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Le texte argumentatif a pour but de soutenir une thèse (thèse proposée) et d'invalider la
thèse adverse (thèse rejetée). Dans l'un et l'autre cas, les thèses s'articulent autour d'un certain
nombre d'arguments, eux-mêmes soutenus par des exemples. Il vous faut avant tout
apprendre à distinguer la nature de l'argument (qui fait état d'une opinion) de celle de l'exemple
(qui présente un fait).
Constatant la solitude et la fermeture à l'autre propres aux grandes villes modernes, Michel
Tournier écrit :
"Nous vivons enfermés dans une cage de verre"(Le vent Paraclet, © Gallimard).
Voici une liste de propositions dont certaines sont des arguments, d'autres des exemples.
Les unes sont favorables à la thèse de Michel Tournier, les autres défavorables :
• Redonnez aux arguments les exemples qui les valideraient (réunissez les deux lettres
en commençant par l'argument : ainsi A/I). Rangez les couples ainsi obtenus dans le
tableau suivant :
CORRIGÉ
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A/I C/H
D/O G/P
F/L J/B
K/N M/E
• ceux qui sont fondés sur l'expérience : ils tirent alors leur validité du réel et persuadent
le récepteur par les éléments référentiels qu'il peut connaître et confirmer.
C'est le cas de l'argument d'autorité, qui s'appuie sur une citation, ou sur une opinion
dont on souligne la valeur communément admise. C'est le cas aussi de l'exemple
argumentatif, qui donne à l'exemple une portée générale.
Exemples :
- un argument d'autorité : La sédentarisation grandissante de l'humanité dans les villes
est, comme l'a montré Michel Tournier, un signe de la guerre ancestrale qu'elle a
toujours menée contre les nomades.
- un exemple argumentatif : Il suffit de regarder les cages bétonnées que sont devenus
les grands ensembles pour douter qu'ici s'installe vraiment une communication
chaleureuse.
• ceux qui sont fondés sur la logique : ils tirent leur validité de leur aspect rationnel et
convainquent le lecteur par l'adhésion intellectuelle.
C'est le cas de l'argument par déduction, qui tire une conséquence logique d'une cause
générale (l'argument par induction effectue la démarche inverse, remontant de la
manifestation concrète au principe général). C'est le cas aussi de l'argument par
analogie, qui, pour établir un phénomène, le rapproche d'un autre qui lui est apparenté.
Exemples :
- un argument par déduction : L'humanité s'est toujours épanouie dans la communauté
et, pour cela, les hommes ont recherché les concentrations urbaines, quitte à souffrir
de leur pléthore. Pourquoi aujourd'hui en serait-il autrement?
- un argument par analogie : Il est aussi vain de stigmatiser la ville moderne que de
regretter perpétuellement la disparition d'un prétendu âge d'or.
Vous trouverez ci-dessous une liste d'arguments. Distinguez les arguments fondés
sur l'expérience de ceux qui sont fondés sur la logique. Dans le tableau ainsi
constitué, rangez les types d'arguments que nous venons de présenter.
1. La limite à la liberté de l'individu est l'atteinte à la liberté d'autrui. Nul ne doit parler à
son voisin pendant un spectacle.
2. Il n'y a pas de bulles dans les fruits. Alors il n'y a pas de bulles dans Banga.
3. Au XVI° siècle, on n'a nullement douté que l'humanité fût en progrès, mais fort peu
de gens ont pris conscience que ce progrès se faisait en rétablissant l'esclavage et
que, par conséquent, un pas en avant ici peut se payer d'un recul ailleurs.
4. La nuit a certainement une influence très grande sur les peines morales, puisqu'elle
en a sur les peines physiques.
5. Le respect d'autrui est un devoir universel auquel ont souscrit tous les peuples.
6. Le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c'est une
suite de ce principe que plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est
funeste aux mœurs.
7. Il fallut que Colomb partît avec des fous pour découvrir l'Amérique, et voyez comme
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cette folie a pris corps et duré.
