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Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1)
Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1)
Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1)
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Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1)

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About this ebook

Et s’il existait un royaume sombre, forgé sur de terribles sortilèges, avec à sa tête un roi malveillant dont le seul but est d’infiltrer les rêves des enfants du monde entier ? Et si, avec l’aide d’une sorcière maléfique, il parvenait à injecter dans le sommeil de chaque enfant les cauchemars les plus affreux ? Et si, pour cela, la seule chose dont il avait besoin était un garçon en particulier ?
Lorsque Matt, le frère de Jeff, est capturé et emporté dans le royaume de Drakmere, Jeff sait qu’il doit le sauver. Mais qui sont ces hommes mystérieux qui se dressent en travers de sa route ? Et que veulent-ils dire quand ils affirment que Matt est un attrapeur de rêves ?
Bientôt, Jeff se retrouve face à un choix : il peut suivre les inconnus à travers la porte au clair de lune qui mène vers les dangers de Drakmere ou rester chez lui et courir le risque de ne plus jamais revoir son frère vivant. Le temps presse, car Jeff doit se décider avant que le dernier rayon de lune s’éteigne et que le portail se referme à jamais...

LanguageFrançais
Release dateMar 30, 2016
ISBN9780620697996
Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1)
Author

Bernice Fischer

Best-selling Teen & Young Adult Fantasy Author and 2015 Voice ArtsTM Awards Nominee for "Best Voiceover" children's Audiobook narration for Jeff Madison and the Shimmers of Drakmere (Book 1). http://sovas.org/2015-nominees/Bernice grew up reading all sorts of books and believes that the best stories happen in books as they so rarely happen in real life, for they allow you to enter a world of fantasy and imagination needed to survive the reality of today.Bernice likes to laugh, and hopes that her readers enjoy a good breeze of humor, for her books are written with an impish, yet barely-suppressed humor that peeks out at odd moments.Finding voices for her book's characters is one of the most inspiring events Bernice experiences as a writer. She believes that the magic of dialogue can sweep readers away from their everyday lives, transporting them through time and space to a kingdom she has created.The talented voice actor, Matt Wolfe, narrator of her 2015 Voice Arts Awards nominated audiobook, has given each character a different voice, thereby creating a movie in the listener's head.Bernice's descriptive writing style, compelling dialogue and riveting action make this book "a page turner" "a must read" for fans of young adult fantasy, adults and children alike!To learn more about her books go to: http://BerniceFischer.com

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    Jeff Madison et les ombres de Drakmere (Tome 1) - Bernice Fischer

    Table des matières

    Copyright

    Dédicace

    Remerciements

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 12

    Chapitre 13

    Chapitre 14

    Chapitre 15

    Chapitre 16

    Chapitre 17

    Chapitre 18

    Chapitre 19

    Chapitre 20

    Chapitre 21

    Chapitre 22

    Chapitre 23

    Chapitre 24

    Chapitre 25

    Chapitre 26

    Chapitre 27

    Chapitre 28

    Chapitre 29

    Chapitre 30

    Chapitre 31

    Chapitre 32

    Chapitre 33

    Chapitre 34

    Chapitre 35

    Chapitre 36

    Chapitre 37

    Chapitre 38

    Chapitre 39

    Chapitre 40

    Chapitre 41

    Chapitre 42

    Chapitre 43

    Chapitre 44

    Chapitre 45

    Chapitre 46

    Chapitre 47

    Chapitre 48

    Chapitre 49

    Chapitre 50

    Jeff Madison

    Titre original: Jeff Madison and the Shimmers of Drakwood

    Traduction: Laure Valentin

    Première édition 2014

    Jeff Madison et las ombres de Drakmere

    ISBN 978-0-620-69799-6

    Copyright © 2014 Bernice Fischer

    BerniceFischer.com

    Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée dans un système d’extraction d’informations, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans la permission écrite préalable de l’auteur.

