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Dark Night Soul
Dark Night Soul
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Ebook652 pages9 hours

Dark Night Soul

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About this ebook

Voici la véritable histoire du mystérieux passé de Kimino, le petit Elfe aux grandes oreilles précédemment vu dans Kinoko Legend. Souvenez-vous : celui-ci disait avoir un passé maléfique... 
Apprenez comment, dans sa vie antérieure, il est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Faites connaissance avec le côté obscur de sa personnalité : Kardarx, une créature maléfique qui prend plaisir à répandre le mal tout autour de lui. Jusqu'à sa confrontation avec des créatures divines qui vont lui faire connaître le remord.
Depuis cette rencontre, Kardarx devient Kimino à chaque lever de soleil et essaie de réparer tous ses méfaits de la nuit passée. Ne pouvant plus supporter cette situation, le petit Elfe va alors tout tenter pour détruire son alter ego maléfique et ainsi devenir un être gentil à part entière. Mais le temps presse, car de son côté, Kardarx essaie de retrouver sa descendante qu'il a perdue de vue depuis sa naissance : une adolescente humaine qu'il doit détruire avant son vingtième anniversaire s'il veut assurer son règne. Et celle-ci peut se cacher n'importe où ; peut-être même est-ce l'une des nouvelles amies de Kimino...

Note : Bien qu'il s'agisse de l'histoire du passé d'un des héros du roman Kinoko legend, ce récit est une histoire à part entière et peut être lu indépendamment du roman Kinoko legend.

LanguageFrançais
Release dateFeb 22, 2017
ISBN9782917064054
Dark Night Soul
Author

Nanny Silvestre

Originaire de La Provence dans le sud de la France, Nanny Silvestre, née le 05 Mai 1979, a décidé de quitter amis et famille pour s'établir définitivement au Canada, dans la province de Québec, où elle trouve toute l'inspiration nécessaire pour sa carrière d'artiste.   Elle est aujourd'hui franco-canadienne. Dotée d'une imagination sans limite, elle continue de développer sa bibliographie au fil des ans. De caractère persévérante et fonceuse mais solitaire, elle écrit depuis l'âge de dix-sept ans  et s'est également mise en affaires dès sa sortie du lycée.  Après avoir effectué une réorientation de carrière et obtenu un nouveau diplôme en 2013, elle est aujourd'hui transcriptrice juridique et médicale de profession et travaille à partir de son domicile, ce qui lui procure tout le temps nécessaire pour poursuivre sa carrière d'artiste en parallèle. En 2016, elle crée la bannière Sylwest Production qui englobe à la fois tous ses romans et des applications ou jeux Smartphone. Nanny Silvestre, dotée de multiples talents, réalise tout elle-même : la programmation de ses jeux (à l'aide de logiciels pré-établis) les scénarios, le design, la publication ; et concernant ses romans, elle s'est également occupé de la mise en page, de l'histoire, de l'édition, des illustrations, des couvertures, etc). Et bien sûr, son site web au complet et le côté marketing, publicités, ventes, etc.  ​ Aujourd'hui en 2017, elle souhaiterait passer un peu le relai et recherche un agent ou un éditeur qui voudrait bien la prendre en charge, elle et toutes ses créations. 

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    Book preview

    Dark Night Soul - Nanny Silvestre

    Remerciements

    ––––––––

    Je remercie mes parents, amis et toute ma famille pour leur soutien dans mon travail d’écriture depuis mes débuts.

    ––––––––

    TABLE DES MATIERES

    ––––––––

    1 . Un monstre sanguinaire

    2 . Première transformation

    3 . La fuite

    4 . Premières déceptions

    5 . Les sorcières

    6 . Premiers contacts avec les humains

    7 . Une véritable diablesse

    8 . Réactions inattendues

    9 . Une amie

    10 . Des sujets aussi cruels que leur maître

    11 . Une solution pour détruire Styxanatas

    12 . Styxanatas revient à la charge

    13 . Le dos de la princesse

    14 . Le village des Elfes

    15 . Talentueuse Balectra

    16 . Un véritable carnage

    17 . Des créatures sans pitié

    18 . Kimino Condamné

    19 . Soupçons

    20 . Un contretemps inattendu

    21 . Kardarx contre Kimino

    22 . Une collaboration forcée

    23 . Promenade en Enfer

    24 . Rencontre avec le diable

    25 . Adieu Styxanatas

    26 . Kardarx remet de l’ordre dans sa vie

    27 . Un plan diabolique

    28 . Révélations

    29 . Le temple maléfique

    30 . Un gardien de taille

    31 . Un poison mortel

    32 . La descendance de Kardarx

    33 . La princesse en danger

    34 . Une dernière épreuve

    35 . La fin

    1 . Un monstre sanguinaire

    ––––––––

    – La lune est resplendissante, ce soir, mon maître ! Idéale pour une battue d’humains !

    – Oui, c’est exact. Commence à rassembler tout le monde dans la salle du conseil. A minuit précise, nous partirons.

    – Bien, maître.

    Le jeune vampire en lévitation redescendit lentement jusqu’au sol et prit congé de son ténébreux maître.

    Tout comme la multitude de créatures répugnantes qui peuplaient les abîmes souterrains, le vampire était dévoué corps et âme à son maître, le ténébreux Kardarx. Ce dernier était respecté de tous, même du diable en personne. C’était une brute sanguinaire, débordante de cruauté, et la seule vue de son imposant physique en terrifiait plus d’un. En effet, celui-ci mesurait plus de deux mètres de haut, et une majeure partie de son corps était recouvert d’un pelage marron. Ses mains et ses pieds étaient dotés de griffes rétractiles extrêmement acérées ; quant à son visage, il était tout aussi effroyable, car il avait des yeux rouges sans pupilles, ce qui accroissait la noirceur de son regard déjà menaçant. Sans parler de sa gueule large et effrayante qui était pourvue d’une rangée de dents acérées. Enfin, de courts cheveux auburn coiffaient ses oreilles crochues ; tandis qu’une mèche bleu azur, plus longue que les autres, partait du milieu de sa tête jusqu’à finir au milieu de son dos.

    D’ordinaire, Kardarx restait dénudé, à l’exception d’une longue cape noire aux revers intérieurs rouge qu’il ne quittait quasiment jamais. Mais ce soir, il s’était revêtu d’un costume noir solennel, spécialement pour l’occasion. Car comme toutes les nuits de pleine lune, les créatures qui peuplaient l’abîme du désespoir profitaient des bienfaits physiques que leur prodiguait l’astre lunaire pour sortir chasser les humains qui vivaient à la Surface de la planète. Ces innocentes victimes, qui partageaient le monde du dessus avec le peuple des Elfes, ignoraient d’ailleurs tout de ce terri-fiant univers souterrain et de la population monstrueuse qui l’occupait.

