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Get ouvrage a été expliqué littéralement par M. D. Delaunay, professeur ii la Faculté des lettres de Rennes. Ta traduction francaise est celle de M, J. Ballard. LES AUTEURS LATINS expuigués olapais UNE MéTHODE NOUVELLE PAR DEUX TRADUCTIONS FRANCAISES ONE LITTERALE BT JUXTALINEAINE PRESENTANT LE MOT A OT PRANGALS EN REGARD DES MOTS LATINS CORRESPONDANTS Vaurne connects ET wnécénée vo TEXTE LATIN avee des arguments et des notes PAR UNE SOCIETE DE PROFESSEURS er DE LATINISTES SENEQUE DE LA VIE HEUREUSE LIBRAIRIE HACHETTE 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS AVIS RULATIF A LA TRADUCTION JUXTALINEAIRE On a réuni par des traits les mots frangais qui tradui- 1 mot Jatin. On a imprimne en italique les mots qu'il était nécessaire @ajouter pour rendre intelligible la traduction littérale, et qui n'ont pas leur équivalent dans Ie latin. Enfin, les mots placés entre parentheses, dans Je fran- cais, doivent étre considérés comme une seconde explica- tion, plus intelligible que Ja version littérale, NT ANALYTIQUE “ARGUME Le traité de la Vie Heureuse peut se diviser en quatre parties : 4° L’auteur expose Ia théorie sloicienne sur le bonheur, qui est constitué exelusivement par la raison et la volonté chap. 1 a vt). 2 Il explique en quoi sa doctrine différe de la doctrine @Epicure, a laquelle il reproche son impuissance et ses con- séquences dangereuses, tout en reeonnaissant que les exem ples donnés par Epicure valent mieux que ses préceptes ; mais les verlus personnelles du philosophe ne sauraient jus- litier son principe (chap. vi a xiv). 3° Sénéque montre ensuite que sa doctrine se distingue également de la doctrine péripatéticienne (chap. xv). 4° Il défend Ja morale stoicienne contre des objections tmalveillantes qui V'atteignaient personnellement. — Les fai blesses de "homme ne prouvent rien contre ses principes. — Lopulence, que on reproche & Sénéque, n'est pas, en elle-méme, contraire aux dogmes stotciens; le sage du Por- tique ne repousse pas les dons de la fortune : a ses yeux, richesse est au nombre des choses préférables, sans étre au rang des hiens; il sait en user, et elle lui fournit Poccasion de pratiquer certaines vertus, & la fois plus faciles et plus brillantes que les autres, telles que la tempérance, la modé- ration, la libéralité; enfin il ne s'y attache pas ; elle n'est pas un élément nécessaire de son bonheur. Il faut done admettre que le sage préfére, sans se méprendre sur leur véritable ature, les choses qui fournissent aux efforts de la volonté et de la raison une matidre plus aisée, Sénéque met en scéne Socrate, dans Ja bouche duquel il place une éloquente pro- testation contre les détracteurs de 1a philosophie et des phi losopnes (chap. xvi A xxvim1). De TA VE NEUnEUSE. 1 DE VITA BEATA 1. Vivere, Gallio frater, omnes peate volunt : sed ad pervi- dendum, quid sit quod beatam vitim efticiat, caligant. Adeo- que non est facile consequi beatam vitam, ut ab ea quisque eo longius recedat, quo ad iflam coneitatius fertur, si vi Japsus est : quae ubi in coutrarium ducit, ipsa velocitas ma- joris infervalli causa lit. Proponendum est itaque primum, quid sit quod appetamus : tune circumspiciendum est, qua contendere illo celerrime possimus : intellecturi in ipso iti- here, si’ modo rectum ert, quantuin quotidie, protigetur, quantoque propius ab eo simus, ad quod nos cupiditas natu valis impellit. Quamdiu quidem passim vagamur, non ducem seculi, sed fremitum et clamorem dissonuin in diversa 1, Vivre heureux, mon frére Gallion, voila ce que veulent tous les hommes : quant a bien voir ce qui fait le bonheur, quel nuage sur leurs yeux! Et il est si difficile d'atieindre Ala vie heureuse, qu'une fois la route perdue, on s’é Joigne d'autant plus du bat qu'on le poursuit plus viv ment; toute marche en sens conteaire ne fait, par sa rapi dité méme, qu’accroitre léloignement. II fant ‘done dabord déterminer la fin vers laquelle nous devons tendre, ensuite chercher les moyens les plus directs pour Vatteindre ; une fois en route, si nous sommes engagés sur Ia bonne Voie, nous comprendrons quelle porte produit chaque jour une mauvaise direction, et combien est plus voisin de nons ce but vers Jequel nous pousse Vinclination naturelle. Mais tant gu’on marche a ’aventare, sans guide et suivant te hasard ddes vagues rumeurs et des clameurs contradictoires qui nous DE LA VIE HEUREUSE I. Gallio frater, L. Gallion, mon frére, ‘omaes yolunt vivere beale: tous voulont'vivee heureusemen sed caligant Mais ils ne-voient-pas-cla ad pervidondum A distinguer quid sit quod efficiat qu'est-ce qui produit vilam beatain, Ja vie heureuse. Estque adeo non facile _Et id est tellement peu facile consequi vitam beatam, —d’atteindre Ja vie heureuse, ut quisque recedat ab ¢a, que l'on s’écarte delle, si-est lapsus via, si Ton s'est trompé de’ route, eo longius quo fertur ‘autant plus loin qu'on se porte concitatius ad eam: plus vivement vers elle : quee bi ducit et quand cette route conduit in contrarium, a opp yelocitas ipsa Ia rapidité méme de la marche fit causa devient la cause majoris interval, un plus grand éoigaement. Teague primum est pourquoi promitrement est proponendum ‘nous devons-motire-sous-nos-yeux quid sit quod appetamus; quel est le but que nous. poursuivons tune est circumspiciondum puis nous devons chereher, ‘qua possimus colerrime par quel moyen nous pouvonsleplus vite contendere illo: nows-iriger vers-coubut rntetlocturi in itinere ipso, devant comprenidre danslevoyageméme, si modo erit rectum, si toutefois il est direct, quantum profigetur combien deforts on pera quotidie, chaque-jour, rantoque simus propius et eombien nous sommes plus pris 3b e0 ad quod de ce but vers lequel upiditas naturalis le désir naturel nos fimpelit nous pousse. Quamdiu quidem vagamur Tant-que cortes nous errons passim, ca et li, secuti hon dueem, ayant suivi non pas un guide, sed fremitum ‘mais la rumour 4 DE VITA BEATA. ‘vocantium, conteritur vita inter errores, brevis, etiamsi dies noctesque bonse menti laboramus. Decernatur itaque et quo tendamus, et qua; non sine perito aliquo, cui explorata sint ea, in que procedimus : quoniam quidem non eadem hic, que in ceteris peregrinationibus, conditio est, In illis com- prehensus aliquis limes, et interrogati incole non patiuntur errare : at hic tritissima quaoque via, et celeberrima, maxime decipit. Nihil ergo magis preestandum est, quam ne, pecorum ritu, sequamur antecedentium gregem, pergentes non qua eundum’est, sed qua itur. ‘Atqui nulla res nos majoribus malis implicat, quai quod ad rumorein componimur : optima ati ea, quae magno assensu recepta sunt, quodque exempla pro, bonis multa sunt : nec ad rationem, sed ad similitudinem vivimus. Inde ista tanta coacervatio alioram super alios ruentium, Quod in strage hominum magna evenit, quum ipse appellent vers mille points opposés, on consume dans de vains écarts cette vie déja si courte, alors méme que l’on con- sacrerait ses jours et ses nuils a étude de la sagesse. Déter- minons done la fin et les moyens, non sans consulter un guide expérimenté qui ait déja exploré cette route oi nous devons marcher; ear les conditions de ce voyage sont tout autres que celles d'un voyage ordinaire, o& un sentier battu, les indications fournies par les gens du pays, empéchent quion ne s’égare : ici ce sont les chemins les plus suivis et les plus fréquentés qui trompent le mieux. Ainsi, par dessus tout, gardons-nous de suivre en stupide bétail la téte du trou- peau, et de nous diriger od l'on va plutdt qu’oi on doit aller, Or il n'est rien qui nousjette en d'inextricables miséres come de nous régler surle bruit public, regardant comme le mieux ce que la foule applaudit et adopte, ce dont on voit le plus exemples, et vivant, non pas d’aprés In raison, mais d’aprés autrui. De li ce vaste entassement d’hommes qui se renver- sent les uns sur les autres. Comme en une déroute générale DE LA VIE HEUREUSE. 6 et clamorem dissonum yocantiuin in diverse, vita brevis, etiamsi dies noctesque laboremus menti bone, conteritur inter errores. Itaque decernatur et quo tondamus, et qua; non site aliquo perito, cai sint explorata ea quoni non est eadem hic qua in ceteris peregrinationibus. In ills aliquis limes comprehensus, et incole interrogat non paliuntur errare : at hie queque via tritissima et celoberriaa decipit maxin Nihil ergo est praestandum magis quam ‘ne sequamur gregem antecedentiom, Fitn pecorum, pergentes noii qua est eundum, sed qua itur, Atqui sulla res nos implicat rmalis majoribus, quam quod componimur ad rumorem rati ea optima que sunt reeepta magno assensu, quodque exempia malta suat pro bonis : nee vivimus ad rationem, sed au similitudinem. Inde ista tanta coacervatio ruentium alioram super alios. Quod evenit in magna strage hominum, et le eri discordant ddes gens qui nous appellent dans des directions opposées, la vie gui est courte, méme-si jours et nuts nous travaillions pout avoir une ame saine, est usée dans les égarements. Crest pourquoi qu'il soit décidé et vers-quel-but nous devons-tendre, cet par-quel-moyen; non sans quelque guide habile, par qui aient été explorées ces régiont dans lesquelles nous nous avangons; puisqueen vérité la condition n'est pas Ia méme ici que daas les autres voyages. Dans ceus-ci un sentier atta, et los habitants interrogés ne permettient pas de s'égarer nis iei chaque route Ja plus frayée et la plus fréquentée trompe le plus. Rien done ne doit tre effectué plus que ceci, que nous ne suivions pas Te troupeau de ceux qui nous précddent, Ala maniére des béles, allant non par-ot, con doit al mais par-ot Yon va, Or aucune chose ‘ne nous enlace dans des maux plus grands que ceci, que nous nous régions sur la rumeur publique: Hears convaincus gue ces dctes sont les meil~ qui sont accucillis vee une grande approbation, et cee, que des exemples nombreux sont d-la-jlaco-(tiennent lien) de bons: et nous ne vivons pas selon la raison, mais selon la resemblance. De la cette si-grande accumulation de gens qui tomben les uns sur les autres. Ce qui arrive dans tne grande ehute d'bommes, 8 DE VITA BEATA, se populus premit, nemo ita cadit ut non alium in se attra~ hat, primi exitio sequentibus sunt : hoc in omni vita accidere videas lice:; nemo sibi tantummodo errat, sed alieni erroris et causa et auctor est. Nocet enim applicari anlecedentibus : et dum unusquisque mavult credere quam judicare, nunquam de vita judicatur, semper creditur : versatque nos et preci- pitat traditus per manus error, alienisque perimus exemplis. Sanabimur, si modo separemur a ctu : nance vero stat contra rationem, defensor mali sui, populus. Itaque evenit, quod in comitiis, in quibus eos factos praetores iidem qui fecere mirantur, quum se mobilis favor circumegit, Eadem probamus, eadem reprehendimus; hic exitus est ‘omnis judicii, in quo secundum plures datur. II, Qaum de beata vita agitur, non est quod mihi illud dis cessionum more respondeas : «Hae pars major esse vide- oi, les masses se refoulant sur elles-mémes, nul ne tombe sans faire choir quelque autre avec lui; les premiers entrai- nent la perte de ceux qui suivent; de:méme, dans tous les rangs de la vie, nul ne s’égare pour soi seul : on est Ia cause, on est Yauteur de l’égarement des autres. Car il n’est pas bon de s'atlacher 4 ceux qui marchent devant; et comme chaeun aime mieux croire que juger, de méme au sujet de la vie, jamais on ne juge, on eroit toujours: ainsi nous joue et nous précipite erreur transmise de main en main, et’on périt victime de l'exemple. Nous sevons guéris & condition de nous séparer de la foule; car tel est le peuple : il tient ferme contre la raison, il défend le mal qui le tue. Aussi arrive-t-il ce qui a lieu dans les comices, ot les électeurs eux- mmémes s'étonnent d'avoir choisi tel ou tel prétour, quand la faveur capricieuse a fait un retour contraire. Oa approuve et on blaine tour a tour les mémes choses ; telle est Vissue de tout jugement oft la majorité décide, I. Quand c'est de la vie heureuse quill s‘agit, ne va pas, comme lorsqu'on se pariage pour aller aux voix, me ré- pondre : « Ce cété-ei parait le plas nombreux. » Par 1a méme DE LA Vie HEDREUSE, 1 qquum popalus ipse ‘te premit, nemo eadit ita ut non attrahat alium in se, primi sunt éxitio soquentibus + licet videas hoe aecidere in vite omaf; ‘nemo errat i tantummode, sed est et causa ‘et auctor erroris alieni, Nocet enim applieari antecedentib ef dum unusquisque mavult erodere quam judieare, unquam judicater de vita, semper creditur : errorque traditus per manus nos versat et preecip perimusque exemplis alienis. Sanabimur, separemur a eet rune vero popules stat contra rationem, defensor mali sui. Haque id evenit quod in comittis, in quibus iidem qui fecere prastores irantur eos factos, quim favor mobilis se circumegit. Probamus eadem, reprehendimus eadem; hic est exitus omais judicit in quo datur secundum plures. TL. Quam agitur ae vita beata, non est quod mihi respondeas illud more discessionum « Have pars quand Ia foule elle-méme séerase, ‘quand personne ne tombe de-telle-sorte qu'il n’enteatne pas “un autre sur ui, 4 quand les promiers sont a perte A coux qui les suiven! il est-possible que tu voies cela arriver dans la vie en-général; nul ne s'égare ‘pour soi seulement, il est et la cause ot auteur de légarement d'-nutrui, IL est-nuisible en effet de s'attacher & ceux qui vontedevant : et pendant que chacun préfere croire plutét que juger, jamais on ne juge sur ta vie, toujours Hon croit = et lerreur transmise de main-en-1 nous roule. et nous précipite, et nous périssoas par les’ exemple a-autruis Nous nous guérirons, si seulement nous nous séparons de 1a foule: mais maintonant le peuple so-dresse contre la raison, ‘comme défenseur du mal qui-lui-est-propre. Cest pourquoi cela arrive qui arrive dans les comices, dans lesquels les mémes hommes faut ont fit les préteurs s'étonnent qu’ils aient été fats, quand la faveur capriciouse Sst retournée, Nous approuvons les mines choses, nous blamons les mémes chose telle est Vissue de tout jugement dans lequel {a sentence est donnée suivant le-plus-grand-nombre, TL Quand i sagit de [a vie heut.tse, i n'y a pas tiew 0 tu ule répondes Ceci 4 la fagon dos votes-par-division Ge cdté-ei 8 DE VITA BEATA. tur » Ideo enim payor est. Non tam bene cum rebus hu- manis agitur, ut meliora pluribus placeant : argumentum pessimi, turba est. Quevamus, quid optimum factum sit, non quid usitatissimum : et quid nos in possessione felicitatis, wternm constituat, non cuid vulgo, veritatis pessimo inter- preti, probatum sit. Vulgum autem tam chlamydatos quam coronatos voco. Non enim colorem vestium, quibus pre- texta corpora sunt, adspisio : oculis de homine non credo; habeo melius certiusque lumen, quo a falsis vera dijudicem + animi bonum animus inveniat. Hie, si unquam illi respirare et recedere in se vacaverit, o quam sibi ipse verum, tortus a se, fatebitur, ac dicet : ou bien: ¢ Gest invincible énergie @une Ame DE LA non servitura. Tatelligis, efiamst non adjiciam, Hanquillitatem perpetuam Tibertatem seq, 2 dopulsis, ireitant ut territant nos. ‘Kam pro voluplatibus et pro illis quar sunt parva ot feagilia, etnoxia im flagitiis ipsis, subit gaudinm ingens, neoneussum et wquabile; {um paxet eoncordia auiini, et magaitudo euin mansuetudine. Omuis enim feritas est 2x iofirmitate. LY. Bonum nosirum potest definiri quoque ali Idest adem sententia {ter, comprehondi verbis nontisdem. Quemadmodum idem exereitus modo panditur latius, modo coarclatur in angustum, et aut curvatar in cornua, pacle media sinuata, Aut explicatue fFronte recta : tuloumque est ordinatus, vis est eadem ill, el volunias stand pro iisdem partibus; Na finitio summi bont potest alins diffundi et exportigi, tins oli et eogi ine. Erit atique idem, si dixero : Sumnium bonumn fest animus despiciens fortuita,, fetus virtule: aru, vis attend invicta, perita rerura, Vik HEUREUSE. 15 ne devant pas s'y asservir. Tu comprends, méme-si je ne Pajoute pas, tune tranquillité perpétuelle ct la liberté venir-a-la-sul ‘ees causes ayant été écar qui ou irritent oueffeaient nous. Car au Liou des plaisirs et aut Tiew de cos avantages qui sont ehlifs et fragiles, et nuisibles dans les désordres mémes, arrive une joie grande, imperturbable eb constant; | puls la paix et accord de’I'amo, et la grandeur vee fa douceur. Gar toute cruauié provient de la faiblesse. TV. Le bien tel-que-nous-le-concevons, peut étre défini aussi aulrement, Cestei-dire Ia méme pensée peut aire exprimée par des mots non identiques. De-méme-que la méme armée tantOL est déployée plus largement, tantdl est resserrée a Pétroit, et ou est courbée en aile la partic du milieu étant infiéchie, ou eat développée avec un front droit; de-quelque-facon-qu’elle ait 48 rangée, fa foree est la méme & elle, et la volonté de tent pour le méme partis aa finsi la definition “du sonverain bie pout tantdt dire développée et aire Sendue, tant aire ropliée et etre réduite cen lie mém Ge sera completement identique, si jinural dit: Le souverain bien estune ame néprisant les choses fortuites, Joyeuse par fa verti; ‘ou, une force ’ame’ invincible, ayanl-l'vexpérience des choses, 16 DE VITA BEATA. animi, perita rerum, placida in actu, eum humanitate multa, st conversantium cua. Libet et ita finire, ut beatum dica- inns hominem eum, cui nullum bonum melumque sit, nisi bonus malusque animus; honesti cultor, virtute content quem nec extoliant fortuita, nec frangant; qui nulluin jus bonum eo, quod sihi ipse dare potest, noverit; cui verd yoluptas erit voluptatum contemptio. Licet, si evagari velis) idem in aliam a(que aliam faciem, salva et integra potestate, transferre. Quid enim prohibet nos beatam vitam dicere, li- berum aniinum, et erectum, et interritum ac stabilem, extra metum, extra cupiditatem positum; cui unum bonum lione- slas, unum malum turpitudo? Cwtera vilis turba rerum, nec detrahens quidquam beatae vit, nec adjiciens, sine auctu ac detrimento summi oni veniens ac recedens. Hoe ita funda- tum necesse est, velit nolit, sequatur hilaritas continua, -et latitia alta atque ex alto veniens, ut qua suis gaudeat, nec majora domesticis cupiat. Quidni ista penset bene cum écldirée sur les choses de la vie, calme dans Vaction, toute bienveillante et du commerce le plus obligeant. » Je suis librede dire encore: eCelui-la est heureux pour lequel il n'est de bien ou de mal qu’une aime bonne ou dépravée ; qui cultive Vhonnéte, et, content de sa seule verta, ne se laisse ni enfler ni abattre par Jes événements; qui ne connatt pas de plus grand bien que celui quill peut se donner lui-méme, et pour qui la vraie volupté est le mépris des voluptés. » Tu peux, si tu veux te donner carviére, faire prendre successivement 4 la méme idée des formes différentes, sans en compromettre nien altérer la valeur. Par exemple, qui nous empéche d'ap- peler le bonheur une ame libre, élevée, intrépide et con- stante, placée en dehors de la crainte, en dehors de toute cu- pidité, aux yeux de laquelle lunique bien est honnéte, Punique mal infamie, et tout le reste un vil amas d’objets quin'dtent rien & la vie henreuse, n'y ajoutent rien, et, sans aceroitre ou diminuer le souverain bien, peuvent arriver ou s’en aller? L’homme établi sur une telle base aura, ne le cherebat-il point, pour compagnes nécossaires une perpé- tuelle sérépité, une satisfaction profonde comme la source oi elle sort, heureux de ses propres biens et ne souhaitant rien de plus grand que cq qu'il trouve en soi. De tels biens DY 4A VIE HEOREUSE. 7 placids inactu, cum multa humanitate, et cura conversantium, Libet-t finire ita ut dicamus eum hominem beatum, cui nullum sit donum malumque, nisi animus onus malusque; evltor honest, contentus virtute, quem fortuita fee extollsnt nee frangant; qui noverit nutlum bonum majus eo quod ipse potest sibi dare; eui vera veluptas erit contemptio voluptatum. Licet, si velis evagari, transferre idem in-aliam atque aliam faciem, potestate salva et integra. ‘Quid enim prohibet nos divere vitam beatam animum|libsrum eterectum, et interritum ae stabilem, positum extra metum, extra cupiditatem; cui unum bonum honestas, ‘unum malum turpitudo? Gwetera vilis turba rerum, nee detrahons nee adjiciens quidquam vite beate, Yeniens ac recedens sine auctu ae detrimento suinmi bon. Est necesse hilaritas continua ot leetitia alta alque veniens ex alto, ut quae gaudeat suis, nee ‘euptat majora domesticis, sequatur hoe fundatom ita, velit nol Quidni penset bene gate dans action, aveo grande humanit tl soln de ceur gui viventavee elle On peut encore délinir de sorte que. nous appelions cet homme-la heureux, jour qui rien n'est on ou mauvais, sinon une ame bonne ow mauvaise ; ccultivant rhonndte, se-contentant de Ia vertu, que les choses fortuites ne _pouvent-altérer ni briser; qui ne connait aucun bien plus grand que celui quo lut-mdme peut se donner our qui te vrat plaisie sera fo mépris des plaisirs 11 Cost permis, si tu yeux t'élendre, de faire-passer la méme définition sous une autre puis une autre forme, 4a valeur étant sauve et intacte. Quoi en effet empéche hous dire la vie heureuse étre une ame libre et élevée, et imperturbable et stable, placée hors de In erainte, hors du désir 5 pour qui unique bien est 'honnéteté, Panique mal Pinfamie? Le reste est une vile foule de choses, qui ni n’enldve, ni n’ajoute rien & la vie heureuse, venant et se retirant sans accroissement et du souverain bien. Hest nécessaire qu'une gaieté continue et une joie profonde et venant d'une source profonde, attendu qu’elie se réjouit de ses biens propres, et ne souhaite pas [ehez-elte, des biens plus grands que ceur—de- suivent cette situation fondée ainsi, que ame le veuille ou ne-le-veniite-pas, Comment ne compenserait-elle pas bien 8 DE VITA BEATA. minutis, et frivolis, et non perseverantibus corpusculi moti. bus? quo die infra voluptatem fuerit, et infra dotorem erit. V. Vides autem, quam malam et noxiam servitutem servi turus sit, quem voluptates doloresyue, incertissima dominia impotentissimaque, alternis possidebun!. Ergo exeundum ad {ibertatem est; hane non alia res tribuit, quam fortuna neg- ligentia. Tam’ illud orietur inwstimabile boaum, quies mentis in tuto collocate, et sublimitas: expulsisque terrori- bus, ex cognitione veri gaudium grande et immotum, com lasque et diffusio animi : quibus delectahitar non ut bonis, sed ul ex bono suo ortis: Quoniam liberaliter agere ccepi, potest beatus dici, qui nec eupit, nec timet, benelicio ratio- nis. Quoniam et saxa timore et tristitia carent, nee minus pecudes; non ideo tamen quisquam felicia dixerit, quibus tion est felicitatis intellectus. Eodem loco pone homines, quos in numerum pecoruim et animalium redegit hebes na- ne sont-ils pas une ample compensation de ces mouvements de la chair, chétifs, misérables et inconstants? Le jour ob Thome subira la lot du plaisir, il subira aussi celle de la douleur. Y. Or tu vois comhien era mauvaise et funeste la servitude de colui que le plaisir et la douleur, ces despotes capricieux et passionnés, se dispateront toor 4 tour. Elangons-nous done vers la liherté, que rien ne donag, hormis indifférence pour Ja'fortune. Alors commencera ce bonheut inappréciable, ce calme d'un esprit retiré en un asile sr dois i! domine tout; alors plus de terreurs; 1a possession du vrai nous remplira une joie immense, inaltérable, et de sentiments affectueux et expansifs que nous savourerons ncn comme des biens, mais comme des fraits da bien qui nous est propre. Puisque Jai dja prodigué tes délinitions, disons qu'on peut appeler henreux celui qui, grace Ala raison, est sans désir comme sans crainte. Tout comme les rochers n’éprouvent ni nos + eraintes, ni_nos tristesses, non plus que les animaux, sans que pourtant on Les ait jamais dits heureux, puisyu'ils n'ont pas le sentiment du bonheur; il faut mettre sur la méme ligne tout homme qu’une nature émoussée et ’ignoranee de DE LA VIE HECREUSE. 