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Les Nouveaux Européens: Les Récits de MI7
Les Nouveaux Européens: Les Récits de MI7
Les Nouveaux Européens: Les Récits de MI7
Ebook406 pages5 hours

Les Nouveaux Européens: Les Récits de MI7

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About this ebook

L'ancien consensus libéral en Europe semble s'effondrer et personne ne sait ce qui va le remplacer. Le référendum britannique sur l'adhésion à l'UE ne pourrait être que le début d'un changement radical à travers le continent. Et comme toujours, il y a ceux qui prévoient suffisamment pour être dangereux.

Au cours de son enquête sur la disparition d'un éminent député eurosceptique, l'agent du MI7, John Mordred, se trouve sous la surveillance hostile de forces obscures au sein de sa propre organisation. Il s'avère rapidement que son enquête et la leur ne sont peut-être pas totalement indépendantes les unes des autres. Et les enjeux sont suffisamment élevés pour le rendre dispensable.

Un thriller d’espionnage qui se déroule à Londres, juste avant que la Grande-Bretagne ait voté pour quitter l’UE, LES NOUVEAUX EUROPEENS s’intéresse à l’évolution de l’équilibre de la puissance mondiale au cours de la deuxième décennie du 21ème siècle.

LanguageFrançais
PublisherBadPress
Release dateNov 3, 2018
ISBN9781547549672
Les Nouveaux Européens: Les Récits de MI7

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    Les Nouveaux Européens - J. J. Ward

    Sommaire

    Chapitre 1 : Les beaux jours de Planchart

    Chapitre 2 :  Devant le lord-maire

    Chapitre 3 : Le Thé avec Chester

    Chapitre 4 : Le Radical

    Chapitre 5 : L’Univers de Brian

    Chapitre 6 : Entretien avec Planchart

    Chapitre 7: La Dame en vert

    Chapitre 8 : Annabel a un plan

    Chapitre 9 : Plus de Flannel ‘DI Eagleton, Branche spéciale’

    Chapitre 10 : Une agréable pause whisky avec Ashbaugh

    Chapitre 11 : Les Espions n’aiment pas être espionnés

    Chapitre 12 : L’Interrogatoire !!!

    Chapitre 13 : Le Red Lion

    Chapitre 14 : Le bon vieux Tim, encore

    Chapitre 15 : Fun à Canvey

    Chapitre 16: Sarah Riceland vend la Mèche

    Chapitre 17: Ce n'est pas un fief

    Chapitre 18: Talbot en fuite

    Chapitre 19: Peut-être de jeunes conservateurs

    Chapitre 20: Le lien avec Private Eye

    Chapitre 21: Sur le toit

    Chapitre 22: Le spectacle de John Mordred

    Chapitre 23: Phyllis possédée par des extraterrestres

    Chapitre 24: Des Espions dans le Monde de l’Espionnage

    Chapitre 25: une sauce HP

    Chapitre 26: Yves Robillard le légèrement ennuyeux

    Chapitre 27: Le bras de fer décisif

    Chapitre 28: Des amis réunis

    Chapitre 29: La Chance énorme de Farquarson

    Chapitre 30: À travers Londres

    Chapitre 31: Prison dorée

    Chapitre 32 : Dessin et complot

    Chapitre 33 : De Retour à Thames House

    Chapitre 34: Vite, Vite, dehors!

    Chapitre 35: Les dernières pièces du puzzle

    Chapitre 1 : Les beaux jours de Planchart

    Dehors, le soleil brillait en cette parfaite matinée printanière. Les bourgeons se transformaient en feuilles, les oiseaux chantaient, les fleurs s’ouvraient. Une douce chaleur pénétrait le sol  et libérait tout ce qui sommeillait des dernières contraintes de l’hiver.

    Et cette renaissance se faisait pleinement ressentir à l’intérieur, même si les murs, là, avaient été construits de manière à résister aux sièges. Au troisième étage de la tour nord du château de Javier Maroc des  Alpes-de-Haute-Provence françaises, une trentaine d’hommes étaient assis autour d’une table antique, les mains jointes ou prenant des notes. Ils venaient juste de conclure leur projet. Jean-Paul Crevier, un millionnaire de la Lyonnaise et président du groupe, fit le point sur les accords convenus. Un rayon de lumière naturelle passait à travers ses notes pour ensuite s’arrêter sous un tableau au contour doré de Louis Antoine, duc d’Angoulême, accroché au mur face à la fenêtre.