    Chaque créature avait sa propre caractéristique et obéissait à une certaine hiérarchie. Ainsi, directement sous les ordres de Kardarx, maître incontesté des abîmes, arrivaient trois races bien distinctes que l’on surnommait les lunatiques (à cause de la métamorphose intégrale de leur corps lors de ces fameuses nuits) :

    Les loups-garous, qui avaient une apparence humaine tout à fait normale le restant du mois, avec une pilosité particulièrement développée néanmoins ;

    Les vampires, dont les pouvoirs de la lune leur permettait de se transformer en chauve-souris et leur procurait une immunité contre l’ail, ainsi que contre la plupart des armes humaines ;

    Les Drakolirs, qui, d’une apparence humanoïde au départ, se métamorphosaient en de terrifiants dra-gons ces nuits-là.

    Sous ces trois races, obéissaient des créatures sans cervelles, mais tout aussi cruelles cependant. A savoir, les nains, les lutins, les trolls, les orcs, les gnomes, les gargouilles, et enfin, ceux qu’on surnommait familièrement les contagineux. Ces derniers se présentaient sous l’aspect de simples bactéries microscopiques, et n’avaient pas d’apparence effroyable ni aucun pouvoir violent. Mais en revanche, ils pouvaient emprunter n’importe quelle autre forme solide. De ce fait, ils s’introduisaient discrètement dans les foyers humains sous la forme d’une simple chaise ou d’une tasse de thé, et contaminaient leurs victimes d’une de leurs nombreuses maladies mortelles. Contrairement aux autres créatures de l’abîme, les Contagineux n’étaient pas véritablement libres et restaient enfermés des semaines durant dans des bocaux parfaitement hermétiques ; ces derniers étant conservés dans le laboratoire du manoir. Ainsi, ils ne sortaient que lorsque Kardarx les y autorisait et les relâchait volontairement dans le monde de la Surface. Mais notre ténébreux seigneur du mal ne les laissait jamais sortir les soirs de pleine lune, en revanche. Car il savait que l’astre en question annulait totalement les effets de leur don contagieux.

    Tous ces vils monstres vivaient donc au centre de la planète, dans un royaume souterrain que l’on appelait communément "l’abîme du désespoir". Seuls divers tunnels, disséminés de parts et d’autres dans ce bas monde, permettaient aux créatures de rejoindre la Surface ; ceux-ci aboutissant directement dans les monuments aux morts que les humains avaient édifiés un peu partout à la Surface de la planète, en mémoire à quelques uns de leurs défunts. Quant à Kardarx, il n’avait qu’à user de ses pouvoirs pour se téléporter où bon lui semblait, par la simple volonté de son esprit. Et, afin de pouvoir observer les humeurs changeantes de la lune sans sortir de son manoir, il avait fait ajouter une tour à ce dernier, dont le dôme vitré dépassait des limites du monde d’en dessus.

    Kardarx redescendit lentement à son tour. Il sortit de la tour de pierre, et emprunta le long corridor qui menait droit à la salle du conseil. Si le vampire avait bien suivi ses directives, tous ses sujets devaient normalement l’y attendre. Deux gnomes, harnachés d’imposantes armures de fer, en surveillaient l’entrée. Sur le devant de leur casque, était représenté leur signe distinctif[*] : une simple flèche pointée vers le ciel, au bout de laquelle une petite boule noire y était plantée. Ce sigle représentant bien là l’éternel dévouement dont les gnomes faisaient preuve à l’égard de leur maître, de par leur rôle de valet qui les caractérisait si bien.

    Lorsqu’ils virent leur seigneur approcher, ceux-ci s’empressèrent de lui ouvrir la porte, tirant chacun de leur côté sur un battant.

    – Bienvenue, votre seigneurie, marmonnèrent-ils simultanément, d’une voix criarde qui leur était coutumière.

    Tout en disant cela, ils firent une révérence à leur souverain, tout en prenant garde, cependant, de ne pas croiser le regard de celui-ci ; car ils savaient pertinemment que désobéir à cette règle risquait de leur coûter la vie. A peine Kardarx fut-il entré que les deux gnomes refermèrent la porte derrière lui. Aussitôt, toutes les créatures, jusqu’ici vautrés confortablement sur le dossier de leur chaise, se redressèrent. Toutes les entités vivant dans l’abîme du désespoir étaient ici réunies ; il devait y en avoir deux bonnes centaines au moins. La majorité restait à l’écart, blotties les unes contre les autres contre les murs de la pièce. Seuls les principaux représentants de chacune des races avaient pris place autour de la large table qui meublait la salle.

    Le seigneur du mal s’avança et prit place dans son trône de velours qui l’attendait en bout de table. La salle du conseil était immense ; la table à elle seule devait mesurer pas moins de trente mètres de long. Au fond de la pièce, une superbe cheminée rustique se dressait. Un grand tableau de chasse, représentant le seigneur Kardarx dominant de son pied trois humains allongés à terre, y était accroché au dessus. Cinq grands lustres aux bougeoirs dorés étaient suspendus au plafond, et leurs cristaux illuminaient la pièce sans en enlever pour autant son ambiance lugubre. Enfin, deux portes vitrées aux carreaux multicolores donnaient accès à la terrasse du manoir qui offrait une vue incomparable sur le cimetière de la cour.

    Kardarx leva une main en l’air, ordonnant ainsi à tous ses sujets de se rasseoir sur leur chaise. Les créatures s’exécutèrent.

    – Bien. Tout le monde est là ? Demanda-t-il d’une voix grave et hautaine.

    – Oui, maître, répondit aussitôt Nîte, le leader des vampires, qui était le seul à avoir mérité le titre d’ami auprès du ténébreux seigneur. J’ai réuni tout le monde, comme vous me l’avez demandé. Les gargouilles ne sont pas encore rentrées, mais je suis sûr qu’elles ne vont plus tarder à présent.

    – Je l’espère pour elles... Grogna le seigneur du mal mécontent, tout en tapotant nerveusement le dessus de la table du bout de ses ongles. Dans exactement deux minutes, il sera minuit et nous devrons partir !

    Tout à coup, la porte que le seigneur du mal avait empruntée quelques minutes plus tôt s’entrouvrit derrière lui. Un petit rat au pelage noir de jais entra dans la pièce à vive allure, sans qu’aucun membre du conseil ne soit pourtant surpris. Kardarx, qui avait pressenti son arrivée, laissa échapper un léger sourire de satisfaction. En l’espace de quelques secondes, le petit animal se métamorphosa alors : son corps grandit à une vitesse fulgurante, sa gueule s’allongea et sa petite frimousse risible prit une expression menaçante, dont le regard perçant aux pupilles vertes imposait le respect. La majestueuse panthère noire du nom de Balectra s’avança vers son maître.