19 {sta cum motibus cos avantages aver les mouvements iminutis et frivolis cchétifs et frivotes et non porseverantibus et non persistants corpuseuli? dune misérable-chiair? Quo die fu Le jour oitelle aura 68 infra voluptatem, an-dessous du plaisir, crit ot infra dolorem. elle sera aussi au-dessous de la douleur Y, Vides autem V. Or tu vois quam malam combiew mauvaise et noxiam servitutom ot nuisible servitude sit serviturus quem devra subir celui que voluptutes doloresque, _les plaisirs et les douleurs, dominia incertissima (yrannios tres inconstantes impotentissimaque, et trbs arbitraires, possidebuntalternis, posséderont allernativement. Ergo est exeundum Done il faut sélancer ad libertatem; sors la liberté non alia res hane tribuit_ pas d'autre moyen no ta donne quam negligentia fortune, que Findiférenee pour 1a fortane, ‘um orietur Alors naitra illud bonum inastimabite, ce bien inappréciable, quies mentis Ie calme de esprit, collocate in tuto, Gtabli en sireté, et su fimitass et la hauteur de Pime; terroribusque expulsis, et les terreurs ayant été ban gaudium grande une joie grande et immotum et inimuable ‘ex cognitione veri, résultant do la connaissance du vrai comitasque et la douccur et diffusio animi et Vexpansion du cceur; quibus delectabitur vantages desqucls il sera charmé hon ut bonis, rnon pas comme de biens, sed ut ortis mais. comme savantages nés ex bono sto. de son bien propre. Quoniam carpi Puisque fai commencé agere liberaliter, a agir libéralement, beatus potest dic Thomme heuroux pout étre dsfini, celui qui par le bienfait de Ie raison nee eupit nee limet, hie eraint ni ne désire. Quoniam et sa Parce que les pierres nussi nec minus pecudes et non moins los tos carent tristitia et timore, sont-oxemptos de tristesse etde crainte, non ideo quisquam co-n’est-pas un -motif-pour-que quel dixerit felicia, les ait dites heureuses, tquvun quibus non est elles & qui n'est pas intellectus felicitatis. intelligence du bonheur. Pone eodem loco Mets au méme rang homines quos natura hebes les hommes que, leur nature émoussée et ignoratio sui et ignorance deux-mémes redegit in numerum a réduits au nombre 0 : “pi VITA BEATA. tura, et ignoratio sui. Nihil interest inter hos, et illa : quo- iam illis nutla ratio est, his prava et malo suo atque in per- versum solers. Beatus enim nemo dici potest, extra veritatem projectus; beata ergo vita est, in recto cortoque judicio stabilita, et immutabilis. Tune enim pura mens est, et soluta omnibus malis, quurn non tantum lacerationes, sed etiam vel- licationes effugerit; statura semper ubi constitit, ac sedem suam, etiam irata ‘et infestamte fortuna, vindiestura. Nam quod ad voluptatem pertinet, licet cixcumfundatur undique, per omnes vias influat, aniimumque blandiimentis suis Ieniat, aliaque ex aliis admoveat, quibus totos partesque nostri sol licitet : quis mortalium, cui ullum superest hominis vesti- gium, per diem noctemque titillari velit, deserto animo, Corpori operam dare? VI. « Sed et animus quoque, inguit, voluptates habebit suas, » Habeat sane, sedeatque luxuriwe ef voluptatum arbiter, impleat se omnibus iis, que obleetare sensus solent : deinde soi reléguent au rang des troupeaux et des brutes, dont rien ne le distingue, Car si la raison chez ceux-ci est nulle, celui- la'en a une dépravée, qui n’est habile qu’ le perdre et a pervertir toutes ses voies. Le titre @'heureux n’est pas fait pour I'homme jeté en dehors de la vérité; partant, la vie heureuse est celle dont un jugement droit ef sir fait la base immuable. Hl n'est d'esprit serein et dégagé de toute affic tion que celui qui, écbappant aux plaies déchirantes comme aux moindres égratignures, reste a jamais ferme oi il s'est placé, certain de garder son assiette en dépit des coléres et des assauts de la fortune, Quant ala volupté, dat-elle nous assiéger de toutes parts, s'insinuer par tous nos sens, flatter notre ame de ses mille caresses successivement renouvelées, et solliciter ainsi tout notre étre et chacun de nos orgenes, quei mortel, si peu qu’il lui restat de l'homme, voudrait étre chatouillé nuit ot jou., et renoncer & son ame pour ne plus songer qu’a son corps? VL. ¢ Mais Mime aussi, dit ’épicurien, aura ses voluptés. » Quelle les ait donc, quelle sidge en arbitre de la mollesse et des plaisirs, saturée de tout ce qui délecte les sens; qu'elle porte encore ses regards en arriére et s’exalte au forum et ammaliuin. il interest inter hos et ila quoniam illis ratio est nulla, his prava et solers suo malo algue in perversum, Nemo enim, projectus extra verttatem, potest ici beatus ; ergo heata est vita stabilita et immutabilis in judicio recto eertoque. Tune enim mens est pura et solula omnibus malis, quum effugerit non tantum Lacerationes, sed etiam vellicationes; statura semper uubi constitit, ae vindicatura suam sedem, etiam fortuna irata et infestante. ‘Nai quod pertinet, ad voluptatem, licet circumfundatue undique, influat per omnes vias, leniatque animun suis blandimentis, admoyeatque alia’ ex aliis, quibus sollicitet totcs partesque nostri quis mortalium, cui superest ullum vestigium hominis, velit titllart per diem noctemque, animo deserto dare operam corpori? VI.« Sed etanimusquoque habebit suas voluptates, » inquit. Habeat sane, sedeatque arbiter luxuriae et voluptatum impleat seomntbus its quae solentoblectare sensus deinde respiciat DE LA VIE HEDREUSE. a des troupeaux et des animaux. Rien ne différe entre ceux-ct (les hommes) ot ceux-ld car & ceux-lh la raison n’est pas, & coux-ci elle est dépravéo et habile pour son malheur et dans un mauvais sens. Personne en effet, Jel6 hors de la vérité, ne peut étre dit heureux; done heureuse est la vie affermie et immuable dans un jugoment droitet sar. Alors en effet ame est pure et dégagée de tous maus, puisquelle a échappé —” non seulement aux <échiremente, mais encore aux égratignures; devant se tenir ferme toujours oi elle s'est établie, et devant défendre son domaine, méme la fortune étant irritée et faisant-la-guerre. Gar pour ce gui se-rapporte au plaisir, quoigu'll se répande-i-entour de-tons-cdtés, se glisse par toutes les voies, cet flatte Tame par es caresses, et emploie dautres moyens aprés d'autres, par lesquels il puisse-nous-essayer tout-entiers et les parties de notre étre: qué parmi les mortels, Aqui reste quelque vestige de homme, voudrait étre ehatouillé pendant le jour et la nuit, et son ame tant «élaissée, donsier son soin au corps? V1. € Mais ’amo mame elle aussi aura’ses plausirs propres, » dit, Pépicurien. : Quelle les ait assurément, et sidge arbitre de 1a mollesse et des plaisirs quelle se remplisse de tous ceux qui ont-eoutume de charmer les sens : ensuite qu'elle regarde-derridre elle a DE VITA SEATA, praoterita respiciat, et exoletarum voluptatum memor exsultet Brioribus,futurisqie jam immineat, a6 spes ordinet suas, et jum corpus in pravsenti sagina jacet, cogi preomitla! hoe midi videtur miserior, quoniam mala pro onis legere dementia est. Nec sine sanitate quisquam beatus est, nec sanus, cui obfutura pro optimis appetuntur, Beatus est ergo judicii rectus : beatus est preesentibus, qualiacunque sunt, contentus, amicusque rebus suis : beatus est is, cui ‘omnem habitum rerum suarum ratio commendat. Videt et in iis, qui summam bonum voluptatem dixerint, quam turpi illud loco posuerint. Itaque negant posse voluptatem a vir- lute diduci, et aiunt, nee honeste quomquam vivere, ut non jucunde vivat, nec jucunde, ut non honeste quoque. Non vided, quomodo ista diversa in eamdem copulam conjician- tur. Guid est, oro vos, cur separari voluptas a virtute non possit? videlicet, quia omne bonis ex virlute principium est; ex hujus radicibus etiam ea, que vos et amatis et expetitis, souvenir des débauches passées ; qu’elle dévore en espoir et agja dispose celles oi elle aspire, et, tandis que le corps S‘engraisse et dort dans le présent, quelle anticipe Vavenir par la pensée. Elle ne m’en parait que plus misérable : car Jaisser Je bien pour le mal est une haute folie. Sans la son point de bonheur; et la raison n'est point chez Phomme qui néglige les meilleurs aliments et n’a faim que de poisons, Pour étre heurcux il faut donc un jugement sain; il faut que, content du présent, quel qu'il soit, on sache aimer ce que Von a; il faut que Ja raison nous fasse trouver du charme dans toute situation. Chez ceux-li mémes qui disent : «Le sou- verain hien, c'est la volupté, » le sage voit dans quelle place infime ils le mettent, Aussi nient-ils que la yolupté puisse etre détachée de la vertu; selon eux, point de vie honnéte qui ne soit en méme temps agréable, point de vie agréable qui ne soit en méme temps honnéte. Je ne vois pas comment des choses si diverses se laisseraient accoupler ainsi. Pours quoi, je vons prie, la volupté ne saurait-elle étre séparée de Ja vertu? L’on veut dire, sans doute, que Ja vertu étant le principe de tout bien, elle produit, comme les autres biens, ceux que vous aimez et que vous recherchez. Mais sila vertu DE LA VIE HKUREUSE. 93 preeterita, harem, etinemor voluptatum exole- exsultet prioribus, jamque iinmincat futuris, ae ordinet suas spes, et dum corpus jacet in sagina preesenti, prasmittat cogitationes ad future, Videtur mihi miserior hoe, quoniam legere mala, pro bor est dementia, Nec quisquam est beatus sine sanitate, nee sanus obfatura appeluntur pro optimis. Boats est ergo rectus judicit = Deatus est eontentus pravsentibus jualiacumque sunt, Amicusque suis rebus : beatus est is eui ratio commendat omnem labitunt ssuarum reru Videt et in illis qui dixerint voluptatem summun bonum, {aco quam turpi posuerint illud. aque negant voluptatem jrosse deduct a virtute, et afunt nee quemquam vivere honeste ut won jucunde, nee jucunde “WL non quoque honeste. Non video quomode {sta diversa coniciantur tm oamuem coputam- id est, vos oro, Si ha poss separari a virkute Videlicet quia ‘omne priueipium bonis est ex virtute; etiam ea ques vos cot amatis ot expetitis, les jouissances passées, ef ge souvenant des plaisirs Métis, queltebonlisse des plaisirs précédeuts, et déja se ponche-vers ceux futars, fot qufdle dispose ses espéraaces, 7 et pemlant que le corps est couché dans sa graisse présente, quelle envoie-en-avant Ses pensées vers Favenir. [cela Elle me semble plus malheureuse pa ree que choisic le mal pour le bien est folie. Ni personne n’est heureux sans la santé, iif wesl sain celui par qui {ehées des choses qui-fui-uiront sont recker- ‘au lieu des meillenees. Heureux est done celui qui est droit de jugement heuresx est homme content des choses prése quelles quelies soieat, et ami de aes propres’afaire hheureux est colui-a qui la raison rend-ageéable tout état de ses affaires. Il void aussi chez coux qui ont dit le plaisir étrele souverain bien, dans ime situation eombien honteuse ils ont placé eelui-ci : est pourquoi ils alent lo plais pouveir étre s6paré de la vertu, et disent qu'aueun ne peutevivrs Honndement qu ilneviveagréablemens et qu'aucun ne vivra agréablement quit ne vive aussi honnétement, Je ne vois pas commen ‘os idées eontraires sont jetées dans le méme lien, : Quel est Le motif, je vous prie, pour que le plaisir’ ne puisse pas Sure separé de la vertu? Sans doule c'est parce que tout principe pour les biens vient de lt vertu; luene ces avantiges que vous cf vous aimez ot vous cherches, EN DE VITA BEATA. oriuntur. Sed si ista indiscreta essent, non videremus quee- dam jucanda, sed non honesta; quaedam vero honestissima, sed aspera, et per dolores exigenda, VIL. Adjice nunc, quod voluptas etiam ad vitam turpissi- mam venit : at virtus malam vitam non admittit; et infelices quidam non sine voluptate, immo ob ipsam voluptatem sunt : quod non eveniret si virtuti se voluptas immiscuisset, qua Virtus seepe caret, nunquam indiget. Quid: dissimilia, immo diversa componitis? Altum quiddam est virtus, excelsum, regale, invictum, infatigabile : voluptas humile, servile, im- decillum, caducum, cujus statio ac domicilium fornices et popinay sunt.Virtutem in templo convenies, in foro, in curia, pro muris stantem, pulverulentam, coloratam, cailosas ha- bentem manus : voluptatem Jatitantem swpius, ac tenebras captantem; cirea balnea ac sudatoria, ac loca sedilem me- tuentia; mollem, enervem, mero atque unguento madentem, pallidam aut fucatam, et medicamentis pollutan . Summum et le plaisir étaient inséparables, nous ne verrions pas cer- tains actes déshonnétes dtre agréables, tandis que d'autres actes trés nonnétes sont pénibles et ne s'accomplissent pas sans douleur. Vil. -Ajoutez que le plaisir se rencontre méme dans Ia vie Ja plus inffime; or la vertu n’admet pas une telle vie, et cer- tains hommes sont malheureux, non pas sans le plaisir, mais par le plaisir méme. Cela ne pourrait pas etre si le plaisir ne faisait qu’un avec la vertu, qui ne le trouve pas toujours mais n'en a jamais besoin. Pourquoi allier des éléments dif- férents ou plutdt opposés? La vertu est quelque chose de grand, de sublime, de souverain, d'invineible, d’infatigable 5 Ja volupté est chose basse, servile, impuissante, cadugue, qui a son poste et son domicile aux mauvais lieux et aux tavernes. La vertu, tu la trouveras dans le temple, au forum, au sénat, debout sur les remparis, le corps poudreux, le teint halé, les mains calleuses; Ia volupté le plus souvent va cher- chant Je mystére et appelle les ténébres; elle réde autour des bains, des étuves, des lieux qui redoutent I’édile, efféminée, sans vigueur, ruisselante de vins et de parfums, pale ou fardée DE LA VIE HEUREUSE. 5 oriuntur cx radieibus hujus. Sei siista essent indisereta, non videremus qucedam jucunda, sed non honesta, sueedain vero brnestissima, sed aspera, et exigenda per dolores. VIL. Adjice nunc, quod voluptas Yenit etiam ad vitam turpissimam : at virtas non admittit ‘itam malam ; et quidam sunt infelices non sine voluptate, immo ob voluptatem ipsam: quod non even: et si voluptas se immiscuisset virtuti, qua vittus caret sepe, nunquain indiget, Quid componitis dissimilia, immo diversa? Virtus est quiddam altum, cexcelsum, regale, invietum, infatigabile : yolupias, humile, servile, imbeeillim, cadteum, ‘eujus fornices et popinee sunt statio et domicitium, Gonvonies virtutem in templo, in foro, in curia, stantera pro muris, pulverulentam, coloratam, habentem marius callosas voluptatem latitantem seepins ae captantem tenebras; circa balnea ac sudatoria, ac loca meinentia edilem; mollern, enervem, madentem mero atqjue unguento, puallidam aut facatam, naissent des racines do celle-ci. Mais si ces éléments @taicut inseparables, nous ne verrions pas certains actet étre agréatles, mais non honnétes, certains au contraire étre tres honndtes, mais pénibies, ‘at devant étre accomplis par les souftrances. VIL. Ajoute maintenant, ue le plaisir vient méme a la vie Ja plus honteuse mais la verta o’admet pas une vie manvaise; et certains hommes sont malheureux non sans le plaisir, bien-plus & cause du plaisir méme = cz qui warviverait pas si le plaisir sétait confondu avee la vertu, duquel plaisir la vertu se-passe souvent n'a jamais besoin. Pourquoi mettez-vous-ensemble des éléments dissemblables, ou-plutdt contraires? La vertu est chose élevée, sublime, royale, invincible, infatigable : Ie plaisir ext chose basse, servile, faible, cadaqu dont ies muvais-lieux et les eabarets sont le séjour et la demeure, Tu renconireras la vertu dans le tomple, au foram, au sénat, debout devant les remparts, poudreuse, halée, ayant les snains calleuses : ia voiupté se cachant plus souvent ot recherebant les ténbbres; itour des bains et des étuves, et des lieux qui eraignent I'édite, molle, énervée, humectée de vin pur et de parfumns, pile ou fardée, 6 DE VITA BEATA. bonum immortale est, nescit exire: nec satietatem habet, nec peenitentiam; nunquain enim recta mens vertitur : nee sibi odioest, nee quidquam mutavit, quia semper seeuta est optima : at voluptas tune, quum maxime delectat, exstingui- tur. Nec multum loci habet; itaque cito implet : et teutio est, et post primum impetum marcet. Nec id unquam certum est” cujus in motu natura est. Ila ne potest quidem ulla ejusesse substantia, quod venit transitu celerrime, in ipso usu sui per- ituram, Eo enim pervenit, ubi desinat : et dum ineipit, spectat ad finem. VIII. Quid, quod tam bonis, quam malis, voluptas inest, nee minus turpes dedecus suum, quam honestos egregia de- lectant. Ideoque prazceperunt veteres, optimam sequi vitam, non jucundissimam : ut recta ac hone voluntatis non dax, sed comes voluptas sit. Natura enim duce utendum est : hane et souillée des drogues de Ia toilette. Le souverain bien est impérissable : il ne sort pas du caeur of il régno, il n'a ni satiété, ni repentir. Car une conscience droite ne dévie ja- mais, West jamais odieuse 4 elle-méme, et ne change jamais rien a sa ligne de conduite, parce que toujours elle suit la meillcure. La volupté, au contraire, s‘éteint au moment méme ot son charme est le plus puissant. Son domaine est Jimité; aussi le remplit-elle promptement; le dégodt arrive, et dés quelle a pris son essor, elle languit. Une chose dont Te mouvement est essence, n'a jamais de fixité, ot ce qui ne vient que pour passer rapidement et périr en se réalisant, wa méme rien de posilif: venir et cesser d’étre ne font qu’an seul moment, el le commencement touche a la fin, VIL. Nest-il pas vrai aussi que le plaisir est commun aux ons et aux méchants? L'homme dépravé trouve dans son in- famie dee plaisirs non moins intenses quel’honnéte homme dans sa belle conduite, C’est pour cela que les anciens prescri- vent davoir pour but, non pas une vie agréable, mais une Vie honnéte : de telle sorte que le plaisir soit pour la volouté droite ei bonne, non pas un principe directeur, mais un accompagnement. La nature, en effet, est le guide qu’ll faut DE LA et pollutam medieamentis. Summum bonum est immortale, nescit exire; abet noc satietatem nee poenitentiam ; nunquam enim mens recta vertitur, nee odio est sibi nee mutavit quidquam, quia semper secuta est optima : at voluptas exstinguitur tam, quum delectat maxime, Nec habet multum loci; itaque implet eito, et est tedio, et mareet st primum impetum, Nee id cujus natura est in motu est unquam certum, Ita ulla substantia” jus quod venit celerrime tansitu, periturum in. usu ipso sui, he potest quidem esse, Pervenit enim 0 ubi desinat : cet dum ineipit, speetat ad finem, VAIL. Quid quod voluptas inest tam malis, quam bonis? et suum dedecus non minus turpes, quam egregia delectant honestos, Ideoque veteres prveeeperunt sequi Vitam optimam, non jucundissinam + ut voluplas sit non dux, sed comes: voluntatis recta ac bon. Utendum est enim ave natura: ratio observat hane, VIE BEUREUSE. ot souilée par des drogues. Le souverain bien’ est immortel, it ne sait-pas ston aller; ‘il n’admet ni satiéte ni repentirs jamals en fet Pesprit doit treat tournd ai n'est & haine & lui- et il n'a rien ehangé, area quo toujours Baul te meilleur part : mats Ta voluplé #lelat ‘lors que elle charme le plus Et elle ne ponte pas besucoup de places ‘aueai [a remplit-elle vite; tt ell est henna, ot sertauit aprés le premier essor. Ncette chose dont Fessence Cansiste dang le mouvement rest jamais xe. Ainsi ‘quelque réali d'une chose qui vient trés rapidement a panant, devant périe dans Vacte mame delle, ne pout pas méane etre, Eli arrive en effet au ferme of elle dit-cesser: et pendant qu'elle commence, elle regarde vers sa fin. YIil. Que dire de ce que la volupté se trove autant ches les méchants que chez les bons? et que leur infumic ne dharme pas moins Ics infdmes, aque les actlons nobles fe chariment les honmdtes gens WK pourela Ios anciens tenerivirent de sult vi neta non la plus agréable: de tele sorte que la voluplé ‘soit non le guide, mals Ia eompagne de La volon droit ot bonne, Ii tual en elf user pour guide fet nature ® i la raison observe celle-ci, emo; 8 DE VITA BEATA, ratio observat, hane consulit, Idem est ergo beate vivere, et secundum naturam. Hoc quid sit, jam aperiam : si corporis otes et apta nature conservabisnus diligenter et impavide, tanquam in diem data et fagacia; si non subierimus eorum servitutem, nec nos aliena possederint: si corpori grata et adventitia eo nobis loco fuerint, quo sunt in eastris auxilia, et armature leves. Serviant ista, non issperent : ita demum utilia sunt menti. Incorruptus vir sit externis, et insupera~ bilis, miratorque tantum sui; fideas aniuni, atque in utrasque paratus, artifex vit. Fiducia ejus non sine scientia sit, scientia non sine constantia : maneant illi semel placita, nee ulla in decretis ejus litura sit, Intelligitur, etiainsi non ad- jecero, compositum ordinatumque fore talem virum, et in his qu aget, cum comitate magnificum. Erit vera ratio sen- suivre; c'est elle qu’observe, elle que consulte la raison, Crest done une méme chose que vivre heureux et vivre selon Ja nature. Or voici comment il faut entendre : nous devons conserver les qualités physiques et les avantages naturels aver soin et sans inquiétude, comme des objets prétés pour ‘an jour et fugitifs; nous ne devons pas nous mettre sous leur dépendance, ni, nous assujettir a ce qui nous est étranger, et il faut que les biens corporels et adventices soient placés dans notre vie au rang que tiennent dans les camps les auxi- liaires et les troupes légéres. Que tout cela serve et ne com- mande point; a ce titre seulement lime en tirera profit. Que homme de eeur soit incorruptible aux choses exté- ricures, touché d’admiration seulement pour son bien propre, plein de confiance, également prét &I'une et l'autre fortune, et artisan de sa vie. Que lassurance cher lui n’aille pas sans Ja science, ni la science sans la fermeté; que ses résolutions tiennent, une fois prises, et que dans ses décrets il ne se glisse pas de rature. On concoit, sans que je Pajoute, quelle pais, quelle concordance régnera dans un tel esprit, et que lous ses actes seront empreints d’une dignité bienveillante. Cher lui la véritable raison sera greffée sur les sens, et y DE LA VIE HEUREUSE, » consulit hane. Vivere beate et secundum naturam est ergo idem. Jam aperiam quid sit hoe : si conservabimus diligenter et impavide dotes corooris etapta nature, tanguam data in diem et fugacia; si non subiermmus servitutem eorum, et aliena non nos possederint; si grata corpori ot adventitia ferint nobis ‘00 loco quo sunt in castris auxilia et armature leves. Ista serviant, now imperent : ita demum sont utilia menti, Vir sit incorruptus externis, el insuperabitis, ‘miratorque tantum sv fidons animi, atque paratus in utrumque, artifex vite. Fiducia ejus non sit sine scientia, non scientia sine constanti semel placita maneant illi, ct nulla litura sit in decretis ejus. Tntelligitary etiamsi non adjecero, talem virum fore compositum ordinatumque, ‘et magnificum eum comitate in his quae aget. Yera ratio erit elle consulte eelte-ci Vivre. heureusement et lure selon la nature est done identique. Maintenant j'expliquerai ce quiest cola: A cette condition sera réalisée st nous conservons soigneusement cet sans-crainte les qualités du corps ct les biens attachés a 1a nature, comme des hiens donnés pour un jour et fugitifs; si nous ne nous-mettons-pas-sous Ja servitude d’eux, Igeres et si des choses qui nows sont étrai~ ‘ne nous possédent pas; si les choses agréables au corps et adventices sont pour nous ce rang ob sont dans un-camp les auxili ot les troupes légeres, Que ces choses servent, ne commandent pas : A-cette-condition seulement elles sont utiles 4 'ame. Que rhomme-véritable soit incorruptible aux choses extérieures et invincible, Ipropres et admiratetir soulement de son-bien confiant dans son courage, et préparé 4 Funo-et-l-autre fortune, artisan de sa propre vie. Que sa confiance ne soit pas sans science, ni sa science sans fermoté que les résolutions une fois arrétéos soient maintenues par iui, et quaucune ratare ne soit dans les déerets de lui. On comprend, ; mémo si jo no Faurai pas ajouté, qu'un tel homine sera régléet ordonné, et grand avec bienveillance dans ces choses qu’ilfera. La vraie raison sera ches f 30 DE VITA BEATA. sibus insita, et capiens inde principia: nec enim habet aliud unde conetur, aut undead verum impetum capiat ; in se re~ vertatur. Nam mundus quoque cuneta compleetens, rectorque universi Deus, in esteriora quidem tendit, sed tamen in to- tum undique in se redit, Idein nostra meng faciat : quum se- ccuta sensus suos, per illos se ad externa porrexerit, et illo rum et sui potens sit. Hoe modo una eflicietur vis ac potestas, concors sibi : et ratio illa certa nascetur, non dis- sidens nec hasitans in opinionibus comprehensionibusque, nec in sua persuasione, Que quum se disposuit, et partibus suis consensit, et (ut ita dicam) concinuit, summum bonum tetigit. Nihil enim pravi, nihil lubrici superest; nibil in quo arietet, aut labet. Omnia faciet_ ex imperio suo, mbilque in- opinatum accidet : sed quidqaid aget, in bonum exibit, facile el parate, et sine tergiversatione agentis. Nam .pigritia et hesitatio pugnam et inconstantiam ostendit. Quare audacter prendra ses éléments: car i n’a pas d’autre point d’appui pour faire effort “1 prendre son élan vers le vrai, puis se replier sur lui-mé e. Le monde aussi, qui embrasse tout, et ce Dieu qui régit runivers, malgré leur tendance vers le dehors, rentrent néanmoins de toutes parts dans le grand tout et en eux-mémes. Qu’ainsi fasse esprit humain : lors= que, en suivant les sens dont il dispose, il se sera porté par eux a Vextérieur, qu'il soit maitre deux et de Iui-meme, Crest seulement a cette condition que sera réalisée Munité une force et d'une puissance toujours d’accord avec elle- méme, une raison mire, sans contradiction’ ni hésitation dans les opinions, les compréhensions et Massentiment. Quand elle a mis cet ordre, ce plein accord entre toutes ses parties; quand elle s'est, pour ainsi dire, harmonisée, le souverain bien est conquis. Il ne reste plus de fausse voie, de passage of l'on glisse, oft l'on se heurte, oi Pon chan- celle. ‘Tout se fait par sa libre autorité, rien n’arrive contre son attente; chacun de ses actes tourne & bien et s'exéeute avec cette facilité prompte et cette allure qui ne tergiversent jamais, La‘lenteur, Mincertitude, trahissent Ia lutte et in- DB LA VIE HEUREUSE. 