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L'Honneur des Morts vol 1: La Guerre des Hommes - Partie 2
L'Honneur des Morts vol 1: La Guerre des Hommes - Partie 2
L'Honneur des Morts vol 1: La Guerre des Hommes - Partie 2
Ebook265 pages4 hours

L'Honneur des Morts vol 1: La Guerre des Hommes - Partie 2

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About this ebook

1536, le désert du Sahara est un champ de bataille d’une violence indicible. Sur plusieurs fronts, Peuls rouges, Mandenka et Touaregs, tous de farouches animistes, combattent pour l’honneur, la liberté des leurs et contre l’anéantissement. Ils ont face à eux, la horde des zélés musulmans également peuls, touaregs et mandenka.

Ces fidèles serviteurs d’Allah sont conduits et commandés par d’intraitables Maures et Arabes, pour lesquels le jihad n’a qu’une seule signification : la mort, l’esclavage et la conversion des peuples jugés infidèles.

Dans un style narratif qui lui est propre, Musinga Mwa Tiki signe un chef-d’œuvre littéraire et s’offre le luxe de classer La Guerre des Hommes sur plusieurs registres : il est à la fois roman historique, roman fantastique et roman de science-fiction.
En 1536, les Amargal, ou extraterrestres, atterrissent dans le désert du Sahara et mêlent leur technologie avancée à celle, rudimentaire, des belligérants terriens. Action, aventure, découverte et montée d’adrénaline sont au rendez-vous pour le lecteur.

LanguageFrançais
PublisherEKIMA MEDIA
Release dateMay 1, 2018
L'Honneur des Morts vol 1: La Guerre des Hommes - Partie 2
Author

Musinga Mwa Tiki

Musinga Mwa Tiki est originaire du Cameroun. De son vrai nom Cécile Marie Noël Moussinga Tiki, elle écrit depuis ses 18 ans. Sensible au devenir de l’Humanité en général et de l'Afrique en particulier, l’auteur, docteur en histoire contemporaine, répond, comme bien d’autres avant elle par l’Écriture. Cette thérapie du mot lui a permis d’affronter les situations les plus dramatiques de sa vie. De cette envie de dire, naît d’abord C.M Istasse-Moussinga, ensuite Marie No M, patronymes sous lesquels, elle signe deux de ses œuvres. En 1999, sous le premier nom, elle publie Aïna ou la Force de l'Espérance. En 2008, elle fonde l’association AmmaWouli, ayant entre autres attributions, celle de maison d’édition. Cette dernière publie la même année son deuxième roman, sous le nom de Marie No M : À l’Ombre des Anacardiers : la malédiction de Thaliba ; Vol. 1. En 2012, Musinga Mwa Tiki dresse l’inventaire de ses écrits : romans, essais, pièces de théâtre, manuels. Elle totalise alors plus de 20 manuscrits, qu’elle décide de réécrire et de publier. En 2017, après 5 ans de travaux et de recherches pluridisciplinaires, elle s’entoure d’une équipe cosmopolite de collaborateurs et crée Ekima Media, société d’édition, de production, de promotion, et de distribution de ses œuvres.

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    Book preview

    L'Honneur des Morts vol 1 - Musinga Mwa Tiki

    Seconde Partie

    Chapitre 1

    – Dobanka !

    – Rabona !

    – Pourquoi t’ai-je de nouveau retrouvé ici ? J’ai voué ma vie à détruire tes croyances ridicules ! J’ai érigé la Science comme la seule mesure de la connaissance. J’ai repoussé les limites de l’intelligence humaine aux confins des multivers. J’ai démontré que notre cerveau n’était même pas capable d’embrasser la multitude des systèmes stellaires, des galaxies bien visibles qui existent ! Et j’ai juré qu’avec autant de choses à découvrir, tu n’avais nul besoin de croire en une autre vie après la mort de ce tas de matière qui te sert de corps ! Alors, explique-moi !

    – Ah ! Rabona ! Je ne sais plus quoi t’opposer comme raisonnement ! Tu m’as entraîné dans ta croyance à ne croire en rien si ce n’est ce qui est visible, palpable et compréhensible ! J’ai dit qu’on m’incinère afin que rien ne puisse exister de mon corps !

    – Malheureux ! En voilà une idée ! La décomposition par putréfaction est la meilleure solution pour que l’énergie du corps se décompose et qu’il n’en reste plus rien ! Après la mort du corps, il n’y a rien qui subsiste !