    – Ah, ma douce féline, je t’attendais... Murmura Kardarx, tout en caressant tendrement l’animal,  avec un regard attendrissant dont seule la panthère avait le droit de bénéficier. Toi, au moins, tu es à l’heure.

    – Ah ! S’écria soudain Nîte enjoué. Justement, voilà vos observatrices qui arrivent !

    A cet instant, trois gargouilles déboulèrent à vive allure dans la pièce, en ouvrant les deux portes vitrées avec fracas d’un violent coup de patte sans même s’arrêter. Les trois créatures avaient pour rôle de surveiller les humains de la Surface ; d’où le curieux pictogramme de leur tatouage qui représentait un œil grand ouvert posé sur un socle[*]. Pour ce faire, elles s’immobilisaient des journées entières en se transformant volontairement en de simples statues de pierre. Et, du haut de plusieurs édifices monumentaux qui ornaient la plupart des villes de la Surface, elles observaient les allers venus des habitants, et repéraient les victimes les plus intéressantes.

    Comme chaque soir, elles rentraient faire un rapport détaillé à Kardarx sur tout ce qu’elles avaient pu observer durant la journée.

    – Vous avez failli me faire attendre ! Gronda Kardarx, rageur.

    – Excusez-nous, maître. Cela ne se reproduira pas, s’excusèrent aussitôt les gargouilles, d’une voix rauque et aiguë.

    – Vous n’êtes que trois ! Objecta aussitôt Kardarx avec fureur. Et vous devriez être quatre ! Où est la quatrième observatrice ?

    – Me voilà, maître.

    La dernière gargouille venait d’arriver. Voletant avec maladresse dans la pièce, elle vint directement se poser à côté du trône du seigneur du mal.

    – Il est minuit, passé d’une minute, dit posément ce dernier, sans même regarder la pitoyable créature. Tu es en retard.

    – Oui, je sais, maître. Excusez-moi, maître. Mais le secteur que je devais observer était loin d’ici, et je...

    La gargouille n’eut pas le temps de terminer sa phrase que, sans crier gare, Kardarx la réduisit en cendres d’un simple regard. Habituées à la cruauté sans précédent de leur maître, les créatures réunies dans la pièce se turent.

    – Je n’aime pas que l’on me fasse perdre mon temps, déclara aussitôt Kardarx, sur un ton anormalement calme après ce qui venait de se passer. Bien, vous trois, faites-moi votre rapport. Avez-vous repéré des proies intéressantes à la Surface ?

    – Eh bien, justement, maître, répondit timide-ment la première gargouille. Dans mon secteur, c’est-à-dire, dans les quartiers Ouest de la ville d’Argolis, il va y avoir un rassemblement de jeunes humains. Une fête, je crois... Mais c’est étrange, fit-elle pensive. Ça risque de se terminer en explosion car certains ont appelé ça une boom...

    – Combien de personnes ? Demanda alors Kardarx sans prêter attention à la dernière remarque de la gargouille.

    – Oh, une bonne centaine au moins ! Et que des jeunes humains, en plus !

    – Bien. Je laisse ce quartier à vos bons soins, les vampires, dit-il posément en se tournant vers son ami Nîte.

    – Oh, vous êtes trop généreux maître ! S’exclamèrent alors tous les vampires de la salle, d’un ton enjoué. Merci infiniment ! Ça fait si longtemps que nous n’avons pas eu l’occasion de nous repaître du sang frais de jeunes humains !

    – Continue, observatrice numéro deux. Qu’as-tu à me proposer d’original ?

    – Eh bien, moi, l’enquêtrice des quartiers Est, j’ai remarqué qu’en ces belles nuits d’été, beaucoup de personnes aimaient regarder les étoiles, allongés paisiblement sur leur balcon. Ce serait idéal pour les Drakolirs, qui...

    – Moi seul ici prends les décisions ! Coupa soudain Kardarx en se redressant de sur son trône et en levant un bras menaçant en l’air.

    – Non, pitié, maître ! Supplia la pitoyable créature en se repliant sur elle-même. C’était juste une suggestion ! Même si je sais que vous n’en avez pas besoin ! Vous êtes bien trop intelligent pour écouter les conseils d’une simple gargouille ! Ne me tuez pas ! Je vous en prie !

    – Stupides créatures... Marmonna le seigneur du mal, tout en se rasseyant dans son siège. Et toi, dit-il en s’adressant à la troisième gargouille, qu’as-tu à m’apprendre ?

    – Eh bien, votre seigneurie, vous ne serez pas déçu, dit la vile créature tout en se frottant les mains avec un sourire machiavélique au coin des lèvres. J’ai suivi un homme, tout à fait au hasard, et il m’a conduit tout droit dans un jardin que les humains qualifient de romantique. Et là, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir tout un tas d’hommes et de femmes ensemble ! Des couples de gens, comme ils disent là-haut. Une dizaine au moins !

    – Intéressant, en effet. Et où se trouve ce coin... paradisiaque ?

    – En plein centre de la ville, maître.

    – Bien, je vais m’en occuper moi-même... Les loups-garous, je vous laisse ratisser les campagnes. Tous les autres, trolls, orcs, lutins, nains et gnomes, je vous laisse aller où bon vous semble. A condition que vous me rameniez quelques trophées de votre battue.

    – Bien sûr, maître. Nous n’y manquerons pas !

    – Allez ! Partons à présent ! Approchez tous et tenez-moi la main. Ainsi, nous gagnerons du temps.

    Les créatures, impatientes de partir, se ruèrent toutes autour de leur maître. Les Drakolirs et les loups-garous n’en pouvaient plus de contenir leur transformation tant l’appel de la magie de l’astre lunaire était puissant. Afin de permettre à tous ses valets de se rendre instantanément à la Surface, Kardarx usa de ses pouvoirs télépathiques. Pour ce faire, il empoigna le bras de son vampire favori d’une main, puis celui d’un Drakolir de l’autre. Lorsque enfin, toutes les créatures s’eurent-elles jointes les unes aux autres, le seigneur du mal se concentra, et disparut instantanément de la salle de réunion. Il emmena ainsi toutes ses troupes avec lui, sous les regards ébahis des trois gargouilles restantes. En un court laps de temps qui équivalait à un simple clignement de paupières, Kardarx et toutes ses créatures se retrouvèrent à la Surface de la planète ; Ils se trouvaient précisément sur le toit du plus haut immeuble de la ville d’Argolis. Il y avait là réunis une trentaine de loups-garous, une quarantaine de Drakolirs et de vampires, ainsi que plus d’une centaine de créatures confondues.

    – Allez, amusez-vous bien ! Souhaita le souverain de l’abîme du désespoir.

