Discover millions of ebooks, audiobooks, and so much more with a free trial

Only $11.99/month after trial. Cancel anytime.

Olivier
Olivier
Olivier
Ebook155 pages2 hours

Olivier

Rating: 0 out of 5 stars

()

Read preview

About this ebook

Tu aimes les témoignages? Tu adoreras ce livre! C’est un roman basé sur une histoire vraie.

«Je photographie les bâtiments un peu plus loin. Plongés dans un labyrinthe obscur où tout devient noir. D’un noir d’encre. C’est pour cette raison que je devais venir ici. Cet endroit est parfait. Sombre. Délabré. Désorganisé. Pourri.

Comme moi.

J’ai essayé de ne pas croire à cette étiquette pendant des années. Stupide. Mais quand tout le monde t’appelle ainsi, cela devient difficile de continuer à le nier. Comment puis-je rejeter ce mot quand j’obtiens à peine cinquante pour cent à chaque examen que je passe? Quand les marques de stylo rouge me rappellent de faire un effort, de travailler davantage, d’écouter en classe — alors que c’est ce que je fais constamment? De toute évidence, ils doivent avoir raison. Je suis stupide de vouloir le nier. Il m’a juste fallu longtemps avant de finalement accepter cette réalité.

Sauf que je ne veux pas.»
LanguageFrançais
Release dateMay 10, 2017
ISBN9782897583033
Olivier
Author

Kim Firmston

Kim Firmston est une auteure jeunesse prolifique vivant à Calgary. On lui doit également plusieurs pièces de théâtre. Olivier est son premier livre traduit en français.

Related to Olivier

Related ebooks

YA Social Themes For You

View More

Related articles

Reviews for Olivier

Rating: 0 out of 5 stars
0 ratings

0 ratings0 reviews

What did you think?

Tap to rate

Review must be at least 10 words

    Book preview

    Olivier - Kim Firmston

    parkour

    1

    Les ombres

    Stupide.

    Je suis peut-être stupide. Stupide de venir ici.

    Devant moi, un projecteur éblouissant projette des ombres contrastées sur un mur de briques grises. Au-dessus de ma tête, le crépuscule bleu cobalt cède rapidement la place à l’obscurité de la nuit. Je sors mon appareil photo numérique de son étui, vérifie la mise au point, prends une photo, puis passe à la fonction vidéo. L’ancienne brasserie est plongée dans le silence. Un silence de mort. Un silence de cimetière. C’est parfait. Cela signifie que je n’ai pas été repéré. Je filme la clôture de mailles métalliques. Ses entrelacements projettent des ombres en dentelle sur le béton défoncé.

    Le fil de fer barbelé, partiellement affaissé au sommet, vibre sous l’effet d’une douce brise printanière. Je prévois déjà une piqûre contre le tétanos dans un futur rapproché si je tente d’entrer par là. J’éteins l’appareil, remets en place le capuchon de l’objectif, puis m’avance en m’accroupissant d’un air coupable le long d’un chemin privé parallèle à l’arrière du bâtiment. La barrière qui ferme normalement ce chemin est ouverte et accueillante. La pancarte Terrain privé l’est moins. Impossible de plaider l’ignorance si je me fais prendre. Ce n’est pas comme si j’avais pu rater cet écriteau. Par contre, ce n’est pas moi qui ai laissé cette barrière ouverte. Je cherche une brèche dans la clôture sur ma droite, une façon de me glisser à l’intérieur. À cinq ou six mètres plus loin, j’aperçois un endroit où le fil de fer est suffisamment relevé au-dessus du sol pour qu’un petit coyote puisse se faufiler dessous.

    Ou moi, si je retiens mon souffle.

    Je m’étends par terre, le dos frottant contre le sol, en tenant fermement mon appareil photo. Sa sécurité est ce qui m’importe le plus. Je peux bien m’égratigner, me mutiler, saigner. Mais mon appareil? Jamais. Il vaut de l’or. Je ne le lâche pas une seconde, même quand la clôture frotte sur mon nez, avec son odeur de vieux métal et d’urine de chien.

