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Université du Maine

Faculté des Lettres, langues et Sciences Humaines

Les TICE à l’Alliance française de Lima (Pérou)


une étude des obstacles à l'intégration des nouvelles technologies
chez les professeurs de FLE.

par Brahim AZAOUI

Travail présenté pour le Master 2 Professionnel


« Didactique des langues et environnement informatique »

Sous la direction de Monsieur le Professeur Jean-François BOURDET

2008-2010
Remerciements

Je tiens à remercier l’Alliance française de Lima de m’avoir ouvert ses


portes et facilité la communication avec ses enseignants tout au long de cette
recherche. Je souhaiterais tout en particulier remercier, les enseignants, Mlle Miné
et Mme Bleuse pour leur disponibilité et nos échanges très intéressants.

J’exprime également toute ma gratitude à M. Bourdet pour avoir suivi ce


projet, pour ses encouragements et ses conseils.

Enfin, je souhaiterais remercier toutes celles et ceux qui ont cru en moi,
qui m’ont aidé, soutenu et supporté ici ou par-delà les mers tout au long de ce
travail.

2
SOMMAIRE

Pages
Liste des symboles et abréviations 6

Table des illustrations 7

Introduction 8-10

I- Cadre conceptuel et théorique 11-47


I.1. TICE 12-28
I.1.1 Approche sociologique de la notion d’usage 12-14

I.1.2 Brève chronologie de l’introduction des outils 14-17


informatiques dans la société et à l’école en particulier

I.1.3 Que sont les TICE ? 18-21


I.1.3.1 Approche technique/objective 18-20
I.1.3.2 Approche symbolique 20-21

I.1.4 Regards croisés sur l’intégration et l’intérêt des TIC 21-28


dans l’enseignement
I.1.4.1 Obstacles à l’intégration des TICE 21-24
I.1.4.2 Motivations à l’intégration des TICE 24-28

I.1.5 Les TICE au Pérou 28-31


I.1.5.1 Présentation générale 28-29
I.1.5.2 Le plan Huascarán 29-31

I.2. Les représentations sociales et les attitudes 32-36


I.2.1 Définition et fonctions des représentations sociales 32-33

I.2.2 Structure des représentations sociales 33

I.2.3 Recueillir les représentations sociales 34

I.2.4 Les attitudes 34-36

3
I.3. Un cadre théorique de référence : la théorie de la diffusion 37-40
de l’innovation

I.3.1 Pourquoi cette théorie dans le cadre de notre étude ? 37

I.3.2 Qu’est-ce que cette théorie ? 37-40


I.3.2.1 Définition 37-39
I.3.2.2 Une théorie critiquée mais fondamentale 39-40

I.4. Question et hypothèses de l’étude 41-46

I.4.1 Question de recherche 41

I.4.2 Hypothèses de recherche 41-46

En résumé... 47

II- Méthodologie et mise en œuvre 48-71


II.1. Le terrain 49-53
II.1.1 L’Alliance française de Lima 49-51
II.1.1.1 L’AFL et les enseignants 49-50
II.1.1.2 Les TICE à l’AFL 50-51

II.1.2 LaFabrik 52-53

II.2. Le protocole de recherche 54-56


II.2.1 Le calendrier 54

II.2.2 Constitution des échantillons 55-56


II.2.2.1 Pour les entretiens 55
II.2.2.2 Pour les questionnaires 55-56

II.2.3 Instruments de collecte et d’analyse 56-66


II.2.3.1 Les instruments de collecte des données 57
II.2.3.1.a Questionnaires 57-63
II.2.3.1.b Les entretiens 63-65
II.2.3.1.c L’évocation hiérarchisée 65-66

II.2.3.2 Les instruments d’analyse des données 67-70


II.2.3.2.a Le logiciel Sphinx 67-68
II.2.3.2.b Le questionnement analytique 68-69
II.2.3.2.c L’analyse du discours 70

4
En résumé... 71

III. Résultats, analyses et examen prospectif 72-122


III.1. Résultats et analyses 73-117
III.1.1 Hypothèse 1 73-79

III.1.2 Hypothèse 2 79-91


III.1.2.1 Hypothèse 2a 79-81
III.1.2.2 Hypothèse 2b 81-83
III.1.2.3 Hypothèse 2c 83-91
III.1.2.4 Conclusion de l’hypothèse H2 91

III.1.3 Hypothèse 3 91-105


III.1.3.1 Hypothèse 3a 91-97
III.1.3.2 Hypothèse 3b 97-98
III.1.3.3 Hypothèse 3c 99-101
III.1.3.4 Hypothèse 3d 101-105
III.1.3.5 Conclusion de l’hypothèse H3 105

III.1.4 Hypothèse 4 106-117


III.1.4.1 Hypothèse 4a 106-109
III.1.4.2 Hypothèse 4b 109-112
III.1.4.3 Hypothèse 4c 112-113
III.1.4.4 Hypothèse 4d 114-117
III.1.4.5 Conclusion de l’hypothèse H4 117

III.2. Examen prospectif des moyens à mettre en œuvre 118-122


III.2.1 Moyens matériels 118-120
III.2.1.1 Les outils 118-119
III.2.1.2 Le temps 119-120

III.2.2 La formation 120-122

Conclusion 123-125

Références bibliographiques 126-134

Annexes 135-150

5
LISTE DES SYMBOLES ET ABREVIATIONS

Abréviations employées :

TMM : Tell me more (logiciel d’apprentissage de langues en ligne)

Conventions employées dans les transcriptions des corpus :

/ auto-interruption
// hétéro-interruption
( ?) segment incompréhensible
(conscience ?) transcription incertaine
↑ voix montante
: :: ::: pause plus ou moins longue
termes soulignés emphatisation
LETTRE MAJ. voix forte
en gras notre mise en relief de mot(s) ou passage(s)
B. nos initiales

6
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Fig. 1 : Vue synthétique des 4 grandes phases d’introduction et de p.16


développement des technologies – (Baron & Bruillard 1996 :20).

Fig. 2 : 5ème phase dans l’évolution des TICE ? p. 18

Fig. 3 : Les 7 « niveaux de préoccupation » (Barry Sweeny, 2003) p. 62

Fig. 4 : Tableau synthétique de l’évocation hiérarchisée (Abric p. 66


2007)

Fig. 5 : impression de l’ordinateur 1 p. 80

Fig. 6 : impression de l’ordinateur 2 p. 80

Fig. 7 : impression de l’ordinateur 3 p. 80

Fig. 8 : impression de l’ordinateur 4 p. 80

Fig. 9 : résultats évocation « ordinateur » p. 81

Fig. 10 : résultats évocation « informatique » p. 81

Fig. 11 : impression ordinateur (%) p. 82

Fig. 12 : impression ordinateur (contribution du Chi²) p. 82

Fig. 13 : intérêt pédagogique des TICE pour le professeur p. 83

Fig. 14 : intérêt d’une formation TICE p. 110

Fig.15 : gain déclaré à l’issue de la formation p. 112

Fig. 16 : usage des TICE chez les professeurs participant aux p. 114
ateliers

Fig. 17-18-19 : usages futurs des TICE à la suite de chaque atelier p. 115
(usages déclarés)

Fig. 20-21-22 : évolution des usages déclarés (par atelier) p. 116

Fig. 23 : bilan des usages des TICE suite à la formation (usages p. 117
déclarés)

7
INTRODUCTION

Depuis quelques années, les nouvelles technologies se sont développé de


façon exponentielle et cette progression s’est accompagnée de recherches visant à
analyser ce phénomène tant technologique, social que pédagogique.
Parmi ces analyses, une remarque, qui s’appliquait à la France des années 90,
nous semble d’actualité encore aujourd’hui :

« L’a-t-on assez dit, l’informatique permet à moindre coût de placer l’élève en


situation de faire ou de faire faire à la machine – d’hésiter, de se tromper, de
recommencer après réflexion, bref, d’être actif et créateur. Ce type de démarche
est trop rare dans le système éducatif 1».

En effet, que cela soit en France (Serge Pouts-Lajus, 2001) ou au Pérou, contexte
géographique de notre recherche, les technologies de l’information et de la
communication dans l’enseignement (TICE) n’ont pas encore réussi à s’imposer
dans le quotidien professionnel des enseignants.
En règle général pourtant, au Pérou comme en France ou en Amérique du
nord, nous pouvons affirmer qu’il y a certainement aujourd’hui plus d’ordinateurs
dans les écoles, notamment suite à certaines politiques éducatives (Georges-Louis
Baron et Eric Bruillard, 1996 : 54-55 ; Larry Cuban, 1993 : 2 ; Abraham Lama,
2001 ; Jean-François Desbiens, Jean-François Cardin et Daniel Martin, 2004 ;
Commission européenne, 2006). Toutefois, non seulement cela n’a pas donné tous
les fruits escomptés, mais en outre on se retrouve encore aujourd’hui à négocier
l’intégration de cet outil à l’intérieur des écoles et des instituts de langues.
« L’attente de Godot » dont parlaient Johnson et alii., en 1993, (dans Baron &
Bruillard, 1996 : 8) se poursuivrait-elle donc ?
La littérature scientifique mentionne divers paramètres à l’origine de cette
situation : manque de formation, absence ou obsolescence des outils
informatiques, résistances culturelles fondées sur des opinions et représentations...

1
Bulletin de l’EPI, n°76, décembre 1994, p.7, cité par Baron & Bruillard (1996 : 244)

8
A divers niveaux donc, l’intégration des TICE est encore fortement problématique.
D’ailleurs, même lorsque l’intégration se fait, nombreuses sont encore les
situations d’enseignement où les outils informatiques et numériques sont utilisés
dans le cadre d’un enseignement « traditionnel » (François Larose, Vincent
Grenon, Mary Pearson, Jean-François Morin et Yves Lenoir 2004 :63).
L’accompagnement pédagogique des enseignants semble être un point crucial à
prendre en considération dans la question des TICE.
Les recherches que nous avons décidé de mener au sein de l’alliance
française de Lima (dorénavant AFL), au Pérou, se situent à ce niveau d’analyse :
comprendre la disposition des enseignants vis-à-vis des technologies éducatives
présentes dans leur institution.
Dès décembre 2007, l’AFL avait mis en place un atelier de création de ressources
numériques pour encourager l’utilisation des TICE par les enseignants. Cet atelier,
LaFabrik, sur lequel nous reviendrons plus en détail ultérieurement, avait donc
pour objectif d’« élaborer une base de données [numériques] et la mutualiser
pour en favoriser l’utilisation » (entretien avec Pierre Rivron, août 2008).
De plus, et bien que de façon inégale, les différents centres de l’AFL sont dotés de
matériel informatique et mettent un service d’assistance technique à la disposition
des professeurs, et pourtant l’utilisation ne semblait pas suffisante, ou tout au
moins ne correspondait pas aux attentes du responsable de l’époque. Aussi, tout
portait à croire, comme le laissait entendre P. Rivron, ancien directeur général de
l’Alliance française de Paris au Pérou, que la réticence à l’usage des TICE, qui
existait chez la plupart des enseignants des alliances liméniennes relevait non pas
du domaine matériel, ni de l’accompagnement à l’utilisation des outils mis à
disposition, mais socio-psychologique. Dans quelle mesure ce constat était-il
pertinent ?
Lorsque nous comparons avec d’autres alliances du continent, nous nous
apercevons assez rapidement que, encore aujourd’hui, l’AFL est en retard sur le
plan de l’usage des nouvelles technologies. L’alliance de Bogota se penche,
depuis au moins 2 ans, sur des cours à distance ; celle de Buenos Aires propose
depuis quelques années déjà des cours à distance dans le domaine du FOS
tourisme. Cela n’est guère surprenant car nous savons que les TIC font partie

9
d’une stratégie politique de diffusion du français, dont les alliances sont un des
éléments clés (Jeannine Gerbault 2002).
Pourtant, à ce jour, l’AFL, bien qu’une des plus importantes du monde en termes
de nombre d’étudiants, a encore peu développé ses ressources TICE, alors que le
projet européen Socrates-Mailbox était catégorique sur la nécessité de « faire face
et de se familiariser » avec ces outils (Barchechath et alii., 1998 :67).
La recherche menée par Gerbault conduit au même constat sur l’inégalité quant à
l’expansion des TIC (Gerbault, 2002 :188), mais nous ne pouvons nous satisfaire
d’une telle conclusion sans en connaître les raisons. Pourquoi, malgré certains
efforts, les TICE à l’AFL connaissent-elles encore si peu d’engouement chez les
professeurs ? Quels obstacles freinent l’usage des TICE ? Comment les
surmonter ?
Du fait de la spécificité du cadre institutionnel de cette recherche, nous nous
situerons à la croisée de deux réflexions : pédagogique et de politique linguistique,
avec cependant un intérêt principal pour le volet enseignement. De plus, de part
l’éventail des obstacles possibles, nous opterons pour une perspective systémique
qui permet de considérer l’environnement professionnel dans son ensemble et
l’interdépendance de diverses variables (politique de l’institution, enseignant,
logiciels, matériel, apprenant, etc).

Nous considérerons ces questions dans notre étude et tenterons d’y


apporter des réponses, que des recherches ultérieures permettront certainement
d’affiner.
Pour ce faire, en premier lieu, nous nous proposons de définir le cadre conceptuel
et théorique de notre étude, ce qui nous conduira à poser nos hypothèses qui
s’articuleront autour des raisons freinant l’intégration des nouvelles technologies
chez les professeurs de l’AFL et des moyens de surmonter ces obstacles.
Ensuite, nous présenterons la méthodologie et la mise en œuvre qui ont entouré
notre étude.
Enfin, nous nous concentrerons sur les analyses et résultats de cette recherche,
ainsi que ses limites et perspectives.

10
Première partie :
Cadre conceptuel et théorique

11
Cette partie sera consacrée au « quoi » de cette recherche. Comme signalé
dans l’introduction, nous envisageons d’étudier les obstacles à l’usage des TICE
par les enseignants de l’AFL. Aussi nous faudra-t-il éclaircir quelques concepts
tels que « nouvelles technologies » et « usage » (1.1) et
« représentations/attitudes » (1.2) ; ces derniers sont des éléments clés de la
théorie de la diffusion de l’innovation (1.3) qui soutiendra notre recherche et que
nous développerons également dans cette partie, avant de nous penchez sur les
hypothèses de notre travail (1.4).

I.1 TICE

« L’histoire de l’informatique en France reste à faire et avec elle


l’histoire de l’informatique dans l’enseignement. » (Emilien Pélisset, dans
Jean-Pierre Archambault, 2005 : 42)

Bien que Pélisset puisse avoir raison, ce n’est pas le rôle que nous
prétendons endosser dans ces quelques lignes, mais il nous paraît important de
resituer brièvement les technologies de l’information et de la communication dans
un contexte plus large.
Par ailleurs, à la suite de Josiane Jouët (2000), nous pensons que « l’adoption des
TIC s’articule autour de techniques et de pratiques antérieures » et qu’il est donc
difficile d’envisager une histoire des outils technologiques sans aborder l’usage
qui en est fait. Aussi ferons-nous une brève incursion dans le domaine de la
sociologie de l’usage avant de nous pencher plus précisément sur les TICE.

I.1.1 Approche sociologique de la notion d’usage.

Selon Pierre Chambat (cité par Chaptal in Poyet 2009) ou Josiane Jouët
(2000 :7), l’usage est un construit social, aussi nous ne pouvons faire l’impasse
sur une partie concernant ce que l’on a coutume d’appeler aujourd’hui la
sociologie de l’usage.
Celle-ci s’est intéressée à la diffusion des informations et communication depuis
les années 70 (Massit-Folléa 2002 :2), mais c’est véritablement depuis les années

- 12 -
90 que l’on situe la sociologie des usages des TIC dans les entreprises 2 (Jouët
2000 :492).
Mais comment pourrions-nous définir l’usage sans nous perdre ? Comme
Françoise Poyet (2009), qui s’inspire de Baron et Bruillard (1996 :93), nous
pourrions proposer une définition par opposition, en distinguant l’usage de
l’utilisation. Mais nous considérons que cela est insuffisant dans la mesure où
nous ne pouvons nous contenter d’une définition fondée sur ce que le terme n’est
pas. Par ailleurs, pour ces derniers, le terme « utilisateur » a une « connotation
plus technique » que l’on ne retrouverait pas dans usager. Pourtant, dans sa
définition, Florence Millerand (1998) réconcilie aisément ces deux notions ainsi :
« l'usage renvoie à l'utilisation d'un média ou d'une technologie,
repérable et analysable à travers des pratiques et des représentations
spécifiques ».

Cela tendrait à nous montrer que ces deux termes peuvent être interchangeables et
que des différences se situent ailleurs.
L’une d’entre elles est liée au rôle de la personne derrière ces actes sociaux.
De nombreux auteurs nous invitent à reconnaître dans l’usage le rôle actif et
autonome de l’individu (Jouët 1993 :7, 2000 :495 ; Massit-Folléa 2002 :6 ; Serge
Proulx 2005 :3). Le consommateur n’est plus un être passif auquel il est possible
d’imposer de nouvelles technologies qu’il devra utiliser conformément au mode
d’emploi fourni.
Un autre auteur, Lacroix (1994, dans Millerand 1998), propose de relier
l’usage à la notion d’habitude et de récurrences. Ainsi, puisqu’il s’insère dans nos
habitus, nous pouvons prêter à l’usage une valeur culturelle ; il s’inscrit dans une
quotidienneté, ce que confirmera Jouët quelques années plus tard (2000 :494)
lorsqu’elle écrit qu’il n’existe pas d’usage sui generis, que celui-ci s’insère
véritablement dans des pratiques et des techniques « préexistantes ou déjà en voie
de constitution ».

2
L’alliance française n’est certes pas une entreprise au sens premier du terme. Toutefois, nous
considérons que son fonctionnement s’y apparente plus qu’à celui d’une association, qui est son
statut officiel.

- 13 -
C’est ainsi que le contexte socio-culturel des usages orientera tel usage de la
technologie ; il est donc à prendre en compte au même titre que les représentations
et les croyances que se font les usagers de l’outil et qui, en plus du potentiel
technique de l’utilisateur, influent grandement dans l’usage des artefacts3 (Baron
et Bruillard 1996 :94 ; Jouët 1993 :6, 2000 :494). A ce sujet, Jouët (2000 : 494)
distingue 4 phases dans la construction de l’usage : une phase d’adoption, de
découverte, d’apprentissage et de banalisation.
Nous souhaiterions terminer ce survol de la notion d’usage en signalant
que nous utiliserons le terme usage et non appropriation pour évoquer l’utilisation
des TICE. Proulx (2005 :4) nous encourage à cette distinction dans la mesure où il
évoque quatre conditions de réalisation de l’appropriation4, dont la plupart ne sont
pas confirmées par nos recherches. Par ailleurs, cela nous amènerait à prendre part
à un débat bien trop éloigné de notre sujet puisque nous serions amené à étudier le
degré d’implication de l’usager tant en terme subjectif que technique, la
constitution d’usages différenciés selon les groupes sociaux, etc. (Millerand
1999 ; Jouët 1993, 2000), ce qui n’est pas notre projet d’étude.
Au final, riche des leçons d’humilité avancées par Chambat (1994, dans
Jouët 2000 :7), nous n’aurons pas l’audace d’arrêter une définition. Nous
retiendrons néanmoins les éléments suivants afin de mieux cerner les dispositions
des enseignants face aux technologies. L’usage peut être défini par :
- son caractère culturel (de par son lien avec les habitudes et la
récurrence de la pratique) ;
- le rôle actif de l’utilisateur ;
- le rôle des représentations dans la relation à l’artefact.

