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A 28 ans, Edy de Fils-Aimé est poète du déclin. D'une page à l'autre, le goût de
la déchéance et du mal de siècle charpente à profusion toute sa création
poétique.
Sa poésie a une dimension vitale. Ni artificiel, ni idyllique, mais bref, son texte titré ''Les arbres ont
le ventre creux'' est une plainte épouvantable et amère, une vision de la chute, de l'inertie, du mal
profond de l'existence, de la descente aux émotions les plus passionnelles et les plus
indescriptibles du poète.
La dynamique de l'oeuvre
''La voix énonciatrice du poème est sensible au vent, au mur, à la tour de Babel, à la ville, à
l'iceberg, aux puits, à la feuille, à l'aube, aux îles, aux vagues, aux rigoles et aux chiendents", ce
modèle de référent à la fois concret et abstrait utilisé par le poète constitue l'axe spatial de son
oeuvre résolument tournée vers le passé, mais inscrite dans l'expression d'un présent
d'énonciation.
La création poétique de Edy de Fils-Aimé, toute l'oeuvre, une oeuvre achevée, a l'odeur d'une
atmosphère de chute inattendue, d'une dynamique de recul. Elle est l'expression d'une intériorité
profonde, d'une hallucination fugitive et monotone de l'existence. Prenons par exemple l'emploi
des verbes déclaratifs: ''déshabille'', ''termine'', ''enlève'', ''se perd'', ''déferlent'', ''se brisent en
îles inventées'', ''gribouille''.
Nulle autre constante n'est perceptible dans ce texte que le déclin du poète, lié à l'angoisse de
vivre et d'exister, au vide, à une vision de descente au néant. La voie du poète est en quête de
lumière sans cesse retrouvée, une lumière parfois clignotante et une lumière parfois sinistre.
Le coeur contrit et embrasé, la pensée nostalgique, Edy de Fils-Aimé a la culture d'une poésie
fraîche, mais tendre. Sa langue possède une constante tenue. Sa phrase très brève, mais sans
sécheresse, est rehaussée de personnification et de comparaison. Elle est prose, jeu sonore et
visuel, quête de l'aube. En tout cas, la facture du format est pure déconvenue.
La voix du silence
De toute évidence, une note plaintive non pas voilée, mais dure et mélancolique saute de la poésie
de Edy de Fils-Aimé. Elle s'accélère au rythme trépidant des vagues, de l'eau, des îles inventées,
de tour de Babel, de vents. Elle est l'expression d'un déclin progressif et manifeste. Elle est une
vision confuse de l'existence, une marche furieuse vers le néant, dénonciatrice et révoltante.
Jobnel Pierre
guanabo70@yahoo.fr
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(1) FILS-AIME (Edy de), Les arbres ont le ventre creux, Collection Procédure, Port-au-Prince, s.d,
72 pages.
(2) Claudel (Paul), Réflexions sur la poésie, Gallimard, Paris, 1953, 185 pages.
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