8. L'ère du multimédia est en train de réaliser, comme le prédisait McLuhan, un
véritable village planétaire.
CORRIGÉ
3
Alfred Biedermann. L'esprit romantique de la Complétez le résumé du texte ci-contre par
jeunesse actuelle. les mots de liaison (cases encadrées) ou les
(Le Romantisme européen, 1972). mots-clés (espaces blancs).
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trouvé une audience assez large ou d'avoir
su modifier leur temps. Le romantisme, lui,
s'est toujours imposé comme référence
réussite sociale, de rendement financier. Un certain auprès de tous les novateurs. Traînant
affairisme à l'américaine périclite sous nos yeux. Les autrefois des connotations péjoratives en
jeunes s'inquiètent du bénéfice moral, des satisfactions raison de son irréalisme, il est revendiqué
de l'esprit et du cœur que leur vaudront leur travail et aujourd'hui par la jeunesse qui y reconnaît,
leur effort. C'est dire que la considération de l'homme dans des formes nouvelles, son refus du
intérieur se trouve revalorisée et que l'esprit, qui tendait matérialisme et son souci des valeurs
à n'être plus que l'instrument d'une exploitation spirituelles. On reconnaît d'abord la volonté
technique du monde, redevient intéressant par lui-même, salubre sous ses allures excessives de ne
comme le vrai problème à résoudre, le vrai mystère à pas se laisser embrigader dans les valeurs
scruter. C'est là un autre symptôme de cette remontée figées des aînés. C'est aussi le souci de
des priorités romantiques en ce dernier tiers du xx° rétablir le contact détérioré par la technique
siècle. entre l'homme et la nature et cette tendance
ne fera que se confirmer. C'est enfin
l'affirmation du moi qui rejette les priorités
sociales, la rentabilité ou le carriérisme et
réaffirme la souveraineté de l'esprit sur la
matière.
EXERCICES :
Vous trouverez en cliquant ici trois exercices :
. deux textes privés de leurs mots de liaison; un exercice interactif pour le premier
puis pour le second vous permettra de les y replacer et de vérifier vos résultats.
. un texte de Maupassant dans le désordre qu'on vous demandera de reconstituer.
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Quel type de plan utiliseriez-vous pour répondre aux sujets suivants ? (reportez-vous à nos
pages sur la dissertation).
Denis Diderot :
Contribution à l'Histoire des deux Indes de l'abbé Raynal
(1780)
Sur l'esclavage
Hommes ou démons, qui que vous soyez, oserez-vous justifier les attentats contre ma
liberté naturelle par le droit du plus fort ? Quoi ! celui qui veut me rendre esclave n'est
point coupable ? Il use de ses droits ? Où sont-ils ces droits ? Qui leur a donné un
caractère assez sacré pour faire taire les miens ? Je tiens de la nature le droit de me
défendre ; elle ne t'a donc pas donné celui de m'attaquer. Si tu te crois autorisé à
m'opprimer, parce que tu es plus fort et plus adroit que moi, ne te plains donc pas quand
mon bras vigoureux ouvrira ton sein pour y chercher ton cœur ; ne te plains pas, lorsque,
dans tes entrailles déchirées, tu sentiras la mort que j'y aurai fait passer avec tes
aliments. Je suis plus fort ou plus adroit que toi ; sois à ton tour victime ; expie
maintenant le crime d'avoir été oppresseur.
Mais, dit-on, dans toutes les régions ou dans tous les siècles, l'esclavage s'est plus ou
moins généralement établi.
Je le veux : mais qu'importe ce que les autres peuples ont fait dans les autres âges ?
Est-ce aux usages du temps ou à sa conscience qu'il faut en appeler ? Est-ce l'intérêt,
l'aveuglement, la barbarie ou la raison et la justice qu'il faut écouter ? Si l'universalité
d'une pratique en prouvait l'innocence, l'apologie des usurpations, des conquêtes, de
toutes les sortes d'oppressions serait achevée.
