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Les images chrétiennes : Textes historiques sur les images chrétiennes de Constantin le Grand jusqu'à la période posticonoclaste (313-900)
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Les images chrétiennes : Textes historiques sur les images chrétiennes de Constantin le Grand jusqu'à la période posticonoclaste (313-900)
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Les images chrétiennes sont à la mode. Les livres qui en traitent sont nombreux : études archéologiques, recherches sur l’histoire de l’art, analyses théologiques, confrontation entre différents courants d’opinion, monographies sur un auteur, etc. Des publications sur les icônes ne cessent d’apparaître, notamment des traductions de textes. Il s’agit parfois de nouvelles traductions et parfois de traduction d’écrits restés « emprisonnés » dans leur langue d’origine. On est donc en présence de deux phénomènes : les images elles-mêmes et les écrits qui les concernent. La présente anthologie vise à approfondir la connaissance du second. Les textes qu’elle regroupe vont de l’époque de l’empereur Constantin à la période iconoclaste. Autrement dit, elle se limite aux siècles situés entre Eugène de Laodicée (270-335) et Aréthas, archevêque de Césarée en Cappadoce (850-932). Cette période est d’une importance capitale, non seulement pour l’histoire de l’Église en général, mais aussi pour le développement des images chrétiennes et l’évolution de la réflexion théologique. Cette étude est la continuation d’une autre consacrée aux écrits sur les images tant païennes que chrétiennes, rédigés pendant les trois premiers siècles, soit de l’Église apostolique à Constantin le Grand. Les textes rassemblés incluent plusieurs sortes d’écrits : certains se trouvent déjà dans des revues ou encyclopédies, mais sont difficilement accessibles, tandis que d’autres apparaissent pour la première fois en français. Nous avons voulu non seulement présenter des textes, mais aussi offrir des commentaires, et quand c’était possible, une bibliographie d’ouvrages dont le lecteur pourra tire profit. Notre intérêt principal est d’affirmer et de défendre, à partir de l’étude des auteurs des premiers siècles, la proposition selon laquelle la tradition chrétienne, dès l’époque apostolique, est, du point de vue théologique, tout à fait iconophile et que les premiers chrétiens se servaient – d’une manière ou d’une autre – de l’imagerie pour exprimer leur foi. Nous n’affirmons pas que les chrétiens du Nouveau Testament et leurs successeurs immédiats ont créé ou commandé des images telles que celles qui se présentent aujourd’hui à nos yeux, bien qu’il existe des traditions à cet effet : celles de saint Luc peintre et d’Abgar, l’image non-faite-de-main-d’homme ainsi que plusieurs autres. Nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer ces histoires ; elles restent des traditions, mais elles appuient néanmoins l’affirmation de l’iconophilie fondamentale du christianisme de la Grande Église. Nous sommes convaincu – une folie personnelle, diront certains – que, quelque part dans le sol de la Grèce, du Moyen-Orient, de l’Égypte ou d’ailleurs, il existe des artefacts qui prouvent que non seulement l’attitude iconophile, mais aussi l’expression visuelle de la foi chrétienne remontent aux apôtres. Les archéologues n’ont qu’à les mettre à jour. Après la découverte au début du XXe siècle des images juives et chrétiennes dans le désert de Doura-Europos, en Syrie actuelle, datées d’avant l’an 250, il serait téméraire de proclamer l’absurdité d’une telle hypothèse. L’intérêt de toute anthologie réside dans le fait que des éléments dispersés çà et là se trouvent réunis dans un volume facile à manier et à étudier. Fournir de nouvelles traductions et les rendre accessibles, telle est la raison qui motive le présent ouvrage. Le travail n’est pas terminé : il reste d’autres textes à publier pour contribuer à illuminer et à affirmer la tradition iconographique chrétienne.

LanguageFrançais
PublisherSteven Bigham
Release dateDec 26, 2015
ISBN9781310216732
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    Les images chrétiennes - Steven Bigham

    Les images chrétiennes sont à la mode. Les livres qui en traitent sont nombreux : études archéologiques, recherches sur l’histoire de l’art, analyses théologiques, confrontation entre différents courants d’opinion, monographies sur un auteur, etc. Des publications sur les icônes ne cessent d’apparaître, notamment des traductions de textes. Il s’agit parfois de nouvelles traductions et parfois de traduction d’écrits restés « emprisonnés » dans leur langue d’origine. On est donc en présence de deux phénomènes : les images elles-mêmes et les écrits qui les concernent. La présente anthologie vise à approfondir la connaissance du second. Les textes qu’elle regroupe vont de l’époque de l’empereur Constantin à la période iconoclaste. Autrement dit, elle se limite aux siècles situés entre Eugène de Laodicée (270-335) et Aréthas, archevêque de Césarée en Cappadoce (850-932). Cette période est d’une importance capitale, non seulement pour l’histoire de l’Église en général, mais aussi pour le développement des images chrétiennes et l’évolution de la réflexion théologique. Cette étude est la continuation d’une autre consacrée aux écrits sur les images tant païennes que chrétiennes, rédigés pendant les trois premiers siècles, soit de l’Église apostolique à Constantin le Grand. Les textes rassemblés incluent plusieurs sortes d’écrits : certains se trouvent déjà dans des revues ou encyclopédies, mais sont difficilement accessibles, tandis que d’autres apparaissent pour la première fois en français. Nous avons voulu non seulement présenter des textes, mais aussi offrir des commentaires, et quand c’était possible, une bibliographie d’ouvrages dont le lecteur pourra tire profit. Notre intérêt principal est d’affirmer et de défendre, à partir de l’étude des auteurs des premiers siècles, la proposition selon laquelle la tradition chrétienne, dès l’époque apostolique, est, du point de vue théologique, tout à fait iconophile et que les premiers chrétiens se servaient – d’une manière ou d’une autre – de l’imagerie pour exprimer leur foi. Nous n’affirmons pas que les chrétiens du Nouveau Testament et leurs successeurs immédiats ont créé ou commandé des images telles que celles qui se présentent aujourd’hui à nos yeux, bien qu’il existe des traditions à cet effet : celles de saint Luc peintre et d’Abgar, l’image non-faite-de-main-d’homme ainsi que plusieurs autres. Nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer ces histoires ; elles restent des traditions, mais elles appuient néanmoins l’affirmation de l’iconophilie fondamentale du christianisme de la Grande Église. Nous sommes convaincu – une folie personnelle, diront certains – que, quelque part dans le sol de la Grèce, du Moyen-Orient, de l’Égypte ou d’ailleurs, il existe des artefacts qui prouvent que non seulement l’attitude iconophile, mais aussi l’expression visuelle de la foi chrétienne remontent aux apôtres. Les archéologues n’ont qu’à les mettre à jour. Après la découverte au début du XXe siècle des images juives et chrétiennes dans le désert de Doura-Europos, en Syrie actuelle, datées d’avant l’an 250, il serait téméraire de proclamer l’absurdité d’une telle hypothèse. L’intérêt de toute anthologie réside dans le fait que des éléments dispersés çà et là se trouvent réunis dans un volume facile à manier et à étudier. Fournir de nouvelles traductions et les rendre accessibles, telle est la raison qui motive le présent ouvrage. Le travail n’est pas terminé : il reste d’autres textes à publier pour contribuer à illuminer et à affirmer la tradition iconographique chrétienne.

