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Oasis (Les Derniers Humains : Tome 1): Les Derniers Humains, #1
Oasis (Les Derniers Humains : Tome 1): Les Derniers Humains, #1
Oasis (Les Derniers Humains : Tome 1): Les Derniers Humains, #1
Ebook329 pages6 hours

Oasis (Les Derniers Humains : Tome 1): Les Derniers Humains, #1

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About this ebook

Une nouvelle série dystopique / post apocalyptique d'un auteur de best-sellers de la liste du New York Times.

Je m'appelle Theo et je vis à Oasis, la dernière zone habitable sur Terre. C'est censé être le paradis, un endroit où nous sommes tous comblés. La vulgarité, la violence, la folie et tous les autres maux ne sont plus qu'un souvenir lointain. Même la mort ne nous tourmente plus.

J'étais comblé moi aussi, mais j'ai changé. Maintenant, j'entends une voix dans ma tête et elle me dit des choses qu'aucun ami imaginaire ne devrait savoir. Elle s'appelle Phoe et elle est mon hallucination.

À moins que...

Remarque : Ce livre contient du langage grossier. Nous avons estimé que c'était important pour le thème de la censure dans le roman. Si de tels mots vous offensent, vous pourriez ne pas apprécier ce livre.

LanguageFrançais
Release dateNov 10, 2016
ISBN9781631422027
Oasis (Les Derniers Humains : Tome 1): Les Derniers Humains, #1
Author

Dima Zales

Dima Zales is a full-time science fiction and fantasy author residing in Palm Coast, Florida. Prior to becoming a writer, he worked in the software development industry in New York as both a programmer and an executive. From high-frequency trading software for big banks to mobile apps for popular magazines, Dima has done it all. In 2013, he left the software industry in order to concentrate on his writing career. Dima holds a Master's degree in Computer Science from NYU and a dual undergraduate degree in Computer Science / Psychology from Brooklyn College. He also has a number of hobbies and interests, the most unusual of which might be professional-level mentalism. He simulates mind-reading on stage and close-up, and has done shows for corporations, wealthy individuals, and friends. He is also into healthy eating and fitness, so he should live long enough to finish all the book projects he starts. In fact, he very much hopes to catch the technological advancements that might let him live forever (biologically or otherwise). Aside from that, he also enjoys learning about current and future technologies that might enhance our lives, including artificial intelligence, biofeedback, brain-to-computer interfaces, and brain-enhancing implants. In addition to his own works, Dima has collaborated on a number of romance novels with his wife, Anna Zaires. The Krinar Chronicles, an erotic science fiction series, has been a bestseller in its categories and has been recognized by the likes of Marie Claire and Woman's Day. If you like erotic romance with a unique plot, please feel free to check it out, especially since the first book in the series (Close Liaisons) is available for free everywhere. Anna Zaires is the love of his life and a huge inspiration in every aspect of his writing. Dima's fans are strongly encouraged to learn more about Anna and her work at http://www.annazaires.com.

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    Oasis (Les Derniers Humains - Dima Zales

    1

    Putain. Vagin. Merde.

    Je fais exprès de penser ces mots interdits, mais mon scan neural ne montre rien qui sorte de l’ordinaire par rapport à des mots phonétiquement similaires, comme pétrin, machin ou merle. Je ne vois aucune preuve de dégâts à mon cerveau, même s’il pourrait être endommagé à l'extrême. J’ai peut-être besoin d’un autre sujet pour mes tests, un autre Jeune ‘impressionnable’ de vingt-trois ans comme moi.

    Après tout, je pourrais être malade mental.

    — Oh, Theo. Tu ne vas pas recommencer, dit une voix exagérément aimable et aiguë. Et puis, les mots ont bien un effet sur ton cerveau. Par exemple, la partie de ton cerveau responsable du dégoût s’illumine quand tu dis ‘merde’, mais pas pour ‘merle’.

