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L'art roman et l'icône: Le dernier art occidental à caractère iconique et d'autres études
L'art roman et l'icône: Le dernier art occidental à caractère iconique et d'autres études
L'art roman et l'icône: Le dernier art occidental à caractère iconique et d'autres études
Ebook450 pages5 hours

L'art roman et l'icône: Le dernier art occidental à caractère iconique et d'autres études

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About this ebook

Y a-t-il un lien entre les images romanes du Christ et les icônes orthodoxes ? Les études sur l'art roman, d'un côté, et les icônes, de l'autre, sont légion. Mais où sont les livres qui comparent les deux ? Ils sont peu nombreux s'ils existent. Ce volume contribue modestement à combler cette lacune et l'auteur espère voir paraître d'autres études. Ici est tracé le développement de l'art chrétien pendant le premier millénaire et l'auteur croit déceler les traits classiques que l'Église, en Occident et en Orient, avait développés pour représenter le Christ. Les traditions artistiques de toutes les chrétientés de l'an 1000 avaient en commun un langage pictural illustrant la même image du Christ et la même foi contenues dans les Écritures canoniques. De l'Irlande en Égypte, de l'Espagne en Russie, de la Scandinavie en Afrique du Nord, malgré les différences de styles locaux, tous les chrétiens pouvaient lire et comprendre l'image théologique, l'icône, du Christ. Malheureusement, pendant le deuxième millénaire de l'histoire chrétienne, cette unité de foi et d'image a été perdue. L'avenir nous dira si un jour elle sera rétablie. Dans ce livre, l'auteur propose également la traduction d'un article sur l'image de la Sainte Sagesse du père Georges Florovsky ; une réflexion sur l'icône comme outil pour l'interprétation des textes bibliques et comme signe d'unité ou de division entre les chrétiens ; et finalement, le témoignage d'un œcuméniste un peu fatigué.

LanguageFrançais
PublisherSteven Bigham
Release dateJan 26, 2016
ISBN9781310586132
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    L'art roman et l'icône - Steven Bigham

    L’ART ROMAN ET L’ICONOGRAPHIE

    I

    PARTIE THEORIQUE

    Introduction

    C’est un phénomène curieux : en entrant dans certaines églises romanes et voyant leurs fresques, ceux qui connaissent les images orthodoxes, les icônes, ont souvent une impression de déjà-vu. Ils sentent une odeur connue, mais pas tout à fait. C’est une réaction intuitive, émotive peut-être, certainement instinctive. Elle n’est pas irrationnelle, mais l’expérience n’a pas sa source dans la pensée. Alors, la question se pose : pourquoi a-t-on cette impression ? Quelle en est la source ? Est-il possible d’élever l’intuition au niveau de la pensée rationnelle et de l’expliquer ? Nous croyons que oui, et c’est le but de notre étude.

    Les livres sur l’art roman sont aujourd’hui légion et ceux sur les icônes ne cessent de se multiplier, mais où sont les études qui tentent de faire le pont entre ces deux mondes ? Peut-être existent-elles, mais elles nous sont inconnues. Nous voulons donc essayer de combler ce vide, réel ou supposé, dans le domaine de la recherche sur les images chrétiennes. Notre étude se divise en deux volets : d’abord, le volet théorique, c’est-à-dire la présentation d’une explication de la réaction intuitive, qui perçoit les similitudes et les différences entre l’iconographie canonique orthodoxe et l’art roman ; ensuite, le volet « histoire de l’art », c’est-à-dire la démonstration du bien-fondé de cette théorie grâce au témoignage des monuments artistiques.

    Un nouveau style pour une nouvelle foi

    Dès le début, le christianisme a choisi un style artistique qui ne cherche pas à représenter le monde naturel selon les lois de la perception humaine. L’art chrétien n’est pas pour autant abstrait, puisque les artistes ont bel et bien représenté des personnes et des éléments de notre monde, mais comme à travers un filtre, dans une optique autre que celle du naturalisme. Au lieu de représenter les personnes et les choses vues à la lumière naturelle ou artificielle, les artistes chrétiens les ont représentées dans une lumière qui les illuminait de l’intérieur.