    Édité par James Thayer et Maya Fowler-Sutherland

    Illustration de couverture par Darko Tomic – paganus

    LIMITATION DE RESPONSABILITÉ

    Tous les noms et les personnages figurant dans cette œuvre sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, ne serait que pure coïncidence.

    À chacun d’entre vous.

    Retrouvez-moi près du grand arbre

    aux portes du pays des rêves.

    L’aventure vous attend !

    Merci à…

    Darko Tomic – paganus pour cette merveilleuse couverture, James Thayer et Maya Fowler-Sutherland d’avoir donné vie à mes mots et les avoir fait chanter. 

    À maman et papa, d’avoir ouvert la fenêtre du fantastique et permis à mon imagination de s’élever.

    À Andre, de croire en moi et de m’avoir appris à suivre mes rêves sans crainte.

    À Grant, de m’avoir fait découvrir le monde magique des mots et le plaisir secret de se cacher sous son lit avec un bon livre.

    Angie, d’avoir embarqué dans cette folle aventure avec moi. À nos rires à répétition. Et, Angie… ? Merci de ne pas m’avoir transformée en crapaud à la fin… attends, euh… Angie ?!... Pouf.

    1

    Les cheveux se dressèrent sur la tête de Jeff. Quelque chose de glacial lui effleura la gorge et il se baissa en se retournant. À quelques centimètres de son visage flottaient de longs doigts de brume, qui formaient des volutes et semblaient lui faire signe tout en se frayant un chemin dans les airs.

    Derrière ces filaments, le brouillard se gonflait, semblable à un nuage gris qui s’élevait lentement en boule derrière eux.

    — Courez ! cria-t-il à Rhed et Matt.

    Tous trois s’élancèrent sur l’étroit sentier, tandis que la brume continuait à prendre du volume en tourbillonnant autour d’eux. Jeff prit Matt par le bras, sans laisser à son frère cadet le temps de protester ou de fuir dans la mauvaise direction.

    Matt trébucha et ils roulèrent ensemble sur le sol de la forêt. Jeff se redressa sur ses genoux et se retourna juste à temps pour voir la brume recouvrir Matt.

    Le garçon poussa un hurlement de terreur alors que Jeff se relevait en titubant pour essayer de le rejoindre. Au même moment, Rhed passa en trombe à côté de lui et percuta Matt avec une telle force que l’impact les envoya voler à travers la brume. Ils atterrirent tous deux sur le chemin, quelques pas plus loin.

    Rhed tira Matt pour l’aider à se remettre sur ses pieds. Il porta plus qu’il n’entraîna l’enfant tout tremblant sur le chemin qui les conduisait vers la maison de Jeff.

    Jeff s’était relevé et regardait fixement la brume qui lui bloquait la route vers la sortie de la forêt. De l’autre côté du brouillard, il vit Rhed hésiter, puis lui lancer :

    — Allez, allez, allez !

    Sans attendre de savoir si Rhed arrivait, il fit demi-tour et se précipita sur le chemin, s’enfonçant dans la forêt. Il jeta un œil par-dessus son épaule et vit la brume qui le poursuivait. Elle l’avait presque rattrapé.

    Jeff courait, trébuchant sur les racines et se faufilant sous les troncs tombés en travers de sa route. Une vingtaine de pas plus loin, on aurait dit que la forêt était prise de folie. Le vent et les arbres étaient si bruyants que Jeff s’arrêta net. Il leva les yeux et se retourna. Les panaches de brume se rapprochaient, et une tornade semblait déchirer la nappe de brouillard. Il plaqua les mains contre ses yeux alors que des feuilles et des brindilles lui fouettaient le visage.

    Le rugissement assourdissant de la forêt grondant toujours à ses oreilles, Jeff se rua sur un sentier de traverse et prit ses jambes à son cou pour essayer de s’éloigner le plus possible de la brume. Les arbres se balançaient en gémissant. Mère Nature semblait avoir libéré un ouragan. Jeff atteignit la lisière du bois et s’avança dans les buissons qui entouraient le jardin de sa maison familiale.

