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o l' E s dt u Guo lemo lo,lesor iic lesqui c onr pos enl c e liv r e = Aloin BRETO N
p.ojellenlCesÉr'.o irogespo,liculiers :i complementoires Jeon-Pierre
su r d Here nts poinlsd his k r ir epr ehis ponique, I BERTHE
co onroleel moderne. x SylvieLECOIN
Lo prâxcrrpotioncommuneô foutesceséfudes,qui à lo I
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foislesiie et les,distingue, estlo quesliondessources et è,
de leurlroilementhistorique. Qu'il s'oqisse !
de lôrnoiqnoqes orchéoloqiques, dc collections ldoles rl
de ,uponi"s é des q.restioinoirescfficielslreloctones),
de recensements el de corresponcionces épistoloires, :
de chroniques,ou de récitsedilionls- exemp/um,texles p
occoÀpoqnonldesdonses,"ro,nondessiné"-, les O
dif{êrentes'lec"tures de cesmotériou>r s'orticulent ouiour a
de deux qrondsthèmes: lo ménroireel le soucides E

origines(poi"ldg vue indigène), d',.rnepcrt ; lo noture I

du messoqeideoloqique de lo socir:ié dominonleel so =


volonléd'inàuirel"s i.'rentolités. d'out-eoort. Lodlversitê 3
oessources, oes inrerprélolions er des pointsde we ici I

r-ossemblés offre rnr- oilleursune inléressonte série


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d'incursions dc;rsle domoinedes représentotions de Sor, rl
de l'Autre,de l'e,spoce el du temps.
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Ce volumeeslun hommoqeà lo personnolilé et oux tl
frovouxde NicoléPerch:ron( 1940-.l987).
Peinturede Yvrimpundorc. FÈ,ndr illoç e ét
Ave<b portkipotionde : lvlorie-Chorloth
Amould,PieneEecqr-relin, Bentre,
Jeon-Pierre
rlnmstÈre & Yuririo ùns I'oxia diqè*
MictrelBerlrond,Ahin Breirn,Ilomos Colvo,FronçoiseCrémoux,DonièleDehowe,
du Mkhæcon, 1580.Publiæm lbim*e
outujsliq dc Archirc Gqæl dc lndios, lgnociodel Rio,Serç Gruzinski,JocquelHirry, Àoin khon, NicoleLo{ay,SylvieLNoin,
kitlo. CËmldMigeon,DominQwMichelet,Aloin Mussel,AshJlq1.,ocem Aniolo,Josetle
h Roche,Guy SkesærPâ:n,CormenVol Julion,tronçoiseVergneoult.
R.iondière

PRESSES
UNIVTRSiIAIRES
DUMIRAII
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rclletlion
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UN REGARDMULTIPLB SURLE PUBBLODB CUZCATLAN :
UNB APPROCTIEPLURIDISCTPLINAIRE
DB DBUX CARTESJUMELLES DES
,,RBLA'IIONS GBOGRAPHIQUESDES INDBS" (1580)

Alain Mussetet FrançoiseVergneault

Abordcr lcs cartesde Cuzcatlan(aujourd'huiCoxcatlân)extrailesdes


"Relationsgéographiques" dc 1580,dansune perspectvequi se situe au
carrefour dc I'histoirc, de la géographie,et de la cartographie,tel est le
proposdc cetteétudc.

Ces deux cartes(1) n'ont fait I'objet,jusqu'àpréscnt,d'aucuneanalyse


systématiquc, et rarcssont lcs auteursqui les citent ou les ul.ilisenten illus-
trationde leur tcxtc.Pasoy Troncoso(1905,t.V, 50, n"1) a publiéle premier
une reproductiondu documcntque nousappellerons"carte 8". Plus récem-
ment,l'édition de RcnéAcufla desRelacionesgeogrdJicas del sigloXVI Q)
a fait connaîtrela "carte A", conservécà l'universitéd'Austin Cfexas).Iæs
dcux cartes(fig. I ct 2) ont ccçrcndant étécitéesà plusieursrepriscs.Donald
Robcrlsony fait allusion dans son article The RelacionesGeogrôficasof
Mexico,oùil étudielcs phénomènes d'acculturationproprcsauxcivilisations
indigènesdu Mexique, à traversl'évolutionde la peintureet du dessinau
XVIème siècle;mais s'il dome une reproduction de la carteA, il n'en fait
pas I'analyse(3). En 1972,le môrneauteura reproduitla carte B dansun
article intitulé Provincial townplansfrom late sixteenthcenturyMexico (4),
sanslui accorderde commentairespécifique.SeuleCarmenCookdelæonad
(1974)a étudiéde manièreplus précisele textede la relationet les glyphes
accompagnant les pcintures.Mais le plus souvent,et ce fait n'estpaspropre
aux"Relationsgéographiques", n'estpasétudiépourlui-même.
I'objet-carte

(l) læs deux cartes de 1580, ainsi que celle de l79l et la plupart des sources historiques
présentées dans ce travail ont été proposées à notre étude par Jean-Pierre Berthe (E.H.E.S.S.,
Paris); qu'il en soit ici rerncrcié.
(2) Acufra 1983.
(3) Rolrcrtvrn 1959.
(4) Robcrtson 1972.
Ilrt regard mulliple sur Ic pu"blo de Cuzcatlan
VERGNEAULl'
ALAIN MUSSEI et FRANÇOISE

Fig.2 : Carte B (Pasoy Troncoso,Madrid, 1905,cf. note I )


Fig. I : Carte A (Acuna, Mcxico, 1983,cf. note 2)

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ALAINMUSSET VERCNEAULT
etFRANçOISE Iln regard multiple sur Ie puebb de Cuzcatlan

On lc consiclère sculemcnt commcuncanncxcchargécd'illustrcrlc tcxtc,qui In régionde Cuzcatlan: un aperçugéographique