    Sans perdre une minute de plus, les Drakolirs laissèrent leur fureur les dominer et leur métamorphose s’entamer ; en seulement quelques secondes, de longues ailes poussèrent alors dans leur dos. Leur corps, resté jusqu’ici sous une forme humanoïde ordinaire, grandit à une vitesse fulgurante jusqu’à mesurer trois mètres de longueur. Des écailles se dessinèrent peu à peu sur leur peau, et leur gueule s’allongea vers l’avant, pour finale-ment laisser apparaître une effrayante rangée de dents. A présent entièrement transformés en de véritables dragons féroces, ils se mirent à cracher un puissant jet de flammes, comme pour exprimer leur engouement.  Puis ils s’envolèrent aussitôt après en direction des quartiers Est pour se délecter d’innocents humains qui somnoleraient sur leur terrasse, tel que l’avait suggéré l’intrépide gargouille. Quant aux vampires, ils étaient déjà partis ravager le secteur Ouest de la ville. En effet, ils avaient l’intention d’y déceler cette fameuse réunion d’humains où du sang riche et frais les y attendait. La transformation des loups-garous, en revanche, prenait plus de temps que celle des Drakolirs. Car il leur fallait fixer intensément la lune durant quelques minutes, jusqu’à ce que leur corps grandisse et se recouvre totalement de poils ; signe que leur métamorphose avait bel et bien réussi.

    Kardarx avait finalement laissé le champ libre aux restes des créatures. A condition que celles-ci ne sortent pas de la zone choisie cette nuit-là, c’est-à-dire Argolis et ses abords. Ainsi, Orcs et trolls étaient partis déambuler au gré du hasard dans les rues de la ville. Tandis que gnomes, nains et lutins, s’étaient ralliés pour aller s’introduire dans quelques maisons isolées dans le but de faire d’ignobles farces à leurs habitants. Mais maître Kardarx, dans son incommensurable cruauté, s’était réservé le centre ville. Là-bas, il espérait se divertir avec les couples d’humains amoureux qui s’y trouveraient, en leur brisant le cœur au sens propre du terme.

    S’assurant que tous ses sujets étaient partis, Kardarx sourit diaboliquement, et s’envola à vive allure vers le but qu’il s’était fixé. En l’espace de quelques secondes, il se retrouva au dessus du fameux jardin supposé romantique dont avait parlé la gargouille. Comme cette dernière en avait informé son maître, il y avait effectivement une dizaine de couples d’humains qui s’adonnaient à se prouver mutuellement leur amour par de belles paroles ou de torrides baisers. Kardarx sourit ; il venait de choisir sa proie en la personne d’un jeune humain blond qui, à genoux devant sa dulcinée, s’apprêtait à la demander en mariage. En proie à l’excitation, Kardarx fonça tête première vers les deux jeunes gens, un sourire diabolique aux lèvres. La jeune femme fut la première à le voir et hurla de frayeur. Son amant, surpris par le comportement de sa fiancée, se retourna vivement. Il aperçut alors le monstre sanguinaire qui arrivait sur eux...

    Les cris de détresse des deux jeunes gens résonnèrent dans le parc tout entier. En entendant cela, les quelques amoureux présents alentours s’enfuirent, paniqués. Grand nombre d’eux parvinrent ainsi à échapper au terrible sort qui les attendait. A l’exception de deux ou trois curieux, plus courageux que les autres, qui s’étaient avancés en direction des cris dans le but de savoir ce qui se tramait. Chose qu’ils avaient dû vite regretter...

    – Voilà qui est parfait, dit Kardarx, une fois sa besogne terminée. Je me sens déjà beaucoup mieux. Bien. Voyons s’il reste des humains dans les parages, à présent...

    A ces mots, il se remit à léviter quelques centimètres à peine au dessus du sol, dans le but d’être davantage discret cette fois. Avec rapidité, il inspecta les moindres recoins du jardin public. Mais il n’y avait plus personne ; le parc était vide.

    – Maudits humains ! Maugréa notre sombre seigneur, rageur. La prochaine fois, je commencerai par leur arracher la gorge ! Ainsi, ils ne pourront plus crier pour prévenir leurs semblables !

    Ne se laissant pas décourager pour autant, Kardarx prit la décision de sortir de ce secteur afin de partir à la recherche de nouvelles proies qui vagabonderaient non loin de là. Il sortit du jardin et se retrouva rapidement au milieu des bâtiments grisonnants qui composaient la ville d’Argolis. Il n’eut pas à attendre très longtemps avant d’apercevoir une nouvelle victime en contre bas : un homme qui zigzaguait dans une ruelle sombre et déserte, sans doute étourdi par l’influence de l’alcool. Sans perdre une minute, le souverain du mal se précipita sur lui. Et, comme il l’avait fait pour ses deux précédentes victimes, il se dressa fièrement devant lui, l’empêchant ainsi de conti-nuer sa route. L’ivrogne, surpris, s’arrêta, et chancela de droite à gauche en dévisageant Kardarx d’un air intrigué.

    – Qu’est ce que vous me voulez, vous, là...? Bredouilla-t-il avec difficulté, un œil mi-refermé.

    – Tu as de la chance d’être saoul, dit Kardarx. De ce fait, tu sentiras moins la douleur que je vais t’infliger.

    L’homme regarda le monstre qui se trouvait devant lui d’un air hébété. Il ne paraissait même pas effrayé ! Puis, contre toute attente, il se mit à éclater de rire. Vexé, Kardarx rumina et bouscula violemment l’ivrogne. Celui-ci chuta lourdement sur le sol. La douleur que lui fit ressentir alors son postérieur l’aida à recouvrer ses esprits. Lorsqu’il découvrit la créature qui venait de l’attaquer avec de nouveaux yeux, il ne put s’empêcher de crier, avant de tenter de s’enfuir. Notre terrible monstre prit enfin plaisir à le torturer ; en effet, il aimait que ses victimes frissonnent en l’apercevant. Sur le mur d’en face, se mit à danser l’ombre de sa proie qui luttait pour se débattre. Un chat bondit hors d’une poubelle en criant, affolé. Puis, ce fut le silence ; Kardarx venait de faire une victime de plus...

    Le seigneur des abîmes continua ses atrocités jusqu’à ce que le ciel dévoile les premières lueurs du jour. Satisfait de sa ronde de nuit, il décida de rentrer dans son palais se reposer, en volant placidement dans les airs, afin de profiter pleinement de la fraîcheur nocturne qui lui fouettait le visage.

    ––––––––

    Lorsque Kardarx regagna son manoir, il cons-tata que tous ses sujets étaient déjà rentrés. En effet, ceux-ci l’attendaient dans la salle de réunion depuis plusieurs heures : ils étaient impatients de rapporter à leur maître les exploits qu’ils avaient accomplis durant la nuit. Nîte, le regard triomphant, fut le premier à s’avancer, à peine Kardarx les eut rejoint :

    – Maître ! Regardez comme la couleur de notre teint est éclatante ! Dit-il.