    Les plus anciens exemples de l’art chrétien qui nous sont parvenus, les images des catacombes de Rome et de Doura-Europos, contrastent nettement avec l’art du monde gréco-romain dans lequel les chrétiens s’étaient intégrés après leur début en terre juive. Nous n’avons pas de traité datant de cette époque qui parle ouvertement d’une philosophie d’art chrétienne ou encore d’un choix réfléchi de rejeter les canons de l’art gréco-romain et d’adopter un autre style, mais les œuvres chrétiennes de l’Antiquité montrent clairement qu’une autre vision inspirait alors les artistes chrétiens. Parallèlement à l’élaboration d’un langage artistique spécifiquement chrétien pendant les trois premiers siècles, un mouvement païen cherchait aussi une manière de représenter le monde qui se distinguerait de la vision naturaliste gréco-romaine. Le philosophe païen Plotin a développé une philosophie de l’art qui décourageait la peinture des choses vues naturellement et favorisait les représentations qui les montraient selon la vision intérieure décrite dans sa philosophie néoplatonicienne¹.

    De leur côté, les premiers chrétiens ont commencé à proclamer que le Dieu d’Israël s’était fait homme en Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu, que celui-ci était mort et ressuscité et qu’il avait donné une nouvelle vie aux hommes en fondant un royaume qui n’était pas de ce monde tout en étant dans ce monde. Ceux qui voulaient avoir part à cette nouvelle vie dans le Royaume de Dieu devaient se faire baptiser et entrer dans l’Église. Cette proclamation n’a pas gagné beaucoup d’adeptes parmi les fils d’Israël selon la chair. La rupture avec la mère nourricière n’a pas tardé et, sentant l’universalisme de leur foi, les premiers disciples se sont lancés dans le monde gréco-romain à la pêche des hommes.

    Avant l’an 200, les chrétiens ont donc commencé à proclamer leur foi non seulement en paroles, mais aussi en formes et en couleurs : l’art chrétien était né. Si les monuments de cette époque que nous pouvons voir aujourd’hui sont représentatifs de toute la production, nous constatons que les artistes ont rejeté les canons de l’art gréco-romain (le naturalisme, l’idéalisme, la beauté du corps humain, etc.) pour adopter un style que certains décrivent comme naïf, primitif, ou même maladroit. Reconnaissant qu’ils ne pouvaient pas peindre les personnes de la Bible ou les martyrs selon le style de l’art qui les entourait, ils ont commencé à élaborer un style dont les canons s’alignaient mieux avec leur foi. Cette élaboration a mené peu à peu à ce que nous appelons aujourd’hui l’icône, dont le but est de représenter les personnes et le monde à la lumière de ce Royaume où Dieu rayonne sur tous et tout (Ap 21, 23). Donc, un nouveau style et de nouvelles techniques pour une nouvelle vision de foi.

    « La foi chrétienne est prêchée par la parole et par l’image. » Dans cette petite phrase, nous avons encapsulé le cœur de la relation entre la Tradition sainte, la parole prononcée et écrite et la parole peinte. Quel, ou qui, est l’irréductible de la foi chrétienne ? Évidemment, Jésus de Nazareth en est le centre, mais comment est-il au centre ? Pour être chrétien, il faut reconnaître Jésus comme le messie promis d’Israël. Si l’on refuse, on est juif, musulman, athée, n’importe quoi, mais pas chrétien. En plus, il faut dire Christos Kyrios et non pas Kaisar Kyrios, quelle que soit l’identité du Kaisar. De toute façon, tout ce que les premiers chrétiens ont affirmé au sujet de Jésus est ancré dans sa rencontre avec ses disciples, le cercle intime des douze, dans leur expérience avec lui et dans leur appropriation de ce qu’il a dit et fait. Après l’événement de la résurrection, ces mêmes disciples ont commencé à prêcher, à annoncer le Royaume, à proclamer leur foi dans ce « messie Kyrios » ressuscité. Notons que leur proclamation était à l’origine uniquement orale. Il faudra attendre environ jusqu’à l’an 100 pour que tous les documents du Nouveau Testament soient écrits, et encore davantage pour que toutes les Églises détiennent un manuscrit de certains de ces écrits. Finalement, quelques siècles auront coulé avant que tous les chrétiens ne se mettent d’accord sur les documents à inclure dans les Écritures chrétiennes. C’est toute l’histoire de la fixation du canon du Nouveau Testament. Ainsi, pendant tout ce temps, les chrétiens vivaient et proclamaient la foi chrétienne oralement.