3
Pour les mêmes raisons de neutralité développées par Pierre Rabardel (1995 :49), nous
préfèrerons utiliser le terme artefact plutôt qu’objet pour désigner les outils technologiques.
4
« a) maîtrise technique et cognitive de l’artefact ; b) intégration significative de l’objet technique
dans la pratique quotidienne de l’usager ; c) l’usage répété de cette technologie ouvre vers des
possibilités de création ;d) les usagers sont adéquatement représentés dans l’établissement de
politiques publiques et en même temps pris en compte dans les processus d’innovation. »

- 14 -
I.1.2 Brève chronologie de l’introduction des outils informatiques dans la
société et à l’école en particulier.

Comme le soutiennent Georges-Louis Baron et Eric Bruillard dans leur


ouvrage clé L’informatique et ses usagers, « [l]’intérêt pour les technologies dans
l’enseignement n’est pas nouveau. » (1996 :21).
Déjà au XIXème siècle avait eu lieu les premières expériences pédagogiques
d’usage de film éducatif. Depuis la seconde guerre mondiale s’est poursuivit cette
application de l’audiovisuel dans l’éducation, et c’est dans les années soixante que
ces auteurs datent l’introduction de l’informatique dans l’enseignement en France
et l’avènement des TICE sous la forme de l’enseignement assisté par ordinateur
(Jean-Pierre Cuq, 2003 :238). La France a connu une expansion de l’usage de
l’informatique dans les années 80, notamment sous l’impulsion du plan
« Informatique pour tous », lancé par le Premier ministre de l’époque, Laurent
Fabius. Les sources officielles indiquent que ce plan prévoyait que « tous les
établissements d'enseignement public dispos[ent] de l'outil informatique » ; le
budget annoncé était conséquent pour l’époque : 2 milliards de francs (Fabius,
1985).
Par ailleurs, il est assez singulier de noter que c’est dans la même période que
Larry Cuban (1993) situe le développement des ordinateurs dans les écoles
américaines.
Ce type de projet de grande envergure trouve un écho dans la politique éducative
péruvienne dans le cadre du Projet Huascaran, lancé en 2001 par le gouvernement
de Toledo. Nous y reviendrons par la suite (voir 1.1.5).
A chaque pays ou civilisation son rythme, mais nous pouvons dire, à la suite de
Baron & Bruillard (1996 :20) qu’en règle générale l’intégration de l’informatique
a connu quatre phases principales dans les quarante dernières années :

- 15 -
Figure 1 : Vue synthétique des 4 grandes phases d’introduction et de développement des
technologies

Source : Baron & Bruillard (1996 :20).

Avec l’émergence encore récente de technologies telles que les tableaux blancs
interactifs (TBI), nous nous demandons toutefois si une cinquième phase, au
moins, ne pourrait pas être proposée dans la mesure où nous assistons à des
modifications sur trois niveaux au minimum:
1- un retour du type d’action des années 1980-1989, ie. « Développements
impulsés par les niveaux national et départemental », pour ce qui est de
l’intégration des TICE, comme en témoigne depuis le 22 janvier 2009, le
« Programme d’action de Xavier Darcos pour 2009 » qui consacre un
chapitre à « L’éducation à l’ère du numérique », ou encore les déclarations,
en 2004, du Secrétaire d’Etat britannique à l’éducation, selon lesquelles
entre 2003 et 2004 cinquante millions de livres sterling (un peu plus de 55
millions d’euros) seront injectés par le gouvernement dans l’acquisition de
TBI (Ruth Wood & Jean Ashfield, 2008 :2).
2- en termes d’équipements, nous glissons du « regroupement autour du
standard PC » à un regroupement autour du TBI qui déplace le regard et
l’attention de l’étudiant non plus sur l’ordinateur de façon individuelle ou
par petits groupes, mais sur le tableau.

- 16 -
3- Epistémologique dans la mesure où le savoir se construit différemment.
L’ordinateur avait permis le travail individuel, en binôme ou en petit
groupe, ou au mieux en réseau. La construction du savoir se faisait donc
en groupe restreint et/ou à distance. A présent, avec le TBI, le groupe
classe étant tourné vers le TBI, le savoir se construit en commun, même
sur le plan physique. Il existe donc une dimension collaborative tout au
long de la construction du savoir : tous les élèves voient le savoir évoluer à
partir d’un même support par le truchement du TBI et le font évoluer
ensemble. Un support, plusieurs réflexions qui se complètent favorisent le
caractère social de l’apprentissage.
Par ailleurs, la fonction « mémoire » des TBI facilitée par la multiplication
des pages et la possibilité de rapidement faire appel à un document
antérieur favorise une redondance de l’information et le travail sur l’erreur
pour un meilleur apprentissage et redonne une continuité à la discontinuité
du temps de l’apprentissage scolaire5.

Cette cinquième phase, qui nous rappelle que l’histoire, dans divers domaines,
répond à une double logique cyclique et linéaire, ne prendrait pas seulement en
considération la progression technologique, mais également un volet politique,
pédagogique et épistémologique : intervention/rôle de l’Etat, gestion de la classe
et construction des savoir. De façon synthétique, la figure 2 suivante présente ce
que cela serait :

5
Les cours s’enchaînent mais ne se suivent pas : un élève peut avoir cours d’anglais le mardi,
mercredi et jeudi. Son apprentissage en classe est suspendu les autres jours. Il existe donc une
forme de discontinuité du temps de l’apprentissage scolaire.

- 17 -
Figure 2 : 5ème phase dans l’évolution des TICE ?
5ème phase ?
Caractéristiques
Niveaux concernés Tous niveaux
Types d’action Banalisation ;
développements
impulsés par les
niveaux
départemental,
national et
international6.
Orientations Outil informatique
Multimédia
Formation des Formations
enseignants initiales et
continues
Logiciels Logique du marché
Equipements Regroupement
autour du TBI
et/ou des
ordinateurs

L’histoire même de l’évolution des technologies dans notre société


s’accompagne nécessairement d’une « histoire », d’une évolution dans la façon de
percevoir, donc de définir ces outils.

I.1.3 Que sont les TICE ?

Souvent les artefacts, donc les TIC, sont perçus à travers une double
réalité : technique/objective (qu’est-ce que c’est ?) et symbolique (qu’est-ce que
cela représente pour l’usager ?). C’est ce que nous nous proposons d’aborder à
présent.

I.1.3.1 Approche technique/objective


Sur le plan technique, les nouvelles technologies de l’information et de la
communication sont pour Baron & Bruillard (1996 :86) comme un « ensemble
cohérent », composé « d’une part de l’audiovisuel et, d’autre part, de

6
Selon le TD diplomatique 41 373, les 3 principaux sièges des alliances françaises du Pérou
(Arequipa, Lima, Trujillo) ont reçu, au moins en 2009, une aide globale de 30 000 euros de
l’ambassade de France pour développer les TICE dans leurs structures, qui sont, rappelons-le des
associations de droit local.

- 18 -
l’informatique et de ses instruments (...) ». A la même époque, le rapport
Bracewell (1996 :2) proposait cette définition :
« ensemble de technologies parmi lesquelles figure habituellement
l'ordinateur et qui, lorsqu'elles sont combinées ou interconnectées, se
caractérisent par leur pouvoir de mémoriser, de traiter, de rendre
accessible (sur un écran ou un autre support) et de transmettre, en
principe en quelque lieu que ce soit, une quantité quasi illimitée et très
diversifiée de données. »

On notera que, hormis la référence à l’ordinateur, l’ « ensemble de technologies »


reste assez flou.
Sept ans plus tard, Jean-Pierre Cuq et alii. (2003 :238) écrit que les
TIC permettent « l’accès, de manière délocalisée, à une grande
quantité d’informations codées sous forme numérique, et la communication à
distance selon diverses modalités que ne permettaient pas les modalités
antérieures (...). ».
Nous pouvons souligner que dans la définition proposée par Cuq, les termes
« quasi illimitée » et « très diversifiée » ne sont pas incorporés, au profit d’un
terme plus relatif « grande quantité ». Plus intéressant encore : nous pouvons
relever l’intégration du mot « numérique », qui nous amène ipso facto à exclure
les supports analogiques que les définitions précédentes intégraient. Enfin, Cuq
permet de mettre en relief les deux grandes fonctions des TICE que sont
l’information et la communication.
Revenons quelques instants sur le terme « numérique » qui conduit
Françoise Paquienséguy (2006) à s’interroger sur la terminologie employée pour
désigner les TIC. Elle affirme que le temps des nouvelles technologies est dépassé
puisqu’elles faisaient référence « au minitel, au câble, et autres objets
technologiques analogiques développés dans les années 1980 ». S’appuyant sur
une définition des TIC de Josiane Jouët de 1992, elles montre que les TIC des
années 80 « utilis[aient] des technologies analogiques, même le vidéotex, ce qui
interdi[sait] toute interconnexion ou échange de données ; chaque NTIC [était]
dédiée à une fonction principale et /ou à un réseau spécifique (Transpac, le

- 19 -
câble…) » contrairement aux TICN(umériques) qui permettent, elles, la mise en
réseau ou la connexion à « un réseau large ou ouvert, ou, plus simplement, à un
autre appareil ».
Bien que cette position soit intéressante, nous conserverons l’acronyme TIC(E)
pour deux raisons assez simples :
• Les TIC intégrant « par définition » le numérique, nous considérons qu’il
y aurait redondance ;
• La définition proposée par Cuq est souvent la plus admise.

I.1.3.2 Approche symbolique


Les TICE peuvent également être abordées sur le plan symbolique. La
notion d’usage est alors centrale : en effet, il ne peut y avoir de rapport
symbolique à un objet sans son usage ; celui-ci est étroitement lié à ce que
Françoise Massit-Folléa (2002 :7) nomme « l’imaginaire techno-culturel ». Parler
d’imaginaire nous ramène de fait à des notions voisines telles que mythes ou
croyances, des éléments constituant les représentations. Au final, comme le
rappelle très justement Desbiens et alii. (2004 :10), à travers l’usage qui en est fait,
les TICE sont devenues des enjeux sur plusieurs niveaux : politiques,
économiques, pédagogiques, professionnels et sociaux.
A cela il conviendrait d’ajouter que la perception que nous avons des TICE
nous amène nécessairement à considérer le même artefact sous des angles
différents : machine ou outil/instrument.
Pierre Rabardel (1995) a largement et brillamment développé la problématique
terminologique concernant les artefacts dans son ouvrage Les hommes et les
technologies. Les technologies sont vues comme des instruments plutôt que
comme des machines qui, selon Vassilis Komis (1994 :82), ne prendrait en
considération que l’aspect purement matériel et physique de l’artefact, ce qui
correspondrait à une représentation élémentaire de ce dernier.

- 20 -
En contrepoint, le terme « instrument 7 » correspond à l’artefact en situation et
usage (Komis, 1994 ; Rabardel, 1995 ; Joseph Rézeau, 1999). Cette « approche
minimale » (Rabardel, 1995 : 49) de la notion d’instrument sera celle que nous
conserverons tout au long de cette étude puisque nous nous intéressons aux
obstacles à l’usage de cet artefact chez les professeurs de l’alliance française de
Lima.

Ainsi, après avoir mis au clair le concept de TICE et des ses usages, nous
pouvons à présent nous concentrer sur la question de leur intégration, processus
complexe s’il en est.

I.1.4 Regards croisés sur l’intégration et l’intérêt des TIC dans


l’enseignement.

Avant même d’aborder l’intérêt des TICE, il convient de faire un point sur
ce que nous entendons par « intégration des TICE » et sur les obstacles à cette
mise en place. Nous reprendrons la définition de François Mangenot (2000) pour
qui "l'intégration [des TICE], c'est quand l'outil informatique est mis avec
efficacité au service des apprentissages". Cet auteur poursuit en explicitant ce
qu’il entend par efficacité : « [l’]efficacité présuppose en fait qu’il y ait un gain à
un niveau ou à un autre », soit en termes de temps d’apprentissage, de réduction
de la taille des groupes, d’activité plus grande de chaque apprenant,
d’appropriation meilleure et de motivation.

I.1.4.1 Obstacles à l’intégration des TICE


Les obstacles à l’intégration réussie des TICE sont nombreux : nous ne
viserons donc pas l’exhaustivité.
Un des obstacles élémentaires à cette intégration est de toute évidence
l’absence, l’insuffisance ou l’obsolescence des outils. En outre, l’importance du
ratio élève/ordinateur a souvent été soulignée, ne serait-ce que par Baron &
Bruillard (1996 :123).

7
Nous ne distinguerons pas « instrument » du terme « outil » dans la mesure où tous deux
considèrent l’artefact en usage.

- 21 -
A cet élément strictement matériel peut être ajouté un autre obstacle
relevant également des conditions sine qua non à l’intégration des TICE : le
facteur temps. En effet, la prise en main de l’outil, les recherches de supports et de
création d’activités, la conception de scénarios pédagogiques, etc. sont des
démarches chronophages, ce qui freine souvent les professeurs dans leur usage
des TICE en cours (Desbiens et alii. 2004 :16).
Par ailleurs, diverses sources nous rappellent que l’obstacle majeur à cette
intégration est l’absence de formation à l’utilisation des TIC tant des élèves et des
enseignants (Baron & Bruillard, 1996, 2000 ; Bracewell, 1996 ; Thierry Karsenti,
François Larose et Lorraine Savoie-Zajc, 2001 ; Desbiens et alii., 2004 ; Francis
Bangou, 2006 ; Françoise Poyet, 2009). Est-il besoin de rappeler, comme le
soulignent très bien de nombreux auteurs parmi lesquels nous trouvons Elizabeth
Brodin (2002 :185), Mark Warschauer et Richard Kern (2002 :2), Bastien
Sasseville (2004 :63) ou encore Larose et alii. (2004 :83) que la présence même
des outils technologiques n’est pas garante de pratiques pédagogiques différentes,
encore moins plus performantes ? Ainsi, pour répondre aux critiques, certes
fondées, formulées par Gavriel Salomon et David Perkins (1996), ou Thomas L.
Russell dans sa célèbre étude « The no significant difference phenomenon » (1999,
dans Pouts-Lajus 2001), ou encore dans l’étude de l’IHEP (Institute for higher
education policy) publiée en 1999 et intitulée « What’s the difference » (citées
dans Pouts-Lajus 2001), il est essentiel de former les enseignants pour un usage
efficace des TICE. Le cas échéant, nous nous retrouverions avec « un artifice de
fioritures sans fondements » (Karsenti et alii., 2001).
Il nous paraît intéressant de pointer du doigt le fait que, sur le plan
psychologique, cette stratégie de la coquille vide – sorte de cache misère
pédagogique – puisse dissimuler une autre réalité : l’incompétence technico-
pédagogique des enseignants et, par conséquent, la crainte que ceux-ci pourraient
ressentir à l’idée de perdre la face devant leurs étudiants, devenant au mieux des
pairs, au pire les experts. Comment alors ne pas supposer qu’en tant qu’élément
déstabilisateur, cette appréhension puisse être un obstacle supplémentaire à
l’intégration des TICE ?

- 22 -
Par ailleurs, un autre élément de réflexion nous semble pertinent à
proposer : s’il y a formation, sur combien d’heures, sur quelle durée celle-ci se
ferait-elle ? Sachant que les nouvelles technologies évoluent très vite, une
formation devient assez rapidement dépassée s’il n’y a pas de mise à jour. Aussi,
la mise en place d’une formation continue au sein de l’institution semble couler de
source : mais à quelle fréquence ? pour quel public ? quelles dépenses va-t-elle
générer ? Nous le voyons, la question de la formation est très problématique car
elle fait intervenir d’autres considérations, ne serait-ce que budgétaires. Par
extension, elle peut être facteur de dissension entre l’institution et les professeurs,
les attentes et enjeux ne se situant pas au même niveau.
Ainsi, le système éducatif privé ou public semble pris entre plusieurs
feux : saisir le train des technologies en marche avant qu’il ne soit trop tard,
former ses enseignants et repenser son curriculum. Sacrifier ces deux derniers
points au profit d’une apparente modernité gênerait toute intégration efficace des
TICE.

Au-delà de ces préalables pédagogiques – auxquelles nous aurions pu


ajouter la question des ressources didactiques (Robert Bibeau, 2005) – il serait
également intéressant de se pencher sur ceux d’ordre psychologique et/ou culturel
(professionnel ou social).
Les dispositions des professionnels vis-à-vis des nouvelles technologies sont un
paramètre des plus essentiels à considérer dans la mesure où, comme le soulignent
de nombreux auteurs (notamment Cuban, 1993 ; Maurice Tardif et Josephine
Mukamurera, 1999 ; Jouët, 2000 ; Desbiens et alii., 2004), les TIC(E) « s’insèrent
dans des pratiques familiales ou professionnelles préexistantes ou déjà en voie de
constitution » (Jouët, 2000 :8), donc dans des habitus. Comprendre ces habitus et
éventuellement agir sur eux, c’est également agir sur les préalables à l’intégration
des TICE.
Cela peut s’avérer d’autant plus crucial que ces mêmes auteurs affirment
l’importance des « résistances du corps social, au poids des habitudes et de la
tradition » (ibid.) dans l’insertion des technologies. Pour l’auteur de « Computer

- 23 -
meet classroom : classroom wins », la culture pédagogique était en 1993 un des
deux obstacles majeurs à l’intégration des TICE :
« L’éducation est moins vulnérable aux technologies électroniques
[notamment parce que] certaines croyances culturelles sur ce qu’est
l’enseignement, sur la façon dont l’apprentissage a lieu, sur les
connaissances qu’il convient d’enseigner à l’école et sur la relation
professeur-élève (pas élève-machine) dominent la perception que les gens
ont d’une bonne éducation8. » (notre traduction9)

Enfin, l’état de l’art effectué par Desbiens et alii. (2004 :16) permet de confirmer
qu’aujourd’hui encore certains facteurs à l’origine des résistances à l’intégration
des TICE sont liés aux représentations.
Ainsi, nous pouvons noter que ces obstacles sont variés et nombreux, et
également parfois difficiles à surmonter. Il existe pourtant un engouement
éducatif, institutionnel et technologique autour de ces instruments.