31 insita sensibus, ct capiens indo principia hoe enim habet aliud unde conetur, aul unde eapiat impetum ad verum, revertatnr in se. Nam mundus quoque completes cuncta, Deusque rector universi, tendit quidem in exteriora, sed tamen redit undique in totum in se. Nostra mens faciat idem + quum secuta suos sensus se porrexerit per ilos ad externa, potens sit st Hllorum et Hoe modo efficietur vis ae potestas una, coneors sibi + el nascetur ratio illa certa, nom dissidens nee. heesitans in opinionibus comprehensionibusque, ‘noe in persuasione su One, quum se disposuit, el consensit suis partibus, ct (ut dicam ita) coneinuit, fetigit summmm bonum, Nihil enim pravi, nihit lubrici, nibil in quo arictet, aut labet, suporest, Facict omnia x suo imp nihilque accidet inopinatum : sed. quidquid aget exibit in bonum, facile et parate, et sine lergiversatione agentis, ” Nam pigritia et heesitatio ostendit pugnam greffée sur les sens, ft prenant de-lé ses principes : celle n'a pas en offet dautre point «ob elle puisse-s'efforcer, ‘ou d'oi elle puisse-prendre son essor vers la vérité, ef puisse-revenir gur elle-méme. Car le monde aussi quicmbrasse tout, et Dieu qui gouverne univers tend, ilest-vrai, vers Voxtérieur, mais cependant revient de-partout dans Te tout en lui-méme. Que notre Ame fasse la méme chose Torsqu’ayant suivi ses sens elle ge sera évendue par oux jusqu'aux choses extérioures, Guelle soit maitresse et d’eux ot d'elle-méme, De cette facon seront réalisées une foree et une puissance une, @aceord-avec elle-méme : el naitra cette raison-sire, ne se-contredisant pas et n’hésitant pas dans tes opinions et les compréhensions, ni dang Massentiment qai-lui appartieut-en-pro Ceile-ci, quand elie s'est eb s'est-inise-d'-accord Jans. ses. éléments, et (pour que je dise Sest-harmonisée, a atteint le sonverain bien, Rien en effet qui soit de travers, rien de glissant, rion a quoi elle puisse-se-hencrler, ou puisse-chanceler, ine reste en elle. Elle fera tout" de sa propreautorité, et rien warrivera ui soit imprévu Inais tout-ce-qu’elle fera faboutira au bien, facilement et aisément, ct sans tergiversation Welle agissant. Car Ia lenteur et Pincertitude manifesteut une lutte 32 DE VITA BEATA. licet profitearis, summum bonum esse animi concordiam. Virtutes enim ibi esse debebunt, hi consensus atque unitas erit : dissident vitia. IX, «Sed tu quoque, inguit, virtutem non ob aliud colis, quam quia aliquam ex illa speras voluptatem. » Primum, non, si voluptatem prestatura virtus est, ideo propter hanc petitur; non enim hane praestat, sed et hane : nec huic labo- rat, sed labor ejus, qaamvis aliud petat, hoc quoque asse- quetur. Sicut in arvo, quod segeti proscissum est, aliqui flores internascuntur, non tamen huie herbule, quamvis de- lectet oculos, tantum operis insiumptum est : aliud fuit se- renti propositum, hoc supervenit : si¢ et voluptas non est mnerces, nec causa virtutis, sed accessio : nec quia delectat, placet; sed si placet, et delectat. Summum bonum in ipso judicio est et habitu optima mentis : que quum suum am- bitum implevit et finibus se suis cinxit, consummatum est consistance des pensées. Oui, prononce-le hardiment : le souverain bien, c’est Vharmonie deme; car les vertus doivent étre ot se trouvent l'accord ot Punité : le désaccord est le propre des vices. IX, « Mais vous aussi, me dira-t-on, vous ne cultivez Ja vertu qu’en vue d’une jouissance queleonque que vous en espérez. » D'abord, si la vertu doit procurer le plaisir, il ne s’ensuit, pas que ce soit pour cela qu’on la cherche ; ce n'est pas Je plaisir seul qu’elle apporte, mais elle l'apporte en plus; et, sans y travailler, ses efforis, quoique ayant un autre but, arrivent en ontre & celui-Ia. Comme en un champ labouré pour Ja moisson quelques fleurs naissent par intervalles, bien que ‘ce ne soit pas pour de minces bluets, qui pourtant réjouissent les yeux, qu’on a dépensé tant de travail; l'objet da semeur Gtait autre : la eur est venue par surcroit; de méme le plai- sir n'est ni le salaire, ni le mobile de la verta, il en est lac cessoire; ce west pas parce quielke donne du plaisir qu'on Vaimes Cest parce qu’on Paime qu'elle donne du plaisi souverain bien est dans le jugement méme et la disposition d'un esprit excellent; quand colui-ci a rempli le cercle de 9B LA tt inconstantiam Quare licet profitearis audacter summum bonum esse eoncordiam anim. Virtates enim debebunt ‘esse ibi bi erit consensus atque unitas vilia dissident, IX, « Sed tu quoqae inquit, non colis virlatem ob aliud quam quia speras ex illa juam voluptatem. » Primum si virtus prestatura est voluptatem, hhon petitur ideo propter hanes hon enim prasetat hene, sed ethane nec laborat huie, sed labor ejus, quauvis petat aliud, assequetur hac quoque. Sicut in arvo, quod proscissum est segeti, aliqar flores internascuntur, tantum laboris tamea ‘non est insumptum huie herbule, quamvis delectet oculos : aliud propositum fut serenti, ioe supervenit sic et voluptas non est merees nec causa virtutis, sed accessi nec placet, niadeleciat, sed si placet, et delectat. Summam bonum est in judicio ipso et habitu_mentis optima. quum quae implevit suum ambitact et cinxit se suis finibus, summum bonum DE TA VIE aEvEsse, VIE HEUREUSE. et un manque-de-fermeté, Crest pourquoi il est permis que tu déclares hardiment que le souverain bien est Pharmonie de Fame. Les vertus en effet devront tro 1a ott sera Faccord et l'unité : vices sont-en-désaccord. 1X, Mais toi aussi, ait Uépicurien, tu ne eultives pas la vertu pour un autre motif que parce que twattends delle quelque plaisir. » Diabord sila verta + est devant procurer le plaisir, elle n'est pas cherchée &-cause-de-cela en-vue-de celui-ci; ‘eneffet elle ne procure pas col mais et celui-ci en-plus et elle ne trovaille pas pour eelui-ci, mais le travail delle, quoiqu'il vise un autre objet, obtiendra cela en-outre, De-méme-que dans un champ, qui a été ouvert en vue de 1a mnoisson, quelques flenrs naissent-au-miliewy tant de travail pourtant a pas été dépensé pour cette pelite-végétation, quoiqu’elle charme les yeux; tun autre but fut an cultivateur, ‘ola est venu en plus: de méme aussi le plaisir rest pas le prix ni la cause de la vertu, mais wn accessoire: ct la vertu n'est pas aimée parce quelle réjouit, Inais stelle est aimée, elle réjo tLe souverain bien est dans le jugement méme et dans I'éiat d'une ame excellente : quand celle-ci a rempli con développement et rest renfermée dans ses limites. Te souverain bien ase 2 De VITA BEATA, nee quidquam amplius desiderat. Nihil hon magis quam ultra finem. Itaque ¢ quod virtulem ‘ris enim aliquid supra summun. Interrogas quid te? ipsam; nihil enim habet melius, ipsa pre- Pram suj. An hoe param magnum est, quum tibi dicam ; Summum bonum est infragilis animi rigor et providentia, et Subtilitas, et sanitas, et libertas, et concordia, et decor? Al quid ot jam func exigis majus, ad quod ista referantur ? Guid mihi voluptatem nominas? Hominis honum quiero, non ventris, qui pecudibus ae belluis laxior est. X. « Dissimulas, inquit, quid ame dicatur: ego enim nego quemguam posse jucunde vivere, nisi simul et honeste vival: qiuod.non potest mmutis contingere animalibus, nec bonuea qYom cibo metientibus. Clare, inquam, ac pala testor, hhane vitam, quam ego jucundam voco, non sine adjecta vir sumaum bonum, enim extra totum est, eras, quum interrogas quid sit illad propte petam? qu potam ex virtu anché dans ses limites propres, son développement et s'est ret i ne veut rien de plus. Car le souverain hien est complet, it n'y a rien en debors du tout, non plus qu’au deka du der- hnier terme, Vous vous méprenez donc quand vous demandez pour quel motif jfaspire a la vertu; cest chercher quelque Vhose au-dessus da sommet des choses. Vous demandez co que je cherche dans la vertu? elle-méme : elle wa rien de rreilleur, elle est a elle-méme son salaire. Trouvez-vous que te soit trop pea? Si je vous dis: Le souverain bien, est une fnflexible rigidité, cest une prévoyance judicieuse; c'est la sagesse, Vindépendance, Pharmonie, la dignité, exigerez- Yous encore un principe plus élevé pour y rattacher tous ces vtiributs? Pourquoi me parler du plaisir? Je cherche le bien ‘ie homme, non pas Te bien du ventre qui, chez les bates et les brutes, a-plus de eapacité. X. « Vous feignez, me dit Pépicurien, de ne pas entendre dis, je protends, en elfet que on ne pout pas Sivre agréablement si Pon ne vitpas honnétement : or cette cordition est inaccessible & la brute, et aux hommes qui mesurect leur bonheur & leurs aliments. Oui, je l'alteste tout haut et publiquement, cette vie que 'appelle agréw ce que ie DE LA VIE HEUREUSE, as hee desider i siete Nihil enim est extra tot nage sxtrg tum, Ri "€ eee eae foe uid sit ilud propter uid sit ilud propler quod quelle est eotte fin en-rue-de laquelle Bees oun alg 'u eherches en effet quelque ch ete iamtenant eee hic habet enim nihil meli siemens : ' hil melins; elle n'a en eff i ‘ipsa pretium st aeala eatin i Anboc ext param magnum Est-coque colaest peu grand ven, gone flea. = quand je te dis: peeled Finance Engg, A ERNE Eat dean, ad quod ista referantur ? es attributs soicnt rattaches? & quoi ces attributs soiont rattaches: Ekpapccrme’ Reset pecudibus ac belluis, en ee hata ae » - * Tu-feins-de-ne-pas-comy ? Bhwwam: Siegen naan, | Beso hue ire aren vivat et honeste: i elnes seme Simmons od ets nec metientibus iiauxtceonee iene ete clare av palam, sa Meeone -g0 voco jucundam, ‘moi fappelie agréable, ‘non contingere get ne pas échoir 36 DE VITA BEATA. tute sont gere. » Atqui quis ignorat plenissimos esse volup- fatibus vestris stullissimos quosque ? et nequitiam abundare jucundis, animumgue ipsun non tantum genera voluptit vaya, sed inulla suggerere? in primis insolentiam et ni- pea estimationem sui, tumoremque elatum, supra ecteros, Ttamorem rerum swarum cecum et improvidum : lelicias fluentes, ex minimis ac pucrilibus causis exsultationem: jam iicacttatem, et superbiam contumeliis gaudentem, desi- gigm dissolutionemque segnis animi indormientis sibi. Hee Sumnia virtus discutit, et aurem pervellit, et voluptates zesti- fat, antequam admittat : nee quas probavit, magni pendit (atique enim admiutit), nec usu earam, sed temperantia Lota is temperantia autem, quum voluptates minuat, summit oni injuria est. Tu voluptatem complecteris : ego com- eteo; Wu volupiate frueris : ego utors tu illam summum jonum putas : ego nec howum; tu omnia voluptatis causa facis : ego nibil. c ble n'est pas possible sans le concours de la vertu. » — Mais qui ignore que les hommes les plus étrangers & la sa- esse sont les plus comblés de ees plaisirs que vous vantez fae les jouissances sont. prodiguées 4 la perversité, et que fame elleeméme se crée des satisfactions & la fois nombreu- ses et mauvaises? Crest d’abord l'insolence, Vestime excessive de soiméme, une vanité par laquelle on se met au-dessus ‘Jetousles autres, un amour-propre aveugle et imprévoyant, ne mollesse énervante, des transports de joie pour les mo- ifs les plus minces et les plus puérils; cest aussi un ton raillear, ua orgueil qui se plait humilier sutrui, Vapathie, Paffaissement d'une &me qui s'endort sur sa propre Licheté. ‘Toutes ces folies, la vertu Jes dissipe en nous prenant par Yoreille; elle pése les plaisirs avant de les admettre, et quand elte les a trouvés de bon alo, elle n'en fait pas grand Ags crest tout au plus sielle les tolére, heureuse, non pas ‘Ton user, mais de les tempérer : er Ja tempérance, en enle~ ‘ant quelque chose au plaisir, porte atteinte & votre souve- tain Lien, Vous vous jetez dans les bras du plaisir, moi je le Gens 4 distance; vous [’épuisez, moi je le gottes vous y woyetle bien supréme, pour moi il n'est méme pas un bien: yous faites tout pour lui, et moi rien. DE LA VIE HEUREUSE. F) sine virtute adjecta, » ‘Atqui quis ignorat, quosque stultissimos esse plenissimos vestris voluptatibus et nequitiam abundare jueundi animumgue ipsum suggerere genera voluptats ‘hon tantum sed mulla? in primis insolentiam et estimationem nimiam tunioremgue elatum supra ceteros, et ainorem suarum rerum ewoum et improvidur fuentes delicias, exsullationei ex causis minimis et puerilibus; jam dicacitatem, et superbiam gaudentem contumeli desidiam animni segnis indormicntis sibi. tus diseutit omnia hee, et pervellit aurem, d et estimat voluptaites antequam admittat: nec pendit magni ‘quas probavit (utique enim admittit), hee leota est usu, sed temperaatia earum; temperantia autem, ‘quit minuat voluptates, injuria est summi,boni Tucomplecteris voluptatem, ego compesco; tw frucris voluptate, ego lors tu illam potas summum bonum, ego nec bonum; tu facis omnia ceusa,oluptatis ¢ nihil, solutionemque sans la vertu étant ajoutée. » Pourtant qui ignore que tous les plus insensés sont les plas comblés de vos plaisirs ? et que la perversit regorge ’agréments, et que ame elle-méme suggere™ des genres de plaisis non seulement mauvais mais nombreux? en premier liew Pineolence et Testime excessive de soieméme, et une vanité qui s’éléve au-dessus des autres, et un amour de ses biens aveugle et imprévoyant : de molles délices, des transports pour des causes minimes ot pul et un orgueil qui est-heur: dos affrols quil fait, Yapathie et le relachement une Ame indolente La vertu dissipe to ft nous tre Loreiieg © Oe et juge les plaisirs, avant de fes admetir et elle ne prise pas beaucouy fete quelle eappromes (car tout au plus elle les admet) ol ll es pas heureuse par Tusage, mais par [8 modérationdeessplasire; vwu-qu'elle diminie les plaisi bat ne altantad wot Sutera i Toi tu embrasses Ie plaisir, = moi je le comprime; toi ti jouis du plaisir, moi jen use; toi tt le regardes-comme Je souverain bien, moi méme-pas comme un bien toi tu fais tout en-vue-du plaisi moi, rien, De VITA BEATA, XI. Quum dico me nihil voluptatis causa facere, de illo loquor sapiente, eui soli concedis voluptatem. Non voco autem sapientem, supra quem quidquam est, neduin voluptas. Atqui ab hac oceupatus, quomodo resistet labori, ac periculo, egestati, et tot humanam vitam cir- cumstrepentihus minis? quomodo couspectum mortis, quo- modo doloris feret? quomodo mundi fragores, et tantum acerrimorum hostium, a tam molli adversario vietus? Quid- quid voluptas suaserit, faciet. Age, non vides quam multa suasura sit? « Nihil, inquis, poterit suadere turpiter, quia ad- juncta virluti est.'> Non vides iterum, quale sit summum honum, cui custode opus est, ut bonum sit? Virtus autem quomodo voluptatem reget quam sequitur, quam sequi parentis sit, regere imperartis? a tergo ponis, quod imperat. Egregium autem habet virtus apud vos officium, voluptates pregustare! Sed videbimus, an apud quos tan contumeliose tractata virtus est, adhue virtus sit: qua habere nomen XL. Quand je dis moi, je veux parler du sagea qui seul vous accordez le plaisir. Mais je n’appelle point sage Vesclave de quoi que ce soit, et moins que tous, Fesclave de la volupté. Comment, une fois dominé par elle, résistera-t-il a la fatigue, aux périls, i Tindigence, & tant de menaces qui grondent autour de la vie humaine? Comment soutiendra-til aspect de Ja mort, Paspect de la douleur, le fracas d’un ciel en cour- roux, et une foule d’attaques acharnées, lui qu'un si mol ad- versaire a vaincu? Tout ce que Iui aura conseillé la volupté, ile fera. Et ne voyez-vous pas que de choses elle Iui_con- seillera? « Elle ne saurait, dites-vous, Pengager a rien de honteux : elle ala vertu pour compagne. >» Mais, encore tune fois, qu’est-ve qu’un souverain bien qui ne peut étre tel que s'il est surveillé? D’ailleurs, comment la vertu gouver- nera-t-elle le plaisir auquel elle est subordonnée? Ce qui est subordonné doit obéir Ace qui gouverne. Vous mettez derriére ce qui commande. Le bel emploi pour la vertu! Yous la réduisea & faire Vessai des plaisirs! Nous verrons lus tard si, chez des hommes qui Yont si outrageusement traitée, elle est oncore la vertu, elle qui ne peut garder son DE La VIE HEUREUSE, 3e at vitam lumanam? sit suasura? Sed videbimus an virtus XI. Quand je dis que jo nv fais rien en-vue-du plaisir, Jz parle de co sage, ‘uquel seul tu accordos le plaisir. Mais je wappelle pas sage jenose, celui dessus duel est quelgus encore moins si Cest le plaisir. Diailleurs absorbs par eelui-ci, cominent Chomme résistera-t-il 4 la fatigue ot au danger, 4 ta pauvreté etd tant de'menaces qui grontent-autiour-de ta vie Imumaine ? Comment supportera-it Ja vue de la mort, comment la ove de ln doulear? Comment les fracas du eiel et de tant dennemis tres acharnés, lui vaincw pat yn adversaire simou? 11 fera tout-co-que le plaisir tui aura couscillé. fehoses Alions, ne vois-tu pas eombien ste I est devant fui consciller’? # Il ne pourra, dis-tu, conseillér rien Nonteusement, ree quil est attaché a la vertu, + ie vois-tu pas epeore-une-fois quel est un souverain bien, 4 qui besoin est dua surveillaat pour qu'il soit un bien? Comment d’autre-part la vertu dirigera-toolle le plaisir qu'elle suit, puisque suivre cst le propre de qui obéit, diriget de qui commande? ‘Tu pisces par derribre ¢e qui commande. th bien! La vertu 2 chez vous tune noble fonction, essayor-en-godtant ies plaisirs! Mais nous verrons sila vertu fest encore vertu chee cet ches oLt elia die traitée , si outrageusoment: elle qui ue peut pas 0 DE VITA BEATA sauia non potest, siloco cessit; interim, de quo agitar, multos ostendam voluptatibus absessos, in quos fortuna omnia mu- fora sua effadit, quos fatearis necesse est malos. Aspice No jmentanum et Apicium, terrarum ac maris (ut isti vocant) hona conquirentes, et super mensam recognoscentes omnium gentium avimalia. Vide hos eosdem e suggest ros exspec- Erntes popinam suain; aures vocum sono, spectaculis oculos, saporibus palatum suum delectantes. Nollibus lenibusque fomentis tolum lacessitur eoram corpus : et ne nares interim tessent, odoribus variis inficitar locus ipse, in quo Jaxurise frentatur. Hos esse in voluptatibus dices : nec tamen illis ne erit, quia non'bouo gaudent. XII, «Male, inquit, illis erit, quia multa interveniunt, quse erturbant animutn,.et opiniones inter se contrarie mentem [iquietabuat. > Quod ita esse coneedo; sed nihilominus illi ipa stati, ot insequales et sub icta peenitentice positi, magnas nom dés qu'elle perd son rang; en attendant, pour parler de fe qui nous occupe, je vous montrerai nombre d’hommes en- tourés par les plaisits, sar lesquels Ia fortune a répandu tous ses dons, ot que vous serez foreé de reconnaitre mé- chants, Voyer un Nomentanus, un Apicius, recherchant & grands frais ce quis, appellent les biens de la terre et de Tonde, et passant en revue sur leur table les animaux de tous les pays. Voyer-les du haut d'un lit de roses contempler orgie qu‘ils ordonneat, charmer leirs oreilles par Ie. son des voix, leurs youx far des spectacles, leur palais par d’ex- qquises.saveurs, La_moelleuse et douce pression des cous- sins cavesse tout lear corps; et pour que leurs narines mémes prennent part & la féte, des parfums variés embau- ment jusqu’aux salles vf sont offerts a la mollesse des repas ‘won peut dire funébres. Ces gens-i, allez-vous dire, na- gent dans les détices; mais ils auront & soulfvir, parce que te n’est pas le vrai bien qui fait leur joie. XIL. ells auront a soutfrir, dites-vous, parce que leur vie est «¢ sous ie coup de mille causes de trouble moral, et le con- {fit des opinions agitera leurs esprits. » Cela est vrai, je Yous Paccorde; mais ces esprits égarés, capricieux et sous Je couy du ropentir, nen pergoivent pas saoins de vives vo- DE LA VIE BEUREUSE. al faabere suum nomen, si cossit loco; interim, de quo agitur, ostendam multos obsessos voluptatibus, an quos fortuna effudit omnia sua munera quos est necesse fatearis malos. Aspice Nomentanum et Apicium, conquirentes bona {ut isti vocant) terrarum et maris et recoguoscentes super mensam animalia omnium gentium. Vide hos cosdem © exspectantes suam popinam © suggeslu rose 5 delectantes aures sono voeum, oeulos spectseulis, suum palatum saporibus. Totum corpus eorum lacessitur fomentis mollibus lenibu cessent, totus locus in quo yarentatur luxuriee, nfleitur odoribus vari Dices hos esse in voluptatibus nee tamen bene erit ilis, quia non bono gaudent. XI. « Male erit ills, inguit, quia mutta interveniunt, 4qnie perturbant animum, et opiniones contrariee inter se inguietabunt mentem. » Quod concedo esse sed nihilominus A tuts et ingequales, et posit sub ietu peenitentiee, garder son nom, Belle a quité fom rang en attendant, ce dont il-est-question, je montrerai ‘beaucoup dhe : asslggés par es plasitgy sur qui la fortune a vorsé toutes ses faveurs, lesquels il est nécessatre ‘que tu reconnaisses méchant Nogarde Nomeutanus et Apicius, Focbershait ls bone (comme ils les appellent) tes tomes et dee mee et passant-en-revue fur leur table jes animaux de toutes les nations. Vois'ees mémes hommes attendant leur bonne-chbre du-haut-d'un lit de roses; charmant leurs oreilles parle son des voix, leurs yeux par des spectacle leur palais par des saveura. Tout le corps deux est provoqué par des excitations cargssantes et dances Itemps et de peur quo leur nez pendantece ne rest-fnactif st pendants wut ce lien dais lequet une féte-fundbre-est-célébr la mollesse, Sree est rempli de parfums variés, ‘Tu diras que evs gens-la sont dane les plas ee 2M eteependant bien ne sera d pasa eux, car ce n'est pas du bien quils se ré- XIL. ¢ Mel sora & eux, [jouissen: ait Lépicurien, Inent, aon que bien des causa intervien= i troublent completement 1 ease opinions mem Tames contraires. entre elles agileront leur expt» fe que je concede etre ainsi: mmais nétnmoins ‘ees insensés eux-mémes, etcapricieux, : et placés sous Te coup du repentir 2 DE VITA BEATA. peccipiunt voluptates : ut fatendum sit, tam fonge tum illos ub oni molestia abesse, quam a bona mente : et (quod ple~ risque contingii) hilarem insaniam insanire, ae per risum furere. At contra sapientiam remiss voluptates, et modest, ac prone languidee sunt, compressique, et vix notabiles : ot que noque arcessite veniant, nec quamnvis per se acvesse~ Tint, in honore sint, neque ullo gaudio percipientium ex- cepts. Miscent enim illas, et interponunt vite, ut Iudam joewnque inter seria. Desinant ergo inconvenient ct virtuti voluptatem implicare, per quod vitium pessimis quibusque adulantur. le effusus in voluptates, ructabundus semper alque ebrius, quia seit so cumn voluptate vivere, eredit et cum virlute : audit enim voluptatem separari a virtute non posse : deinde vitis sais sapientiam inseribit, et abscon- denda profitetur. Ita non ab Epicuro impulsi luxuriantur, sed luptés; sussi, faut-it avouer que, s'ils sont loin alors de (out malaise, ils né'le sont pas moins de la sagesse; que, pour Ia plupart, leur joie est une folie délirante, et leur rire un rire de furieux. Tout au contraite, les plaisirs du sage sont mo- ends, diserets, presque languissants, tout intévieurs et & peine seusibles au dehors; car ce n’est point d sa sollicitation quis viennent, et, bien quils se présentent d’eux-mémes, ii ne leur fait point fete, il les accueille et les goate sans aucun transport. If les mele & la vie comme un interméde et tun jeu pour égayer le sériewx du drame. Que lon cose done Wallier des choses incompatibles et d’accoler la vertu & In volupié, faux assemblage qui flatte les penchants les plus dissolus, Tel homme livré au plaisir et In bouche toujours pleine des famées de Fivresse, sachant quit suit la volupté croit aussi suivre la vertu. I entend dire en effet qu'elle sou iusiparables, puis sur ses vices il écrit sagesse et afliche ce qu'il devrait cacher A tous les yeux. Ainsi ce n'est pas Epicure qui pousse ces hommes & la débauche; ce sont eux DE LA VIE HEUREUSE. pereipiunt miagias voluptates it sit fatendum illos tum abesse tam longeab ornni molestia, quam «mente bona: eb(quod contingit plerisque) insanire insantam hilarena, ac furere per risum, Ateontra Yyoluptates sapientium sunt remiss, et molestie, ae panne languidee compresseque, et vix notabites: ut quee veniant neque: arcessite, et quamvis acgesseri hon sint in honore, neque exceplie ullo gaudio percipientiam. Miseent enim et interponunt illas vite, ut ludum jocumque inter seria. Dosinant ergo jungere inconvenientia, et implicare voluptatem virtuti, per quod vitium adulantur quibusque pessimis. lic effusus in voluptates, semper ructabundus aque ebrius, quia seit se vivere euin yoluptate, audit enim voluptatem non posse separaci a viruute: deinde inseribit sapientiam snis vitis, et profitetur abscondenda. Hta-non impulsi lusurtantur, porgoivent He grands plaisirs: tellement qu'il faut avouer qu'ils sont éloi:nés alors aussi loin de toute soulfrance, que d'un esprit sage et (co qui arrive 4 la plupart) quills sont fous d’une folie gaie, et qu'ils sont-en-délire dans Ie ire