Guinže: Chronique D'une Džmocratie Annoncže
By O. Tity Faye
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Guine-chronique d'une Dmocratie annonce retrace le processus des dsquilibres de la transition dmocratique en Guine. L'analyse montre comment les contextes de dveloppement des partis politiques et le dpouillement des institutions dmocratiques en Guine vont servir de tremplin la drive de confiscation du pouvoir.
Dans les faits, le multipartisme inconsol en Guine a eu pour consquence la pratique du rgionalisme et de l'ethno stratgie comme moyens politiques. L'ducation des populations aux principes et idaux de la Dmocratie a, consquemment ou sciemment, t subordonne d'autres intrts.
Paralllement, la confusion entre l'tat et le gouvernement a empch les institutions dmocratiques nationales de jouer leur rle.
La rpression de pouvoir face aux crises, sociopolitiques et conomiques a favoris un systme administratif mercantiliste reposant sur le laxisme et la corruption.
Ce livre tente de mettre en exergue les blocages, les drapages , la drgulation institutionnelle et les inconstances de gouvernance qui ont perturb le processus d'alternance au pouvoir en Guine. Il offre ainsi la possibilit aux acteurs, victimes et hritiers, de cerner les erreurs de jugement, circonscrire les fautes en vue de mettre en place des mcanismes de barrage, de contrle et d'valuation, de correction pur l'avenir.
O. Tity Faye
Avec un DES en Économie-géographie de l'École normale supérieure de Maneah en Guinée, O.Tity Faye est, également, diplôme de l'Institut français de pesse de l'universitéé de Paris II, Sorbonne. Sa carrière de journaliste commence en 1992, avec l'intensification des mouvements politiques en Guinée.Il devint successivement, Rédacteur en chef do journal L'indépendant. Vice-président de l'Association des journalistes de Guinée (Ajg) et, Directeur de publication ou de Rédaction de plusieurs magazines et journaux dont Le pays, Le Continent et l'hebdomadaire d’analyse L'indépendant Plus. O.Tity Faye a également été responsable de la communication de la Société guinéenne d'électricité, Consultant Spécialiste e la presse au Programme des nations unes pour le développement (pnud) et Rédacteur en chef des Bulletins Les Nations-unies en Guinée et Pnud-Flash Guinée. O.Tity Faye vit, actuellement, à Mississauga, en Ontario (Canada) ou, il enseigne le Français langue seconde.
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Guinže - O. Tity Faye
Guinée
CHRONIQUE D’UNE
DÉMOCRATIE
ANNONCÉE
Par O. Tity Faye
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10 9 8 7 6
CONTENTS
Avant Tout
NOTES
I - LES MOUVANCES POLITIQUES
II - 1992, L’ANNÉE DE TOUS
LES DANGERS.
III - LES ALLIANCES POLITIQUES
ET LES PREMIÈRES ÉLECTIONS
IV – LA STRATÉGIE DES
ALLIANCES ÉBRANLE
LE POUVOIR
V - LE POIDS DES PARTIS
POLITIQUES ET DES LEADERS
POLITIQUES
VI – LE RENDEZ-VOUS
MANQUÉ DE 1993
VII -L’ASSEMBLÉE NATIONALE
EN PERSPECTIVE
VIII – LA CRISE ANTICIPÉE DE
L’ASSEMBLÉE NATIONALE
IX – LORSQUE L’ASSEMBLÉE
NATIONALE S’INSTALLE…
X - LE MANIFESTE DE L’ARMÉE
XI - LA CRISE
CONSTITUTIONNELLE
XII. 1998 : ENVERS ET
CONTRE TOUS
XII – LE PAS FATIDIQUE… !
XIII -LA MÉPRISE
LES 18 JOURS QUI DEVRAIENT
CHANGER
LA GUINÉE
XIV- REPÈRES SUR LE PARCOURS
RÉFÉRENCES DOCUMENTAIRES
RESSOURCES INTERNET
SIGLES
NOTES DE RÉFÉRENCES
À mes enfants, Havanatou Tity Faye (Eva), Aly Zen Badara Faye, Babacar Sidiqh Faye (Abdy) et Bintou Tity Faye. Qu’ils marchent sur le « sentier d’or » pour atteindre la voie lactée… et aident les plus justes à y parvenir.