    C’est Phoe qui parle. Cette fois, elle n’est pas une voix dans ma tête. C’est plutôt comme si elle était dans les buissons épais derrière moi, sauf que personne ne se trouve là.

    Je suis la seule personne sur ce morceau de gazon.

    Personne ne vient ici parce que le Bord ne se trouve qu’à quelques mètres. Peu d’habitants de l’Oasis aiment regarder la ligne triste qui divise la fin de notre monde habitable et le début du désert de gelée grise. Cependant, cela ne me gêne pas.

    D’un autre côté, je suis peut-être fou — et Phoe serait la raison. Voyez-vous, je ne crois pas que Phoe soit réelle. Elle est, je crois, mon amie imaginaire. Et son nom, d’ailleurs, se prononce ‘Fi’, mais s’écrit ‘P-h-o-e’.

    Oui, mon hallucination est précise à ce point.

    — Alors, tu passes d’un sujet rabâché directement à un autre, dit Phoe avec un petit rire de dédain. Ma soi-disant réalité.

    — Exactement, dis-je, bien que quand nous sommes seuls, je réponde sans bouger les lèvres. Parce que je t’imagine.

    Elle rit encore et je secoue la tête. Oui, je viens de secouer la tête pour mon hallucination. Je me sens également contraint de lui répondre.

    — Pour info, je suis certain que le mot tabou ‘merde’ affecte les parties de mon cerveau qui gèrent le dégoût tout autant que ses cousins plus acceptables comme ‘matière fécale’. Ce que j’ai essayé d’expliquer, c’est que le mot ne fait pas mal et n’abîme pas mon cerveau. Ces mots n’ont rien de spécial.

    Cette fois, Phoe est dans ma tête et elle a un ton moqueur :

    — Ouais, ouais. Tu me diras bientôt comment à l’époque, certains mots interdits faisaient simplement référence à des choses comme des chiens femelles et qu’il y a des mots dans les langues mortes qui étaient tout aussi tabous, et pourtant ils ne sont pas actuellement interdits parce qu’ils ont perdu leur pouvoir. Puis tu te plaindras sans doute que, même si les cerveaux des deux sexes sont presque identiques, seuls les mâles n’ont pas le droit de dire ‘vagin’, etc.

    Je me rends compte que j’allais répliquer avec ces pensées exactes, ce qui signifie que Phoe et moi nous avons beaucoup parlé de ce sujet. C’est ce qui arrive entre amis proches : ils répètent leurs conversations. D’autant plus lorsqu'il s’agit d’amis imaginaires, je suppose. Même si, bien sûr, je suis sans doute la seule personne d’Oasis à en avoir une.

    En y réfléchissant bien, toute conversation avec votre amie imaginaire n’est-elle pas redondante, puisqu’en gros vous vous parlez à vous-même ?

    — C’est là que je te rappelle que je suis réelle, Theo.

    Phoe affirme cela à haute voix.

    Je ne peux pas m’empêcher de remarquer que sa voix vient d’un endroit légèrement sur ma droite, comme si elle était une amie assise dans l’herbe à côté de moi, une amie invisible.

    — Ce n’est pas parce que je suis invisible que je ne suis pas réelle, répond Phoe à ma pensée. Moi au moins, je suis convaincue d’être réelle. C’est moi qui serais folle si je ne pensais pas être réelle. En outre, beaucoup d’indices pointent vers cette conclusion, et tu le sais.

    — Mais une amie imaginaire ne devrait-elle pas insister sur le fait qu’elle est réelle ?

    Je ne peux pas m’empêcher de dire ces mots à voix haute.

    — Cela ne fait-il pas partie de l’hallucination ?

    — Ne me parle pas à voix haute, me rappelle-t-elle d’un ton inquiet. Même quand tu subvocalises, tu bouges parfois imperceptiblement les muscles de ton cou et même tes lèvres. C'est trop risqué. Tu devrais simplement m’envoyer tes pensées. Sers-toi de ta voix intérieure. C’est plus sûr, en particulier quand nous sommes en compagnie d’autres Jeunes.