    Une personne quelconque, entrant comme par magie, par l’unique porte verrouillée de la pièce, à ce moment précis, aurait supposé qu’il s’agissait d’une réunion d’un certain genre tous les trente-six du mois : des hommes d’affaire très riches ou des politiciens influents, ou les deux, tous avec des engagements de journal très variables, ce qui faisaient de leur assemblée une rareté. Le somptueux décor au style de la Restauration des Bourbons, la manière dont les titulaires en poste s’installaient dans leurs fauteuils, la coupe de leurs costumes, leurs chaussures de cuir lustrées posées à plat sur le tapis, la manière dont chacun avait un bloc-notes, un stylo et un verre devant lui et, surtout leur âge et leur apparence – tous étaient des hommes, la cinquantaine passée aux coupes de cheveux chères et aux visages bien nourris – auraient confirmé cette impression.

    Ce que notre concurrent invisible n’aurait jamais pu deviner était les vérités les plus profondes. Que, là, en cet endroit même, ce groupe très particulier s’était réuni en vue de  prendre exclusivement en charge l’histoire de l’Europe dans un avenir prévisible. Que depuis (malgré leur fortune et relations impressionnantes) qu’ils étaient tous relativement impuissants à ce moment-là, cela impliquait l’obtention de force des rênes du pouvoir des autres. Qu’ils savaient comment s’y prendre ou qu’ils pensaient qu’ils l’avaient fait – comme corollaire de tout ce qui est au-dessus – le fait que cette réunion consistait simplement à mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t ».

    Des dix représentants britanniques présents, aucun n’avait informé son employeur de son implication. Ce faisant aurait non seulement été un suicide professionnel mais aurait semé de l’inquiétude au niveau des échelons les plus hauts de la sécurité de l’état. À toute fins pratiques, ils appartenaient à un groupe qui n’existait pas.

    Alors que Jean-Paul Crevier continuait de parler, l’homme à sa droite fit le tour, déposant un verre à vin devant chaque représentant. Ensuite, on versa le Montrachet Grand Cru Domaine Leflaive. Enfin, Crevier saisit son verre et inclina légèrement les épaules vers un homme brun, cireux assis en face.

    « Je me permets de porter un toast, dit-il. À Charles Planchart, le prochain premier ministre du Royaume-Uni. »

    Trois heures plus tard, Planchart rentrait à Londres en TGV. En face de lui se trouvait un homme mince aux cheveux gris et avait la bouche  en coin et de petits yeux gris pénétrants. Martin Cheswick, unique collaborateur de Planchart dans MI7. À l’extérieur, la campagne française défilait à toute vitesse en un échange perpétuel de champs verts et jaunes, de vignobles, de fermes délabrées ainsi que d’étendues de peupliers de Lombardie.

    « D’après ce que vous me dites, dit Planchart, notre plus gros problème sera probablement le service Red. Ceux de Blue et White devraient nous parvenir plutôt automatiquement. Le Black est inconnu, quand à la quantité. » 

    Cheswick sourit honteusement puis haussa les épaules. « Croyez-le ou non, le Black n’existe peut-être même pas. Dans tous les cas, on s’en occupe mieux après la transition. 

    _Parlez-moi du soi-disant ‘problème du Red’, alors. 

    _J’ai réussi à mettre la main sur le résumé de ce que nous, membre de Grey, connaissons déjà d’eux », dit Cheswick comme si c’était un énorme risque pour lui de se le procurer. Il attrapa sa mallette et en sortit un document. « L'information est là. Je vais vous parler de ce sujet, alors je vais en avoir besoin.

    _Bien sûr, Ben ! 

    _Normalement, il n'est pas nécessaire de se renseigner sur les affaires du Red, donc la plupart des informations qui s'y trouvent sont celles que nous avons accumulées incidemment dans le cadre d'échanges plus directes.  À la tête de ce département se tient une femme noire : Ruby Parker. Son équipe principale comprend quatre agents, dont vous pouvez voir les détails à la page trois : Phyllis Robinson, ex-armée, bosseuse, brillante, ambitieuse, mais pas particulièrement imaginative ; Annabel al-Banna née Gould, recrutée il y a quinze ans par la défunte Celia Demure : autrefois jeune récidiviste, maintenant experte en arts martiaux et en armes à feu ; Alec Cunningham, un autre ex-membre de l'armée et l'officier le plus expérimenté du département, plutôt dans ses façons d’agir, et enfin, John Mordred, dont j’en saurais plus dans un moment. Tous les quatre officiers transférés de Grey vers Red sous les auspices du chef du Grey en 2014, Ranulph Farquarson, sont maintenant retraités.