Que la nouvelle génération dont ils font partie trouve dans ce livre la force de la paix et du devoir.
Avant Tout
Que cela soit écrit …
La Bonne Gouvernance a un objectif : la participation de tous au devenir de chacun à des degrés divers. C’est pour cette raison que la Démocratie est sa mère nourricière de fait. Les principes de la Démocratie offrent la possibilité aux populations non seulement de s’exprimer mais aussi de participer aux activités d’intérêt national. Lorsque des hommes décident d’utiliser les mêmes principes à des fins plus personnelles, l’ensemble du processus devient une dynamique de déséquilibres incontrôlables. Il convient de rendre compte de tels déséquilibres, de les analyser, afin d’impulser une prise de conscience vers le changement. Tel est l’objectif visé par la Chronique d’une Démocratie Annoncée .
Cependant, écrire une chronique se révèle plus difficile qu’on ne le croit au départ. Le calendrier précis des faits et le déroulement des évènements ne sont pas faciles à retracer. Même si l’on a été un observateur privilégié.
Il est encore plus malaisé d’écrire une chronique dont la plupart des acteurs sont vivants. Il y a toujours, et encore, le risque positif de confrontation dans l’appréciation des faits dans leur ordre d’arrivée et de préséance. La chronique a – dans tous les cas – le mérite de mettre sur la table d’observation, les faits.
Dans cette perspective, La Chronique d’une Démocratie Annoncée est une prétention en même temps qu’une offre.
Comme prétention, elle tente de retracer le processus de réformes démocratiques dans un pays qui –pour aboutir au processus de démocratisation– est passé au travers d’un régime totalitaire de parti unique et un pronunciamiento militaire. Cette chronique met donc en exergue les réticences réelles et fictives aussi bien que les contraintes du passage aux pratiques démocratiques. Ce faisant, elle suscite une interrogation majeure : y a t-il eu inadéquation entre l’action des hommes, les impératifs de réformes indispensables et la satisfaction des besoins sociopolitiques et économiques des populations bénéficiaires ?
Comme offre, la Chronique d’une Démocratie annoncée, est une quête de corrections. Elle offre la possibilité aux acteurs et témoins – victimes et héritiers – de cerner les erreurs de jugement, circonscrire les fautes et établir des critères d’évaluation pour l’avenir.
Cette chronique part d’une logique simple : les hommes politiques qui ont la prétention de présider aux destinées d’une nation, doivent pouvoir s’observer et se faire observer par les autres. C’est ce qui leur permettra de tirer des leçons leur permettant d’adapter le jeu politique à l’intérêt irrécusable de la nation.
En termes plus simples, cette chronique est un constat qui décrit le processus de démocratisation institutionnelle en Guinée de 1984 à 1995. C’est-à-dire, de la prise du pouvoir par l’armée jusqu’aux élections nationales qui ont marqué théoriquement la fin de la transition démocratique. Ces contextes indissociables offrent un témoignage sur la dérive politique qui a entraîné la confiscation du pouvoir de 1995 à 2003 et de 2003 vers les années qui vont suivre.
Le processus de transition démocratique en Guinée est un exemple africain. À ce titre – dans l’exercice autant que dans la théorie – des éléments communs et des similarités existent avec plusieurs pays africains où la Démocratie sert de couverture à l’exploitation et à plus d’appauvrissement des populations. Dans certains de ces pays, la rupture des équilibres sociopolitiques et économiques a entraîné des guerres civiles meurtrières et dévastatrices.
Ce travail est – essentiellement – basé sur une expérience personnelle de terrain. Cependant, les reportages des journaux nationaux privés, des média du service public de l’État en Guinée et des journaux internationaux ont servi de références pour diversifier les angles de vue dans l‘analyse, l’interprétation des faits, et l’énoncé des hypothèses.
C’est pourquoi, je tiens à ce que tous les journalistes concernés, cités ou non, acceptent ici l’expression de ma gratitude, de ma reconnaissance et de mon profond respect.