Mais les anciens peuples se croyaient, dit-on, maîtres de la vie de leurs esclaves ; et
nous, devenus humains, nous ne disposons plus que de leur liberté, de leur travail.
Il est vrai. Tous les codes, sans exception, se sont armés pour la conservation de
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l'homme même qui languit dans la servitude. Ils ont voulu que son existence fût sous la
protection du magistrat, que les tribunaux seuls en pussent précipiter le terme. Mais cette loi,
la plus sacrée des institutions sociales, a-t-elle jamais eu quelque force ? L'Amérique n'est-elle
pas peuplée de colons atroces, qui usurpant insolemment les droits souverains, font expier
par le fer ou la flamme les infortunées victimes de leur avarice ? Je vous défie, vous, le
défenseur ou le panégyriste de notre humanité et de notre justice, je vous défie de me nommer
un des assassins, un seul qui ait porté sa tête sur un échafaud.
Supposons, je le veux bien, l'observation rigoureuse de ces règlements qui à votre gré
honorent si fort notre âge. L'esclave sera-t-il beaucoup moins à plaindre ? Eh quoi ! le maître
qui dispose de l'emploi de mes forces ne dispose-t-il pas de mes jours qui dépendent de
l'usage volontaire et modéré de mes facultés ? Qu'est-ce que l'existence pour celui qui n'en a
pas la propriété ? On dirait que les lois ne protègent l'esclave contre une mort prompte que
pour laisser à ma cruauté le droit de le faire mourir tous les jours. Dans la vérité, le droit
d'esclavage est celui de commettre toutes sortes de crimes.
Je hais, je fuis l'espèce humaine, composée de victimes et de bourreaux ; et si elle ne doit pas
devenir meilleure, puisse-t-elle s'anéantir !
Commencez par répondre aux questions relatives à la situation d'énonciation : qui parle ? à
qui ? Relevez précisément les indices qui renvoient aux deux personnes et commentez
l'efficacité de leur choix. Montrez que nous avons affaire à un dialogue. En quoi peut-on parler
de ton polémique ?
Examinez plus attentivement les mots de liaison à l'intérieur des deuxième et quatrième
paragraphes (nous les avons colorés pour plus de commodité). Vous observerez que la
conjonction "mais" est précédée de formules comme "je le veux" (c'est-à-dire "je veux bien,
admettons") ou "il est vrai", marquant la concession faite à l'adversaire (voyez la page
consacrée à ce type de raisonnement). Montrez que la même stratégie est présente, mais
implicitement, dans le dernier paragraphe. Pourquoi l'émetteur choisit-il d'accepter d'abord
l'argument adverse avant de le réfuter ?
Présentation Le texte est une critique de l'esclavage, adressée par un esclave à celui qui
générale l'opprime. Une situation de dialogue permet à celui-ci (négrier ou bourgeois
occidental qui profite du système) d'opposer plus brièvement ses
objections.
Thème, thèses Ce réquisitoire est bâti sur une réfutation des lois occidentales (le Code
noir , par exemple) par lesquelles les pays d'Europe ont souhaité donner
une légitimité à l'esclavage. L'orateur en montre l'hypocrisie et la cruauté.
L'introduction L'introduction prend aussitôt le ton de l'invective pour mettre en garde les
usagers de la violence contre le retour légitime de celle-ci à leurs dépens.
Le ton, violemment polémique, fait habilement glisser l'adresse au
récepteur du "vous au "tu", interlocuteur typique qui prendra
La première partie ponctuellement la parole, rendant manifeste le passage d'un argument à
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l'autre.
Son premier argument ("mais") prétend justifier l'esclavage par l'ancienneté
de la pratique. Après une rapide concession ("je le veux"), l'orateur établit
("mais"), à la suite d'une série de questions rhétoriques, que les coutumes
ne se légitiment pas par leur universalité mais par leur respect de la justice.
Une deuxième objection ("mais") prétend s'appuyer sur l'évolution des lois
La deuxième esclavagistes en faveur du respect de la vie humaine. Une nouvelle
partie concession ("il est vrai") donne plus de force encore à une réfutation
("mais") qui affirme l'impunité des meurtriers d'esclaves, prouvant
l'inapplication de ces lois.