Mais au eontraire Jes plaisirs des sages sont détendus, et modérés, et presque languissants, ct uvayant pas été eherchés, fet quoique ils soient yenus par (d’) cux-mémes, qu'lls ne sont pas en honneur ni aceueillis, avee quelque joie de ceux qui les pergoivent. fs mélent en effet et interposent eax dans leur vie, ‘comme une distraction et un jew enire les choses sérieuses. Qu'on cesse done d'allier des éléments incompatibles, et de méler Je plaisic & ta vertu, dléfaut par Lequel on Matte tous les jlus pervers. Tel abandenné aux plaisirs, toujours rotant et ivre, parce qu'il sait qu'il vit avec le plaisir, ceroit qu'il it aussi ave Ta vertu: il entend-dire en effet gue le pasis ve peut tre séparé de la vert ensuite il intitule sagesse ses vices, chides, et aMlche des choses devant re ca: Ainsi, non pas poussés par Epicure ils se-livrent- \-la-débauche, “ be VITA BEATA. vitiis dediti luxuriam suam iu philesophize sinu abscondunt, et eo concurrunt, ubi audiunt laudari voluptatem. Nec zsti- iaant voluptas illa Epicuri (ita enim mehercules sentio) quam sobria et sicca sit; sed ad nomen ipsum advolant, qua rentes libidinibus suis patrocinium aliquod ac velamentum, Haque quod unum habebant in malis bonum, perdunt, pec- candi verecundiam, Laudant enim ea quibus erubescebant, et vitio gloriantur : ideoque ne resurgere quidem adoles- centig ticet, quam honestus turpi desidie titulus accessit. Hoc est, cur ista voluptatis laudatio perniciosa sit, quia honesta praecepta intra latent : quod corrumpit, apparet. ° XILL. In ea quidom ipse sententia sum (invitis hoc nostris popularibus dicam), sancta Epicuram et recta praecipere, et, si propius accesseris, tristia : voluptas enim illa ad parvum et exile revocatur, et quam nos virtuti legem dicimus, eam ile dicit voluptati: jubet illam parere nature. Parum ost autent qui, livrés & tous les exods, eachent leurs goits dépravés dans Je sein de la philosophie, et volent en foule aux lieux it ils apprennent qu’on vante le plaisir. Ns ne compren- nent pas combien le plaisir d’Epicure est sobre et austire (tolle est vraiment ma pensée); c'est au nom seul qu’ils accourent, cherchant pour leurs désordres une autorité fa- vorable et un voile. Il en résulte qu’ils perdent le seul bien qui leur restit dans leurs maux: la honte du péché; ils Jouent ce dont ils rougissaient, ils se font gloire de leur cor- ruption; et se relever de sa chute est impossible a cette jeunesse qui décore dun titre honorable ses turpitudes et sa acheté. Voila ce qui rend cette apologie du plaisir pernicieuse : Jes préceptes honnétes se cachent au fond de la doctrines la séduetion est a la surface. XIII. Je découvriraima pensée, dussé-je déplaire Ames con- fréres du Portique : la doctrine d’Epicure est pure et mo- rale, et méme, & y regarder de prés, elle est austére: la vo- Juptd, telle quiil’ la congoit, se réduit & quelque chose d’e- troit et de pauvre; la loi que nous imposons & la vertu, i Vimpose au plaisir. Il Je veut soumis A la natures or, c'est DE LA VIE HEUREUSE. a sed dediti vitiis abscondunt suam luxuriam j in sinw philosophize, et concurrunt eo ubi oudiunt voluptatem laudari, Nec restimant, quarn ila voluptas Epicuri t sobria et sicea (ita enim sentio inehereules) 5 sed advolant ‘dl nomen ipsum, querentes suis fii aliquod patrociniui et velamentum. Haque perdunt unum bonum quod habebant in malis, verecundiam peceand Laudant enim ea quibus erubescebant, et gloriantur vitio : ideoquo.ne licet quidem adolescentiae resurgere, quom titulus honestus accessit desidive Hoc est cur ia laudatio voluptatis sit perniciosa, quia presenta honesta Intent intra: quod eorrumpit apparet, XHIC. Sum quidem ipse ia bus invitis nosteis popularibus), Epicurum preecipere sincla et recta, si aecesseris propius, tristia illa enim voluptas revocatur ad parvum e° exile, ot ille dicit voluptati eam legem quam nos Gicimus virtuti: jubet illam parere nature. Quod autem est satis mais livrés aux vices ils cachent leur corruption dans le sein de la philosephie, et accourent-tous 1a oi ils entendent-dire Ie plaisir tre loué. 1 ils n'apprécient pas combien ce plaisir Epicure satan et er ainsi en effet je ponse par Hereule) ; mais ils aecoureat au nom méme (seul), cherehant pour leurs désordres quelque patronage et quelque voit Gest pourquoi Io seul bien 4quils avaient dans leur perversité, la honte de pécher. fs louent en effet ces choses dont ils rougissaient, et se glorifient du vice : et aussi aest-il méme plus possible ‘ila jeunesse de se-relever, lorsqu'un titre honnéte s‘est joint & la mollesse Ceci est cause que cet loge du plaisir est pernicieux : crest que les préceptes honnétes sont cachés intéricurement ; ce qui séduit parait au dehors. XUL Je suis en vérité moi-méme dans ce sentiment ie dirai ceci malgré nos eonfrérs), quEpicure donne-des-préceptes Yertueux et justes, ct mame, si tu Capproches de plus prés, des préceptes austires : ce plaisi-Ia en effet cst réduit A quelque chose de faible et de pauvre, ot il (Epicure) dicte au plaisir cette loi que nous autres nous dictons & ta vertu: il ordonne lui (Ie plaisir) obéir 4 ta nature. Or ce qui est assex perdent « DE VITA BEATA. luxurie, quod nature satis est. Quid ergo est? ille quisquis desidiosum otiumn, et gulw ac libidinis vices felicitatem vocat, bonum male rei querit auctorem : et dum illo venit, blando ‘aomine inductus, sequitur voluptatem, non quam audit, sed quam attulit : et vitia sua quam coepit putare similia prat- cepts, indulget illis non timide, nec obscure, Iuxuriatur et jam nude, aperto capite. Haque non dicam, quod plerique uostrorum, sectam Epicuri flagitiorum magistram esse; sed illud dico: « Male audit; infamis est, et immerito: » Koc scire qui potes, nisi interius ‘admissus? Frons ipsa dat locum fa- bulw, et ad malam spem irritat. Hoe tale est, quale sir fortis stolam indutus, Constante tibi pudicitia virilitas salva est : nulli corpus tuum patientie vacat, sed in manu tympanum est. Titalus itaque honestus eligatur, et inseriptio ipsa exci- tans animum ad ea repellenda, que’ statim enervant, quum bien peu pour Ja mollesse que ce qui suff & Ja nature, D’o vient done le mal? De co que ceux qui mettent le bonheur dans une oisivité nonchalante, dans les jouissances alterna tives de la table et des femmes, cherchent pour une mauvaise cause un patron respectable. Ils s’en viennent, attirés par un nom qui séduit; ils suivent, non la volupté qu'il easeigne, mais celle quills lui apportent; eroyant voir dans leurs pas- sions les’ préceptes du mattre, ils S'y abandonnent sans ré- serve et sans feinte, et la débauche enfin court téte levée. Je ne dis done pas, comme presque tous les ndtres : « La secte WEpicure est une école de scandale; » mais je dis; « Elle a mauvais renom; on la diffame, sans quelle le mérite. » Qui peut bien connaitre le temple, s'il n'est admis dans I'inté~ rieur? Le fronton seul donne lieu aux faux bruits et invite & une coupable espérince, Il y ali comme qui dirait un héros en habit de femme. Tu gardes les lois de la pudear, et la dignité humaine est saerée pour toi : ta personne ne se préte & aucune souillure, mais tu as & la main le tambour de Cy- bile. Choisis done un honnéte drapeau et une devise qui par elle-méme excite les ames & repousser des vices dont I’ap- DE LA VIE HEOREUSE, ” nature, est param luxurice. Quid est ergo? {ile quisquis ocat felteitatem tium desidiosum, pituctus nomine blando, mn sequitur voluptatem fuam audit, nd quam attutit: quum eepit putare similia. preecoptis, itis indulget tton timide nce obscure, etjam Tosuratae nude, eapite aperto, Haque non dicam, quod plerique nostrorum, Sectam Epicuri esse magistraiy flagitiorum; sed dieo illud e Audit males estinfamis, et immerito. » potes scire hoe nisi admissus interius? Frons ipsa dat locum fabule, of invitat ad mal Hoe est tale quale vir fortis, indutug stolam. Pudieitia constante tibi, Virilitas est salva: {ium eorps vacat nulli patientie, sod tympanum est in manu. Haque titulus lionestus, galur, Aer at inscriptio exeitans ipsa animim ad repellenda ea vitia quer, quum venerunt,, pour la naivre fst pea, pour Ia moles, uel est donc femal? Celui qui, quel-qu'il-ssit, appelle bonheur uh repos invceupé etTaltermtive de Ia gourntandise et de Ia débauche cherehe tine autorité respectable our tine manvaise cause: ct tandis qu'il vient 14, séduit par un nom flatteur, 1 ive suit pas le plaisir dont i entend-parler, mais celui qu'il a apporté: et quand its'est mis a crore ses vices conformes aux préceptes, iis'y abandonne non timidement ot dans-ombre, et das-lors il se-livre-a-la-débauche anu, la tale découverte. Gest pourquoi je ne dirai pas, ce que disent 1a plupart des ndtres, que Ja secte Epicure est une instituirice dinfamies 5 mais je dis cecis blic etitend-parler mai dette, elle est déeriée, et sans-le-mériter. » Comment penx-tu savoir cela sinon ayant é1é admis dans-t'-intérienr de cette école? 1 facade elle-méme donne Jiew aw propos, et exeite & une mauvaise attente Gest une chose tetle, qian homme courages rerdtu d'une longue-robe. La pudeur se-maintenant en toi, {a virilité est sauv ton corpe west accessible 4 aneune eomplaisance-coupable mais in tambour est dans (a mato. Gest pourquoi qu'une enscigne houniéte soit choisie, et une inscripticn excitant el Fame Arrepousser eos vices qui, quand ils sont venus, et 8 DE VITA BEATA venerunt, vilia. Quisquis ad virtutem accessit, dedit generosme indolis speciinen; qui voluptatem sequitur, videtur enervis, fractus, degenerans a viro, perventurus in turpia, nisi. ali- quis distinverit ili voluptctes, ut sciat, que ox iis intra naturale desiderium sistant, que in praeceps ferantur, infini~ Keque sint et, quo magis implemtur, eo magis inexplebiles, Agedum, virtus autecedat : tutum erit omne vestigium; et voluptas’nocet nimia : in virtute non est verendum, ne qui imium sit, quia in ipsa est modus. Non est bonuin, quo magnitudine laborat sus. IV. Rationabilem porro zortitis naturam, que melius re quam ratio proponitur? et si placet ista junctura, sihoc placel ad beatam vilam ire comitatu, virtusanlecedat, comitetur vo~ luptas, et: circa corpas, ut umbra, versetur. Virtutem dem, excellentissimam omnium, voluptati tradere ancillam, vihi magnum animo capientis est Prima virtus sit, hoe ferat signa : habebimus nihilominus voluptatem, sed domini proche sewe nous amollit, Quiconque passe au camp de la verlu est présumé un noble caractére; gui s’enrdle sous la volupté est aux yeux de tous dépourvu de ressort et d’éner- ie, déchu de la dignité d’homme, voué a de honteax excés, si on ne lui montre & faire la distinction des plaisirs, s'il ne sait pas lesquels se renfermeat dans les besoins de la nature lesquels se précipitent et n’ont plus de bornes, d’autant plus insatiables qu'on les rassasie davantage. Eh bien, done! que la vertu marche la premiére : tous nos pas seront assurés. Ioxeés du plaisir est nuisible; dans Ja vertu pas d’excés a craindre car elle est elle-méme le principe régulateur. Ce n'est pas un bien qu'une chose qui souffre de son propre accroissement, XIV. Homme, tuasen parlage une riatare raisonnable : quel meilleur guide te proposer que la raison? Et si l'on veut marier Ja vertu & la volupté, et n’aller au bonheur qu'ayart toutes les deux pour compagnes, que la vertu précsde et que Yautre suive, comme Pombre suit le corps. Faire de la vertu, de ce quil ya de plus relevé au monde, la servante de Ia volupté, c'est Vauvre d'un esprit incapable de toute idée grande. Que Ja vertu aille en téte, qu'elle porte 'étendard ; ous n’en aurons pas moins la volupté, mais nous en serons DE LA VIE MEUREUSE. 49 enervant statim. Quisguis accessit ad virtutem, edit specimen indolis generoste; ui soquitur voluptatem, idotnr enervis, fractus, jegenerans a ¥iro, erventurus in turpia, isi aliquis istinxerit ili voluptates, antur in preeeps, nique inflate, a magis inoxplebiles eo 29 gis imlent, igedum, virtus antecedat : oinne vestigium ert tubum ; et voluptas nocet nimia : “hon ost verendurn in virtate be sit quid nimium, quia modus est in ipsa. Quod laborat sua magnitudine non est bon XIV. Porro qu molius quam ratio proponitur sorttis haturam rationabilem ? Et si junctura ista placet, si placet ire hoc comi ai vitam beatam, virus antecedat, yoluptas comitetur, ot versetur ul umbra circa corpus. ‘Tradere quidem virtutem, excellentissimam omaium, aneillam voluptati, eat capientis animo nihil magoum, Virtus sit prima, hie ferat signa; habebimusnihilominus voluptatem, sod erimus : doiaini et temperatores ejus5 exorabit nos. res tu amollissent auscitdt. Quiconque s'est rangé du-cdtéude la vertu, a donné lindice un earactére généreux ; qui suit Le plaisir, temble énervé, brisé, égénérant de'Phomme, devant en venir aux infumice, Amoinequo quelad wait distingué pour lui les plaisis, de fagon quil sache Tesquele d'entre eux se tiennent encdoga du désir naturel, lesquels se portent en-avant, et sont sans-borncs, el plus insatiables par cette raison ‘wile sont plus rassasiés. [devant Eh bien, donc! que la vortu marche~ chaque pas sera str; {e plaisir aussi nuit s'il est excossit: il hrest pas & oraindre dans la vertu qu'il ny ait quelque exces, ar la anesure est cn elle-méme. Ge qui soulfre do sa propregrandeur rest past bien. XIV. Eo outre quel but mieux que la raison ‘est proposé a desires ayant-en-partage tune nature raisonnable? ELsi alliance dont-tu-parles fe plait, Sil fe platt Waller aves ee corlege la vie houreuse que Ja vertu marche-devant, due le plaisir accom»pagne, dU se-tourne comme Tombre aulour du eorps. Livrer vraiment la vertu, Ja plus excellente de toutes les choses, pour servante au plaisir, (Vesprit ‘fun homme qui ne” congoit dans rien de grand. Que la Vertu soit la premitre, quelle porte Pétendard ; fous nen aurons pas moins Teplaisi, mais Tots serons tmaltres et modérateurs de celui-ci; pat-drs-pridres-il-obliendra de nous 50 DE VITA BRATA. ajus et temperatores erimus; aliquid nos exorabit, uibit coget. At hi qui voluptati tradidere principia, utroque ca- ruere; virtutem enim amittunt; ceterum now ipsi volupta- em, sed ipsos voluplas habet : cujus aut inopia torquentur, aut copia strangulantur. Miseri, si deserantur ab illa : mi seriores, si obruuntur! sicul deprehtensi mari Syrtico, modo) in sieco relinquuntur, modo torrente unda fluetdantur, Evenit| autem hoe nimia intemporantia, et amore ezeco rei; nam mal: pro, Douls pelea, periculosuin ext sasequ, Ut feras cun ii abore periculoque venamur, et captarum quoque illarum sol ta possessio est, stepe enim Janiznt dominos, ita habentes magnas yoluptates in magnum malum evasere, captiequ eepere. Quae quo plures majoresque sunt, eo ille minor at plurium servus est, quem felicem vulgus appellat. Permaneré libet in hac etiam’ une hujas rei immagine; quemadmodum qui bestiarum cubilia indagat, et laguco captare feras magno wstimat, et magnos canibus circumdare saltus, ut illarunt vestigia premat, potiora deserit, multisque officiis remuntiat * maitres et modérateurs; nons céderons quelque chose & ses prigres, et rion & ses ordres. Celui an contraire qui donne le pas & a volupté n’obtiont ni l'une ni autre; il laisse échapper Ia vertu, et encore, loin de posséder les plaisirs, les plaisirs le possédent : ou leur absence le torture, ow leur excés le sulfoque: malheureus, s‘ls le délaissent ; plus mal heureux, sls Vassiégent en foule! Comme le vavigateur, surpris dans Jes mers des Syrtes, tantdt il demeure a sec, tantot la vague le roule et Pemporle au loin. ‘Tel est lelfet d'une intempérance excessive et d'un aveugle amour des ri- chesses; car A qui prené un but mauvais pour un bon, il est dangereux de réussir, C'est avec fatigue et péril que nous chassons les bétes féroces; leur capture mime ne donne qu'une possession inguiéte : sonvent en effet elles ont mis leurs maitres en piéees, De méme, quicsnque a de andes voluptés sous la main se trouve n’avoir pris que jes monstres : il est Ja proie de ses captifs. Plus eeux-ci sont forts et nombreux, plus il devient chélif esclave, et plus il a de maitres, Ini que le vulgaire appelle heureu: Pour suivre jusqu’au bout Ja similitude, "ho:wme qui fouille les retraites du gibier, qui met unesi grande importance ‘A lui tendre ses rets, Qui de 40 nieule ardente investit les foréts, celui-l8, pour relancer des animaux, abandénne de plus DE LA VIE HEUREUSE. bt anquid, get nihil thi qui tradiders ineipia voluptati, tera non ipsi uptatem, ‘oluptas tibet ipsos : Fquentur, copia strangulantur. Miseri, sideseruntur jores, si obruuntur! sigut depreheasi mari Syrtico, modo fluctuantur vmda torrente. Hoe autem evenit intemperantia nimia, et almore eweco rei; nam est periculosum petenti mala pro bonis, assenui. Ut venamur feras cum labore perioutoque, et possessio illarum captarum queque est sollicita, sepecnim laniant dominos, ita habentes inagnas voluptates, evasere in magnum malum, ceaptaoque cepere, Que quo sunt plures majoressfuc, tv lle quem vulgus appellat felicem, estminor ae servuspluriun, Libel permanere atiam mune in hae imagine hujus rei: wmadimedum qu iadagat Cubilia bestiarum, et estimat magno captare feras laqueo et cireumdare canibus ‘magnos saltus, desert potiora, quelque chose, Winposera rien, Mais coux qui ant livré lo quartier-général au plaisir, ontmanguéde-un-et-de-lautre bien ils pordent en effet la vertu; de plus eux-mémes ne possédent pas le plaisir, mals plaisir les possbde eux-némes * duquel ou par le manque ils toat tourmentés, ou par Fexces ils sont étranglés, Malheureux, sls sont abandonnés ar Tul: plus malheureux, sls sont éerasés! eomme les navigateurs saisis dans la mer des-Syrtes, tantat ils sont Taissés a’ sec, tantat ils soat ballottés par la vague impétueuse, Or ecla arrive par Tiatempérance excessive et Tfamour aveugle do la fortunos car il est danzereus pour qai cherehe le mal pour le bien, Walteindre le but. Commenous chassons les botes-féroces avec fatigue et danger, ot comme la possession Welles prises méme fst plelne-d'-inguiévude, — {maitres, car souvent elles. déchirent leurd de mime ceux qui-ont de grands plaisi sont arti et los plaisirg conquis les oui conquis, Lesquels plaisirs par cela sjue is sont ombrenk et plus grands, par ecla eetui que. Ya fouls Appelle-hewreux, maitres. est plus faible ét eselave do plus do ime platt de rester encore maintenant ‘tans cette image de cette question + dle-méme-que celui qui cherche les repaires des bétes-sauvages, et estime d'un grand prix de prendre les fuuves dans un filet et de cerner aver des chiens Tes grande bois, abandenneileschoses plusimportantes, és un grand mal, 52 De VITA BEATA. ita qui sectatur voluptatem, omnia postponit, et primam lihertatem negligit, ac pro ventre dependit; nec voluptate sibi emit, sed se voluptatibus vendit XV. Quid tamen, inquit, prohibet in unum virtutem volu tatemque confundi, et effici summum bonum, ut idem ft honestum, et jucundum sit? » Quia pars honesti non potept esse, nisi honestum, nec summum bonuin habebit sinceg- tatem suam, si aliquid in se viderit dissimile meliori. Je gaudium quidem quod ex virtute oritur, quamvis bonum aft, absoluti tamen boni pars est : non magis quam letitia'et tranquillitas, quamnvis ex pulcherrimis causis nascantur Sant enim ista bona, sed consequentia summum bonun, non con- summantia, Qui vero voluptatis virtutisque societaterm faci et ne ex quo quidem, fragilitate alterius boni quidquid in altero vigoris est hebetat, libertatemque illam ita demum, si sibil se pretiosius novit, invietam, sub jugum mittit. Nam utiles soins, et renonce 4 une foule de devoirs; ainsi le sec~ tateur du plaisir lui sacrifie tout, ne tient nul compte du premier des biens, Ja liberté, qu'il aliéne aux plus vils pen- chants: il se vend au plaisir, quand il pense Pacheter. XV. «Cependant, qui empéche que la vertu et le plaisir ne « se confondent, et ne réalisent Je souverain bien, de telle © sorte que Phonnéte et agréable soient une méme chose? » (est que Phonnéte seul peut faire partie de Mhonnéte, et que le souverain bien maurait pas toute sa pureté s'il ad- mettait. en soi quelque alliage de moindre prix. La joie méme qui natt de la vertu, quoique étant un bien, ne fait point partie du bien absolu; non ‘plus que le calme et la sé rénité, quelque beaux qu’en soient les motifs. Car ces choses ne sont des biens que comme conséquences du bien supréme, non comme compléments. Mais quiconque associe Ja vertu et le plaisir, sans méme leur faire part égale, émousse par Ja fragilité de Pun tout ce que Vautre a de vigueur; cetle liberté, qui n'est invincible qu’autant qu’elle ne voit rien de plus précieux qu‘elle-méme, il la met sous le joug. Caril commence dés lors 4 avoir besoin de la fortune, et c'est ld DE LA VIE HEUREUSE. 83 renuntiatque multis offic ut premat vestigia illaram, ita qui sectatur voluptatem, postponit omnia, et negligit libertatem primam, fac dependit pro ventre; wee emit sibi voluptates, id se vendit voluptatibus. XV.«Quid prohibettamen, anquit, virtutem yoluptatemque confundi in unin, et suminuin bonum effici, tat honestum et jueundum sitidem? » Quia non potest esse pars hone: nisi honestam, nee summum bonwn habebit suam sinoeritatem, i viderit in se aliquid dissimile meliori. No gaudiuin quidem quod oritur ex virtute, quamvis sit bonum, -ilutt : est tamen pars Boni, abso- non magis quam latitia ct tranquillitas, quamvis naseantut ex causis puleherrimis. Ista sunt enim bona, sed consequentia, non consummman summom bonum. Qui vero facit sovietatem voluptatis virtatisque, et ne ex mquo quidem, hobetat fragilitate uidquid es in altro, mittitquesub jugam ewe invictam ita demum, si novit nihil resist ‘am ineipit ili (qua: est maxima servitus) et renonee & beaucoup de devoirs, afin qu'il foule les traces de ces bétes sauvages; ainsi celui qui poursuit le plai place-aprds toutes choses, Gt néglig I iberé, Ie premier des biens, Iwentre; et la déponse pour {la saerifie a) som etil w'achbte pas pour lui les plaisirs, inais se vend aux plaisirs. XY, « Qui empéche cependant, ait Pépicurien, que la vertu ef le plaisir soient fondus ensemble, et que lo souverain bien soit fait, de fagon que Phonnete et le plaisir soient une méme chose? » Crest que rien ne peut dire une partie de Phonnete, i-ce-n'est "honnéte, ni le souverain bien ‘’aura sa pureté, ‘aura vu en lui-méme tun élément diffsrent du meitleur. Pas méme Ia j qui nait de la vertu, quoiqu’elle soit un bien, [solu: west cependant une partie du bien ab pas plus aue Tallégresse et le calme, quoiguils vaasent los causes les plus belles. Ce sont en effet des biens, ais qui suivent, cof-non qui complétent le souverain bien Or celui qui fait une alliance du plaisir et dela vertu, et pas méme a titre égal, atubit par ia feng d'un-des-deux biens tout-ce-quil-y-a de foree dans autre, et envoie sous Le joug Ta liberté insincible a-cette-condition seulement, sielle ne connait rien de plus précieux qu'elle-méme. Car il-commence pour luv (ce qui est ia plus grande servitude) Ba DE VITA BEATA, (que maxima servitus est) incipit illi opus esse fortuna; se= quitur vita anxia, suspiciosa, trepida, casuum pavens; tempo- rum suspensa momenta sunt. Non das virtuti fundamentum grave, immobile, sed jubes illam in loco volubili stare. Quid autem lam volubile est, quam fortuitorum exspectatio, et corporis rerumque corpus afficientium varietas? Quomodo hie potest Deo parere, et quidquid evenit, bono aninio ex cipere, nec de fato queri, casuum suorum benignus inter- pres, si ad voluptatum dolorumque punetiunculas concur ur? Sed ne patrise quidem bonus tutor aut vindex est, nee amicorum propugnator, si ad voluplates vergit. Illo ergo summum honum ascendat, unde nulla vi detrahatur; quo neque dolori, neque spei, neque timori sit aditus, nec ulli rei que deterius summi boni jus faciat. Eseendere autem illo sola virlus potest; illius gradu clivus isce frangendus est :illa fortiter stabit, et quidquid evenerit feret, non patiens tan- tum, sed etiam volens; omnemque temporum diffioultatem la plus grande der servitudes; de ld une vie @ansiété, de soupgons, d'alarmes; il redoute les événements, il est sus- pendu a leurs moindres chances. Ce n'est pas la donner & Ja vertu un fondement fixe et inébrantable ? c'est Ja vouloir ferme sur un point mobile, Quoi de plus mobile, en effet, que Vattente des choses fortuites, que les révolutions du corps et des objets qui laffectent? Comment peutil obir & Dieu, prendre en honne part tout ce qui arrive, ne pas se plaindre du destin, et expliquer favorablement ses disgrices, Thomme qu’agitent les plus légéres pointes de Ja douleur ou du plaisir? On pas méme bow pour défendre ou venger sa patvie, ni pour soutenir ses amis, quand le coeur penche vers les voluptés. Que le souverain bien s'éléve done 4 une hautour d’od nulle violence ne Marrache, of n'aborde ni la douleur, ni lespérance, ni Ia crainte, pi rien qui porte atteinte & son sublime privilege. Or une ‘elle hauteur n’est acevssible qu’d la seule vertu; ces Apres sentiers ne seront gravis que par elle; elle s’y tiendra ferme et supportera, voudra méme tout ce qui pourra survenir, car elle saura que toutes ces difficultés aceidentelles sont une loi de la na- DE LA VIE HEUREUSE. 