMAGINE RIEN ! J’EN SUIS SÛRE ! VA CHERCHER CETTE MAUDITE INFIRMIÈRE !

    Cette personne m’agresse vraiment. Je veux lui dire de se taire, mais je suis incapable de parler. C’est le premier problème que je remarque. Le deuxième, c’est que je ne peux pas ouvrir les yeux. Puis je me rends compte que je ne peux même pas bouger.

    — Quelque chose ne va pas, madame Dionne ? demande une autre voix d’un ton plus calme.

    — J’ai vu ma fille froncer les sourcils.

    — Vraiment ?

    — Oui ! En arrivant, je lui ai serré le pied gauche en la saluant et je l’ai vue froncer les sourcils.

    C’est quoi, le problème avec mes sourcils ? Qu’est-ce qu’il y a de si particulier dans le fait de froncer les sourcils ? Oh, merde ! Je comprends. Je ne suis pas morte. On a échoué. Frankie se trompait, l’accident n’était pas suffisant. Il avait pourtant l’air si sûr de lui. Tout ça, c’est sa faute ! C’était son plan ! Il faudra tout recommencer. Et comment va-t-on faire ? La voiture doit être démolie et c’est certain qu’on va éveiller des soupçons. Je n’arriverai jamais à avoir l’air ravie d’être toujours en vie. Tu nous en dois une, Frankie. Trouve un plan infaillible, la prochaine fois.

    — Eh bien, ce serait encourageant ! Je vais appeler le docteur.

    Les voix. Il y a celle de ma mère. L’autre doit être celle de la femme qui répond au titre de « maudite infirmière ».

    — Oui, oui, allez-y !

    Non ! Non ! Pas de docteur ! Qu’elle aille plutôt chercher un bourreau, un psychopathe, un tueur en série, n’importe qui capable de finir le travail !

    — Écoute, chérie, ne t’emballe pas. Tu sais que le docteur a dit qu’il pouvait s’agir de spasmes musculaires, enchaîne une voix d’homme.

    Papa. Il appelle maman « chérie » ? Dans mes souvenirs, ce n’est pas courant. Ils sont un vieux couple, à cent lieues de la passion. Ma sœur prétend que ça n’a pas toujours été ainsi, mais j’ai de la difficulté à la croire. Je les sens, tous les deux, près de moi. Ils murmurent, trop bas et trop rapidement pour que je comprenne quoi que ce soit. De toute façon, ils doivent être en train de s’obstiner. Ils ne savent faire que ça, alors je n’ai même pas envie de les entendre. Mais pourquoi je n’arrive pas à ouvrir les yeux ?

    Le silence revient. Je n’ai aucune envie de vivre ça. Mes parents, comme tout le monde d’ailleurs, vont croire que je suis une miraculée. Est-ce que Frankie et Liz ont survécu, eux aussi ? Sont-ils à côté de moi, avec leurs parents en pleurs qui me regardent jalousement parce que j’ai remué mes sourcils ? Faites que je ne sois pas la première à me réveiller ! Ce serait intolérable. J’ai besoin du soutien de mes amis. Il est hors de question que j’affronte ça toute seule, que je fournisse des explications, que je passe pour le cerveau de l’affaire. Pourquoi a-t-il fallu que je survive ?

    — On a du mouvement à ce qu’il paraît ?

    Le docteur. Il a une voix de docteur. Une voix occupée, pressée, mais curieuse.

    — Ah ! Bien oui, il s’en passe, des choses, dans cette tête-là ! ajoute-t-il.

    — QUOI ? hurle ma mère.

    — L’activité cérébrale est forte. Votre fille est de retour parmi nous.

    Là, je devrais rapporter des paroles de bonheur, de soulagement. Mais je n’entends que des sanglots. Sûrement ma mère. Je doute que mon père soit du genre à pleurer pour un soupçon d’activité cérébrale.

    — Ma chérie, nous sommes là, ton père et moi. Nous t’aimons.

    Pa-thé-ti-que. Alors là, je n’aurais pas deviné ! Il n’y a pas une personne sensée sur terre qui dirait : « Allez, debout, on en a marre, on veut rentrer. » Comme si des « nous t’aimons » avaient le pouvoir de réveiller les morts (ou les presque morts). La vie n’est pas un conte de fées ! La preuve ? Mes amis et moi n’avons pas eu notre fin heureuse. La vie est plutôt comme un film d’horreur dont on étire la sauce inutilement, suite après suite. Et j’ai un peu l’impression que je vais jouer dans une suite de trop…

    Je sens un petit tiraillement sur ma paupière. Comme du ruban adhésif qu’on retire délicatement. C’est pour ça que je ne pouvais pas voir ! On avait collé mes yeux !

    Tout à coup, une lumière brûle ma rétine. Quelqu’un, un sauvage, m’a ouvert l’œil de force. Je veux crier, mais encore là, je n’y arrive pas. Je veux le repousser, mais mon corps n’obéit pas.

    — La pupille réagit bien, constate le médecin.

    — Va appeler Marguerite, ordonne maman.