Enfin, l'avant-dernier paragraphe, où cette tactique de
La troisième partie concession/réfutation reste implicite, établit en un dernier argument
l'inhumanité foncière d'une condition qui retire à l'esclave la jouissance de
sa propre vie, fût-elle préservée.
Une rapide conclusion, amorcée d'ailleurs par le paragraphe précédent qui
La conclusion annulait toute validité au "droit d'esclavage", donne parole entière au "je",
décidé à abhorrer une espèce humaine qui continue à reposer sur
semblable exploitation.
Commentaire sur Ce texte repose donc sur une stratégie efficace qui consiste à condamner
le type point par point, par la rigueur du raisonnement, une pratique qui prétendait
de schéma trouver des assises juridiques. Le plan dialectique trouve sa force dans la
situation du dialogue qui permet en de rapides concessions d'écouter
l'adversaire et de mieux prouver la cruauté et l'hypocrisie du discours qu'il
prétend légitimer.
Le résumé de texte reste à l'ordre du jour dans les Classes préparatoires, mais il a disparu de
l'épreuve écrite du baccalauréat et du référentiel des épreuves de BTS. Les compétences qu'il
met en œuvre restent cependant précieuses dans tout travail de compte rendu ou de synthèse
où l'on vous demande de "reformuler" tout ou partie d'un texte.
Nous vous proposons donc d'élaborer le résumé (disons : la reformulation) de trois textes.
Exercice 1
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• les exemples (s'ils ne sont pas trop développés ou s'il ne s'agit pas d'exemples
argumentatifs). Ici, l'allusion à l'Amérique du quatrième paragraphe peut ne pas être
reprise ;
• les redites : en dégageant la progression des arguments, vous repérerez mieux ceux
qui, dans chaque partie, se répètent sous une autre forme. Ici, les questions oratoires
soutiennent le plus souvent le même argument. Leur répétition est seulement
impressive : une seule à chaque fois suffira.
comment faire ?
• englober : les exemples importants, les images peuvent parfois se développer sur
plusieurs lignes. Les supprimer sans discernement serait dangereux. Mieux vaut les
réduire à une formulation plus dense. Ainsi, dans le texte de Diderot, les menaces
"ne te plains donc pas quand mon bras vigoureux ouvrira ton sein pour y chercher ton
cœur ; ne te plains pas, lorsque, dans tes entrailles déchirées, tu sentiras la mort que
j'y aurai fait passer avec tes aliments"
pourraient être simplement reformulées par les termes génériques de "fer" et de
"poison".
• nominaliser : une phrase complexe est toujours susceptible d'être trop longue et
lourde. Choisissez dès que possible la phrase simple, l'adjectif au lieu de la relative, le
nom au lieu du verbe.
• choisir des synonymes pertinents : c'est l'une des difficultés du résumé. Votre niveau
de vocabulaire fera toujours la différence. Mais il ne faut pas non plus pousser trop loin
cette recherche de synonymes : relever un champ lexical dominant peut donner
quelques indications et souffler quelques autres mots simples. Ici un champ lexical de
la justice est évident :
"droit, coupable, expier, justice, innocence, codes, magistrat, loi, tribunaux, échafaud,
règlements..."
autorisant que quelques-uns, les plus génériques, soient repris.
D'où vient le droit que vous vous êtes arrogé pour me tenir en esclavage ? Si tu uses de ta
force pour me réduire, alors ne t'étonne pas, par le fer ou le poison, de subir un jour la mienne.
Mais l'esclavage a toujours existé.
Peut-être, mais si l'on s'alignait sur les usages au lieu d'écouter sa raison, les pires horreurs
seraient justifiées.
Mais au moins ne disposons-nous plus de la vie de nos esclaves.
En effet, les lois interdisent désormais d'en disposer à qui n'en a pas reçu le droit. Mais où les
voyez-vous appliquées ? Et sauriez-vous, vous, l'humaniste, citer un seul exemple de colon
meurtrier qui ait été condamné ?