    – En effet, je vois que vous vous êtes nourris sans retenue, toi et tes semblables, déclara le seigneur des abîmes.

    – Maître, intervint alors un Drakolir qui avait repris sa forme originelle. Nous vous avons rapporté de nombreux trophées, comme vous le souhaitiez ! Nous vous les avons déposés dans votre salle de loisirs !

    – Bien. Excellent ! Je suis content de vous ! Félicita Kardarx. Vous avez fait du très bon travail ! Quant à vous, dit-il en se tournant vers les loups-garous, à en juger par le sang qui dégouline encore de votre bouche, j’en conclue que vous n’avez pas pu vous empêcher de dévorer tout être vivant qui a croisé votre route ! Sans même penser à l’appétit de votre maître !

    (Les loups-garous, eux aussi redevenus humains, baissèrent la tête, confus.)

    Bon. Ça ira pour cette fois, dit finalement Kardarx, rarement aussi indulgent. Je suis tout de même content de la chasse de cette nuit. Moi-même, je me suis plus diverti que jamais ! Allez, dit-il ensuite tout en pivotant sur lui-même, tournant ainsi le dos à ses sujets. Je m’en vais me reposer dans ma chambre. Vampires et autres créatures de l’abîme, je vous autorise à faire de même, et à retourner sommeiller dans vos cryptes et vos antres.

    Kardarx quitta la salle de réunion et emprunta de nouveau le long corridor qui menait à la tour. Mais il bifurqua sur sa gauche avant d’atteindre celle-ci, faisant ainsi face à un mur d’apparence ordinaire. Puis, il empoigna l’une des torches qui y étaient accrochées et l’abaissa. C’est alors que, dans un bruit de mécanisme grondant, une portion de mur coulissa sur le côté pour libérer un passage. Après avoir gravi cinq petites marches de marbre, Kardarx se retrouva devant la porte de bronze qui avait pour mission de garder sa chambre royale solidement fermée. En effet, une statue représentant le cerbère, chien à deux têtes[*] gardien des enfers, y était façonnée en relief. De leur air menaçant, les deux têtes n’attendaient qu’un ordre de la part de leur maître pour s’ouvrir. Le seigneur du mal prononça alors quelques paroles dans un dialecte ancien et inconnu. Aussitôt, chacune des faces de la statue entrouvrit lentement ses yeux jusqu’ici fermés. Les deux battants de la porte s’écartèrent alors, séparant ainsi les deux têtes l’une de l’autre. Flegmatiquement, Kardarx entra, et la porte se referma aussitôt après son passage.

    Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, la chambre royale était de taille moyenne. Les murs étaient nus et gris, et ne comportaient aucune fenêtre ; ce qui rendait la pièce aussi sombre et ténébreuse que l’âme de son propriétaire. Seul un grand lit de velours bleu nuit, en baldaquin, était placé au centre de la pièce. Epuisé par ses activités de la nuit, le seigneur du mal alla directement s’y allonger, et s’endormit instantanément.

    2 . Première transformation

    ––––––––

    – Kardarx... Lève-toi...

    Réveillé par cette voix mystérieuse qui résonnait curieusement dans sa tête, Kardarx se redressa d’un bond. Il regarda tout autour de lui et constata, à sa grande stupeur, qu’il ne se trouvait plus dans sa chambre ; un étrange espace vide et blanc avait pris la place de cette dernière. C’est alors qu’il vit les deux créatures extraordinaires qui se trouvaient devant lui.

    – Qui êtes-vous pour oser venir vous introduire dans mon manoir ?! Hurla notre sombre seigneur, rageur. Savez-vous au moins qui je suis ?!

    – Silence ! Coupèrent aussitôt ses interlocutrices. Tu es allé trop loin, cette fois... Tu as commis trop de péchés et tu vas payer pour ça...

    – Pfeuuu ! Fit Kardarx en les dévisageant de haut en bas.

    Les deux créatures avaient une apparence humanoïde, mais étaient toutes deux très grandes et très minces ; et leur peau dénudée était grise. Elles avaient toutes les deux de grands yeux noirs pleins au regard profond et sage, mais n’avaient en revanche ni nez, ni oreilles. De leur fine bouche à peine visible, elles parlaient toutes deux simultanément, d’une voix douce et légèrement vacillante, agençant chacune de leurs paroles en une parfaite harmonie.

    – Payer... Moi ?! Ha ! Fit Kardarx outré. Visiblement, vous ne savez pas à qui vous avez affaire ! Et vous commencez d’ailleurs à m’énerver !

    A ces mots, il tenta de se ruer vers les intrus dans un élan de fureur. Mais contre toute attente, il ne parvint pas à bouger le moindre de ses membres : il était paralysé !

    – Par le diable ! Jura-t-il, fortement contrarié.

    – C’est toi qui ne sais pas devant qui tu as l’honneur de te trouver... Reprirent les créatures. Car tu es bien loin de savoir qui nous sommes, en réalité...

    – Ha oui ? Fit Kardarx d’un air désinvolte. Eh bien, dîtes-le moi... Nous verrons bien...

    – Nous sommes les créateurs de ce monde, révélèrent-elles enfin. Tes véritables dieux... Nous sommes les dirigeants suprêmes, au dessus même du rang de vos propres dieux... C’est nous qui avons créé tous les êtres vivants de cette planète... Humains, monstres, et toi y compris... Nous avons même été jusqu’à produire des légendes afin d’expliquer votre venue à tous...

    – Pfeuu ! C’est absurde ! Personne ne m’a créé ! Objecta aussitôt Kardarx.

    – Bien sûr que si... Et nous ne t’avons pas créé par hasard, toi et tes semblables de l’abîme... Chacun d’entre vous a été conçu pour exécuter un rôle bien précis...

    – Je n’ai aucun rôle ni aucune mission à remplir pour qui que ce soit ! Et je n’ai d’ordre à recevoir de personne, d’ailleurs ! Sachez-le ! Rétorqua alors Kardarx tout en tentant désespérément de se libérer de l’emprise que les créatures continuaient d’exercer sur lui.

    – Pourtant si. C’est bel et bien le cas... Insistèrent posément ses interlocuteurs. Vous, créatures et monstres de l’abîme souterraine, avez été créés afin de résoudre un problème de surpopulation à la Surface. Car si tous les humains et les Elfes mouraient d’une mort naturelle, autrement dit, de vieillesse, ce serait un véritable souci ; étant donné leur durée de vie qui est de cent ans pour les humains, et de deux cent ans pour les Elfes. S’il n’y avait jamais aucun accident, ni aucun meurtre, il y aurait trop de monde à la Surface. Et ces personnes auraient grande difficulté à cohabiter. C’est pourquoi, vous êtes là pour rétablir cet équilibre, vous, monstres emplis de cruauté. Pour occire une certaine quantité de personnes par période régulière, expliquèrent-elles on ne peut plus clairement.