    1

    EUGENE DE LAODICEE

    Épitaphe¹

    (270-335)

    Eugène de Laodicée, évêque, a laissé cette épitaphe.

    [Moi] Marc-Jules-Eugène, fils de Cyrille Celer de Couessos, sénateur, j’ai servi avec mérite dans l’administration du gouverneur de Pisidie et j’ai épousé la fille de Gaïus Nestorianus, sénateur, Flavia Juliana Flaviana. Entre-temps, un ordre est venu de Maximin [Daïa, 309] [commandant] aux chrétiens de sacrifier et de ne pas se retirer du service. [Pendant cette persécution], j’ai souffert nombre de tortures sous Diogène le gouverneur, mais j’ai obtenu de me retirer du service en gardant la foi des chrétiens. [Ensuite] j’ai passé quelque temps dans la ville des Laodicéens où, par la volonté du Dieu tout-puissant, j’ai été fait évêque et pendant vingt-cinq années pleines j’ai exercé l’épiscopat avec grand mérite. J’ai [aussi] rebâti toute l’église de fond en comble, avec tout ce qui l’orne à l’entour : les portiques, les quadruples portiques, les peintures, les mosaïques, la fontaine, le porche et tous les travaux de tailleurs de pierres. En un mot, ayant tout édifié, sur le point de quitter la vie humaine, j’ai fait pour moi une clôture et un sarcophage, sur lequel j’ai fait écrire tout ce qui précède [pour mon tombeau] et [pour celui] de l’élite de ma famille.

    Ayant été évêque pendant 25 ans, mort en 335, Eugène a commencé son épiscopat en 310. Puisqu’il dit avoir « rebâti [...] avec tout ce qui l’orne à l’entour... », il n’est pas impossible que des « peintures et mosaïques » aient existé dans, ou autour de, l’église à Laodicée avant cette date. Le texte témoigne de l’existence d’images associées à une église au moins en l’an 335 et très probablement avant cette date. Que représentaient ces images ? Il est malheureusement impossible de le savoir.

    ---

    1. La traduction est de Pierre Batiffol ; voir la bibliographie. Nous avons fait certains changements de clarification. Sauf où il y a une indication d’un autre traducteur, les traductions françaises présentées ici sont de l’éditeur qui a comparé les siennes à d'autres traductions existantes.

    2

    ATHANASE D’ALEXANDRIE

    Discours contre les ariens III, 5¹

    (295-373)

    On pourra comprendre cela² plus facilement en se servant de l’image de l’empereur, car dans l’image se trouvent les traits physiques et la forme de l’empereur et dans l’empereur se trouvent les traits physiques qui sont dans l’image. Car la ressemblance de l’empereur dans l’image est tout à fait semblable [à la sienne] de sorte que celui qui regarde l’image voit l’empereur en elle et encore celui qui voit l’empereur reconnaît que celui-ci est l’homme vu dans l’image. Puisque rien n’a changé la ressemblance [entre l’empereur et son image], l’image pourrait dire ceci à celui qui veut voir l’empereur et qui a déjà vu l’image : « Moi et l’empereur sommes un, car je suis dans l’empereur et l’empereur est en moi. Ce que tu vois en moi, tu le vois dans l’empereur et ce que tu vois en lui, tu le vois en moi. » Donc, celui qui se prosterne devant l’image de l’empereur se prosterne aussi devant l’empereur, car l’image est sa forme et porte ses traits physiques.

    Puisque le Fils est certes l’image du Père, il faut nécessairement comprendre que l’être du Fils est la divinité du Père, celle qui appartient en propre au Père. C’est le sens même des textes : « Celui qui est dans la forme de Dieu... » (Ph 2, 6) et « Le Père est en moi » (Jn 14, 10).

    Bien que ce texte ne traite pas directement de l’image chrétienne, il n’est pas difficile de comprendre que la notion de la relation entre l’empereur et son image sera aisément utilisée pour décrire la relation entre le Christ et son image.

    ---

    1. La traduction française est basée sur le texte grec dans PG 26, 2 ; voir aussi Les Trois Discours contre les ariens, p. 235.

    2. « Cela » : la relation entre le Père et le Fils.