I.1.4.2 Motivations à l’intégration des TICE


Pourquoi tant d’intérêt alors que, en 1998, « l’UNESCO conclu[ait] que
rien ne prouve la supériorité de l’enseignement TIC sur l’enseignement
traditionnel » (cité dans Desbiens et alii., 2004 :14) et que déjà en 1996 le rapport
Bracewell (1996 :11) faisait le même constat pour un usage approprié des TIC ?
Desbiens et alii. (ibid :10) nous rapportent les conclusions du conseil supérieur de
l’éducation du Québec (CSE) :
« [il] n’existe à peu près pas de résultats de recherche démontrant à coup
sûr l’efficacité des technologies nouvelles dans la réussite scolaire » (CSE,
2000)

En 2007, le rapport de la réunion d’expert OCDE/CERI faisait écho à ces


conclusions canadiennes en ces termes :

8
“Schooling is less vulnerable to electronic technologies [notably because] certain cultural beliefs
about what teaching is, how learning occurs, what knowledge is proper in schools, and the
teacher-student (not student-machine) relationship dominate popular views of proper schooling.”
9
Toutes les traductions de l’anglais ou de l’espagnol vers le français seront les nôtres.

- 24 -
« [de par la complexité et la spécificité des situations pédagogiques,] il
n’est pas surprenant que les résultats, comme le montrent un certains
nombre de comptes rendus sur les recherches, sont au moins indécis, voire
contradictoires. » (cité dans Françoise Poyet, 2009 :4).

En fait, les motivations semblent dépasser le simple cadre pédagogique


comme l’on pouvait s’en douter. Todd Oppenheimer (1997, cité dans Serge Pouts-
Lajus, 2001) ou Baron & Bruillard (1996 :55) évoque respectivement des intérêts
politiques et industriels qui prendraient parfois le pas sur les intérêts pédagogiques.
Encore aujourd’hui, Desbiens et alii. (2004 : 10) avancent l’idée d’une confusion
des intérêts dans l’intégration des TICE dans l’enseignement. C’est cette même
confusion des intérêts que nous pouvons lire dans les lignes de Sasseville qui,
dans son étude comparative des discours relatifs aux TICE, conclut en ces termes
une de ses analyses:
« Finalement, le discours sur le changement technologique en éducation
ne semble pas être l’expression de la volonté à la base du système – le
corps enseignants – mais bien d’un groupe plus restreint qui tente
d’imposer une vision (...) » (Sasseville, 2004 :93)

Au-delà de ces raisons politico-industrielles et d’une certaine crainte chez


les enseignants de se faire dépasser ou remplacer par les nouvelles technologies
(Baron & Bruillard, 2000 ; Desbiens et alii., 2004 :19 ; Françoise Demaizière,
2007 :10 ), nous avons pu relever des motivations pédagogiques à l’origine de
l’intérêt de plus en plus accru pour l’usage des TICE.
Comme Henry Jay Becker nous l’indiquait déjà à la fin des années 90, les
professeurs sont conscients de l’intérêt des nouvelles technologies, notamment
d’internet dans la préparation des cours :
« Dans chaque cas, près de la moitié des professeurs considérait ces
ressources comme « essentielles » pour leur enseignement (...) et près de
90% indiquait qu’ils considèreraient ces ressources comme importantes
ou essentielles. Même parmi les professeurs qui n’avaient pas accès à

- 25 -
l’internet chez eux ou dans leur salle de classe, un tiers considérait
internet comme une ressource pédagogique essentielle10 ».

Rappelons toutefois que Mangenot nous mettait en garde, dès 1998, contre
l’approche technocentrée qui relève plus du « discours médiatique et publicitaire,
avec ses commentaires fascinés sur la richesse des données présentes sur la Toile
et sur les nouvelles possibilités de communication apportées par Internet : ce
discours ne nous dit rien de l'intégration de ces nouveaux supports dans les
situations d'apprentissage (...) ». (1998 :133).
Ceci dit, c’est en même temps cette mine inépuisable d’informations qui
permet de bouleverser une certaine réalité éducative : l’enseignant n’a plus le
monopole de l’information (Belisle, 2004 :2). Bien que cela puisse déstabiliser
certains professionnels de l’enseignement (Demaizière, 2007 :9), nous pouvons
noter, à la suite de Gerbault (2002 :184), des effets positifs qui font jour
notamment à travers une certaine modification des rôles de chacun des partenaires
d’apprentissage, en particulier des enseignants/didacticiens :
« En matière d’éducation et de formation, les TIC ont effectivement
commencé à modifier les modes d’accès aux connaissances et les
démarches d’enseignement et d’apprentissage, ce qui, naturellement,
alimente aujourd’hui la réflexion et les discours des décideurs comme
ceux des didacticiens et des enseignants. »

C’est ainsi que nous pouvons croire avec Desbiens et alii. (2004 :12) que les TIC
sont « porteuse[s] d’un fort potentiel de transformation des pratiques », comme le
notait d’ailleurs six ans auparavant le projet Socrates-Mailbox (Barchechath et
alii., 1998 :24-25).
Pour autant, depuis Baron & Bruillard (1996 :91), nous savons qu’il serait
plus opportun de considérer « les technologies comme des auxiliaires et des outils
d’apprentissage plus que des moyens d’enseignement ». Ce glissement de

10
“In each case, almost one-half of all teachers saw these resources as "essential" for their
teaching (…) and nearly 90% reported that they would consider these resources either valuable or
essential. Even among teachers who did not have access to the Internet either at home or in their
own classroom, one-third regarded the Internet as an essential teaching resource.” (Becker, 1999
: 9)

- 26 -
perspective technico-pédagogique correspond aux méthodes d’enseignement telles
que la pédagogique de projet ou par tâches, qui prônent une réelle centration sur
l’apprenant.
Si l’on se concentre donc à présent sur les apports pour les apprenants, la
littérature scientifique ou institutionnelle relève de nombreux avantages dans
l’emploi des TIC pour ce public. D’ailleurs, dans une bibliographie
impressionnante, Donald Long (2005), de l’université de Moncton (Canada), liste
pas moins de trente-cinq impacts positifs des TIC dans l’apprentissage.
Déjà en 1970, Decaigny (cité dans Baron & Bruillard, 1996 :25) affirmait
que la technologie éducative devait modifier le rôle des apprenants puisque l’on
attendait d’eux une participation active dans le cadre d’un « enseignement rénové,
c’est-à-dire basé non plus sur l’acquisition de connaissances par une assistance
passive ». Modification de leur rôle. Modification de leur implication et de leur
motivation (Desbiens et alii., 2004 :15).
C’est en effet ce que pensent les enseignants même qui ont été interrogés dans le
cadre de l’étude menée par la société PRAGMA à la demande du Ministère de
l’éducation nationale en 2006 (M.E.N, 2006 :7). Ils sont a priori nombreux à avoir
une haute opinion de l’usage des TICE quant aux apports en matière de
concentration, de motivation, d’autonomie et de participation.
Notons toutefois que le rapport d’étude signale le caractère non scientifique de
cette analyse qui se veut avant tout « un recueil d’opinions pouvant servir de base
de travail à d’autres études plus importantes.» (M.E.N, 2006 :6)
Ceci étant, un rapport de l’UNESCO (Pelgrum et alii., 2004 :40) nous rapporte
que lorsque les TICE sont employées de manière efficace, nous pouvons
remarquer « une amélioration des performances des élèves du point de vue :
– de la motivation, du plaisir d’apprendre ;
– de l’estime de soi ;
– des compétences dans le domaine des TIC ;
– des aptitudes au travail en collaboration ;
– des connaissances dans chaque discipline ;
– des aptitudes à traiter des données ;
– des compétences méta-cognitives. »

- 27 -
Par ailleurs, en 2008, l’agence britannique Becta affirmait que les TICE, lorsque
utilisées efficacement, avaient un impact direct sur les résultats et la réussite des
élèves11.
A cela, il convient d’ajouter les apports en termes cognitifs et métacognitifs que
relève Desbiens et alii :
« résolution de problèmes ; établissement de liens entre les connaissances,
développement de compétences métacognitives découlant de l’évaluation
constante par l’élève du degré de pertinence de ses choix et donc de ce
qu’il sait ou ne sait pas. » (2004 :14)

Au final, il s’agit pour les élèves d’une véritable révolution dans le mode
d’apprentissage. Les référents du savoir sont modifiés, l’apprenant tend à devenir
son propre enseignant par le biais des semi-tutoriels, l’espace physique de la
classe est « éclaté » par l’accès à internet, etc. Au final, leur autonomie est accrue,
mais les apprenants sont-ils pour autant préparés à faire face à ces
bouleversements ? Aussi, nous nous apercevons que les professeurs doivent se
préparer à une double entreprise : se former à l’usage des TIC et modifier leur
pédagogie pour mieux accompagner les apprenants non pas dans l’apprentissage
des TIC mais bien dans leur nouveau rôle d’apprenant.
Nous pouvons donc voir que la question de l’intégration des TICE est
encore très problématique tant les préalables à cette intégration sont loin d’être
satisfaits et les voix divergent quant aux intérêts véritables des TICE. Il nous faut
malheureusement admettre qu’au Pérou cette réalité est encore plus délicate.

I.1.5 Les TICE au Pérou

I.1.5.1 Présentation générale


Dans l’ensemble, la situation dans les écoles publiques 12 au Pérou est
plutôt critique. Que cela soit en termes de parc informatique, de formation ou de
curriculum, la réalité des TIC est peu enviable.

11
Rappelons cependant que Mangenot, en 2000, soulignait « l’impossibilité d’évaluer les apports
des TIC de manière quantitative ».

- 28 -
A en croire le document d’Educared Perú « Nuevas tecnologías » (2009), en 2006,
seuls 3,3% 13 des établissements publics était doté en ordinateurs en nombre
suffisant14. Cette valeur est évidemment une moyenne et à y regarder de près, on
se rend compte de l’importance des écarts : Lima métropolitaine 10,9%, secteur
du Callao (banlieue de Lima) 21,9%, alors que dans la région de la Libertad ou de
Cajamarca (au nord Pérou), ce chiffre n’atteint pas les 2%.
La comparaison avec des pays occidentaux tels que la France15 pourrait biaiser la
réalité or, sur la base de chiffres de 2001 et en comparant avec d’autres pays
latino-américains, nous obtenons une situation aussi peu glorieuse :
« Le Pérou se classe parmi les derniers pays d’Amérique latine en termes
d’utilisation de l’ordinateur, avec seulement 13 machines pour mille
habitants, alors que le Chili en possède 50 pour mille habitants, la
Colombie 26/1000 habitants et le Brésil 21/1000 habitants, selon les
chiffres de la Banque mondiale16. »

Ces chiffres sont d’autant plus alarmants qu’entre 2001 et 2006


précisément, le gouvernement péruvien, alors sous la présidence de Toledo, avait
lancé le projet Huascaran, un ambitieux projet pour développer les nouvelles
technologies à l’école.

I.1.5.2 Le projet Huascarán


Selon Abraham Lama (2001), journaliste à Inter Press Service (IPS), le
projet Huascarán visait à doter les écoles rurales du pays entre 3 et 6 ordinateurs,

12
La situation est bien autre dans les établissements privés (primaire, secondaire ou supérieur)
dont les classes sont très souvent dotées de matériel informatique incluant rétroprojecteur et
ordinateur connecté à internet.
13
Un article du journal “El Comercio” de février 2010 nous informe que 6% des établissements
secondaires publics sont équipés d’un nombre « suffisant » d’ordinateurs. Seuls 3% le sont dans
les zones rurales. http://elcomercio.pe/impresa/notas/crecen-brechas-calidad/20100228/420850
14
« las escuelas donde había suficiente numero de computadoras eran de 3,3% ».
15
Bien que l’on ne puisse pas considérer la France comme un pays en avance dans l’usage des
TICE si l’on en croit une étude de la commission européenne sur l'utilisation des TICE en
classe (Commission européenne, 2006 :7)
16
« Perú figura en los últimos lugares de América latina en el uso de computadoras, con apenas 13
equipos por cada mil habitantes, mientras en Chile hay 50 por cada mil personas, en Colombia 26
por mili y en Brasil 21 por mil, según cifras del Banco Mundial. » (Lama, 2001)

- 29 -
une télévision et une antenne VSAT bidirectionnelle17, pour recevoir internet et la
télévision.
Le budget global est difficilement chiffrable pour plusieurs raisons. Les
documents officiels parcourus (Decretos supremos n° 067-2001-ED, 09-2002-ED,
05-2005-ED ; Directivas n° 063-2003-VMGP, 083-VMGP/2003, 06-
2004/P.Huascarán, 02-2005/P. Huascarán, et Reglamento de organizacion y
funciones del proyecto Huascarán18) ne mentionnent nulle part le budget prévu, et
les chiffres glanés dans des documents de sources secondaires sont parfois
contradictoires, parfois incomplets (le projet s’étale sur 5 ans mais certaines
données ne concernent que des années spécifiques). Au final, ce qu’il est possible
de dire est que le budget s’appuyait principalement sur la possibilité d’un prêt de
300 millions de dollars auprès de la banque mondial (au final en 2003, selon Elisa
Morales Flores, seuls 50 millions avaient été accordés19), et sur une demande de
donation de 100 000 ordinateurs par Bill Gates, qui a été refusée, tout comme a
été rejetée la demande de la gratuité de la connexion avec Telefónica (Lama,
2001).
Un projet ambitieux donc, mais avec de nombreux revers, des irrégularités
et des incohérences selon le congressiste apriste20 Rodolfo Raza Urbina, dont les
remarques, rapportées par Juan M. Salinas Guerra dans Peruprensa (2005) font
état de fraudes quant aux noms des établissements impliqués dans le projet ou de
fausses connexions internet, dans le but « d’augmenter artificiellement le nombre
de bénéficiaires21 [de ce plan]. »
Malgré ces attaques, il faut reconnaître que sur un an (chiffres arrêtés en
2002, recueillis sur le forum précédemment cité) ce plan aurait tout de même
permis de fournir plus de 1350 ordinateurs à 1100 établissements éducatifs, pour
toucher une population d’un million trois cents élèves. Par ailleurs, à cette date,
1500 professeurs auraient été formés à distance à l’usage des TIC. Ces efforts
n’empêchent guère Educared (2009) de souligner sept ans plus tard que :

17
Antenne parabolique de petit diamètre.
18
Accessible à la page http://www.minedu.gob.pe/huascaran/ (consulté le 11 décembre 2009)
19
Information recueillie sur un forum de discussion : http://portal.educar.org/foros/el-proyecto-
huascaran-y-otros-proyectos-de-gobiern (consulté le 10 décembre 2009)
20
L’APRA est le mouvement politique aujourd’hui au pouvoir, opposé au dirigeant de l’époque.
21
Situación que « aumenta artificialmente el número de beneficiarios. »

- 30 -
« [l’] utilisation de l’ordinateur [se fait] dans le cadre d’activités qui
suivent les méthodes conventionnelles, c’est-à-dire pour de la recherche
d’information, ou comme traitement de texte pour la préparation des
cours, pour faire des présentations en classe ou pour rédiger des travaux,
etc22. »

Pour finir, rappelons, malgré tout, que ces remarques et ces chiffres
s’appliquent à la situation des TIC dans un système d’éducation publique assez
fragile : les professeurs, en 2001, gagnaient en moyenne 171 $ par mois pour une
quarantaine d’heures d’enseignement. Par ailleurs, on notait également à l’époque
une déflexion de l’investissement publique par élève : ces dépenses sont passées
de 598$/an/élève en 1966 à 259$/an/élève en 2001.
La situation d’institutions privées comme l’AFL, qui est le cadre de notre
recherche, est loin d’être identique, même si certains aspects ne sont guère plus
positifs (salaire des enseignants), ce qui, n’en doutons pas, risque d’influencer
l’attitude des professeurs face à l’usage des TICE vue la masse de travail
supplémentaire que cela requiert.

Comme nous l’avons vu, l’usage des TICE peut être influencé notamment
par les perceptions que l’on a de l’artefact (cf. I.1.1). Aussi, pour mieux
comprendre encore la question des TICE et de leur usage par les enseignants, il
nous semble important d’étudier ce phénomène des représentations sociales. Ce
sera le thème de notre prochaine partie.

22
« [el] uso del computador en tareas [se hace] bajo procedimientos convencionales, es decir,
para buscar información o como procesador de textos ara preparar clases, hacer presentaciones
en clase, escribir trabajos, etc

- 31 -
I.2 Représentations sociales et attitudes

I.2.1 Définition et fonction des représentations sociales

Depuis les années 60, Serge Moscovici a remis à l’étude ce concept analysé
par Durkheim notamment. Il poursuit le travail de réflexion pour proposer la
notion de représentation sociale. Le « collectif » de Durkheim perd sa position
épithète au profit de social car « il fallait tenir compte d’une certaine diversité
d’origine » et « il était nécessaire de déplacer l’accent sur la communication qui
permet aux sentiments et individus de converger, de sorte que quelque chose de
collectif peut devenir social, ou vice-cersa. » (Moscovici, dans Denise Jodelet
1989 : 82).
En outre, il introduit deux processus fondamentaux dans l’approche de cette
question : l’objectivation et l’ancrage, qui sont respectivement une « opération
imageante et structurante » et une « familiarisation de l’étrange » (Jodelet, dans
Moscovici 2005 : 363 et 382). En d’autres termes, l’objectivation est la
matérialisation de l’abstrait (Doise, dans Jodelet 1989 : 224), et l’ancrage
correspond au processus permettant d’intégrer à son monde familier un élément
étrange. Cela signifie qu’il y a contact entre un déjà-là et un nouveau, entre du
passé et du présent. La représentation ne se fait pas sur un espace vide.
Au-delà de cette structure interne, les représentations sont avant tout des outils de
lecture du monde. Plus encore, elles sont des moyens de refaire le monde, de
« façonner la vision et constituer le monde » (Moscovici, dans Jodelet 1989 : 81).
Il y a donc quelque chose de fondamentalement individuel et collectif à la fois,
puisque ayant fait mienne la représentation, je reconstruis le réel à partir de cette
grille de lecture, tout en associant la pensée du groupe. Telles des croyances, elles
guident notre rapport au réel : elles sont nos mythes et légendes modernes (ibid. :
83).
Pour Denise Jodelet, elles participent de notre appropriation du monde. Les
représentations envahissent notre quotidien, nous habitent et nous modèlent, elles
sont dans nos moindres signes et nos moindres paroles. En 1989, Jodelet affirmait
que non seulement il n’y a pas de représentation sans objet (Jodelet 1989 : 37),

- 32 -
mais qu’en outre cette notion est par essence humaine dans le sens où elle fait
appel à nos émotions et à notre affect (ibid. : 41). Au final, pour cette
psychosociologue, les représentations sont « une forme de connaissance
socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la
construction d’une réalité commune à un ensemble social » (ibid. :36).
Ce qu’il faut retenir c’est l’idée que la représentation n’est aucunement le
fruit d’une décision isolée. Il n’existe pas de représentation sans interaction des
membres d’une même communauté puisque ce sont les individus qui la
construisent ensemble. Cette co-construction donne aux représentations un
caractère polyphonique et leur confère tout un pouvoir : leur verbalisation par une
personne est rendue légitime par le groupe. Comme l’exprime Pierre Bourdieu au
sujet du pouvoir des mots, nous pensons qu’il existe un « capital symbolique
accumulé par le groupe » (Bourdieu, 1982 :109) dans les représentations.