    — D’accord, mais pour info, j’ai l’impression d’être encore plus fou, réponds-je en subvocalisant les mots et en faisant de mon mieux pour ne pas bouger les lèvres ou les muscles de mon cou.

    Puis, pour faire une expérience, je pense :

    — Te parler dans ma tête souligne l’impossibilité de ton existence et cela me donne encore plus l’impression d’être dingue.

    — Eh bien, cela ne devrait pas être le cas.

    Sa voix est dans ma tête maintenant, pourtant elle paraît toujours aiguë.

    — Autrefois, quand ce n’était pas interdit d’avoir une maladie mentale, je suppose que tu mettais les gens autour de toi mal à l’aise si tu parlais à voix haute à tes amis imaginaires, dit-elle en gloussant, mais il y a plus d’inquiétude que d’humour dans sa voix. Je ne sais pas du tout ce qu’il se passerait si quelqu’un pensait que tu étais fou, mais j’ai un mauvais pressentiment, alors s’il te plaît, ne le fais pas, d’accord ?

    Je lui envoie ma pensée en tirant sur le lobe de mon oreille gauche :

    — Très bien. Mais cela me semble exagéré de le faire ici. Il n’y a personne.

    — Oui, cependant les nanorobots dont je t’ai parlé, ceux qui imprègnent tout depuis ta tête jusqu’au brouillard utilitaire, peuvent être utilisés pour surveiller cet endroit, du moins en théorie.

    — D’accord. Sauf si toute cette technologie invisible — et c’est bien pratique — est le fruit de mon imagination tout autant que toi. De toute façon, puisque personne ne semble être au courant, comment peuvent-ils s’en servir pour m’espionner ?

    — Correction : aucun Jeune ne le sait, mais les autres le pourraient, contre Phoe patiemment. Il y a encore trop de choses que nous ne savons pas au sujet des Adultes, et je ne parle même pas des Aïeuls.

    — Mais s’ils peuvent accéder aux nanocytes dans mon esprit, n’ont-ils pas également accès à mes pensées ?

    Je pense cela avec un frisson. Si c’est vrai, je suis complètement foutu.

    — Le fait que tu n’aies pas encore fait face aux conséquences de tes pensées fréquemment indisciplinées prouve que personne ne les surveille en général, du moins qu’ils ne se préoccupent pas spécifiquement des tiennes, répond-elle en apaisant un peu mes craintes. C’est pour cela que je pense que surveiller les pensées est soit trop compliqué informatiquement, soit que cela brise un des milliards de tabous sur l’usage approprié de la technologie — des règles que j’ai du mal à garder en tête, d’ailleurs.

    — Et si l’utilisation de la technologie pour m’écouter était aussi taboue ? dis-je même si elle commence à me convaincre.

    — Peut-être, mais, j’ai vu des choses qui s’expliquent mieux par l’espionnage des Adultes.

    Sa voix dans ma tête devient plus basse.

    — Il te suffit de penser à la fois où toi et Liam vous aviez prévu de sauter votre Cours de Physique. Comment étaient-ils au courant ?

    Je repensai à la session épique de Quiétude à laquelle nous avions été condamnés et comment nous avions tous les deux juré ne pas avoir trahi l’autre. Nous étions parvenus à la même conclusion : il est dangereux de parler. C’est pourquoi Liam, Mason et moi nous parlons souvent en code désormais.

    J’envoie une pensée à Phoe :

    — Il pourrait y avoir d’autres explications. Cette conversation a eu lieu pendant les Cours et quelqu’un aurait pu nous entendre. Mais même si ce n’est pas le cas, le fait qu’ils nous surveillent en classe ne signifie pas qu’ils prendraient la peine de surveiller cet endroit perdu.

    — Même s’ils surveillent cet endroit où n’importe quel endroit à l’extérieur de l’institut, je veux que tu prennes de bonnes habitudes.

    — Et si nous parlions en code ? Tu sais, celui que j’utilise avec mes amis qui ne sont pas imaginaires.