    (Kardarx resta sans voix, abasourdi par ce qu’il venait d’entendre.)

    C’est la chaîne de la vie, reprirent-elles aussitôt après. Les plantes sont mangées par les herbivores ; ceux-ci sont à leur tour tués par des carnassiers, tandis que ces animaux sont mangés par les humains et les Elfes. Et c’est vous, créatures de l’abîme, qui vous chargez de ces derniers.

    – Vous n’êtes donc pas si pacifistes que ça, alors... Dit finalement Kardarx d’un air intéressé ; celui-ci commençant presque par ressentir de la sympathie pour les créatures.

    – Si, nous le sommes, répliquèrent ces dernières. Dans tout bien, il y a du mal : nous sommes obligés de faire cela pour le bonheur et la sérénité de notre peuple.

    – Je dois avouer que, malgré son véritable but, ce plan là me plaît bien tout de même... déclara alors Kardarx avec un sourire machiavélique.

    – Nous n’en doutons pas une minute. Mais toi, tu as enfreint cette règle. Votre but est de tuer simplement des gens. La plupart de tes sujets tuent d’ailleurs pour se nourrir ; et même si certains d’entre eux, pourtant, y voient un véritable loisir, ils ne s’emploient pas à jouer avec leurs victimes comme tu le fais toi-même. Ils les exécutent sans attendre. Toi, enchaînèrent-elles aussitôt en plissant les yeux d’un air mécontent, non seulement tu exaltes à l’idée de faire souffrir tes victimes, mais parfois même, tu vas jusqu’à les blesser sans les tuer, pour ensuite les condamner à vivre avec les souffrances que tu leur as imposé ! Tu n’entres donc plus dans notre programme. Tu n’en fais qu’à ta tête et ne nous sers pas véritablement, en ce qui concerne ce que nous avions prévu.

    – Je vous répète que je ne vous dois rien, et continuerai de toute manière à faire comme bon me semble ! Déclara Kardarx avec affirmation.

    – A ta guise... Seulement, pour te punir, nous allons te faire connaître ce qu’est la véritable souffrance... Le genre de souffrance que même tes victimes futures et passées ne connaîtront jamais...

    – Ha Ha ! C’est ridicule ! Ricana-t-il insouciant. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire ! Sachez que moi, le grand Kardarx, ne connaît pas la souffrance !

    – C’est ce que tu crois... Car c’est d’une souffrance intérieure dont nous te parlons. Nous allons faire en sorte de te donner une conscience, afin que le remord t’accable... Pour cela, nous allons te transformer en un adorable petit Elfe, dont le cœur sera empli de gentillesse et de compassion. Mais la transformation ne sera effective que le jour. La nuit, tu redeviendras toi-même, et tu oublieras ce qui se sera passé durant la journée. De ce fait, la nuit, tu pourras continuer de commettre tes horribles crimes à ta guise, si cela te chante. Seulement, lorsque le jour aura de nouveau fait son apparition, et que tu te seras changé en Elfe, tu seras rongé par les regrets et la culpabilité. Et, de plus, ton corps sera blessé en conséquence des coups que tu auras pu infliger à tes victimes, la nuit passée.

    – C’est ridicule ! Jamais je ne ressentirai de remords ! Objecta catégoriquement Kardarx, sûr de lui. Jamais ! Vous entendez ?!

    – Bien. Nous voyons qu’il est inutile de discuter avec un monstre tel que toi. Le jour va bientôt se lever ; tu vas pouvoir te transformer...

    A ces mots, les deux créatures prononcèrent quelque formule au ton harmonieux. Instantanément, les six sens de Kardarx furent paralysés : le seigneur du mal n’était déjà plus en mesure de parler ni de comprendre ce qui était en train de se passer. C’est alors que son corps se souleva lentement du sol, et commença sa métamorphose : sa pilosité se minimisa jusqu’à laisser apparaître une peau jeune et rosâtre ; son imposante carrure se transformant peu à peu en un petit corps frêle âgé d’une douzaine d’années. Son regard perdit de sa noirceur et de sa cruauté, et de grands yeux expressifs violets prirent place pour venir confirmer la bonté de son nouveau cœur. Ensuite, non commun à la race des Elfes, les créatures divines le dotèrent de deux grandes oreilles semblables à celles des lapins, qui retombaient sur elles-mêmes au dessus de son crâne ; ceci afin de lui imposer le rejet et l’indifférence de ses nouveaux congénères. Malgré cette étonnante transformation, sa chevelure garda néanmoins sa même longueur, et devint simplement rose. Seul détail qui le reliait à son corps d’origine : sa longue mèche de couleur bleu azur, qui recouvrait toujours le dessus de ses cheveux pour se terminer jusque sur son dos.

    Pour dissimuler la nudité du petit Elfe à présent dépourvu de tout poil, les créatures pensèrent égale-ment à l’habiller : elles le revêtirent d’une tunique verte et lui fournirent également deux chaussons de tissu de la même couleur.

    – Mais... Je suis devenu un Elfe ? Dit alors notre héros, d’une voix jeune et innocente. C’était donc vrai...

    – Désormais, le jour, tu te prénommeras Kimino. Tu n’auras point besoin de te nourrir pour survivre. Et tu ne devras révéler à personne qui tu es en réalité, car cela risquerait de compromettre nos plans si ça se savait. Aussi, nous veillerons personnellement à ce que cela ne se produise jamais, menacèrent les créatures d’un ton ferme et assuré.

    (Notre petit Elfe baissa les yeux, intimidé par l’autorité dont faisaient preuve ses deux interlocutrices.)

    A présent que ton cœur est empli d’amour et de compassion, va, reprirent-elles sur un ton redevenu serein. Rejoins la Surface et profite du soleil rayonnant pour réparer tes fautes de la nuit.

    Sur cette dernière phrase quelque peu énigmatique, les deux créatures disparurent instantanément. La luminosité intense qui illuminait la pièce disparut également et laissa réapparaître peu à peu la chambre royale du manoir. Brusquement, Kimino ressentit une immense douleur au niveau de son cœur. Et sa gorge se mit également à le brûler fortement, aussitôt après. Puis ce fut au tour de son bras droit ainsi qu’à l’une de ses jambes de le faire souffrir ensuite.

    – Ha ! Mais... qu’est-ce qui m’arrive... ?! Fit-il déconcerté. Mais... je saigne !

    Ce que lui avait révélé les créatures sur les souffrances qu’il allait ressentir, se révéla être exact. En voyant ses plaies ruisselantes de sang sur son bras et sur sa jambe, Kimino se souvint de l’ivrogne de la nuit passée qu’il avait torturé et martyrisé. A cette pensée, un sentiment nouveau envahit son cœur : c’était comme si un poids énorme venait d’écraser sa poitrine. Ce sentiment intense était sans aucun doute ce que les humains appelaient la culpabilité.