cst,lui, lc vCritablcvéhiculedc I'information.
cuzcatlan(coxcatldn)sc situcauxconlinsdc l'ancicndiocèsedc pucbla-
Or lcs cartcs dcs "Rclations Géographiqucs" sont riclrcs dc scns 'I'laxcalaet dc cclui d'Antequera(oaxaca),dans une zone qui
pour la marque
multiples : elles pcuycnt servir de révélateur tenter d'appréhender aujourd'huila fronrièrcenrrcles Éms dc pueblaer de oaxaca
manièredont étaitpcrçuI'espaccmexicainau XVIèmcsiècle,à une époquc ing. r). La
régionsc composcdc troisgrandscnscmblcs bicndiffércnciés :
de conllucttccenûc deux culturcs.IJ contextede lcur élaborationest en
effet trèsparticulicr:dès 1577,la couronneespagnole avaitcnvoyédansles
- au sud-oucst,une zonemontagneuse assezaccidentée,
au relief tour-
Indes le formulaired'une enquôte,dans le but de mieux connaftreles mentéet fortemcntraviné,où lcs altitudcss'élèvcnt
(5). Parmiles auteursde jusqu'à2.000mètres.
possessions de PhilippeIl dansle Nouveau-Monde
ce questionnaire, on trouvaitdesgéographes ct dcshommesde savoir(ct tlc
pouvoir) commcJuanLdpez de Velascoou Juande Ovando.Dans chaque - au ccntre-ouest,
unedépression: I'cxtrémitésuddu bassindeTehuacân
devaientrépondrcaux questions,
localité,les autoritéscivilcs ou religieuses orientéeNo-sE, ellc ne dépasscguère1.0ff)à l.lm mètrcsd'alritude.Iæ
en les accompagnant d'une "peinture" chargécde représenterlc cheflieu relicfy estpcuaccidcnté
: cbstla régiondcslluos décntnparpalafoxen l&3.
(cabecera)et sa région (la traça y designoen pintura). De nombrcuscs
relationssesontperdues,ou n'ontjamaisétérédigées.Il en rcstemalgrétout - au centrc-est,une dcuxièmezonemontagneuse d'orientationgénérale
plusieursdizaines,dont celle de Cuzcatlan, qui existeen deuxexemplaires, No-sE couvreles deux tiers de la carte: il s-'agitd'unerégiontris acci-
datés du même jour. Acufla, dans son introduction à la Relaciôn de dentée,entaillécpar desbarrancasabruptes;unelorte érosiona dégagédes
Cuzcatlan,expliqueainsi cette anomalie: la premièreversionayant été sommctsaplatis.Au cæurdu massif,I'altitudepcut atteindrez.zoometres,
égaréepar I'administration de Mexicolors d'unevacancedc la vice-royauté, maisclle s'abaissc
ensuiteprogressivement
vcrsi'est.
on a demandéaux Espagnolsde Cuzcatland'envoyerà nouveauleurs ré-
ponses. Comme chaque texte était accompagnéd'une peinture, nous À I'cxtrêmenord-cstapparartune quarrièmezone,beaucoupplus basse
disposons de deuxcartesde la mêmerégion. (250m.) : le versantorientaldc la sierra,touméversla côtedeïèracruz, et
drainépar le r(o Tonto. Ainsi structurée,la région dc cuzcatlanrecouvre
Ces deux documents,qu'onpounait croirede prime abordidentiques, plusieurstypcsde terroirs.
divergenten réalitésur de nombreuxpoints: la manièrede traiterI'informa-
tion pictographique, l'usagedesglypheset destoponymcs, et jusqu'àla com-
positiond'ensembleet la structurespatalede la page. Cest pourquoi,avant . L'hydrographic,qui occupe une place si importante dans les deux
"peintures",juxtaposeau moins trois systèmes: danslcs zonesaccidentées
mêmed'aborderla notionde métissage culturel,on a voulu comparerpoint et montagncuses, le réseause composed'une succession de coursd'eau
par point les deux images.Cetteanalysespatialesystématique devaitmettre intermittents,au drainageparfoisincohérentet chaotique;la ligne de panage
en évidenceI'ambiguitéqui existetoujoursentrela perception d'unespace,et deseauxentrcle rfo Tonto,au nord-cst,et la valléc de Tehuacân, âu sud-
sa représentation.Jusqu'oùconduirealorsnosintcrprétations? D'uncommun oucst,suiLla crôtcque dessine,sur notrc carte,la courbcde 2.250mètres;la
accord, nous avons décidé d'empruntertoutesles pistes qui s'offraient.à dépressionde Tehuacân,quant à elle, est le réceptaclede nombreuxpetits
nous,quitteà laisserle champouvertà toutnouveauqucstiomement. torrentsde montagne,à l'écoulementSriodique, qui vierurentseperdredans
deszonesmarécagcuses; elle est drainéeversle sud-estpar le rfo Salado,au
Quelques donnéessur Cuzcatlan coursanastomosé et au débit inégulieç on le rctrouvesurles cartesde 15g0,
bordépar le carninoreal de oaxaca.ce r(o représentaitencoreà la fin du
Avant de procéderà I'analysedes"peinturcs"de Cuzcatlan,il nousparaît XVIIIème siècle (comme lc rappelle le capucin FranciscoAjofrin) un
utile de situerrapidementI'objetreprésenté, la régionde Cuzcatlan,dansson obstacleà la circulation,et le guéqu'il fallait franchirétait ffrilleui :
environnementgéographique et historique;sculssontretenusici les éléments
susceptibles d'expliciterces"peintures";et pourla commoditéde la lecture, Avantd'arriver à La venta,on passeIe rto sarado,terrible et réputénon
on a gardé tout au long de l'étudeI'orthographe de 1580. pas pour sescrues,qui sont pourtant trèsfortes, mais surtoutpour la
formidablepuissancede seseaux [...] De nombretu passants se sont
noyésà ccpcltsage.(Ajofrin t969:.4647\
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VERS TEHUACAN.,
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Source corte des Eslodos Unidos Mexiconos ou I 100 000e (1959r


feuille HUAUTLA l4 Qi il l)

Fig. 3 : I-a région de COXCATLAN (CUZCA'I l,AN 1 :


-Jzgotnnàr rmitr àp ln .ctntcfitrp lcartp, nrie-ntée au Nord)
ALAINMUSSET VERGNEAULT
CtFRANÇOISE Un rcgartt multiple sur le pucb,kt de Cuzcatlan

Au nord-estenlln, on trouve le rfo Tonto, dont lcs caux s'écoulcntvers lc productriccdc scl, dcpuis l'C6rquc préhispaniquc. Motolinfa, au XVIèmc
golfc. Il n'cst pas rcprCsentédans lcs cartcs A ct B, mais il apparaît sur la sièclc, notait déjà dans ccttc partic dc la vallCc<lcTchuacdn la préscncedc
carte de 1191 (fig.4); il porte alors lc nom dc rfo Coyolapa dans son cours nornbrcuscs sourccsqui produisaicrrt un scl cxccllcnt: il sufllsaitdc laisscr
supéricur. lcur cau s'dvalxrrcrau solcil IX)ur cn olltcttir (lt). LJttriocutncttltlc l5tt2
signalc qu'un dénornméJuan Alonso, dc Pucbla, avait loué à 'I'ehuac{n
Une approche historique : quelquessources trcnte-quatrc cllarrcttcs tirécs par dcs krufs lrcur amcncr aux mincs de
Pachucahuit ccnts larrègucs dc scl jaunc,cxtraitdcs salincsd'Asuchitlan(9),
localité qui apparaîtsur lcs rlcux cartcscommc I'un dcs sujcts dc Cuz.catlan.
D'après nos clonnées,le pueblo de Cuzcatlan a très tôt joué un rôle
La légendc dc la cartc B ajoute mômc : "San Geronimo Asuchitlan donde
important dans la région; sa position, cn effet, était privilégiée: au contâct
son las salina.s".
entre vallée et montagne,il bénéficiaitd'un accèsà différcnts tcrroirs, ce qui
Cc scul documcnt montrc l'importanccdc la productionsaline dans cette
a favorisé son dévcloppcment agricole. [æ texte des Relations parle de
zonc, par la quantité dc scl trans;torté,par lcs distanccs parcourues(dc
nombreux produits, indigèneset d'origine espagnole,que I'on obtenait sans
Cuzcatlan à Pachuca, au nord-cst dc la vallée de Mcxico) et par la
difficulté dans cettc zone Qcs fruits, par exemplc). Lieu de passagcobligé
description d'un véritablc rCscaucommcrcial, qui met cn scène plusieurs
entre les vallées de Mexico et de Puebla au nord, et cclle de Oaxaca au sud
intermédiaircs: un commcrçantdc Pucbla,un transportcurde Tehuacân,un
-voie ouverte vers lcs terres chaudeset le Guatemala-, il occupait une
producteurd'Asuchitlanct un dcstinataireà Pachuca.Lc tcxtc de la Relation
position stratégiquesur un axc essentieldu commcrce préhispanique,puis
prCciscque la région produit chaquc anndcquatre à cinq millc fanègucsde
colonial; cet axe est d'aillcun concrétisé,sur les cartes de 1580, par la
scl, expédiécssurtout vcrs les mincs dc Pachuca,Taxco, Tcmazcaltcpccet
présence du camino real (route royale) qui les traverse de part cn part, et
Sultcpcc. C'cst aussi la principalc sourcc dc rcvcnu dcs familles indigèncs
articule leur espaceintérieur. Cuzcatlanapparaîtdès lors comme une étapc
dans lc paicmcnt du tribut. Lcs salincs étaicnt donc un élémcnt-clédu
privilégiée pour lcs voyagcurs, mais aussi pour lcs évôqucs en tounréc
paysagc,ct cc n'cst pas sansraisonrluc lc tlacuilo (10) a rccouvertune partic
pastorale.En 1610, De la Mota y Escobar dort unc nuit dans le villagc; la
dc sa pcinturc par dcs pctits pains de scl de formc carréc, cntre San Pedro
description qu'il dorure de la r{gion, trente ans apès le texte dcs Relacione.ç
Otontcpcc et San Juan Ajusco. La cartc B ajoutc mômc unc légcndc, pour
Geogrâficas, nc fait pas apparaîtrcde grandcsnouvcautés.Trcntc-trois iurs
cxplicitcr lc <Jcssin: on l"rouvc,dc chaquccôté dc l'églisc tlc San Gcronimo
plus tard, Palafox y séjoume en scptembrc.La routc, précise-t-il,est Lronne,
Asuchitlan,la mcntion "pilas de sal" .
et I'on pcut y circuler en carosse. Pourtant, un siècle plus tard, Ajofrin,
simple voyageur, préfère s'arrêterà I'aubcrgc de Vcnta Salada,car il faut
fairc un détour pour allerjusqu'à Cuzcatlan.Ce détour cst déjà signalésur la Znne dc pcuplcmcnt nahuatl,cc qui expliquc la toponymie locnlc (l l), la
carte B, où I'on voit le catnino real passerau large de l'église, contraircmcnt région était aussi habitéepar dcs populationsmuatèqucs; lcs deux villages
à la carte A, où il vient jusqu'à la porte avant de rcpartir sur Oaxaca.En fait, dc Mazatcupa (ou Maz.atiopa)ct Pctlapa (Pctlaapan) appartcnaientà ce
malgé sa position un peu à l'écart de la grande route, Cuzcal.lana dt rcstcr dcmicr groupc. A I'oucst dominait.la languc popoloca (Otontepcc-Tetel-
une étape importantejusqu'au début du XIXèmc siècle. En 1791, Vicente titlan).
Nieto signalait cncore que sa situation au pied de la montagne, et sur lc
chemin vers Tehuacân, favorisait les échangescommerciaux (6). Mais la Compte-tenudc la naturc accidcntécdu tcrrain, ct de la faiblessedcs
ville avait.sansdoute alors perdu son rôle essentiel;clle participait à des llux communications,il n'était pas facilc d'administrcrun tcl tcrritoirc. On vcrra
surtoul régionaux (vers Tehuacân). Les ltinerarios y derroteros de la quc la structurc administrativecst I'unc dcs bascsqui pcrmct dc comprcndre
Repûblica Mexicana de 1856 nc la citcnt pas une scule fois dans le trajct I'agcnccmcnt.spatial dcs dcux cartcs.Lc documcnt lc plus ancien que nous
cntre Tehuacân ct Oaxaca: la haltc obligatoire n'est plus Cuzcatlan,mais avons pu trouvcr à cc sujct datc dc 1592. C'cst un catalogucdcs corre-
venra salada (7). gitnicntoscL ulcaldîas mayorespourvus par lc vicc-roi don Luis dc Velasco