I.2.2 La structure des représentations sociales

Les représentations sociales sont composées de deux notions clés : le


noyau central et les éléments périphériques. Nous savons, avec Jean-Claude Abric
(2007 :59), que « tous les éléments de la représentation n’ont pas la même
importance ». Le noyau central (Abric 1976, dans Abric et alii. 2007) est
l’élément autour duquel sont organisés les schèmes périphériques. C’est donc
cette composante principale qui, d’une part génère la signification des autres
éléments constitutifs de la représentation et d’autre part organise ces éléments.
Aussi, c’est à ce niveau que doit se concentrer l’analyse des représentations pour
en connaître les constituants et leur organisation.
Par ailleurs, de part leur situation « géographique », les éléments périphériques
sont les éléments les plus accessibles. A contrario, les éléments les plus éloignés
sont les composants les plus proches du noyau central, donc ceux qui cristallisent
le mieux la signification de la représentation.

- 33 -
I.2.3 Recueillir les représentations

La méthodologie d’étude des représentations est récente (Abric et alii


2007 : 7) mais ce domaine semble aujourd’hui disposer de techniques fiables.
Ceci étant, recueillir les représentations des individus n’en demeure pas moins
délicat dans la mesure où tout d’abord il faut les faire émerger et, parce qu’elles
s’expriment à travers le discours, le risque qu’encourt un jeune chercheur encore
peu aguerri aux techniques de collecte de ces éléments est non pas de recueillir les
représentations mais bien ce que les individus disent de leurs représentations.
Trois problèmes se présenteraient alors au chercheur : 1) savoir si ce qu’il a
collecté est bien une représentation ou les dires, ce qui laisserait supposer un
travestissement de celles-ci, 2) quid de ce qui n’est pas dit 23 ? 3) Comment
reconnaître les éléments constituants du noyau central qui donnent la signification
des représentations ?
C’est sur ce dernier point que nous avons décidé de nous concentrer. Aussi, pour
accéder à ce noyau et tenter d’approcher au mieux son organisation, nous
emprunterons une technique de recueil du contenu explicite et de son organisation
à Abric (2007) ; nous la développerons dans le paragraphe consacré au protocole
de recherche (voir II.2.3.1.c)

I.2.4 Les attitudes

Il paraît illusoire de donner une définition bien arrêtée de ce que sont les
attitudes. D’ailleurs, Germaine de Montmollin (dans Moscovici 2005 : 134) nous
rapporte l’existence de plus d’une quinzaine de définitions en psychologie sociale
pour ce concept. Peut-être cela est-il du à ce que les attitudes sont ce que les
chercheurs décident d’y classer ; elles n’ont pas d’existence propre, elles
« deviennent » ce que l’on y intègre. Ainsi, ce à quoi elles renvoient a-t-il évolué
avec le temps, les découvertes scientifiques et les courants comme l’exposent très
bien Raymond Thomas et Daniel Alaphilippe (1993 : 8-9, 45). Ceci dit, certains
éléments définitoires sont stables.
23
Abric (2007 :61) a développé une hypothèse intéressante de « zone muette des représentations
sociales ». Celle-ci contiendrait les éléments contre-normatifs, donc non exprimables par les
personnes.

- 34 -
Elles sont internes à l’individu ; ceci explique que l’on ne puisse pas les
observer directement. C’est le comportement généré par les attitudes qui permet
de les « visualiser », tout au moins de les approcher.
Ensuite, elles sont dites individuelles et collectives à la fois. « L’individu
est bien le lieu où elle se forme et se modifie » (De Montmollin, dans Moscovici
2005 : 135) selon des processus qui lui sont propres, donc subjectifs, et c’est en
cela qu’elle est individuelle. Cela n’est pas en opposition avec le caractère
collectif que nous évoquions dans la mesure où les attitudes sont une forme de
maintien de la communauté, du lien social. En outre, une attitude n’est pas
exclusive à une personne : elle peut être partagée par les autres membres de la
communauté. En tant que réalité sociale, l’attitude, comme les représentations,
n’est pas un phénomène inné, mais acquis. Acquis par l’expérience personnelle,
par l’interaction, à travers un héritage culturel et linguistique commun.
Enfin, les attitudes sont foncièrement dynamiques ou, si l’on préfère non-
statiques. Elles évoluent et se transforment, peut-être meurent comme le suggère
De Montmollin (ibid. : 90). Nous sommes plutôt sceptique sur ce dernier point car
nous supposons que cette mort annoncée n’est en fait qu’une transformation
importante. Une attitude ne peut quitter entièrement un individu, nous restons
marqué par celle-ci. Nous considérons en effet que l’homme est un palimpseste
d’attitudes : bien qu’une seule couche soit visible, il est possible de deviner les
dispositions antérieures, même si elles ne sont plus aussi marquées qu’auparavant.
Les changements d’attitude s’opèrent de diverses manières. Elles sont le fait
de l’influence sociale que peut avoir aussi bien le groupe minoritaire que
majoritaire dans une société (Moscovici 2005 : 52), qu’elle soit positive, négative
ou antagoniste (Thomas & Alaphilippe 1993 : 53), de notre expérience
personnelle, de l’interaction et, à un autre niveau, de la communication
persuasive 24 , dans le cadre de travaux expérimentaux présentés par Germaine
de Montmollin (dans Moscovici, 2005 )
Ceci dit, au-delà de ces points communs, la communauté scientifique n’est
pas au diapason – mais doit-elle réellement l’être ? – en ce qui concerne le lien qui

24
« L’article de journal, l’émission de radio ou de télévision, le discours du candidat, le plaidoyer
de l’ami ou du collègue sont des communications persuasives » (de Montmollin, dans Moscovici
2005 : 89)

- 35 -
existe entre les attitudes et les représentations. Les attitudes sont-elles une forme
des représentations ou ont-elles une existence distincte ? En faisant allusion à ce
débat, nous souhaitons montrer toute la complexité de ce sujet et les difficultés à
l’appliquer sur le terrain de recherche.
Pour notre part, parce que nous pensons, à la suite de Moscovici (dans Jodelet,
1989 : 83) que le phénomène des représentations « remplace les mythes », il nous
semble cohérent de la considérer comme « guidant » les attitudes, qui sont plus du
domaine de l’action. Aussi distinguerons-nous ces deux phénomènes dans notre
projet.

Réfléchir sur l’usage des TICE sans aborder une réflexion sur les
représentations et les attitudes s’avère donc stérile dans la mesure où la perception
que l’on a d’un nouvel artefact participe de l’adoption ou non de cette innovation.
La théorie de la diffusion de l’innovation a permis de s’apercevoir que d’autres
facteurs entrent en jeu. Aussi, pour mieux saisir l’ensemble, il nous paraît
essentiel de revenir sur cette théorie.

- 36 -
I.3 Un cadre théorique de référence : la théorie de la
diffusion de l’innovation.

I.3.1 Pourquoi cette théorie dans le cadre de notre étude ?

Une double motivation est à l’origine de l’intérêt que nous portons à la


théorie de la diffusion de l’innovation dans le cadre de notre étude des obstacles à
l’usage des TICE chez les professeurs de l’AFL :
- nous avons été amené à réfléchir sur le degré d’adoption des nouvelles
technologies par les professeurs de l’AFL afin de pouvoir mieux
comprendre ce qui pouvait éventuellement les freiner à utiliser ces outils ;
- selon Millerand (1998), le diffusionisme « part de l’antériorité de la
technique et, selon un schéma linéaire, en fait découler des usages ». Or,
ceci est la situation de plusieurs centres de langues, dont l’AFL, qui se
dotent d’outils techniques puis voient ce que l’on peut faire avec et
comment (Mangenot 2000 ; Pouts-Lajus 2005) ;
- enfin, nous savons qu’adopter une innovation n’est pas un acte anodin
dans la mesure où intégrer cette innovation à des pratiques antérieures agit
sur notre identité au moins professionnelle et demande de redéfinir celle-ci
(Jouët 2000 :497).

I.3.2 Qu’est-ce que cette théorie

I.3.2.1 Définition
Développée par Everett Rogers dès 1962, cette théorie postule que tout
individu passe par des phases successives d’adoption d’un outil nouveau,
lesquelles sont au nombre de cinq (Millerand 1998 ; Orr 2003) et vont du premier
contact usager/innovation à la confirmation ou rejet de celle-ci. Selon Rogers, ce
sont principalement les perceptions que l’on a de l’innovation qui conditionnent
son degré d’adoption ou non.

- 37 -
Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent intervenir dans la décision d’adopter
ou non une innovation : son degré d’utilité, sa facilité/difficulté d’utilisation25, sa
compatibilité avec les valeurs du groupe d'appartenance, la possibilité de la tester,
et sa visibilité (Millerand 1998). Gérard Valenduc développe un peu plus cette
description et rappelle qu’il existe, selon Rogers (1995), deux facteurs explicatifs
de la diffusion d’une innovation, en plus de celui lié au produit cité par
Millerand : 1) les caractéristiques du consommateur, c’est-à-dire leurs ressources
cognitives, sociales et matérielles (argent et temps), 2) le profil des différentes
catégories d’adoptants au fur et à mesure que l’innovation se diffuse (2005 :2).
Fait intéressant pour notre étude, Valenduc poursuit en rappelant qu’« un manque
de ressources en temps est un obstacle à l’acquisition des compétences requises. »
Par ailleurs, il nous semble important de souligner le rôle crucial joué par
l’environnement tant social que professionnel : mes choix sont en effet
conditionnés par le regard de l’autre, tout comme l’image que je veux donner de
mes choix/de mon usage. En cela, nous ne pouvons occulter le poids de
l’influence sociale dans l’adoption de l’innovation. Penser différemment peut
entraîner l’exclusion par le groupe d’appartenance. Or nous savons qu’il est assez
difficile de résister à la pression du groupe, dont le rôle majeur est « d’assure[r]
la continuité de l’existence du groupe. ». (Machteld Doms et Moscovici 2005 :50).
Toutefois, malgré cette uniformité vers laquelle nous devrions tendre pour
maintenir l’existence du groupe, chaque personne évolue à un rythme différent en
termes d’adoption de l’innovation. Selon la théorie de Rogers, cela correspond à
cinq catégories : 1) les innovateurs, 2) les premiers adoptants, 3) la majorité en
avance, 4) la majorité en retard, 5) les retardataires.
Sur le premier extrême de ce continuum, les innovateurs font partie du groupe des
« aventuriers », qui sont attirés par le côté nouveau de l’artefact et désirent jouir
de ses avantages. De l’autre côté du continuum sont les retardataires, qui
correspondent soit aux personnes conservateurs, soit aux marginaux (Orr 2003).
Peut-être le groupe le plus intéressant à suivre est-il celui des premiers adoptants
qui, pour leur capacité à repérer les avantages d’une innovation et à faire le choix

25
Les recherches sur le rôle de l’utilité et la facilité sont assez contradictoires quant à l’importance
de ces facteurs, ou encore sur la préséance d’un facteur sur l’autre (David 1993 ; Adams et alii.
1992 ;Agarwal et Prasad 1997, dans Agarwal et alii. 1998 : 4-5).

- 38 -
ou non de l’adopter à partir de leur analyse de l’expérience des innovateurs,
concentrent la plupart de ceux que l’on nomme les leaders d’opinion.

I.3.2.2 Une théorie critiquée mais fondamentale


En dépit de son intérêt, cette théorie a été souvent critiquée et complétée
par d’autres études (citons notamment Gary C. Moore et Izak Benbasat 1991,
Agarwal et alii. 1998) qui lui reprochaient notamment de ne pas pouvoir être
appliquée à tous types d’innovation, dont les nouvelles technologies, ou encore les
faiblesses méthodologiques qui ont entouré cette recherche (Agarwal et alii. 1998).
Ceci dit, Moore et Benbasat ont montré que les caractéristiques mentionnés par la
théorie de la diffusion de l’innovation de Rogers étaient intéressants, pouvaient
s’appliquer aux nouvelles technologies ; ils ont toutefois noté qu’elles
demeuraient insuffisants. A la suite de leur étude, ils apportent deux nouvelles
composantes de l’adoption d’une nouvelle technologie: l’image (dans quelle
mesure l’utilisation d’une innovation apporte-t-il un gain en termes de
reconnaissance sociale ?) et le volontarisme, lequel correspond au degré de libre
arbitre dans la décision d’utiliser ou non une innovation (1991 :195).
De nombreux modèles ou théories d’adoption/acceptabilité d’une
technologie ont été développés par la suite, telle la théorie de l’action raisonnée,
construite par Icek Ajzen et Morris Fishbein en 1975, les modèles d’acceptation
de la technologie, que développent Fred Davis en 1986 et 1989 ou encore la
théorie de l’action planifiée26 (Ajzen 1985 ; 1991). Pour ce qui est de la TRA, les
auteurs mettent en avant deux variables clés dans l’acceptation d’une technologie :
l’intention comportementale et la norme subjective. Dans la TAM, nous
retrouvons, en plus de la norme subjective, les variables d’utilité perçue et de
facilité d’utilisation perçue. Enfin, la TPB est une extension de la TRA à laquelle
Ajzen a introduit une autre variable : la perception du contrôle sur le
comportement. Celle-ci correspond plus ou moins à l’image que l’individu a de
son efficacité à agir (ViswanathVentakesh et alii 2003).
Il est intéressant de remarquer que malgré les critiques émises, la théorie
de Rogers reste fondamentale dans la mesure où trois éléments clés dans la
26
Respectivement, en anglais : TRA : theory of reasoned action ; TAM : technology acceptance
model ; TPB : theory of planned behaviour.

- 39 -
relation à l’innovation présents déjà chez Rogers sont employés dans ces théories
et modèles : la perception que l’on a de soi, de ses capacités et du regard de l’autre,
et les notions d’utilité et de facilité d’utilisation.
Nous ne développerons pas davantage ces théories car, pour intéressantes qu’elles
soient, elles ne nous serviront pas directement de base théorique à notre étude
dans la mesure où elles sont véritablement en amont de la mise en place d’une
innovation, alors que nous nous situons en aval, à la recherche des raisons du non
usage de l’artefact, une fois installé. Ceci étant, de par leur intérêt pour cette
thématique étudiée et leur proximité avec les facteurs d’adoption d’une innovation
développés par Rogers ou Moore et Benbasat, les variables considérées dans ces
théories influenceront certainement notre analyse.

C’est donc cette théorie développée par Rogers qui nous servira de cadre
d’analyse pour notre étude. Nous allons voir à présent les hypothèses de recherche
que cette théorie nous a par ailleurs permis de mieux orienter.

- 40 -
I.4 Questions et Hypothèses de l’étude

I.4.1 Question de recherche

Ces éléments conceptuels et théoriques nous ont permis de mieux définir


certaines hypothèses de recherche basées sur la problématique que nous signalions
en introduction. Par ailleurs, notre recherche s’est appuyée sur un constat de M.
Rivron que nous considérions réducteur :
F La réticence à l’usage des TICE s’explique par une image négative de
celles-ci.

Pour éviter de nous limiter à la question des représentations comme étant à


l’origine du non-usage des TICE, nous avons élargi les raisons des professeurs
pour finir par nous demander, de façon plus générale :
F Qu’est-ce qui freine les professeurs dans l’usage des TICE dans leur
pratique enseignante ?

I.4.2 Hypothèses de recherche

Ensuite, sur la base de l’étude des concepts d’usage et d’intégration des


TICE et de la théorie retenue, nous avons formulé nos hypothèses, qui s’articulent
autour de trois axes majeurs :
o La connaissance de l’outil informatique
o Les représentations des technologies
o La formation aux TICE

Notre première hypothèse générale était la suivante :

H1 - La méconnaissance de l’outil informatique est susceptible de générer un


rejet des TICE.

Nous supposions que c’était l’inconnu qui effrayait les enseignants et que
cela pouvait être à l’origine de leur non usage. La question de formation à l’usage

- 41 -
des TICE, que nous avons évoquée préalablement (cf. I.1.4) permet entre autres
choses de dépasser le sentiment d’incompétence et de préserver la face des
enseignants devant les étudiants souvent plus experts qu’eux en ce domaine. Nous
avions développé H1 en deux sous-hypothèses :

H1a – l’absence de matériel (à l’AFL ou à la maison) est susceptible de ne pas


favoriser la
prise en main de cet outil par les enseignants, ni son intégration dans les cours
dispensés ;
H1b – l’absence de formation initiale en informatique est facteur de rejet des
TICE.

Cette hypothèse a subi diverses modifications qui nous amené à ne


considérer que H1a comme notre hypothèse générale.
D’une part, notre sous-hypothèse H1a était composée de deux variables
indépendantes : {absence de matériel à l’AFL} et {absence de matériel à la
maison} et de deux variables dépendantes {ne pas favoriser la prise en main de
cet outil par les enseignants} et {ne pas favoriser l’intégration de cet outil dans
les cours dispensés}. Or, suite aux résultats de la première enquête menée, nous
avions pu relever que seule une très faible minorité ne possédait pas d’ordinateur
à la maison, ce qui rendait l’étude de la deuxième variable indépendante peu
intéressante. De fait, nous nous sommes concentré sur l’étude de la relation entre
la première variable indépendante et les variables dépendantes.
Ensuite, le matériau recueilli ne nous a pas permis de pouvoir étudier notre
deuxième sous-hypothèse. En effet, il s’est avéré difficile, voire impossible de
distinguer une quelconque absence de formation initiale en informatique dans la
mesure où tous les enseignants rencontrés avaient, bon an mal an, des
compétences en informatique. Même si nous avons eu un échange à ce sujet avec
l’un de nos interviewés, Gérard27, qui nous déclare « s’il n’y a pas pour moi euh :::
une vraie formation de base à l’outil [informatique] on ne fera pas évoluer les mentalités »
(corpus 7, tour de parole 38) , les éléments n’étaient guère suffisants pour penser
approfondir l’analyse.

27
Le prénom a été modifié.

- 42 -
Au final donc, la méconnaissance de l’outil informatique ne pouvant plus
être étudiée comme variable, nous avons pris la décision de nous concentrer sur
H1a et d’en faire notre hypothèse principale. Ainsi, nous retiendrons cette
hypothèse 1 :

H1- L’absence ou l’obsolescence du matériel à l’AFL est susceptible de ne pas


favoriser la prise en main de cet outil par les enseignants, et est ressentie
comme un frein à son intégration dans les cours dispensés..

Notre deuxième hypothèse principale s’appuyait sur la place des


représentations de l’artefact dans le rejet des TICE :

H2 – Les représentations de l’outil informatique sont susceptibles d’avoir une


influence négative sur l’utilisation de cet outil en classe de langue.