    « J’ai rencontré Phyllis Robinson, dit Planchart, on a parlé pendant plus d’une heure. Vraiment très amicale, je l’avoue, agréable, même. 

    _Personne n’a aucune raison d’avoir des soupçons sur quoique ce soit. Nous avons pris toutes les précautions possibles. Talbot va peut-être en faire tout un plat mais nous en avons déjà parlé. Ce serait l’échec assuré. 

    _ J’avais presque oublié Ian Talbot. 

    _Il se fait facilement oublier. Universitaire médiocre, vue trop gonflée de sa propre importance. Il ne parlera pas. Il a fait de grosses erreurs, nous savons tout sur lui, et il a trop à perdre. Belle épouse, deux filles adorables. Un job, éventuellement. 

    _Ce  ‘John Mordred ‘, rappela Planchart, vous avez dit, ‘dans un moment ?’

    _Il exige une considération distincte. À bien des égards, il est leur atout le plus dangereux. 

    _Leur assassin international, je suppose ? »

    Cheswick sourit. « Loin de là. Ils n’apprécient pas vraiment ce genre de chose dans le Red, jamais. Non, il n'est pas formé au karaté comme Annabel al-Banna, et il n'a pas les techniques de survie de Phyllis Robinson, ni l’équilibre d'Alec Cunningham. Il est expert en langues et c’est un brillant détective. C'est tout. 

    _Il y a des chances pour que vous le réembauchiez ?, lança malicieusement Planchart. Après le triomphe du Châteu de Javier Maroc, il était anormalement optimiste.

    Cheswick répondit à sa remarque par un gloussement sombre. « Je ne suis pas sûr qu’on le veuille. Il est très excentrique et connu pour être gênant. Ruby Parker sait comment garder un oeil sur lui, mais je ne suis pas sûr que l'un d'entre nous le fasse. Nous avons tendance à ne pas nous livrer à l'idiosyncrasie dans Grey. C'est entre autres ce qui fait que nous sommes robustes. Farquarson Molly l'a dorloté, ce qui a été l'une des raisons pour lesquelles il a été poussé vers une démission honorable. 

    _Karma. On récolte ce que l’on sème. 

    _Post-transition, si je dois prendre le contrôle de Grey, comme convenu, et si nous voulons dissoudre Red, nous devons commencer par John Mordred. Une fois qu'il sera hors de notre vue, les autres devraient être obéissants. Ruby Parker peut poser problème, mais elle a soixante ans cette année, et nous  n’avons aucune raison de croire qu'elle n'acceptera pas la même affaire que Farquarson une fois qu'elle saura qu'elle a perdu. Nous pouvons aller même plus loin si nos nouvelles relations se révèlent, nous pouvons la faire marcher. Phyllis Robinson est un membre de longue date du parti conservateur. Elle est peut-être ralliée à son patriotisme avec un attrait vigoureux. Alec Cunningham vient tout juste d’être affecté avec une bonne paye. Il peut être mis en pâturage si nécessaire. Annabel Al-Banna, nous pouvons la menacer. Son père a fait de la prison et elle en a probablement fait elle aussi et nous pouvons affirmer qu’elle représente une menace à la sécurité. Elle est extrêmement loyale à Ruby Parker mais une fois que celle-ci ne sera plus là, il n’y aurait plus de problèmes. Elle a récemment été diagnostiquée  comme TOC – Trouble Obsessionnel Compulsif – et le travail, c’était tout pour elle, je dis bien tout. Elle serait idéale pour Grey. Je pourrais la réinsérer. 

    _Oui, je suis sûr que vous en seriez ravi. 

    _Le seul problème, ce serait peut-être son mari, dit Cheswick, ignorant le clin d’œil complice. Un ‘Tarik Al-Banna’, le coordinateur informatique principal de Red. Il a un accès limité à l’unité centrale de MI7 mais, bien entendu, il n’a pas accès aux contenus importants, c’est-à-dire celui de notre secteur, ni même celui de Blue. Ses allégeances précises au niveau des paramètres évidents ne sont pas connues. Ni même l’influence qu’il a sur sa femme.

    _Nous le mettrons en investigation, alors ? Le poste que vient d’abandonner John Mordred. 