55 opus esse fortuna; vita ansia, suspiciosa, (eepita, pavens easuim, Sequitur nomenta temporum aint suspensa, Non das virtatt fundamentum grave, immobile, ed jubes illam stare in Joco volubili. Quid autem est tam voiubile pram exspectatio eoeperis rerumgue affcientinm eorpas? ‘Quomodo hie potest parere Deo ft excipere animo bono quidquid evenit, nee queti de filo interpres benignus suorai easuum, oncutitur cd punetiunentas luptatum dolorumu Sed ne patriee quidern bonus tutor aut vindes, hee propugastor ainieoram, Si vergit ad voluptates. Ergo summumm booum ascendat illo, unde detrahator nulla vis quo sit aditas neque dolori, theque spel, neque: timori, rot ull tek quee aciat doterius jue summi bon. Sola autem virtus potest cscendere illo; isto elivus frangendas ost geadu illiuss tila stabit fortitor, et feret quidquid evenerit, non tantutn pations, sed etiam volens ; sciotque. ormnetn diffeultater temporam 4 tre besoin de 1a fortune ; tune vie anxieuse, soupgonneuse, troublée, eraignant les hasards, ait (en estla suite); tes changements des circonstances sont fe tenant-en-suspens. Tu ne donnes pas 4 In vertu tune base pesante, immobile, tmais tu’ordonnes élle se tenir-dehout sur un point mobile. Qu'y ati, en effet, aussi mobile queTattente dos choses fortuil et les révolutions du eorps et des objets {qui aifectont le corps? Gomment cet homimic-ti pent-it obéir Diew Iposée ct accucillir avee une ame Dien-dise tout-ve-qui arrive, et ae pas se plainde du sort. étant vn interprite bienveillant do ses chances, s'il est ébranlé aux polites-piqares ites plaisirs et des douteurs? Mais pas-méme de sa patrie it rest bon protecteur ow vengoir, ni bon défenseur de ses amis, Sil penche vers tes plaisirs. Done que le souveraln bien soit éleve la, Hence; oi ik ne soit renversé parancnne vio~ oi if-n'y-ait aecés ni pour la douteur, ui pour Fespérance, ni pour laerainie, ni pour aucune chose qui rende moindre Je pouvoir du souverain bien, Or, seule Ja vertu peut monter Ia 5 colte pente’ doit, ire brisée (adouere} par la marche delle; tlle se tiendra bravement, el supportera tout-ce-qur sera arrivé, nnon-seulement patients (avee patience), mais encore voulant (volontiers) ot elle saura que toute difficulte Jes cireonstances 3 56 DE VITA BEATA, sciet Jegem esse nature; el, ut bonus miles, feret vulnera, enumerabit cicatrices, et transverberatus telis, moriens, ama dit eum, pro quo cadet, imperatorem ; habebit in aniwo illud ‘etus precaptam :Deutnsequere, Qusyuis atom queritar, et plorat, et gemit, imperata facere vi cogitur, et invitus rapitue ad jussa mihilominus. Quae autem dementia est, potius tralti quamn-sequi? tam, mehercule, quam, stultitia et ignorantia Conditionis sue, dolere, quod est aliquid aut incidit durius, geque ac mirari, aut indigne ferre ea, quee tam bonis accidunt quam malis : morbos dico, funera, debilitates, et cetera ex tvansverso in viram humanam incurrentia. Quidquid ex uni- versi constitutione patiendum est, magno suscipiatur animo; ad hog sacramentum adacti sums, ferre mortalia, nec per- turbari his, que vitare non est nostre potestatis. In regao nati sumus': Deo parere libertas est, XVL. Ergo in virtute posita est vera felicitas. Quid have tibi suadebit? be quidaut bonum, aut maluin existimes, quod nee ture. De méme qu'un brave soldat supportera ses blessures, comptera figrement ses cicatrices, et, tout pereé de traits et mourant, bénira le général pour qui il succombe, elle aura, gravé dans son ame, cet antique précepte : Suis Diew. Le Kiche quise plaint, qui pleure, qui gémit, n’en est pas moins foreé dFexéeuter ce qu’on ordonne et violemment ramené au devoir Or, quelle démence de se faire trainer plutat que de suivre! Non moindre, en vérité, est la sottise de ces gens, oublieux de leur condition, qui s‘afiligent sil leur arrive quelque chose de pénible, qui s’étonnent, qui s‘indignent & lune de ces disgraces communes aux hons et aux méchants, je veux dire les maladies, les morts, les infirmités et Jes milles traverses auxquelies la vie del'homme esten butte, Tout ce quela con stitution de Vunivers nous impose de soullrances, acceptons- le intrépidement. On nous enréla sous serment pour subir toute épreuve humaine, pour ne point nouslaisser houleverser par es choses qu'il n’est pas en nous d’éviter, Nous sommes ‘és dans une monarchie : obéir 4 Dieu, voila notre liberté. XVI. Cestdone dans a vertu que réside le vrai bonheur. £ que te conseiliera-t-elle? da ne pas regarder comme un bi DE LA VIE HEUREUSE. a7 esse legem nature; et ut bonus miles feret vulnera, ‘enumerabit cieatrices, et transverberatus telis, amabit moriens eum imperatorem Fo quo cadets wabebit in anime illud vetus praeeeptuin : Sequore Deum, Quisquis autem. queritur, et plorat et gemit, cogitur xi fucere imperata, et invitus rapitur nihilominus ad jussa. Qué autem dementia est trahi potius quam sequi? Tam mehereule quan dolere stultitia et ignorantia sue conditionis quod aliquid durius est aut incidit, ae wque mirari faut ferto indigne fea quae accidunt tam bonis quam malis : dico morbos, funera, debilitates et cetera’ jncurrentia ex tranverso in vitam, ‘Quidquid est patiendum, ex constitutione universi, suscipiatur magno anirno; adacti sumus ad hoe sacramentnm ferre mortalia, face perturbari his que vitare non est ostr@ potestatis. Nati sumus in regno ¢ pareve Deo est libertas. XVI. Ergo vera felicitas est. posita in Quid ec tb hie existimes aut bonum ‘estune loi dela nature et de méme qu'un bon soldat, endurera les blessures, comptera ses cicatrices, et, transpercé de trails, aimera en mourant ce général pur lequel il tormbera; elle aura dans ame fect antique précepte = Suis Dieu. Quiconque, d’autre part, se plaint, et pleare et gémit, fest contraint par la foree Afaire ce quia été prescrit, et malgré lui fest entrainé néanmoins Ase quia été ordonné. Or, quelle folie est-ce de’ se-laisser-tratner plutot ue de suivre volontairement? est aussi fou par Hercule que de saffiger par soltise et par ignorance de sa condition, que quelque chose de trop pénible soit ou survienne, et également de voir-aveo-surprise ou de supportor avee-révolte ces accidents qui arrivent futant aux bons qu’aux méchants : Je veux-dire les maladies, les deuils, Tes infirmités et les auttes disgrces aqui se jeltent de travers fur 1a Moe it aire subi ue tout-ce-qui doit étre subi Srvertacde Forde de univers, soil supporté avee une grande dine nous avons 68 pous ee serment, de soufiir les maus des-mortels, et de ne pas éire troublés jar ces choses Tesquelles éviter n'est pas dz notre pouvoir. Nous sommes nés dans une monarchie ongir & Dien est notre libert&, VI. Done le vrai bonheur cst plaeé dans Ia vertu: {Quelle chicse celle-ci teconseillera-t-elle que tu ne juges ni bonne 58 DE VITA BEATA. virtute, nee malitia continget; deinde, ut sis immobilis et contra malum ex bono; ut, qua fas est, Deum effingas. Quid tibi pro hac expeditione promittit? ingentia et equa divinis, Nihil cogeris : nullo indigebis : liber eris, tutus, indemnis hil frustra tentabis, ni tentia cedent : nihil ‘adversum accidet, nihil contra opinio- nem ac voluntatem. Quid ergo? virtus ad vivendum beate suffieit? perfecta illa et divina quidni suflciat? immo super- fiuit. Quid enim deesse potest extra desiderium omnium osito? quid extrinsecus opus est ei, qui omnia sua in se col- jegit? Sed ei qui ad virtutem tendit, etiamsi multum pro cessit, opus est tamen aliqua fortunz indulgentia, adbue inter humana luctanti, dum uodum illum exsolvit, et omne vineulum mortale, Quid ergg interest? quod alii alligati sunt, alii adstricti, alii destricti quoque : hie qui ad superiora progressus est, et se altius extulit, laxam catenam trahit, nondum liber, jam tamen pro libero. ni comme un mal ce qui n'est leffet ni de la vertu nide Ja néchaneeté; puis d’étre inébranlable & tout mal qui résul- terait du bien, et de te rendre, comme tu dois Pétre, Fimage de la divinité. Pour une telle entreprise ue te promet-on ? Un privilége immense, égal a celui de Diew méme, Plus de contrainte, plus de privation; te voild libre et inviolable; plus de perte & subir, plus de’ vaine tentativa, plus dobsta cles. Tout marche selon tes voeux; tu ue connais plus de revers; rien ne contrarie tes prévisions ni tes voloniés. « Eh quoi! la vertu suffirait pour vivre heureux? » Parfaite et divine qu'elle est, pourquoi n'y suffirait-elie pas? Elle a méme plus qu'il ne faut. Que peut-il manquer, en effet, & un ‘e placé en dehors de toute convoitise} Qu’a-t-elle affaire de Pextérieur, l'ame qui rassemble tout en elle? Quant & "homme qui chemine vers la vertu, quels que soient déja ses progrés, il a besoin de quelque indulgenc> de la fortune, lui qui fatte encore dans l’embarras des choses humaines, tant qu'il n’a pas délié ce neud et rompu tout lien morte Ot done est la diffrence? Gest que les uns sont attachés, les autres enchainés; d’autres wont pas un membre qui soit libre. {’homme qui touche la région cupérieure, qui a gravi plus prés du faite, ne traine aprés Tui qu’une caine lache; sans quill soit libre eiicore, il est déja bien prés de I’étre. il probibeberis. Omnia tihi ex sen- - DE LA VIE HEUREUSE. a) ant malum aliquid ‘quoi continget fee virtute, nee malitia; deinde ut sis immobilis et contra malum ex bono ut effingas Deum, gaat ts nid tibi_ prom pro hac espeditione? Hogenti et equa divini Cogeris.niit cris liber, tutus, indermis tontabis nibil frustra rohibeberis nihil. mia eadenttibi ex sententia: nihil aecidet adversum, ant contra opinionem ac sotuntaten Quid ergo? virlus sufticit bi viveniam beste? Quidni suficint fila perfeeta et divina? immo superftut. Quid enim potest deesse Posito extra desiderium omnium? Quid opus ost extrinseens ci quicollogitin se omnia sua? Sedeiquitenditad virtutem, etinmsi multum processit, opus 2st tamen aliqua indulgentia fortune, Inctanti adhue inter humana, dum exsolvit itlnm nodnm, lum mortaie. Quid interest ergo? quod alii sunt alligati, ait adstrict alii destrieti’ quoque : hhie qui progressus est ad superiors et se extulit altins, trahit catenam Jaxam nondum liber, ‘am tamen pro libero, ni mauvaise une-chose qui n’arrivera ni par la vertu, ni par la méehaneeté 5 ensuite quo tu sois inébraniable méme en-face du mal résultant du bien que tu reproduises Dicu en toi, en-tant-que cela ost-permis, Que te promet-elle ‘jour cot affranchissement? Des choses grandes ot égalos aux divines, ‘Tu ne soras contraint en rien tu ne manqueras de rien: tu scras libre, en sdreté, indemne: tu ne tenteras rien en ¥: tu ne seras arrété en rie ‘Tout ira pour toi A soohai rien n’arrivera de ficheux, ou qui soit contre fon opinion et fa volomé, Quoi done? fa vertu sufft-elle ne suffirait~elle pas elle qui est parfaite et divine? bien plus, elle surabondo. Quoi,en effet peut manquer est-plaeé hors du désir de toutes hoses? Quel besoin est auedehars & celui quia rassemblé en lui tous ses hrens? Mais a celui qui tend vers tu vertu, méme-#'l s'est beaucoup avancé, besoin est cependant. dle quelque avmplaisance dela fortune, A lui qui so débat encore au miliew des choses hhumaines, pendant quill délie ce naud, et toute ehaine mortelle. Quelle différence-s-a-t-il done? Ceat que les unssont attaches, les autres enchainés, les autres garrottés iméme celui gni stest avaneé jusquaux régions supérioures ot sest éleve plus haut, ‘raine une ehaine Jacki pas-encore libre, ja cependant comme libre 60 DE VITA BEATA. XVII. Si quis itaque ex istis qui philosophiam conlatrant, quod solent, dixerit : Quare ergo tu fortius loqueris quam vivis? Quare superiori verba summittis; et pecuniam neces- sarium tibi instrumentum existimas, et damno moveris, et Jacrimas, audita conjugis aut amici morte, demittis, et respi- cis famam, et malignis sermonibus tangeris? Quare cultius rus tibi est quam naturalis usus desiderat? cur non ad prascriptum taum ecenas? cur libi nitidior supellex est? cur apud te vinum atate tua vetustius bibitur? cur arvum dis- ponitur? cur arbores preter umbram nihil daturee conser- vantur? quare uxor tua locupletis domus censum auribus gerit? quare pedagogium pretiosa veste succingitur? quare ars est apud te ministeare, nee temere et ut libet, collocatur argentum, sed perite servatur, et est aliquis scindendi ob- sonii magister? » Adjice, si vis: « Cur trans mare possides? XVII. Or maintenant, qu'un de ceshommes qui vont aboyant contre Ja philosophie me dise, selon l'usage : « Pourquoi done ton langage est-il plus brave que ta conduite? Pour- quoi baisses-tu le ton devant un supérieur? Pourquoi re- gardes-tu argent comme un meuble qui test nécessaire, et te montressu sensible & une perte? Et ces larmes quand on annonce la mort de ta femme on d'un ami? D’oi vient que Iu tiens 4 Popinion, que les malins discours te blessent, que iw as une campagne plus élégante que le hesoin ne Pesige, et que tes repas ne sont point selon tes préceptes? A quoi bon ce brillant mobilier, cette table oit tu fais boire des vins plus agés que toi, cette terre bien disposée, ces plantations qui ne doivent produire que de ombre? D’ot vient que ta femme porte & ses oreilles le revenu d'une opulente famille; que tes jeunes eselaves sont habillés d'étoffes précieuses; que chez toi servir & table est un art; qu’on y voit l'argenterie non placée au hasard et A volonté, snais savamment symétri- sée? Que fais-tu d’un maitre en Mart de découper? » Qu’on ajoute,sil'on veut : « Pourquoi poss8des-tu au deld des mers, DE LA Vi HEUREUSE. a AVIL faque siquis ex istis qui conlatrant philosophiam, dixerit, quod solent « Quare ergo tn loqueria, fortius quam vivis? Quare summittis verba pecuniam instrmentum hecessarium tibi, et moveris damio. ct demitis lacrimas morte conjugis aut amici audita, et respicis famam et tangeris, sermonibus malig Quaro rus est tibi cultius quae) usus naturalis desiderat ? cur non exenas ad. tuum prceptum? eur suppellex nitidior cur Votustius tua tate bibitur apud te? cur arvum disponitar? ‘cur arbores ature nihil preler umbram eonservantur? quare tua uxor gerit auribus censum domus locupletis? quare pedagogium Suceingitur veste pretioss ? quare est ars ministrare apud te, ‘et argentum collocatur hon tenere et ut. libet, fed servatur perite, etost aliquis magister ‘obsonii scindendi? » Adjice, si vis : Cur possides trans mare? XVIL, C'est pourquoi si quelqu'un do cous qui aboient-apres 1a philosophic, aura dit, ce quills ont-coutume de dire: © Pourquoi donc toi parles-ta Bus courageusement que tu ne vs? ourquoi Daisses-tu la voix devant un supé et estimes-ta argent. ua meuble néeessaire pour toi, ft es-tit ému par une perte, ct laisses-tu-couler fes larmes Ta mort de fa femme ou dun am ayant été apprise, el considérestu [a renommée, et es-tu touehé par les propos. malveillants ? Pourquoi une terre est-elle a toi plus cultivée que Te besoin naturel tne le demande? pourquoi ne dines-tu pas selon ton précepte? pourquoi un mobilier plus brillant est-il toi? pourquoi on vin plus vieux que ton age Beh bu ches wl? pourquoi ta terre esteelle plantée artistement? pourquoi des arbres he devant donner rien que de Pombre sont-ils conservés ? pourquoi ta femme forte-telle & ses orsilles le reveuu ane maison opulente? pourquoi fon éeole domestiqu est-elle vétue d'une étoffe préciense ? pourquoi est-ce un art do servit-actable chet toi, et pourquoi V'argenterie est-elle posée non au-hasard et comme il plalt, tnale stelle arrangéo savamment, et pourquoi y-a-t-il un maltre de ta viande devant aire découpéo? » Ajoute, si tu veux: « Pourquoi possédes-tu au dod de la mer? sr 62 DE VITA BEATA. cur plura quam vosti? turpiter aut tam negligens es, ut non noveris pauculos servos; aut tam luxuriosus, ut plures ha- beas, quam quorum notitie memoria sufficiat. » Adjavabo postmodum convicia, et plura mihi quam putas, objiviam; uune hoe respondeho tibi. Non sum sapiens, et, ut malevo- Jentiam tuam pascam, nec ero. Exigo itaque ame, non ut optimis par sim, sed ut malis melior; hoe mihi satis est, otidie aliquid ex vitiis meis demere, et errores meos ob~ jurgare. Non perveni ad sanitstem, ne perveniam quidem : delinimenta magis quam remedia podagree. mew compono, contentus si rarius accedit, et sii minus verminatur. Vestris quidem pedibus comparatus, debilis cursor sum. XVUL. Hee non pro meloquor, ego enim in alto vitiorum omniam sum, sed pro illo, eni aliquid acti est. « Aliter, inquit, loqueris, aliter vivis.’» Hoc, malignissima capita et optimo cusque inimicissima, Pictoni objectum est, objectum ot as-tu des biens gue ta n'as jamais yus? Crest une honte que d’étre négligent au point dé ne pas pouvoir counaltre un petit nombre desclaves, ou fascueux au point d’en posséder un nombre tel que la mémoive est impuissante i en garder Ja connaissance. » J'aiderai tout al’heure & ces refroches et m’en ferai plus que 'agresseur ne pense : ici je répondrai seulement : Je ne suis pas un sage, et pour douner pature i ta jalousie, je ne le serai jamais. Ce que j’exige de moi, c'est d'etre, sinon I’égal des plus vertueux, du moins meil= Jeur que les méchants; il me suflit de me défaire chaque. jour de quelque vice et de gourmander mes erreurs. Je ne suis point parvenu & la santé, je n'y parviendrai méme pas ! ce sont des lénitifs plutét que de vrais remédes que j’élabore pour ma goutte, heureux si ses accés deviennent plus rares, si je sens moins ses mille aiguillons. Mais & comparer mes jambes aux vétres, toutinfirme que je suis, jesuis uncoureur! XVIIL. Encore n'est-re pas pour moi queje dis cela, pour moi quisuis plongé dansl'abime de tous les vices; c'est pour qui- conque a deja fait quelques progrés. ¢ Autre est mon langage, autre ma conduite! » Hommes pétris de malignité ot enne- mis des plus pures vertus, on a fait le méme reprociie 4 Platon, on I'a fait & Epicure, on Va fait & Zénon, T~us ces DE LA Vis HEUREUSE. 0s ur plura Pourquot, possédes-tu plus de ier quam nosti? que tu n’en connais? Es turpiter aut tam negligens ub non soveris 4que tu n@ connais pas paucub)s servos; de trbs-pou-nombreux eaclaves; fut tam luxuriogus ou si fastueus ut habeus plures quam ut que tu en as trop pour que memoria suffieiat ta mémoire safle nouitie eorum.» (dum, & la eonnaissanes d’enx: Adjuvabo convieia postmo> J'aiderai fes injures tout a Pheure et mibiobjiciam plura, et me reprocherai plus de choses, quam putas; que tu ne penses; une tibi respondebo hoe. maintenant je te répondrai ceci : Non sum sapiens, Je ne suis pas sage, ft ut pasean et pour que je repaisse tuam malevolentiam, ta malveillance, non ero. Je ne le sorai ps. Haque exigo a me Gest pourquoi fexige de moi hon ut sint par optimis, non pas que je sois egal aux meilleurs, sed ut mais que fe sois ‘nelior malis; meilleur que les méchants; hhoe satis est mihi, ceci est assez pour moi, demere quotidie aliquid de supprimer chaque jote quelque chose ex mieis Vitiis, et objurgare meos error: de mes vices, ctde gourmander mes égarements. Non perveni, Jo ne suis pas arrivé, ne perveniam quidem je warriverai méme pas ad sanitatem; 4 lasants; cempono delinimenta je compose des Iénitits magis quam remedia ‘lutdt que des remmédes ned podagra,, pour ma goutte, contentus siaccedit rarius, heureux si elle vient plus rarement, et si vorminatur minus. ' et si elle me démange moins. ‘Comparatus quidem Cormparé il est vrai vestris pedibus, avee vos pleds, debilis sum cursor. quoigue inflrme, jo sais un coureum, XVUT. Noa loquor hice" XVIII. Je ne'dis pas cela pro me, pour moi, ego enim sum nalto ear moi je suis dans l'abime omnium vitioru, de tous es vices, sed pro illo cut nnais je le dis pour eolui pour qu est atiquid act? ily a quolque chose de fait. « Loqueris aliver, Tu parlesdifféremment, inquit, dit UEpicurien, Sivis aliter, » tu vis différommers. » Capita malignissima Etres tds inaiveillants et inimicissima el trés ennomis cuigue optimo, pour tont homme tres verueux, hoc’ est objectum Platons, céla a été reproché a Platon, 8 DE VITA BEATA. Epicuro, objectum Zevoni, Omnes enim isti dicebant, non quemadmodum ipsi viverent, sed quemadmodam vivendum ipsis esset. De virtnte, non de me loquor, et quum vitiis eonvicium facio, in primis meis faci; quumn potuero, vivam quomodo oportet, Nec malignitas me ista multo veneno tincta deterrebit ab optimis; ne viras quidem istud, quo alios spar- gilis, vos necatis, me impediet quo minus perseverem lau- dare vitam, non quam ago, sed quam agendam scio; quo minus virtutem et ex intervallo ingenti reptabundus sequar. Exspectabo scilicet, ut quidquam malevolentia inviolatam sit, cui sacer nee Rutilius fait, noc Cato? Curet aliquis an istis dives nimis videatur, quibus Demetrius Cynicus parm pauper est? Virum acerrimum, et contra omnia nature de- sideria pugnantem, hoc pauperiorem quam ceteri Cynici, quod quum sibi interdixerint habere, interdizit et poscere, philosophes, en effet, ne nous entretenaient pas de leur vie, & eux, mais de celle qu'il faut se proposer. C’est de la vertu non de moi que je parle : et quand je fais la guerre aux viees, je la fais avant tout aux miens; quand j'en aurai le pouvoir, je vivrai comme je le dois. Et la malveillance aura beau tremper a loisir sos traits dans le fiel, elle ne me dé- tournera pas du mieux; ce venin que vous distillez sur les autres, et qui vous tue, ne m’empéchera pas d’applaudir sans relache & des principes que je ne suis pas, sans doute, mais que je sais quil faudrait suiyre; ne m'empéchera pas Gaderer la vertu et, bien qu’d un long intervalle, d'aller me trafnant sur sa trace. Jattendrai, n’est-ce pas, que cette malveillance apprenne & respecter quelque chose, quand rien ne fut sacré pour elle, ni Ratilius, ni Caton? Comment aussi ne leur paraitrait-on pas trop riche, 4 ceux qui ne jugent pas Démétrius le eynique assez pauvre? Cet homme si Gnergique, qui lutta contre tous les désirs naturels, plus pauvre que tous ceux de son école, puisque a la loi qu’ils Simposaient de ne rien avoir, il a joint celle de ne rien de- mander, n'est point, selon eux, assez dénué de tout. Car, digebant non quemadmodum viverent sed quemadmodum esse vivendum ipsis. Loquor de virtut non de me, et quam facio convicium vitiis, facio in primis m quam potuero, vivam quomodo oportet. Et ista malignitas tincta multo veneno ‘non me dotorrebit ab optinni ne quidem ‘virus quo spargitisalio vos necatis, me impedies quominus. persov fivdare it istud yerem vilam non quam ago, sed quam scio quominus sequar aeehtam “true, ex ingenti intervallo. Exspeetabo seilie tt sit quidquam inviolatum malev cui nee Rutilius lento, nee Cato fuit sacor? is curet an rimis dives istis, quibus Demetri videatur s_Cynicu est parum pauper? Negant virum ac et pugnantem con stnnia desideria ara nature, oauperiorem quam teteri Cyniet oe quod, quum sibi interdixerint tubers, Interdivit et posc egere satis! Vides enim? De LA iE ere, MEUREUSE DE LA VIE BENREUSE. reproché & Epicure, reproché & Zénon, Tous ceus-li en effet disaient ‘non pas comment ils vivaient eax-mémes, inais comment il ourait da étre véeu par eux-mtmes, Je parle de ta vertu, hon pas de moi, at quand de fais du tapage contro les vices, Yen fais surtout contre les mniens ; quand je Vaurai pu, Je vivrat comme il faut, Et cette malveiliance imprégnée de beaucoup de poison ne me détournera pas des meilleures choses; pas méme ce venin yee lequel vous arroser tes autres, ef Yous vous tuez vous-mémes, ‘ne m'empéehera que je ne continue a loace Ja vie mon pasque je méne, {née mais celle que je sais devoir etre me et que je ne suive la vertu, méme en me tralnant une énorme distance. Jaltendrat sans doute quill-y-ait quelque chose respecté par l'envie, Pour laquelle ni Rutitius ni Caton n'a été sacré? Quelqu’un se préoccuperait-il il paratt trop riche & ces gens, pour qui Démétrius est trop-pew pausre His nient qu’an homme trbs énergique et combattant contre tous les désirs de la nature, plas pauvre que les autres eyni-jues, en ceci que, quand eur de posséder, ui s'est intcrdit méme de demander. soit pauvre assez! Vois-tu en offet? eynique sont interdit ee DE VITA BEATA. negant satis egere! Yiles enim? non virtutis sci egestatis professus est. IX. Diodorum, Epicureum philosopbum, qui intra paucos dios finem vite suze manu sua imposait, negant ex decreto Epi- curi feeisse, quod sibi gulam praeseenit : alii dementinm: vider Yolunt facta hoc ejus, alii temeritatem, Ile interim beatus, ae plenus bona conscientia, reddidit sibi testimonium vita excedens, laudavitque «tatis in porta et ad ancoram acta miietem, et dixit, quod vos inviti audistis, quasi vobis quoque faciendaim sit : Vixi, et quem dederat cursum fortuna, peregi. De alterius vila, de alterius morte disputatis, et d- nomen magnorum ob aliquam eximiam Jaudem virorum, sicat ad oc- carsum ignotoram hominum minuti canes, latratis. Expedit enim vobis, neminem videri bonum : quasi aliona virtus ex- probratio de iclorum vestrorumn sit, Inviti splendida cum sor- Hibus vestris eonfertis, nec intelligitis quanto id vestro detri- tnento audeatis. Nam’si ili qui virtutem sequuntur, avari, ntiam, sed voyes-vous, ce n’est pas la doctrine de Ia vertu, c'est In doc- rine de 'indigence qu’il professait! ‘XIX, Diodore philosophe épicurien qui, ces jours derniers, mit volontairement fin & son existence, n’agit pas, dit-on, sui- vant les préceptes du maitre en se coupant la gorge. Les uns veulent qu’on voie lit un acte de folie; et les autres, un acte Virréflexion. Lui, cependant, heureux et fort d'une honne rouscience, se rendait témoignage en sortant de Ia vie, et nissait le calme de cette vie passée dans le port et & “ancre. Il disait (et pourquoi murmuriez-vous de l'entendre, comme s'il vous fallait limiter?) il disait : Vai véeu, j'ai rempli toute ma destinée. Vous disputez surla vie ou la inort d’autrui, et vous aboyez aux grands noms qu’ennoblit un mérite éminent, comme font de potits chieus 4 la rencontre de personnes qu’ils ne con- naissent pas. 1] vous importe en effet que nul ne passe pour homme de bien : il semble que la vertu d'autrai soit la cen- sure de vos méfaits. Vous étes blessés de ce pur éclat auquel ‘yous opposez vos souillures, sans comprendre combien tant Waudace tourne a votre détriment. Car si coux qui prenneat DE LA VIE HEUREUSE. or Professus est ‘non seiontiam virtutis, ned egestal XIX Negant Divdorum, philosophum Epicureum, vai intea pauces dies imposuit finem sue vitee Fecisse ex’ decreto Epicuri, quod sibi pravsecuit aan + alii volunt hoe factum ¢jus Yidert domentiam, alii temeritatem, Mle interim beatus, ac plenus bona conscientia sibireddidit testimonium, excedens vita, laudavitgue quiotem ‘etstis act in portu et-ad ancoram, et disit quod tos audistis inviti, quasi sit faciendum vobis quoque : « Vixi ot peregi cursuun quem fortuna dederat. + Disputatis de vita alterius, de morte alterius, et latratis ad nomen virorum magnorum ob aliquam laudem eximiam, sicut minuti canes ad ocenrsum heminum ignotorusn. Expedit enim vobis em videri bonum * vesirorum delictorum, Confertis inviti plendida vestris sordibus, quanto detrimento vestro audeatis id Nam sii Wha professé non pas le science de ta vert mais la science de 1a pauvrets. XIX. On nie que Diodore, philosophe épicurien. Gui en-doga-de quelques j amiste ase ee ile sa propre main, ait agi suivant le dogme ¢'Epicure parce quill s'est eoupé la gorge les uns veulent que cette aetion de tai paraisse do la folie, les autres de Virréexion, Lui eependant heureux, et plein dune bonne conseience stest rendu témoi en sortant de la vie, at a vanté Ie exime "une, existence passée dans le por a Panera, ae dan le ore et a dit ce que vous vous avez entendu malgré-vous, commne-si cela devait etre fait ar vous aussi: «Fai véeu ot fai achevé la eourse que ta fortane mavait assignée, » Yous discutez sur la vie de un, sur 1a mort de Pautre et vous aboyex au nom des hommes grands pour quelque mérite Sminent, comme ies petits chiens a la rencontre ‘lg personnes inconnuss. 