    Kimino ne put davantage contenir ses émotions et éclata en sanglots. Malgré le fait qu’il ne comprenait pas lui-même comment de l’eau parvenait à sortir ainsi de ses yeux, il reconnaissait tout de même que ces pleurs soulageaient grandement sa conscience. Mais il n’eut pas le temps de se morfondre sur son sort plus longtemps, car il entendit soudain des pas approcher derrière la porte.

    – Maître ! S’écria alors une petite voix nasillarde. J’ai entendu de curieux bruits. Il y a quelqu’un avec vous ?

    Kimino reconnut aussitôt cette voix : il s’agissait de Niack, le petit gnome gardien de jour, chargé de surveiller les couloirs du manoir pendant que le maître des lieux se reposait. Notre jeune héros, désemparé, ne répondit rien, et chercha brièvement un endroit où se cacher.

    – Maître ? Vous êtes là ? Insista le petit gnome, visiblement inquiet. Je m’étonne que vous ne répondiez pas... Ce n’est pas normal. Je vous préviens, je vais entrer pour vérifier que tout va bien !

    Entendant cela, Kimino eut soudain l’idée de se jeter sur le lit et de se recouvrir entièrement de la couette ; tout en prenant soin, néanmoins, de laisser astucieusement ressortir sa longue mèche bleu azur à l’extérieur, afin de faire croire à Niack que Kardarx dormait paisiblement. Il était temps, car, l’instant d’après, le gnome gardien ouvrait la porte ; celui-ci était l’un des rares sujets du palais à connaître le mécanisme secret qui ouvrait la chambre royale.

    Kimino cessa de respirer, priant de tout cœur que sa ruse fonctionne et qu’il ne soit pas découvert. Pour la première fois de sa vie, il connaissait la peur.

    – Oh ! Pardon maître, je ne voulais surtout pas vous déranger durant votre sommeil ! S’excusa aussitôt Niack, confus. Je suis rassuré, maître ! Je me retire !

    Kimino remua alors légèrement sous la couette tout en marmonnant quelques grognements. Comme il le pensait, Niack craignit que son ténébreux maître ne se réveille subitement, et précipita ainsi sa retraite. Lorsqu’il entendit la porte se refermer aussitôt après, notre petit Elfe sauta du lit, soulagé.

    Il ne pouvait pas rester une minute de plus dans ce manoir, car tôt ou tard, il serait démasqué. Ses sujets se rueraient sans doute sur lui avant même qu’il n’ait le temps de leur expliquer la situation. Il lui fallait trouver un moyen de s’enfuir au plus vite. Bien évidemment, il avait perdu tous ses pouvoirs, et ne pouvait plus se téléporter ; ce qui aurait grandement facilité les choses pour rejoindre la Surface, pourtant. Il n’avait donc pas le choix : il allait devoir utiliser l’un des nombreux tunnels qu’utilisaient traditionnellement les autres créatures.

    Après avoir longuement réfléchi sur la manière de quitter les lieux, Kimino ne vit aucune autre escapade possible que l’entrée principale. Il s’approcha de la porte de la chambre avec prudence et y accola son oreille : il n’y avait plus aucun bruit dehors ; Niack avait dû repartir faire sa ronde de nuit vers les pièces voisines. Rassuré, il ouvrit la porte, et descendit les cinq marches qui le ramenaient à la porte secrète murale. Ses nouveaux yeux n’étant pas habitués à la noirceur de l’étroit corridor, Kimino dut avancer à tâtons. De mémoire seulement, il parvint à trouver puis à enfoncer la pierre factice qui permettait d’ouvrir le passage de ce côté-là du mur. Priant pour que le bruit grondant de l’ouverture n’alerte aucun garde, Kimino sortit anxieusement du petit tunnel. Il se retrouva ainsi dans le long couloir qui traversait le manoir de parts en parts. Celui-ci se présentait en réalité comme une longue mezzanine, où des balustres de pierre blanche servaient de rampe au corridor, et longeait le hall d’entrée tel une terrasse en surélévation.

    Notre petit Elfe s’assura rapidement qu’il n’y avait personne dans les parages, puis s’empressa de rejoindre le grand escalier de marbre qui descendait droit vers la porte principale. Par chance, le jour s’était levé depuis plusieurs heures déjà à la Surface, et la grande majorité des monstres qui peuplaient l’abîme devaient dormir à poings fermés. Ainsi, personne ne surveillait le hall principal, et notre petit Elfe put se précipiter sans encombre vers l’immense porte de bois qui le séparait de la sortie. Mais soudain, l’horloge qui décorait le hall le fit sursauter en sonnant neufs coups sourds et réguliers. Kimino tressaillit en voyant le petit squelette d’oiseau sortir à chacun des coups carillonnés. L’horloge lui paraissait à présent effrayante. Positionnée dans un recoin de la pièce, celle-ci était directement façonnée dans une statue d’argile représentant une gigantesque gargouille. Cette dernière se tenait droite sur ses pattes, et ses entrailles ouvertes laissaient entrevoir le gong balançant, également fait de pierre, qui n’était autre que son cœur. Quant à l’oiseau, qui ne faisait qu’entrer et sortir sans interruption jusqu’à ce que l’horloge ait terminé ses gongs, il émergeait directement du front de la gargouille.

    Kimino s’apprêtait à sortir du manoir. Mais au moment même où il posait ses mains sur la lourde porte d’entrée, un grognement caverneux le fit brusquement sursauter. Pétrifié par la peur, notre petit Elfe entendit résonner un à un les cliquetis de griffes contre le parterre de marbre, qui se rapprochaient lentement derrière lui. Il se retourna vivement, terrifié.

    – Ba... Balectra... Balbutia-t-il, peu rassuré à la vue de la panthère. C’est... C’est toi ?

    A ces mots, le regard de l’animal changea aussitôt d’expression. Surprise d’entendre prononcer son nom, la panthère au noir de jais remua ses oreilles, intriguée. Mais elle se remit finalement à grogner d’un air plus menaçant encore, aussitôt après. Le petit Elfe n’avait pas du tout prévu de croiser le chemin de son fidèle animal de compagnie. Pour la première fois, il voyait celle-ci comme un dangereux prédateur, et non plus comme la douce féline qu’il appréciait tant d’ordinaire. La panthère, quant à elle, ne sembla pas reconnaître son maître. Car elle continuait d’avancer pas à pas vers sa victime, en affichant un regard satisfait et déterminé. Kimino fut forcé de reculer, jusqu’à se retrouver le dos plaqué contre la porte.

    – Gentille... Tenta-t-il de l’apaiser. Euh... C’est moi, ton maître... Tu ne me reconnais pas ?