    3

    ASTERIUS D’AMASEE

    Sermons 1 et 11

    (378/395-400/431)

    3.1 Sermon 1¹ : De l’abus des richesses : sur la parabole du mauvais riche et de Lazare (Luc 16, 19)

    Il y en a d’autres [chrétiens] qui, suivant leur disposition, aiment passionnément une semblable vanité. Mais plutôt ils pratiquent encore plus de vices ; ils n’ont pas fixé les limites de leurs propres inventions sottes à ce qui a déjà été dit. Ils ont trouvé quelque technique de tissage vide et excessive laquelle, en tressant la chaîne à la trame, imite la peinture et reproduit sur les vêtements les formes de tous les animaux. Ils commandent des vêtements pour eux-mêmes, pour leur femme, pour leurs enfants, et sur ces vêtements de tissus de couleurs variées sont représentées un grand nombre de figures végétales. Dorénavant ils s’amusent et ne sont pas sérieux. Par excès de richesse, ils font un mauvais usage de leurs ressources, ne s’en servant pas [intelligemment]. Ils contredisent Paul et luttent contre les voix porteuses de l’Esprit de Dieu. Ils ne le font pas par leurs paroles, mais par leurs actes. Ce que Paul a interdit par la parole, ceux-ci l’ordonnent et l’imposent par les actes. Lorsqu’ils se promènent en ville habillés de ces vêtements, les gens qu’ils rencontrent croient qu’ils sont des murs peints. Et là, les enfants se tiennent autour d’eux, ils rient entre eux et pointent du doigt les images sur les vêtements. Les riches marchent et les enfants les accompagnent pour une longue distance, ces derniers ne voulant pas se séparer d’eux. Là [sur les vêtements], il y avait des lions, des panthères, des ours, des taureaux, des chiens, des arbres, des rochers, des chasseurs, et tout ce que l’art de la peinture [peut faire], imitant la nature. Car il était nécessaire, comme il semble, de décorer non seulement leurs murs, mais aussi leur maison, et maintenant aussi leurs tuniques et leurs manteaux.

    Mais les riches les plus pieux lisent l’évangile et ont transmis l’histoire aux tisserands [pour être représentée]. Je veux dire notre Christ lui-même avec tous les disciples, chacun de ses miracles comme dans la narration évangélique. On voit les noces en Galilée et les jarres qui contiennent l’eau, le paralytique portant son lit sur les épaules, l’aveugle guéri par de la boue, l’hémorroïsse touchant la frange, la pécheresse prosternée aux pieds de Jésus, Lazare ressuscité sortant du tombeau. Et ceux qui font ces choses pensent agir pieusement et plaire à Dieu en s’habillant de ces vêtements. Mais s’ils suivent mon conseil, ils vendront ces choses et ils honoreront les images vivantes de Dieu. Ne peins pas le Christ ─ car il est suffisant qu’il se soit humilié une fois dans l’incarnation qu’il a volontairement acceptée pour nous ─ mais t’exaltant spirituellement, porte le Logos incorporel dans ton âme. N’aie pas le paralytique peint sur les vêtements, mais va chercher le malade couché [quelque part]. Ne raconte pas continuellement l’histoire de l’hémorroïsse, mais aie pitié de la veuve souffrante. Ne regarde pas attentivement la femme pécheresse tombée aux pieds du Seigneur, mais aie le cœur brisé et verse beaucoup de larmes à cause de tes fautes. Ne dessine pas Lazare ressuscité des morts, mais prépare la bonne confession de ta résurrection. Ne porte pas l’aveugle sur tes vêtements, mais console l’aveugle vivant par ta bienfaisance. Ne peins pas les paniers qui contiennent les morceaux de pain, mais nourris ceux qui sont dans le besoin. Ne porte pas les jarres sur les vêtements, lesquelles le Seigneur a remplies de vin aux noces de Cana en Galilée, mais donne de l’eau à celui qui a soif.

    Nous avons ici un abus de l’art figuratif. C’est un abus aussi bien pour ceux qui représentent des motifs profanes que pour les riches chrétiens « les plus pieux » qui ont des images chrétiennes tissées sur leurs vêtements. (Voir la mosaïque de l’impératrice Théodora à Ravenne. Les trois Mages sont représentés sur la frange de son manteau.) Astérius fustige tous les fortunés du fait qu’ils étalent si honteusement leurs richesses devant les pauvres. Pour les chrétiens, il propose plutôt d’avoir le Christ dans leur cœur ─ il s’agit de la théorie classique de l’image éthique qu’on oppose abusivement à la peinture d’images ─ ou d’agir pour aider les nécessiteux. Heureusement que nous avons un autre texte d’Astérius, le suivant, qui montre qu’il n’avait pas d’attitude critique envers les images chrétiennes elles-mêmes, mais seulement envers leur abus.

    3.2 Sermon 11² : Sur le martyre de sainte Euphémie

    Sortant de la maison et marchant un peu avec des connaissances vers la place publique, là je suis entré dans le temple de Dieu où j’ai prié en tout repos. Comme ensuite, je marchais, j’ai atteint une des promenades couvertes et j’ai vu là une peinture. La vue [de celle-ci] m’a saisi de fond en comble. On dirait que l’œuvre était d’Euphranor³ ou d’un des anciens, ceux qui ont grandement élevé la peinture, en transformant des planches presque en choses vivantes. Mais ici, si on veut ─ car on a maintenant le loisir de la narration ─ je t’expliquerai la peinture, car nous, les enfants des muses, nous n’avons des couleurs qui ne sont nullement inférieures à celles des artistes. [...] Le peintre, lui-même étant un homme pieux, se servant de tout le pouvoir de son art, a peint sur une toile l’histoire [du martyre de sainte Euphémie] et il a attaché sa sainte œuvre autour du tombeau. Voici la description de l’œuvre.