Partant du principe qu’il y avait rejet, nous avons subdivisé H2 en trois


hypothèses qui évoquaient le caractère négatif des représentations de l’ordinateur
en contexte d’utilisation ou non par les enseignants :
H2a – les professeurs de l’Af ont une image négative de l’outil informatique ;
H2b – la complexité apparente de l’emploi de l’outil informatique est susceptible
de
favoriser un rejet de cet outil ;
H2c – l’ordinateur est perçu comme une menace professionnelle par les
enseignants. Les professeurs ont le sentiment que leur fonction traditionnelle
d’enseignant est mise en danger par l’utilisation de l’ordinateur en classe.

Toujours en nous appuyant sur l’importance des représentations et leur


caractère essentiellement collectif en termes de construction, nous avons avancé
une troisième hypothèse générale :

H3 - La mise en place du groupe de travail TICE (LaFabrik) est susceptible


de favoriser une plus grande utilisation des TICE

- 43 -
Il nous semblait intéressant de voir si la création d’un tel atelier, qui devait
impulser l’usage des TICE au sein de l’AFL, allait dynamiser les enseignants.
Nous appuyant sur la théorie de l’innovation, nous supposions en effet que
l’atelier allait éventuellement avoir le rôle de « leader d’opinion », ce qui aurait
créé un effet domino et entrainé dans son élan d’autres enseignants. Par ailleurs, il
nous semblait que, le facteur temps étant important dans l’intégration des TICE
(cf. I.1.4 et I.3.2), disposer de ressources clé en main allait favoriser un plus grand
usage. Pour mieux étudier cela nous avons proposé quatre sous-hypothèses :

H3a – l’existence de ce groupe de travail au sein de l’Af est susceptible de faire


évoluer les
représentations des enseignants dans le sens d’une plus grande ouverture vis à vis
des TICE.
H3b – la banque d’exercices numériques mise en place par LaFabrik est
susceptible de contribuer à une favorable à utilisation pédagogique des TICE par
les professeurs de l’Af Lima.

H3c – l’implication de professeurs de l’Af dans LaFabrik est susceptible de


produire un effet de groupe en faveur de l’emploi des TICE.

H3d – Une politique d’information auprès des équipes pédagogiques des Af de


Lima concernant LaFabrik et son travail est susceptible de soutenir/d’appuyer la
diffusion des ressources créées par ce groupe de travail et par les équipes
pédagogiques.

H3d fut ajouté suite aux premiers entretiens que nous avons eus avec les
enseignants. Il était ressorti de manière assez claire que la communication sur le
travail effectué par LaFabrik pouvait jouer un rôle important dans l’intégration ou
non des TICE par les enseignants. Toutefois, suite aux premiers éléments
d’analyse, il nous a paru plus approprié de formuler cette hypothèse ainsi :
H3d – L’absence d’une politique d’information organisée auprès des équipes
pédagogiques des Af de Lima concernant LaFabrik et son travail gêné la diffusion
des ressources créées par ce groupe de travail.

C’est cette formulation-ci que nous retiendrons.

- 44 -
Enfin, nous ne pouvions pas faire l’économie d’intégrer dans nos
hypothèses un élément clé de l’intégration des TICE dans l’enseignement, come
nous l’avons souligné plus haut (cf. I.1.4) : la formation. C’était le thème de notre
quatrième hypothèse générale :

H4 - Une formation/un accompagnement à l’utilisation des TICE est


susceptible de contribuer à une plus grande acceptation de l’utilité des TICE
par les professeurs de l’Af de Lima.

Cette quatrième hypothèse fut elle même divisée en quatre autres sous-hypothèses :

H4a – une meilleure connaissance des TICE est susceptible de favoriser une
disposition
favorable pour ces outils.

H4b – un accompagnement en termes de formation est susceptible de favoriser


une plus
grande utilisation pédagogique des TICE.

H4c – Au-delà d’une « simple » alphabétisation informatique (Larose, Grenon,


Pearson, Morin & Lenoir, 2004 : 62), une alphabétisation numérique, qui
« associ[e] la construction de compétences informatiques au paradigme
constructiviste de l’enseignement et des l’apprentissage et me[t] en valeur les
fonctions de communication des TICE » (ibid.), est susceptible de favoriser une
positive face aux TICE et l’usage de ces outils pédagogiques.

H4d – Certains professeurs des Af Lima utilisent les TICE principalement pour
travailler (étudier ou pratiquer) les compétences linguistiques de manière isolée.
Aussi, une alphabétisation numérique des enseignants des Af Lima est susceptible
de favoriser l’usage des TICE selon une perspective actionnelle, qui, selon le
Cade européen commun de référence (2005 :15), « considère avant tout l’usager et
l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir une tâche
(qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un
environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier »

Nous avons émis ces hypothèses dans l’idée que l’AFL mettait en place un plan
de formation régulier pour accompagner ses professeurs en termes pédagogiques,
et notamment dans l’approche des nouvelles technologies. Les difficultés liées au
calendrier et aux priorités de l’AFL ont gêné une mise en place de formations tout

- 45 -
au long de notre séjour au Pérou. Celles-ci se sont principalement déroulées à
partir de mars 2010.

Comme nous allons le voir (cf. II.1.1.2), l’enjeu de cette intégration est de
taille car l’AFL était, il y a encore très peu de temps, la plus importante du monde
en termes de nombre d’étudiants. Aussi, au-delà de l’aspect pédagogique,
l’intégration des TICE participe d’une stratégie marketing, ce qui accroît
foncièrement l’intérêt porté à ces outils de travail. C’est ce contexte stratégico-
pédagogique que nous allons à présent étudier avant d’aborder le protocole de
recherche.

- 46 -
En résumé...

Cette partie théorique et conceptuelle est assez dense, malgré notre effort
pour nous limiter à l’essentiel.
Nous avons étudié la complexité des TICE et l’usage qui en est fait, ou
devrait en être fait. La question de la formation est apparue comme une notion
essentielle à considérer dans la réflexion sur l’intégration des TICE. En outre,
rappelons que les motivations à la mise en place de ces outils sont très diverses et
dépassent le cadre pédagogique, qui nous intéresse en premier lieu. Cette question
des TICE est d’autant plus délicate à aborder dans un pays comme le Pérou où
l’intégration des TIC dans l’enseignement requiert une modification de fond et
d’une grande ampleur. En dépit des efforts politiques, le pays reste encore très en-
deçà de la moyenne d’Amérique latine en termes de développement des TICE
dans le système éducatif public.
Divers facteurs peuvent être à l’origine du non usage ou du faible usage
des TICE. Le constat premier de M. Rivron repose sur l’idée que l’image que les
enseignants ont de cet outil freine son utilisation. En fait, nous avons vu que cette
réflexion était limitée et que la réalité est bien plus complexe : il nous faut intégrer
également des raisons liées à des questions matérielles, de formation à l’usage des
TICE, etc.
Enfin, pour mener notre recherche à bien une théorie nous a paru
intéressante à appliquer à notre contexte, en dépit des critiques émises par d’autres
chercheurs. La théorie de la diffusion de l’innovation en effet nous permet
d’étudier les différentes phases de l’adoption d’une innovation et les éventuels
obstacles à cette adoption. Nous avons opté notamment pour un modèle précis, le
CBAM, pour nous aider à étudier nos hypothèses de recherche.

- 47 -
Deuxième partie :
Méthodologie et mise en œuvre

- 48 -
Le cadre conceptuel et théorique posé, nous pouvons à présent nous
intéresser tant au terrain de la recherche qu’à la méthodologie et à la mise en
œuvre employées pour appliquer au mieux nos hypothèses. C’est donc sur le
« comment » de la recherche que nous allons à présent nous concentrer notre
attention.

II.1. Le terrain

II.1.1 L’Alliance française de Lima

II.1.1.1. L’AFL et les enseignants


L’Alliance française de Lima fêtera ses 120 ans en 2010. Créée en 1890,
elle est aujourd’hui composée de 6 centres 28 : Miraflores (le centre principal),
Lima centro, la Molina, Los Olivos, Jesus Maria et San Miguel. A ce jour, elle est
encore l’alliance la plus grande du monde en termes de fréquentation. Selon un
article du journal Le Monde datant du mois d’août 2008, plus de 11000 étudiants
fréquentent cette antenne des alliances françaises, plus que le siège parisien de
cette même association (Chrystelle Barbier 2008) 29 . Par voie de conséquence,
cette institution ne semble avoir d’association que le statut, mais est véritablement
dirigée comme une entreprise, voire une usine (Barbier 2008). L’ancien directeur
général, Pierre Rivron (2003-2008), s’enorgueillissait, à l’époque, de gérer un
budget de 3,5 millions d’euros, de vendre près de 1,5 millions d’heures
d’enseignement : sa vision de la « diffusion » du français semble « [être
caractérisée par] un capitalisme triomphant » (Phillipson et Skutnabb-Kangas
1996, dans Gerbault 2002 :194).
Si nous nous intéressons à présent aux enseignants, l’AFL en compte
environ 130, tous centres et nationalités confondus (péruviens, français, belges ou
autres). Selon l’enquête que nous avons menée, la grande majorité des enseignants

28
Un septième, celui de Surco, est en train de naître, situé actuellement dans les locaux du lycée
franco-péruvien de Lima.
29
Il est toutefois intéressant de souligner que malgré ce chiffre important, le nombre d’élèves tend
à se stabiliser.

- 49 -
(72%) possède un niveau linguistique DALF C1 ou C2, ce qui est un gage de la
qualité linguistique de cette équipe.
La question salariale est assez problématique car le revenu horaire n’est
pas identique pour tous et l’écart est assez important. Le salaire horaire minimum
s’élève à près de 11 sols bruts (environ 3 euros) ; celui-ci peut être presque
quadruplé pour des raisons d’ancienneté ou de statut. Notons toutefois que les
enseignants embauchés à temps plein et qui travaillent entre 32 et 48 heures
hebdomadaires, onze mois sur douze, sont rémunérés au final sur l’année
l’équivalent de quinze mois, primes et autres avantages confondus.
Cette situation administrative leur permet certes de bénéficier d’avantages tels que
les congés payés, la couverture sociale, etc. mais le revenue reste plus faible que
d’autres alliances, telle celle de Trujillo où le salaire horaire est de 15 sols bruts.
Enfin, comme de nombreux professionnels de l’enseignement, il n’est pas rare
que des professeurs (près d’un tiers) travaillent dans d’autres institutions que
l’AFL. De fait, nous pouvons supposer que cela affecte l’investissement
pédagogique de ces personnes dans les institutions pour lesquelles elles travaillent.

II.1.1.2. Les TICE à l’AFL


Pour ce qui est des TICE au sein de cette alliance, nous évoquions en
introduction le faible développement de cette institution en ce domaine si l’on
compare à d’autres instituts de même statut en Colombie ou Argentine, ce qui
amène Gérard à dire « [qu’] on n’est plus il y a dix ans en avant, on n’est plus il y
a cinq ans en avant ; on est en 2009, on a des pratiques du XIX siècle » (corpus 7),
ce que confirmera quelques temps plus tard M. Sciandra, DG des AF du Pérou,
lorsqu’il soulignera, en réunion de rentrée 2010, que « les outils en ligne sont
quasi inexistants » à l’AFL, qui dispose par ailleurs d’un « site web peu évolutif »
(mais en reconstruction pour qu’il le soit). Pourtant, il est évident que pour des
raisons stratégiques de markéting, l’intégration des TICE à l’AFL apportera à
cette institution une image de modernité mais aussi, et surtout, lui permettrait
d’accroitre potentiellement le nombre de ses étudiants, qui stagne 30 depuis

30
Lors de la réunion de rentrée en mars 2010, M. Sciandra rappelle que la croissance de l’AFL a
subi un sérieux ralentissement, passant de 300% entre 1999 et 2005 à 6,5% entre 2005 et 2008 : la
vente de cours sous leur forme interne a atteint ses limites.

- 50 -
quelques années, en donnant la possibilité d’externaliser ses cours et de toucher
un public qui ne peut se déplacer dans les centres pour plusieurs facteurs
personnels ou professionnels.
Sur le plan matériel, les chiffres transmis par l’AFL font état, à ce jour, de 48
ordinateurs disponibles en laboratoire multimédia par les enseignants et les
quelques 11000 élèves. Ces outils sont répartis comme suit :
• Centres de Miraflores et de la Molina : 15 postes chacun ;
• San Miguel, Jesus Maria et los Olivos : 6 postes chacun.
Soulignons deux choses : 1) le centre de « Lima centre », ne possède aucun
ordinateur destiné à l’usage par les enseignants et leurs élèves, 2) aucun centre ne
possède de salles équipées en ordinateur, contrairement à ce que l’on trouve assez
souvent dans les instituts privés au Pérou, comme dans l’institut binational
américano-péruvien : l’Instituto cultural peruano-norte americano (ICPNA).
En termes de fréquentation des laboratoires, lors de notre entretien avec Gérard
(corpus 7) nous avons pu apprendre que le laboratoire de Miraflores, notamment,
était très peu utilisé par les professeurs, ou en autonomie 31 par les élèves de
l’institution.
Notons que tout étudiant inscrit dans l’AFL a droit à deux heures d’utilisation du
laboratoire en autonomie et que les enseignants ne seraient pas restreints dans le
nombre d’heures passées en laboratoire avec les étudiants 32 , les débutants en
priorité.
Cette situation, évidemment, ne date pas de notre entretien et peut-être était-ce ce
que voulait modifier M. Rivron, en mettant en place LaFabrik.

31
Terme employé par Gérard pour décrire l’usage de l’outil par les élèves en dehors des heures
classe.
32
Information contredite par d’autres entretiens au cours desquels les interviewés font mention
d’environ une heure et demie par mois pour l’usage du laboratoire avec les élèves de niveau
débutant.

- 51 -
II.1.2 LaFabrik

En décembre 2007, Nathalie Guillet, une « Volontaire du progrès33 » (VP),


met en place dans le cadre de ses responsabilités, une plateforme institutionnelle
« LaFabrik » accessible à partir de la page web de l’AFL. A la fin du même mois,
cette VP quitte l’AFL et la responsabilité de l’atelier LaFabrik fut transmise à
Marie-Thérèse Bleuse, enseignante expérimentée qui n’avait pourtant pas le profil
pour ce poste sachant le peu de compétences qu’elle avait alors en ce domaine
(voir infra III.1.3, p95). Aussi, en parallèle de la création du nouveau groupe de
travail en mars 2008 et de la gestion de cette équipe, cette personne suivait une
formation TICE, prise en charge par l’AFL, dans une université de Lima.
En avril, Mme Bleuse transmettait un plan de travail concernant le projet
« Apprentissage du français assisté par ordinateur à l’AFL » dans lequel elle
définissait ainsi l’objectif général de l’atelier : « Offrir aux étudiants de l’AFL la
possibilité de renforcer et d’enrichir leurs connaissances dans l’apprentissage du
français hors des locaux de l’AFL en ayant recours aux TICE ». Trois étapes
intermédiaires devaient permettre d’atteindre cet objectif :
1) création d’activités à mettre en ligne (LaFabrik) : alimenter LaFabirk en
activités en ligne qui couvriraient tous les niveaux et respecteraient « les
exigences de la modalité à distance » ;
2) formation des professeurs dans la réalisation des activités informatisées,
qui correspond, selon ce même plan de travail, à l’accompagnement des
professeurs dans la « découverte et l’utilisation des activités en ligne afin
de les familiariser à l’outil informatique et les inciter à réaliser les
activités en laboratoire multimédia (présentiel) » ;
3) accès des étudiants de l’AFL aux activités en ligne.

Pour mener à bien cette entreprise, Mme Bleuse s’était entourée d’une équipe
de quatorze professeurs volontaires, provenant des divers centres de l’AFL, et qui

33
Personnes affectées, par l’association française des volontaires du progrès, à des missions de
développement local à l’étranger. Voir le site de l’association http://www.afvp.org/ . Il est évident
que la nomination de ces volontaires sur des postes en alliance française pose des questions quant
aux missions de ces personnes.

- 52 -
devaient se réunir tous les quinze jours pour mutualiser leurs productions et les
soumettre à l’analyse critique avant mise en ligne.
Dans le paragraphe relatif à la présentation de l’équipe, il est précisé que ces
enseignants sont « d’une certaine manière déjà impliqués dans l’utilisation des
TICE, offrant leurs compétences pédagogiques et/ou technologiques à la mise en
place du projet. ». Pour compléter ces compétences, la responsable du projet fait
apparaître dans les besoins la nécessité d’une formation technique à l’utilisation
de logiciels tels que Dreamweaver, Flash ou Java script 34 . Un technicien
accompagnait les travaux de l’équipe afin de résoudre les éventuels problèmes
technologiques.
Lors d’un premier entretien avec Mme Bleuse le 29 août 2008, nous avons pu
compléter l’information concernant l’atelier de LaFabrik et apprendre que les
enseignants devaient produire un parcours pédagogique (contenant environ 3-4
activités) tous les deux ou trois mois, pour la création duquel il avait établi que
quinze heures seraient nécessaires.
Ce moteur phare à la création de ressources TICE et à la mise en place
d’un enseignement à distance n’a pas survécu au changement de direction qui
s’est opéré en septembre 2008. L’atelier est « suspendu » depuis le début de
l’année 2009. Nous ne pensons pas qu’il faille nécessairement chercher de lien de
cause à effet entre la nouvelle gestion et la suspension du projet. Des raisons
d’ordre plus structurel sont à considérer, tel le choix de la responsable de projet,
qui n’était vraisemblablement pas la personne la plus indiquée (entretien Hector,
avril 2008), l’absence de formation préalable des enseignants volontaires du
projet ; ces raisons, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’analyse des obstacles
à l’usage des TICE, relèvent davantage des décisions prises lors de la précédente
gestion de l’AFL (c’est-à-dire avant septembre 2008).

34
Notons que dans un bilan datant d’août 2008, donc quatre mois après le précédent rapport, Mme
Bleuse réaffirmait la grande importance d’une formation aux logiciels. Elle soulignait que « c’est
avec l’aide de ceux d’entre nous, plus familiarisés avec ces ressources, que l’équipe progresse. »,
en attendant la formation prévue.

- 53 -
II.2. Le protocole de recherche

II.2.1 Calendrier

Notre travail a suivi plusieurs étapes liées notamment aux exigences des
instruments de collectes et d’analyse d’informations. Globalement, il y eu sept
moments clés :
1) septembre-octobre 2008 : prise de contact et modification du cadre de la
recherche avec la nouvelle directrice académique de l’AFL (nommée en
septembre 2008) et la responsable du projet ;
2) novembre 2008 : premier questionnaire transmis par voie hiérarchique ;
3) novembre-décembre 2008 : entretiens individuels avec huit professeurs de
l’AFL ;
4) novembre-décembre 2008 : transmission et collecte des questionnaires ;
5) mars 2009 : transmission du questionnaire « Stage of concern » ;
6) mars-avril 2009 : entretiens individuels avec trois personnes de l’AFL : un
professeur, la responsable académique et la responsable de projet ;
7) mars 2010 : formation TICE animée à l’AFL. Enquête sous forme de
questionnaire/bilan de formation.