Et puis même si ces lois étaient appliquées, ne croyez-vous pas que la condition d'esclave
spolie de sa propre vie celui qui est dans les fers ?
Une humanité régie par de tels conflits n'a qu'à disparaître.
Exercice 2
Nous avons colorié différemment les unités de sens qu'a révélées la structure de ce texte :
progressivement, nous allons les traiter dans la perspective d'une reformulation.
Rien que la vérité ou toute la vérité ? Jean Lacouture, «Courrier de l'UNESCO», septembre 1990.
Le débat que le journaliste mène avec sa conscience est âpre, et multiple, d'autant plus que
son métier est plus flou, et doté de moins de règles, et pourvu d'une déontologie plus flottante
que beaucoup d'autres...
Les médecins connaissent certes, et depuis l'évolution des connaissances et des lois, de
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cruelles incertitudes - dont mille enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre
compte. Les avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs manipulations
biologiques ou leurs armes absolues, ni les utilisateurs militaires de ces engins. Mais enfin, les
uns et les autres ont leur serment d'Hippocrate, leur barreau, leurs conventions de Genève.
Les journalistes, rien.
Il n'est pas absurde (le comparer leur condition à celle d'un missile téléguidé qui ignorerait
aussi bien la nature de la mission que l'orientation du pilote et qui serait programmé de telle
façon qu'il ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents, ni en direction de
la mer, pour prévenir la pollution. A partir de ces données, le journaliste est un être libre et
responsable, auquel il ne reste qu'à faire pour le mieux en vue d'éclairer ses contemporains
sans pour autant faire exploser les mille soleils d'Hiroshima.
En apparence, l'objectif est clair, autant que le serment d'Hippocrate : dire la vérité, rien que
la vérité, toute la vérité, comme le témoin devant le tribunal. Mais à ce témoin, le président du
jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement perceptible, celle qu'il a pu
appréhender en un certain lieu, à une certaine heure, relativement à certaines personnes. Au
journaliste est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée.
En rentrant de déportation, Léon Blum, qui avait été longtemps journaliste, déclarait devant
ses camarades qu'il savait désormais que la règle d'or de ce métier n'était pas « de ne dire que
la vérité, ce qui est simple, mais de dire toute la vérité, ce qui est bien plus difficile ». Bien.
Mais qu'est-ce que « toute la vérité », dans la mesure d'ailleurs où il est possible de définir «
rien que la vérité » ? [...]
L'interrogation du journaliste ne porte pas seulement sur la part de vérité qui lui est
accessible, mais aussi sur les méthodes pour y parvenir, et sur la divulgation qui peut être
faite.
Le journalisme dit « d'investigation » est à l'ordre du jour. Il est entendu aujourd'hui que tous
les coups sont permis. Le traitement par deux grands journalistes du Washington Post de
l'affaire du Watergate a donné ses lettres de noblesse à un type d'enquête comparable à celle
que pratiquent la police et les services spéciaux à l'encontre des terroristes ou des trafiquants
de drogue.
S'insurger contre ce modèle, ou le mettre en question, ne peut être le fait que d'un ancien
combattant cacochyme, d'un reporter formé par les Petites sœurs des pauvres. L'idée que je
me suis faite de ce métier me détourne d'un certain type de procédures, de certaines
interpellations déguisées, et je suis de ceux qui pensent que le journalisme obéit à d'autres
règles que la police ou le contre-espionnage. Peut-être ai-je tort.
Mais c'est la pratique de la rétention de l'information qui défie le plus rudement la
conscience de l'informateur professionnel. Pour en avoir usé (et l'avoir reconnu...) à propos
des guerres d'Algérie et du Vietnam, pour avoir cru pouvoir tracer une frontière entre le
communicable et l'indicible, pour m'être érigé en gardien « d'intérêts supérieurs » à
l'information, ceux des causes tenues pour « justes », je me suis attiré de rudes remontrances.