    Finalement, je me retrouve à l’intérieur, propulsant le reste de mon corps dans la zone interdite d’un dernier coup de talon. Des cristaux de glace s’insinuent dans le col de mon chandail, me faisant frissonner. J’espère que j’ai été assez silencieux. J’ai fait de mon mieux pour réprimer mes grognements et le bruit de ferraille de la clôture.

    Je ne sais pas où se trouve le gardien de sécurité. Je l’ai vu passer de l’autre côté du bâtiment avant de m’introduire dans la propriété, mais j’ignore combien de temps il faudra avant qu’il ne vienne de ce côté. S’il vient par ici. Cet endroit est couvert d’arbrisseaux et de mauvaises herbes qui poussent dans les fissures du béton. Tous mes efforts pour être discret étaient peut-être superflus.

    Je me relève et colle mon dos au mur de briques grises, comme si j’étais dans un film d’espionnage. Je lève les yeux à la recherche de caméras. La compagnie d’entreposage qui possède ce bâtiment en a installé partout. Pourvu que mon chandail noir et mon pantalon cargo marine m’aident à ne pas me faire repérer! Les cheveux blonds ne sont pas un avantage dans une telle situation. Je relève mon capuchon. Jusqu’ici, tout va bien.

    J’entends un craquement et un bruit sourd au loin. J’essaie de me représenter d’où ils proviennent. D’en haut? Peut-être de l’autre extrémité du terrain? Je me demande si c’est le gardien qui vient dans ma direction. Je prête l’oreille, immobile, mais il n’y a pas d’autre son à l’exception des bruits de circulation sur la 9e Avenue et les roues d’un train qui approche de la gare de triage Alyth. Utilisant ce vacarme pour me couvrir, j’avance lentement, prudemment, le long du mur, tout en retirant le capuchon de l’objectif.

    J’essaie d’imaginer cette bâtisse il y a une centaine d’années, lorsqu’elle appartenait à la compagnie Calgary Brewing and Malting. À l’époque, c’était un endroit animé. Le cœur de la communauté. Les gens venaient pique-niquer en famille et admirer les poissons qui nageaient dans l’eau du puits artésien. À présent, le parc est fermé et l’aquarium n’existe plus depuis longtemps. Même la statue de bison a été clôturée, son derrière estampillé par une pub du Stampede.

    Cet endroit tombe en ruine: la brasserie, la salle de soutirage… Toutefois, la grande cheminée de briques rouges se dresse toujours comme la tour d’un château médiéval. La compagnie d’entreposage a rénové le bâtiment principal. C’est un endroit où les gens qui accumulent les objets peuvent les conserver. Il y a même eu une vente aux enchères d’unités d’entreposage le mois dernier, comme dans la série télévisée. Cet endroit abrite probablement des objets précieux, ce qui explique les mesures de sécurité.

    Oui, je suis vraiment stupide.

    Selon mon père, ce n’est pas surprenant. Il a l’air de croire que si je ne suis pas en train d’étudier ou de pratiquer un sport quelconque, je gaspille ma vie. Tourner des films, ce n’est pas du gaspillage, c’est de l’art. Mais tenter de le lui faire comprendre, c’est comme essayer de filmer un concert rock avec un objectif macro. Ça ne sert à rien.

    La tête baissée, je me faufile jusqu’à la cheminée. Elle est immense et perce le ciel nocturne très haut au-dessus de moi. Il y a une tour non loin de là, constituée d’échelles grises et de métal rouillé aux soudures rompues. Je m’en approche et pose prudemment le pied sur un échelon près du sol. Il craque sous mon poids. Je vais mourir si je grimpe là-dessus. Me ravisant, je me dirige vers un passage étroit oublié depuis des lunes. Il y a beaucoup de détritus accumulés ici, dont certains doivent remonter aux premiers jours de la brasserie. Ils créent des ombres denses qui confèrent une apparence maléfique au béton craquelé. Comme si un démon tentait de se frayer un chemin à partir des profondeurs souterraines. Une boule de papier chiffonné roule près de moi, me faisant sursauter et me donnant la chair de poule. Je saisis mon appareil photo, vérifie les réglages et fais un zoom. Un vieux pneu apparaît avec une allure menaçante dans la pénombre, tel un œil. Je fais la mise au point là-dessus. Un œil monstrueux en caoutchouc qui regarde au fond de mon âme. Je photographie les bâtiments un peu plus loin. Plongés dans un labyrinthe obscur où tout devient noir. D’un noir d’encre. C’est pour cette raison que je devais venir ici. Cet endroit est parfait. Sombre. Délabré. Désorganisé. Pourri.

