Jubilation vers l'Ailleurs
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Daniel Barklaya
Daniel Barklaya vit en Russie depuis quelques années. Il est jeune, beau mais triste.
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Jubilation vers l'Ailleurs - Daniel Barklaya
Sommaire
Introduction
Chapitre I: La France liquide
Chapitre II: Un fou au centre de l’échiquier
Chapitre III: Retour du viril romantique
Chapitre IV: Hôtel-France ou Attali au pays de Neverland
Fin et Début(s)
Page de copyright
Introduction
Hollande se tient la tête à deux mains, sanglotant de toute sa normalité, ahanant comme un VRP non cocaïné en fin de carrière, ayant sillonné la France dans le but de refourguer des filtres pour piscine à vagues. Hollande craque, enfin. Agglutinés comme des sangsues devant ce débat télévisuel funeste, les téléspectateurs ont d'abord pu déceler des premières gouttes de sueur, perlant sur son front dégarni autour duquel une mouche s'agitait gracieusement, butinant ses sémillants plis adipeux. Ce n'était pas le stress qui avait poussé le président a régulièrement visiter, toutes ces nuits depuis un an, les cuisines de l’Elysée. C’était le désespoir. Un profond désespoir qui éclatait ce soir à l’écran à la face du con-citoyen, comme du pus hors de son furoncle. En coulisses, ce désespoir n’était un secret pour personne, pas un de ces secrets de gauche longtemps tus par compassion et qui finissent par fuiter dans «Paris-Match». Le premier cercle du président avec feint d'éviter la vision du Roi nu, vautré dans l’huile de palme, se noyant sans un cri dans sa boulimie. Celui qui se noyait dans le gras était protégé de la rumeur comme Kennedy l’était lorsque des ribambelles de filles pénétraient la Maison Blanche.
En plein mois de juillet, la cour du président s'était éclipsé au festival d'Avignon, assistant à l'unique apparition annuelle de Julie Gayet, réservant une ovation de trente minutes à celle qui sur l’oreiller, susurrait au président sa médiocrité d'amant, tout en évitant d'aborder son impuissance à partouzer avec la France entière. Alors que Julie surjoue, François déjoue, coulé par un David Pujadas qui a rongé sa laisse et par un Jean-Pierre Elkabbach à cran, à deux jours de son congé hebdomadaire à Tel-Aviv. Ce dernier est particulièrement cassant et téméraire, se rappelant au bon souvenir de ses missiles journalistiques, tels que celui adressé au président Mitterrand au sujet de la repentance de la France à l’égard des juifs. François, pâle rejeton de Tonton, est en train de mettre l’arme à gauche, tout du moins son épée en mousse. Elkabbach avait ouvert le feu avec cette question: «quelle est la couleur de vos tripes?» Oscillant entre le sourire niais et la fausse indignation, François avait de suite vacillé, sentant la meute lui mordiller le bas de costume. Puis, Pujadas, en sautillant sur son tabouret réhaussé, avait enchaîné : « il vous reste deux jours pour laisser une empreinte dans l'histoire des Français, n'est-ce pas trop tard?»
Alerté en temps réel, entre deux tirades pompeuses de Juliette Gayet, les caciques du PS n’avaient ni besoin de se parler ni de se regarder, pour jubiler en silence, stoïques, réceptionnant mollement cette pièce tragi-comique de l'ex-tragique et de l’ex-comique du paf qui a fait pouf dans l'air, le bien-né Nicolas Bedos. Fait unique dans l'histoire de la Ve République, un président est en train de faire, sans ambages, ses excuses personnelles, de «ne pas avoir été à la hauteur», «de ne pas avoir compris la France». C'est seulement à la fin de son mandat que transparaît sa symbolique de campagne du président « normal». Un président normal, c'est un type pas à sa place, pas dans sa vie, balancé dans la fosse, propulsé malgré lui sous les projecteurs alors que le yéti du FMI exerçait son droit de cuissage pré-électoral. Un homme qui a dû changer d’apparence pour se parer des habits du président n'est pas un homme intrinsèquement bâti pour le rôle. De Gaulle était-il sous régime Dukan le 18 juin 1940 ? François regarde une dernière fois la caméra, cherche dans son dos un échappatoire inexistant et, finalement, supplie des yeux son stagiaire en communication de lui prendre le bras pour l’éloigner du feu. Le risible «au revoir» de Giscard sera désormais supplanté par la fuite, la fonte, la déliquescence de François, cette nuit moite du 12 juillet 2016; les derniers mots du président au peuple français seront : «je peux y aller maintenant ? ».