Aux Journalistes Guinéens
Chers confrères,
Nous avons ensemble – et dans des circonstances souvent pénibles – assuré la couverture médiatique de la transition démocratique en Guinée. Ensemble, nous avons participé à la promotion d’une presse indépendante et libre. Aujourd’hui, cette presse a su consolider sa place en tant qu’institution en Guinée. Plus encore, elle s’est imposée comme un pouvoir. C’est vrai, un pouvoir en ce sens que la presse privée nationale est devenue une référence directe ou indirecte pour une grande majorité de Guinéens. Car nous voulons, victorieux ou non, être le rempart contre toutes les formes de tyrannie et de spoliation.
Nos confrères du service public – bien que soumis à des contraintes – ont à maintes reprises permis d’obtenir des informations gouvernementales. Ainsi, ils ont aussi, à leur façon, contribué à rendre plus crédible notre travail. Les faits – qui sont sacrés dans notre métier – nous ont toujours réunis. Même si nos commentaires ont eu des tonalités et des contenus différents au gré d’intérêts divergents.
Chers confrères – si notre premier devoir est d’informer – j’ai toujours cru et je crois encore que nous avons un autre : celui de transmettre aux générations futures notre vécu. Ainsi, nous éviterons que l’histoire de la Guinée et de toute l’Afrique soit encore l’objet d’interprétations obscures, et infondées de l’intérieur comme de l’extérieur.
Mieux, nous ne devrons plus laisser aux autres le soin d’écrire pour nous, notre histoire. Je crains, pour ce faire, que nos archives soient à risque à cause de la faiblesse de nos moyens.
Pour toutes ces raisons, à partir de la couverture journalistique – que nous avons faite des évènements – j’ai écrit cette chronique sur la transition démocratique en Guinée. Je souhaite en cela, rendre un hommage à notre travail, notre persévérance, et à nos efforts de participation à l’instauration d’une Démocratie majuscule et plurielle pour le bonheur de tous. Même si les résultats ne sont pas ceux espérés les tracés sont faits.
N’oublions pas nos confrères qui nous ont quitté à mi-parcours tels que Biram Sacko, Aboubacar Condé, Abou Conté, Jean Baptiste Kourouma, etc. Et, tous les autres, non cités, mais tout aussi valeureux.
Chers confrères, l’objet de mon propos est de retenir les faits sous le spot light de l’actualité. Il s’agit de conserver les éléments de cette histoire au profit des générations futures. Elles en tireront les leçons pour un avenir plus assuré. « La parole s’envole, l’écrit reste ». Ne laissons pas les évènements disparaitre dans le cycle infernal du temps.
Je vous convie chers collègues, à écrire sur tout ou partie de cette transition, à livrer votre témoignage comme vous l’avez fait par jour, par semaine ou par mois dans vos colonnes. Je vous convie à fournir de nouveaux apports afin que la génération future ait – désormais – des points de repères. Partant, vivants ou morts nous contribuerons – encore et ensemble – à consolider la multi-expression.
NOTES
En vue de respecter leurs opinions, il a été expressément omis de citer ou de paraphraser les journalistes dont les articles ont fait l’objet de consultation. Ils ont été utilisés pour cerner, vérifier, confirmer ou infirmer les faits. À ce point de vue leurs apports sont encore plus estimables.
L’auteur assume la responsabilité de la description des situations, des analyses et des conclusions qui en découlent.
Mon grand remerciement à celui qui a soutenu la parution de ce livre en requérant l’anonymat.
Que mon épouse, Adama Touré, trouve, ici, l’expression de ma reconnaissance pour ses utiles corrections.
O. Tity Faye
Le passage d’un régime d’exception à une démocratie libérale devrait se profiler comme un bond qualitatif. Mais il dépend des hommes qui mènent ce changement de laisser en émerger et s’épanouir le plus d’aspects positifs. C’est le défi auquel le peuple de Guinée et les acteurs prépondérants de la transition démocratique ont été confrontés. Ils le sont encore.
Avons-nous emprunté la mauvaise voie ou choisi les mauvais guides à la croisée des chemins ?