    Debout dans le jardin, tournés vers la forêt, Rhed et Matt n’avaient remarqué l’arrivée de Jeff. Rhed sautillait d’un pied sur l’autre, comme s’il hésitait à se précipiter dans les bois à la recherche de son ami. Mais il n’était pas prêt à abandonner Matt qui haletait, à genoux.

    Jeff les rejoignit à pas lents. Il se rendit compte que le vent avait cessé aussi brusquement qu’il s’était levé.

    — Dites-moi que, vous aussi, vous avez vu ça ? dit Jeff, à bout de souffle.

    Saisi d’effroi, Rhed lui décocha un coup de poing sur le bras.

    — Ne te glisse pas en douce derrière nous, espèce de troll!

    Jeff ne répondit pas. Il n’avait même pas senti le coup. Les yeux tournés vers le ciel, il demanda :

    — Qu’est-il arrivé à la tempête ?

    — Quelle tempête ?

    Rhed repoussa les dreadlocks qui lui tombaient devant le visage et examina le ciel en cherchant des traces de l’intempérie.

    Jeff prit Matt par la main pour l’aider à se relever.

    — Nous en parlerons plus tard, marmonna-t-il.

    Ils se précipitèrent vers le porche de derrière et franchirent la porte de la cuisine. Une fois à l’intérieur, Jeff se laissa tomber à genoux et regarda Matt dans les yeux.

    — Matt, ça va ? Tu t’es fait mal ? demanda-t-il.

    Matt secoua la tête et chuchota avec un léger zézaiement :

    — Ça faisait peur. J’ai cru entendre des voix dans la brume.

    Jeff inspecta Matt, qui se mordait la lèvre inférieure. Il était petit pour un enfant de six ans. Ses cheveux blond vénitien étaient coiffés en pointes ébouriffées. Il frottait son nez retroussé avec son doigt d’un air absent. Si Jeff n’avait que douze ans, il dépassait largement son petit frère.

    Jeff avait toujours pris soin de Matt. Bien sûr, il y avait parfois des cris et des disputes, surtout lorsque Jeff surprenait Matt dans sa chambre en train de fouiller dans ses affaires, mais ils passaient de bons moments ensemble.

    Jeff et Rhed s’étaient repliés dans le grenier, au-dessus de la chambre de Jeff, et discutaient de ce qu’ils avaient vu pour essayer d’y trouver un sens.

    — Cette boule de brume était visiblement à la poursuite de Matt. C’était lui, la cible.

    Rhed brandissait son doigt en l’air tout en parlant.

    — Oui, on aurait dit qu’elle attaquait Matt. Puis elle s’en est prise à moi, mais uniquement parce qu’elle ne pouvait pas mettre la main sur lui. Tu as eu le bon réflexe en te jetant sur Matt pour l’arracher au brouillard.

    — C’était quoi, ces voix que Matt semblait entendre dans la brume ?

    Rhed fronça le nez tout en remontant ses lunettes.

    — Et pourquoi la tempête n’a-t-elle pas dépassé les limites du bois ?

    La mère de Jeff, Ella, appela les deux garçons pour leur demander de mettre la table pendant qu’elle allait chercher Matt.

    Jeff entendit le bruit de ses pas à l’étage. Elle appela Matt. Apparemment, il n’était pas en train de jouer dans sa chambre. Ses pas se déplacèrent furtivement dans toute la maison, passant de chambre en chambre, avant de se diriger vers celle de Jeff.

    Ce fut à ce moment qu’un hurlement à glacer le sang retentit :

    — Maaaaatt !

    Les deux garçons lâchèrent tout et se ruèrent à l’étage. Ils découvrirent la mère de Jeff qui tenait le visage de Matt dans ses mains pour essayer d’établir un contact visuel avec lui. Matt était assis devant la porte vitrée qu’ils appelaient la porte au clair de lune. Il avait la bouche ouverte et il bavait. Son regard était fixe, rivé sur la lune qui brillait par la fenêtre.