    Voici le point essentiel : l’Église apostolique vivait et prêchait l’Évangile du Christ à partir de la Tradition sainte jaillissant ultimement du Christ lui-même et des apôtres. Au fur et à mesure, les auteurs de ce que nous appelons le Nouveau Testament ont décidé d’écrire des lettres en réponse à des situations locales ou de relater leurs souvenirs de Jésus et des premières années de l’Église. La Tradition vivante a très tôt vu le cœur de son témoignage coulé dans une forme écrite. Après avoir filtré le grand nombre de documents produits pendant les premières décennies, elle a regroupé les textes choisis dans la forme du Nouveau Testament et leur a donné le nom d’Écriture. Ce processus de triage est vu comme une œuvre du Saint-Esprit, bien que le Nouveau Testament ne soit qu’un résumé de la Tradition sainte, de la prédication apostolique. « Il y a encore bien d’autres choses qu’a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu’on en écrirait. » (Jn 21, 25) Donc, la Tradition sainte précédait, a produit, soutenait et enveloppait les Écritures néotestamentaires et elle continuait à exister et à nourrir l’Église au-delà des confins historiques de la communauté primitive. Et bien que le Nouveau Testament, comme collection de témoignages écrits de la prédication apostolique, soit d’une utilité et d’une bénédiction inestimables, il n’y a rien dans la Tradition sainte, ni dans sa forme orale ni dans sa forme écrite, qui commande ou exige la production d’un « Nouveau » Testament ; celui-ci est donc une œuvre de la Tradition elle-même. Les apôtres ont d’abord témoigné de ce que Jésus a fait et a dit, mais très tôt ils ont écrit l’essentiel de leur prédication : les documents du Nouveau Testament.

    Nous prétendons que le même processus a abouti à la création de l’image chrétienne, de la parole en image, bien que plus lentement. Il n’est pas étonnant que la parole orale et écrite, vivant de la sève de l’ancien Israël, ait précédé dans le temps la parole en image. Il s’agit d’un principe qui se répétera tout au long de l’histoire de l’Église : l’image chrétienne, la parole peinte, suit la parole écrite ou pensée. L’évolution de l’art chrétien est toujours en retard sur celle de la pensée. Pourtant, l’image chrétienne n’est pas trop loin derrière. Comme la Tradition sainte de l’Église a produit la parole écrite, de même elle a fait naître l’image. Et cela ne devrait pas nous étonner parce que la doctrine fondamentale du kérygme, l’incarnation², a donné une nouvelle orientation à la foi d’Israël, celle du visible, du fait que la matière peut porter Dieu (theophoros). Les apôtres ont prêché ce qu’ils ont entendu et vu, le fait que le Verbe s’est fait chair. Évidemment, les juifs, et plus tard les musulmans, refusant que le Dieu invisible soit devenu visible, que l’Immatériel se soit uni à la matière, ne pouvaient suivre les chrétiens sur le chemin de la manifestation de ce que les apôtres ont vu. Ils sont restés dans la mentalité de l’ancien Israël et se limitent à l’entendu³.

    Alors, comme les apôtres et les disciples ont répété dans leur prédication ce qu’ils avaient entendu, les premiers chrétiens, à un moment et à un endroit inconnus, ont commencé à montrer ce qu’ils avaient vu.

    La vision de la chrétienté occidentale : l’art chrétien est l’affaire des artistes

    Selon le décret de Vatican II, l’Église catholique romaine énonce le principe qui la guide depuis des siècles :

    L’Église n’a jamais considéré aucun style artistique comme lui appartenant en propre, mais, selon le caractère et les conditions des peuples, et selon les nécessités des divers rites, elle a admis les genres de chaque époque, produisant au cours des siècles un trésor artistique qu’il faut conserver avec tout le soin possible. Que l’art de notre époque et celui de tous les peuples et de toutes les nations aient lui aussi, dans l’Église, liberté de s’exercer, pourvu qu’ils servent [...] avec le respect et l’honneur qui leur sont dus ; si bien qu’il soit à même de joindre sa voix à cet admirable concert de gloire que les plus grands hommes ont chanté en l’honneur de la foi catholique au cours des siècles passés⁴.