Notre calendrier s’est adapté à celui de l’institution et aux disponibilités


des enseignants, très pris par d’autres emplois en dehors de leur travail à l’AFL.
Notre organisation, quant à elle, a souffert du changement de direction de l’AFL,
qui a entraîné quelques gênes : nécessité de tout réexpliquer, mais aussi de
convaincre les nouveaux dirigeants de l’intérêt du projet ; le plus dérangeant a été
de ne plus pouvoir avoir accès directement à la liste des enseignants de l’AFL,
comme nous l’avait promis M. Rivron en août 2009. Ce dernier point a constitué
une « perte » majeure dans notre travail dans la mesure où nous allions devoir
composer avec la direction pour transmettre et recueillir les questionnaires, pour
prendre contact avec les enseignants, etc. Nous sommes conscient du biais que
cela a introduit dans notre étude, mais ne pouvions véritablement contourner cela,
malgré quelques tentatives pour nous mettre directement en contact avec les sujets
de notre recherche.

- 54 -
II.2.2 Constitution des échantillons

II.2.2.1 Pour les questionnaires


Nous savons, avec François Depelteau notamment (2005 :214), que la
représentativité parfaite d’un échantillon n’existe pas. Ceci dit, nous avons
cherché à nous adresser à un maximum d’enseignants de l’AFL tant pour les
questionnaires que pour les entretiens afin de multiplier les profils des sujets
étudiés.
Pour les questionnaires, nous avons procédé selon la technique probabiliste
d’échantillonnage aléatoire. En effet, tous les enseignants de l’AFL avaient la
même chance d’être sélectionné.
Néanmoins, comme dit précédemment, n’ayant pas à notre disposition la liste des
enseignants de l’AFL, nous avons dû nous appuyer sur la direction académique
pour transmettre les questionnaires aux enseignants. Ne contacter que les
enseignants du centre de Miraflores, le plus important et accessible (sur le plan
géographique), aurait été une possibilité mais nous craignions que les conditions
matérielles et le prestige de ce centre influent positivement les résultats. Aussi,
cherchant à atteindre un maximum de professeurs, nous n’avions d’autre moyen
que de transiter par la direction académique pour transmettre, par mail, les deux
questionnaires principaux de notre enquête. Pour « contourner » le biais
institutionnel, nous avions insisté auprès de la direction académique pour que
notre mail apparaisse sur les enquêtes afin que les enseignants puissent nous
retourner directement le document par courrier électronique.

II.2.2.2 Pour les entretiens


Pour ce qui a été des entretiens, nous avons fini par composer notre
échantillon selon la technique non probabiliste d’échantillon de volontaires.
Toutefois, connaissant les réserves au sujet de cette technique (individus attirés
par cet exercice pour diverses raisons, représentativité), nous avions cherché à
limiter les risques de biais liés à cet échantillon en définissant un profil de sujets.
Nous avons souhaité rencontrer au minimum neuf personnes que nous organisions

- 55 -
en trois groupes selon des critères d’âge et de niveau en langue 35 : 20-30 ans
(niveau B2, C1 et C2) ; 31-40 ans (niveau B2, C1 et C2) ; 41-54 ans (niveau B2,
C1 et C2).
Pour cela, deux moyens de prise de contact avaient été employés : la participation
à des réunions officielles pour prendre directement rendez-vous avec certains
enseignants ou responsables (corpus 1, 3, 7 et 8) et le passage par la hiérarchie (2
responsables) pour nous mettre en contact avec des enseignants (corpus 2, 4, 5, 6,
9, 10 et 11). Une affiche avait été placardée dans chacun des six centres pour un
appel à volontaire ; cette liste nous était ensuite transmise, ainsi que les
coordonnées de la personne.
Malheureusement, peu d’enseignants se sont proposés volontaires et nous n’avons
pas pu sélectionner nos profils retenus parmi les professeurs et nous avons dû
nous « contenter » de ceux qui avaient bien voulu faire l’entretien. Nous nous
sommes toutefois assuré que parmi les volontaires, nous retrouvions des
enseignants qui faisaient partie de LaFabrik, d’autres qui ne l’avaient pas intégrée.
Ceci étant, il nous paraît évident que le facteur géographique36 est à considérer
dans les facteurs qui nous ont empêché d’être davantage « maître » du public
étudié. Néanmoins, nous avons cherché à réduire, comme nous le pouvions, les
biais engendrés par ces techniques d’échantillon, notamment en diversifiant les
instruments de collecte d’information et d’analyse.

II.2.3 Instruments de collecte et d’analyse

Dans le cadre de cette étude, nous avons retenu l’approche quantitative et


qualitative parce que la population à étudier était potentiellement importante et
que, tentant également de recueillir les représentations des enseignants sur la
question des TICE, nous envisagions aussi de sonder l’humain, le vécu, ce qui est
plus du ressort de l’approche qualitative (Pierre Paillé et Alex Mucchielli

35
Nous pensions ainsi retenir quelques critères permettant une certaines représentativité de la
population mère.
36
Trujillo, la ville où nous habitons se situe à environ 600 km au nord de Lima.

- 56 -
2005 :13). De fait, nous avons choisi des instruments de collecte et d’analyse des
données propres à ces deux approches.

II.2.3.1 Les instruments de collecte des données


Les instruments retenus sont au nombre de trois : les questionnaires, les
entretiens et l’évocation hiérarchisée.

II.2.3.1.a Les questionnaires


Ces instruments sont souvent propres à l’approche quantitative car ils
permettent d’atteindre une population importante. Dans l’absolu, nous souhaitions
nous adresser aux quelques 130 enseignants que compte l’AFL 37 . Nous avons
choisi deux types de questionnaires : ad hoc et pré-existant (Stages of concern).
Le premier questionnaire ad-hoc (cf. Annexe I) comportait 22 questions,
ouvertes et fermées, réparties en quatre parties : I) Vous ; II) Vous et l’ordinateur ;
III) Vous et internet ; IV) Vous et les TICE.
La partie « Vous » (questions 1 à 5) répondait à un besoin d’anticiper certaines
nouvelles variables, non prises en compte dans nos hypothèses, mais pouvant
influer sur le rapport à l’outil informatique et aux TICE en général (âge, sexe et
niveau en langue, expérience dans l’enseignement). Bien que nous ne
considérions pas que ce soient des variables intéressantes pour notre étude, nous
ne pouvions pour autant les exclure totalement. En intégrant ces questions dans
l’enquête, nous nous laissions alors la possibilité de développer, suite aux
premières analyses, des hypothèses prenant en compte ces paramètres.
Les parties « Vous et l’ordinateur » et « Vous et internet » devaient nous
permettre de comprendre le rapport de l’enseignant à l’outil informatique tant sur
le plan purement matériel (Q6, Q7, Q8, Q11, Q12) que des représentations qu’il
se fait de cet outil (Q9, Q10, Q13, Q14).
Nous avions prévu une question à réponses ordonnées (Q8) pour étudier la priorité
dans les usages de l’ordinateur :

37
Le chiffre est très mouvant de par la réalité même de ce genre d’institution qui doit s’adapter
aux nombre d’étudiants inscrits.

- 57 -
8- Quel usage en faite-vous ? Classez ces propositions par ordre de fréquence.
__ Traitement de texte
__ Recherches sur internet
__ Jeux vidéo
__ Messagerie
__ Autres. Précisez :

Toutefois, lors des premières réponses nous nous sommes aperçu que de
nombreux enquêtés s’étaient contentés de cocher les cases, ce qui rendait
impossible le classement des utilisations. Nous avons donc simplement transformé
cette question en question à choix multiples.
Notons que les questions 10 et 14 ont été influencées par les travaux sur les
représentations de l’ordinateur de Rézeau (1999). Pour ce qui est des items
retenus dans les questions 10 et 13, certains étaient directement inspirés par la
théorie de la diffusion de l’innovation (notions d’utilité et de la facilité d’usage de
l’outil) ou par l’idée que l’esthétique/ergonomie de l’outil pouvait influer le
rapport à ce dernier (items « laid » et « agréable »).
La réflexion sur les représentations était également abordée à travers des questions
de la partie IV relative aux TICE : Q16, Q17, Q19 et Q22. Toutes ces questions
tentaient de nous aider à approcher des réponses liées à nos hypothèses H1a, H1b
et H2.
Pour travailler les hypothèses H1c et H4, nous avons intégré au questionnaire ad
hoc les questions concernant la formation tant informatique que numérique (Q20
et Q21).
Il nous semble important de souligner que pour réduire la marge d’erreur
dans les réponses des enquêtés, nous avons cherché soit à poser différemment des
questions touchant au même sujet (Q13 et Q14), soit à approfondir la réponse
précédente, pour confirmer la réponse donnée (Q15). Une autre technique que
nous avons employée pour minimiser la marge d’erreur était de soigner
l’agencement des questions et d’alterner la place des items positifs et négatifs,
comme dans l’exemple ci-dessous (Q13). Ceci devait nous permettre d’éviter que
l’enquêté ne réponde de façon trop automatique.

- 58 -
13- Indiquez par une croix, pour chaque échelle, l’impression que vous fait internet.
difficile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ facile
agréable ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ désagréable
gain de temps ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ perte de temps
utile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ inutile

14- Complétez cette phrase :


Pour moi, internet
c’est ...........................................................................................................................................

15- Savez-vous ce que signifie « TIC » ou « TICE » ?


. oui . non (si non, poursuivez à partir de la question 19)
Définition : ............................................................................................................................................................
...........

Un deuxième questionnaire ad-hoc a été diffusé aux enseignants de la


formation que nous avons faite durant la semaine du 1er au 5 mars 2010 pour
étudier nos deux dernières hypothèses H4c et H4d.
Soulignons que contrairement aux autres techniques de collecte, nous avions
demandé aux enseignants de marquer par un signe distinctif (initiales, dessins,
etc.) leurs fiches afin que nous puissions les regrouper et étudier l’évolution
individuellement.
Il était composé de deux parties : une première, assez courte puisque nous
ne posions que trois questions, nous permettait d’avoir une idée de l’usage des
TICE par les enseignants présents et leurs attentes en termes de formation :

Q1. Utilisez-vous les TICE avec vos élèves


O oui O non (pourquoi ? ....................................................................................................... )

Q2. Lorsque vous utilisez les TICE, quels types d’activités privilégiez-vous ?

Q3. Brièvement, dites ce que vous attendez de cette formation.

La deuxième partie comportait huit questions. Etant une enquête/bilan de


formation, quatre questions n’étaient pas directement liées à notre recherche mais
s’intéressaient à la satisfaction des stagiaires et à leurs besoins futurs. Au final, sur
ces huit questions, seules les questions Q1 à Q4 allaient nous apporter des

- 59 -
informations pour notre étude, notamment en indiquant une éventuelle évolution
entre les réponses données lors de la première partie du bilan et celles de la
deuxième.
Par ailleurs, le choix délibéré de limiter ce nombre suivait la même logique que la
décision de recourir principalement aux questions fermées : limiter le temps
consacré à compléter, sur place, cette enquête et éviter l’exaspération des
enseignants.
Les questions Q1, Q2 et Q3 devaient nous aider à étudier l’hypothèse H4c.
Notons que Q2 et Q3 devaient également nous permettre d’analyser l’hypothèse
H4d, pour laquelle nous avions par ailleurs retenu la question Q4.
Q1. Cette formation vous a-t-elle semblé favoriser une pédagogie où l’élève est acteur de son
apprentissage ?
O oui O non

Q2. Qu’est-ce que cette formation vous a-t-elle apporté (plusieurs réponses possibles)?
O rien O un intérêt plus grand pour les TICE O de nouvelles compétences
O une autre façon d’aborder les TICE O une confiance dans mes capacités à utiliser les TICE
O autres : ......................................

Q3. Complétez cette phrase :


Cette formation m’a permis de...

Q4. Après cette formation, quels types d’activités/pédagogie pensez-vous privilégier (une seule réponse
possible)
O le travail de compétences linguistiques isolées O des scénarios pédagogiques O
pédagogie de projet
O autres : ..............................

Pour des raisons de logistique liée à l’organisation des inscriptions par


l’institution, ou aux obligations professionnelles des professeurs, le nombre de
stagiaires a été très variable : 19 enseignants pour l’atelier TBI, 6 stagiaires pour
l’atelier sur le logiciel Nvu, créateur de pages html, et 8 stagiaires pour l’atelier
sur les exerciseurs.
Pour le premier atelier, nous disposions de 14 enquêtes exploitables38 pour étudier
tant le profil que l’évolution des stagiaires. Pour ce qui concerne l’atelier Nvu,
nous avons recueilli 6 enquêtes contre 6 fiches pour le dernier atelier consacré aux

38
Etaient non exploitables les questionnaires qui ne mentionnaient pas les initiales des enseignants,
ou pour lesquelles il manquait soit la 1ère fiche (Pour mieux vous connaître), soit la 2ème (Bilan de
la formation).

- 60 -
exerciseurs. Au total, nous avons collecté 15 fiches « Pour mieux vous
connaître », 14 bilans de l’atelier TBI, 6 bilans pour l’atelier Nvu et autant pour
l’atelier consacré aux exerciseurs. Ainsi, 26 questionnaires devaient nous
permettre de voir l’évolution du regard des enseignants en fonction des ateliers et
au fil de la formation.

Quant au « Stages of concern questionnaire», ou SoCQ, (cf. Annexes IIa et


IIb), il s’appuie sur le CBAM, le « Concerns-Based Adoption Model », qui
s’intéresse aux changements vécus par les individus lors de l’introduction d’un
nouvel élément et les questions que ceux-ci se posent à la suite de ces
modifications. Le SoCQ est plus particulièrement emprunté au travail effectué en
1977 par l’équipe de recherche de l’université américaine d’Austin au Texas,
composée de Gene E. Hall, Archie A. George et William L. Rutherford.
Les motivations qui nous ont amené à opter pour ce modèle de collecte
d’information sont multiples : d’une part, la relative facilité à l’administrer
puisqu’il peut se transmettre et être retourné par courrier électronique ; ensuite,
selon le manuel d’usage du SoCQ, seules 10 à 15 minutes suffisent pour
compléter le document, ce que nous considérions un argument de taille dans un
contexte où les professeurs manquent considérablement de temps ; il met à
disposition un tableau (cf. Annexe IIc) permettant un calcul, certes fastidieux
mais assez aisé des résultats et une conversion des résultats chiffrés en profil ;
enfin, il avait l’avantage de pouvoir évaluer sept niveaux de préoccupation et
d’adoption des nouvelles technologies chez les enseignants de l’AFL. En outre, il
avait été étrenné par d’autres recherches (voir notamment Sonia Lefebvre, Colette
Deaudelin et Jean Loiselle 2004) et avait ainsi montré son intérêt pour ce genre
d’étude sur les TICE.
Le SoCQ est composé de 35 items auxquels les enquêtés doivent donner
une valeur allant de 0 à 7. Plus la valeur est élevée, plus l’enquêté est en accord
avec l’affirmation. Si un enseignant ne se sentait pas/peu concerné par certains
items, il lui fallait cocher la valeur 0 : cela permettait notamment de prendre en
compte tout l’éventail d’expérience dans l’utilisation des TICE. Suite à l’analyse

- 61 -
des questionnaires, nous dégageons sept niveaux de préoccupation/utilisation des
TICE :

Figure 3 : Les 7 « niveaux de préoccupation » (stages of concern)

Source : Barry Sweeny, 2003

En nous inspirant de l’étude de Lefebvre et alii. (2004 :109), nous pouvons


définir ainsi les différents niveaux. Au niveau 0 « éveil », l’enseignant s’interroge
encore sur ce que peuvent être les TICE. Ensuite, le niveau 1 « information »,
correspond à la phase où l’enseignant a conscience de l’existence des TICE mais
se pose des questions à ce sujet. Au niveau 2 « personnel » l’enseignant recherche
à connaître l’impact des TICE sur sa pratique, son nouveau rôle et ce que
l’intégration des nouvelles technologies exigera de lui. Le niveau 3 « gestion »
fait état des questionnements liés à une première expérience dans l’usage des
TICE et s’interroge notamment sur ses compétences et sur les conditions
d’intégration des TICE à sa pratique. Au niveau suivant, le niveau 4
« conséquences », l’enseignant se préoccupe de connaître les répercussions des
TICE sur l’apprentissage des élèves. L’enseignant qui se situe au niveau 5
« collaboration », quant à lui, manifeste son désir de partager son expérience avec
ses collègues. Enfin, au niveau 6 « réorientation », l’enseignant désire adapter les
TICE afin d’intégrer des nouveautés et approfondir ses compétences pour de
meilleurs résultats.

- 62 -
Nous tenons à signaler qu’il eut été plus intéressant encore d’administrer
ce questionnaire en tout premier lieu pour « photographier » le profil des
enseignants de l’AFL et faciliter la création d’échantillon à étudier. Cependant,
n’ayant découvert ce document que tardivement, nous ne pouvions fonctionner
ainsi. Néanmoins, vu l’intérêt scientifique de cet outil, nous avons jugé intéressant
de l’appliquer pour mieux cerner les professeurs de l’AFL et surtout pour
confirmer le niveau d’adoption des TICE. Il est évident qu’un niveau élevé aurait
complètement remis en question notre étude. Ce ne fut pas le cas comme nous le
verrons ensuite.
Comme mentionné plus haut (II.2.2), les deux questionnaires ont été
transmis par mail aux enseignants et ils nous ont été retournés soit en l’envoyant
directement à notre adresse électronique, soit en le déposant dans une boîte
disponible au secrétariat de la direction académique. Pour encourager le retour des
questionnaires, nous avons décidé de les rendre anonymes. Ceci avait néanmoins
pour inconvénient, par la suite, de nous empêcher de pouvoir contacter certains
enseignants dont les résultats à l’enquête s’avéraient intéressants.
Au final, parmi les enquêtes collectées en décembre 2008, 14 questionnaires (sur
55 collectés) nous ont été retournés directement à notre adresse électronique ;
pour les questionnaires SoCQ, recueillis entre fin mars et avril 2009, nous
comptons 25 retours par mails (dont 4 transitant par le courrier électronique de la
responsable académique) sur les 49 retournés.
Un autre instrument de collecte que nous avons utilisé était l’entretien semi-
directif.

II.2.3.1.b. Les entretiens


Nous avons eu recours à des entretiens inspirés par l’approche
compréhensive. Dès le départ il nous paraissait évident que pour recueillir les
représentations, il allait falloir « prendre le temps de [nous] plonger dans les
histoires personnelles, de susciter les confidences, de fouiller le passé » (Jean-
Claude Kaufmann 2006 : 15), bref, de se rapprocher de l’interviewé et d’être en
empathie.