    — Tu parles déjà trop lentement pour moi, pense-t-elle avec exaspération. Quand tu parles dans ce code, tu as l’air ridicule et tu augmentes considérablement le nombre de syllabes que tu prononces. Si tu voulais bien apprendre une des langues mortes, alors...

    Je lui envoie ma pensée :

    — Très bien. Je vais ‘penser’ quand il faudra que je te parle.

    J’ajoute en subvocalisant : mais je subvocaliserai aussi.

    Elle soupire à haute voix.

    — Si tu le dois. Mais fais-le comme tu l’as fait il y a une seconde, sans bouger la musculature de ta voix.

    Au lieu de répondre, je regarde encore le Bord, l’endroit où la verdure sereine sous le dôme rencontre l’océan répugnant de gelée grise — la technologie paralytique auto-réplicante qui transforme la matière organique en elle-même. La gelée grise est ce qu’il reste du monde en dehors de la barrière du dôme, et si un jour cette barrière tombait, la gelée nous détruirait rapidement. Naturellement, cette vue évoque toutes sortes de sentiments désagréables et le fait que je la regarde volontairement doit être un autre signe de mon état mental précaire.

    — Cette chose est tout à fait dégoûtante, remarque Phoe en essayant de me remonter le moral, comme d’habitude. On dirait que quelqu’un a essayé de faire de la jelly avec du vomi et des excréments humains.

    Puis, avec un ricanement mental, elle ajoute :

    — Pardon, j’aurais dû dire ‘vomi et merde’.

    — Je ne sais pas du tout ce qu’est la jelly, mais, quoi que ce soit, tu as sans doute raison pour les ingrédients.

    — La jelly était quelque chose que mangeaient les anciens à l’époque pré-nourriture, explique Phoe. Je te trouverai quelque chose à regarder ou à lire à ce sujet, ou si tu as de la chance, ils s’en serviront peut-être à la prochaine foire des jours de naissance.

    — Je l’espère. Il est difficile de se renseigner sur la nourriture dans les livres ou les films, j’ai essayé.

    — Dans ce cas précis, tu le pourrais, rétorque Phoe. La jelly était plus une histoire de texture que de goût. Cela avait la consistance des méduses.

    — Les gens mangeaient ces choses gluantes à l’époque ? me dis-je avec dégoût.

    Je ne me souviens pas avoir vu cela dans un des films. En désignant la gelée, je dis :

    — Pas étonnant que le monde se soit transformé ainsi.

    — Dans la plupart des régions du monde, ils ne le mangeaient pas, dit Phoe d’un ton pédant. Et la jelly était en réalité faite à partir de protéines partiellement décomposées extraites des peaux, des sabots, des os et des tissus conjonctifs de la vache et du cochon.

    — Maintenant, tu essaies juste de me dégoûter.

    — Alors, ça, c’est la meilleure, venant de toi M. Merde, glousse-t-elle. Quoi qu’il en soit, tu dois quitter cet endroit.

    — Ah bon ?

    — Tu as des cours dans une demi-heure, mais le plus important, c’est que Mason te cherche, dit-elle et sa voix me donne l’impression qu’elle est déjà debout.

    Je me lève et je commence à marcher vers la haute haie qui cache la gelée de la vue des autres Jeunes d’Oasis.

    — Au fait — la voix de Phoe vient de plus loin, elle simule le fait de marcher devant moi —, une fois que tu auras vérifié que Mason te cherche, essaie d’expliquer comment une amie imaginaire comme moi pourrait savoir une telle chose... savoir quelque chose que tu ne savais pas toi-même.

    2

    Le campus est parfois magnifique quand le soleil est sur le point de se coucher. C’est une des rares fois où la couleur rouge entre dans l’institut. Par ici, le vert est en général la teinte prédominante : le vert de l’herbe, le vert des arbres, et le vert du lierre qui couvre toutes les structures. Ce serait entièrement vert si le lierre faisait ce qu’il voulait, mais certaines parties plus résistantes des bâtiments de l’institut sont toujours en argent et en verre.