    Comme moi.

    J’ai essayé de ne pas croire à cette étiquette pendant des années. Stupide. Mais quand tout le monde t’appelle ainsi, cela devient difficile de continuer à le nier. Comment puis-je rejeter ce mot quand j’obtiens à peine cinquante pour cent à chaque examen que je passe? Quand les marques de stylo rouge me rappellent de faire un effort, de travailler davantage, d’écouter en classe — alors que c’est ce que je fais constamment? De toute évidence, ils doivent avoir raison. Je suis stupide de vouloir le nier. Il m’a juste fallu longtemps avant de finalement accepter cette réalité.

    Sauf que je ne veux pas.

    Un éclair lumineux se reflète sur l’écran de l’appareil. Je pivote et me laisse tomber derrière une palette de bois appuyée au mur. J’éteins mon instrument au milieu d’un cliché, produisant un déclic. Je fais la grimace. Mon regard balaie les alentours, mais je ne vois rien. Pas de lampe de poche, pas de gardien, rien. C’était peut-être autre chose. Je reste tout de même tapi, le dos appuyé au mur de briques poussiéreux. Finalement, je rallume l’appareil et continue mon exploration, à la recherche de la photo parfaite.

    Il y a un endroit dégagé un peu plus loin. Une espèce de cour. Des briques brisées jonchent le sol. Des bouts de bois, provenant sans doute de vieux tonneaux. Une odeur de pourriture flotte dans l’air. Une autre lueur. Cette fois, elle vient d’une vieille bouteille de boisson gazeuse. Je me demande si elle date de l’époque de la prohibition. Quand l’alcool était interdit et que la brasserie s’était réinventée en vendant des canettes de soda et de l’eau minérale.

    Je voudrais pouvoir me réinventer aussi facilement.

    Je redresse la bouteille parmi les briques, laissant la lumière blanche et crue du projecteur de sécurité se refléter sur sa surface. Dans l’objectif de mon appareil, elle ressemble à une pierre précieuse. Un diamant posé sur un monticule de détritus. Je filme durant vingt secondes. Une éternité dans le monde du cinéma.

    Les choses paraissent différentes selon qu’on les observe dans l’objectif d’une caméra vidéo ou dans celui d’un appareil photo. Il y a une profondeur qu’on ne peut obtenir dans la vraie vie. Les petits objets deviennent immenses. Des détails sans importance peuvent occuper tout le cadre. Et des trucs énervants se retrouvent brouillés ou retirés complètement de l’image. Mon professeur me dit de me concentrer. Avec mon appareil, je peux choisir sur quoi me fixer. Je peux modifier le monde de la façon qui me plaît.

    Ma mère essaie de m’aider, de m’encourager, alors qu’elle-même avoue ne pas savoir comment faire mes devoirs. Elle estime que c’est une période difficile dont je vais finir par sortir. J’ai seize ans. Je ne m’en suis pas encore sorti. Ça n’arrivera jamais. Et puis il y a papa. Pour lui, je suis un raté, un gars borné et stupide. La note de trente-deux dans mon test en études sociales aujourd’hui prouve qu’il a raison.

    Si les gens me demandaient ce que je sais, au lieu de m’obliger à l’écrire, je pourrais le leur expliquer. Mais non. C’est toujours une série de rédactions et d’examens, et d’exhortations à faire plus d’efforts. De toute façon, ça n’a pas d’importance. Je n’irai pas à l’université comme ils le souhaitent tous. Dès que j’aurai dix-huit ans, je partirai à Hollywood et ferai ce pour quoi je suis né: tourner des films.

    Je m’aventure plus loin dans la cour, l’objectif braqué vers le haut. J’essaie de capter le croissant de lune entre des nuages noirs. Sa lumière éclaire la lisière de briques sombre entre le ciel et le toit, quand soudain, une ombre vacille. Non, elle ne vacille pas, elle file comme une flèche. C’est curieux, car les ombres ne

    Enjoying the preview?
    Page 1 of 1