    – Rabona, tu me l’as dit. Je t’ai cru. J’ai brûlé mes livres saints. J’ai voué Dieu et les dieux aux gémonies. J’ai traité de ridicules et d’attardés tous les croyants, tous les traditionalistes. Souviens-toi ! Ensemble, nous avons démontré qu’à notre siècle, il n’était plus raisonnable de croire qu’il y a un grand barbu grognon et bougon qui distribue inlassablement des tickets pour l’enfer ou le paradis. Souviens-toi ! Ensemble, nous avons assisté au triomphe de la Science, de ses avancées, de ses découvertes ! Nous avons vécu plus de 300 ans toi et moi. Nous avons profité de toute la technologie sans nous soucier de dieu, de ses morales, de ses règles ! Alors, dis-moi, double Rumtukum ! Pourquoi toi et moi sommes-nous encore conscients après avoir vécu le progrès triomphant où les croyants sont traités comme des malades mentaux, des bipolaires et des hallucinés ?

    – Minute ! Minute ! Dobanka ! Nous sommes-nous trompés dans la formulation de la répartition énergétique ? Reprenons-la, veux-tu ?

    – Quelle formulation ?

    – Triple Rumtukum ! Eyah Kanbala !

    – Ce n’est pas en alignant des mots grossiers que tu m’expliqueras pourquoi toi et moi, morts en croyant que la vie s’arrête après la Mort, sommes encore ici !

    – Voilà, l’abominable ennui ! Aucun mort n’est jamais revenu pour confirmer cette thèse !

    – Laquelle de thèse, Dobanka ? Qu’après la mort il n’y a plus rien ?

    – Non ! Kanbala ! Montre-toi intelligent ! Il y a donc une très infime partie de l’énergie produite par le corps qui subsiste après sa décomposition ? Sont-ce des émanations ? Des gaz ? Mais ceux-ci se décomposent également ! Mais alors, que reste-t-il ? Est-ce l’air invisible, mais que nous pouvons ressentir ? Qu’est-ce qui reste ? Sommes-nous ce résidu conscient, mais incapable de se manifester de manière visible ? Et où vivons-nous ? Où sommes-nous, Rabona ? Et même ! Pourquoi serais-tu Rabona ?

    – Qu’en sais-je ? Si je ne suis pas Rabona, pourquoi toi tu serais Dobanka ? Pourquoi je ne puis te voir, te toucher, et déterminer où je suis ?

    – Quel est ce mystère que la Science doit de nouveau découvrir ? J’exige de retourner là d’où je viens pour démontrer qu’après la mort, il y a une étincelle consciente qui ne sert à rien, qui ne rime à rien, qui est aussi faible qu’un nourrisson et qui se promène dans un milieu non identifié !

    – Dobanka, tu ne sais plus ce que tu dis ! Nous sommes au moins convaincus d’une chose : Dieu, le paradis et l’enfer n’existent pas non plus ! Ah ! Romanka ! Comment puis-je faire parvenir la nouvelle à nos confrères scientifiques ?

    – Mais je viens de te le dire, sombre Rabona ! Rassemblons nos molécules et reconstituons nos enveloppes pour le démontrer. Maintenant, nous savons qu’une très infime partie de l’énergie émanant du corps mort se concentre et garde sa conscience. Celle-ci ne doit rien à un quelconque dieu ! Ah ! Kanbala ! C’est de l’énergie recyclée !

    – J’aimerais sortir définitivement de ce cycle énergétique. Mourir pour de bon.

    – Rabona, tu es déjà mort. Ce n’est pas ton corps et aucune résurrection ne t’attend ! Regarde ! Tu ne vois rien. Tu ne peux pas bouger. Tu m’entends simplement parce que je suis sûrement un résidu de ta pensée la plus tenace. Il n’y a rien autour de toi. Tu ne sais même pas à quoi tu ressembles. Tu es bien mort et ce n’est pas toi qui vas renaître. Oh non ! Tu es de l’énergie recyclée qui vit ses tout derniers moments de conscience après… après… plus… rien… rien… non ! quelque chose… reste… et… se transforme… mais… mais… en quoi ?

    Conversation très édifiante entre deux particules élémentaires à la base d’une formation cellulaire, an 2536 de l’ancienne ère plus chrétienne du tout ! Mawrava, capitale des États fédérés du sud de Kέdura.