    Marguerite, c’est ma sœur aînée. Maggie, pour les intimes. Celle qui a tout pour elle. La fille brillante, jolie, populaire, drôle, généreuse, celle qui accomplit tous les rêves de ses parents. Elle a dix ans de plus que moi. Oui, les ovules de maman ont pris quelques années sabbatiques… à moins que ce ne soit les spermatozoïdes de papa. Donc, ma sœur a aujourd’hui vingt-huit ans, elle poursuit ses études de médecine et s’apprête à avoir un bébé. Elle vit dans un château flambant neuf avec son cher et tendre époux, Phil, l’architecte. Ça me donne envie de vomir.

    Je me suis rendormie, apparemment, parce que je viens de me réveiller. Dommage. Maman me parle.

    — Allez, Lilianne, ouvre les yeux, ma princesse.

    Princesse ? Eurk ! Elle ne m’a jamais appelée comme ça ! Elle m’énerve avec sa manie de me considérer comme un bébé. Je parie que si je n’obéis pas, elle va trouver un reproche à me faire. Me traiter de paresseuse, par exemple.

    Je sens vaguement qu’elle est près de mon visage. Bon, assez patienté, je vais ouvrir les yeux.

    Ce n’est pas aussi facile que je le pensais, mais j’y parviens. Sauf que je ne vois rien. Le crétin de tout à l’heure a dû endommager ma cornée, ou ma rétine, ou un truc du genre, parce que je vois flou. Je ne perçois que des contours et des couleurs. Les cheveux bruns de maman, les blonds de Maggie et le crâne dégarni de papa. Une belle réunion de famille comme je souhaitais ne plus jamais en vivre.

    — Bonjour, me dit maman tout doucement.

    Ça me donne presque envie de pleurer. J’ai tout raté. Tous mes efforts pour me défaire d’une vie dont je ne voulais pas auront été vains. Maintenant, après un accident pareil, ce sera pire qu’avant ! Maman sera constamment sur mon dos, à me surveiller, à me faire des milliers de recommandations qui sonneront comme des accusations. À m’étouffer, quoi !

    — Tu nous as fait très peur, continue-t-elle du même ton. Mais c’est terminé, le cauchemar est fini.

    Je croyais qu’il n’y avait que dans les films qu’on disait des choses aussi quétaines. Moi, j’ai plutôt l’impression qu’il commence, mon cauchemar.

    — C’est un miracle que tu sois parmi nous, dit ma sœur.

    Et voilà ! Je le savais ! Je vais devenir une miraculée ! Eh merde…

    — Je peux entrer ?

    Il me faut quelques secondes pour reconnaître la voix de Phil. Il est cool, Phil. Évidemment, ma sœur ne pouvait pas marier un idiot. Elle devait décrocher le gros lot.

    — Bien sûr ! répond Maggie.

    Je commence à voir clair. Maman est hideuse. Je ne pensais pas qu’une personne pouvait avoir d’aussi grands cernes sous les yeux ! Ses cheveux ne sont pas peignés et elle n’est pas maquillée. Qui prendrait le temps de se faire une beauté lorsque l’hôpital vous appelle pour vous dire que votre fille vient d’être admise aux urgences ?

    — Mes parents sont prêts à s’occuper de William toute la nuit, s’il le faut, annonce Phil.

    William ? C’est qui, ça ?

    — Elle est réveillée, dit Maggie avec l’intonation de celle qui vient de trouver un trésor.

    Ma sœur se lève pour aller à la rencontre de son mari, sans doute pour l’embrasser tendrement. Ils passent leur temps à faire ça. Je la suis des yeux. Quelque chose cloche. Mais quoi ? La réponse me frappe de plein fouet : son ventre est plat.

    Non, non, non ! Ma sœur était enceinte. Elle en avait encore pour plus de deux mois ! Le bébé devait naître en avril et nous sommes en janvier. JANVIER !

    — Qu’est-ce qui se passe, ma chérie ? m’interroge ma mère d’une voix inquiète.

    Maggie approche. Une machine se met à faire bip. Comme dans les séries télévisées sur la médecine. J’entends maman demander encore une fois ce qui se passe, mais personne ne répond.

    Je me réveille de nouveau. C’est tannant, cette manie de m’endormir sans m’en rendre compte. Il n’y a personne dans ma chambre. Je préfère ça. Je me sens mieux. Il fait noir, mais mes yeux s’habituent et je commence à deviner des formes.

    Je repense à ce qui s’est passé plus tôt. Si ma sœur a accouché, c’est que ça fait au moins deux mois que je suis là. Ça peut aussi faire six ans, ce qui expliquerait la face flétrie de maman. J’étais dans le coma, ça me semble clair maintenant. Mes amis sont sûrement rentrés chez eux. Et s’il s’écoulait des semaines chaque fois que je me rendors ?

    Je pourrais essayer de bouger un peu. Je suis inerte depuis très longtemps. Comme le cadavre que j’aurais dû être. D’abord les doigts, les orteils. Je ne suis pas sûre que ça marche. J’ai l’impression que mon corps pèse une tonne. Je ne suis même pas capable de relever la tête pour voir de quoi j’ai l’air. Je suis condamnée à fixer le plafond.