    On aurait dit qu’il assistait à un spectacle et Jeff crut apercevoir une lueur dans les yeux de Matt ─ il semblait conscient, mais la minute d’après, il était reparti, le regard à nouveau dans le vague.

    Quelques jours plus tard, Jeff et sa mère étaient assis dans la chambre de Jeff en compagnie de Matt. Si le petit enfant était toujours absent, il semblait plus heureux devant la porte au clair de lune.

    — Maman, que lui arrive-t-il ?

    Cela faisait plusieurs jours que Matt était prostré, sans parler, sans sourire, le regard vitreux.

    — Comment se fait-il qu’il semble dormir, alors qu’en réalité il est réveillé ?

    — Je n’en sais rien, Jeff. Il fait ce que je lui demande de faire. Il s’assoit là où je l’installe, mais…

    Jeff savait ce que ce « mais » signifiait : Matt, d’habitude si plein de vie, n’avait rien entrepris de lui-même depuis ce jour-là.

    La mère de Jeff posa sa main sur le front de Matt et claqua la langue. Jeff l’avait déjà fait plusieurs fois, sans résultat : aucune fièvre.

    — Je suis très inquiète, Jeff.

    Elle marqua une pause et fronça les sourcils. Lorsqu’elle reprit la parole, sa prononciation était lente.

    — Est-il arrivé quoi que ce soit d’étrange dans la forêt, dans votre cachette ?

    Elle ajouta avec plus d’énergie :

    — Quelque chose a-t-il fâché ou contrarié Matt ? A-t-il été brutalisé à l’école ? Rien ne te vient à l’esprit, absolument rien ?

    Jeff dévisageait sa mère. Pourquoi lui posait-elle des questions sur la forêt ? Ces derniers temps, il l’entendait souvent murmurer. Le thème des bois revenait souvent dans ses propos, ainsi que celui… des caramels, entre autres étrangetés.

    Jeff se sentait coupable d’avoir des secrets pour sa mère, mais il savait que ce qui s’était passé dans la forêt n’avait aucun sens.

    Ils rentraient de leur consultation chez le docteur Swanson, le psychiatre que leur médecin généraliste leur avait recommandé.

    Jeff regardait par la vitre de la voiture. Il comptait distraitement les gouttes de pluie qui s’écrasaient sur la portière. Sa mère avait ralenti pour conduire plus prudemment dans les virages glissants et sinueux de la route 647.

    Elle serpentait entre les montagnes qui se dressaient de chaque côté, couvertes d’une épaisse forêt. Ils passèrent devant un panneau décrépi et battu par les intempéries, sur lequel on pouvait lire : « Little Falls, 38 km ». La maison.

    Jeff plissa les yeux pour essayer de voir à travers les arbres. Vert foncé, ils étaient immenses et intimidants.

    Comment peut-il faire aussi noir là-dedans ? L’obscurité des bois, entre ces troncs épais et au-delà, était impénétrable et pourtant presque attirante. On aurait dit que les ténèbres tissaient les arbres les uns avec les autres, les façonnant pour créer un sombre néant. La forêt semblait menaçante et dangereuse. Il n’avait jamais éprouvé cela auparavant, mais maintenant qu’ils avaient été attaqués par la brume, c’était différent.

    Jeff détacha les yeux de la forêt qui le fixait froidement pour les poser sur son petit frère, assis en silence à côté de lui sur la banquette arrière. L’enfant regardait au-dehors. Ses yeux bleu ciel demeuraient dans le vague. Jeff se demandait s’il voyait quelque chose au-delà des gouttes sur la vitre.

    Matt, comment t’atteindre ? Faut-il te ramener dans cet endroit, au cœur de la forêt ?

    Matt vouait une adoration sans bornes à son grand frère et il l’aurait suivi n’importe où. Et même s’il le rendait souvent fou, il manquait terriblement à Jeff.