    Alim Al Zayed n’avait pas perdu le sens de la mesure et il demeurait conscient qu’une manœuvre de retraite était nettement souhaitable à une défaite face aux effectifs renforcés d’Ardo Dia. Ces nouveaux combattants faisaient preuve d’une férocité égale à celle de ses meilleurs officiers. Il en repéra trois en particulier et concentra son attention sur eux. Il ne mit pas longtemps à comprendre que le nombre de ses hommes fauchés augmentait à une vitesse certaine grâce à ces trois guerriers. Deux étaient vêtus de noir et le troisième reconnaissable à son habit indigo et à son turban rouge était un Peul du même adjectif.

    Al Mέgari et Ahar Akusen combattaient aux côtés d’Ilo Barkindo et infligeaient des pertes considérables à l’armée d’Al Zayed. Les autres guerriers n’étaient pas en reste. Le Fou du Rire que l’observation rigoureuse de la Loi interdisait de prendre part au combat avait créé une bulle d’invisibilité afin de ne pas être détecté par leurs adversaires. De son poste de guet, il promenait son regard concentré sur l’ensemble des batailleurs. De temps à autre, il le posait sur sa compagne. Elle se tenait immobile, majestueuse derrière son propre écran de protection. Le couple avait rapidement déterminé que l’armée d’Al Zayed n’était composée d’aucun Amargal. Leur intervention avait, de ce fait, été suspendue.

    Kova protégeait uniquement les blessés des deux camps en soustrayant leurs corps des zones de combats où ils seraient secourus dès la fin de la bataille. Celle-ci prit brusquement une tournure dramatique quand le souffle caractéristique d’un Olanpaqa embrasa plusieurs corps.

    Dugaran adressa un simple signe de la main à Rinko Ovira pour lui signaler qu’il entrait dans la mêlée. L’Odaturiɳ s’offrit un sourire de satisfaction anticipée quand il lança ses deux mains en avant pour repousser le mortel champ magnétique que créait déjà l’Amargal autour de ses victimes. Celui-ci était là uniquement dans l’intention de se nourrir et il le faisait sans aucun discernement. Il courait d’un corps ensanglanté à un autre pour se repaître, peu soucieux d’apporter son aide à ses supposés alliés.

    Le Fou du Rire observa la manœuvre et ses traits affichèrent sa répulsion quand il vit la créature vider plusieurs corps de leur énergie sans être vue par les humains occupés à s’entretuer au nom des dieux qui n’avaient absolument cure de leur adoration. Aguran secoua la tête puis se porta à proximité d’Olanpaqa qui se penchait sur un guerrier rouge encore en vie.

    – Je ne suis pas d’accord que celui-ci te serve de nourriture, l’ennemi !

    Ould Kassem se redressa vivement et lança son attaque mortelle. Elle fut sans effet sur son adversaire. Il émit un grondement de rage et de haine.

    – Ôte-toi de mon chemin, Odaturiɳ !

    – Je le ferai volontiers, à condition que tu te contentes de piller le garde-manger de tes alliés. Celui-ci appartient au mien.

    L’Olanpaqa jeta des regards alentour comme s’il avait détecté une autre présence ennemie.

    – Retire tes hommes de cette bataille et laisse-moi me nourrir ! Toi et moi ne pouvons arrêter le cours des événements. Je te promets une mort lente et douloureuse lors de notre prochaine rencontre, rugit l’Amargal en projetant un nuage de chaleur insoutenable sur les combattants.

    Celui-ci fut neutralisé par Kova aux aguets. L’échec augmenta la hargne d’Ould Kassem. Cependant, il fut assez avisé pour ne pas défier le Fou du Rire, solidement campé sur ses longues jambes, prêt à en découdre avec lui. L’importance de sa mission l’incita au retrait. Ce qu’il consentit à faire non sans avoir achevé tous les guerriers agonisants d’Al Zayed. Il prit lui aussi la mesure du combat et estima que l’émir pouvait encore servir la cause. Sans aucun état d’âme, il s’insinua dans son esprit et lui ordonna la manœuvre de retrait stratégique. Un sourire cruel étirait ses lèvres quand il affronta le Fou du Rire :