    Un juge s’asseyait sur un trône élevé et il regardait la vierge d’un œil hostile et malveillant, car l’art, lorsqu’il le veut, peut imprégner la matière sans vie de la ressemblance de la colère. Il y avait des gardes du magistrat et beaucoup de soldats, les scribes portant tablette et stylo, l’un d’entre eux levant la main regarde vers l’accusée avec véhémence se détournant complètement le visage [de sa tablette] comme s’il lui ordonnait de parler plus clairement afin que, s’efforçant d’écouter, il n’écrive pas ce qui est faux et répréhensible.

    La vierge était debout et portait une tunique grise et un manteau, signifiant ainsi [qu’elle est adepte de] la philosophie. Le peintre l’a jugée belle au regard, mais il me semble qu’elle était parée de vertus. Deux soldats l’amenaient vers le juge, l’un la tirait, l’autre la poussait. L’apparence de la vierge était bien tempérée par sa modestie et sa fermeté, car, d’une part, elle baissait la tête vers la terre comme rougissant à la vue des yeux des hommes, mais d’autre part, elle se tenait impassible et ne craignait rien, face à la lutte [à venir].

    Le visage montre à la fois de la pitié et de la colère, ce que j’avais admiré jusqu’alors [dans l’œuvre des] autres peintres en voyant le drame de cette dame de Colchide⁴, celle qui est sur le point de tuer ses enfants, elle divise le visage en pitié et en colère. L’un des yeux montre la colère, mais l’autre révèle la mère ménageant [ses enfants] et frémissant. Mais maintenant, j’ai transféré mon admiration de cette peinture-là à cette peinture-ci. J’admire l’artiste parce qu’il a mieux mélangé l’éclat des couleurs en combinant en même temps la modestie et le courage, deux attitudes qui sont contradictoires, selon la nature.

    La représentation continue : Quelques bourreaux nus en tunique courte ont commencé leur travail. D’une part, l’un d’eux saisit la tête [d’Euphémie] et l’incline en arrière présentant à l’autre le visage de la vierge prête à être torturée. D’autre part, un autre, se tenant à côté, lui arrache les dents de perle. Un marteau et une chignole étaient les instruments de torture. Maintenant je pleure et une émotion intense arrête mon discours, car l’artiste a ainsi teint si clairement les gouttes de sang de sorte que tu dirais en vérité que comme des larmes, elles coulaient de ses lèvres.

    Après tout cela, c’était la prison et de nouveau la vénérable vierge est assise seule dans ses vêtements gris, levant les mains vers le ciel et faisant appel à Dieu qui secourt ceux qui se trouvent dans les terreurs. Et au-dessus de la tête de celle qui priait est apparu le signe devant lequel la loi des chrétiens [les incite à] se prosterner⁵ et dont ils se signent⁶, un symbole, je crois, de la souffrance qui l’attendait. Là, un peu plus loin, après un peu de temps, le peintre a allumé un grand feu et, en se servant çà et là de la couleur rouge, il a donné corps aux flammes par des couleurs saisissantes. Il l’a placée au milieu des flammes, les mains étendues vers le ciel, aucun tourment n’apparaissant sur le visage. Au contraire, elle se réjouissait de partir pour la vie incorporelle et vénérable.

    Ici, le peintre a arrêté [la peinture] et moi mon discours. Il est temps pour toi, si tu veux, de comparer la peinture elle-même [avec ma description] pour pouvoir juger avec toute exactitude si nous ne sommes pas arrivé grandement en dessous [du mérite de la peinture] par notre explication.

    L’image du martyre de sainte Euphémie se trouvait probablement dans une chapelle attachée ou non à une église près du tombeau. C’est un témoignage de l’association étroite entre les reliques des saints et leur image. Notons que cette image n’est pas une image dans le sens d’un portrait, mais une illustration de son martyre. On ne sait pas s’il y avait une telle image près du tombeau ; si oui, Astérius n’en parle pas.

    Astérius croit que les peintres et les rhéteurs ont tous les deux la capacité de raconter dignement une sainte histoire. Il appelle le peintre « pieux » et son image « sainte œuvre », habillant déjà l’artiste et l’œuvre d’une aurore encore plus élevée que celle des artistes et des œuvres de l’Antiquité lesquels étaient déjà très estimés.

    L’évêque d’Amasée témoigne ─ c’est à cet égard le premier témoignage que nous connaissions ─ du fait que, autour de l’an 400, les chrétiens se prosternaient devant la croix et s’en signaient. À la fin de sa torture, sainte Euphémie n’était pas représentée en souffrance, douleurs, agonie, mais plutôt emplie de joie. C’est au moins une annonce des images à venir qui montrent les personnes déjà baignées dans la lumière du Royaume de Dieu.

    La dernière phrase du texte semble donner un petit avantage à la peinture sur la parole pour représenter la noblesse du martyre. De toute façon, ce sont les fidèles qui vont en juger.

    ---

    1. La traduction française a été faite à partir du texte grec dans PG 40, 167-168 et comparée à celle de C. Datema, Asterius of Amasea : Homilies I-XIV, Leiden, E. J. Brill, 1970, pp. 7-9.

    2. Ibid., PG 40, 336-337 et pp. 153-155.

    3. Un célèbre peintre et sculpteur à Athènes, 350-200 av. J.-C.

    4. Wikipédia, « Médée », dans la mythologie grecque : « Jason et Médée [mariés] sont bannis d’Iolcos par Acaste, fils de Pélias ; ils se réfugient alors à Corinthe, où ils sont accueillis par le roi Créon. Mais Jason tombe amoureux de la fille du roi, Créüse, et il se marie avec elle, répudiant Médée. Celle-ci se venge en tuant sa rivale en lui offrant une robe magique qui la brûle ainsi que son père, puis incendie le château. Elle tue ensuite de ses mains les enfants qu’elle avait eus avec Jason (Phérès et Merméros). De désespoir, Jason se donne la mort. »

    5.  ... le signe que la loi des chrétiens les incite à vénérer.