    — C’est une sacrée pluie, n’est-ce pas ? dit la mère de Jeff par-dessus son épaule.

    Jeff se détourna de son frère et se pencha en avant pour lui parler.

    — Nous ne sommes plus très loin, j’ai aperçu le panneau tout à l’heure.

    La pluie cessa aussi brutalement qu’elle avait commencé lorsqu’ils passèrent devant le panneau : « Bienvenue à Little Falls ». Le village était entouré d’un halo de lumière. Les rayons du soleil perçaient l’air chargé d’humidité. Comme c’est étrange, la pluie s’est arrêtée d’un seul coup. Jeff se retourna sur son siège pour regarder par la lunette arrière. Il fronça les sourcils en constatant qu’un mur de pluie était toujours visible dans leur dos. Que se passe-t-il ici ? La forêt, la pluie… Tout est devenu si bizarre. Est-ce que tout le monde s’en rend compte ou suis-je le seul ?

    Jeff tourna la tête à gauche et à droite, balayant les rues à la recherche des VTT de ses amis. C’était si amusant de faire du vélo dans les flaques après la pluie, de déraper dans la boue et de faire gicler l’eau au pied des gouttières. Je me demande si je vais pouvoir sortir mon vélo pour aller dans la rue… Et d’abord, où est Rhed ?

    Rhed et Jeff étaient amis depuis qu’ils avaient six ans. Rhed avait les jambes maigres et les genoux cagneux. Ses longues dreadlocks ressemblaient à des spaghettis sur sa tête. Ils s’étaient rencontrés à l’occasion de leur premier combat de boue, qui s’était achevé dans des éclats de rire. En réalité, ils ne s’étaient pas vraiment battus, mais plutôt barbouillés et aspergés de terre détrempée. Depuis ce jour-là, ils faisaient tout ensemble.

    Ils arrivèrent à la maison où Jeff vivait depuis sa naissance. Elle était spacieuse, bâtie sur deux niveaux, avec de grandes fenêtres ornées de jasmin grimpant. Dans le jardin de devant poussaient en abondance des tulipes rouges, des jonquilles jaunes et de petites jacinthes. Les deux grands arbres étaient entourés d’un parterre de lavande qui longeait l’allée. Sa mère aimait beaucoup jardiner devant la maison.

    Le jardin de devant est à maman, mais celui de derrière est tout à nous.

    Le jardin qui s’étendait à l’arrière de la maison était sombre et mystérieux, à l’image des bois qui entouraient la ville de Little Falls. Le jardin de derrière avait une forme circulaire inhabituelle. Le long de la pelouse arrondie poussaient d’épais buissons et taillis qui s’entremêlaient.

    Au fil des ans, Jeff, Rhed, Matt et d’autres amis avaient pratiqué des passages dans les broussailles, créant ainsi des galeries secrètes conduisant jusqu’à leurs cachettes. À peine avaient-ils ouvert un passage que l’herbe se mettait à y pousser. Le jardin ne cessait ainsi de s’étendre en un labyrinthe d’épais buissons et d’étroites bandes d’herbe verte.

    Tout en portant Matt dans ses bras, la mère de Jeff poussa la porte du vaste hall d’entrée. La salle de séjour s’ouvrait sur la gauche, deux fois plus grande que l’entrée. Elle déposa Matt sur le canapé et téléphona au père de Jeff, qui était en voyage d’affaires loin de la maison. Elle lui raconta le rendez-vous chez le médecin. Le docteur voulait hospitaliser Matt pour lui faire passer des tests, et on l’attendait à l’hôpital Angel Wings dans deux semaines.

    Jeff prit du jus d’orange dans le réfrigérateur avant de monter. Sa chambre était grande et, chaque fois qu’il rentrait chez lui après un long trajet, il avait toujours l’impression d’y retrouver son refuge personnel.

