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Les structures en [comparatif + quam + ut + subjonctif] Julie GALLEGO Université de Pau et des Pays de I’ Adour Dans le cadre de ces journées consacrées « la quantification en latin ‘et notamment a la « quantification relationnelle », nous avons choisi de nous intéresser & une structure syntaxique particuliére, ol un processus de quantification, au sens large, est A lauvre dans la proposition régissante grace 4 la présence d'un intensifieur (le comparatif) et des subordonnants quam et ut, ‘Nous ne traiterons pas de manigre exhaustive de tous les comparatifS possibles avec quam ut : tout ce qui releve notamment de « Valtérité » (alius / aliter quam ut) ne pouvait étre traité ici. De méme, la subordination par un autre subordonnant que uf ne pouvait étre abordée que de maniére ponctuelle, a titre de comparaison, méme si une étude plus poussée, sur ensemble des subordonnants aprés comparatif et quam, avait été particuligrement intéressante pour ses aspects fonetionnels. Nous étudierons done essentiellement les structures impliquant les comparaisons d’égalité et d’inégalité, en nous arrétant plus longuement sur les comparatives de supériorité avec comparatif synthétique, oi la situation est plus complexe. 1, Problématique, objectifs et méthode 1.1, Analyse habituelle de quam ut La structure [adj adv. au comparatif ‘+ quam ut + subj.] n’est souvent présentée dans les grammaires traditionnelles que par le biais de la traduction « trop... pour...» ; le mode subjonctif n’est pas toujours indiqué, comme s'il était évident et seul attesté avec quam ut précédé d'un comparatif ; nature et emplois de ut sont rarement expliqués, ainsi que la possibilité de trouver d’autres subordonnants aprés un comparatif et quam. ©. Riemann (1908 : 337-338) en parle dans le cadre d'une « remarque », 4 la fin du paragraphe consacré ut introducteur de consécutives. Sa démarche est celle du traducteur: il distingue «trop pour... que» (comparatif, quam ut, subj.) de la structure « plus... que » (comparatif, quam sans uf, et éventuellement subj. « conditionnel »). F, Blatt (1952 : 280) fait du tour un doublet stylistique des « relatives aprés comparatif avec quam », envisagées comme une sous-catégorie des relatives au subjonctif pouvant exprimer une conséquence, a savoir les « subordonnées relatives consécutives ». L’explication ne débute pas par une réflexion sur la traduction! et il n’y a pas de distinetion entre les exemples du type « plus... que » et ceux du type « trop... pour». II n’y a pas de précision quant & la classification de ces subordonnées en ut et la présence du snois et non francophone, la question de la traduction nest plus au contre de la réflexion. 2 | Les simactures en [comparatf + quam + ut + subjonctif] subjonctif est expliquée par une extension d’emploi a partir de contextes marqués. M. Gautreau et Ch. Rosset (1953 : 24-26 et 203) abordent la question a deux reprises (syntaxe de ladjectif au comparatif puis des subordonnées consécutives). Ils partent de la question de la traduction, Plusieurs éléments intéressants sont évoqués : les variations de construction (subordonnée en quam ut vs. groupe prépositionnel en quam pro) et lambiguité éventuelle Torsque Ta construction adoptée est une subordonnée en ut au subjonctif (ils constatent que la tournure peut présenter ou non un sens consécutif mais c'est une simple constatation). On revient alors & ’idée d’un « probléme » de traduction, indice d’une plus grande complexité du tour qu’il n’y parait au premier abord. A la p. 203, utep est explicitement analysé comme une consécutive (suivent deux exemples en « trop... pour que »). Dans la Syntaxe latine d’Emout-Thomas (1953: 346), le tour est simplement (et trés rapidement) envisagé dans le cadre des propositions consécutives 4 construction particuliére et la mention de « quam w aprés un ‘comparatif » se réduit & la traduction « trop pour ». Suit un exemple de Cic. (signa rigidiora... quam ut imitentur weritatem, « des statues trop raides pour reproduire la vie ») mais Vorigine et le fonctionnement du tour ne sont pas ellement étudiés. De plus, l'index, a l’entrée quam, ne répertorie que trois subordonnants : uf, si et les pronoms-adjectifs relatifs (Sous les formes : «comparatif + quam ut... + quam qui; ..non minus quam si, tam quam si). Aucun autre subordonnant n’apparaissant dans la liste, on est tenté de considérer que les contraintes sont fortes quant au choix de la subordonnée aprés quam : une hypothétique, une relative ou une proposition en wt. B. Bortolussi (1999 : § 226 rem.) envisage la question par le biais de la fonction de la subordonnée en ut («La proposition consécutive peut étre ‘complément du comparatif ») et il revient sur la question de la traduction en «trop... pour » en évoquant I’étape précédente et en explicitant les rapports comparatifs et consécutifs (liberalius quam ut : « un degré de luxe supérieur 4 celui qui a pour conséquence que... », étape préliminaire la traduction « trop luxueuse pour... »). On constate que la toumure est donc systématiquement associée aux consécutives mais qu’on ne peut pas toujours y voir un sens consécutif, que le subjonctif est le mode attendu mais qu’il ne prend pas toujours le sens «vide» dun subjonctif de subordination, associé aux consécutives, puisqu’il a parfois un sens modal (« conditionnel » selon O. Riemann) et que cette tournure systématiquement donnée pour traduire le frangais « trop. pour...» ne se traduit pas toujours ainsi ! La situation est finalement bien confuse et le traitement de la question dans les grammaires semble done insuffisant. Julie Gallego | 3 1.2, Objectif: quam comme connecteur de subordination Le seul article abordant véritablement la question est celui de F. Edelstein’. I] est en roumain, ce qui explique qu’il ait été peu repris. Eerit par une non francophone, il ne part pas de la question de la traduction de la tournure - qui n’est méme pas abordée — mais il s"articule autour du fonctionnement syntaxique de quam suivi dun subordonnant, sans se limiter 4 ut, mais en lui accordant une place privilégiée. Cette étude de quam ut met en évidence Ia diversité sémantico-fonctionnelle des propositions en uf qui suivent quam (complétives sujets ou objets, citconstancielles finales ou consécutives) mais l'étude de ensemble des subordonnants impliquait forcément un traitement assez rapide de chacun d’entre eux. Nous avons done essayé de dégager plus précisément les particularités de fonctionnement de ut et nous reviendrons sur le probléme de la traduction, lige la valeur du comparatif. 1.3. Démarche et méthode ‘Nous avons principalement travaillé sur le corpus d’historiens suivant (avec dépouillement systématique) : Caes. Ciu. Gal. ; Sall. Cat, lug. ; Nep. Liv. 1-2 ; Vell. ; Curt. 3-5 ; Tac. An, 1-2, Hist. 1-2 ; Suet, Caes., Aug Flor. ; Just. ; Amm, 17-24 ; Greg. Tur. Hist. 1-4° Nous avons également utilisé différents moteurs et techniques de recherches (PHI, Hyperbase et Agoraclass)* pour répertorier d’autres exemples de la tourure en question, dans d’autres textes de ces mémes auteurs ou chez d’autres auteurs (Plaut., Ter., Cic. et Sen.). Les exemples retenus pour la séquence [comparatif + quam + uf] présentent tous une caractéristique commune indispensable : un seul verbe conjugué® aprés la succession immédiate des deux subordonnants. 