1 est-utile, en effet, pour vous ‘que personne ne passe-pour bon comine-si la-vertu d’=autrui était un Dame de vos fautes Yous. compere. malgré-vous les choses brillantes ayee vos souillures, et vous ne comprenes pas avee quel-grand préjidice votre Yous oses cela, Car si ceux qui 0 DE VITA BEATA lihidinosi, ambitiosique sunt, quid vos estis, quibus ipsum nomen vittulis odio est? Negatis quemquan pristare quae Joquitur, nec ad exemplar orationis sum vivere. Quid mirum? quum loquantur fortia, ingentia, omnes humanas tempestates cvadentia? quum refigere se eracibus conentur, in quas unus- quisque vestrum clivos suos ipse adigit? ad supplicium . tamen acti stipilibus singulis pendent’: hi qui in se ipsi animum advertunt, quot cupiditatibus, tot crucibus huntur : et maledici, in alienam contumeliam venus Crederem illis hoe vacare, nisi quidam ex patibulo suos spec tatores conspuerent. XX. Non praestant philosophi quae loquuntur? multum prgsiant quod loquntur, quod honesia mente cone ‘tinam quidem et paria dietis agerent! quid esset illis hea- tius? interim non est quod contewnas bona verba, et bonis cogitationibus plena preecordia. Studiorum salutarium, etiam citra effectum, laudanda tractatio est. Quid mirum, si non pour fin la vertu, sontcupides, débauchés, ambitieux, qu’étes~ vous done, vous A qui le nom seul de verta est odieux ? Vous sontenez que pas un ne réalise ce qu'il dit et ne conforme sa vie & ses maxines. Quoi d’étonnant, quand leurs paroles sont si héroiques, si sublimes, dominent de si haut toutes les tempétes de Ia vie humaine; quand ils ne visent pas 4 moins qu’d s'arracher de ces croix, of tous, tant que vous tes, vous enfowea de vos mains les clous qui vous déchi- rent? Le supplicié du moins n’est suspenda qua un seul poteau; ceux qui se font bourreaux d'eux-mémes subissent autant de croix yue de passions qui les tiraillent; et dans leur médisance ils (rouvent de Vesprit pour insulter autrui. Je les laisserais faire si ce n’était pas du haut de leur propre gibet que certains hommes crachent sur les spectateurs. XX. Les philosophes ne réalisent pas leurs propres paroles? cependant ils font beaucoup par ces paroles mémes et par la conception de Thonnéte. Si leurs actes étaient & Ja hauteur de leur langage, quelle félicité surpasserait la leur? En. atten- dant qu’il en soit ainsi, il n’y a pas lieu de mépriser de bonnes paroles et des caurs pleins de bonnes pensées. L’application aux études salutaires, restat-elle en decd du but, est ouable DE LA VIE HEOREUSE, sequuntur virtutem, sunt avari, libidinsi ambitiosique, quid vos estis quibus some ipsum viet est oulio? Negatis quemquam probstare que loquitur, nee vivere ad exemplar sue orationis, Quid micum, juum loquantur fortia, ingentia, evadentia nas? omnes tempestates huma- quum conentur se refigere crueibus in quas uunusquisque vestrim adigit ipse suos clavos? Tamen aeti ad supplicium pendent stiptibus ingulis: qui ipst advertont animum in se, distrahuntur tot erucibus quot eupiditatibus : ct maledici, sunt in eontumeliam Crederem hoe illis vacare nisi quidam conspuerent ex patibulo suos spectatores. XX. Philosophi_ tur? ron preestant quae loquan~ Provstant tamen mulian {quod Toquuntar, quod coneipiunt mente honesta. Ulinam quidem ct agerent, paria dictis* ‘quit esset beatius illis? Interim non est quod contemnas bona verba, et preeordia lena bonis cogitationibus, Tractauy jm salutarium, tra effectumn, est laudanda, suivent Ia vertu, sont cupides, agbauchés of ambitieux, qu’dles-vous, Yous & qui Je nom méme de la vertu est & haine? Vous niez que personne exéeute ce qu'il dit. chm neds je (donné par) son langage. Quoi d'sionnant, quand les sages parlont Pactes héroiques, sublimes, éeliappant 4 toutes les tempetes humaines? quand ils stefforcent de sarracher des croix sur lesquelles chacan de vous enfonce lui-méme ses clous? [supplice Copendant ceuz qui-ont-6é sorit-suspendus & des sibots isolé ‘eeux quii_eux-mémnes tournent leur esprit eoutre cux-mémes, sont déchirés par aulant de croix que de passions et médisants, ils sont spivilueis pour outrage d-auteui Je jugerais que cola leur est-loisible, si bertains hommes ne conspuaient du haut du gibet leurs spectateurs, XX. Les philosophes nrexéeutent pas ee quis disent ? fis exécutent pourtant beaucoup par cela méme yu'ils disent, par ce qu'ils eoncoivent dans leur esprit honnéte. Plat-aux-dieux-que certes iis issent aussi des choses conformes & lew's paroles ! quel étre scrait plus heurens queux? En-attondant il-n’y-a pas liew que tu méprises de sages paroles, ct des eceurs remplis, dde bonnes pensées. Le manier études salutarres, méme en-dega-de I (sans) efet, est louable 10 DE VITA BEATA. escendunt ia altum ardua aggressi? sed si vir es, suspice, ctiamsi decidunt, magna conantes. Generosa res est, respi cientem non ad uas, sed ad nature suw vires, conari alla, entare, et mente majora coneipere, quam qua etiam ingenti aninio adornatis effict possint. Qui sibi hoc proposuit: «Ego inortem eodem vulta cum quo audiam, et videbos ego labo- ribus, quanticumque illi evant, parebo, animo fuleiens cor- pus; ego divitias et prnsentes et absentes «que contemnam : hee, si alicubi jacebunt, tristiors noa, si cirea me fulgebunt, animosior; ego fortunam nec venienten: sentiam, nec rece- Jentem; ego terras omnes tanquam meas video, meas tan- quam onium; ego sic vivam, quasi seiam aliis’me natum, et niature rerum hog nomine gratias agam : quo enim melius genere negotium meum agere potuit? unum me donavit om- hibus, uni mibi omnes. Quidquid habeho, nec sordide custo- diam, nec prodige spergam nihil magis possidere me cre encore. Faut-il s’étonner qu'on ne parvienne pas jusqu’an sommet, quand on place son but & une telle hauteur? Un homine de ewur, au contraire, admirera ceux qui, lors méme quills tombent, tmontreat cependant une audace généreuse Elle est noble, Vambition de Phomme qui, consultant moins ses forces que celles de Ia nature humaine, s'essaye a de grandes choses, fait effort ot so erée en lui-méme des types de grandeur que les ames Je plus virilement douées soraient impuissantes & reproduire. L'homme qui s’est dit d’avance : «Un arrét de mort et Maspect du supplice me laisseront également impassible; toutes les épreaves, quelles-qu’elles soient, je les subirai, et mon ame prétera sa force a anon corps. Absentes ou présentes, les richesses m'inspivent le méme mépris : je ne serai ni afiigé si je les vois ailleurs que chez moi, ni fier si elles m’entourent de leur éclat. Que Ja fortune me vienne ou se retire, je ne m’en apercevrai pas. Je regarderai toutes jes terres comme & moi, les miennes comme & tous. Je vivrai ea homme qui se sent né pour ses semblables, et je rendrai grace la natare d'une si belle sion, Pouvait-elle mieux pourvoir & mes intérdts ? Elle m’a donné moi seul a tous, et tous & moi seul. Ceque j'aurai, quoi que ce soit, je ne le garderai pas en avare, je ne Je sémerai pas en prodigue : je ne croirai rien posséder micux DE LA VIE HEUREUSE. 1 Quidmirum si, aggressi ardua non escendunt in alturn? Sed si vie es, suspice, cliamsi’decidunt, eonantes magna. Est res gonerosa eonari alta, respicientein non ad suas vires, sed ad sure nature, tentare ot coneipero mente majora quam quae possint effici etiam adornatis, ingenti animo. Qui sibi proposuit hoe = «Ego et videbo mortein eodem vulta eum quo audiam; ego parebo laboribus, fuanticumgue fli erint, fulefens corpus animo ego contemnam eque divitias, ct presentes et absentes: nee tristior, si jacebunt ‘alicubi, net animosior si falgebunt cirea mes ego sentiam fortuna nes venientem, nee recedentem; ego videbo omnes terras tanguam meas, meas tanquam’ omnium ; 9 vivam sie quasi sciain ‘me natum aliis, ot agam gratias nature recum hoe nomine = quo enim genere Potuit agere melius Tnoum negotiurn ? dgnavit nie unum omnibus, omnes mihi uni Nec custodiam sordide, nee spargam prodige connaat ai nt dans des voies osearpées ils Warrivent pas au sommot? Mais si tw es un homme, tegarde-averadmiration, méme sls tombent, ceux qui tentent do grand Crest une chote généreuse cove de tenter des choses hautes, fen regardant non pas & ses propres forces, mais & celles de sa nature, que dessayer itrop grands €t de concevoie dans Vesprit des act.s pour quils puissont étre exéeutés méme par ceuz qui sont doués d'une grande an Celui qui s'est propos cect : ‘© Moi jo verrai nizmre Ia mort «du mene air avee lequel jenten.trai mon arrét moi je mo soumoltrai aux épreuves quelque-grandes-qu'lles seront, soutenant mon corps par mon me ‘mol ye mépriserai également les richesses soit présontes, soit absentes : ni n‘élant plus triste, fi elles sont ailleurs que ches moi, ni plus fler si lies brillent autour de mois moi jo ne sentirai pas la fortune and ello viendra, quand lle se-retirera; moi je regardorai toutes les terres comme mionnes, les miennes comme & tous; ‘moi je viveai ainsi oomme-si jo savais quo je suis né pour les autres, ot je rendrai grace 4 Ja naiure da monde dee titre: dequel.e manidre en effet edt-olle pu faire micux mon affaire? elle a donné moi, un individu, 4 tous es tres, tous les étres moi, wn individu. [Ni je ne garderai sordidement ni Je ne sémerai en-prodigue choses. 2 DE VITA BEATA. dam, quam bene donata: non numero, wee pondere beneficia, nee ulla, nisi accipientis wstimatione, pendam. Nunquam id mihi multum erit, quod dignus sccipiet. Nihil opinionis causa,,omnia constientie faciam : populo spectante fieri credait, quidquid me eonscio faciam. Bdendi mibi erit bi- pendique fis, desideria natura restinguere, non implere alvum, el exinanive, Ergo amivis jacundus, inimicis mitis et facilis, exorabor antequam roger ; honestis precibus occur= ram. Patriam meam esse mundum sciam, et preesides deos hos supra me, cireaque me stare, factorum dictoruique cen- sores, Quandocumque autem natura spiritum repetet, aut ra- tio dimittet, testatus exibo, honam me conscientiam amasse, bona studia : nullius per me libertatem diminutana, minirae meam. > : XXI. Qui hoe facere proponet, volet, tentabit, ad deos iter faciet : nav ille, etiamsi non tenuerit, magnis tamen excidet que ce que j'aurai sagement douné. J'estimerai mes bien- faits, non d'aprés Jeur poids ou leur nombre, mais d’aprés le mérite de celui qui les recevra; je ne croirai jamais avoir Aépassé Ja juste mesure quand lobligé en sera digne. Je ne ferai rien en vue de lopinion, et je ferai tout en vue de ma conscience : seul devant ma’ conscience, j'agirai comme si tout le monde me regardait, J’aurai pour terme du mauger et du boire de satisfaire les appétits naturels, non de rem- plir mon estomac, puis de le vider facticement. Agréable a mes amis, doux et traitable 4 mes ennemis, je ferai grace avant qu’ou m’implore, je préviendrai toute légitime priére, Je saurai que ma patrie c'est Je monde, que les dieux y p' sident, que sur ma téle, quautour de moi, veillent ces juges sévéres de mes actes et de mos paroles. Et a quelque instant que la nature redemande ma vie, ou que la raison me presse de partir, je m’en irai avec le témoignage davoir aimé la bonne conscience, les bonnes études, de n’avoir pris sur la Jiberté de personne, ni laissé prendre sur la mienne. » XXI. Qui se proposera d’agir ainsi, quile voudra, qui le ten- tera, s'acheminera vers les dieux; et dat-il s’arréter en route, il échouera du moins dans une noble entreprise. Vous autres DE LA VIE HEUREUSE. B quidquid habebo; tout-co-que j'aurai; credam me possidere je eroirai que je ne pocséde nihil magis| quan bene donata ; pendam beneficia hon numero, nee pondere, nee’ ulla sstimatione accipientis; sed quod dignus accipiet, nunguam erit multum mihi, Faciam nihil eausa opinionis, omnia conscientize + eredam quidquid faci me conscio fi Restinguere desideria nature, non implere alvum et exinanire, cerit mihi finis édendi bibendique. iam populo spectante. Ergo jucundus amicis, mitis et facilis inimic is sxorabor antequam roger, ‘ceurram precibus houes- Seiain mondum esse mea patriam, et deos presides : hos staro supra me, cireaque me, consores. dictorum Factorumque. Quandocumque autem, ‘natura ropetet aut ratio dimittet spirit lis. tum, exibo testatus me amasse onam conseientiam, bona studias Tibertatem nullius diminutam per me, meam minime, © volet, tentabit, faciet iter ad deos ue ille, ctiamsi non tenuerit, eseidet tamen ‘wagnis austs. X1-Qoi proponet facere hoe, rien plus. que ce que fi bien donne je n’évaluerai mes hientaits par le nombre ai par le poids, ni par aucune autre estimativa sinon par celle que je ferai de celui qui-recevra; Irecevra mais ce que quelqu'un gui en sera digne ne sera jamais beaucoup pour moi Jone ferai rien je croirai que tout-co-que je ferai moi seul en ayant-conscience la foule regardant. Eteindre Tes désirs de la nature, non pas remplir mon estomac et le vider fuclicement, sera pour moi la fin du mangor et du boire. Done agréable & mes amis, doux et traitable 4 mes ennemis, je serat fléchi avant que ye s0is” prié, Yirai-au-devant des priéres honnetes. Je saurai que le monde est ma patrie, et que les dieux y président : fan que ceux-oi se tlennent au-dessus-d6 et autour de moi, censeurs de mes paroles ot de mes actions. (Or & quelque-instant-que Ia nature redemandera ‘ou la raison congédiera ln viey je sortirai attestant que j'ai aimé Ja bonne conscience, Jes bonnes études; que la liberté de personne Wa été diminuée jrir nv ef Ja mienne pas du tout XXL. Qui se proposera de faire cete le voudra, te tentera, fora route vers les dicux : certes celui-ld méme-s'il n’aura pas touché Te bul, tombera cependant iu haut dune grande entreprise « " DE VITA BEATA. is. Vos quidem, quod virtutem eultoremque cus 0 nihil novi facitis; nam et solem lumina agra formidant, et aversantur diem splendidumnocturna animalia, quse ad pri- num ejus ortum stupent, et latibula sua passim petunt, ab- duntur in aliquas rimas timida ldcis. Gemite, et infelicem linguam bonorum exereete couvicio; hiscite, commordete; citius multo frangetis denies, quam imprimetis! « Quareille « philosophie studiosus est, et tam dives vitam agit? quare ‘opes eontemnendas dicit, et habet? vitam contemnendam pulat, et tamen vivit? valetudinem contemnendam, et ta- ‘nen illam diligentissime tuetur, atque optimam mavult. Btexsilium nomen vanumputat, et ait : Quid est enim mali, mmulare regiones? et tamen, si licet, senescit in patria. Et inter longius tempus et brevius nihil interesse judicat lamen si nihil prohibot, oxtendit wtatem, et in multa senectute placidus viret. » Ait ista debere contemni, non, qui haissez et Ja vertu et soa atorateur, vous ne faites Ia rien Wélrange; car les vues malades redoutent Je soleil, et le grand jour est antipathique aux animaux nocturnes : éblouis de ses premiers rayons, ils regagnent de tous c6t tvailes et fuient dans dobscures crevasses cette lumiére gui les effraye. Gémissez, éxercen votre Jangue maudite & outrager les bons; acharnes-vous, mordez tous a la fois: vos dents se briseront sur eux bien avant qu’elles ne s’y impri- ment. « Pourquoi cot amant de la philosophie méne-t-il une existence si opulente? 11 dit qu'il faut mépriser Vor, et il en posside; qu'il faut mépriser la vie, et il reste avec. les vivants; la santé, et pourlant il soigne Ja sienne, il la pré- fire excellente, L'exil est un vain mot, selon lui; il s’écrie: Quel mal y a-t-il & changer de pays? et pourtant, s'il le peut, il vieillira dans sa patrie. Il prononce qu’une exis- tence plus ou moins longue est indifféreiite ; toutefois, tant que rien ne I'en empéche, il prolonge Ia sienne, et, dans une vieillesse avaneée, il conserve en paix sa verdour. » I dit, en effet, qu'on doit mépriser tous ces avantages; leurs Yos quidem facitis vii novi, {quod odistis viewutom oltaremgue ejuss nam ef lumina ara formidant solen, et animalia noclirna aversantur diem splon qua stupent DE LA VIE HEUREUSE. [dum, ad primum ortam ejus, ft petwnt passim sua latibula, abdantur i timida lucis. Gemite ot exercete Jinguam infelicem convicio bonorain; hiscite, commordete; frangelis dentes multo citius, quam imprimetis, « Quare tlle est siudiosus philosop! aliquas rimas ol agit vitam tam dives? quare dieit Opes contemnendas, ot habot? patat ¥itam eootemnendam, et vivil tamen? Yaletudinem -contern nen et tamen tuetur illarm diligentissime, alque mavalt optinam? Et putat exsilivin vanuin nomen, et al Quid enim mali est ulare regiones? et tamen, si licet, seneseit In patria. Et judicat mihil interes tempus longius et brevius amen si uihil probi exlendit wtatem, et viret placidus: in mutta sonoctute. » Ait ista debere contemni, se et, Nous gers vous ‘en-co-que vous détester la vertu et Padorateur delle; car et les youx malades redoutent Ie soleil, ot lee animaux nocturnes se détournent du jour éclatant usr qui restent-engourdis an premier lover do ce jour, et gagnent de-tous-cdiés Tours retraites, so eachent dans quelques crevasses craignant la lumitre, Gémissex et exerces votre langue mau par Vinsulte des bons; semble fouvrez-la-bouche, mordez-tous-on- ‘yous vous casserex les dents Beaucoup plus vite, que vous ne les imprimeres! « Pourquoi celui-ct est-il ami de In phitosophie, ft paste-t-il sa vie si riche? pourquoi dit-i que les richesses doivent dire mépri« et en possbder-il? Isées, pourquoi pense-tit {que la vie est méprisable Gt viteil eepeniant? jue la santé est méprisable, et cependant soigne-t-il elie tis attentivement, et la préfere-t-il trds bonne? BL il estime exit ua vain nom, ti dit (Quoi de mat on affot est db changer do'payet et copendant, s'il Jui est-permis, iN vieilit dats sa_patei 11 jage aussi «ue rien né-differe-entre tun temps plus long et un temps plus court cependant si rien ne Pempéche, il prolonge sa. vie, et il reste-vert paisible dans une grande vieillesse. » Udit que ces avantages doivent aire meprisés, 16 DE VITA BEATA, na habeat, sed ne sollicitus haheat; non abigit illa ase, sed abeuntia securus prosequitur, Divitias quidem ubi_tutins fortuna deponet, quam ibi, unde sine querela reddentis receptura est? M. Cato quam laudaret Curium ct Gort eanium, et seculam illud in quo censorium erimen erat pauew argonti lamellie, possidebat ipse quadringenties ses tertium : minus sine dubio quain Crassus, plus tamen quan ceusorius Cato. Majore spalio, si coinparentur, proavum vi- cerat, quam a Grasso yinceretur. Et si majores illi obvenis- sent pes, non sprevissel; nec enim se sapiens indignum ull ‘muneribus Tortuitis. putat. Non. amat-aivitias sed ma- vwult : non in animum illas, sed in domum reeipit : nec re~ spuit possessas, sed continel, et majorem virtuti su mate- riam subministeari vull XXL. Quid autem dabii est, quin major materia sapienti viro sit animum explicandi sun in divitits, quam in paupertate? quum in bac unum genus virtutis sit, non inclinari, nee de- mais ce qu'il défend, cest la possession inquidte, et non la possession elle-méme; il ue repousse pas ces choses, mais si elles se retirent de Jui, il tes suit dans leur retraite d’un il tranquille, Od la fortune déposera-L-elle ses richesses plus sirement que chez I'hoinme qui les lui rendra sans mur~ mure? Quaad M. Caton louait Curing, et Goruncanius, et co sidsle ot l'on était coupable aux yeux du censeur pour pos- séder quelques lames argent, lui, Caton avait quavante millions de sesterces : moins sans doute que Crassus, mais plus que Gaton le censeur. C'était, si l'on compare, dépasser sor bisaieul de bien plus que lui-inéme ne fut dépassé par Grassus; et si de plus grands biens lui étaient échus, il ne les eat pas dédaignés. Car le sage ne se croit indigne d’aucun des dons du hasard; non qu’il aime les richesses, mais il les préfére : ce n'est pas dans son ame, c'est dans sa maison quiil les loge; it n’en répudie pas la possession, mais il les domine : i n'est point fiché qu’une plus ample matiére soit fournie a sa vertu. XXIL Eh! qui doute que pour le sage ita'y aitplus ample malidre déployer son Ame dansia richesse que dans la pau- veeté? Toute la vertu de celle-ci est de ne point plier ni DE LA non ne habéat, sed 0 lrabeat toilicitnss non illa abigit a se, sed prosequitur abeuntia seourus, Ubi quidem fortuna deponet divitias tutius quam ibi, undo est receptara sine querela reddentis? Mareus Cato quumnlaudaret Curium et Goruncaniann, ot illud seculum in quo rat erimen cansorium ance lameila argenti, possidebat ipse quadringentiee sestertiu minus sine dubio quam Crassus, plus tamen quam Cato censorius, icerat proavum, si comparentur, spatio majore quam vingeretar a Grasso. Et si opes inajores illi_obvenissent, noe sprevisset ; et enim sapiens non se putat indignum ullis malneribus fort Non amat divitias, sed mavult : roa recipit illas in animum, sed in-dormum : ree respuit possessas, sed continet, et vult- mateffam majorem subministeari sug virtuli XXIL. Quid autem dubii est : quin sit materia major viro sapien explicandi suum animumn in divitiis quam in paupertate? quoin in hae VIE HEURKUSE. n rnon pour qu'il ne Les possdde pas, mais pour qu'il ne les possede pos tant inquict ; it ne {es repousse pas de lui, mais il les suit quand-ils-se-retiren tranquille (d'un cil tranquil). Oi en-vérilé la fortune Aéposcra-t-elle les richesses plus sirement que la, obi elle est devant fes retirer sans plainte de celui qui les rendra? Marcus Caton quand il louait Curius et Coruncanius, ‘et oe sitele dans Iequet était un grief pour-les-conseurs que quelques tames dargent, possédait Iui-méme quatre-cents-fois cent milliers de ses~ moins sans doute heres: que Grassus plus eependant ‘que Gaton ancien-eensour. W avait dépaasé son bisaieut, ‘en-admettant qu’ils soient cnmparés, d'une distance plus grande qu'il w’6tait dépassé par Crassus. Menie si des richesses plus grandes Jui étaient échues, il ne Les eat pas dédai eben effet lo sage ne se eroit pas indigne d'aucuns dons fortuits. 