    6. D’autres traductions possibles : « [...] qu’ils réclament pour eux-mêmes... » ; « ...qu’ils prennent sur eux-mêmes ».

    4

    BASILE LE GRAND

    (330-379)

    Traité sur le Saint-Esprit XVIII, 45¹

    S’il est vrai qu’il y a un et un [le Père et le Fils], comment se fait-il donc qu’il n’y ait pas deux Dieux ? On appelle empereur aussi l’image de l’empereur, mais il n’y a pas deux empereurs. Car la puissance et gloire impériales ne sont pas divisées ni partagées. Comme le pouvoir et autorité qui règnent sur nous sont un, ainsi la glorification que nous offrons à Dieu est une et non multiple parce que l’honneur rendu à l’image remonte au prototype. Donc ce qu’est l’image [exécutée par l’homme], dans un cas, par imitation, le Fils l’est, dans l’autre cas, par nature. En ce qui concerne les objets d’art, la ressemblance [avec la personne ou la chose peintes] se fonde sur la forme, ainsi en ce qui concerne la nature divine, non composée et simple, l’unité de la divinité se fonde sur le fait que la divinité est commune [au Père, au Fils et au Saint-Esprit].

    « Sermon XVII : Panégyrique des quarante martyrs²  »

    [...] Je vous en rappellerai la mémoire et je vous représenterai leurs faits en raccourci comme dans un tableau pour votre utilité. Les peintres et les orateurs savent mettre au jour par le pinceau et par l’éloquence les actions mémorables des grands hommes pour animer les autres à les imiter ; la peinture fait à peu près le même effet que l’histoire et la parole ; en exposant à vos yeux les actions éclatantes des martyrs, j’encouragerai à suivre leurs traces ceux qui leur ressemblent en quelque façon par le courage.

    « Lettre II : À son ami, Grégoire³ »

    [...] Dans tous les cas, de même que les peintres, quand ils peignent une image d’après une autre image, jettent fréquemment les yeux sur le modèle et s’efforcent d’en faire passer les traits dans leur propre ouvrage ; de même l’homme qui s’applique à se rendre parfait dans toutes les parties de la vertu doit jeter les yeux sur la vie des saints comme sur des statues qui se meuvent et qui agissent, et par l’imitation faire sien le bien qui était leur.

    L’art de la peinture faisait partie de l’univers de saint Basile parce qu’il s’en sert pour faire des comparaisons. Cela suppose que lui et ceux à qui il parlait comprenaient les allusions et n’y trouvaient aucun conflit avec leur foi. Saint Basile fait des allusions à l’art en passant ; la peinture en elle-même, chrétienne ou païenne, n’était pas l’objet de sa pensée.

    Dans Le traité sur le Saint-Esprit, saint Basile évoque l’image de l’empereur⁴, et reconnaît le fondement théologique de la relation entre l’image artificielle (une peinture ou une mosaïque, d’un côté) et son prototype (la vraie personne représentée, de l’autre). On donne le même nom aux deux réalités et on imagine l’existence d’un fil invisible reliant la vraie personne à son image. Par ce dernier, l’honneur ou le mépris rendu à une image artificielle tombe sur la personne représentée. Par exemple, une ville qui accueille ou profane l’image impériale est traitée suivant qu’elle a honoré ou insulté l’empereur lui-même. Cette compréhension de la relation entre l’image et son prototype est facilement appliquée au Roi du ciel et à son image, c’est-à-dire au Christ et à son image. Bien que ce texte ne concerne pas directement les images chrétiennes, l’Histoire montre que les iconodoules n’ont pas manqué de voir dans ce texte le fondement théorique de la vénération des images chrétiennes. Compte tenu de l’autorité énorme dont jouit saint Basile parmi tous les chrétiens, il n’est pas étonnant que les iconoclastes et les iconodoules aient toujours tenu compte de la théologie de l’image exprimée ici.

    Dans le « Sermon XVII : Panégyrique des quarante martyrs », saint Basile attire l’attention de ses auditeurs sur la complémentarité entre le verbe et l’image : les chrétiens apprennent des gestes valeureux des martyrs à partir de formes visuelles ou de paroles. Dans ce sermon, il souligne un principe traditionnel de la théologie de l’image chrétienne : ce que les Écritures présentent en paroles, l’image le présente en formes et en couleurs. Son but encore est d’encourager les chrétiens à imiter le courage des martyrs. Est-il possible que saint Basile ait eu une image des 40 martyrs devant lui dans l’église où il a fait ce sermon ? Son texte n’appuie pas une telle conclusion, mais la première phrase laisse croire qu’il n’aurait pas été étonné, et encore moins scandalisé, si un artiste chrétien avait fait une image de leur exploit. De telles représentations anciennes ne manquent pas, bien qu’elles soient postérieures au IVe siècle.

    Dans la lettre à son ami, Grégoire, saint Basile invite Grégoire à comparer le développement de la vertu dans un chrétien à la production d’une image peinte. Son point est ceci : les chrétiens devraient imiter les saints.

    le peintre | le chrétien

    le modèle à peindre | le saint à imiter

    le peintre regarde le modèle afin de le copier | le chrétien étudie les vies des saints pour les imiter

    une nouvelle copie | un chrétien vertueux apparaît

    ---

    1. PG 32, 151 ; voir aussi Maignan, Traité sur le Saint-Esprit 45, p. 103.

    2.  Les sermons de saint Basile le Grand et de saint Astère, évêque d’Amasée, p. 236. Pour le sermon attribué à saint Basile, « Sermon XV (XVII) : Panégyrique de saint Barlaam Martyr », mais plus probablement de saint Jean Chrysostome, voir Annexe 1.