    Dans le contexte de l’Occident chrétien, ce texte semble hautement noble, inclusif, ouvert et généreux. Et tant qu’on adhère au principe de base, il mérite tous ces adjectifs, et encore. Quel est ce principe de base si noble ? Déjà dans les Livres carolins, la cour de Charlemagne exprime que « les images [chrétiennes, religieuses] sont le produit de la fantaisie des artistes⁵ ». Peut-être le mot « imagination » serait-il une meilleure traduction ; fantaisie a un sens péjoratif. Quelle que soit la traduction, l’idée est claire : ce sont les artistes qui créent, à partir de leurs idées individuelles, les images religieuses et l’Église juge si l’œuvre est convenable, appropriée, digne d’être placée dans une église. C’est le même principe fondamental qui soutient la citation de Vatican II plus haut. L’Église catholique n’a pas créé d’art spécifique, ne promeut aucun style en particulier, ne favorise les formes, les artistes, les œuvres d’aucune époque, d’aucun pays ou d’aucun langage artistique. Elle se soumet aux changements historiques, en attendant de voir les œuvres pour en choisir les meilleures, susceptibles de servir ses besoins du moment.

    Selon cette compréhension, l’histoire de l’art chrétien est une suite de modes ou de styles changeants, évoluant selon l’esthétique de l’époque et des pays. Elle passe des images des catacombes, à travers les paléochrétiennes, les byzantines, les égyptiennes, les romanes, les gothiques, celles de la Renaissance, baroques, jusqu’à notre époque. Et il est certain que d’autres sortes d’images suivront notre temps, selon les goûts des siècles à venir. Les artistes créent selon leur inspiration et l’Église adopte et adapte ce qui lui semble convenable.

    Image théologique, image « athéologique » ?

    L’interprétation de l’histoire de l’art chrétien que nous venons d’esquisser suppose, toujours selon cette conception occidentale, un principe très important : l’art chrétien et la théologie chrétienne ont très peu à faire l’un avec l’autre. Ce sont deux domaines indépendants. Peindre, créer des images chrétiennes, c’est le domaine des artistes, ceux-ci devant idéalement être chrétiens et vivre la vie évangélique, mais, à la limite, c’est peu ou pas important. Étudier, écrire la théologie chrétienne, c’est le domaine des penseurs chrétiens. Peindre et penser, quel rapport entre les deux ? Ces activités font appel à deux dimensions différentes de la nature composite de l’homme. Appliquer des catégories théologiques à l’art chrétien semble être un non-sens, comme appliquer des catégories morales à la musique : une image hérétique ou un concerto immoral. Une image peut être belle, de mauvais goût, naïve, grotesque, etc. Mais hérétique ou orthodoxe, dans le sens de conforme aux dogmes de la foi ? Un concerto peut être mélodieux, romantique, atonal, etc. Mais immoral ? Selon la conception décrite ci-dessus, l’art chrétien, les images chrétiennes sont « athéologiques », pas contre la théologie, mais simplement sans relation avec la théologie. Les deux se développent à travers l’histoire selon des critères qui leur sont propres.

    Une autre vision

    Cette vision de l’histoire de l’art chrétien est tellement présente et acceptée comme allant de soi qu’il est difficile pour beaucoup d’imaginer qu’il pourrait y avoir une autre explication. Nous croyons cependant qu’il y en a une, chrétienne, qui éclaircit la question spécifique de notre étude : la relation entre l’art roman et l’icône orthodoxe.