Ce nom de Vcnta Salada,comme celui de rfo Salado,traduisentd'ailleurs 'I'rarado


1a;Mototitrf", III, cap.9,p. 157.
une réalité représentéesur les cartes: la région de Cuzcatlan était grande (9) Archivo de la Notaria dc'Iehuacrân cuadcmo n" 5, Iegajo no I (ParedesColin, p. 7l).
(10) Peinue, scribc, en nahuatl.
(ll) Cuzcatlan, scmble-ril, ne devait payer comme tribut aux souvcrains azt{ues qu'un
1e; t t l" t "t Z gt : tO . collicr symtnliqte (coxcatl). ll dcvait s'ngir d'un lxrstc avmcé mcxicain vers lcs tcncs
(7) Alvarcz. y Durrln lll-56 : l8B. charulcs<.lusud.

l4t
ALAINMUSSET VERGNEAULT
CtFRANçOISE Un regard mukiple sur Ie pueblo dc Cuzcatlan

Fig.4 : La provincede TEIIUACANen 1791, d'aprèsVicenteNIETO (cf' note8)'


O7 a entoiré d'un cercleles villagesreprissw les cartesde la Relationde I 580

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I4) 143
ALATNMUSSEI ct FRANÇOISE
VERCNEAULT. Un regard multiple sur le pueblo de Cuzcallan

depuislc 25 déccmbrcr59l jusqu'àla fin mai r5g2 (12). cuzcatan y pré-


rcmplacc,du moins en partic, nous le vctrons, la rcpréscntation
apparaîtinscrit.comme corregimiento:
hispaniquc le tepetl (13).
traditionnclle,
El corregimiento de cuscatlan hazia Teguacanduzientos pcsoscle
Un "dessin" ou un "dessein"? Une carte ou un organigramnre?
salario. Proveydoen Joan Inpez cacho poblador antiguo quà siempre
ha sidoproveydopor losvirrqtes.
À la lumièrcclcsrcnscigncmcnts obtcnus,ct à I'aidcrtc plusicursgrilles
dc lccturc,on abordcraà préscntI'analyscgraphiquedcs dcux pcintur€s.
Douzc ans aprèsla rédactiondes Rclations,cuzcatlanest donc un par le tlacuilo,et les avoir
Après avoir idcntifiéles villagesrcpréscntés
c,orregimiento qui s'inscrit,en ce qui conccmclcs bdnélicesdc la chargc, rcportéssurunccartctopographiquc acfuellc,on étudierala structure
inteme
dansla moycnncdcs autrcscorregimientos citésparle cataloguc. en 1610, jusqu'àpésent,et leursdéformations
dcsquatrccartcsrcncontrécs rclal.ives
selon_ De la Mota y Escobar,quatrcvillagesdépcndaicnt dc la cabecera: (distancesct anglcs).Pcut-êtrcccLtenouvelle approcheapportera-t-elle un
Axuchitlan,Eloxuchitlan,Zoquitlanct Mïzatcopan.Mais ni Eloxuchitlanni
autrcéclairagcsurlcs intcntionsdcsautcursdcscarlcs.
Zoquitlann'apparaisscnt. sur lcs cartcstlc 15g0.pourquoiccttclacunc?Ccs
dcux villages se situcnt pourtantdans la zone montagncuse orientalc,
comprise entre Cuzcatlanet Mazatcupa;môme si, a 1'epoque,ils ne Recherchedeslocalisations
dépcndaient pasde cuzcatlan,'notre logiquecartographique"ïoudrait qu'ils
soientreprésentés sur la carte.II apparaftdoncquece quc nousappeloniici Pour rctrouverI'cmplacemcnt dcs villagesrcpréscntéssur les caÉcsde
"carte",par commodité,ne correspond quepanièuement au scnsqu" ,not 1580, on a consultéles donnécshistoriographiques, et les tcxtes qui
a pris depuis1636: "représcnration, "" ou
a écncilcréduite,de la surfacôtotale accompagnaient lcs carl.cs: les réponsesapportéespar lcs autoritéslocalcs
partielledu globe tcrcstre" (Le petit Robert).Il y a cu en effct ici sélection au qucstionnairede 1577.On a aussirecherché descartcs,actuellesou non,
desinformaLions à rcpréscnter,réponseà dcsqucitionsprécises, et non souci qui pounaicntnous informersur la localisationde nos villages.Certains
d'exhaustivité topographique. D'autrepart, pour I'Indien,mômeacculturé, d'entrecux, au coursdu temps,avaicntchangéde nom, commeSanPedro
qui a réaliséccttcimage,it s'agitausside "àéroulcr"un récit,une histoire, Otontcpcc,devcnuSan PcdroTetitlan (Gerhard1912: 260-264).D'autres
qu'il faut ôtrecapablede suivreet de décrypær:la dimcnsiontcmporellecst avaientétédCplacés. La cartcdc 1791,qui accompagne la dcscriptionde la
introduitedansla ligurc. Nous n'avonsdôncpassouslcs yeux uïc simple provincede Tehuacân, de ViccntcNieto (fig. 4), a pu nousôtred'ungrand
dcscriptiondc la régiondc cuzcatlan,mais lc corpte-rcn,ludc licns dc sccours: cllc a pcnnis cn effct dc rclrouvcr ccrtaim établissemcnts qui
dépendancc qui datentparfoisde tcmpstrùsrcculés,èt que la colonisation n'exislaicntplus sur lcs cartcsmodcmcs.Enfin, on a pris le temps de
cspagnolc,danssa volontédc découpcradministrativcmcnt lc tcrrir.oirc,a parcourirpasà pasun ccrtainnombrcdc cartcstopographiqucs mcxicaincs
institutiomalisés.Quand palafox décrit à son tour, cn 1643,lc disrricr d'échcllcs
divcrscs :
Qtartido)de cuzcatlan,il signalequ'il sc composede quinzcvillagcs.Mis à
part ceux de Petlapa,San GeronimoAsuchitlanet àe San Jholn (Juan) de I'Amériquedu Nord (1952),feuilleCiudad
- la cartcau l:l .000.000e
Ajusco, qui ne sont pas cités,tous ceux qui sont représcntés sur lcs deux de México. Malgréun tracésouvcnterroné,elle a le méritcde comporter,du
cartesfont particde saliste. on retrouve,dansla vailéè,santaMar(acalipan fait de sa rclativeanciermeté,
un solideréseaude routesou de chemins,et
(calipa)' san Antonio cornulco, SantiagoTlilapan (rilapa), San pedro mêmecertainstoponymesabsentsdesautrescafles.
Otontcpcc (Otontepctl);et dans la montagne,S-ta ^Mar(aXuxuta
chimalguacan,SanFranciscoGitlaman(Istlaman)et san Martfn Mazareupa (1984),qui nousa
(Mazateopa - la très bonnecarteau l:50.000ede Zinacatepec
ou Mazatiopa). apportécertainesprécisionsde détail sur les sites.Nous y avonsretrouvéla
trace non seulementde Cuzcatlan,mais encoredc Calipa (aujourd'hui
Signalonsenfin quel'évangélisationde cetterégiona étéle fait de frères Calipam),San PedroOtontepcc(fetitlan), San GeronimoAxuchitlan(San
-
franciscains;
la représentation symboliquedu viilfe par une églisene doit JerdnimoAxochitlan),SanMatcoTlacuchcalco (flacoxcalco),ainsique la
donc pas étonner: elle se rclrouve dans toutestés iartcs de-l'époqueet