    3. Lettres, t. I, (II, 3), Y. Courtonne (trad.), Paris, Société d’Édition « Les Belles Lettres », 1957, p. 9.

    4. Voir plus haut Athanase d’Alexandrie et son attitude envers l’image de l’empereur.

    5

    GREGOIRE DE NYSSE

    (335-394)

    4.2.1 Éloge de saint Théodore¹

    Les autres corps morts répugnent à beaucoup et personne ne passe à côté d’un tombeau avec plaisir, mais si, par hasard et contrairement à toutes attentes, on tombe sur un tombeau ouvert et qu’on voit les choses informes qui s’y trouvent, on est rempli de dégoût et l’on pousse de lourds gémissements sur le sort de l’humanité, passant vite outre. Par contre, si quelqu’un entre dans un endroit semblable à celui-ci où se trouve notre assemblée aujourd’hui ─ où l’on préserve la mémoire du juste et ses saints restes ─ il est transporté par la magnificence de tout ce qu’il voit. Il voit la maison dont la grandeur, la splendeur éclatante et par la beauté de sa parure font un Temple de Dieu, brillamment ouvragé, avec art. [Il voit comment] le menuisier a sculpté le bois en forme d’animaux, comment le tailleur de pierre a poli les dalles lisses comme l’argent, comment le peintre a peint par la fleur de son art les images qui illustrent les vertus du martyr, sa force de résistance, ses souffrances, les formes sauvages des bourreaux, les insultes, ce four chauffé à blanc, la très bienheureuse fin de l’athlète et le Christ en forme humaine qui préside le tout. L’artiste a exécuté les images pour nous, comme dans un livre qui parle à travers des couleurs expliquant en détail et clairement les luttes du martyr. Il a illuminé le temple par une richesse de couleurs et de lumière, car même l’image silencieuse au mur sait parler et être très utile. Celui qui place les petites pierres de mosaïques fait du plancher où on marche un lieu digne d’une narration. Et celui qui est agréablement frappé aux yeux par les images sensibles, il désire maintenant être près du tombeau et le toucher, croyant être sanctifié et béni par le toucher.

    4.2.2. Discours sur la divinité du Fils et de l’Esprit²

    Et ensuite, le père [Abraham] attache son fils [Isaac]. Et Isaac ne résiste pas à ce qui va se passer. Il se donne à son père laissant ce dernier faire ce qu’il veut. Qui des deux vais-je admirer plus ? Celui qui met ses mains sur l’enfant à cause de son amour pour Dieu ? Ou celui qui obéit à son père jusqu’à la mort ? Les deux se rivalisent l’un avec l’autre : l’un s’élevant au-dessus de la nature ; l’autre pensant que c’est plus pénible de résister à son père que de mourir. Mais là d’abord, Abraham lie Isaac avec des cordes. J’ai souvent vu l’image de cette scène pénible sur un tableau et je ne pouvais pas passer devant elle sans pleurer, l’art mettant l’histoire clairement sous les yeux. Isaac est par terre aux pieds de son père, près de l’autel, il s’accroupit à genoux, les mains liées derrière lui. Abraham se tient derrière Isaac à genoux, et par la main gauche Abraham lui tire les cheveux en arrière vers lui-même, se penchant sur son visage. Et regardant l’enfant avec compassion, il dirige la main droite, armée d’un poignard, pour égorger Isaac, la pointe du poignard lui touchant déjà la gorge. Et c’est alors qu’une voix divine s’est fait entendre disant à Abraham d’arrêter sa main.

    4.2.3« Lettre 25, 14 » : À Amphiloque³

    Et l’entrée est exécutée en pierres blanches pour former une parure convenable et placés au-dessus de ces pierres, [on voit] des bois de porte travaillés avec art [où sont représentées] quelques images, selon la coutume, au long des moulures de corniche. Et quant à tous les matériaux de construction, il est évident que c’est à nous de les fournir, mais c’est l’art qui donnera la forme à la matière. Outre cela, il y a une galerie qui encercle [l’édifice] où se trouvent quarante colonnes ─ pas moins ─ et elles sont bien l’œuvre d’un tailleur de pierre.

    D’abord, l’« Éloge de saint Théodore » nous place dans un martyrium où nous savons, selon le témoignage d’autres auteurs⁴ qu’il est habituel de voir le martyr représenté en image. Ce texte nous montre qu’en 381, la date à laquelle saint Grégoire a prononcé l’éloge, quatre types d’images se trouvaient dans cette église :

    1) « représentations animales » sculptées en bois ;

    2) une image peinte d’une scène historique, soit le martyre de saint Théodore ;

    3) dans cette même image peinte, une représentation directe du Christ ;

    4) des mosaïques au sol dont le contenu n’est pas précisé.

    Peut-être s’agit-il d’une autre représentation du martyre : « celui qui assemble les mosaïques a fait du sol que l’on foule l’équivalent d’un récit ». Saint Grégoire compare les images et l’histoire qu’elles racontent à un livre. Ainsi il évoque un lieu commun de l’iconologie chrétienne : la parole et l’image sont complémentaires. Il est impossible de ne pas sentir le plaisir qu’éprouve saint Grégoire en décrivant ces images. Il ne manifeste pas non plus d’hésitation concernant une image directe du Christ. Quelles que soient les raisons invoquées par les spécialistes qui contestent l’authenticité du sermon de saint Basile sur le martyr Barlaam (voir Annexe 1), il est difficile d’accepter un argument qui prétend que saint Basile n’aurait pas pu inviter les peintres à représenter le martyre de Barlaam qui inclut une image directe du Christ. Les deux textes sont parallèles sur ce point.