11 n’aime pas les richesses imais il les préfére: ine regoit pas elles dans son ame, mais dans sa maison: ‘til no repousse pas elles possélées, mais il les. maitrise, cl veut qu'ane matidre plus ample soit fourni asa vert XXII. OF quel doute yatil quil-n’y-ait une matiére plas ample pout l'homme sage de déployer son dine dans les richesses, que dans In pauvreté? Puisquo dans colle 8B DE VITA BEATA. primi + in divitiis, et tomperantia, et liberatitas, et diligen- lia, et dispositio, et magnificentia, campum habeat patente. Non contemnet se sapiens, eliamsi fucrit minima stature 5 esse tamen se procerum volet : et exilis corpore, ac tmisso oculo valebit; malet tamen sihi esse corporis robur. Et hoc ita, ut sciat esse aliud in se valentius; malam vatetudinem tolerabit, honaun optabit. Quezdam enim, etiamsi in summam rei parva sunt, et subduci sine ruina priacipalis boni possunt, adjiciunt tamen aliquid ad perpetuam letitiam, et ex virtute nascentem. Sic illum afficiunt divitiz, et exbilarant, ut navi- gantem secundus et ferens ventus, ut dies bonus, et in brumma ac frigore. apricus locus. Quis porro sapientum, nostrorum dico, quibus unum est honum virtus, negat etiam hie quae indifferentia vocamus habere in se aliquid pretii, et alia s‘abattre; dans Fautee la tempérance, Ia libéralité, Pesprit dordre, l'économie, la magnificonce, ont un champ vaste ct libre. Le sage ne se méprisera pas s'il est d'une taille esi- gué, et pourtant il préférera une grande taille; avec un corps chétif et privé d’un ceil, il aura toute sa force, ct pourtant il préférera une constitution robuste. I saura qu'il a en lui- méme un principe de vigueur supérieur @ tous ces avan- tages; cependant il supportera les infirmités, et soubaitera la santé Car il est des choses qui, tout en étant d'une valeur insignifiante par rapport & la perfection de I’étre, de telle sorte qu’elles se Inissent enlever sans entrainer la ruiue du souverain bien, ajoutent cependant & cotle joie perpétuelle qui nait de la vertu. Les richesses sont au sage ce qu’est au navigateur un bon vent qui 'égaye et facilite sa course; ce qu’est un beau jour, et, par un temps hramenx et froid, une plage que réchaulfe le soleil. Et quel sage de notre école, cit Ja vertu est Je seul bien, ne reconnaitra pas que ces choses mdmes que nous appelous indifférentes ont en elles un cer- DE LA VIE WEUREUSE. 5 sit unum genus virtutis, —il-y-a un-scul genre de vertu, non inclinari, saioir no pas étre lid, nice deprimi? et ne pas-atre abatha; sn diviiis, et que, dans les vichesses, et Lemporantis et fa tempsra.ice, et liberalitas, et diligentia et ordre, et dispositio, et économie, el magnificentia, ct la magnificence, habeat campum’ patentem. ont uve carriére ouverte, Sapiens Lesage non se eontemnet, ne sc néprisera pas, ctiamsi fuerit méme-si il aura éé minima stature; de tres potite taille; volet tamen i souliaitera copendant se esse procerum : tre grand : valebit, sera-fort ot exilis corpore, mémo elt de corps, te oculo amtsso : un ail perdu; tmalet tamen robur corporis il préférera poutant fa force du corps esse sibi. tre a soi. Bt hos ila, ut seiat bien qu'il sabhe [fort fesse in se aliud valentius; quil-y-a en lui un autre principe plus tolerabit il supportera mala yaletudinem, Ja mauvaise santé, optabit, bonam. souliaitera la bonne. uedam enim, Certaines choses en effet, etiamsi sunt parva quoiqu‘elles soient petites in summam rei, relativement 4 'ensemble de l'eire, et possunt subduci el puissent étre retirges sine ruina sans la ruine prircipalis boni, du souverain bien, Adjiciunt tamen aliquid ajoutent pourtant quelque close ad Ielitiam perpetuam, “ala joie perpétuelle, et nascentem ex virlule et maissont de la vertu, Divitie afficiunt Los richesses touchent et exhilarant illum, et égayent lui, sic ut ventus secundus de-méme qu'un vent favor~ble et ferens ‘et qui Le porte navigantem; touche et egaye le navigateur ut bonus dies, comme un beau jour, ft in bruma a frigore et dans W'hiver et le froid locus aprieus, un endroit exposé-au-soleil, ‘Quis porto sapientam, Or qui dentro les sages, ddico nostrorum 5 je dis dentro les noires, quibus virtus pour lesquels la vertu ast unuin bonum, eat le seul bien, nogat etiam hese nic que méme ces choses _ que vocamus indifferentia que nous nommons indifférentes 80 DE VITA BEATA. aliis esse potiora? Quibusdam ex his tribuitur aliquid ho~ oris, quibusdam multum. Ne erres itaque, inter potiora d vitiay‘sunt, « Quid ergo, inquis, me derides, quum eumdem apud te locum habeant, quem apud me?» Vis seire quam non habeant cumdem locum’ mihi divitie si eflluxerint, ni il auferent, nisi semetipsas : tu stupebis, et videberis tibi sine te relictus, si illwe a te recesserint ; apad me divitiw al quem locum habent; apud te, summuin ac postremum ; divi- tie mew sunt, tu divitiarum es. XXILL Desmne ergo philosophis pecunia interdicere; nemo sapientian paupertate damnavit. Habebit philosophus amplas opes, sed nulli detractas, nec alieno sanguine cruentas, sine eujusquam injuria partas, sine sordidis questibus, quarum tam honestus sit exitus quai introitus, quibus nemo ingemiscat, tain prix et que les unes sont préférables aux autres? I! en est auxquelles on accorde un peu d'importance, il en est auxquelles on en accorde beaucoup. Ne vous y trompez done pas, la richesse est du nombre des choses préférables. « Pourquoi alors, direz-vous, me railler quand elle tient chez vous le méme rang que chez moi? » — Youlez-vous savoir combien je suis loin de Iui donner Je méme rang? Que richesse m'échappe, elle ne m’enlavera rien qu’elle-méme; vous, si elle vous quille, vous resteres frappé de stupeur, conme un homme qui, ddns son abandon, ne se trouverait, plus lui-néme, Chez moi les richesses tienrent une certaine place, tandis que chez vous elles occupent ia plus haute; enfin, moi je les posséde ; vous, vous tes possédé par elles, NXIIL Cesse done d'interdire Pargent aux philosophes personne n'a condamné Ja sagesse & la pauvreté, Oui, le philo- sophe aura d'amples richesses; mais elles ne seront ravies & qui que ce soit, ni souillées du sang d’autrei, ni acquises au détriment de personae ou par de sordides profits; mais elles sortiront de chez Jui aussi honorablement qu’elles y seront entrées; mais elles ne feront gémir que Menvie, Exagérez-les DE LA Vik IEUREUSE. a nabere in se aliquid pret, et alia ess potiora aliis? ‘Atiquid honoris twribuitur quibusdam ex his, quibusdam molar. Ne erres itaque, ivitiee sunt intor potiora, © Quid ergo, inquis, tne derides, quam habeant apud te ‘cumdem locum quem apud me? » Vis scire quam non habeant eurndem locum? tise mihi effuxerint, auferent aibil nisi semetipsas : tu stupebis, eberis (ibi 1 te, ille recosserint a te; diyilie habeot apud me aliquer locum; apud te, summum a postremuma; divitie sunt mew, wes divitiaram XKXIIL. Desine ergo intordicere peeunia philosophis ; hemo damnavit sapientiam paupertate. Philosophus habebit opes amplas, sed detractas nui! nee eruentas sanguine alieno, partas sine injuria ‘cujusquam, sine queestibus sordi quarum exitus sit tam hones quam introttus, quibus nemo ingemiscat, aient en soi ‘molque prix, ct que les unes préférables aux a Quelque-peu de consideration est allribud & quelques-unos delles, quelques-unes beaucoup Ne ty trompe done pas, Jes richesses sont parm les choses préférables © Pougquoi. done, dis-tu, ine railles-tu, : puisquellos ont ches toi te meme rang, que chez mor? » Yeux tu savoir &-quel-point elles Front pas, Je méme rang? si les richesses mauront échappé, elles n'emporteront rien sinon elles-némes ¢ foi, tu seras interdit, et tu paraltras & toi-mndme Taissé sans toi, si olles se seront retirées de toi Tes richessos ont ehez moi uelque place ; thea toi In pos haute et la dernidre au sommet; los richesses sont miannes (4 mot toi fu es des (aus) richesses. XXIIL, Gesse done. @interdire Vargent aux philosophes; personne n'a condamné ta sagesse a la pauyrats, le philosophe possédera des richosset eonsidérables, mais enlevées & persone, ni ensanglantées du sang @autrui, | acquises sans. préjudice de (pour) qui-que-ce-soit, sans gains sordides; dont Ia sortie soit aussi onnde ue Pentrée, Tone personne ne gémine, 82 DE VITA BEATA. nisi malignus, In quantum vis exaggera illas, honestee sunt : in quibus, quum multa siat quee quisque sua dicere velit, ui- hil est quod quisquam suum possit dicere. Ile vero fortune benignitatem a se non submovebit, et patrimonio per ho- nesta quesito nec gloriabitur, nec erubescet. Habebit tamen etiam quo glorietur, si aperta domo, et admissa in res suas civitate, poterit dicere : Quod quisque agnoverit, tollat! » 0 magnuin vieumn, optime divitem, si post hane vocem tantuma- dem habuerit! ita dico, si tutus et securus serutationem po- pulo prebuerit, si nihil quisquam apad illum invenerit, quo ‘manus injiciat : audacter et propalamn erit dives. Sapiens nul- lum denariumn intra limen suum admittet male intranten ; magnas opes, munus fortune, frueturnque virtutis non repu- diabit, nec excludet. Quid enim est, quare illis bonumn lo- cuim invilleat? veniant, hospitentur, Nee jactabit illas, nee tant que vous voudrez, elles sont honorables : s'il s'y trouve bien des choses que chicun voudrait pouvoir dire siennes, on n'y voit rien dont personne puisse dire : C'est @ moi. Le sage ne repoussera pas les faveurs de la fortune, et un patri- moine loyalement acquis ne lui inspirera ni orgueil ni honte, Jo me trompe : il éprouvera quelque orgueil si, ouvrant sa porte el exposant sa richesse aux regards publics, il peut dire : ¢ Que quiconque y reconnatt son bien le reprenne. > Oh! qui est grand, qu'il mérite sa fortune celui qui resterait aprés ce défi aussi riche qu’avant! Qui, s'il pent sans crainte et impunément provoquer Pinventaire de tous, si nul n'y trouve & exercer la moindre revendication, c'est hardiment et au grand jour qu'il sera riche. Si, d'un c6té, pas un denier n'entre chez le sage par de mauvaises voies, de l'autre, les Irésors que Ja fortune fui donne ou qui sont le fruit de ses mérites ne seront pas répudiés ni exclus par lui. Pourquoi les refuserait-il quand ils sont si bien placés chez Ini? Qu'ils viennent, quills y trouvent Phospitalité, I n’en fera ui éta- DE LA isi malign Exaggers illas in quantuin vis, sunt honest in quibus, uum sin! multa que quisque velitdicere sua, oat nibil quod quisquam possit dicere suum. Me vero non submovebit a se benignitatem fortune, et nce gloriabitur, nse erubescet patrimonio quassito er honesta. jabebit tamen etiam quo gloriewr, domo aperta, et civilate admiasa in suas res, © magnum viru, optime divitem, si post hane vorem abuerit tantumdem ! Ita dico, si tutus et see.trus propbuerit serutationem yopulo, si quisquam nihil invenerit apud 4quo injiciat manus : it dives udacter et propalam. pions admittet ‘magmas ope unos fortune, feuctumase virt Quid est enim cur illis invideat bbonum locum? Yeniant, VIE HEUREUSE, ion Tenvieux. Entasse-les autant que tu veux, elles sont honorables : elles dans lesquelles, quoiquill y ait beaucoup de choses sui d'un autre obté ne repoussera pas do In Ia bienveillance de la fortune, et ni il se-glorifiera ni il rougira de som patrimoine acquis pas des moyens vonndies, aura cependant méne de quoi il pourra-so-glorifter, si sa maison étant ouverte, ot a ville Slant admise au-miliew-de ses biens, il pourra dire : « Que chacun emporte ¢e qu’il aura reeonnu ! + te grand homme, oxcellemment riche, si aprés cetle parole laura eu autant guavant ¢ Oui, jo te dis, si sans-erainge et sans-inguiétude il aura offert celte enquéle au public, si personne n'aura rien’ trouvé chez lui fur-quol i mote Les mains hhardiment ct ouvertement, Lesage ne recevra en-dedans de son seuil aucun de cutrant malhonnétement ; il ne repoussera pe et n’exelura pas de grandes richesses, don de la fortune, ct fruit de sa-verta. Quy-a-teil en effet our quill leur refuse tung bonne place? Queties viennent, cy DE VITA BEATA. abscondet; alterum infruniti animi est; alterum timidi et pusilli, velut magnum bonum intra sinum continentis. Nec, ut dist, ejiciet iflas e domo. Quid enim dicet? utrumne Inutilesestis? » an, « Bgo uti divitiis nescio »? Quemad- modumn etiam si pedibus suis poterit iter conficere, escendere tamen vehiculum malet : sic pauper, si poterit esse dives, Walets et habebititaque ops, sed tanquain leves et avalatu- rasy nec ulli alii, nec sibi graves esse patictur. Quid? Dona- bit? Credo, erexistis aurcs. Quid expeditis sinum? Donabit aut bonis, aut iis quos facere polerit bonos. Donabit cum summo consilio, dignissiimos eligens, ut qui meminerit tam expensoruin quam acceptorum rationem esse reddendam. Do- abit ex recta et probabili causa; nam inter turpes jacturas malum munus est. Habebit sioum facilem, non perforatum ex quo multa exeant, nihil excidat, lage ni mystére: le premier est d'un sot imprudent; Je se~ cond, J'un homme timide et pusillanime qui peuse tenir dans sa bourse un bien inestimable. Non, encore une fois, il ne chassera pas de sa maison Jes richesses. Lear dirait-il : « Vous nem'étes bonnes & rien; » ou: ¢ Je ne sais pas me servir de vous» ?.Le sage, quand il pourrait chemiuer a pied, aimera ce- pendant micux monter sur un char; de méme, s'il est pauvre et quil puisse étre riche, il acceptera Ja richesse : il ‘aura, sans dotite, mais comme chose fugitive et qui doit s'envoler; il ne souffrira qu'elle pése ni A personne ni a lui-méme. Comment? Il donnera? dites-vous. II mesemble que vous avez dressé Poreille. Pourquoi tendez-vous le pan de votre robe? Hdonnera aux bons ou a ceux qu'il pourra rendre tels. Il donnera avec mire réflexion, choisissaut les plus dignes, en homme qui se souvient qu'il faut rendre compte de la dépense non moins que de Ja recette, Il donnera d'aprés des motifs justes et plausibles; car c'est une perte des plus humiliantes qu'un présent mal placé. Sa hourse ne sera ni fermée ni percée; ony puisera abondamment, mais elle ne Jaissera rien tomber. DE LA VIE HEDREUSI hospitentur. Nee jactabit nee abscondet illas; alterum est nimi infruniti; alterum timidi et pusilli continentis intra sinum, elut magoum bonum. Nee ojiciet illas ‘e-domo, ut dixi, Quid enim dicot? utrumne: « Estis inutiles; » ane ‘© Ego nescio uti divitiis »? (Quemadmodum etiam si poterit conficere iter suis pedibus, malet tamen’ eseendere vehiculum sic pauper, si poterit esse dives, volets et habebit itaque opes, ‘ed tanquam leves et avolaturas; jctur esse graves ace sibt, Quid? Donabit? Erexistis aures, eredo, Quid expeditis'sinum? Donabit aut bonis, is quos poterit onos. Donabit ‘cum summo consiliy, cligens dignissimos, ‘wt qui meminerit rationem esse reddendam tam expensorum quam acceptorum. Donabit ex causa recta et probabi am munus malum est inter jacturas turpes. Habebit sinum facilem, ‘on perforatuin, -t quo multa exeant, nihil excidat. 85 quelles soient hébergées. Ni il naffichera, ni il ne cachera elles; Pun est d'un esprit déraisounable ; Vautre d'un esprit timide et étroit. renfermant (la richesse) dans sa boursa ‘eomme un grand bien. Evilne chassera pas elles de sa maison, comme je Fai dit. Que dira-t-il en effet? est-co-ou : « Vous ates inutites; » ow bien = [ses ‘c Moi je ne-sais-pas user des richer- De-méme-que méme si ‘il pourra faire route avec ses pieds, il préférera cependant ‘monter-sur un char; de meme pauvre, sil pourra etre riche, i le voulras t il possédera done les richesses, mais comme élant légbres et devant senvoler; [pesantes et il ne supportera ‘pas qu‘elles soient @ aucun autre ni a luieméme, Comment? I donnera? Vous avez dressé-les orcilies, je crov Pourquoi dépliez-vous Ie pan-de-vatre Hdonnera ou aux bons, [-fobe? ou & ceux qu'il pourra rendre bons. Hy donnera vee {a plus grande réflexion, choisissant les plus dignes, fen homme qui se souvient compto dovoir étre rendu futant des dépenses que des receties, H'donnera pour un motif i car un présent mat-p fest duenorhbre-des pertes humiliants. Tl aura une bourse facile, hon pereée, de laquelle beaucoup sorte rier ne tombe, a DE VITA BEATA. XXIV, Errat, si quis oxistimat facilem rem esse donare. Plu= rimum ista res habet difficultatis, si modo consilio tribuitur, hon casu et impetu spargitar. Hane promereor, ilti reddo ; huic succurro, hujus misereor. [lum instru, dignum quem non deducat paupertas, nee occupatum teneat, Quibusdain non dabo, quamvis desit : quia, etiamsi dedero, erit defutu- Turi; quibusdam offeram; quibisdam etiam inculeabo. Non possum in hac re esse negligens : nunquam magis nomina facio quam quum dono. « Quid? tu, inquis, recepiurus do- nas >? immo non perditurus. Bo loco sit donatio, unde repeti non debeat, reddi possit. Reneficium collocetur, quemadio- dum thesaurus alte obrutus : quem non, eruas, ni necesse. Quid? domus ipsa divitis viri, quantam habet bene- faciendi materiam? Quis enim liberalitatem tantum ad toga tos voeat? hominibus prodesse natura me jubet : servi berine sint, ingenui an libertini, juste libertatis, an inter XXIV. On se trompe si’on croit que donner soit une chose facile. Elle présente beaucoup dedifficulté pour qui du moins donne avec réflexion, sans somer au hasard et par boutade. Ici joblige sans rien devoir, la je m’acquiite; j'accours & In voix du malheur, ou poussé par Ja soule pilié; je reléve un homme qui ne mérite pas que In pauvreté le dégrade et le retienne dans ses entravos; je refuse a d'autres, bien quills aient besoin, parce que lors méime que j’aurais douné, ils seront toujours dans Je dénuement, ‘Tantét j’offrirai simple- ment, tantét j'userai d'une sorte de pression. Puis:je mon= trer ici de la négligence, moi qui ne place jamais mieux que lorsque je donne? « Quoi! vous ne donnez que pour recou- rer’? » Dites mieux : pour ne pas peridre. Tel doit étre le Placement de nos dons, que nous n'ayons pas droit de réclae mer, mais qu’on puisse nous rendre. Qu'il en soit du bien- fait comme dun tésor profondément enfoui, que cn nieshume qu’en cas de nécessité. Et la maison méme da riche, quelle large sphére nouvre-t-elle pas i sa bienfai- sanee! Car qui oscrait n’appeler la libéralilé que sur des hommes libres? Faites du bien aux hommes, nous dit la na- ture; esclaves ou libres, ingénus ou affranchis, affranchis DE LA VIE HEUREUS®, AXIV. Quis errat, si quis existimat donare esse rem facile. Ista res tabet plurimam difficultatis, si modo tribuitur consitio, non spargitur casu et impotu. Promereoe hune, reddo ili; ‘misereor ‘iujus. Instruo illum, igaum quem paupertas non dedueat, hee teneat oecupatum, Non dabo quibusdam, quamvis éosit: quia, etiamsi dedero, erit dofuturum; offerain quibusdam; quibusdam etiam inculeabo. Non possum esse negligens in hae re: nunguain facio nomina ‘magis quam quum dono, # Quid? inquis, tir dona quasi reeepturis? » Immo, non perditurus, Donatio sit eo loco, nde non debeat repeti, possit reddi. jeneficiuim eollocetur quemadaucdum thesaurus obratus alte : quem non eruas, nisi fuerit necesse, Quid? domus ipsa viri divitis, iam habet, quantam mat benelaciendi? Quis enim vocat beralitatem me prodesse honinibus : quirefort sint servi liberine’? a7 XXIV. Quolqu’un so trompe, sil erat donner tre chose facile Cette chose a beaucoup de difficulté, si toutefbis il est accordé avec réflexion, Ob sil nest pas semé au hasard et par Foblige celui-ciy Je rends & colui-ia; fe secours Fun, ai~pitié d'un autre. “iquipe cet homme, digno que In pauvrclé ne Pabatte pas, Ai ne le Lienne occupé. Je ne donnerai pas a certains hommes, ‘quoiqu'il’y-ait-dénaement parce que, mémr si jfaurai donné, Ay aura-ddnuencat Foltriral & quclques-ins; cher quolques-uns méme Je ferai-entrer de-force mes bienfails. Je ne peux pas eure négligont dans cette affaire: ments) jamais je ne fais de billets (ae p'ace- plus (niieux) que quand je donne # Quoi? dis-tu, if, tw donnes comme devant recouveer? « Non-naiscommene devant pas perdre. Que Te don soit dans ce placement, doi il ne doive pas étre réclamé, ‘mais puisse étre ‘rendu, Qu’un bienfait soit plevé comme un trésor enfoui profondément : Jequel tu n'exhumerais pas, & moins qu'il wait été néccesaire, Quoi? Ta aison meme un hommeriche, quelle-grande matidre elle a de (pour) faire-te-bien ? Qui en effet appelte Ia libéralité ement sur les hommes-en-toge? La ature ordonne moi étre-ulile aux hommes: en, quoi importe-tit quills soient esclaves ou-libres? 88 DE VITA BEATA, amicos date, quirefert? ubieumyue homo est, ibi benet Tocus est. Potest ilaque pecuniam etiam intra limen suum diffundere, et liberalitatem exercere : que non quia liberis debetur, sed quiaa libero animo proficiscitur, ita nominata © est. Hee apud sapientem nec unquam in turpes indignosque impingitur; nec unquam ita defatigata erat, ut non, quoties dignum invenerit, quasi ex pleno fluat. Non est ergo quod perperam exaudiitis, quae honeste, fortiter, animose, a_stu- diosis sapienti@ dicnntur ; et hoc primuin attendite’: aliud est, studiosus sapientice : aliud, jam adeptus sapientiam. tile tibi dicet : « Optime loquor, sed adhue inter mala volutor plarima. Non est quod me ad formulam meam exigas : quuin maxime facio me et formo, et ad exemplar ingens attollo; si processero quantum proposui, exige ut dictis acta respon deant. » Assecutus vero humani boui summa, aliter tecum get, et dicet : « Primum, non est quod tibi’ permittas de devant le préteur ou devant nos amis, i n'importe : partout od ilyaun homme, il ya place pour te biznfait. Le sage peut done aussi répandre I'argent dans son particulier et y pratiquer Ia libéralité, vertu ainsi appelée non qu’elle se doive aux hommes libres seuls, mais parce qu’elle part d'un coeur libre. Les bienfaits du sage ne se jettent jamais & des hommes fiétris et indignes, comme aussi jamais ne s’épui- sent et ne s’éparpillent tellement, qu’a laspect de qui les mérite ils ne puissent plus couler 4 pleine source. N'allez done pas interpréter a faux ce que disent de moral, de cou- rageux, de magnanime les, aspirants de la sagesse; et d’a- hord, prenea-y bien garde : autre est l'aspirant, autre est Vadepte de Ja sagesse. Le premier vous dira : « Je parle vertu; mais je ie débats encore au milieu d'une foule de vices. Ne me jugez pas d’aprés la régle que j’ni posée moi- meme; en ce moment je travaille 4 me faire, & me former, je m’éléve vers un idéal sublime, Quand j'aurai atteint com- plétement mon but, vous pourrez exiger que mes cuvres répondent & mon langage.» Mais Mhomme arrivé au bien supréme plaidera autrement sa cause, et dira: ¢ D’abord i! ne vous appartient pas de vous porter juges de ceux qui DE LA VIE. HEUREUSE. 