    – Jouissez bien de ces petites victoires. Celle-ci est la dernière pour vous. Ce qui va vous anéantir n’est pas encore visible. Ne nous sous-estimez pas ! Ramassez vos morts et allez préparer votre propre mort. Point d’honneur pour vous quand l’aube du troisième jour se lèvera sur Izawal dévastée. La terre alors sera à nous. Nous quitterons les religions pour habiter le corps de la matière démontrable. Ces âmes sont encore trop faibles pour notre dessein. Mais dans quatre siècles environ de leur temps, elles seront assez évoluées pour se retourner contre leurs propres dieux et détruire leurs cultures. Ah ! Quelle perspective réjouissante ! Vous avez perdu de toute façon ! Je te salue, ô ! Odaturiɳ trépassé !

    Dugaran ne répondit un mot à l’Olanpaqa. Son visage fermé était assez éloquent quant à son état d’esprit. Il assista, impuissant, à la mort de plusieurs autres malheureux soldats d’Al Zayed par l’insatiable et indétectable Amargal puis il dut revenir sur la scène de la débandade programmée par Ould Kassem. En effet, l’émir voyant l’ampleur de ses pertes avait décidé de rappeler ses hommes et de battre en retraite. Les Peuls Rouges, remplis de rage et portés par leur victoire proche, voulurent s’élancer à la poursuite des soldats rappelés. L’ordre de leur chef arrêta leur offensive.

    – Conservons nos forces ! Allons nous préparer à la bataille finale ! Nous rentrons à Ilo Wuro. Ramassez nos morts et nos blessés !

    Le Fou du Rire revint auprès de Kova quand il se fut assuré qu’Olanpaqa avait définitivement quitté les lieux abandonnant des corps vidés de toute énergie. Il n’éprouva nulle compassion envers ces derniers. Jamais les animaux du désert n’avaient disposé d’autant de chair pour reconstituer leurs forces. Les yeux plissés, Aguran portait son attention auditive vers les entrailles de la Terre, vers le ciel et entendait déjà le battement de milliers d’ailes de charognards, la remontée d’autres espèces qui feraient place nette en quelques jours, laissant derrière eux des squelettes que le sable recouvrirait, que la tempête découvrirait, que des voyageurs contempleraient avec effroi tout en confiant leur propre âme à leur dieu.

    L’armée triomphante, mais alourdie de plusieurs dizaines de pertes humaines franchit les portes d’Ilo Wuro alors que le soleil, silencieux et impassible spectateur, s’en allait dans les ombres naissantes d’un soir perturbé par les cris, les sanglots, les sons de flûtes funèbres. Les flûtistes annonçaient le retour des hommes debout, le retour des hommes allongés. Le chant lancinant disait à tout Ilo Wuro que la bataille n’avait été qu’à moitié gagnée. Il prévenait les frères ennemis de la détermination des Peuls Rouges à conserver intact l’héritage de l’ancêtre commun aujourd’hui traité de diabolique par ses propres descendants ayant trouvé Allah plus séduisant et plus accommodant envers les hommes.

    Ardo Dia chevauchant aux côtés du cheval portant le corps de Biro Barkindo s’immobilisa dans l’immense cour remplie de monde. Les cris qui avaient ponctué leur progression cessèrent. Les sanglots se firent discrets. Le prince ne permit à aucun bras d’accomplir la tâche ardue de porter le blessé. Mais il dut céder un peu de place au fils à l’habit pourpre, transpirant de son effort, ayant combattu depuis les aurores, mais encore vaillant sur ses jambes.

    Ils portèrent le chef de guerre de la grande famille Barkindo à l’intérieur de la concession d’Ilo Mawdo. La natte apprêtée l’accueillit. Le sabre ennemi avait entaillé ses chairs depuis l’épaule droite jusqu’au milieu de la poitrine. Il avait également reçu une balle tirée d’un fusil ayant visé son dos. La lâcheté du tireur avait suscité des cris de vindicte et de rage aux guerriers quand ils le virent tomber sur le champ de bataille.

    Ardo Dia avait aussitôt ordonné à cinq guerriers de soustraire son ami de la mêlée afin de le préserver d’un sort bien plus douloureux sous les sabots des cheveux rendus fous par l’odeur du sang, les cris et les insultes des combattants.