2. Aspects fonetionnels des propositions en uf s; aprés quam comparatif Nous appelons s2 le subordonnant ut qui suit immédiatement quam S; en structure comparative. Ces propositions en uf s2 peuvent occuper différentes fonetions. ® Nous remercions Toana-Ruesandra DASCALU de T'Univ. de Craiova (Roumanie) pour sa traduction de article de F. EDELSTEIN (1973) Le texte de référence et les traductions sont ceux de la CUF, sauf Just. (Garnier- Panckoucke) et Greg. Tur. Historia Francorum (ARNDT-KRUSCH) (aucune ‘occurrence chez cet auteur) * CD-Rom utilisés: PH! # 5 (Packard Humanities Institute) avec logiciel interrogation (Musaios version 1.00). HYPERBASE-LATIN, textes latins du LASLA, S, Mellet et G. Purnell (logiciel Hyperbase version 5.5, E, Brunet). * Ou plusieurs sur le méme plan, avec coordination, Julie Gallego | 13 27) Nihil habet nec fortuna tua maius quam ut possis, nec natura melius ‘quam ut uelis seruare quam plurimos, (Cie, Lig. 12.38) «Ce qu'il y a de plus gtand dans ton destin, c’est de pouvoir sauver Winnombrables vies, ce qu'il y a de meilleur dans ta nature, c"est de le vouloir. » (28) Neque aut crebrius aut perfidiosius rebellantis grauiore wmquam ultus est poena, quam ut captiuos sub lege wenundaret, ne in uicina regione seruirent neue intra tricensimum annum liberarentur, (Suet. Aug. 21.5) «Et quand ils recommengaient la guerre trop fréquemment ou contre la foi jurée, il n’alla jamais plus loin dans ses représailles que de faire vendre les prisomniers, en ordonnant qu’ils fussent esclaves dans un pays éloigné du leur et qu’on ne le affranchit pas avant trente ans. » La négation peut aussi porter sur les adverbes plus, magis"? ow ultra ; ce demier est trés fréquent avec quam ut lorsque la relation de supériorité est nige (par non, nec, ne, nihil ou en question oratoire guid). 4. Un cas particulier de proposition en quam ut : Les comparatives- consécutives Seules les ut-p citconstancielles, avec un comparatif synthétique non nig, sont traduisibles par «trop pour»: ce sont des « comparati consécutives » (tout comme il s’agit dans d'autres cas de « comparatives- complétives » ou de « comparatives-temporelles, finales, hypothétiques... ») Mais «le contexte lexical, phrastique, textuel, énonciatif et extralinguistique contribue pour une large part a effet de sens sugeéré par la forme en -ior » (Joffre 2005 : 33-34). Et dans certains cas, le traducteur peut choisir de montrer simplement qu’un seuil suffisant a été atteint pour favoriser ou empécher telle ou telle conséquence et la traduction sera en assez pour que, la frontiére étant parfois mince entre consécutive & conséquence effective et consécutive & conséquence virtuelle et recherchée (done proche du but et dune finale) (29) Substringebat caput loro altius quam ut prioribus pedibus plene terram posset attingere, (Nep. 18.5.5) I uj attachait la téte avec une courroie, assez. haut pour qu'il ne pit pas, avec les pieds de devant, toucher complétement la terre. » — « Il le sanglait sous le poitrail, lui tenait la téte trop haut pour qu’il pit toucher la terre des pieds de devant. »"? (= « a une hauteur supérieure & celle qui aurait eu pour conséquence qu'il pit toucher...» —> « tellement haut qu'il ne pouvait pas toucher... ») ° Non plus quam ut (Cie, Am. 13.48) ow nil mais... quam ut (Sen, Ben. 2.241) CUR iégérement’ modifiée puis traduction du site d’Ugo Brateli hips worenimispauck. reef 14 | Les sractures en [comparatf + quam + ut + subjonctif] Pour qu'on puisse traduire par « trop pour» et qu'il n'y ait pas ambiguité sur « l'excés », on attendrait nimis/nimium ut, mais nous n’en avons trouvé aucun exemple : le systéme de pensée latin ne reposerait donc peut-étre pas sur la notion de « quantité ou qualité en excés » mais sur celle de « quantité ou qualité particuligrement remarquable » (« assez pour que » serait alors plus exact) et indiquerait la mesure d’une méme propriété dans des circonstances spatio-temporelles différentes. Nous avons néanmoins répertorié un cas oi nimis + adj, précéde une comparative en quam ut, avec ‘un comparatif sur le méme plan que l'adjectif sur lequel porte nimis (30) Hannibali nimis laeta res est uisa maiorque quam ut eam statim capere animo poset. (Liv. 22.513) «Hannibal trouva ce dessein trop beau et trop grand pour pouvoir Fadopter aussit6t. » (Agoraclass) Certes quam ut ne dépend pas