1n1U rcp"l (en nahuatl: "montagne")e,stsouventutilisé dansles coder préhispaniquas du


Mcxirlr.rcccntralgrur ddsigncrla villc, quc l'on traduilen nahuatlpar la métaphore
alepell
[î; Ài"ttiuu Gcncral dc Inrlias, México, lcg. 1254. ("I'cau,la rnontagnc").

144 145
VERCNEAULT
etFRANÇOISE
ALÂINtvlUSSET Urt regard nultiplc sur le puebkt dc Cuzcatlan

préscnccdc dcux licux-dits, Chimalhuacatret Xitlama, qui sont pcut-ôtrclcs - lcs grandcsligrrcstlc I'hydrographic ct du rclicI lcs axcsparallèlcsdu
ancicnsSantaMarfa Xuxutla Chimalhuacanct.San FranciscoGitaman. rfo Salado,dc la crôtc tnontagncuscct du rfo Tonto ---d'oricntationgénérale
NNO-SSE; lcs grarrclscnscmtrlcssuggéréspar lcs courbcs 250, 1.250 ct
2.250 mùtrcs,rlui trt'rusont palu pcrtincnlcs(la dcnrièrc dcssincla crôtc à
- la carlc au l:100.000c dc 1959. Malgré scs impcrfcctions, nous
franchir pour attcindrc lcs villagcs tl'ouLrc-mont,Mazatcupaet Petlapa);lcs
I'avons rctcnuc comme fond dc cartc : la fcuille dc Huautla rccouvrs en effct.
zoncs plancs et de piérnont, favorablcsau pcuplcmcnt, aux échangcsct au
dc façon satislaisantc I'enscmbledc la zonc décritcparlcs cartcsde 1580;le
passagctlu e'unrirutrcul.
rclicf y cst claircmcnt cxprimé par dcs courbcsdc niveau bicn lisiblcs, et lc
réscau hydrographiqucrcssort de manièrc tÈs ncttc; sa datc suffisammcnt
reculéc (trcnte ans) pcrmct dc rctrouver encorc de nombreux chemins - lcs villagcsdonl la localisationcst ccrtainc,ou présuméc.
mulcticrs disparuspar la suitc, et probablcmentfort ancicns: lcur trajct suit
lcs crôtesct lcs épaulcmcnts,commc la plupart dcs chcmins lc font dans cc - lc réscaudc chcminsqui joigncnt lcs villagcs cntrc eux, sclon un l-racé
typc de paysagc (14). Chcmins plus commodcs ct plus sccs quc sur lcs susccptiblccl'avoirété cclui du XVIèmc sièclc.
versilll.s ravinés, cc sont aussi dcs chcmins plus strs, qui pcrmcttcnt dc
survcillcr les alcntours. Cc réscau de chcmins, dc mômc quc ccrtaincs Pour pcrmc[rc la comparaisonavcc lcs cartcsde 1580, on a fait toumcr
données géographiqucs,nous ont pcrmis de proposcr un emplacemcnt notrc car-ted'un quart dc tour : l'obscrvateurse lrouvc alors placé facc à I'cst,
approximaLif pour lcs villagcs qui n'apparaissaicntplus sur lcs cartcs dans la mômc position quc I'obscrvatcurdcs cartes A et B. Cctte
réccntcs: tcl fut le cas dc Comulco, que nous avonsplacé dansun cirque, au "oricntation" dcs cartcsvcrs I'cst-lc tcrmc lc rappcllc- cst fréqucntèdans
conflucnt dc plusicurs cours d'eau qui devicnnentle rfo Calipa, appclé rfo les cartcsancicnnes,et systématiquc danslcs codcx préhispmiqucs.Pour la
Comulco sur la cartc au 1:50.000c;un chcmin important,signalésur la carte mômc raison,on a rcpris la toponymicdc la carte B dc 1580,aux gloscsplus
de 1952, mais disparu par la suite, y conduisait encorc; sur la carle au complètcs;lcs noms cspagnolssont surajoutésaux noms mcxicains ancicns.
1:50.000edc 1984, on pcut discemcr quelqucsconstructionsaccrochéesau Cettc toponymic ancicnnescra rcprisc, mais de manière abrégée,dans les
flanc du vallon. Lc site de Pctlapa,lui aussi,était difficile à rctrouveç nous figurcs qui suivcnt. Lcs tcrmcs qui suggèrcnt la préscncc du scl ont été
I'avons situé sur notrc carte (ct à titrc provisoire),en cssayantde rcspcctcrsa rcportéssur la carte (Vcnta Salada,r(o Salado,Agua Sirlada),cn contrcpoint
position par rapport à Maz-atcupa(dans lcs cartcsdc 1580), et en imaginant du dcssindcs painsdc scl sur lcs cartcsdcs Rclal.ions Géographiqucs.
ce qui aurait.pu ôtrc la situation la plus "logique" du villagc, comptc-tcnudc
plusieurs factcurs : au débouché d'une petite rivière; à l'écart du cône dc
La carte, ainsi construitc,sc vcut volontaircmcnt sobre. Ellc n'a retenu
déjection lbrmé par lc rfo Huautla (appelérfo Petlapasur la carte de 1952);
que lcs élémcntsqui pcnncttaicntd'éclaircrla lccturc dcs cartcsde 1580: il
au croiscmcnt de routesdont ccrtainstronçonsde crête manqucnt,mais dont
tallait choisir,ct si possiblcbicn choisir.La démarchcretcnueest idcntiqueà
on pcut.rcconstitucrlc tracé à partir du réscauqui cxistc toujours.
celle qui fut cmployCe réccmmcnt par S. Lecoin, N. Pcrcheron et F.
Vergneault,lors de I'cxploral.ioncartographiquedu diocèsede Michoacân à
Ccs rccherchcs,ccs tâtonncments,ccs confrontations,nous ont pcrmis dc partir des Relacicnes geogrfiicas: la carte suggèrc, proposc. Précisc, clle
composcr une nouvcllc cartc (fig. 5), qui replacc sur une trame topographi- laissecepcndantplacc au doutcct aux intcrrogations (15).
que actuelleles donnécsdcs cartesde 1580.Après avoir resituéau mieux lcs
villagcs, et suggéré les chcmins, on a tiré dc la carte au l:100.000c les
Dc manièrc généralc,ct d'un point dc vuc "topologique", lcs localisations
élémcnts susccptiblcsd'aidcr à micux comprcndrc I'ancicnne implantation
rclativcsdcs villagcs,cntrc lcs cartcsdc 1580 ct lcs cartcsmodcmcs,sont
hum aine:
assczbicn rcspcctCcs. La situation abcrrantetlc San Matco Tlacuchcalcone
pcut s'cxpliqucrquc par un déplaccmcntdu village, vcrs une région plus
sainc, par cxcmple. La villc de Tchuacân a lait I'objct, au XVIème sièclc,
d'un Lcl déplaccmcnt,dc môme quc Cuzcatlan.Lcs z.oncsmarécagcuscs, qui
1f+1 C""t le cas, par exemple du réseau d'anciens chernins cévenols qui exisæ enpartie
rccouvrcnl une partic dc la valléc cn cet cndroit, favorisaicnt à l'époque la
encore aujourd'hui. Norre expérience de la randormée, carte ancienne en main, nous a permis
de constater la permanence, jusqu'au milieu de ce sièple, de réseaux muletiers cohérenls
souvent fort anciens, qui correspondent à un type particulier d'économie et de paysage. Unc (15) Voir l-ccoin, Pcrcheron et Vcrgncault 1986. La préscntc éLu<lcest, d'une ccrtainc
ccrtaine patique pcrnrct (lc rcuouver, sur lt cartc et sur lc tcnain, lcrs tronçons nlûnquûnLs rnmi èrc, urr prok rrrgc rrrc rrt
rl rrtrav ai lrc l atétl ansl ' arti c l cc i té i c i .
lF.v.l