    Je passe la forme de prisme à base triangulaire du dortoir des moyens et je vois les enfants jouer : leurs leçons se terminent beaucoup plus tôt que les nôtres.

    — Mason se trouve du côté nord-est du campus, me guide Phoe.

    — Merci, réponds-je en chuchotant et je me tourne vers la forme cubique du bâtiment des cours, au loin. Maintenant peux-tu te taire s’il te plaît et me donner dix minutes où je ne me sens pas comme si j’étais fou ?

    Phoe ne répond pas. Si elle pense que me faire la tête quand je lui demande de se taire va m’ennuyer, elle ne me connaît pas bien du tout, en particulier pour un produit de mon imagination.

    En marchant, j’essaie de me concentrer sur le plaisir que me procure ce silence, en partie parce que c’est le cas, mais surtout parce que je veux irriter Phoe.

    Le silence ne dure pas longtemps. Quand je m’approche de l’étendue verte du pré de récréation, j’entends les voix enthousiastes de Jeunes jouant au frisbee. Quand je m’approche, je vois que la plupart ont plus de trente ans, même si quelques-uns ont une vingtaine d’années, comme moi.

    Un peu plus loin, je remarque un couple de Jeunes, des adolescents en train de méditer profondément. J’observe leurs visages sereins avec envie. Ma propre pratique de la méditation s’est récemment volatilisée. Chaque fois que j’essaie de faire quelque chose d’apaisant, mon esprit se met à bourdonner et je suis incapable de me centrer.

    Mon estomac gargouille et me tire de mes pensées.

    Je tends la main, paume vers le haut, et en un instant, une barre chaude de nourriture y apparaît. Je la mords avec appétit et mes papilles explosent de sensations. Chaque barre de nourriture possède son propre ratio de salé, d’acidité, de sucré, d’amertume et d’umami, et cette barre est particulièrement délicieuse. Je savoure le goût. Manger est un des plaisirs que la folie n’a pas gâché pour moi — pas encore, en tout cas.

    — Eh bien, la nourriture a une valeur hédoniste certaine même si cela n’apporte pas grand-chose de plus, dit Phoe qui a apparemment oublié qu’elle m’en voulait.

    Je continue à manger en essayant de me vider l’esprit. J’ai l’impression que Phoe a très envie de dire autre chose. Elle aime me choquer, comme quand elle a expliqué que la nourriture est assemblée par de minuscules machines à ma demande.

    — Des nano-machines, corrige-t-elle. Eh oui, la nourriture est assemblée, tout comme la majorité des objets tangibles d’Oasis.

    — Alors qu’est-ce qui n’est pas assemblé ? m’enquis-je tout en ne sachant pas si je la crois.

    — Eh bien, je pense que les immeubles ne le sont pas, même si je n’en suis pas certaine, dit Phoe. Tout ce qui est réalité augmentée, c’est sûr, comme ton écran et la moitié des plus beaux arbres de ce campus, qui ne sont pas assemblés, car ils ne sont pas du tout tangibles. Et ce qui est vivant n’est pas assemblé non plus. Enfin, si j’étais pointilleuse, je dirais que les choses vivantes en général sont mues par des nanomachines, mais d’une sorte différente.

    Ignorant ses bavardages, je prends une autre bouchée et je remercie ostensiblement les ancêtres pour la nourriture.

    — Tu as fait ça pour m’énerver ? demande Phoe. Tu viens de remercier ces simplets craignant la technologie pour avoir fait ce choix gratuit pour toi ? Je te l’ai dit, ton corps pourrait être accordé de façon à ce que tes nanorobots internes rendent l’absorption et l’expulsion de nourriture complètement inutile.

    — Mais cela rendrait ma vie déjà ennuyeuse encore beaucoup plus ennuyeuse.

    Je lèche ce qu’il reste de la barre de nourriture de mes doigts.