Méritées, à coup sûr, surtout si elles émanaient de personnages n'ayant jamais pratiqué, à
d'autres usages, de manipulations systématiques, et pudiquement dissimulées.
La loi est claire: « rien que la vérité, toute la vérité », mais il faut la compléter par la devise
que le New York Times arbore en manchette : « All the news that's fit to print », toutes les
nouvelles dignes d'être imprimées. Ce qui exclut les indignes – c'est-à-dire toute une espèce
de journalisme et, dans le plus noble, ce dont la divulgation porte indûment atteinte à la vie ou
l'honorabilité de personnes humaines dont l'indignité n'a pas été établie.
Connaissant ces règles, le journaliste constatera que son problème majeur n'a pas trait à
l'acquisition mais à la diffusion de sa part de vérité, dans ce rapport à établir entre ce qu'il
ingurgite de la meilleure foi du monde, où abondent les scories et les faux-semblants, et ce
qu'il régurgite. La frontière, entre les deux, est insaisissable, et mouvante. Le filtre, de ceci à
cela, est sa conscience, seule.
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d'autres professions libérales, aucune instance
juridique ne lui indique la conduite à observer.
[quels mots du texte ont permis d'écrire :
professions libérales ? aucune instance
trouver d'autres formulations pour :
juridique ? conduite à observer ?]
- débat, conscience, âpre, multiple
- médecins, avocats, chercheurs
- règles, déontologie, serment, barreau, Cette liberté exige du journaliste qu'il rende
conventions. compte de la vérité, mais d'une vérité multiforme
qui ne soit pas uniquement la sienne, comme dans
le cas d'un simple témoignage.
« une vérité plus ample, complexe,
[quels mots du texte ont permis d'écrire :
démultipliée »
pas uniquement la sienne ? multiforme ?]
trouver une autre formulation pour :
- plus ample, complexe, démultipliée.
quel rôle joue ce paragraphe ? à combien Le problème concerne aussi les méthodes pour y
de parties s'attend-on ? parvenir et l'étendue du devoir d'informer.
quels en seront les sujets ?
On pratique aujourd'hui un journalisme policier où
on ne recule devant aucun moyen. Au risque de me
« le journalisme dit « d'investigation » tromper ou de paraître démodé, je persiste à
trouver d'autres formulations pour : refuser ces pratiques.
- enquête, police, services spéciaux, [quels mots du texte ont permis d'écrire :
interpellations, procédures. journalisme policier ? de paraître démodé ?]
pourquoi faut-il conserver le "je"?
Mais c'est le refus délibéré d'informer qui pose le
« la rétention de l'information » plus redoutable problème. J'ai dû moi-même y
trouver une autre formulation pour : consentir autrefois au nom de la raison d'État, et je
- intérêts supérieurs, causes justes. me suis exposé à des reproches légitimes.
[quels mots du texte ont permis d'écrire : raison
d'État ?]
« les nouvelles dignes d'être imprimées »
trouver d'autres formulations pour :
- indignes, indûment Il importe alors de respecter la vérité, mais sans
- diffusion, ingurgite/régurgite, filtre. tomber dans l'indignité de l'atteinte injuste aux vies
privées. Fort de ces règles., le journaliste devra
comprendre que sa conscience est le seul juge
capable de démêler ce qu'il a cru sincèrement de ce
qu'il doit communiquer au public.
[qu'est-ce qui autorise l'adjectif "injuste" ?
qu'est-ce qui justifie le verbe "démêler" ?]