La Guinée vit toujours la confrontation avec ses propres démons et tout semble faire croire qu’ils sont incontrôlables. Le fait est que les démons sont peu ou prou diagnostiqués pour être apprivoisés, domestiqués ou au besoin mis en cage
L’histoire récente de la Guinée en est un exemple. Le premier régime politique de la Guinée a été enseveli sans analyse approfondie ; sans faire de différence entre les acquis à conserver et les travers à supprimer. Le résultat est connu : une déchirure sociale et politique qui a enfanté de tout sauf le bien-être.
Il est temps de changer d’optique et de faire les corrections qui s’imposent.
Écrire sur les faits alors qu’ils se déroulent et que les acteurs sont vivants comporte, certes, des risques. Mais il convient de le faire afin de susciter des réactions constructives et la réflexion pour la construction d’un avenir meilleur.
Que cela soit écrit et accompli !
I - LES MOUVANCES POLITIQUES
En Guinée les mouvements politiques renaissent d’une cyclique de crises après la prise du pouvoir par l’Armée en 1984. La junte au pouvoir porte alors l’appellation de Comité militaire de redressement national (Cmrn), composé de militaires directement venus des casernes. Malgré la multiplication de fautes et erreurs dès la première année, le gouvernement militaire bénéficiera d’un état de grâce. Les populations sont en quête d’un changement qui effacerait les effets d’une Révolution sous la férule d’un parti unique.
Triomphalement, l’armée au pouvoir clame d’abord sur le plan économique la libéralisation des initiatives individuelles. Sans mesures d’accompagnement, les répercussions vont générer des effets pervers qui seront mal contrôlés. Mais avant, la première crise résulte de la liquidation des structures du régime défunt –et du parti-État– le Parti démocratique de Guinée (Pdg). Ce dernier remplissait aussi bien des fonctions politiques que socioéconomiques et administratives auprès des populations.
Dès 1985, se précise la fin de cet État-providence sous le Pdg. Le nouveau pouvoir se désengage des activités économiques dans les secteurs tertiaires et de la petite industrie de consommation. Il élimine ainsi la structure économique étatique dirigiste mise en place par le régime défunt.
L’abandon de l’ancien ordre économique crée donc un vide dans les activités économiques des populations. Elles tentent de le combler par des groupements d’intérêt économique et socioculturel.
Ce seront les associations préfectorales et de villages pour l’entraide. Dans un premier temps –remplaçant les structures-brigades du parti-État– ces associations stimulent les activités sociales et économiques en attendant la mise en place, plus tard des Communautés rurales de développement (Crd).
Fondées sur l’irrédentisme consacrant le terroir de naissance comme critère de choix du champ d’actions, les associations n’avaient pas alors de connotation politique. Elles étaient l’expression de la volonté des populations à survivre à la liquidation de structures qui les avaient encadrées durant un quart de siècle.
On assiste alors à la genèse d’un phénomène d’ethnisme. Il se développe dans le sens du sursaut atavique de l’instinct de conservation qui oriente l’individu vers le groupe social protecteur : la tribu, l’ethnie et la famille. À l’origine, ces types d’associations ont été à la base de réalisations de microprojets. Elles ont contribué à la construction de ponts pour désenclaver leur localité, la construction d’écoles, etc.
C’est avec l’émergence des mouvements politiques –de 1985 à 1990– que la plupart de ces associations se dilueront dans le militantisme politique. L’unique référence politico idéologique qui leur fut proposée est la protection de l’ethnie.
Il faut reconnaître qu’il y a eu une longue réticence de la part de ces populations. Après plus de vingt années d’expérience du parti unique, elles semblaient vivre dans la phobie de la chose politique. Les associations vont pourtant servir comme structures de base des mouvements politiques et des partis politiques.
Les évènements et les manipulations qui suivirent vont finir par vaincre les réticences.
Le 4 Juillet 1985, le coup d’État manqué du Colonel Diarra Traoré –annoncé par le gouvernement– est un point d’achoppement. Diarra Traoré fut Premier ministre et était ministre d’État chargé de l’éducation nationale au moment des faits. Le coup de force qui lui est attribué n’est pas considéré comme un putsch militaire découlant des contradictions au sein de la junte militaire au pouvoir. Celui-ci le perçoit comme une tentative de remise au pouvoir de l’ancien régime.