    Quelqu’un entre dans ma chambre, vérifie les machines à côté de mon lit, remplit des feuilles sur une tablette et me regarde enfin. Je lis l’étonnement sur son visage.

    — Salut, me lance ma visiteuse.

    Par politesse, je veux répondre. Mais, encore une fois, j’en suis incapable.

    — N’essaie pas de parler, tu as un tube dans la gorge.

    Ah, merci ! C’est donc ça, le problème. Mais pourquoi est-ce que je ne le sens pas ? Oh. Mon. Dieu. JE SUIS PARALYSÉE ! ! !

    Le mot à lui seul suffit à inonder mes yeux. Paralysée ! Non seulement je ne suis pas morte comme prévu, mais je vais devoir passer le reste de mes jours dans un fauteuil roulant. C’est le pire échec de toute ma vie ! Un échec légendaire, épique.

    — Il sera enlevé demain matin. Le docteur viendra aussi. Mais, pour le moment, il vaut mieux que tu te rendormes, me conseille l’infirmière.

    Elle joue avec un fil et un bouton sur une machine que je vois à peine du coin de l’œil et sort de ma chambre, sa silhouette de plus en plus floue. Cette fois-ci, je m’endors parce que quelqu’un l’a voulu.

    Le lendemain

    J’entends ma mère parler avec ma sœur. Je reconnais l’intonation. Elles se chamaillent, mais je ne saisis pas le sens de leurs paroles. Peu importe, maman rouspète constamment. Comme quoi les choses n’ont pas changé depuis que je suis ici. L’horloge au-dessus de la porte indique sept heures. Il est beaucoup trop tôt pour être déjà de mauvaise humeur. J’espère qu’elles n’ont pas l’intention de passer la journée ici. Je grogne un peu pour attirer leur attention et pour qu’elles arrêtent de bougonner.

    — Oh, Lili d’amour, tu es là ? s’étonne ma mère.

    Un : « Lili d’amour », ça me donne envie de disparaître.

    Deux : où voudrait-elle que je sois, je ne peux pas bouger !

    Elle est vraiment à côté de ses pompes en ce moment.

    — Ils ont retiré ton tube ce matin. Bientôt, tu pourras parler ! Ta gorge est encore trop irritée pour l’instant.

    Elle a les larmes aux yeux. Ça me donne aussi un peu envie de pleurer. J’ai toujours détesté voir ma mère dans cet état. Sans doute parce que ça n’arrive pas souvent. Ça me déstabilise.

    Théoriquement, je ne devrais pas parler, mais une question me hante depuis que je me suis éveillée la première fois. Je la formule donc dans ma tête (Frankie et Liz ?) et je la pose.

    Ça sort plutôt comme « an-ki-li », mais je devine qu’on m’a comprise. Ma mère me prend la main doucement. Si je le sais, ce n’est pas parce que je l’ai senti, mais plutôt parce que je l’ai vu. Ma peau refuse de collaborer avec mon cerveau. Mais, plus que ma main, c’est maman qui attire mon attention. Elle baisse les yeux, inspire profondément, soupire et inspire de nouveau. Je sens déjà une boule naître en moi. Une vague d’émotions qui s’intensifie…

    — Ma chérie, François et Élisabeth n’ont pas eu autant de chance que toi, murmure-t-elle.

    … qui devient un raz-de-marée tellement gros qu’il ne pourra jamais sortir de mon corps sans le pulvériser, et dans lequel mon cœur se noie.

    Mes amis n’ont pas eu autant de « chance » que moi ? ! Si ma pauvre mère connaissait la vérité, je crois qu’elle ne s’en remettrait pas. Au contraire, c’est moi qui suis la plus malchanceuse de tous ! Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct pour être encore ici ?

    — François est mort sur le coup et Liz, durant le transport en ambulance.

    — Maman ! Ce n’est pas vraiment le moment !

    Je reconnais le tempérament de Maggie. Toujours en train de protéger les sentiments des autres. Elle est tellement gentille, tellement prévenante. Tellement parfaite…

    — Ce ne sera jamais le bon moment, Maggie, lui lance ma mère d’un ton triste.

    Maman a l’air désolé. Quant à ma sœur, elle échappe une larme en silence. Elle aimait beaucoup mes amis. Moi, je suis figée. Mes larmes restent loin de mes yeux. Je ne sais même pas ce que je ressens. Mon cerveau ne parvient pas à digérer tout ce qui m’arrive. Et le ventre plat de Maggie n’aide pas. D’ailleurs, ça fait un moment que je le fixe, comme si j’avais le pouvoir de le faire gonfler par la pensée.

    En relevant les yeux, je croise ceux de Maggie. Elle ouvre la bouche et pose une main sur son ventre. Même si mon corps ne bouge pas, j’ai un mouvement de recul. Je ne veux pas entendre ma sœur.

    Heureusement, un médecin entre à ce moment-là.

    — Notre survivante est réveillée ?

    Bon, il va s’y mettre, lui aussi. J’espère que ça ne va pas durer.

    — Je suis le docteur Rochefort. Tu te sens bien ?

    Je hoche péniblement la tête.

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