    Dans le « Discours sur la divinité du Fils et de l’Esprit », saint Grégoire témoigne de l’existence d’une image du sacrifice d’Isaac ainsi que de l’émotion que cette scène évoquait en lui. Cette image n’était apparemment pas rare à l’époque parce que saint Grégoire dit qu’il a « souvent vu cette passion représentée en dessin...»

    « Lettre 25, 14 » : À Amphiloque : Saint Grégoire fait allusion à des « représentations habituelles » dans une chapelle commémorative. Il ne précise pas ce qui est représenté. Compte tenu des deux autres textes, Saint Théodore et Divinité du Père et du Fils, il n’est pas impossible, et finalement très probable, si les spécialistes ont raison, que les images montrent les 40 martyrs de Sébaste. Le mot habituelles est intéressant parce que, quel que soit le contenu des images, celles-ci n’étaient pas une nouveauté.

    ---

    1. PG 46, col. 737-740. Voir aussi Gunterus Heil et al. (dir.), Gregorii Nysseni Sermones II, Leiden, E. J. Brill, 1990 et Daniele Menozzi, Les images : l’Église et les arts visuels, Paris, Éditions du Cerf, 1991, p. 74-75. Le sermon fut prononcé le 7 février 381 dans le martyrium du saint à Euchaïta.

    2. PG 46, col. 572. Voir aussi Menozzi, p. 75. Homélie fut prononcée au concile de Constantinople en mai 383.

    3. La traduction française a été faite à partir du texte grec trouvé dans Georgius Pasquali (dir.), Gregorii Nysseni Epistulae, Leiden, E. J. Brill, 1959, p. 82. Voir aussi Lettres, P. Maraval (trad.), Paris, Éditions du Cerf, coll. Sources Chrétiennes, no 363, p. 288. Saint Grégoire décrit, pour l’évêque Amphiloque, un martyrium qu’il est en train de construire, mais qui n’est pas encore achevé. À cause de la précision de « quarante » colonnes, certains spécialistes pensent que le martyrium commémorait les quarante martyrs de Sébaste. Voir Lettres, note 2, p. 298.

    4. Voir plus loin le chapitre sur « Prudence ».

    6

    GREGOIRE DE NAZIANZE

    (330-390)

    4.3.1 Discours XVIII, 19, « Sur la mort de son père¹ »

    Et puisqu’il est nécessaire de laisser un monument à la vie de cette grande âme, qu’est plus appropriée que cette église que mon père a élevée pour Dieu et pour nous ? Des offrandes du peuple, il en a utilisé très peu, mais il a contribué de ses propres richesses considérables. C’est une œuvre qui ne devrait pas être oubliée, car en grandeur elle est supérieure à beaucoup et en beauté, elle est au-dessus d’à peu près tout autre édifice. Elle a huit murs intérieurs égaux en largeur [formant un octogone] et par la beauté des colonnes et des galeries qui s’élèvent au deuxième étage et sur chaque colonne [on voit] une statue lesquelles ne laissent à désirer quant à leur conformité à la nature. Dans le dôme en haut illuminé par beaucoup de fenêtres, les yeux de tous sont remplis de lumière de tout côté. C’est en vérité un temple de lumière. Elle est aussi entourée de déambulatoires faits à angles égaux et à partir de matériau de lumière. Au centre, il y a une grande place et grâce à l’éclat des portes et des vestibules elle reçoit avec joie tous ceux qui d’une grande distance marchent vers elle.

    4.3.2 Discours 4, 81 : Contre Julien²

    C’est une coutume monarchique qui est strictement observée parmi les Romains, mais je ne sais pas si c’est de rigueur parmi les autres peuples qui sont gouvernés par un roi : les empereurs se font honorer dans leurs images officielles. Pour rendre leur régime solide, il n’est pas suffisant aux empereurs [d’être honorés] par les couronnes, par les diadèmes, par l’éclat des robes de pourpre, par le nombre de soldats armés d’une lance et par les foules de sujets, mais il est nécessaire aussi de se prosterner devant eux par lequel geste ils semblent être encore plus augustes, mais [même là] il n’est pas suffisant que les sujets se prosternent devant eux, ils doivent se prosterner devant eux en image modelée en couleurs afin que l’honneur qui leur est accordé soit comblé et parfait. Certains empereurs aiment faire représenter sur leurs images une chose, certains autres une autre chose : les uns font peindre les villes les plus éminentes en train de leur apporter des cadeaux ; les autres, les victoires [en allégorie] en train de les couronner ; encore d’autres, des autorités en train de se prosterner devant eux qui leur octroient les signes de leur charge ; encore d’autres, des images de chasseurs et de tireurs à l’arc, tous habiles ; ou d’autres, des images variées des barbares vaincus et jetés à leurs pieds ou tués. Car ils n’aiment non seulement [participer] aux véritables activités sur lesquelles ils fondent leur orgueil, mais aussi [ils aiment se faire représenter dans] les images de ces activités.

    L’empereur Julien, qu’est-il en train de concocter ? Quel piège tend-il aux plus solides des chrétiens ? Comme ceux qui mélangent le poison à la nourriture, [il cherche à] mêler l’impiété avec les honneurs traditionnels rendus aux empereurs et confondre les coutumes des Romains avec le prosternement devant les idoles. Et pour cette raison, il fait représenter des démons avec ses images comme si ces dernières étaient quelques autres images coutumières. Il expose ces images devant les peuples, les villes et notamment les autorités établies sur les nations pour qu’absolument personne ne puisse échapper du mal. Ou bien on combine l’honneur des empereurs avec celui rendu aux idoles, ou bien on insulte les empereurs en refusant de se prosterner devant leur image parce qu’ils ont confondu les deux sortes de prosternement. Peu [même] parmi les plus circonspects et les plus prudents ont pu éviter ce piège et cette ruse d’impiété, imaginée avec l’intelligence futée d’un sophiste. Et ceux-là étaient punis à cause de leur conscience ; ils étaient accusés d’avoir outragé l’honneur de l’empereur, mais en vérité ils se sont ouverts à la condamnation de la loi pour le véritable empereur et pour la vraie piété. Par contre, beaucoup parmi les plus naïfs et les plus simples y étaient pris. Peut-être [est-il bon de] accorder le pardon à ceux qui se sont laissé aller dans l’impiété par la ruse de l’ignorance.