t46
AL^lN MUSSETcl FRANCOISE,
VERCNEÀUUI' Un regard multiple sur Ic pucblo de Cuzcarlan

prolilèral.iondcs moustiqucs,cl dcs maladicsvéhiculécspar ces insectes


(liùvrcs,rnalaria). ;;' N_À.j
Les élétnentsorgunisuteursde I'espace -\\

La rcchcrchc dcs localisatiom nous a pcrmis dc mcttrc en place les


grands traits qui structurcntI'cspaccintéricurdcs cartcsdc 1580, cct espace
intéricur que nous allons à présentcssaycrde micux appréhcndcr.

Dc prime abord,trois élémcntsprincipauxentrcntdansla compositionde


chaque carte, ct org:uriscnt I'espace dc la fcuille pour lui donncr sa
cohérence: lcs villagcs, ou micux, lcs localités(car cenaincsnc sont quc des
ranchos) symbolisécspar unc maison ou unc églisc, sclon l'importance du
licu (un signe implanté en un point donné dc la carte); lcs chcmins, dont le
plus important est lc camino reali et lcs rivières, qui forment un véritable
réseau hydrographiquc articulé autour du r(o Salado (chemins et rivièrcs
étant symboliséspar dcs lignes).

Fig.5 : Essaide report des donnéesde I5B0 sur une carte actuelle (1958)
au I:100 000e (carte orientéeà l'est)

ESSAI
DEREP0RT DE1580SURLA CARTTACTUELLE(1958)
DESD0NNEES AUl; 100000e

Lbcalisati0n
desvillages A etB
descartes
! certaine ( loponymes
de l a carteB de 1580)
O probable
oupossible

( l ) p o s i t i oann cie n ndeeT la cu ch ca lco ( 2 )p o sitioanctu el lde


e Tl acuchcal(dépl
co acemei l t)
( 3 )e t ( 4 ) d e u xp o sitio npso ssib lepso u Xu
r xu tla

t v i l l e - r e oè r e

c a m i nroe a l( r o u te
r o ya le )
p o u va nco
c h e m indsele r e a ctu e ls t r r e sp o nàd d
r e' a nci ens
l racés
ilincipauxcoursd'eaupermanents
0u intermiltents 1U p_,,*-a-
-_ /z -l
SEBASI tAN:/L/Z
-SAN
I _ zrNA(af EeEC n._ f_

,r
__
-:u_/_
z o n er e la tive m epnlat n e
z o n ed er e lr eaf ccid e n té
z o n ed er e lie fsu p é r ieàu r2 2 5 0m

S o u r c ef:e u i l l eHUAUT Ll4


A Qi( llXe la ca r ted uSe cr e ta ri
deal a D efensa
N aci onal (E stados
U ni dos
Mexi canos)

148 149
VIIRGNEAUUI'
ct FRANÇOISE
IvIUSSEI Un regard multiplc sur Ic pueblo de Cuzcatlan
^LAIN

Lcs coun d'cau, dans lcs dcux peintures,sont rcpréscntésdc mzutièrc


traditionncllc: unc lignc noirc, épaissc,tlélimiLclcs rivcs.L'cau cst pcintc dc
coulcur blcuc. Ellc cst stridc dc ligncs ondulécsqui figurcntlc mouvcmcttl
dcs llol.s.Lcs cotrllucnccssonl ntarquécspar unc sortc dc tourbillon.'l'nris
sourccs apparaisscntrcpréscntécs.Dcux lc sont sous la lbrmc d'un ccrcle,
qui scrt de point clc départ à l'épanchemcntdc la rivière. La troisièmc csl.un
Iilct d'cau qui s'élargit rapitlcrncnt.Si lc rfo Salado cst facilcmcnl.
idcntifiablc, puisqu'il cntrc dam lcs cartcspar lc coin inféricur gauchc,pour
cn sortir par lc milieu de la partie droitc, tcl n'cst pas lc cas pour lcs aures
rivièrcs. Scul lc rfo Comulco qui confluc avcc lui, pcu avant dc croiscr la
routc mcnant dc Cuzcatliutà San Gcronimo Asuchitliut,a pu ôtrc rcffré sans
difficulté. La rivière préscntécparallèlc au rfo Salado,mais qui lc rcjoint
plus loin, cst pcut-ôtrc cclle qui passc par le villagc dc Sanla Xuxutla
Chimalguacan.Signalons cnfin unc particularitéhydrologiquc intércssantc:
à la hautcur dc San Pcdro Otontepcc,lc dcssinatcurde la carte A fait passcr
lc r(o Salado par-dcssus un autre cours d'cau; s'agit-il d'un aqucduc
souterrain (difficilcmcnt réalisablc à ccttc époquc)? Sur la carte B, c'cst
I'invcrsc qui sc produit; simple errcur du copistc? ou corrcctioll
intcntionncllc? Il cst diflicilc dc répondrcà ccs qucstions.On dcvine aussi
sur la môme carte B, dcux rcpréscntationsdc montagncs,sous la forme
stéréotypéc du tepctl. Lc prcmicr (coin supréricurgauchc), prdscntc cinq
bosscsou émincnccs.Carmcn Cook dc Lconard a pu I'idcntiltcr souslc nom Fig 6 : Représentation
de macuiltep€tl("cinq montagncs"),facilcmcnt idcntifiablc sur lc tcrrain. Lc schématique de la carte A
sccond (coin inférieur droit) n'est omé que dc trois bosscs,ct ne scmblc pas
conespondrc à un nom dc licu particulicr.

Cc qui frappc, au premicr examen de I'agcnccmcntdc ccs différcnts


élémcntscntre cux, c'cst I'apparcntesimilitudc dcs cartcsA ct B. Cepcndant,
un essaidc partition de ccs dcux imagcs en zoncs cohércntcs,corrcspondant
aux indications foumics par nos sourccs ct à I'implantation actuclle des
villages, a fait apparaîtredeux structurcsdifférentcs.La cartc A pcut ôtre
partagéecn trois zonesdistinctcscorrcspondantà trois domaincsparticulicn
(ng. 6): la montagnc(1, à I'est),le piémont (2, au ccntrc),la plainc (3, à
l'oucst). La séparationsc fait grâce à deux droitcs parallèlcs(ici cn pointillé),
marquées par la disposition régulièredcs cours d'cau, oricntés N-S. La
région oricntalc (montagnc), occupe au sommct dc la cartc unc supcrficic
infédcurc à la réalité, du fait d'un écrascmcntdcs distanccssur lcqucl on
rcvicndra. Or, cc mômc typc dc tlécoupagcs'avèreimpossiblctlans lc cadrc
de la cartc B : lcs droitcs chcvauchcntle dcssin dc certaincségliscs,ou
rcgroupent dans unc scule zone dcs villagcs appartcnant.à dcs domaines
différents. Le partagccohércntde la cartc n'a pu se fairc, aprèstâtonnements,
qu'à partir du momcnt.où nous avons basculélcs droitcs pour lcs placcr en
diagonale sur la fcuille (ng. 7) : la structuredc la peinturc s'cst ordonnée
alors dc manière"logique", cn accordavcclcs réalitéscartographiqucs, et lcs
Fig.7 : Rcprésentation
donnécsdc la cartc A. Quatrc domaincssont apparus: la montagncau NE
schématique de la carte B

150
l 5l
Un regard multiple sur Ie pueblo dc Cuzcalhn
ALAIN MUSSETet FRANçOISEVERGNEAULT

(zone 1), le piémont au centrc supérieur(zone 2), la plaine au-centrc D EI79I


C A R TE
inférieui (zoné3), er unc dcuxièmeione dc montagne,indiquéepar_letriple
rcperl,au'SO (zonc4). Ccttc rcpréscntation, d'oricntationgénéralc_No-sE'
côrrcspon6 micux aux dircctionsproposécs_par notrc proprc cartc(Iig. 5)' Et
lcs diffcrcntsvillagcs rctrouvcntici leur véritabledomainc : comulco entre
dans la zonc du f,iCmont,et Tlacuchcalco dans celle dc la plaine... Le
tlqcuilo a-t-il voulu corrigcrla prcmièrc pcinturc? ou cst-cc lc hasardqui
peutexpliqucrccttcnouvelledispositon?