Pire, l’on crée dans l’esprit populaire l’image de reconquête du pouvoir par l’ethnie du Président défunt : l’ethnie malinké¹. Vendetta et vandalisme s’abattent sur elle. Pourtant, la désapprobation populaire du coup d’État dans la capitale, Conakry, avait été unanime. Le président de la République, le colonel Lansana Conté assistait alors à une session de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.e.d.e.a.o) à Lomé, au Togo.
Lorsqu’il revient le 5 Juillet, l’accueil des populations est un plébiscite. L’armée lui rend les honneurs, lui jure fidélité en lui offrant le grade de Général de brigade. Le 6 juillet, le discours qu’il prononce sur l’esplanade du Palais du Peuple déclenche une vague de persécutions contre l’ethnie malinké.
En effet, il déclare que les gens responsables d’attaques contre les familles malinkés et leurs propriétés ont parfaitement bien fait leur devoir pour la défense du pouvoir. Il leur dit en Soussou : « Wo fatara ».
Wo fatara veut dire vous avez bien fait en soussou², sa langue maternelle dans laquelle il fit une partie de son discours. Ceci scelle le destin politique d’une des plus grandes régions de la Guinée –la Haute Guinée– principal terroir de l’ethnie malinké. Le virus de la sécession politique y était ainsi injecté.
Les hommes politiques en profitent. En particulier le Pr. Alpha Condé qui y installe les bases du Mouvement démocratique national (Mnd) et de son futur parti politique, le Rassemblement du peuple de Guinée (Rpg).
Parti de la Guinée à bas âge, Alpha Condé a fait ses études en France où il a été professeur à la Sorbonne. Il est fameux pour avoir été président de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (F.e.a.nf) de 1967 à 1978. Il fait également partie de la liste des opposants de longue date au régime du président Ahmed Sékou Touré. Parmi les mouvements qu’il a crées, on cite un Parti des travailleurs. Mais c’est avec le Mouvement national démocratique (Mnd) que le Pr. Alpha Condé s’engage sur la scène politique en Guinée. À cause du livre qu’il a publié La Guinée, Albanie de l’Afrique, certains n’hésitent pas à lui attribuer des penchants socialistes ou communistes.
Au moment où le professeur Alpha Condé introduit son mouvement politique, les dazibaos de l’ancien consultant de la Banque mondiale, M. Bâ Mamadou Boye dénonçaient le fait que la junte militaire retardait la mise en place des institutions démocratiques pour s’éterniser au pouvoir. Comme Alpha Condé, il avait été au nombre des opposants à l’ancien régime, de l’extérieur. Bâ Mamadou Boye fut le président de l’Organisation unique pour la libération de la Guinée (O.u.l.g)³. Revenu de la Côte d’Ivoire, où il gérait une entreprise de construction de logements, Bâ Mamadou Boye fut conseiller du président Lansana Conté. Il est devenu l’un des piliers des mouvements d’opposition à son ancien employeur pour des raisons qu’il dévoilera tout au long du processus de transition.
De l’extérieur aussi, les anciens opposants au régime défunt se rassemblent autour de quelques personnalités. Ils exercent une forte pression sur le pouvoir pour le démarrage du processus démocratique. En même temps, certains parmi eux inondent le Cmrn de propositions dans l’intention avouée de s’associer à la gestion du pouvoir. Face à la réticence des militaires, cette opposition extérieure se fait entendre à travers les médias étrangers. Leurs critiques ont un sérieux impact à l’intérieur du pays où la multiplication des travers dans la gestion des deniers publics choque les populations. D’autant plus qu’au bout d’un temps relativement court, une bourgeoisie militaro- administrative s’établissait de fait.
Devant la poussée des mouvements politiques, le gouvernement militaire se crispe et oppose une autodéfense dont l’expression politique se matérialise en un Comité de soutien à l’action de Lansana Conté (Cosalac). Il est composé de civils et dirigé par El hadj Abdoul Karim Kane, un notable de la capitale.
Dans l’ombre, El hadj Kane fera preuve d’une véritable ingéniosité politique dans la création et l’institutionnalisation d’une mouvance présidentielle autour du colonel Lansana Conté.