89 libertatis juste, an datwe inter amizoe? Ubicumque est homo, ibi est locus beneiici. Haque potest ‘etiam intra suum que ita est nomixata, non quia debotur liberi sed quia profieiscitur ab anime libero, Have apud sapientom nee impingitur urquam in turpes indignosq nee unguain errat defatigata, ta ut non fuat quasi ex pleno, quoties invenerit dignum. Non est orgo quod exaudiatis perperam que dicuntur honeste, fortiter, animose, a studiosis sapientiay; et atlendite hoe primum: aliud est, studiosus sapientice, ud, jam adeptus sapientiam. Mle Ubi dicet « Loquor optime, sed volutor adhue inter mala plurima. ‘Non est quod mo exigas ad meam formutam : quam maxime me facio et forme, ct attollo ad exemplar ingens; si processpro quantum proposti, exige ut facta respondeant-dictis. » Asseculus vero summa boni humani et aliter tecum, ek dicot = une Wherlé légato, ‘donnée entre amis? artout-oit ost un, homme, est Ia plaeo d'un bienfai Gest pourquoi il peut répandre de Pargent et exercer sa libéralité méme en dedans de son seuil laquelle libéralifé a 618 ainsi moramée, von parce qurelte est due aux hommes libres, niais parce qu'elle part une ame libre. Golle-ci cher le sage i nest jetée jamais sur des honmies Airis et indignes 5 he's gare fatigube, : de-telle-sorte qu'elle ne coule pas comme d'abondanee, chaque-fois-qu’elle aura trouvé un sujet dign Tnvest done pas de motif pour que vous entendies de travers ce qui est dit honnétement, ‘courageusement, généreusement, par les amis dela. sagesse et faites-atlention-a eeci d'abord : antre chose est, Tami de la sagesse; autre chose, eclui qui a déja acquis la sagesse Le premier te dira «de parle tres bien, mais je me roule encore au milieu de vices tres nombreux. I west pas de motif pour que tw me selon ma régle: finges Alors surtout que je me fagonne et me forme, ct m’éleve vers un modate sublime; quand faurai avancé aulant-que je me le suis proposé, exigé que snes actes Fépondent & mes paroles. » Mais (homme wrrivé aux sommets da bion huaain parlera autrement avec-toi, et dira: 0 DE VITA BEATA. melioribus ferre sententiam; mibi jam, quod argumentum est recti, contingit malis displicore. Sed ut tibi rationem red- dam, qua nulli mortalium invideo, audi quid promittam, et quasi! quiequs wstiniem. Divitias nego bonum esse: nam si essent, honos facerent; mune quoniam quod apud malos de- prehenditur, dici hooum non potest, hoc illis nomen nego: ceterum et habendas esse, et ailes, et magna commoda vite afferentes, fateor XXV. Quid ergo est? quare illas non in bonis numerem, et quid in illis preestem aliud quam vos, quoniam inter utrosque convenit habendas, audite. Pone in opulentissima me domo, pone ubi auram argentumque in promiscuo usu sit : non suspiciam me ob ista, que etiamsi apud me, extra me tamen sunt. In Sublicium pontem ine transfer, et inter egentes abige : non ideo tamen me despiciam, quod in illorum nu- valent mieux que vous : pour moi, déja, preuve que je tiens le droit chemin, j'ai le bonheur de déplaire aux méchants. Mais je veux bien vous rendre un compte que je ne refuse 4 aucun mortel : écoutez ma profession de foi, et apprenoz quel cas je fais de toute chose. Je nie que les richesses soient un bien; autrement, elles rendraient homme hon; puisyue done ee qui se rencontre chez les méchants ne peut pas étre appelé un bien, je refuse ce titre aux richesses; du reste, qu’elles soient permises, utiles, et d'une grande commodité dans la vie, je le coufesse. XX¥. Mais il faut s'expliquer : vous me demandez com- ment, en refusant d'admettre les richesses au nombre des biens, je leur assigne un autre caractére que vous, et cela quand nous conveaons I'un et autre qu’on peut les posséder? Ecoutez-moi done. Placez-moi dans la plus opulente m on, en un lieu of Vor et 'argent soient de Nasage le plus commun, je he-m'enorgueillirai pas de ces choses qui, bien qu’étant chez moi, w’en seront pas moins hors de moi. Transporter. ‘noi sus le pont Sublicius, jetez-moi parmi les nécessiteux : je ne me mépriserai_pas pour me voir assis aux c6lés de DE LA VIE HEUREUSE, a4 + Primum, non est quod Labi permniitas ferre serttontiam dle: meliortbus; jan mihi contingit, quod est argumeniuin recti, Alisplicere ualis Sed ut tibi reddam rationem qua invidleo nulli mortaiium, audi quid promittam, eLquantsiestimem quaeque. Nego divitias esse bon nam si essent, facerent bonos; imine quonjam quod deprelieaditar apud males, non potest diet borum, illis nego hoc nomen ; ceteruin fateor et esse habendas, ot utiles, eb afferentes magna commoda vite. XV. Quid est ergo? quoniam eonvenit inter utrosque habendas, audile quare thon illas numerem in bonis, et quid atiud quam vos Draestern in ills Pone me in domo ‘opalentissiina, pone ubi ‘urum argentumque sit in ust. promiscuo : non me suspiciam ob ista, que etiamst apud me, sent gamen extra me. ‘Transfer me in pontem Sublicium, et abige intcr egentes : on me despiciam tamen, ideo quod consideo ie nuinero illorum « D'abord il est pas de motif pour-que tu te permettes de porter un jugement sur des homiries meilleurs que toi gia it ovarrive, 2 qui est une preuve du bien de déplaire aux méchants, Mais pour quo je te rende tun comple que jo ie refuse 4 aucun des mortels, éeoute ce que favance, de-quel-prit jestime chaque chose Jenie que les richesses Solent un bien; car si elles étaient un bien, elles rendraient les hommes bon ; maintenant paisque ce qui se trouve chiez les méchants, ne peut pas étre appelé un bien, ie leur refuse ce nom ; du reste je reconnais elles t Blew bonnes-it-posséder, et utiles, et apportant de grands avantages a la vie. AXY. Qu’est-ce done’? paisquil est convenu entre les deux purtis les richosses étre bonnes-A Seoutex pourquoi Je ne les compte pas parmi les biens, et quel caractere autre que vous Je mets en elles. Place-moi dans une maison tris opulente, lace- moi oi Vor et Vargent soient en usage wommun : je ne madmirerai pas our ces avantages, qui quoique chez moi, sont cependant hors de moi. ‘Transporte-moi sur Ie pont Sublicius, et pousse-niai parini' les panvros je ne me mépriserai pas pourtant, pour-cela que je suis assis au nombre de ceux m Ds VITA BEATA. mero consideo, qui manum ad stipem porriguat; quid enim ad rem, an frustnn panis desit, cui non deest mori posse? Quid ergo est? domum illam splendidam malo, quam pon- tem. Pone in stramentis splendentibus,et delicate apparatu ? nihilo me feliciorem credam, quod mihi molle erit aniculum, quod purpura in conviviis meis substernetur. Mutas man ficentiam meam : nihilo miserius ero, si lassa cervix mea in manipulo foeni acquiescet, si super Cireense tomentum, per sarturas veteris lintei eflluens, ineubabo. Quid ergo est? malo quid mihi anivai sit ostendere privtextatus et gausapa- lus, quam nudis scapulis aut semitectis. Omnes inihi dies ex volo cedant, nove gratulationes prioribus subtexantur; non ob hoe mihi placebo. Muta in conirarium hane indulgentiam tempo ¢illine pereutiatur animus damno, luetu, in- cursionibus variis, nulla omnino hora sine aliqua querela sit: non eo me dican inter miserrima miserum, non ideo ceux qui tendent a main vers Vaumére. Car quiimporte qu’on manque d'un morceau de pain, quand le pouvoir de mourir ne manque pas? Que dirai-je pourtant? Que cette maison opulente, je 1a préfire au pont Sublicius, Placez-moi sur des tapis splendides, au miliew des recherches de la mollesse, je ne m’en croirai nullement plus heureux pour avoir un thanteau moellenx et, dans mes festins, Ia pourpre pour lit. Un changement m’enléve tout le luxe : je ne ser en rien plus a plaindre, si je n’ai qu’une poignée de foin pour reposer ma téle fatiguée, et, pour dormir, qu’un pail- Jasson du cirque dont la hoarre Séchappe par ‘les reprises dune viville toile. Que dirai-je encore? Que jaime mieux montrer ma valeur morale sous la préteste ou la chlamyde, que les épaules nues ou A demi-convertes. Que tous meg ours s'écoulent 4 souhait, que des félicitations nouvelles senchaluent aux précédentes félicitations, je ne m'en ferai pas aceroire pour ela. Changez en rigueur cette indulgence du sort: que de toutes parts mon ame ait & subir des pertes, des chagrins, des assauls de tout genre; que chaque heure mapporte son sujet de plainte : non, au milieu des plus grandes misires, je ne me diva) pas misérable; non, je ne qui porrigant manum ad stipem; quid enim ad rem, ‘an frastum panis desit, cant non deest posse mori? Quid ext exo? Malo illam domum splendidam quam ponte. one instrament splondentibus ot apparats dolieato : me eredam nihito felicorem, quod mihit ert amiculum motle, quod purpura substernetur in meis convi Mutas jeam magaificentiam ero nihilo miserius, si mea cervix lasse equieseet in manipulo forni, si incubabo super (omentnm Gireense efftuens por sarturas veteris lintel, Quid est ergo? Malo ostender quid animi sit mihi, prectextatus et gaucapatu quam seapilis udis aul semitvetis. Omnes dies ceedant anibi ex votis, thom gratulationes subtexantur prioribus non mitt placebo ob tive. Muta ia contrariam hhanc indulgentiam, temporis animus pereutiatur hine illine, damno, tuetu, incursionibus variis, nulla hora omnino sit sine aliqua querela : now me diem ideo miserum inter misecrima, DE LA VIE HEUREUSE. 93, qui tendent la. main aTaumdne: qu'inporte en effet 4 Valfaire, siun morceau de pain manque, 4 qui il ne manque pas de pouvoir ‘Quiest-ee done? Imourie? Fraime mieux colle maison splendide que. le pont. Place-mot sur des tapis brillants et dans une magnificenee raMiné Je ne me croirat ®n rien plus heuroux, parce que a moi sera tun yalement moelleus, quo a pourpee sera étendue-sous mot dans mes festins, Ta ehanges ma magnificence : Je ne serai en rien dans-un-état-plus- si ma téte fatiguée—_[malheurews, 30 reposera sur une poignée de foin, si je me-coucherai-sur dela bourre du-cirque s'échappant ppar les reprisos d'une vieille toile, Qurest-ce donc? Faime-miewx monteer ‘combien de courage est en moi, velu-d'ume-prétexie et dune gausape, que lus épaules hhaos om demi-couvertes, Que tous les jours ehent pour moi selon mes voeux que de nouvellos félicitations se cousent aux précédentes; Je ne me complairai pas pour ecla, ange en sens contraire, cette bienveillance dtu temps : {que mon Ame soit frappée ‘ici de-la par les pertes, le deuil, par des assauts variés, qu‘aucune heure absolumont ne soit sans quelque sujet-de-plainte : Je ne me dirai pas pour-ccla talheureux {reuses, au milieu des choses les plus raalheu- % DE VITA BEATA. aliquem exsecrabor diem; provisum est euna a me, ne quis mili ater dies esset. Quid ergo est? malo gaudia temperare quam dolores compescere. Hoe tihi ille Socrates dicet : « Fa me victorem universarum gentium; delicatus ille Liberi cue- rus triumphantem usque ad Thebas a solis ortu vehat; jura veges Persarum petant : me hominem esse tum maxime.c gilabo, quam deus undique consalutabor. Huic tam subliini fastigio conjunge protinus precipitem mutationem : ia alie- num Imponar ferculam, exornaturus victoris superhi ac feri pompam : non bumilior sub alieno curru agar, quam in meo steteram. » Quid ergo est? vincere tamen, quam capi malo. Totumn fortune reguum despiciam : sed ex illo, si dabitur jo, meliora sumam. Quidquid ad me venerit, honum sed malo faciliora ac jucundiora veniant, et minus vexa- tura tractantem. Non est’ enim quod ullam’existimes esse sine labore virtutem, sed quaedam viriutes stimulis, qusdam maudirai aueun de mes jours ; j'ai pourvu @ ce qu'il n’y er 1 point de néfaste pour moi, Que vous dirai-je pourtant que jaimerais mieux avoir 4 tempérer mes joies qu’i mat wiser mes douleurs. Voiei ce que vous dira le grand Socrate. « Faites-moi vainqueur de toutes Jes nations; que Je volup- « tueux char de Bacchus me proméne triomphant jusqu’ + Thebes depuis les lieux ott nait le jour; que les rois perses € me demandent mes lois, je ne me souviendrai jamais « mieux que je suis homme qu’t ce moment oi toules lee t é ‘ voix me salueront diea, De ce faite de gloire, précipiter- moi par un brusque retour sur le brancard ennemi pour orner la pompe d'un triomphateur cruel et superbe :on ne 4 me trainera pas plus humilié sous son char que quand « jétais debout sur le mien. » Que vous dirai-je pourtant? Jaimerais mieux étre vainquear que captif. Tout le domaine tle la fortune, je le dédaignerai; mais de ce domaine, si on ‘ne donne le choix, je prendrai ce qu’il a de plus doux. Tou’ co qui m’adviendra se transformera en bien; mais je pré(ére des éléments plus faciles, plus agréables, moins rudes 4 itietire en @uvre, Car ne croyex pas qu’aucane vertu soir temple de travail seulement Jes unes ont besoin d’aiguil- DE LA VIE REUREUSE. 95 non exsecrabor ideo ‘liquem diem, Provisuin est ne quis dies esset ater mihi. Quid est ergo? Malo temperare gaudia yuam compescere dolores, le Socrates Jtibi diect hoe : ‘« Fac me victorom - pentium universarum; iile eurrus delicatus Libori ‘me vehat triumphantem ab ortu solis usque ad Thebas; reges Perseram petant jura : Cogitabo me esse hominein tum maxime quum undique consalutabor deus. Conjunge protinus hale fastig tam sublim mutationem preeipitem : imponar in ferculum alienum, exornaturas pompam vietoris superbi ac feri : non agar bumilior sub curra alieno quam steteram in meo, » Quid est ergo? Malo tamen vincere quam eapi, Despiciam totum tegnum fortunse sed ex illo, si eleetio dabitur, surnam meliora.. uidquid venerit ad me let bonum sed_malo faciliora ac jueundioca et Yexaturaminus tractantem, veniant, Non est enin quod existimes wham virlutem ‘esse sine labore, sed quaedam virlutes egent stimulis, nim a me fe ne maudirai pas pour-oe-motil fuelque jar. . Ma &té pourra on effet par moi pour qu’aueun jour he ft sombre pour moi ‘est-ce dune? Faime-micux (empérer des joics jue comprimer des douleurs « Fais-moi vainqueur des peuples tous-ensemble ; que ce char voluptueux de Baschus me proméne triomphant da evant du soleil jusqu’a Thebes ‘que Jes rois des Perses me demandent des lois : ie songerai que je suis homme alors surtout que de-partout je serai salué dieu joins sans-interruption a ce sommet si élevé tun changement brusque : quo je sois placé sur le brancard d'sautrui, devant omer le eortdge in Yainqueur superbe ct farouche je ne serai pas poussé plus hhuntble sous le char d'-autrai que Jen’étais debout sur lv mien,» Qu’est-ce done? ‘Faime-mieux pourtant dire-vainquour ‘que tre pris de dédaignerai tout empire de la fortune = mais de cot empire-ld si lo choix me sera danné, je prendrai le meilleur, ‘Tout ¢¢ qui sera arrivé vers moi, sera rendu un bien Itacites mais je préftre que des choses plus et plus agréables eft devant tourmenter moins ‘moi les maniant, m'arcivent. IL west pas en effet de motif pour que tu croies qu’aucune vertu soit sans travail, mais eertaines vertus ont besoin d'aiguillons, 6 DE VITA BEATA. frwnis egent. Quemadmodum corpus in proclivi retineri de- bet, adversus ardua impell, ita quedam virtutes in proclivi sunt, quedam elivum subeunt. An dubium sit quin escendat, nitatur, obluctetur pationtia, fortitndo, perseverantia, et ‘quiecunque alia duris opposita virtus est, et fortunam subi- git? Quid ergo? non seque manifestum est per devexuan i liberalitatem, temperantiam, mansuetudinem? In his conti- uemus animum, ne prolabatur : in iflis exhortamur, incit musque. Acerrimas ergo paupertati_adhibebimus illus, quae impugnate fiunt fortiores : divitis illas diligentiores, que suspensum gradum ponunt, et pondus suum sustinent. XXVI. Quum hoc ita divisum sit, malo has in usu mibi esse, qui exercendé tranquillius sunt, quam eas, quarum experimentum sanguis et sudor est. Ergo non aliter, inquit sapieus, vivo quam loquor, sed vos aliter auditis. Sonus tantumn- raodo verhoruin ad aures vestras pervenit ; quid significet, non on, comme les autres de frein, De méme que sur une des cente il faut au corps une force qui fe retienne, et, pour monter, une impulsion; ainsi certaines vertus suivent un plan ineling, d'autres gravissent laboricusement, Doutez-vous quil y ait ascension, effort, lutte opinittre daus la patience, le courage, la persévérance, dans toute vertu qui fait face aux dures épreuves de Ia vie et qui dompte le sort? Bt, autre part, v’est-il pas manifeste que ta likéralité, 1a mo- ration, la mansuétade, ne font qualler sur une pente? Li nous tenons noire Ame qui pourrait glisser trop avant : ailleurs nous Pexhortons, nous la stimulons. Ainsi nows em- ploicrons en présence de la pauvreté les plus énorgiques vertus, celles chez qui les attaques augmentont le courage : et nous réserverons a la richesse les plus soigneuses, qui vontd’un pas circonspect et savent tenir leur équilibre. XXVI. Cette distinction ainsi faite, je préférerai pour mon usage celles dont Pexercice est plus paisible a celles dont Ves- sai veut du sang et des sueurs. ¢ Ce n’est done pas moi, dira «le sage, qui vis autrement que je ne parle; c'est vous qui « entendez autrement. Le son des paroles frappe seul votre © oreille; leur sens, vous ne le cherchez pas. > « Quelle est Dé LA VIE HEUREUSE. 7 quiedam fens, cortaines de freins. Quemadmodum corpus De-méme-que le corps Ipente debet retineri in proclivi, doit étre retenu sur un endroit en- iiupel adversus ardua,” &ire poussé contre ceur qui-montent, itaquedam virtutes de méme eertaines vertus, siint in proel sont sur une pente, quedam subeunt clivum —cerlaines gravissent une cdte. An sit dubium Est-eo-qu'il serait douteux gain patientia, gue Ia patience, fortitudo, perseverantia —_le courage, Ia persévérance et quecumque alia virtus et toute autre vertu qui est opposita duris est opposée aux éprouves of subigit fortunam, et dompte Ia fortune, escendat, nitatur, he monte, ne s'efforee, obluctetur? ne lut{e-contre ? ‘Quid ergo? ‘Quoi done? Non est eque manifestum N'estil pas également évident liboralitatera, que Ta libéralité, temperantiam, Ia tempéranee, ‘mansuetudinem Ja mansuétude iro per devexum? vont le long-d'ane pente? Jn hiscontinemus animum, Dans eelles-cinous cuntenonsnotreame noe prolabatur : pour qu’elle ne tombe pas-en-avant n illis, exhortamur, dans celle-IA nous Pexhortons, incitamusque. ft nous fa stimulons. Ergo’ adhibebimus Done nous appliquerons mupertali & la pauvre las averrimas, ees vertus tres énergiques, que impugoateo qui attaquées fiunt fortiores deviennent plus courageuses : divitis: Mas aux richesses ces auires vertus diligentiores plus soigneuses ‘qu® ponunt qui posent gradum suspensum, tun pied suspendu (qui n'a as) EC settocnt” suum pondus et goutennent leur poids {equiibre XXVE Quum hoe sit XXVI-Puisque cela est dlivisum ita distingué ainsi, has que sunt exercenda es vertus qui sont d-exeroer Io esse mihiin usu ffaime-micux éire A mor en usage tranquillius, plus paisiblement, quam ens jue celles quarum experimentum dont ’épreuve est sanguls et sudor, est du sang ct de la sueur. Ergo, inquit sapiens, Done, dit le sage, non vivo liter je ne vis pas autrement quam loquor, que je ne parle, sed vosauditisaliter. mais vous ‘entendex autrement, Sonus verborum Le son des mots tantummodo seulement pervenit ad veslas aures; arrive a vos oreilles OE LA VIE HEUREUSE. 98 DE VITA BEATA. quaritis. « Quid ergo inter me stultum, et te sapiemem in- terest, si wlerque habere volumus? » Plurizeumn. Divitize enim apad sapientem virum in servitute sunt, apud stultum im imperio; sapiens divitiis nihil permittit, vohis divitice omnia, Vos, tanquam aliquis vobis mternam possessionem earum promiserit, assuescitis illis, et cohweretis : sapiens tune maxime paupertatem meditatur, quam in mediis divitiis constitit, Nunquam imperator ita paci credit, ut non se prie= paret hello, quod, etiamsi non geritur, indictuin est. Vos do- inus formosa, tanquam nec ardere nee ruere possit, inso- lentes vos opes, tanquam periculum omne transcenderint, inajoresque sint quia quibus consumendis satis virium ha- beat fortuna, obstupefaciunt! Otiosi divitiis luditis, nee providetis illaram periculum : sicut barbari pleruinque in- clusi, et ignari machinarum, segnes Jaborem obsidentium spectant, nec quo illa pertineant, que ex longinquo struuu « done Ja différence entre moi, ie foa, et vous, le sage, si € vous comme moi nous voulons posséder? » Elle est ués grande. Chez le sage, Ia richesse est esclave; chez I’insensé, elle est souveraine; le sage n’attribue aucun droit sur lui méme aus richesses, et yous, c'est d'elles que vous tenez tout. Vous, comme si l'on vous en edt garanti I’éternelle possession, vous vous y alfectionnez, vous faites corps avec elles : le sage, au contraire, ne pense jaciais tant & ia pau- vreté que quand il nage dans Vopylence. Comme un pon général, il ne croit jamais tellement & 1a px quill ne se pré pare & une guerre qui, alors méme que 12s hostilités ne sont pas engagées, est pourtent déclarée. Vous étes fiers d'une maison magnifique, commé si elle ne pouvait ni prendre feu ni s%écroulers vos yeux séblouissent d'une fortune inaccou- tunée, comme si elle avait francii tout éeueil, désormai asser colossale pour que toutes les attaques du sort sotent impuissantes a la ruinzr. Vous jouez indolemment avee tes richesses, vous n’en prévoyez pas le péril; ainsi a’ordingire Jos barbares qu’on assiége ne connaissant pas nos machines, regardent les travanx des assailants sans bouger et ne vom- DE LA VIE HEUREUSE. fon queritis, quid signiticet, « Quid ergo interest inter me stultum eb te sapientom, stuterque volumushabere?s Plurimum, Divitiee enim sunt in servitute pid sapientem, apud stuitum in imperio. Sapiens permittit nitil divitiis; ‘vobis divititeomnia. Vos illis assuescit et colverctis, ‘tanquam aliquis, vobis promiserit possessionem gelernam ‘earum sapiens meditatur /paupertatem, tum maxime quam constitit in mediis divitis. Nunquam imperator ‘eredit ita paci ut non se preeparet bello, quod, etiamsi non geritur, est indietum, Formosa domus, tanquam possit nee ardere, nee ruere, 08; opes insolentes, tanquam transcenderint ‘omne periculum sinique majores quam ut fortuna abeat satis virium eis consumendis, ‘vos obstupefaciunt! Otiosi tuditis divitis, nee providetis : periculum illarum : sicut plerumque barb: inclusi, et ignari machinarum spectant seogues lahorem obsidentiam, ‘vous ne chercher pas ce qu'il signific. « Quoi done differe enire moi insensé et toi sage, sil'un-et-’autre nous voulonsposséder?s Beaucoup. Les richesses, en effet, sont en esclavage cher Je sage; chez Yinsensé, elles sont au pouvoi Le sage ne permet rien aux richesses, @ vous les richesses permettent tout Vous, vous vous y habituez et vous vous y atiachez, comme-si quelqu’un ‘ous avait promt Ta possession éternelte delles le sage médite sur la pauyreté, alors surtout qu'il se-tient au milieu des richesses Jamais un général ne croit tellement a Ia paix ne se prépare & une guerre Gui. quoiqu'elle ne so fasse pas, a 618 déclarée. Une belle maison, ‘comme-si elle ne’pouvait, ni brilor, ni s’6crouler, vous frappe de stupeur ? des richesses inaccoutumées, comme st elles avaient dépasaé tout danger et étaient trop grandes pour que la fortune eat assez de forces pour elles devant étre détruites, ‘Yous frappent-de-stupeur ! Oisits vous jouer avec tes richesses, et vous ne prévoyes pas To danger celles: comme dordinaire les barbares enfermés dans une place, et ignorant les machines ‘eontemplent indolents To travail des assidgeants, DE VITA BEATA. gunt. Idem vobis evenit : marcetis in vestrisrebus, nee cogitatis quot casus undique immineant, jam jamque pretiosa spolia laturi Sapienti quisquis abstulerit divitias, oinnia illi sua relinquet : vivit enim praesentibus letus, fa- turi securus. ¢ Nihil magis, Socrates inquit, aut aliquis alius, cut idem jus adversus humana atque eadem potestes est, per- suasi mihi, quam ne ad opiniones vestras actum vito mes fleeterem. Solita conferte undique verba : non conviciari vos patabo, sed vagire velut infantes miserrimos. » Hae dicet ille, cui sapientia contigit; quem animus vitiorum immunis iucrepare alios, non quia odit, sed in remedium, jubet. Adji- ciot his illa : ¢ Existimatio me vestra non meo nomine, sed veslro movet, quia calamitatis est odisse, et lacessere_virt tem bong spei ejaratio est. Nullam mihi injuriam facitis; sivut ne diis quidem hi qui aras evertunt : sed sralum pro- prennent pas i quoi tendent ces ouvrages qui <’élévent si Join deux. La méme chose 70vs arrive : engourdis au milieu de votre avoir, vous ne songes pas combien d'accidents de toutes parts vous menacent, qui tout 4 l'heure vous raviront cos précieuses dépouilles. Otex au sage les richasses, tous ses vrais biens lui resteront; car il. vit satisfait du présent, tranquille sur Pavenir. « Il nest rien, dita Soorate ou quik « conque pourra juger les choses humaines avec Ja méme « antorilé, il n'est rien que je me sois autant promis que de « ne pas plier & vos préjugés la conduite de ma vie. Ramas- « sea de tous cdtés contre moi vos propos ordinaires, je ne prendrai pas cela pour des injures, mais pour de misé- ‘« rables vagissements d’enfants. » Ainsi parlera homme en possession dela sagesse, I’homme auquel une Ame exempte de tout vice fait une Joi de gourmander les autres, non quiil les haisse, mais pour les guérir, Il ajoutera encore : ¢ Votre opi: inquiéte, non pour mon compte, mais pour le votre : «c'est un malheur que de hair et de hareeler la vertu, e’est « abjurer Vespoir de revenir au bien. Vous ne me faites, & « moi, aucun torts pas plus qu’aux dieux ceux qui renversent « leurs autels; mais J'intent ste, et le niowm VE LA Vik MEUREUSE. tot nec intolligunt ‘quo pertineant ila jue struuntur ex longinguo. Idem vobis evenit mareetis in vesttis rebus, ree engitatis quot casus immineant undique, Jaturi jam jamque pretiosa spolia, Quisquis abstuierit sapienti divitias, iil relinguet omnia saa * vivit onim Ttus praesentibus, securus futuri. « Persuasi mihi nihil inguit Socrates, aut aliquis alins ‘eui est idem jus fatque eadem potestas adversus humana, ‘magis quam no flecterem aid vestras opiniones actum mea vite. Conferte undique verba solita : pulabo ¥os non conviciart, sed vagire velut miserrimos infantes,» Ille cui sapientia contigit, quem animus immunis vitiorum jubet increpare alios, hon quia odit, sed in remedium, dicet have. ‘Adjiciet his illa : ‘© Vesira existimatio ime movet, non meo nominé, sed vestto, quia odisse est calamitatis, Ot fagessere virtutem est ejuratio bona spel. Facitis mihi avllam injuriam, sicut qui evertunt aras ne diis quidem : et ne comprennent pas ot tendent ees ouvrages qui s'élévent au loin. La m&me chose vous arrive = Yous vous flétrissez dans vos biens, et ne songes pas combien de hasirds ‘vous menacent de-toutes-parts, devant emporter d'un instant & autre vos précieuses dépouilles. ‘Quiconque aura enlevé au sage les richesses, tot lafssera tous ses biens propres . iviven-ef satisfait du présent, ingouciant de avenir. «Je ne me suis persuadé rien, ait Serate, ‘ou quelque autre auquel est le méme droit et le méme pouvoir ‘contre les choses humaines, plus que de ne pas plior vos opinions la conduite de ma vie. Ramasser de-tous-obtés 198 propos habituols, Je eroirai que vous nin Inais que vous vagissez comme de rés malheureux enfants. » Celui & qui la sagesse est éohue, quune ame exempte de vices invite & gourwandor les autres, non parce qu'il Les hail, mais pour leur guérison, dira cela, HV ajoutera a ces paroles celles-ci : « Votre appréciation tne touche nnon en rion nom, mais au yotre, parce-quhairla vertu, @estdumalieur, bt que perséenter la vert est V'abjuration du, bon espoir. Vous ne faites & moi aucun tort, [autels Ge méme-que ceux qui renversent les in'en font noveplus aus dieus* jez pas,

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