    _Malheureusement, il n’y a aucune manière douce de se charger de Mr Mordred, dit Cheswick. Son évaluation psychologique de 2013 démontre une fidélité inflexible aux vertus morales classiques, même plus que la reine et la nation. Je vous épargnerai les détails, mais je pense qu'il est très peu probable qu'on puisse le persuader de se joindre à nous. Heureusement, bien sûr, de cette même inflexibilité en ressort son talon d'Achille. J'ai réussi à accumuler des preuves judicieuses contre lui. De petits signes qui, ensemble, pourraient constituer une preuve de manque de fiabilité radical.

    _Si, ce que vous avez accumulé, c’est du matériel, alors probablement son patron - 'Ruby Parker' ? - le sais déjà. Ne sous-estimez jamais les connaissances des espions, ni leur capacité à contourner les pièges. 

    _En effet, acquiesça Cheswick à moitié. En tout cas, l’un de mes principaux stratagèmes pour le discréditer est déjà en préparation. On devrait en savoir plus aujourd'hui, ou demain au plus tard. 

    _Qu'est-ce que nous – vous – envisageons de faire de John Mordred ? demanda Planchart. Je veux dire, en fin de compte ? Jusqu'à présent, je n'ai entendu que de vagues suggestions. Nous ne pouvons donc pas le recevoir ; je note la précision. Dans ce cas, que faire ? 

    _J’ai envie de dire, ‘laissez-le partir’. Il en sait beaucoup, mais il serait lié par la Loi sur les secrets officiels, et je suis plutôt sûr qu'il la respecterait. Non, ce n'est pas son potentiel de fuite qui m'inquiète. Ce sont ses pouvoirs de détection. 

    _Je ne suis pas sûr de suivre.

    « Il pourrait savoir que j'ai démantelé Red, et pourrait me poursuivre. Il trouverait un moyen de m'exposer – de nous exposer. Il n'a pas besoin de recourir à des informations classifiées pour le faire. Nous pourrions tout perdre. 

    _Vraiment ? Il est si doué ? 

    _De plus, continua Cheswick, « une fois renvoyé, nous ne pourrions pas nécessairement le trouver pour surveiller ses mouvements. Grâce à ses compétences linguistiques exceptionnelles, il pourrait s’installer pratiquement partout dans le monde sans être détecté. Il se ferait passer pour un natif. Nous ne pourrions jamais le trouver, à moins qu'il soit trop tard. 

    _Vous proposez de le tuer. Ne mâchons pas nos mots. 

    _C'est peut-être contraire au règlement, répond Cheswick, mais nous pouvons bien le regretter, autrement.

    _Alors, vous devriez le faire maintenant et en finir. »

    Cheswick sourit. « Ce n'est pas possible. Si un agent d’un département du MI7 est tué, tous les autres sont obligés de coopérer pour traquer le meurtrier. Et quelque chose d'analogue à la loi sur la liberté d'information entre en jeu. Je ne peux pas le permettre. » Comme si anxieux de ne pas avoir été assez clair, il ajouta : «  Non, il est vraiment hors de question. »

    _Cela ne doit pas vous être attribuable, répondit Planchart. Je pourrais l’appliquer à l'un de ces hommes de la table à laquelle nous étions réunis. Vous pouvez vous procurer un alibi étanche. Au pire, si toute enquête pointe dans votre direction, elle n’aboutira qu’après un certain temps. Après la transition, nous l'enterrerons, vous avez ma parole. »

    Cheswick hocha la tête. « Essayons d'abord ma manière de faire. Tout d'abord, je vais le discréditer, réduire sa monnaie aux yeux de ses collègues. À la fin, bien sûr, je vais le pousser à démissionner : ces principes moraux intransigeants. Nous pourrons le tuer quand il aura démissionné. 

    _La clé serait de l’assimiler à un accident. Désolé, je sais que c’est dire une évidence, mais nous devons jouer carte sur table. 

    _Naturellement. 

    _Qu'en est-il des autres membres importants du ministère ? Vous avez dit que ceux-ci sont les membres de base. Y a-t-il d'autres personnes qui nous préoccupent ?

    _Peut-être leurs deux nouvelles recrues, Edna Watson, la première médaillée d'or olympique MBE - et Ian Leonard.

    _Médaillée d'or ? s’exclama Planchart avec dédain. Quelle sorte d'espion pourrait-elle être ? Ça doit être assez difficile de travailler dans le secret ! 

    _John Mordred n'est pas tout à fait obscur, précisa Cheswick, sa sœur gère un ... ‘groupe pop’ avec succès, si c'est le terme exact aujourd'hui. »

    Planchart fit une grimace méprisante.