D E195 8
C A R TE

Fip. 8 à I I : Graphesdes cartesA et B (1580); llGtl.


" graphes
des cartes de I79l et 1958-

CarteA (1580) CarteB (1580)

GIT XUX MAZ PET a PEr


.-a-.--a

/l ir\1i\
".'S\V/\
oU€ST_==____-

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//\\\
\\ .\/\\'
\
/
\ to L/]'

l-cs iniriales identifiant chacundcs Poink ren-


voicnl rux topotlymesmexicainrde le crrtc B.

153
r52
ALAINMUSSET VERGNEAULT
EIFRANÇOISE Un regard multiple sur Ie pueblo de Cuzcatlan

Les déformationsspatiales différcntc dc I'imagc topologicluect symboliquc des cartcs dc 1580. cette
différcnccs'cxpliquc,on I'a vu, par la naturcmômcdcs cartesdc 1580,dont
Quoi qu'il crr soit, lu cartc A colnntc la cartc I3 prdsclttcrrt
dcs tlélorrna- l'objcctil prcmicr était dc lranscdrcdcs rclationsdc tlépcndancc.euant au
tions dc lcur stlucturc spltialc par rapport à la tolngraphic modcmc: graplrc dc ll9l, tracé à I'aidc dc quclqucspoints corrcspondantà ccux dc Ia
l'écrascrncntdcs distancesdc la zonc montagncuscoricntalc, par cxentple. cartc dc 1580, il déportclui-aussi Pctlapaet Mazatcupavcrs lc nord-est(fig.
Pour lcs mcttrc cn évidcncc, on a cu rccours à un aulrc tyçrc d'analyrc l1) : lc pr'oposdu cartographc,à la lln du XVlllèmc sièclc, était dc
graphiquc, non Jrlus fondé sur I'cx:uncndcs liglrcs orgallisantlc dcssin rcpréscntcr, lc plus l'idùlcrncnt
possiblcmais avcc lcs moycnsdc l'époquc,la
(routcsct rivièrcs),ou dcs zonescohércntcssous-jaccntcs à la ligurc, mais réalité topographiquc.Si lcs distanccsqui scparcntpctlapa et Mazateupade
élaboréc à partir des points : lcs points forts dc la cartc, lcs positions dcs la région ccntralc sont cxagérées-MIT-PET rcpréscntcunc fois et dcmi
villagcs. On s'cst proposé dc dcssincr un graphc pour chacunc dcs cartcs OTO-CIT-, c'cst s;uls doutc à causc d'unc surcstimationdcs clistancesen
rcncontrécs(llg. 8 à 1l) : chaqucpoint concspondà Ia situationd'un villagc montagnc,ou bicn d'unc mcillcure maîtriscdcs parallèlcsque des méridiens.
dans I'cspacc dc la carte; dcs scgments de droite joigncnt chaque point D'autrcs déformations,importantcs,caractériscntccttc dcmière cartc, mais
périphériqucau village central (Cuzcatlan),dont dépcndcntpolitiqucmcnt lcs lcur analysccsr.hors dc propos ici. Quoi qu'il cn soit, il convicnt dc noter que
autrcs localités,ct rclicnt les points ffriphériques entrc eux. On obticnt ainsi lc cartograplrcdc 1791 n'avait pas lcs mêmcs impératifs quele tlacuilo du
quatre schémas : qua[e structurations différcntcs d'un môme cspacc XVIème siècle : il n'avait pas à interprétcrla réalité cn fonction d'éventuels
"objectif '. modèlcsprcétablis,dcs contraintcsd'un qucstionnaircou des nécessitésde la
mise cn pagc. Lc qucstionnaircauqucllcs cartcsA ct B rdpondentdcmandait
Les points dcs cartes A et B sont dc taillc diftércntc. Sur lcs cartcs de cn cffet quc lcs dcscriptionssoicnt accompagnécsd'un dcssin ,,pour aulant
1580, en cffct, lcs modalitésdc dcssin dc chaquc signe symbolisantun qu'on puissc lc traccr facilcmcnt sur unc fcuille dc papicr". L'cspacemôme
villagc, nous ont paru suflisammcnt distinctcspour nc pas ôtrc fortuites. On de la feuillc jouait donc un rôlc détcrminant dans I'organisation et la
s'est donc proposé d'élaborcrunc quantification de chacun dc ces signcs, à structurationdc la pcinturercpréscnl.ée.
partir des soubasscmcnts et dcs traits horizontauxqui dcssincntle sommct de
chaquc édificc-symbolc : unc unité de comptagc par lignc horizontale, unc Le vocabulaire graphique
par soubasscmcntcmpicrré, unc pour unc portc particulièrcment grandc,
pour I'existcnccd'une fcnôtrc ou d'unc cloche. La somme dc ccs points a éLé L'intérôt dcs cartcsA ct B nc résirlcpas sculcmcntdans I'analyscdc leur
traduiLcpar un ccrcle dc taillc proportionncllcau nombrc total obtcnu. Ccttc espacc inl.éricur.Ellcs offrcnt"un vocabulaircgraphiquc très riche que I'on
transcription mct cn évidcncc unc hiérarchic cntrc les points dc la cartc A pcut cssaycrd'éturlicrrapidcmcnt. : il sc trouvccn cffct au confluentdc dcux
(ng. 8) alors quc ccux dc la cartc B (ng. 9) s'avèrctrtnoins différcnciés. univcrs, I'indigènc ct l'curop,écn.Pour tout cc qui conccmc I'cxplication
détaiiléc dcs glyphcs, on pourra sc rcportcr à I'article de Carmcn Cook de
L'analysc de formc du graphe A dCnoteune grandc symétrie: sculs lcs Leonard. Nous n'abordcronsici quc lcs aspcctsqui illustrcnt la différencede
points OTO et TLI (ct les ligncs tiretécslcs rcliant au centrc) cn nuanccntla pcrspectivecntrc les dcux cartes,puisqueMmc Cook de Lconard,à l'époquc
régularité. Il scmblc qu'on ait souslcs ycux unc épure géométriquc,agcncéc où elle traitait cp thème,ne disposairque de la cart"eB.
comme un organigramme: on pcut y voir l'imagc d'unc structureadministra-
tive, un aidc-mémoire,ou bicn un arbrc généalogiquc,qui corrcspondraità Le métissagec,hhurel
un trait fondamcntal de la pcnsée indigènc, où la notion d'cspacc est
intimcmcnt liéc à cclle de temps;ou pcut-ôtrccncoreune ccrtainevision d'un
Nous avons vu que I'eau était rcpréscntée,dans les cartcs de 1580, de
mondc ccntré.Lc grapheB est en rcvanchcplus asymétriquc,ct dépo(é vcrs
manièrc traditionncllc indigènc; c'cst un élémcnt fondamental de la
lc nord (vcrs la gauche)par rapport à son ccntrc. Lc schémadc la cartc dc
topographicquc I'on rctrouve dans lcs dcux cartcs; si les variantesexistent,
1958, lui, sc trouvc largemcntétiré vers le nord-cst: dcux villagcs inscrits
la slructurc d'cnscmblccst idcnLiquc.En revanchcle mode de rcprésentation
dans I'univcrs ccntré et cohércnt dcs cartesA et B se rctrouvent ici loin du
dcs chcmins posc problèmc. La manièrc dont le tlacuilo les a figurés est
cccur dc la carte ancicnnc, délimitéc par un doublc trait (lig. l0); on lcs
typiqucmcnt prChispanique: lcs codcx indigènes,on lc sait, marqucnt les
rctrouvc au-dclàdc la montagne,à unc distancedoubledcs dimcnsionsdc la
routes par unc successiond'empreintcsdc picds nus. Ici, lcs picds nus sont
constcllation principale -OTO-GIT égale prcsque GIT-PET. L'imagc
rcmplacéspar dcs sabot.s dc mulc. Cc clrangcmcnt,cluc I'on rctrouvcdans
topographirluc"triarrgulCc"ct moilcrnc dc la réalité itppnrailconrnrc trùs
tous lcs docurrrcnl.s
pictographiclucsrlc I'cpoquc,traduit un boulcvcrscment