Les témoignages concordent pour ressortir que la décision des associations préfectorales et de villages à jouer un rôle politique –à partir des groupements ethniques– a été stimulée par l’apparition spontanée du Comité de soutien au président Lansana Conté. Chacun croyait alors que l’armée se contenterait d’avoir libéré le pays de la dictature. L’on s’attendait au retour en caserne de cette armée pour jouer le rôle dévolue à une armée républicaine : la préservation du territoire national et la protection des acquis de la République.
Mais dans la déclaration que le Cosalac publie, il est question de soutenir l’armée au pouvoir et la personne du président de la République, le colonel Lansana Conté. L’opinion publique s’en étonne. Les intellectuels sont frustrés. Les mouvements politiques se vautrent dans la critique. Les démarches, différentes et opposées, conduisent à un processus ethnocentrique que nul ne pourra contrôler dans les années à venir.
En effet, dans le levier directionnel du Cosalac se retrouvent, en majorité, les ressortissants de la Basse Guinée ; notamment de l’ethnie soussou dont le chef de l’État est originaire. Cependant, le comité fait une requête auprès des notables de la Moyenne Guinée, vivant dans la capitale Conakry, afin d’acquérir leur adhésion.
Ceux-ci ressentent aussitôt le besoin de se regrouper à l’instar de la Basse Guinée. Deux raisons prévalent. Premièrement, ils veulent donner une réponse reflétant les aspirations des couches sociales de la région. Deuxièmement, cela leur permet de prendre des mesures d’autoprotection face au regroupement à caractère politique initié par le Cosalac.
Il va, sans dire, que les leaders des mouvements politiques ont joué, à l’arrière-plan, un rôle important.
C’est le point de départ de la renaissance des quatre coordinations régionales. Dans l’histoire politique de la Guinée, ces coordinations avaient déjà servi de structures organisationnelles et de défense pendant la période de lutte pour l’indépendance nationale sous les appellations d’Unions. Pourtant, l’on savait qu’il y avait eu des affrontements sanglants entre elles dans le passé. L’affrontement le plus connu et le plus meurtrier fut celui qui opposa les soussous aux peulhs en 1959.
Plus tard, c’est le chef de l’État qui adresse aux coordinations régionales renaissantes une lettre pour solliciter leur adhésion au Comité de soutien à l’action de Lansana Conté. Cette lettre qui lançait un appel en faveur d’une unité politique contre une invasion des mouvements politiques venus de l’extérieur, déclenche la réaction contraire. Elle suscite plutôt un repli tactique de la part des autres coordinations régionales. Les ingrédients du processus de formation ethnocentrique des futurs partis politiques se mettent en place. L’ethnostratégie va pourtant devoir s’accommoder sur la scène politique guinéenne d’une autre stratégie. Celle qui consiste à inciter le Guinéen au rejet du Guinéen.
I.1 - Les coordinations régionales et la genèse de l’ethnostratégie
Les mouvements politiques s’élaborent autour des coordinations régionales. Les vieux routiers de l’opposition à l’ancien régime, devenus de nouveaux opposants au régime en place, les exploitent à fond. Le pouvoir en place –encore auréolé de sa période de grâce prolongée– leur a offert les éléments essentiels de discours et de prises de position politiques. Parmi les ingrédients, il y a la déclaration faite par le président de la République, le 6 juillet 1985, et la formation du Cosalac.
En Haute Guinée, la cause était entendue. La coordination du Mandé⁴ –qui la représente– exige du chef de l’État des excuses publiques qui se font encore attendre. Le mot d’ordre y devient : rejet du régime et autodéfense organisée.
Au Foutah⁵ (Moyenne Guinée), on ressuscite le souvenir de la « situation particulière du Foutah » pour rebâtir la coordination régionale sur des bases solidaires. Dans les années 70, sous la Révolution, l’ethnie peulhe avait fait l’objet d’attaques de la part du Président Ahmed Sékou Touré. Ce dernier l’avait accusé de « sabotage économique et de complot contre la nation ».
La coordination de la Basse Guinée se met en mouvement à partir du Cosalac dans des circonstances singulières. À Conakry, la capitale guinéenne, un personnage haut en couleur dénommé le prince de Wonkifong écrit une lettre critiquant l’ethnie peulhe