Exercice 3
11
L'avenir de nos relations sociales est inscrit dans le Il paraît légitime de se demander
développement accéléré des techniques de communication quelles seront sur le plan de la
qui marient de plus en plus le téléphone, l'écran et
l'ordinateur. Comme l'apparition du téléphone et de la T.S.F., les de
il y a un siècle, cette évolution va changer non seulement la l'évolution rapide des techniques.
forme des relations entre les hommes, mais aussi leurs
fondements. [...] Il est naturel qu'à l'aube de cette nouvelle Les ont prodigieusement
révolution, chacun s'inquiète et s'interroge sur ses resserré le tissu des relations humaines
conséquences à l'échelle humaine. en transportant des qui,
La communication, étymologiquement, c'est la mise en
commun, la mise en relation des hommes ou des devenues , concernent
collectivités. La route, la poste, le chemin de fer, le chacun d'entre nous.
télégraphe ont développé des solidarités nouvelles. La radio, On ne saurait s'en plaindre, mais le
le cinéma, la télévision ont élargi le champ culturel de cette
communication démultipliée, jusqu'à tisser un réseau de de cette transmission reste
relations sociales aussi serré que le système nerveux dans le
corps humain. l' , qui, par nature,
En raccourcissant les distances, en accélérant les contacts, de la réalité.
en multipliant les sources d'information (locales, étrangères), Les images n'informent que selon le
les nouvelles formes de communication ont pour premier
effet de rapprocher les hommes. Nul ne peut ignorer degré de dont chacun
aujourd'hui un tremblement de terre en Turquie, une dispose et l'aptitude à repérer leur
révolution en Pologne, une menace nucléaire sur l'Europe.
Nul ne peut rester à l'écart de la montée de la faim dans le . Faute de cela, les images
monde, des nouvelles formes de pauvreté en France, des semblent toutes chargées de la même
risques écologiques qui pèsent sur nos sociétés. Qui peut
qu'use aussi leur
contester que cela soit un progrès ?
Ce qui modifie ces données, c'est la généralisation de .
l'écran, symbole de cet avenir impalpable. Tous les moyens Ce risque d'ingurgiter des informations
de transmission à venir (les ondes hertziennes, relayées au sol
ou provenant de l'espace, ou la fibre optique, véhiculant des est à nos portes.
textes ou des images) aboutiront à des postes de télévision, à Qu'adviendra-t-il demain de la véritable
des consoles, à des cadrans portatifs, à des murs d'images - à relation humaine, alors que chacun
des écrans. Or, l'étymologie, là aussi, tient lieu de révélateur :
un écran, à l'origine, est un objet qui dissimule ou qui pourra accomplir ses sans
protège.
jamais se ?
L'image elle-même, si elle frappe l'esprit, si elle stimule
l'imaginaire, reste une abstraction. Installez un chien devant L' accompagne de plus en
la télévision, l'image d'un autre chien le laissera de glace.
L'image informe, comme un texte, mais c'est le cerveau du plus cette du contact. Il
téléspectateur qui fonctionne, qui lui donne son sens, par convient donc d'examiner la situation,
rapport à sa propre connaissance du monde. Et c'est encore sa
propre expérience, son acquis personnel, qui lui font sans exagéré. L'homme de
reconnaître le vrai du faux, la réalité de la fiction : sans cette demain saura bien renouveler les formes
expérience préalable, l'homme ne « voit » pas de différence d'une communication si on
entre un reportage sur la guerre Irak-Iran et un western sur la veille à fortifier en lui l'intérêt pour
conquête de l'Ouest, qui ont la même force émotionnelle.
Laquelle, au rythme de la prolifération des images, va en se .
banalisant.
Le danger se situe dans la réduction de l'expérience propre à
chaque individu clé de sa perception humaine » des images
Placez dans ce résumé chacun des termes
qui prolifèrent. L'individu qui se contenterait de ces données proposés ci-dessous :
abstraites ressemblerait peu à peu au chien de tout à l'heure, régression - tâches - culture -
absorbant passivement des informations désincarnées. prolifération - déshumanisées -
Or ce risque point à l'horizon. Demain, l'on pourra remplir informations - médias - autrui -
la majorité des activités quotidiennes sans avoir besoin de se
déplacer : démarches administratives, achats, remise de
répercussions - émotion - planétaires -
documents professionnels, alarme, information générale ou communication - déplacer - vecteur -
locale; les négociations syndicales, les réunions de conseils authentique - écran - égocentrisme -
12
distancie - pessimisme - mensonge.
CORRECTION
13