    « ‘L'agent public agit souvent mieux que l'homme qui doit consacrer beaucoup de temps et de l'énergie à être sous couverture’, cita Cheswick. James Bond dans Bons Baisers de Russie. Kim Philby et Anthony Blunt étaient les deux plus grands espions de la Russie. Cachés à la vue de tous.  Red n’est pas nécessairement fou, je ne le pense pas. En tout cas, Edna Watson et Ian Leonard font l’objet d’une formation à Molenbeek, en ce moment, sous la supervision d'Alec Cunningham. 

    _Et Mordred ? Qu'est-ce qu'il fait ?

    « Je ne sais pas. Comme je l'ai dit, il y a pas mal d'information que nous avons inventées dans Grey au cours d'échanges d'informations plus directes. 

    _Je voudrais au moins mettre quelques hommes sur M. Mordred, dit Planchart, l’amener peu à peu. Il n'y a rien de pire que la désorientation pour provoquer la chute de la grâce, et il n'y a rien de telle pour la produire qu’une bonne dissimulation - surtout quand elle sort de nulle part. 

    _Horvarth peut s’en charger, dit Cheswick. Le cabinet de sécurité privé. Tant que je n’ai pas à le faire. 

    _ Je m’en occupe. Durant est  toujours à Londres ? 

    _ Je crois que oui. Il espère que vous lui donneriez des ordres de dernière minute, après la conférence. 

    « Je n’en ai pas. Dites-lui de s’en aller. Il est trop dangereux. Et il est connu de la police, même si elle n’a pas de preuve pour l’arrêter. Dites-lui de quitter le pays tout de suite et de rester discret jusqu’à nouvel ordre.

    _Il n'est pas sous mon contrôle. Vous devriez contacter nos partenaires français. »

    Planchart soupira, de mauvaise humeur. « Je le ferai à la minute où nous reviendrons. » Il secoua la tête et son ennui semblait croître pendant un moment. « Que faisons-nous de la journaliste ? demanda-t-il.

    _Elle reste toujours importante pour nos partenaires européens. Apparemment, elle n’est pas souvent chez elle. Elle est douée pour s’effacer. Et pourtant, j’imagine que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne revienne vers vous pour un scoop. D’une manière ou d’une autre, on garde un œil sur elle et ses jours sont comptés. »

    Planchart fit oui de la tête. Elle était toujours parmi nous, c’était un miracle. « On se tient informé, » dit-il froidement puis il se mit à lire le dossier qu’on lui avait tendu.

    Ils se reposaient en silence. Un long moment s’écoula avant qu’ils n’aient atteint Paris. Cheswick inclina légèrement son siège et fit une sieste. Planchart regarda par la fenêtre. Le temps était magnifique. Le paysage était magnifique. Un jour, c’est ici qu’il serait en retraite, peut-être ... La vie rustique.

    Dix minutes plus tard, lorsqu'il clôtura le dossier, il prit une décision. Peu importe ce que pensait Cheswick. Cheswick était assez gentil, mais il était sujet à une précaution excessive.

    Bien sûr, il en avait le droit, pauvre homme. Il n’était pas nécessaire de lire les travaux recueillis de John Le Carré pour savoir qu’une taupe n’a jamais de vie heureuse.

    La vérité était qu’avec Durand déprimant et la journaliste toujours en liberté, il y avait déjà trop de variables menaçantes. Une autre de trop était hors de question.

    Ce ‘John Mordred’ devait mourir et rapidement.

    Chapitre 2 :  Devant le lord-maire

    Des murs bordeaux sur lesquels étaient accrochés des peintures et des miroirs aux contours dorés, un plafond en dôme de verre, des barrières en bois verni, un revêtement ornemental et un bar style îlot. Tout dans le Counting House – autrefois un hall de banque, aujourd’hui un pub au cœur de la vieille City de Londres – s’accordait merveilleusement bien pour donner l’impression d’un hôtel du XIXe siècle auquel se mêle un bordel de Soho.

    Mordred y était avec sa collègue du MI7, Phyllis Robinson, Ils avaient trente minutes à tuer avant leur rendez-vous de l'après-midi avec le nouveau lord-maire de Londres, à quelques pas de là, à la Mansion House. Les deux agents avaient reçu  une demi journée de repos pour cette occasion.