- 63 -
La difficulté principale, toutefois, était la question de distance car il s’agissait de
« s’approcher du style de la conversation sans se laisser aller à une vraie
conversation » (ibid : 48). Ainsi vêtu de notre costume de funambule-chercheur,
nous devions tenir en équilibre sur la frontière ténue qui sépare le confident du
chercheur. En même temps, nous plaisait l’idée d’être libre d’être soi, de pouvoir
rire et s’attendrir, de se taire et contredire, de pouvoir même, suivant les conseils
de Douglas, charmer ou séduire (cité dans Kaufmann 2006 : 55).
Ceci nous paraissait d’autant plus urgent que nous souhaitions nous défaire du
sceau de l’institution duquel nous étions immanquablement marqué, même
physiquement puisque, à l’exception d’une interview faite dans un café de la ville
un samedi après-midi, tous les entretiens se sont déroulés en tête-à-tête dans une
salle mise à disposition sur trois sites de l’AFL : centre de Miraflores, Lima
Centro et La Molina39. Aussi, tenter de nous rapprocher des interviewés et créer
une atmosphère de confidence devenait un enjeu scientifique pour éviter que les
enseignants nous livrent ce que, en théorie, l’institution souhaitait entendre à
travers nous. Il nous a semblé y être parvenu avec certains car nous avons pu
noter, dans la progression de certaines interviews, un changement de ton et de
comportement (position sur la chaise, gestes, volume de la voix).
Nous avons pris contact et rendez-vous avec onze enseignants et
responsables par mail. Chaque entretien était enregistré sur un mp3 avec l’accord
de la personne. Au total, nous avons enregistré et retranscrit 8 heures 10 minutes
d’interview, ce qui correspond à une durée moyenne de 45 minutes par entretien.
Chaque entretien suivait une trame de questions (cf. Annexe III) établies sur la
base de nos hypothèses de recherche et s’appuyait en plus sur un élément
déclencheur de parole sous la forme d’images (cf. Annexe IV) : les enseignants
interviewés devaient extraire celle qui représentait le mieux ce qu’évoquait pour
eux un ordinateur. Les entretiens se composaient de trois « étapes » : présentation
personnelle et de l’objet de la recherche, l’évocation hiérarchisée, que nous
aborderons par la suite, et l’entretien à proprement parlé.

39
Nous avons toujours proposé aux volontaires de faire l’entretien dans un endroit plus neutre (un
café, par exemple) mais, pour des raisons d’emploi du temps, cela a presque toujours été refusé.
Nombreux sont les enseignants qui nous avaient accordé un entretien entre deux cours et, sachant
que certains travaillent jusque tard, cela semblait malgré tout la meilleure solution.

- 64 -
Le guide d’entretien comportait trois grandes parties : « Eux, l’ordinateur et les
TICE », « LaFabrik : qu’est-ce qu’ils savent ? » et « Les intérêts de cet atelier »
(ces deux dernières parties permettaient d’aborder le travail de l’hypothèse H3).
Nous avons adapté ce guide lors des entretiens avec les responsables académique
et du projet LaFabrik (la partie 1 a été modifiée et comportait moins de référence à
l’usage des TICE dans leur pratique professionnelle40).
Pour finir, rappelons que notre étude s’est effectuée dans un contexte
étranger et que cinq personnes que nous avons interviewées sont de nationalité
péruvienne. En dépit d’un niveau très souvent fort satisfaisant, voire excellent
(corpus 1, 2 et 4), le français reste donc une langue étrangère. En ce sens, nous
pouvons définir la communication comme exolingue. Partant, nous craignions que
le français employé ne reflète pas toujours la pensée du locuteur : pour cette
raison, nous avons souvent proposé aux enquêté le choix d’utiliser soit l’espagnol,
soit le français. Tous ont choisi le français.
C’est au cours de ces entretiens que nous avons appliqué notre dernier instrument
de collecte des données : l’évocation hiérarchisée.

II.2.3.1.c. L’évocation hiérarchisée


L’évocation hiérarchisée est un instrument emprunté à Abric (2007),
lequel s’est inspiré des travaux de P. Vergès (1992). Cette technique permet de
« recueillir un contenu tout en mettant en évidence sa hiérarchisation » (Abric
2007 :62), or nous savons que pour l’étude des représentations « la connaissance
du contenu ne suffit pas, c’est l’organisation de ce contenu qui donne le sens »
(ibid. : 60). C’est ce que permet cette technique.
Le déroulement est assez simple ; chaque interviewé va s’exprimer en deux
temps : une première phase d’association libre et une deuxième phase de
hiérarchisation.
Dans la phase 1, la personne inscrit sur un papier tous les mots ou
expressions qu’évoquent en elle ces mots inducteurs que nous avions choisis en
lien avec notre étude : ordinateur, internet, informatique, TICE, LaFabrik.

40
Notons au passage qu’il serait intéressant d’étudier dans quelles mesures l’usage et/ou les
représentations des TICE chez les dirigeants d’une institution affectent les représentations que se
font les enseignants de cet outil.

- 65 -
Tout comme dans l’exemple proposé par Abric (2007 :65), nous avons demandé
aux enquêtés de noter cinq mots qui leur venaient à l’esprit à l’évocation de nos
mots inducteurs. Notons que nombre de nos interviewés parvenaient péniblement
à en produire 2 ou 3.
Cette première étape permet « l’actualisation d’éléments implicites ou latents qui
seraient noyés ou masqués dans les productions discursives » (ibid. :63).
Dans la phase 2, le sujet classe les mots écrits en fonction de l’importance
qu’il leur donne, ce qui ajoute une information plus qualitative à l’approche
quantitative opérée par la phase 1 (fréquence d’apparition d’un même item sur
l’ensemble des interviewés).
Enfin, dans un tableau, nous croisons la fréquence d’apparition des mots et
leur importance.
Figure 4 : Tableau synthétique de l’évocation hiérarchisée
IMPORTANCE

GRANDE FAIBLE
CASE 1 CASE 2
FORTE Zone du noyau 1ère périphérie
FREQUENCE
CASE 3
CASE 4
FAIBLE Eléments
2ème périphérie
contrastés

Selon Abric (2007 :64), la case 1 contient les éléments très fréquents et très
importants alors que la case 2 regroupe les éléments périphériques les plus
importants. Nous retrouverons dans la case 3 les thèmes peu fréquemment cités
mais considérés par les enquêtés comme très importants. Enfin, la case 4 est
constituée des éléments peu fréquents et peu importants.
« [L]e croisement des deux informations recueillies permet [alors] un premier
repérage des éléments de la représentation » (ibid :63), qui sera complété par une
hypothèse d’analyse des termes retenus dans le tableau.
Nous pouvons noter que cette technique a un double intérêt puisqu’elle permet
non seulement de collecter l’information mais également d’analyser de façon
« très simple et instructive » (Abric 2007 :65) les données ainsi recueillies.

- 66 -
Une fois les données collectées, nous pouvions passer à la phase d’analyse.
Les différents instruments retenus étaient : le logiciel Sphinx, l’approche
qualitative par questionnement analytique et l’analyse du discours.

II.2.3.2. Les instruments d’analyse des données


II.2.3.2.a. Le logiciel Sphinx
Le questionnaire ad-hoc a été traité à l’aide du logiciel Sphinx Plus² - V5.
Pour ce faire, nous avons au préalable introduit nos questions dans le logiciel. Une
fois les enquêtes retournées, nous avons procédé à une catégorisation (cf. Annexe
V) et codification pour mieux entrer les résultats. En guise d’exemple, pour l’item
10 du questionnaire, qui se présentait sous la forme d’une phrase à compléter
« Pour moi, l’ordinateur c’est... », nous avons obtenu ces réponses :
outil – moyen de travail – moyen de distraction – outil moderne – perte de temps
– gain de temps – invention qui nous permet – instrument utile – instrument
obligatoire – outil – machine très importante – machine très utile – moyen de
communication – fenêtre sur le monde – porte ouverte – secrétaire parfaite –
appareil.

Suite à plusieurs lectures attentives des réponses, nous avons procédé à la


première étape de catégorisation, qui nous a amené à définir huit catégories :
Machine (+ appareil) ; Usage (outil, instrument, moyen) ; Valeur (utile,
obligatoire, important, moderne, parfaite) ; Humain ; Gain ; Ressource ;
Ambivalent ; Ouverture

Pour définir les catégories « machine » et « usage », nous nous sommes inspiré
des travaux de Komis (1994), Rabardel (1995) et Rézeau (1999). Selon Komis
(1994 :77), la machine correspond seulement à l’aspect matériel de l’ordinateur :
c’est une représentation élémentaire de cet artefact, alors que l’usage correspond à
une représentation plus évoluée dans laquelle la machine est perçue en dehors de
son aspect purement matériel. D’ailleurs, nous avons associé à « usage » les
termes « outil », « instrument » et « moyen » dans la mesure où tous faisaient
référence à ce qui sert pour aboutir à une fin. D’ailleurs Rézeau (1999 :42) nous

- 67 -
rappelle, à propos de l’outil, que cela correspond au niveau où « le sujet ne se
représente pas seulement l’aspect extérieur, les composants de l’ordinateur mais
son usage, au moins potentiel. » et qu’il est difficile de le distinguer de
l’instrument41.
Enfin, pour faciliter la saisie des réponses et son traitement, à partir de ces
catégories, nous avons retenu les codes suivants :
[Mach]ine ; [Usage] ; [Val]eur ; [Hum]ain ; [Gain] ; [Ress]ource ; [Ambival]ent ;
[Ouv]erture.

Pour ce qui est des entretiens, nous avions fait le choix d’utiliser deux
autres outils qui nous semblaient prendre mieux en compte le contexte, essentiel à
la compréhension globale du discours des enquêtés.

II.2.3.2.b. Le questionnement analytique


L’approche qualitative par questionnement analytique fait partie dess
techniques que préconisent Paillé et Mucchielli (2005) pour une analyse
qualitative. Nous avons retenu cette approche pour deux raisons pratiques : sa
simplicité d’exécution (bien que rigoureux, cette technique reste moins fastidieuse
que le travail sur les catégories conceptualisantes, par exemple) et aussi parce que
cela correspondait véritablement à notre entreprise de recherche de réponses à la
question initiale : « Qu’est-ce qui freine les professeurs dans l’usage des TICE
dans leur pratique enseignante ? ».
Nos questions étaient ciblées en fonction de nos hypothèses de départ.
Mais, cette approche a également alimenté nos hypothèses de travail. En effet, la
lecture des entretiens et le questionnement régulier du corpus nous a amené à
générer des questions plus précises sur les raisons à l’origine du peu d’utilisation
des TICE, ce qui nous a conduit à émettre d’autres hypothèses d’étude (H3d,
notamment).
Selon Paillé et Mucchielli (2005 :111), mettre en place cette approche suit
trois étapes principales :

41
Notons toutefois que certains auteurs tels que Ginet, (dans Rézeau 1999 :41) ne font pas de
différence entre machine et outil dans le contexte de nouvelles technologies.

- 68 -
1) formuler, sélectionner, ou adapter les questions opérationnalisant les
objectifs recherchés ;
2) soumettre le matériau pertinent à ces diverses questions, de manière à
générer de nouvelles questions, plus précises et en lien avec le corpus, le
tout constituant un canevas investigatif évoluant avec les phénomènes
émergents ;
3) répondre progressivement à ces questions en générant des réponses
directes sous la forme d’énoncés, de constats, de remarques, etc.

Il est évident que les réponses obtenues au premier « filtre » n’étaient pas
suffisantes et que de nombreux examens du corpus interrogé ont été nécessaires
avant de pouvoir accepter la validité de certains résultats, qui est fonction
également de leur occurrence dans divers corpus. Un résultat isolé n’a a priori que
très peu de signification.
Voici les questions que nous avons posées aux corpus des entretiens. En
italiques sont les questions que nous avons progressivement ajouté en fonction des
phénomènes émergents que nous retrouvions dans plusieurs retranscriptions. En
revanche, celles que nous avons barrées sont les questions qui finalement n’étaient
pas suffisamment pertinentes pour notre étude.

1- Quelle est l’image que les enseignants ont de l’outil informatique ?


2- Quelle est leur face dans l’utilisation de cet outil ?
3- Quel emploi font-ils de cet outil ?
4- Que savent-ils des TICE ?
a. Qu’est-ce que cela évoque ?
b. Qu’est-ce que cela apporte ?
i. A l’enseignant ?
ii. A l’apprenant ?
iii. A la situation d’apprentissage ?
5- Quelle utilisation font-ils des TICE ?
6- Quels freins à l’utilisation des TICE ?
7- Quel impact une formation aurait-elle sur leur pratique ?
8- Que savent-ils de LaFabrik ?
a. Quel est la place de la politique de communication dans leur connaissance ou
non de ce qu’est LaFabrik ?
9- Quel est le rôle d’un enseignant ?
10- Quel est le rôle d’un enseignant qui intègre les TICE à sa pratique ?

- 69 -
II.2.3.2.c. L’analyse du discours
Comme nous le constations préalablement (II.2.3.1.b), la situation
d’entretien se faisait en contexte exolingue, aussi nous pouvons supposer que
l’analyse des corpus à l’aide de l’analyse du discours peut être faussée par le fait
que les sujets n’exprimaient pas nécessairement leur pensée. Ceci étant, toutes les
personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu avaient soit le français
comme langue d’origine, soit possédaient le niveau C1 ou C2, gage d’habilité
linguistique certaine. Aussi pouvons-nous admettre que l’analyse du discours à
partir d’éléments de linguistique française pouvait tout de même fonctionner et
apporter des réponses intéressantes.
Notre décision d’opter également pour l’analyse du discours était motivée
par le fait que nous supposions que les interviewés ne disaient pas nécessairement
ce qu’ils pensaient. Au risque de généraliser, nous avons eu, au cours de notre
expérience péruvienne le sentiment et même la confirmation (dans le contexte
professionnel, notamment) que nombreux étaient les gens qui ne disaient pas ce
qu’ils pensaient, en dépit de l’affirmation du contraire. Partant, nous supposions
que deux facteurs pouvaient amener les interviewés à altérer ou dissimuler la
réalité : notre appartenance « officielle » à l’institution pour laquelle ils
travaillaient et l’aspect culturel que nous venons de mentionner. En effet, le
discours étant défini comme « l’ensemble des textes considérés en relation avec
leurs conditions historiques (sociales ou idéologiques). » (Georges-Elia Sarfati
2007 :16), nous ne pouvions défaire le contexte de ce qui se disait.
Recourir à l’analyse du discours nous semblait donc un bon moyen scientifique de
mettre à jour et analyser les stratégies énonciatives (effacement, mise à distance,
etc.) de nos interlocuteurs français et péruviens pour mieux percevoir les enjeux
de leurs propos.

- 70 -
En résumé...

Notre recherche s’effectue donc au sein de l’Alliance française de Lima,


un établissement assez important par le nombre d’étudiants qu’il accueille en
dépit d’un certain fléchissement. Les cours en interne ont, selon les mots du DG
actuel, peut-être atteint leur rentabilité maximum. Les cours en ligne ou
externalisés devraient prendre le relais et renouveler l’offre de cours.
La création de LaFabrik participait certainement déjà de ce renouvellement
en intégrant davantage les TICE. Selon les éléments recueillis, sa création ne
semble pourtant pas avoir été suffisamment réfléchie, ce qui aurait été un facteur
de la fragilité de cet atelier malgré le travail effectué.
Cela dit, les TICE demeurent un enjeu dans cette AF mais leur usage n’est
pas si répandu. Pour analyser les obstacles à cela, nous avons retenu divers outils
d’étude : les entretiens, l’évocation hiérarchisée et les questionnaires pour la
collecte de données, l’analyse par questionnement analytique, le logiciel Sphinx et
l’analyse du discours pour l’analyse de ces données.

C’est en nous appuyant sur la connaissance de ce contexte et sur les outils


mentionnés que nous pouvons à présent nous concentrer sur les résultats et leur
analyse, avant de présenter un examen prospectif des moyens à mettre en œuvre
pour une intégration réussie des TICE à l’AFL.

- 71 -
Troisième partie :
Résultats, analyses et examen
prospectif

- 72 -
Les résultats sont évidemment le fruit de la confrontation entre ces
éléments collectés et les outils d’analyse retenus. Nous évoquerons en parallèle les
résultats et l’analyse que nous pouvons en tirer.
La seconde étape consistera à proposer un examen prospectif des moyens à mettre
en place pour permettre une meilleure intégration des TICE au sein de l’AFL.

III.1. Résultats et analyse

Nous avions posé quatre hypothèses, dont trois subdivisée en plusieurs


sous-hypothèses.
Pour une meilleure lecture, nous rappellerons chaque hypothèse principale
individuellement, puis reprendrons progressivement les sous-hypothèses avant
chaque analyse. Par ailleurs, afin de mieux suivre les résultats d’analyse, nous
proposerons une brève conclusion pour chaque hypothèse principale.

III.1.1 Hypothèse 1

Elle s’intéresse à l’importance de la connaissance de l’outil informatique


dans l’intégration des TICE.

H1 - l’absence ou l’obsolescence du matériel à l’AFL est susceptible de ne


pas favoriser la prise en main de cet outil par les enseignants et est ressentie
comme un frein à son intégration dans les cours dispensés.

Rappelons que suite à notre modification des variables (cf. I.4.2), cette
hypothèse est constituée d’une variable indépendante (VI)
{l’absence/obsolescence du matériel à l’AFL} et de deux autres dépendantes :
VDa {la prise en main de cet outil par les enseignants} et VDb {l’intégration de
cet outil dans les cours dispensés}.

- 73 -
Pour analyser les variables VI/VDa, nous pouvons nous appuyer sur notre
entretien avec Gérard42 pour tenter d’apporter un début de réponse43. Lors de notre
rencontre, cette personne nous a confié que le laboratoire qui existait à Miraflores
n’était que très rarement utilisé par les enseignants dans la mesure où ils seraient
très peu nombreux à savoir « où se trouve le laboratoire » (114) ou à être « déjà
rentré dans le laboratoire » (116) :
113 B Comment tu vas ::: motiver les troupes ?
114 G Motiver les troupes ça veut dire être sûr que toutes les troupes ::::::::::::: du
moins sur Miraflores parce que la la problématique elle va être un peu
différente sur Miraflores il faudrait être sûr que tous les professeurs savent
où se trouve le laboratoire je suis très cynique mais bon//
115 B C’est vrai ?
116 G D’accord non je pense qu’ils le savent grosso modo mais je ne sais pas si
tout le monde est déjà rentré dans le laboratoire :::::::::::::::::::::::::: je n’en
suis pas du tout sûr.
Entretien avec Gérard, corpus 7 – avril 2009

L’absence de fréquentation affirmée par Gérard peut nous amener à admettre que
ce ne serait pas l’absence de matériel informatique qui gênerait la prise en main de
ces outils par les enseignants. Nous savons par ailleurs que cinq centres sur six
sont équipés de laboratoire contenant au minimum six ordinateurs connectés à
internet. Au total donc, l’AFL met à disposition des quelques 130 enseignants 48
postes. L’antenne de Lima Centro ne dispose certes pas de laboratoire mais
compte deux ordinateurs. Il y a donc un pro rata d’un ordinateur pour trois
professeurs.
Ceci dit, nous pouvons supposer que la distance qui sépare parfois certaines
antennes les unes des autres puisse freiner le désir ou la possibilité de se rendre
dans d’autres centres pour utiliser les postes à disposition.
Au final, tant les propos de Gérard que le pro rata professeurs/nombre
d’ordinateurs peuvent nous amener à conclure que la première partie de notre
hypothèse H1a VI/VDa est falsifiée : l’absence de matériel ne peut être retenue
comme un facteur ne favorisant pas la prise en main de l’outil informatique.