    Il tourna la tête, le nez en l’air, pour observer le plafond pentu qui faisait tout le charme de la chambre. Une baie vitrée donnait sur le jardin verdoyant et la forêt au-delà. Sur la gauche se trouvait une autre porte, d’où partait en colimaçon un escalier en bois exigu menant jusqu’à la mansarde.

    Jeff monta dans son grenier. La pièce vaguement carrée était deux fois plus petite que celle du dessous, mais suffisamment spacieuse pour contenir deux fauteuils et un canapé. C’était son lieu de prédilection.

    Le grenier, sous les combles, avait une grande porte vitrée de forme ovale. Le verre, orné de curieux motifs, était d’une teinte laiteuse et donnait parfois l’impression de former un passage vers la forêt sombre à l’extérieur. Cette porte vitrée ouvrait sur un balcon étroit contre lequel poussait un arbre imposant derrière la maison.

    — C’est trop cool. J’adore le grenier, et tu as même ta propre porte, s’était exclamé Rhed la première fois qu’il avait découvert la pièce.

    — Ma maman l’appelle « la porte au clair de lune ». Je trouve ce nom un peu nul, si tu veux mon avis.

    — Il est bizarre, c’est vrai, sans doute un truc de fille. Vous auriez dû l’appeler « la porte des étoiles » ou quelque chose de ce genre.

    — Elle dit qu’elle l’a toujours appelée la porte au clair de lune, mais elle ne se rappelle pas qui lui a donné ce nom. Sans doute mon grand-père, avant qu’il disparaisse. Elle n’aime pas en discuter. De toute façon, il a disparu longtemps avant ma naissance.

    Jeff se laissa tomber sur le canapé et posa les yeux sur la porte au clair de lune.

    Il s’empara de son téléphone et composa le numéro de Rhed. Son ami répondit à la seconde sonnerie.

    — Comment va Matt ? demanda Rhed.

    — Ils veulent lui faire passer des tests, mais il faut attendre quinze jours avant qu’ils puissent le recevoir dans cet hôpital pour enfants. Maman l’emmènera et restera là-bas quelques jours, le temps qu’ils fassent tous leurs examens.

    — Bon sang… ça craint.

    — Le psychiatre, Docteur Swanson, a dit qu’il ne comprenait pas. Il a dit que le problème n’est pas médical, que c’est dans sa tête. Il a même demandé à maman si quelque chose de traumatisant était arrivé à Matt pour qu’il s’enferme ainsi dans une bulle de silence.

    Rhed prit une profonde inspiration.

    — Jeff, je me demandais… tu pourrais peut-être raconter à ta mère ce qui s’est passé ce jour-là dans la forêt.

    Jeff ne répondit pas immédiatement.

    — Et qu’est-ce que ça va donner, d’après toi ? « Maman, nous avons été attaqués dans la forêt par une brume, c’était effrayant et je crois que c’est ce qui a fait basculer Matt… » Hein ?

    Rhed poussa un soupir et acquiesça :

    — C’est vrai que c’est un peu léger. Tu seras le prochain sur le divan.

    Il prit alors une voix grave pour imiter celle d’un médecin :

    — Dites-moi, quand est-ce apparu pour la première fois ?

    — Et qu’avez-vous ressenti ? termina Jeff en pouffant. Puis ma mère va me rabâcher qu’elle nous a pourtant dit de ne pas jouer dans la forêt.

    Jeff changea de sujet :

    — Je ne vais pas pouvoir sortir faire du vélo au parc aujourd’hui. Nous sommes rentrés trop tard, mais il restera sans doute de la boue demain.

    — Au fait, Jessica te cherchait cet après-midi. Elle a dit qu’elle avait ton livre d’histoire.

    Il y eut un silence, pendant lequel Jeff imagina Jessica en train de sourire… de lui sourire.

    — Jeff ?

    — Elle m’a emprunté mon livre d’histoire, rien de plus, Rhed.

    — Si tu le dis. Je dois y aller, on se parle plus tard.