    Mordred commanda un gin pour lui et un vin blanc pour Phyllis puis, ils ôtèrent leurs manteaux avant de prendre place autour d'une petite table recouverte de prospectus, près d'une fenêtre dépolie. A l'heure du déjeuner, la salle commença à se remplir d'excitables employés de la City en costumes et montres, il s'agissait d'hommes et de femmes qui leur ressemblaient – jeunes, séduisants, souriants – seules leurs tenues coûtaient plus chères : Gucci, Armani, Channel, comparées à leur M&S  et Next. Il y avait beaucoup d'hommes blonds, grands et robustes comme Mordred ; beaucoup de femmes, grandes et sportives comme Phyllis.

    _Tu penses que c’est judicieux de boire avant de rencontrer Willie ? » demanda Phyllis. Elle sirota son vin. « Je me corrige, continua-t-elle, je ne dois pas l'appeler 'Willie' en face de lui. Mais William Chester, Lord Willoughby de Vries.

    _Nous n'avons pas demandé d'alcool pour cet entretien, dit-il. C'est lui. De plus, nous ne buvons pas parce que nous sommes alcooliques. » 

    Elle sourit : « C’est réconfortant de le savoir. 

    _L'alcool est supposé te détendre, Je ne veux pas me disputer avec lui. Cet entretien est supposé enterrer la hache de guerre, Si c'est une personne censée, il prendra un verre aussi.

    _L'alcool ne ‘te détend pas', dit-elle, mais te rend plus agressif.

    _Cette boisson me donne toujours l'envie de dormir.

    _Ça devrait donc nous aider à enterrer la hache de guerre, oui. Tu t'assoupis en plein milieu d'une meringue à la crème fraîche. 

    _Je ne m'endors pas complètement, bien sûr.

    _J'espère que si. Ce sera un autre fait pour l'album. 

    « Qu'est-ce que vous voulez dire par «'un autre' ? »

    « Je veux dire 'un', un fait pour l'album, bon sang, relaxe-toi, John. Sers-toi un autre gin si tu penses que ça peut t’aider. Je ne suis pas ta mère. Ce n'était qu'une remarque. 

    Ils étaient assis et ne parlaient pas, ne buvaient pas et restèrent ainsi pendant un moment, à double reprise, ils se regardèrent dans les yeux puis sourirent. Phyllis parraissait beaucoup plus détendue que lui, à cause de ce qu'elle avait traversé l'année dernière dans la soi-disant 'World War O', Pas kidnappée dans le sens propre du terme, avait-elle dit plus tard. On m'a bien traitée. Ceci dit, le lord-maire avait beaucoup à dire là-dessus.

    Probablement. Cependant, aucun lien incontestable n'avait été prouvé, Elle prit une brochure sur la table – 'DEHORS' en lettres majuscules bleues sur fond jaune – Elle lit le mot avec indifférence.

    « Tu veux un autre verre ? demanda-t-il, après ça ? 

    _Des idées, John ? répondit-elle en ne prêtant pas attention à lui. Devrons-nous y rester ou en sortir ? »

    Sa brochure. L'UE. Il frissonna. « Y rester mais je suis ouvert aux tendances. 

    _Tu ne penses pas que Bruxelles en fait un peu trop ? 

    _Mieux vaut un danger que l'on connaît. Et toi, qu'en penses-tu ? 

    « En sortir. J'aimerais que la Grande Bretagne retrouve sa souveraineté. »

    Il rit.

    « Qu'y a-t-il de drôle à dire cela ? dit-elle.

    _Nous sommes grands. Pense à The News Quiz et Grayson Perry.

    _Comme c’est adorable ! Elle se pencha en avant. Question formelle : et si on sortait ensemble, qu’en dis-tu ?

    _Euh, pardon ? N’est-ce pas un peu soudain ? 

    _Ou peut-être vois-tu quelqu’un ? 

    _Euh, non ! 

    _J’adorerais sortir avec toi, juste pour voir. 

    Il ne savait pas comment ils en furent arrivés là. Il y avait encore une seconde, on parlait de l’UE. « Oui, je serais vraiment curieux. Je n’ai pas l’habitude de recevoir ce genre d’offre après seulement un verre de vin. 

    _J’y pense depuis pas mal de temps. J’attendais juste le bon moment pour en parler. 

    _Je pensais que tu avais un petit ami : Toby. 

    _Plus maintenant. 

    Toujours assis, ils se regardèrent fixement droit dans les yeux pendant de longues secondes. Il ne savait pas du tout si elle était sérieuse. ‘Fais-les marcher et jette-les’ serait bien son style, à son avis. Elle avait été dans l’armée. Elle n’était donc probablement pas une sentimentale confirmée.