    Ces quelques mots prononcés dans le but de calmer le fauve ne fit qu’accroître sa rage au contraire ; l’animal n’étant pas habitué à ce genre de paroles dociles. C’est alors que, sans crier gare, Balectra bondit en avant en rugissant. Notre jeune héros eut tout juste le temps de s’écarter. La panthère rebondit agilement sur la porte et retomba lentement sur ses pattes quelques mètres plus loin, se préparant à une nouvelle attaque. Kimino n’attendit pas un nouvel assaut de sa part et s’enfuit à toutes jambes vers l’aile Ouest du manoir, en direction des cuisines. Balectra partit immédiatement à sa poursuite. Le petit Elfe atteignit rapidement son but, ouvrit la porte, et la referma aussitôt derrière lui. Il entendit alors la panthère buter violemment contre cette dernière et proférer des grognements agressifs, semblables à des jurons humains. Notre héros, soulagé, souffla puis laissa glisser son dos le long de la porte jusqu’à s’asseoir par terre. Curieusement, il n’entendait plus rien ; la panthère avait certainement dû abandonner sa traque et repartir d’où elle était venue. Mais soudain, il crut ouïr un petit couinement, suivi du bruit d’un fourmillement de plusieurs petites pattes qui semblait provenir d’un recoin du mur de la pièce. Inquiété, Kimino tendit l’oreille et suivit machinalement le bruit du regard. Un petit rongeur sortit soudain par une faille ébréchée dans le mur et se précipita alors vers notre petit Elfe.

    – Tiens... Un rat ? Fit-il surpris. Quel drôle de... Bon sang ! S’exclama-t-il aussitôt après.

    Il venait de se souvenir du fantastique pouvoir de métamorphose que possédait sa fidèle panthère. Comment avait-il pu l’oublier ? Paniqué, il se releva d’un bond. Le rat se transforma aussitôt en le grand et ténébreux félin qu’il était en réalité. Kimino crut alors discerner une sorte de sourire machiavélique au coin de la gueule de l’animal. Ce dernier avança lentement, comme certain de sa victoire, faisant vicieusement résonner de nouveau ses griffes acérées contre le sol. Soudain, la panthère bondit. Kimino esquiva encore une fois, mais ne put éviter l’une des griffes de la féline qui lui érafla l’épaule au passage. N’ayant pas le temps de s’apitoyer sur son sort, le petit Elfe grimpa sur l’établi de métal qui longeait les abords de la cuisine. Balectra le suivit en contrebas puis sauta à son tour sur le mobilier. Voyant cela, Kimino s’empara d’un des longs couteaux pointus et encore sanglants suspendus au mur.

    – N’avance pas ! Menaça-t-il alors, tremblant. Sinon... Sinon je te tuerai ! Bredouilla-t-il hésitant, feignant l’assurance.

    Mais la panthère, sentant bien que le petit Elfe était bien trop innocent pour avoir le courage de s’attaquer à elle, continua d’avancer. Kimino recula. Ce couteau qu’il avait en main le rassurait, certes, mais il savait pourtant qu’il n’oserait jamais tuer quelqu’un avec ; d’autant plus si ce quelqu’un s’avérait être un aussi bel animal que cette panthère. Mais comment alors pouvait-il faire pour s’échapper de cette prédatrice affamée ? Il ne pourrait pas non plus l’enfermer dans un endroit clos, puisqu’elle parviendrait de toute manière à en réchapper grâce à sa métamorphose.

    – Ah ! Peut-être que... S’exclama-t-il soudain en repérant la porte hermétique du réfrigérateur.

    A ces mots, il partit en courant en direction de ce dernier. Comme il l’avait prévu, la panthère, emporté par son instinct de tueur, le suivit aussitôt sans réfléchir. Tout en agitant nerveusement son couteau d’un bras dans l’intention de tenir Balectra éloigné, de l’autre, il ouvrit la lourde porte du réfrigérateur, et se rua à l’intérieur d’un bond. Naïvement, la panthère le suivit. La pièce réfrigérante étant assez grande pour contenir une dizaine de personnes au moins ; Kimino put ainsi aisément courir le long des parois gelées dans le but d’attirer son agresseur dans le traquenard qu’il venait de planifier. Lorsque enfin, la féline se retrouva au fond de la pièce close, et que notre jeune héros, lui, fut prêt de la porte, il saisit l’opportunité et agit : sans perdre une minute, il lança son couteau vers elle pour déstabiliser son élan, puis sortit du réfrigérateur aussitôt après, et referma la porte hermétique. Il avait gagné la bataille ; enfermée comme elle l’était, Balectra ne l’ennuierait plus. Victorieux, le petit Elfe resta un long moment immobile afin de reprendre son souffle. Il entendit la panthère s’agiter nerveusement à l’intérieur du réfrigérateur, avant que le même silence que la fois précédente prenne place à nouveau. Il reconnut alors le bruit des fourmillements de pattes que faisaient le rat en essayant certainement de longer les parois gelées dans le but de déceler une nouvelle faille pour s’enfuir ; mais en vain, car quelques minutes après, de nouveaux grognements, accompagnés cette fois-ci de violents coups de griffes contre la porte, résonnèrent dans la cuisine toute entière. Rassuré et pas peu fier de cet exploit, Kimino sourit.

    – Bon, il me faut sortir d’ici, à présent, dit-il déterminé.

    Toujours avec prudence, il sortit de la cuisine, espérant de tout cœur que le remue-ménage qu’ils avaient créé, lui et la panthère, n’auraient réveillé personne. Mais il n’en était rien. Sans s’en rendre compte, ils avaient fait un tel vacarme que toute une troupe de gardes s’agitaient dans le palais tout entier.

    – Là ! Hurla soudain l’un des gnomes gardiens en désignant du doigt notre petit Elfe, à peine fut-il sorti de la cuisine. Emparons-nous de lui !

    Ne perdant pas une minute, Kimino fonça à toutes jambes vers la porte d’entrée, qui, par chance, n’était pas encore gardée. Une lance de fer vint brusquement se planter dans le bois, à quelques centimètres seulement de sa tête. Mais ne se démontant pas pour autant, le petit Elfe réussit à ouvrir la porte et à se faufiler rapidement de l’autre côté, à l’extérieur du manoir. Sans perdre de temps, il s’enfuit en courant. Mais une idée lui traversa subitement l’esprit et le fit stopper net : user de la ruse serait la meilleure façon de se débarrasser de ses poursuivants. Rapidement, il déchira un bout de tissu de sa tunique, et la jeta au loin. Puis, il partit dans la direction opposée, et suivit pendant plusieurs minutes le mur extérieur du manoir, jusqu’à se retrouver à l’arrière de celui-ci. Il y resta caché silencieusement, et écouta les lointains murmures et va-et-vient des gardes.

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