    — Nous pouvons débattre de cela plus tard, dit Phoe, en abandonnant heureusement le sujet. Mason se trouve dans le jardin de pierres — que tu viens de dépasser.

    — Merci, lui envoie-je par la pensée et je fais demi-tour.

    Quand j’entre dans le jardin de pierres, je vois un type assis dans l’herbe tout au bout, près de la statuette du dodécaèdre en argent. Il me tourne le dos, alors je ne sais pas qui c’est, mais il ressemble à Mason.

    Je m’approche doucement, ne souhaitant pas faire sursauter le Jeune au cas où il serait en transe de méditation.

    Il ne doit pas l’être, car malgré mes pas légers, le Jeune m’entend et se tourne. Son visage ressemble à Bourriquet, l’âne d’un très vieux dessin animé.

    — Salut, mon vieux, dis-je en essayant de faire de mon mieux pour cacher mon irritation à Phoe.

    C’est bien Mason et il se trouve exactement à l’endroit qu’elle avait dit. En effet, je ne sais pas comment expliquer de quelle manière mon amie imaginaire aurait pu le savoir.

    En fait, je n’ai pas de bonne explication pour beaucoup de choses que Phoe sait faire, comme m’exempter de l’Unité...

    — Theo, dit Mason, l’air légèrement surpris. Tu es là. J’étais sur le point d’aller te chercher, toi ou Liam.

    — Je te l’ai dit, chuchote Phoe dans mon esprit.

    — Que voulais-tu ? dis-je à Mason.

    Pour Phoe, je subvocalise :

    — Et toi, silence. Eh oui, je choisis cette façon de te répondre parce que c’est plus facile de montrer que je suis irrité. Je ne sais pas si je peux penser de façon irritante.

    — Oh, crois-moi, tu le peux, dit Phoe sans prendre la peine de chuchoter. Tes pensées peuvent être très irritantes.

    Bien sûr, Mason ne l’entend pas, mais je remarque qu’il hésite à continuer de parler. Il regarde furtivement autour de lui et quand il est satisfait de ne voir personne, il chuchote :

    — Nous levondem larlépem.

    — Ça veut dire : nous devons parler, envoie-je par la pensée à Phoe.

    — Je sais ce que ça veut dire, dit Phoe si fort que j’imagine mes tympans exploser. C’est moi qui ai trouvé cet article sur le louchébem dans les archives anciennes, ajoute-t-elle un peu moins outrée et un peu moins fort.

    — Parlons en marchant, dis-je à Mason en louchébem.

    — D’accorem, répond Mason en se levant.

    Je vois alors que ses épaules sont voûtées, comme si sa tête était trop lourde pour son corps.

    — C’est ‘de l’accorem’, dis-je pour le corriger quand nous commençons à marcher vers le tétraèdre du bâtiment des maternelles.

    — Ouais, dit Mason sans code en traînant les pieds à côté de moi.

    Je suis sur le point de dire quelque chose de sarcastique, mais Mason me surprend en disant en code :

    — Je suis trop contrarié pour le parler comme il faut.

    Je le regarde sans comprendre, mais il continue :

    — Non, pas juste contrarié.

    Sa voix perd en vitalité à mesure qu’il parle. En s’arrêtant, Mason me jette un regard morose.

    — Je suis déprimé, Theo.

    Je m’arrête, surpris.

    — Tu es quoi ? dis-je en oubliant le louchébem.

    — Oui. Oui, le mot tabou.

    Il fléchit les doigts, puis il les laisse retomber.

    — Je suis déprimé, putain.

    J’observe son visage à la recherche d’un signe confirmant qu’il plaisante, même si ceci n’est pas un sujet de plaisanterie, mais je n’en trouve pas. Son visage est sombre, ce qui correspond à ce qu’il vient de révéler.

    — Mason...

    Je déglutis.

    — Je ne sais pas quoi dire.

    Je suis ravi qu’il ait fait sa révélation en code. Malgré tout, je regarde autour de nous pour m’assurer que nous sommes toujours seuls.