Ceci est une micro-fiction annoncée. Mort d'un homme, mort d'un président, d'une fonction, d’une nation, d’une civilisation. Comment ne pas glisser soi-même dans ce mouvement manifeste ? Où trouver le sursaut pour accepter, surmonter, sublimer cette période de déclin? « Du chaos naissent les étoiles». La formule de Nietzsche, équivalent philosophique de la «destruction créatrice» schumpéterienne, illumine le gouffre palpable le long duquel nous admirons notre finitude. Marc-Edouard Nabe écrit trivialement que «pour se sentir réel, il faut se mettre au-dessous d’un trou». Alors allons-y gaiement, de plus près encore, y contempler l’espoir d’un ciel infini, y dessiner l’horizon indépassable éclairant l'histoire des hommes.« Des hommes qui font l'histoire mais qui ne savent pas l'histoire qu'ils font» (Raymond Aron). Le pire des scénarii serait de ne plus vouloir faire son histoire, de ne plus vouloir contribuer à l’Histoire, de ne plus faire l'effort de se relever pour s'élever, paralysé par la vision du vide, embourbé dans un marécage de préjugés sectaires, d'amalgames décapiteurs de pensée, de clivages assassins poussant à l'entre-déchirement. S’accorder sur le diagnostic ne suffit plus. Il faut promulguer un cadre, un cap, un souffle projetant des idées pragmatiques pensées, appliquées par et pour le plus grand nombre. Il faut deserrer le noeud dans lequel l’histoire du pays s’est empêtrée.
Je ne suis pas un homme politique, je ne prétends pas vouloir appliquer un programme détaillé pour répondre à ces défis. Je suis un simple citoyen qui souhaite modestement confier ce témoignage à la pureté des pages blanches. Ce témoignage est un recueil de pleurs, une thérapie narcissique dégluant inquiétudes, mauvaises nouvelles, faillite morale et financière, vestiges dépravés du passé, vertiges enragés du futur. Bob Dylan chantait: «if you are not busy being born, you are busy dying». Ce témoignage est une ballade folk naïve et tragique, qui recèle une volonté féroce de renaitre, ici ou ailleurs. Je suis (encore) jeune, persécuté par mon inclination à devenir adulte, ressassant avec véhémence cette sentence kantienne: «on devient adulte quand on a pardonné à ses parents». Pour ne pas grossir le rang des hommes qui se vengent de vivre, je me débats à trouver ma place, cette modeste place qui me permettrait de pardonner à mes géniteurs. Cette place précaire tiraillée par l’appel au large de la globalisation - le paradis est toujours ailleurs - et coulée vers le bas par des courants de fond nauséabonds - l’enfer est toujours sous nos pieds.
Chapitre I: La France liquide
Je n'ai pas choisi de naître en France en 1986. Dès le départ, je n'ai jamais imaginé que ce fusse une quelconque chance de naître, de surcroit en France. J’ai été en bonne santé très rapidement mais sur le coup, jamais l’idée que je le devais à la qualité des soins français, ne m'a effleuré l'esprit. Quelle crasse ingratitude ! Si j'ai pu respirer aussi sereinement, c'est grâce à une aide artificielle dernier cri, financée par le pays qui a eu l'honneur de me compter parmi ses contribuables en devenir et de jouir de mes braillements en conséquence. C’est seulement bien des braillements plus tard que j'ai pu déchirer mes oeillères d'enfant pourri gâté et entrapercevoir l’extraordinaire potentiel de ma nationalité.
Avec le recul qui me permet d’écrire ces lignes, je réalise avoir pu toucher du doigt, très tôt, les rêves républicains. Je suis allé à l'école publique, j’y ai côtoyé des professeurs passionnés