    « Toby était un voyou, dit-elle enfin. Il m’a fallu du temps pour le comprendre. Mais lorsque tout était enfin clair pour moi, j’ai réalisé un post-mortem pour voir ceux qui avait de la considération pour moi. C’était toi. Je peux faire mieux. Tu es l’avenir des hommes, John. Tu aimes la conversation, tu as une belle conscience, tu aimes la compagnie des femmes et ne la vois pas comme une faiblesse à rabaisser ou même à supprimer car tu as de bonnes raisons.

    _Tu as sûrement entendu parler du malheur de Mordred, non ? 

    _Tu peux me rafraîchir la mémoire ?

    _La première femme que j’ai aimée s’est avérée être un membre de Black. Dès que notre mission en commun s’était terminée, je ne l’ai plus jamais revue. Ensuite, il y a eu Gina. Moins j’en parle et mieux je me porte. J’ai même pensé épouser Annabel, pendant un moment. 

    _Annabel ? Ah, oui ! Je m’en souviens maintenant. 

    _Elle disait qu’elle m’aimait. Mais ensuite, elle a épousé Tariq. Et, à propos, ne lui parle pas de cette conversation. 

    _Ce n’est pas la peine de revenir sur les sujets qui fâchent. 

    _Elle s’est mariée avec quelqu’un d’autre. C’est pire qu’un sujet qui fâche. C’est plus un sujet qui tue. 

    _Quelle image poignante ! 

    _Ce qui est tragique, c'est que la SPA n'a pu rien faire. » 

    Phyllis vida son verre. « En somme, personne ne peut vivre dans la lumière intense de John Mordred. J'adore flirter malgré le danger. Je suis une battante née. 

    _Tu considères cette possibilité, j'en suis flatté. 

    _Tu me trouves séduisante, non ? Je ne pleurerai pas si tu dis non

    _Tu es séduisante. Mais, je pense que l'on devrait se concentrer sur le lord-maire.

    _C'est décidé, alors. Au moins, il en sortira quelque chose de positif aujourd'hui, quoiqu'il arrive à la Mansion House, Mais, je ne suis pas très optimiste. Bien, concernant l'heure et le lieu. 

    _Et ... Quelque chose me dit que tu as déjà pris ta décision ? 

    _Tu ne vas pas piquer une crise, promis ? Allez ! Parles un peu plus vite, John. On doit être à Mansion House dans quelques minutes. 

    _Je te promets que je ne piquerai pas une crise. 

    _Deux semaines en juillet. L’île de Capri. Dans la baie de Naples. »

    Il rit. « Euh, ... Comment ? Tu es sérieuse ? 

    _ Oui ou non ?

    _Ce n'est pas très conventionnel pour un premier rendez-vous. 

    _Oui ou non ? 

    _Jute nous deux ? 

    _Et les Italiens, oui. Il n'y aura ni Toby, ni mes parents ni aucun de mes amis. Juste toi et moi. Regarde, je suis dans ton appartement. Je sais qu'en plus de tes autres chères qualités, tu es fier de ton habitation. Je ne te retiens pas. Dis non si tu le veux. Mais je te préviens, tu ne me reverras plus jamais. 

    _Ça ne sera pas être évident, nous sommes coll... 

    _Oui ou non ? Oui ou non ? Oui ou non ? Désolée d'être aussi tenace, mais la plupart des hommes auraient déjà pris leur décision. 

    _Oui, absolument. Et pour les réservations ? 

    _C'est déjà fait. Regarde, la villa appartient à Annabel. Elle l'a recemment héritée de son père, le vieux Pa Gould. Elle a accepté de me laisser y séjourner pendant deux semaines gratuitement, à une condition : te convaincre de m'y accompagner et personne d'autre. Je pense qu'elle ira nous rendre une petite visite pendant ces vacances juste pour vérifier que je remplis bien les termes et les conditions de l'entremise. 

    Je saisis la vérité amère. Je hôchai la tête. « Ce n'est donc pas moi que tu veux, c'est la villa d'annabel. 

    _Si je t’avais donné plus de détails, tu serais devenu supérieur. 

    _Alors, quels sont tes 'termes et conditions' ? Je suppose que le sexe est hors de question. 

    _Je ne m'attendais pas à ce que tu demandes ça. Je suis déçue. »

    Il lui lança un regard noir. « Mais depuis que j'ai ... 

    _C'est un premier rendez-vous. 

    _Je récapitule. Nous sommes en avril. Tu me demandes de sortir avec toi. Mais dans trois mois. Juste pour ne pas violer la soi-disante loi du non-sexe concernant les premiers rendez-vous. 