    C’est une prémisse fondamentale de cette étude que l’Église catholique⁶ d’Occident et celle d’Orient ont vécu mille ans ensemble et, pendant ce temps, elles ont cherché des mots, des idées, des concepts, des raisonnements pour exprimer la vérité qu’elles vivaient avec leur chef, le Christ. Elles ont exprimé cette foi non seulement dans le langage humain, mais aussi en image. Ainsi, la parole et l’image proclamaient, de manières différentes, la foi orthodoxe⁷. Très tôt, les chrétiens ont commencé à exprimer leur foi en dessins, en images dans le sens large de ce mot. Les plus anciennes figures qui nous sont parvenues ainsi que les plus anciens témoignages littéraires montrent que ces images étaient de plusieurs sortes : des symboles purs (le poisson, l’ancre, l’agneau) ; des symboles anthropomorphiques (le Bon Pasteur, le philosophe, l’orante) ; des personnages de la mythologie gréco-romaine qui pourraient sans difficulté être baptisés et exprimer un aspect de la foi chrétienne (Orphée, Endymion) ; des scènes de l’Ancien Testament (Daniel dans la fosse aux lions, Adam et Ève, Noé, les trois jeunes gens dans la fournaise ardente) ; et des scènes du Nouveau Testament (Lazare, Noël, la Samaritaine). L’Église n’a pas choisi n’importe quelle image ou symbole pour exprimer sa foi, mais seulement ceux qui convenaient à rendre visible le message du salut : à un moment donné de l’histoire, Dieu a agi dans l’histoire pour sauver ses fidèles du danger ou de la mort. Aux premiers pas de l’adoption et de l’adaptation d’images, au début de la création de la tradition de l’art chrétien, les chrétiens ont choisi parmi un vaste trésor d’images, soit de la culture gréco-romaine soit de la Bible, mais l’Église n’a choisi que certaines images ; elle les a sélectionnées selon des critères théologiques, bien que probablement peu ou pas exprimés au niveau de la pensée. Elle les a sélectionnées parmi un énorme réservoir d’écrits (évangiles, lettres dites apostoliques, etc.) des documents qui exprimaient sa foi, en excluant beaucoup, en condamnant d’autres encore. De même, elle a choisi les images capables d’exprimer sa foi.

    Donc, dès la source, dès les premières images chrétiennes, nous avons un lien étroit entre la parole et l’image, lesquelles ne faisaient qu’exprimer le même message du salut. Nous affirmons que ce lien étroit s’est maintenu pendant le premier millénaire et s’est trouvé exprimé avec le plus de clarté au VIIe concile œcuménique de Nicée, 787. Tout au long du développement du langage le moins inadéquat à exprimer la foi dans le Verbe qui s’est fait chair, les images se développaient aussi, suivant les développements de l’expression de la parole, mais en lien étroit. La tradition artistique était, et est, par contre, plus conservatrice, plus lente à évoluer, que la tradition de la parole. La première suivait de quelques décennies, voire des siècles, la seconde, mais à la longue, l’évolution de la théologie de l’image — la production d’images — a rattrapé celle de la théologie de la parole pour refléter en lignes et en couleurs ce que les pères ont proclamé en paroles. Selon nous, pendant le premier millénaire de l’histoire de l’Église, l’art chrétien était un art hautement théologique qui suivait, en retrait dans le temps, l’expression en parole de la foi élaborée par les Pères et les conciles.

    L’aboutissement de l’évolution : un art œcuménique

    Quel est le moteur qui faisait avancer le développement de l’art chrétien ? Selon la conception décrite plus haut, laquelle dit que l’art chrétien est le domaine des artistes et que l’Église n’a pas de « style » spécifiquement à elle, mais les accueille presque tous, le moteur se trouve au niveau des goûts, des esthétiques, des sensibilités changeantes des peuples du monde. Ces derniers, en entrant dans l’Église, ont porté avec eux leurs traditions artistiques et les ont mises au service de l’Évangile. En voulant représenter des personnes ou des événements de la Bible et de l’histoire de l’Église, les artistes se sont librement servis de leurs talents pour produire des images religieuses. Et lorsque les sensibilités esthétiques changeaient au fil des siècles, ils inventaient de nouveaux styles, un processus qui continuera jusqu’à la fin des temps.

    Par contre, selon la conception que nous voulons présenter ici, le moteur qui propulse l’évolution de

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