    4.3.3 Poème sur la vertu : « Sur Polémon³ »

    Je ne passerai pas sous silence Polémon

    et la merveille des maintes choses racontées à propos de lui.

    Auparavant, par contre, il n’était pas compté parmi ceux qui menaient une vie droite et sobre.

    Il était plutôt un vil serviteur des plaisirs,

    mais il a été saisi par l’amour du bien.

    Ayant trouvé un conseiller, je ne peux pas dire qui,

    si c’était quelqu’un de sage ou lui-même,

    Polémon a été soudainement vu à ce point supérieur à ses souffrances

    que je parlerai d’une de ses merveilles.

    Un certain jeune homme libidineux a invité une amie à entrer

    et lorsqu’elle est entrée dans le vestibule, dit-on,

    près d’elle se trouvait une image de Polémon, sa tête penchée pour la voir.

    En voyant l’image, la femme s’est prise d’une terreur sainte.

    Immédiatement, elle est partie ayant été vaincue par la vue de Polémon.

    Elle avait honte devant son image, comme si cette dernière était vivante.

    Discours 18, 19 : « Sur la mort de son père » : L’église que le père de saint Grégoire a fait construire était ornée de statues surmontant des piliers. Quelles sortes de statues ? Des hommes ? Qui alors ? Des animaux ? Lesquels ? Quelle taille ? L’auteur ne précise pas la nature des statues. Nous ne savons même pas si elles étaient des statues chrétiennes, c’est-à-dire d’un personnage biblique ou d’un saint. Le texte est clair, par contre : elles existaient dans, sur, ou près de l’église.

    Discours 4 : Contre Julien : Ce discours nous permet de constater plusieurs choses très intéressantes.

    1) Les chrétiens rendaient hommage aux statues et aux images peintes de l’empereur en se prosternant devant elles. Ils posaient ce geste sans se soucier le moindrement du deuxième commandement contre le culte idolâtre.

    2) Concernant le geste corporel de se prosterner, saint Grégoire est conscient qu’un seul et même geste peut avoir plusieurs significations : le prosternement devant les images impériales est un des « honneurs réservés par la coutume aux rois » et une des « lois de Rome », mais le prosternement peut se pratiquer aussi « devant les idoles ». Dans le premier cas, suivant le dire de saint Basile selon lequel « l’honneur rendu à l’image remonte au prototype », les chrétiens pouvaient se comporter comme les païens sans aucune crainte d’idolâtrie. Dans le deuxième cas, il était interdit, évidemment, aux chrétiens de se prosterner devant les idoles. La distinction entre les deux sens du même geste corporel est importante parce que les iconoclastes des VIIIe et IXe siècles et les iconophobes considéraient le prosternement lui-même devant une image du Christ ou des saints comme un acte idolâtrique. Pour saint Grégoire, ce n’est pas le mouvement physique, mais l’intention de la personne qui compte.

    3) Julien était très rusé dans son antichristianisme ; il profitait de la coutume générale de vénération par prosternement pour ajouter l’image d’un dieu païen ou des démons. Sans le savoir, les chrétiens seraient coupables de s’être prosternés devant une idole.

    Le Poème sur Polémon, Sur la vertu : Saint Grégoire connaissait évidemment l’existence d’images-portraits et également il avait une attitude positive envers elles. Il n’avait pas peur non plus d’affirmer un lien étroit entre l’image-portrait et la personne représentée, la relation type-prototype : « ...près d’elle se trouvait une image de Polémon, sa tête penchée pour la voir. En voyant l’image, la femme s’est prise d’une terreur sainte. Immédiatement, elle est partie ayant été vaincue par la vue de Polémon. Elle avait honte devant son image, comme si cette dernière était vivante ».

    Et cette relation était suffisamment forte et réelle que la vertu de Polémon s’est exercée à travers son image. La merveille qui s’est opérée était celle de Polémon, pas en personne, mais à travers son image. Il est à noter que l’image se trouvait dans une maison, et l’on peut même supposer qu’elle se trouvait dans la maison des parents absents du jeune homme. C’est un peu difficile d’imaginer l’image d’un saint suspendue dans une maison, taverne, magasin, etc. où il serait naturel pour le jeune homme de penser pouvoir séduire la jeune femme. De toute façon, dans cette histoire, on reconnaît tous les éléments d’une saine pratique et de la piété qui entourent les images des siècles subséquents.

    ---

    1. PG 35, 1038. Saint Grégoire parle de l’église que son père a fait construire.

    2. PG 35, 705. Voir aussi Discours 4-5 : Contre Julien 4, 80-81, J. Bernardi (trad.), p. 203-207.

    3. Poème, Sur la vertu, versets 793-807, PG 37, 737-738.

    7

    JEAN CHRYSOSTOME

    (Vers 350-407)

    7.1 La vie de saint Jean Chrysostome¹ de Georges d’Alexandrie

    Dans La vie de Jean Chrysostome, il est écrit précisément comme ceci :

    Et plus loin, il est écrit :

    L’image du même apôtre Paul en image se trouvait là où Jean se reposait pendant de courtes durées à cause de sa faiblesse physique. Il

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