    Jeff soupira. Rhed aussi aimait bien Jessica. Mais une boule se formait dans son ventre, qui ne tarda pas à chasser les amourettes de son esprit. Peut-être Rhed avait-il raison. Peut-être ne devrait-il pas cacher ce secret à sa mère.

    Ce fut alors qu’il se souvint des tentacules froids du brouillard contre sa gorge. Il frissonna. Sans parvenir à mettre le doigt dessus, il commençait à penser qu’une chose terrible était à l’origine du problème de Matt, quel qu’il soit. Et que c’était peut-être à lui de découvrir de quoi il retournait.

    2

    Après le dîner, Jeff alluma son PC pour échanger quelques messages avec Rhed.

    « Salut, mec », afficha le message orange clignotant.

    « Quand rentre ton père ? » écrivit Rhed.

    « Il devrait être là demain. »

    Le père de Jeff était parti en voyage d’affaires depuis à présent quatre jours et il manquait à Jeff.

    « Matt était bizarre ce soir pendant le repas », écrivit-il.

    La réponse apparut :

    « Comment ça ? »

    « En fait, il a tourné la tête sur le côté. Comme s’il tendait l’oreille pour entendre quelque chose ou quelqu’un. »

    « Flippant, tu crois que cette brume est revenue ? »

    « J’ai vérifié, mais il n’y avait rien, et puis d’un seul coup Matt a retrouvé son calme. »

    « Ta mère l’a vu ? »

    Jeff soupira en silence.

    « Je ne pense pas, mais elle est bizarre, elle aussi. Elle parle toute seule, surtout de la forêt, et elle passe son temps à faire du caramel. »

    — Jeff, mon chéri ! appela sa mère depuis le rez-de-chaussée. Je vais chez Tante Alena pour lui parler de Matt. Et pour lui donner des livres et du caramel. Je devrais être de retour dans deux heures environ.

    — Okay, maman, lança Jeff.

    Penché sur la rampe, il apercevait les yeux verts de sa mère qui le regardaient attentivement depuis le bas des escaliers. Ses longs cheveux bruns étaient remontés négligemment sur le sommet de son crâne. Elle était svelte et portait un jean et un simple t-shirt blanc.

    — Matt est dans sa chambre.

    — D’accord, je vais le chercher et le garder ici avec moi, maman. Il peut dormir sur le canapé.

    Jeff s’attarda sur le palier en comptant tout bas :

    — Trois, deux, un, eeeeet… ?

    La tête de sa mère réapparut. Elle sourit et ajouta quelques recommandations sur le thème : « et pas de bêtises… rien… nada ! »

    — Nada, articula Jeff en même temps, en réponse au sourire de sa mère.

    — Tu es un bon garçon ! Au revoir, mon chéri, lança-t-elle en refermant la porte de la cuisine avant de se diriger vers la voiture garée dans l’allée.

    Jeff se rendit dans la chambre de Matt. L’enfant était assis parmi ses jouets, sans doute à l’endroit où sa mère l’avait laissé. Il tenait un camion à la main et avait le regard dans le vague. Jeff lui ébouriffa les cheveux et le prit par la main pour l’aider à se relever.

    — Allez, bonhomme. On va dans ma chambre.

    Jeff hissa Matt sur son épaule. Avec un pincement au cœur, il se rappela combien Matt s’amusait à hurler chaque fois qu’il le portait de la sorte.

    Jeff installa Matt sur le canapé, mais presque aussitôt, Matt s’assoupit. Il avait l’air tout petit, blotti contre les coussins. Il portait son pyjama à motifs d’avions. Son visage endormi semblait paisible et ses joues colorées lui donnaient un aspect rougeaud.

    Jeff redescendit, peu soucieux du bruit qu’il faisait, car Matt avait généralement le sommeil si lourd que même une tornade n’aurait pu le réveiller. Jeff se rassit devant son ordinateur pour reprendre sa conversation avec Rhed, qui lui envoyait des messages impatients sur le modèle : « Qu’est-ce qu’il y a, mec ? »

    Ils discutèrent du

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