    

    Un silence effaré s’était abattu sur Ilo Wuro la haute depuis le retour de l’armée. Les femmes, les enfants, les pères et les frères identifiaient les leurs tombés sur le champ d’honneur. Ardo Dia marchait comme un homme pris de boisson. Il n’allait pas seulement mettre en terre sa fille, mais aussi plusieurs de ses guerriers dont deux qui lui étaient particulièrement proches : Yala Ka et Biro Barkindo. Ce dernier opposait une résistance des plus admirables à la mort. La grande Ilo réfugiée dans son sanctuaire avait passé plusieurs minutes aux côtés du mourant après que les guérisseuses eurent essayé de comprimer ses blessures impressionnantes. La balle était encore logée dans son corps.

    Kova n’était pas intervenue. Elle avait regagné avec ses trois compagnons la case qui leur avait été allouée par la grande Ilo à l’intérieur de sa concession. Leur présence n’était pas pour l’heure souhaitée parmi les Peuls qui pleuraient leurs morts.

    Ilo Barkindo tenait la main de son père et priait pour que les souffrances de ce dernier fussent abrégées par la Compatissante. Son regard sec croisa celui déjà troublé du mourant. De l’autre côté, sa mère assise à même le sol passait du linge mouillé sur le front de son époux. C’était une femme connue pour son courage, sa détermination et sa force. Elle avait donné huit garçons à son mari et élevé cette tribu de mâles au caractère incommode d’une poigne de fer. Ilo, l’aîné, précédait donc sept autres garçons, dont des jumeaux.

    – Femme, murmura Biro Barkindo.

    Diélo Barkindo passa son linge à son fils. Elle posa les deux mains sur la natte et s’inclina lentement sur son mari. Leurs regards se croisèrent et l’aimée abandonnée lut dans les yeux mourants tout l’amour qu’il emportait pour elle, pour leurs enfants, pour leurs familles respectives.

    – Mes fils ont besoin de toi…

    – Je serai à leurs côtés. Ne te fatigue pas.

    – Ilo…

    L’interpellé s’inclina sur le mourant.

    – Baaba…

    – Tu renforceras les liens avec mon frère Denba…

    L’implication de la dernière volonté de son père frappa le jeune homme comme un impact. Le poids dans sa poitrine le ploya davantage.

    – Oui, Baaba. Je renforcerai les liens avec ton frère, mon oncle.

    Chapitre 2

    Tandis que la grande famille peule veillait ses morts, préparait les tombes par dizaines, sept étranges personnages avaient envahi la case où se tenaient Kova et ses trois compagnons.

    – Salut par la Source, dit l’un d’eux.

    Leur capuche rabattue augmentait l’aura de crainte qui entourait leurs silhouettes à la fois élancées et imposantes.

    – Salut par la Source, répliqua Rinko Ovira.

    Al Mέgari occupait un banc posé à côté de celui d’Ahar Akusen. Le Fou du Rire et sa compagne s’étaient installés sur deux poufs. Le géant de Tanbέra et le Faucon Exilé étaient encore dans les grottes d’Izawal Meddirat. Les sons lancinants des flûtes funèbres remplissaient l’air du soir de leur mélodie poignante. Les Hommes Rouges pleuraient leurs morts avec dignité. Les nouveaux venus se tinrent dans les quatre coins de la pièce. Mains croisées devant leur ample tunique noire, le visage dissimulé par la capuche, ils étaient véritablement intimidants. Ahar Akusen avait cessé de s’étonner et il savait à présent réprimer ses sentiments et afficher l’impassibilité que requéraient les situations exceptionnelles qu’il était amené à vivre auprès de ses compagnons non moins exceptionnels. Il croisa donc ses jambes, posa ses grandes mains sur ses cuisses et attendit la suite. Il ne fut nullement déçu dans ses attentes. Celui qui semblait être le porte-parole des inconnus engagea la conversation en arabe, langue que tous comprenaient parfaitement.

    – Pour nos alliés, nous sommes des Fὲɳri Kojaran ayant accepté de protéger l’un des trois exemplaires du livre qui sert de prétexte aux musulmans pour asservir, massacrer et convertir les peuples de Tiga. Notre présence est pleinement justifiée par la matérialisation de nos adversaires, les Ogajaɳ déterminés à faire perdurer l’âge obscur que connaît cette planète depuis la troisième destruction des civilisations il y a plus de onze mille des années terrestres. Les Éloaɳ introduites dans des corps humains sont dans leur ensemble encore trop jeunes pour saisir la réalité non seulement de Tiga, mais aussi des systèmes planétaires. Nous avons donc réduit nos déplacements au strict nécessaire et n’userons d’aucune Farὲndia ¹ afin de respecter le processus de maturation des humains.