directement de nimis mais de maior ; ccependant la présence explicite de lidée d’excts par le biais de nimis joue sur ’interprétation que l’on peut faire de la subordonnée. Le terme de « comparative-consécutive » n'est pas vraiment courant en France mais il est utilisé comme dénomination traditionnelle dans d’autres pays'* et nous semble particuligrement adapté au type de ut-p défini en téte de cette partie. En effet, ce n’est pas une simple comparative puisque le processus de comparaison est bancal (il manque un élément essentiel, le ‘comparant) et puis il y a indubitablement présence d’une 2° subordonnée en ut, La comparative-consécutive ne peut se concevoir que sur le mode de Vrellipse du comparant, représenté par la situation normale (qui sert d”étalon de comparaison implicite). G1) Tu Longius iam processisti quam ut possis werbis sanari... (Sen. Ira 1.16.2) «Tu es déja trop avancé dans le vice pour pouvoir étre guéri par des paroles. » (32) Longius iam progressus erat quam ut regredi posset. (Tac. Hist. 3.69.4) « Sabinus s°était trop avaneé pour reculer... » Dans ces deux cas, le sens est « tu es plus avaneé dans le viee que pour pouvoir étre guéri par des paroles » et « il s°était plus avaneé que pour qu'il pat faire demi-tour. » ou, si Von traduit en mettant en valeur la notion de conséquence, « ...tellement avaneé que... ne... pas.» Wooncock (1959: 208), 4 new Latin symtax, Londres, cité par G FONTANA E303 (1997 : 205), 16 | Les srctures en [comparatif + quam + ut + subjonctif] Si le lien entre les propositions est bien celui de cause & conséquence, c'est en réalité un lien brisé, comme dans la concession : 1a conséquence attendue ne se réalise pas en raison d’une intensité particuligrement remarquable d’un élément de la proposition régissante. Le comparatif en *- ior, nécessaire pour exprimer ce lien particulier, indique simplement une forte intensité qui a pour conséquence dentraver un procés envisagé, parce qu'un seuil est dépassé et qu'il y a inadéquation par rapport & la norme. Les adverbes minus, magis ou plus ne le permettent pas. 4. Conclusion La situation de ut-p apres quam, lorsqu’un comparatif est présent dans la proposition régissante, est done caractérisée par une grande diversité fonctionnelle, sémantique et pragmatique. Le type de comparatif influe sur le type de up que l'on peut trouver: les compatatives-consécutives (qui correspondent aux ttaductions en «trop pour» / «assez pour») napparaissent qu’aprés un comparatif synthétique, valeur intensive a Porigine et elles ne sont qu’un cas parmi d’autres de subordination seconde aprés quam. Bibliographie AGORACLASS : http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm BLATT Franz 1952 : Précis de syntaxe latine, LyonParis, IAC. BORTOLUSSI Bernard 1999 : La grammaire du latin, Paris, Bescherelle. DENIS Delphine, SANCIER-CHATEAU Anne 1994: Grammaire du francais, Paris, Livre de Poche. EDELSTEIN Frieda 1973 : « Quam urmat de un conectiv subordonator » [« A propos de quam suivi d’un connectif de subordination »], avec un résumé en frangais, Studii Clasice 15, 41-9. FONTANA ELBO! Gonzalo 1997 : Las construcciones comparativas latinas aspectos sincronicos y diacronicos, Univ. de Zaragoza. FUGIER, Huguette 1972 : « Le systtme latin des comparatifs et superlatifs », REL 50, 272-94. GAUTREAU Maurice, Ros: ditions de I’école JorFRE Marie-Dominique 2005 : « Les interférences entre formes en -ior et formes en -issimus en latin classique », Intensité, comparaison degré, 2, « Cerlico » 18, Rennes, PUR. ORLANDINI Anna 2001: Négation et argumentation en latin, Louvain, Peeters RIEMANN Othon 1908° : Syntaxe latine, Paris, Klineksieck, ROVER! Attilio 1961 : « Osservazioni sull’uso di potius (citius, prius) quam ut in Cicerone», in Atti del I Congresso internazionale di Studi Ciceroniani, I, 421-32. eT Charles 1953: Grammaire latine, Paris,

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