t54 r55
.t

ALAIN MUSSET et FRANÇOISEVERGNEAULT Un regard multiple sur le pueblo de Cuzcatlan

danslestraditionspréhispaniques : les mulesont rcmplacélc transportà dos Cc glyphe pourraitsymboliserle tianguisou marchéet suivrait.alors la
d'homme. On voit pourtant,darnla carteB, quelques traccsde passtylisées, traditionpréhispanique.
On pcut y voir aussiunepicota (pilori): en ce cas,
sur le chemincntrcCuzcatlanet SanGcronimoAsuchitlan.L'intérêtdc ccs il s'agirait
d'unsymbolcdu pouvoircolonial.
indicationsroutièrcsn'cst pas seulcmenttopographiquc:dans lcs codex
préhispaniques, si la route est un lieu géographique,c'es[ aussi un fil Lesglyphes
conducteur deI'histoire;ici, elledonneun sensdelecture.Dansla carteA, la
directiondessabotsmonLreque I'cnscmbledes rclationscntreles villages Sur lc pourtour dcs cartcs apparaît unc frange de glyphes dont
rayoffie à partir de Cuzcatlan,situé au centrcd'un réseauqui ressembleà I'inspirationest.indiscutablement indigène.CarmcnCook de Leonardles a
une toile d'araignée: une vision géométriqueet ordonnéede I'espace,mise idcntifiéscommcdcs toponymesplacCslà pour délimiærla juridictionde
en reliefparla figure 8. La carteB, en revanche,apparaftplus complcxe: les Cuzcatlan.Sculs lcs glyphcsd'oricntation----unsoleil vu de face pour
traceslaisséespar le fer dessabots,surle catninoreal, partentdansles deux l'orient, un soleil de profil pour I'occident,des étoiles pour le nord et le
sens(entreCuzcatlanet Tehuacân).Il n'y a plus de relationsunilatérales sud- échappcnt à ccttccatégorictoponymique.
entreun ccntrect sa périphéric,maissurimpositiond'un réscaurégionalsur
un systèmelocal : le caminoreal devientun axc indépendant et aulonome.
Les autreschcmins se greffent sur lui. Cuzcatlann'est plus le næud de Une comparaison systématiquc desglyphespeintssur les cartesA et B
communications queprésentaitla premièrecarte. fait apparaître,dcrrièreune apparcntesimilitude,de nombreusesdivergen-
ces. C'est ce qu'a voulu mettre en évidenccla figure 12, à laquellese
reportcrale lcctcur. Si la carte A, dessinéeen prcmier, comportequinze
Si la topographieest directcmentinspiée des techniquesindigèncs, glyphes(donttrois signcsd'oricntation),
la représentation la carteB en contientplus: vingt-
bcaucoupd'élémcntsd'origineespagnolecaractérisent des quatre(quatresignesd'orientation
du paysageurbainde la colonie et neuf "copies",différemmentinærpré-
villages: le choix de l'église,élément-clé
tées,des glyphesde la carte A). Mis à part les signesd'orientation, les
-comme l'était le temple avantI'arrivéedesEspagnols-, pour symboliser thèmesretcnusse réfèrentsurtoutau mondevégétal,à la faune,et au relief
le village ou la ville; l'usagede la perspectiveet du volume, absentsdes (tepetl, la montagne);plusieun signcs sont couronnésde rayons ou de
dcssinsindigènes,même si l'on peut s'interrogersur leur usagepar des pointes.Des thèmcs,en somme,dcs pointsde repèretopographiques,
peintresindiensqui suivcntparailleurs,de manièreassezstricte,la tradition. qui
sontceuxque rctienttoutetoponymie,noussemblc+-il.Dansquellemcsurc
La hiérarchiede cesvillagesestmarquée parun typede dessindifférent: les
sont-ilsspécifiqucsde cettecultureJà?Le cadrerestreintde cet article ne
quatre établissemensde la montagnesont représentés par des maisonsau
nouspernetpasd'approfondir la qucstionici.
toit en double pente; celui-ci de couleurjaune-orange,et strié de noir,
sembleévoquerla paille, le chaume,ou la palme; il s'agit sansdoute
d'habitationspauvrcs,mômesi ellesrcposentsur un soubasscment de pierre Deuxperspective
s différentes?-
ou de mortier. Dans la carte B, tous les autrcsédifices ont un toit plat,
surmontéd'un clocheret d'unecroix. Seul,SanJohanAjusco,dansla carte Les différencesque I'on a pu découvrirentreles deux cartes,au niveau
A, ne possèdepasce clocher,et sonnom n'apparaîtmêmepasen légende. de la topographie, de la toponymieet de la structurespatiale(fig. l3),
laissentsupposer quele hasardn'estpasseulen cause.S'interroger à présent
D'autresattributsd'originehispaniquecontribuentaussià hiérarchiserles sur la significationet le mode d'implantationdes symbolessur la carte
villages : à Cuzcatan,on découvreune fontaineau bassinhexagonal,située devraitpermcttrede mieux comprendrcen quoi lcs dcux représentations de
soit à droitesoit à gauchede l'église.La carteA se contentede préciseren I'espacequi nous sont proposéessont divergentes,malgré de grandes
légendefuente, tandis que la secondeajouteplaça. L'adductiond'eauétait similitudes.
une nécessitévitale pour les villages regroupéspar les Espagnols,mais
I'aqueducet la fontaineétaientaussisymbolesde cultureet de pouvoir. Ce Prenonspar exemplele cas du glyphe 7 (un arbrevert avecdes fruits
pouvoir, pris alors sous son angle politique et judiciaire, trouve son orange),présentdans la seulc carte B, et que CarmenCook de læonard
expressiondans /a orca ou gibet,placéprès de l'église,dansla carte B. identifie commeune transcriptiondu toponymeOcopetlatillo,village situé
Peut-êtreen est-il de même à San GeronimoAsuchitlan,où I'on voit, à dansle districtde Teotitlan.Si cet arbre-toponyme
est absentde la carteA,
I'entréedu porchede l'église,un curieux glyphe: il s'agit de deux bandes la zonequi lui conespond surla mêmecarteestcouverted'arbrcsmultiples.
horizontalessurmontécs d'unebandeverticalect cntour{csdc tracesdc pas Au môrnccndroitdc I'cspacc-cartcct pourlc mômcsignifié.Autrcmcntdit, à un
indiquantun mouvemcntcirculairc;l'cnscmblecst enfcrmédansun ccrcle. signcponctucl(cnB) réponduncrcpréscntation zonale(cn A). La production

156 r57
.-a

Un regard multiple sur le puebb de Cuzcatlan


VERGNEAUUI
ct FRANÇOISE
ALAINMUSSET

fruitièrctle la régionparaltsymboliséc
de façonplus abstraitcpar un scul
Fig. l2 : Analyse desglyphcs : Comparaisone,ntreIa carte A (rectangle
'intérieur) glyphedansla cartcla plusrécentc(B) alorsqu'cllcapparaît,
" et la carte B (rectangle extérieur) oani ta carteA,
sousuncformcsllatialiséc plusprochcd'unc..dcscription
paysagèrc".