    – Je ne pensais pas vivre assez longtemps pour avoir l’honneur de rencontrer nos légendaires Fὲɳri Kojaran ! s’écria le Fou du Rire d’une voix remplie de considération quand le guerrier cosmique se tut.

    Les Kojaran s’inclinèrent pour agréer la marque de respect due à leur fonction de patrouilleurs et de garants d’équilibre dans les différents systèmes cosmiques qu’ils parcouraient.

    – Valeureux Dugaran, nous te sommes reconnaissants d’avoir accepté la mission ardue de la sauvegarde d’Izawal. Vous avez sûrement compris que nous sommes là parce que nos adversaires, comme de coutume, ne respectent pas les règles du jeu. Ils veulent détruire toutes les traces permettant aux humains de comprendre que leurs civilisations sont bien plus archaïques que celles qui les ont précédées. Même après cinq de leurs siècles, ils ne seront toujours pas capables d’atteindre le degré d’évolution de Farὲndia de l’époque des Arkamani. Ils vont réussir à détruire la plupart de ces évidences. Ils vont plonger les humains dans des périodes chaotiques au cours desquels ils contiendront la pensée humaine dans les limites de l’ignorance entretenue à travers des écrits de toutes sortes.

    – N’y a-t-il donc aucun moyen pour empêcher cela ? s’enquit Ahar Akusen quand le Kojariɳ observa la pause dans ses explications.

    – Crois-tu, noble Akusen, que ton peuple, par exemple, est prêt à accepter qu’il n’y ait rien de magique ni de divin dans la Nature ? Penses-tu que ces musulmans exaltés comprendront qu’Allah pour nous autres n’est rien d’autre qu’une personnification certes divine d’Aíjaran ? Vois-tu la difficulté qu’il y a à élever la compréhension des humains sur des notions qui leur semblent complexes ? L’ennui est que les Ogajaɳ ne sont pas disposés à laisser les Éloaɳ humaines s’éveiller naturellement et atteindre leur niveau d’intelligence programmé par le Qwibarkoɳ ², auquel sont soumis toutes les planètes, les étoiles, les galaxies de chaque univers.

    – Pourquoi mènent-ils une telle guerre contre nous ? voulut savoir le Targui.

    – La guerre n’est pas vraiment contre vous, mais contre une espèce particulière. Celle-là même qui doit inévitablement causer leur perte. Mais nous sommes encore loin de cette chute, elle aussi programmée par l’évolution des univers.

    – J’ai affronté un Olanpaqa dans la journée, dit le Fou du Rire, d’une voix lente.

    – Nous avons repéré l’Irunga qu’ils ont empruntée, appelés à la surface par un Ogajaɳ si bien dissimulé qu’il nous a fallu du temps pour percer son déguisement. Il vit dans cette contrée depuis près d’un demi-siècle. Ceux qui le croient à leur service ignorent qu’en réalité, ce sont eux les pions dans son jeu. Nous avons profité du désordre créé par les combats pour sceller le passage.

    – L’Olanpaqa est dans le corps physique d’un chef de guerre musulman. Il m’a assuré que nous avons déjà perdu la guerre. Les Ogajaɳ disposent, selon lui, d’une armée invincible. Le désert est immense et nous le savons truffé d’abris insoupçonnés pour dissimuler des hordes entières de créatures incontrôlables. Ma question est la suivante : est-ce que ces humains méritent un tel traitement ?

    – Valeureux Dugaran, tu sais comme nous que les humains demeurent le prétexte pour la guerre indicible engagée entre nous et nos adversaires. Considère que notre présence est justement motivée par l’usage abusif des humains manipulés par les Ogajaɳ. N’aie donc aucune crainte. Et je rassure également nos deux alliés humains sur l’avenir de leur peuple, dans la mesure où certaines résolutions de ces derniers ne peuvent être changées.

    – Pourrais-tu t’exprimer plus clairement, Kojariɳ ? demanda Al Mέgari, saisi par une sombre prémonition.

    – Tu es l’Atout. Tu n’as d’humain que ton enveloppe corporelle. Tu possèdes la double signature génétique qui vaut aux tiens d’être

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