    Ce qu’il vient de dire pose deux problèmes. Le premier est mineur : il a dit le mot ‘putain’ à voix haute. Cela peut lui valoir une journée de Quiétude et des ennuis pour moi si je ne rapporte pas qu’il a été grossier (ce que je ne ferais jamais, bien sûr). Ce qui est infiniment pire, c’est qu’il a dit ‘déprimé’ — sans parler du fait qu’il était sincère. Ce mot représente une idée si impensable que je ne sais pas quelle serait la punition pour cela. C’est un de ces tabous inutiles comme ‘ne mange pas tes amis’. La règle existe sans doute, mais puisque personne n’a jamais mangé quelqu’un d’autre dans l’histoire d’Oasis, on ne sait pas ce que les Adultes feraient si cela arrivait.

    — Quelles que soient les conséquences, elles seraient terribles, pense Phoe. Que ce soit pour le cannibalisme ou pour le fait de ne pas être heureux.

    Je subvocalise :

    — Alors nous sommes tous les deux dans la merde, puisque je ne suis pas heureux.

    — Tu n’es pas déprimé, dit-elle. Maintenant vite, il attend toujours que tu répondes en montrant un peu plus de soutien que ton ‘je ne sais pas quoi dire’. Alors s’il te plaît, sois gentil et dis-lui quelque chose du genre : que puis-je faire pour t’aider ?

    Puis, inquiète, elle ajoute :

    — Son scan neural ne ressemble à rien que j’ai pu voir.

    — Que luipuches-je lairefuche pour te laidéqué ? dis-je, comme Phoe l’a suggéré.

    Mason lève la main pour se couvrir le visage, mais j’aperçois de l’humidité dans ses yeux. Il tient son visage comme s’il allait fondre et je le regarde bêtement, comme je l’ai fait pendant une scène du seul et unique film d’horreur que j’ai autorisé Phoe à me montrer.

    Ne trouvant rien à lui dire, je fais le petit geste du poignet requis pour afficher un écran privé dans l’air devant moi. Phoe y affiche alors le scan neural de Mason.

    J’examine l’image pendant une seconde et je pense pour Phoe :

    — Je n’ai rien vu de tel, moi non plus. Il est extrêmement perturbé.

    — Je pense que la raison pour laquelle tu n’as jamais vu cela, c’est parce que tu n’as jamais vu quelqu’un de sincèrement déprimé jusqu’à maintenant, pense Phoe.

    Je subvocalise en parvenant tout juste à m’empêcher de parler à voix haute.

    — Alors il est vraiment déprimé ? Que dois-je faire, Phoe ?

    — Les textes anciens suggèrent que tu pourrais vouloir poser une main sur son épaule. Fais-le et ne dis rien, dit Phoe. Je pense que cela devrait le réconforter.

    Je fais ce qu’elle propose. Son épaule est étrangement agitée au début, mais ensuite, lentement, il lâche son visage. Son expression ne m’est pas complètement étrangère : les petits-enfants l’ont parfois avant d’apprendre à agir de manière civilisée et à paraître heureux comme il faut.

    Mason inspire profondément, souffle, puis, d’une voix tremblante dit :

    — J’ai dit à Grace ce que je ressens, et elle m’a traité de mouton fou.

    Stupéfait, je lâche son épaule et je fais un pas en arrière.

    — Merde, dit Phoe en faisant écho à mes pensées. Ce n’est pas bon du tout.

    3

    Comme je l’ai dit à Phoe, je ne suis pas aussi heureux que les autres sur Oasis. Par coïncidence, mon agitation a commencé avec Phoe. Plus précisément, quand elle m’a parlé quelques semaines plus tôt. Non, en vérité, cela a commencé un peu plus tard, quand j’ai appris que certaines choses vraiment géniales, comme de bons films, livres et jeux vidéo, se font très souvent effacer des bibliothèques d’Oasis.

    En tout cas,

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