Le rnômephcnomène sc reproduirait
aveclc glyphe6 (un plan de mais).
DansIa cartcA, on dcvinedcsplantsdc mai'.s pcinis à gauchèd'otontepcrl
d' et (rn y:T,. avecun épijaunc);prèsdc Calipanapparaisscnt

.m tr/_J desplantesassez

ct
ffià Y
î*l
&w €
23 4
semblablcs (maissansépi), ainsique danstoutela zoneorientale,et entre
deux rivièrcsprochcsde san MatcoTacuchcalco.ces plantcsont disparu
dansla_carte B : on peut supposcrqu'ellessc rctrouvent,tout ou pirtie,

EJ\ - II |l 7à(S
x= synthétisécs dansle sculglyphe6. læ glyphc5 (uneabcillc)pourraitalors
indiquerla production de micl dontparlele tcxtede Ia rclation,et le 9, cclle
de courgcs.ccs intcrprétations ne conr.rcdiscnt
CarmenCook de Leonard: elleslcs complètcnt,
d'ailleurspas celles de
#( à la lumièred'unecompa-
l - l- q-,) raison entre les dcux cartesdont nous disposonsactuellcmcnt.De plus,

l\ ?
commc lc signale Joaqufn Galarzadans scs nombreux écrits, l'écriture

i# B
carte
indigènecst assczriche pour se pcrmcttrcunc grandesouplesse:daÀsun
cas, un glyphc peut suflirc pour désigrerun toponyme,tandisque dans
I'aure, ce mômc toponymcpourraêtre traduit sous unc autre fôrme, et
l*
I
occuperun vastcespace.Ainsi, dansla carteA, on a disposétrois jarres

t--i
d'argileprèsdc Comulco("lc licu où I'onfabriquedcsjarrcs'); dansla cartc
b' B, une seule suffit, et pourraitpresqueôtrc assimiléeà un toponyme
redondant, superposéà la transcription
espagnoledu nom.
l N l? I
Quoi qu'il en soit, la carte B nous scmblc, par bien dcs aspccts,plus
\- 1$s acculturécque la carte A, ct plus influcncée par la culturc espagnole.t es
correctionsou modifical.ionsapportéespar lc tlacuilo visent à rcndrc plus
a\ J compréhensiblela lccture d'un documcnt qui paraissait, dans un premier
-rr--r
Y-1\-t
temps, se suffire à lui-rnôme. C'cst pourquoi la secondc carte abondc en
indicationsmanuscritcs,qui préciscntle scns des dcssins ou dcs symboles :
la carte A, plus dcscriptivemisc à part unc annotationpour la fonl.ainc,
æulsles nomsde lieux, qui nc sontpastranscritspar le systèmed'écriturc
8i ont bcsoind'ôtreécritsen espagnol.
Dansla cartcB, cn rcvanche,

tt \Ee préciseles chemins(caminos),lcspainsde sel (pilcs de sa[),lesdirec-


dc I'cspacc (oriente, poniente, norte, sur), lcs limitcs de juridiction
Teotitlan), sans parlcr de la légcnde qui suit le camino real sur

\G sa longueur: "camino real para la ciudad de antequera del balle de

l-es scgmcnts de droiæ soulignent les correspondancesenÙe les deux cartcl'

159
158
AL^lN MUSSEI ct FRÂNÇOISE
VERCNEAULI Un regard multiple sur lc pueblo de Cuzcatlan

Fig. I3 : Relevé des principales différences entre les cartes A et B Conclusion

lcs dcuxcartcsjumcllcs,qui ont lait I'objctdc notreanalysc,


Iin sonrrnc,
rcpréscntcntd'unc ccrtaincfaçon clcuxréponscsdiffércntesà une scule et
môrncqucstiorl.Exprcssion du mélangcde deuxcultures,maisnoussemblc-
t-il, à dcs dcgrésdivcrs, cllcs offrcnt à notrc rcgard dcs divergcnces
d isp osit ion
r liff ér ent e suffisamncntsignificatives pourjustifier de multiplesinterrogations.Bicn
desvrllages et deschetnins entcndu,lc cas dcs cartesde Cuzcatlanest exceptionnel:on ne connaît.pils
d'autredcscriptiongéographique du XVIème siècle accompagnée d'une
doublcpeinturc.
lechenin /
s'aruête
/ Ccpendant, la méttrodcproposéc ici, pourtcntcrde micuxcomprendrela
0i l pasa /
Tl i l apan structurcspatialedcs dcux documcntsanalysés,pounait être testéesur
plusoumoins
rivière longue
/ d'autrcscartesdc la mômcépoque.Ce qui permcttraitde mieux siruerces
/ "rcprésentationsd'uneparcellede I'univcrs"dansun contexteculturelplus
vaste: celuiquc nousproposerait
parexempleI'histoirede la cartographie.
l a ri vrèrecoupe
fo n tain e présence ou non Bicn cntcndu,nol.rcdémarche ne prétcndpasôtreexhaustivc: elle laissc
à d r o ite l e camtno real
o u d g a u ch e
ou non la porteouvcrtcà la ré{lcxiondu lectcur.Si elleoffrc un éclairage
particulier
du pi
-/bet /
sur unc réalitécomplcxc,elle vcut aussitérnoigncrde I'intér€tque I'on
signes répartis ,)/
t/ lrouve à confrontersavoirset savoir-faire-ici ccux du cartographe, du
surla zone ny /
s ,/
pr es ei l C e géographc ct de I'historien- quandil s'agitd'appréhcnder uneimageen elle-
0upas / ouabsence
leqqm!no
real mômcct dansscsmultiplcsdimensions.
,/ dusud
passe
0unon
DarCuzcallana présence
," 0uabsence
dechemin
n,"
Références
citées
"nr\7
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ouabsence
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160
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MEMOIRBSINDIGIINBS
I 29. Kommissionsv erlag Klauss Renner, Mthrchen. D'OAXACABT DU MICHOACAN

SergeGruzituki

Lcs Relaciones Geogrôrtcd.rconstituentune source exceptionneilequc


Nicole Perchcron avait scrutéc avec soin et intelligcnce. Ellcs dévoilent,
cntre mille autrcschoscs,la manièrcdont les sociétésindigèncsdu Mexique
pcrccvaicnt lcur passédans les dcmièrcs déccnnicsdu XVIème siècle. En
voici brièvcmcnt dcux cxcmplescontrastés.

Lcs régions d'Oaxacact du Michoacdn ont cn commun d'avoir réuni des


cnscmblcs culturcls prolondémcnt distincts dcs sociétés nahuas de
I'Altiplano. Tcrrc fraîchc, vertc ct boiséc aux lacs poissonneux,ou scmi-
tropicalc s'abaissantvcrs les caux tèdcs du Pacifiquc, le Michoacân formait
unc unité politiquc rclativemcnthomogènequi rcgroupait sousI'autoritéd'un
mômc souvcrain,lc Cazonci,des populationsen majorité tarasquesou, pour
rcprcndrc lc nom qu'cllcs sc donnaient, purépechas(1), dont les origincs
dcmcurcntmystérieuscs(2), mais donl.la cullure cst tout à fait originale.

Alon quc dcpuis la sccondcmoitié du XVèmesiècle les Mcxicas s'effor-


çaient en vain d'cnvahir cc Michoacân qui leur resta impénétrable, ils
s'introduisirentplus aisémcnt dans une partie des montagnes et des rares
plaines qui composentla région d'Oaxaca,au sud de I'Altiplano. Elle était
dominée par dcux grandsgroupcsethniques,lcs Mixtèqucs et les Zapotèques,
ct pcupléc d'unc dizainc d'autrcs ethnics, Chontales, Cuicatèqucs,Mixes,
Huaves, ctc, A partir du Xlvèmc sièclc, lcs Mixtèqucs profitèrcnt du déclin
dcs sociétész.apotèques pour occupcr lcs sitesdc Mitla ct de Monte Albân.
S'ils ne furent pas de grandsbâtisseurs,à I'instarde lcurs rivaux Zapotèques,
les Mixtèques surentdévclopperdcs tcchniquespictographiqucset une orfè-
vrerie parmi les plus brillantes de Mésoamérique. Il cst bien entendu

(l ) Warrcn1977:8.
(2\ L,dpczAustinl98l : l 8.

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