    _Deux. Deux mois. Début juillet, pas à la fin. Elle leva les yeux, irritable, « Ok, bien. Tu pourras avoir des rapport intimes si tu le veux !

    _ Je ne veux pas de sexe. Je veux juste connaître ton point de vue à propos de tout ça. 

    « Écoute, John, Je ne suis pas si désespérée de passer deux semaines à Capri. Ce qui va suivre : un petit retour à la réalité, si tu le permets. Nous sommes au XXIème siècle. Je suis une femme indépendante et je ne suis pas connue pour ma parcimonie. Je peux facilement acheter mes propres vacances quand je le veux, Mais, en même temps, j'aime me laisser emporter par quelque chose d'autre qui m'attire. Imagine un instant comment ça doit être, pendant quinze jours, de partager une villa avec une personne que tu n'aimes pas particulièrement – ou à laquelle vous êtes indifférent ? Je paierais cher pour ne pas avoir à vivre ça. Non, merci. Toi aussi. Et toute autre personne que je connais aussi. Lorsqu'Annabel m'a proposé son offre, c'était comme si mon rêve était devenu réalité. Et donc, oui ! Oui, nous pouvons faire l'amour. Nous pouvons faire l'amour ici et maintenant, si tu le veux ! Débarrassons-nous de ça ! 

    Tout à coup, il réalisèrent que tout le pub avait cessé de parler pour les écouter. Mordred regarda le barman puis de nouveau Phyllis.

    _Je ne suis pas sûr que ce soit permis, lui dit-il.

    Elle se leva et se prosterna devant l'assemblée. « Pas de sexe, s'il vous plaît, nous sommes britanniques, Théâtre royal, Drury Lane, jusqu'à la fin avril. Nous proposons des séances tous les jeudis et vendredis à 14h. N'hésitez pas à prendre un dépliant en sortant. Merci de votre attention. Nous sommes désolés de vous avoir choqués, Mais, hé ! C'est le showbiz ! Nous avons parfois besoin de nous créer un auditoire. Bon après-midi. »

    Alors qu'elle se rasseyait, elle put entendre un ‘aaah !’ presque universel, montrant l'appréciation et l'illumination du public. Quelques applaudissements se firent entendre aussi. Puis, le brouhaha de la conversation reprit.

    « Bien ! dit Mordred.

    _Je me sers un autre verre de vin, un grand verre. Et ensuite, on s’en va. Soudain, elle aperçut quelque chose derrière lui qui la laissa bouche bée « Mon Dieu ! Ne te retourne surtout pas ».

    Il jeta un œil à sa montre. Il leur restait encore cinq minutes. Sinon, il faudrait penser à prendre un taxi.

    « Qu’est-ce qu’il y a , demanda-t-il.

    _Farquarson.

    _Mr Ranulph ?

    _Combien de Farquarson connais-tu ? »

    Il sourit. « Un seul. Mais, j’imagine que toi, tu en connais au moins cinq.

    _Drôle. Très drôle. Je ne suis pas une bourge, John. Juste une Tory. J’ai vraiment suivi un enseignement général, si ça peut t’aider. »

    Il rit. « C’est vraiment très, très utile. Merci. 

    _Les gens partent du principe que, parce que je porte de beaux vêtements, que j’ai pris des cours d’élocution à l’âge de seize ans, que j’ai eu un petit ami du nom de Toby, je dois ressembler à Sloane Ranger. Eh bien, non. Nous devons dépasser tout ça si nous tenons à avoir une relation censée, par opposition à celle d’une simple adolescence. 

    _Qu’y a-t-il de si terrible de voir Farquarson parmi nous ? 

    _C’est juste embarrassant, c’est tout. C’était l’ex-PDG de Grey et nous avons travaillé chez Grey et ... Il est parti en butte aux soupçons. 

    _Non. 

    _Si. 

    _Il a été mis à la retraite, insista Mordred. Il n’y avait aucune preuve qu’il était impliqué dans quoique ce soit. 

    _Qu’est-ce qu’il fait là ? 

    _Est-il accompagné ? 

    _D’une vieille dame, répondit Phyllis. De son âge. Sa femme, je suppose. Peut-être qu’il est juste en train de passer une bonne journée. 

    _Ce serait la meilleure des explications, oui. 

    _Eh bien, selon la loi, dans ce genre de situation, il ne lui est pas permis de nous reconnaître et vice versa. Et c’est ce qui est embarrassant.

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