42
Tous les noms de nos enquêtés ont été modifiés pour préserver leur anonymat. Dans cette même
optique et parce que le sexe de la personne n’intervient pas comme variable, nous ne marquerons
pas non plus la différence entre hommes et femmes. Tous nos sujets auront des prénoms masculins.
43
N’ayant collecté que très peu de matériau qui pourrait nous aider à étudier cette hypothèse, notre
analyse ne peut être confirmée ou non par d’autre corpus.

- 74 -
Pour ce qui est de la deuxième partie de H1a, à savoir VI/ VDb, nous nous
appuierons principalement sur les extraits des corpus 11, 10, 5 et 4 dans lesquels
nous abordons avec nos enquêtés la question du matériel informatique à
disposition et l’usage qu’ils en font.
118 B Toi tu utilises l’ordinateur avec les élèves
119 I Je n’ai jamais apporté mon ordinateur ici, il y a un prof qui l’a fait un
jour, mais je l’ai vu mais il me parait qu’il a fait pour écouter des vidéo sur
youtube
120 B tu dis qu’il y a deux ordinateurs ici et est-ce que toi tu as utilisé les
ordinateurs avec les élèves?
121 I Non, non, impossible il y a parfois 5 a 10 étudiants avec 2
ordinateurs c’est impossible, possiblement je leur donne des sites web
pour qu’ils travaillent à la maison mais c’est tout, je sais pas si le
programme est installe mais je sais pas
Entretien avec Isidore, corpus 11 – novembre 2008

En premier lieu, Isidore nous affirme clairement que le centre dans lequel
il travaille, Lima centro, manque de moyens technologiques, ce qui l’empêche
d’utiliser l’informatique avec ses élèves (121). Nous pouvons noter que la réponse
(119) apportée à notre question (118), est une « fausse » réponse puisqu’elle
correspondrait davantage à une question qui serait « As-tu déjà amené ton
ordinateur en cours ? ». En apportant cette réponse, il nous indique indirectement
que l’usage des TICE en cours ne peut se faire que si l’enseignant possède un
ordinateur propre qu’il est prêt à utiliser dans le cadre professionnel. L’absence de
ressources technologiques est donc ressentie comme un frein à son usage.
Nous avons pu retrouver la même préoccupation qu’Isidore dans les propos de
Julio lorsqu’il nous dit :
17 J AH [utiliser l’ordinateur] dans le cours ou dans la maison dans les cours,
dans les cours bon, euh dans les cours, pour l’instant je n’ai encore
jamais fait :::::: j’envisage de le faire là maintenant
18 B Oui
19 J Bon, il y a des choses qui peuvent/ surtout que prendre son portable à
Lima pour se déplacer c’est jamais ::::::::::::::::::::::::, si on se pose des
questions, peut-être qu’on en parlera plus tard
20 B Oui
21 J Mais, donc l’utilisation que j’en fais c’est pour préparer des cours, c’est pas
pour les donner j’envisage de le faire euh, peut-être ce mois-ci mais bon
pour l’instant je me tâte un petit peu et je me demande si je vais le faire oui
ou non
22 B Qu’est-ce qui euh qu’est-ce qui vous empêche d’avoir la réponse aussi
définitive ?

- 75 -
23 J Bah, le fait de transporter son son ben un portable, qui est quand même
une chose chère à Lima bon le poids le poids ce n’est pas tellement grave
mais toujours cette petite cette petite insécurité je ne risque pas de me
faire piquer à un carrefour, bon, je je/ il y en a qui pense comme ça je n’ai
jamais eu de problème jusqu’à présent je ne vois pas pourquoi ça
commencerait comme ça mais bon il suffit d’une fois.
Entretien avec Julio, corpus 10 – avril 2009

Julio et Isidore envisagent l’utilisation des TICE en cours, dans l’espace classe.
L’option laboratoire n’est évidemment pas considérée par Isidore parce qu’elle
n’existe pas dans son centre. Néanmoins, même lorsque cette option existe,
certains professeurs regrettent l’absence de matériel en classe même, comme le
laisse entendre ce professeur (27) du centre de La Molina qui possède un
laboratoire doté de 15 ordinateurs :
26 B D’accord ::: merci beaucoup et euh ::: les tice apparemment lorsque j’ai
regardé rapidement c’est quelque chose qui qui vous intéresse ou du
moins qui vous interpelle
27 E Oui je crois que avec internet on peut trouver ::: plein de choses c’est
justement assez vaste on peut on peut pas tout travailler on doit choisir
mais pour cela il faut rechercher savoir ce qu’il faut choisir pour qui on va
choisir c’est intéressant, c’est un moyen d’apprentissage parce que les
élèves aujourd’hui tout le monde a un ordi tout le monde surfe sur internet
alors c’est ça ils aiment bien quand on leur donne des devoirs on leur dit
bon recherche à l’internet si vous voulez travailler sur ça chercher à
l’internet allez sur tel site ou tel autre c’est pour ça que je l’aime non mais
le problème c’est qu’on a pas/ ce serait idéal qu’on a dans la salle un
grand écran euh :::: et avoir internet un ordi pour pouvoir travailler
avec eux ::: si on peut pas le faire en salle on va quand même le laisser à
la maison
Entretien avec Eric, corpus 5 – décembre 2008

Notons que le contexte socio-culturel peut-être facteur de non usage de


l’ordinateur. En 23, Julio remarque que si tant est qu’il ait eu envie d’utiliser son
portable personnel, le sentiment d’insécurité qu’il ressent à Lima l’en empêcherait,
même si par l’usage qu’il fait des embrayeurs et des adjectifs possessifs (23) il
tente de faire bonne figure en « s’anonymant » derrière la tournure impersonnelle
« il y en a qui » qui vient remplacer le « je » initial, ou encore en effectuant un
glissement de « son » portable – où l’usage de l’adjectif possessif « son »
impliquerait déjà trop notre interlocuteur – à « un » portable.
Dans un second lieu, si nous nous concentrons sur l’extrait du corpus
d’entretien avec Daniel, nous pouvons relever un autre type de réponse qui vient
compléter le tableau présenté par Isidore, Julio et Eric :

- 76 -
192 B Dans l’absolu ce serait quoi/ comment est-ce que vous verriez un
cours ?::::::::::: si on vous disait Daniel vous êtes coordinateur académique
de la Molina, comment vous envisageriez ::: un enseignement ?::: vous
dites tout à l’heure 2 heures de cours réorganiser le temps consacré à
l’usage des ordinateurs du moins des tice
193 D Oui ::: surtout l’utilisation je comprends que c’est difficile ça dépend du
cours qu’on a donc c’est pas/ on a un seul laboratoire avec euh/
194 B Il y a combien d’ordinateurs ?
195 D On a :::: ordinateurs y’en a 15 mais qui marchent y’en a 10 (rires)
196 B (Rires), vous faites remonter les besoins ? lorsque vous dites qu’il y a 10
ordinateurs sur 15 qui marchent comment ça se fait que les 5 ne
fonctionnent toujours pas ?
197 D C’est pour ça vous voyez, si c’était à Miraflores, c’est vite fait c’est quelque
chose que je ne voyais pas « ah les prof de la Molina se plaignent toujours
et nous critiquent toujours nous, ceux de Miraflores et puis maintenant que
je suis là je me rends compte que c’est vraiment comme ça ::: il y a plus
d’une année qu’on demande de ::::://
198 B Plus d’une annéeá
199 D Je crois oui, je me souviens en janvier de l’année dernière j’avais un cours
super rapide et en janvier on a beaucoup d’étudiants et j’étais dans la salle
la plus grande j’en avais 18, j’en avais 20 c’était à notre tour d’aller au
laboratoire je me souviens très bien il y avait une étudiante qui me disait
Daniel ::::: dans la salle ils disent capacité 18 étudiants nous somme 20 tu
nous dis de venir il fait très chaud il n’y a pas de ventilateur, et il y avait des
ordinateurs en panne donc ils étaient obligés de travailler à 2 et c’est pas
bien quoi !
Entretien avec Daniel, corpus 4 – décembre 2008

Les 15 ordinateurs dont dispose le centre de la Molina dans lequel Daniel


travaille le classe parmi les deux antennes les mieux dotées, même si notre
enquêté semble regretter l’absence d’un autre laboratoire : « un seul » (193). Cela
dit, sur ces 15 ordinateurs, 10 sont en état de fonctionnement (195). Nous avons
donc affaire ici à une obsolescence du parc informatique, situation ressentie
comme risible (les rires en fin d’intervention en 195) et problématique : « c’est pas
bien quoi » (199). Nous nous demandons si cette dernière intervention ne pourrait
pas être lue comme l’expression d’une référence à la norme ou à la morale et que
l’on pourrait paraphraser ainsi : « ce n’est pas une situation que l’on devrait vivre
à l’AFL, l’alliance française la plus grande du monde ».
Au final, nous avons pu distinguer deux réponses différentes, mais
complémentaires, qui nous permettent de dire que notre hypothèse H1, VI/VDb
est corroborée : l’absence ou l’obsolescence du matériel à l’AFL est susceptible
de ne pas favoriser l’intégration des TICE en cours de FLE.

- 77 -
Pour compléter notre analyse sur la variable matériel, nous souhaiterions
ajouter qu’au-delà de l’absence ou de l’obsolescence de l’outil, il est apparu que la
qualité des supports proposés peut ne pas favoriser l’intégration des TICE en
cours. En effet, depuis peu l’AFL a acquis la licence pour le logiciel Tell me more
(TMM) et la plupart des professeurs interrogés sont catégoriques sur l’inutilité
(31), le peu d’attrait pédagogique (60) de ce logiciel comme le laissent entendre
ces enquêtés :
29 J C’est pas c’est pas un outil [le TMM] qui me semble très performant J’AI
ETE TROIS OU QUATRE FOIS, (très fort, presque agressif) c’est pas
énorme j’ai ::::: peut-être on va en parler mais peut-être que je n’ai pris
bien conscience de ce qu’on peut faire avec ça mais, mais, bon j’ai pas
l’impression que, et bien souvent il y a des problèmes techniques au
niveau de la prononciation//
30 B Uhmmm
31 J Eh, bon les autres exercices peuvent être utiles mais est-ce que, est-ce
que les élèves vraiment en tirent quelque chose, euh, j’ai des
discussions avec mes collègues la dessus et ils étaient pas très
convaincus non plus
Entretien avec Julio, corpus 10 – avril 2009

Ou encore ce professeur, très virulent au sujet de ce logiciel :

60 C (...) on leur fait aux élémentaires on leur fait le Tell me more et le pauv’
mec il doit répéter pendant 3 heures « bonjour » / « bonjour » (différentes
intonations) ben ils ne comprennent pas pourquoi euh la courbe ne les
accepte pas par exemple moi j’ai refusé, je refuse de faire ça parce que
logiquement ici, hein à l’AFL, tous les élémentaires doivent passer au
moins une fois au laboratoire et on a rien trouvé de mieux que de leur
faire faire de la phonétiqueá á donc les pauv’ gars ils sont tous seuls
avec leurs casques sur la tête et leur micro et ils doivent répéter des
mots ou des phrases et :::et tu as la courbe, noná et si c’est bien dit tu
passes à l’autre mot si c’est mal dit tu es bloqué sur un mot et il y a des
gens qui passent des heures à dire bonjour (le répète avec différentes
intonations et voix) et alors il sont là pendant dix (soupir exaspération)
« NON on le fait plus disculpe ya estamos bien » donc moi je les amène
pour faire autre chose où vraiment ils peuvent travailler en autonomie
Entretien avec Cédric, corpus 3 – novembre 2008

Au final, il n’est pas possible de donner une réponse globale pour cette
hypothèse 1. En effet, d’une part, nous avons pu noter que l’absence de matériel
ne gênait pas la prise en main de ces outils VI/VDa est donc falsifiée : nous
supposons que celle-ci s’effectue principalement à la maison étant donné que la
majorité des enseignants possède un ordinateur personnel. En revanche, l’absence

- 78 -
ou l’obsolescence du matériel participe de la non intégration des TICE en cours, a
fortiori en classe même. VI/VDb est corroborée.

Intéressons-nous à présent à notre deuxième hypothèse. Celle-ci se


penchait sur la question de la perception de l’outil informatique et la façon dont
ces représentations affectaient ou non l’utilisation des TICE.

III.1.2 Hypothèse 2

Nous la formulions ainsi :

H2 – Les représentations de l’outil informatique sont susceptibles d’avoir une


influence négative sur l’utilisation de cet outil en classe de langue.

III.1.2.1 Hypothèse H2a


H2a – les professeurs de l’AFL ont une image négative de l’outil informatique.

Pour rendre opérationnelle notre hypothèse H2a qui s’intéressait à savoir si


l’image que les professeurs de l’AFL avaient de l’ordinateur était négative, et en
cela pouvait être un obstacle à l’usage de cet artefact, nous avons cherché à
aborder la question de la perception sous plusieurs angles : ergonomique,
esthétique, utilité de l’outil, et le facteur temps, essentiel dans l’adoption et
intégration des TICE (cf. I.1.4).
Nous avons soumis les réponses de l’enquête au logiciel Sphinx et les résultats
sont sans équivoque si l’on en juge les résultats affichés dans figures 5 à 8 : 70%
des enquêtés disent avoir une image « agréable » ou « très agréable » de
l’ordinateur, 72% le considèrent « très utile », 72% affirment qu’il leur offre un
gain de temps « important » ou « très important », et enfin, 52% déclarent avoir
une image positive de l’esthétique de cet artefact (« beau » ou « très beau »).

- 79 -
Fig. 5 : impression de l’ordinateur 1 Fig. 6 : impression de l’ordinateur 2

Nb. cit. Fréq.


impression ordinateur1 Nb. cit. Fréq.
impression ordinateur2

Non réponse 4 7,3% Non réponse 2 3,6%


très agréable 25 45,5% gain de temps très important 30 54,5%
agréable 13 23,6% gain de temps important 10 18,2%
assez agréable 4 7,3% gain de temps assez important 8 14,5%
neutre 7 12,7% neutre 4 7,3%
assez désagréable 1 1,8% perte de temps assez importante 1 1,8%
désagréable 0 0,0% perte de temps importante 0 0,0%
très désagréable 1 1,8% perte de temps très importante 0 0,0%
TOTAL OBS. 55 100% TOTAL OBS. 55 100%

Fig. 7 : impression de l’ordinateur 3 Fig. 8 : impression de l’ordinateur 4

Nb. cit. Fréq. Nb. cit. Fréq.


impression ordinateur4
impression ordinateur3
Non réponse 8 14,5%
très utile 40 72,7% très laid 1 1,8%
utile 10 18,2% laid 1 1,8%
assez utile 2 3,6% assez laid 2 3,6%
neutre 2 3,6% neutre 12 21,8%
assez inutile 1 1,8% assez beau 2 3,6%
inutile 0 0,0% beau 11 20,0%
très inutile 0 0,0% très beau 18 32,7%
TOTAL OBS. 55 100% TOTAL OBS. 55 100%

Par ailleurs, les résultats obtenus avec l’analyse par questionnement


analytique (« Quelle image les professeurs ont-ils de l’outil informatique ? ») nous
indiquent que l’ordinateur jouit véritablement d’une image positive car il permet
de présenter un travail « propre » (corpus 2), ou parce que c’est un outil
« polyvalent » (corpus 2 et 5).
Cette perception est confirmée par les résultats obtenus par la technique de
l’évocation hiérarchisée. Pour mémoire (cf. II.2.3.1.c), la figure 4 nous indique la
signification des cases.
Fig. 4 : Tableau synthétique de l’évocation hiérarchisée
IMPORTANCE
GRANDE FAIBLE
case 1 case 2
FREQUENCE

FORTE ZONE DU 1ere


NOYAU PERIPHERIE

case 3 case 4
FAIBLE ELEMENTS 2ème
CONTRASTES PERIPHERIE

- 80 -
Fig. 9 : résultats évocation « ordinateur » Fig. 10 : résultats évocation « informatique »

ORDINATEUR INFORMATIQUE
IMPORTANCE IMPORTANCE
GRANDE FAIBLE GRANDE FAIBLE

modernité, technique
communication machine, communication structure
FREQUENCE

FREQUENCE
FORTE FORTE instrument, bureautique
instrument, technique
pratique pratique problème
machine
complexité
facile
vaste
FAIBLE FAIBLE technologie
isolement
plaisir

Nous constatons que pour ces deux tableaux, la plupart des éléments du noyau
central se répètent. L’analyse des tableaux est assez simple car elle nous permet
de faire l’hypothèse que pour ces enseignants, l’ordinateur et l’informatique sont
organisés autour de trois éléments centraux communs : c’est un instrument
pratique qui permet de communiquer. Nous pouvons remarquer que les
enseignants ne distinguent pas l’artefact de l’instrument puisqu’ils accordent au
premier les mêmes avantages qu’au second. L’ordinateur jouit cependant
également d’une image moderne.
Pour conclure sur cette analyse, les résultats obtenus par nos divers modes
de collectes et d’analyse nous permettent d’affirmer que sur un plan général
l’image de l’outil informatique par les enseignants n’est pas négative. Partant,
notre hypothèse H2a est falsifiée.

III.1.2.2 Hypothèse H2b


H2b – la complexité apparente de l’emploi de l’outil informatique est susceptible
de favoriser un rejet de cet outil.

En premier lieu, soulignons que les tableaux précédents nous ont


également permis de remarquer que la complexité de l’outil est très peu évoquée
puisque hormis la référence à problème, dans la case 2 pour informatique, nous ne
retrouvons des termes ayant cette connotation que dans la case 4 : complexité et
isolement. Rappelons que ces cases contiennent les éléments soit ayant une grande
importance pour les enquêtés, mais très peu présents, soit ayant qu’une très faible
importance et peu présents.

- 81 -
Dans un second temps, suite à une analyse univariée des enquêtes par
Sphinx, nous pouvons constater que près de la moitié des enseignants interrogés
(49%) déclare que l’ordinateur est un outil « facile » ou « très facile » d’usage.

Fig. 11 : impression ordinateur (%)

Nb. cit. Fréq.


impression ordinateur

Non réponse 3 5,5%


très difficile 4 7,3%
difficile 1 1,8%
assez difficile 4 7,3%
neutre 10 18,2%
assez facile 6 10,9%
facile 11 20,0%
très facile 16 29,1%
TOTAL OBS. 55 100%

Par ailleurs, nous avons également procédé au test du Chi², lequel contredit
également notre hypothèse. En outre, il nous paraît intéressant de rappeler ce que
le fascicule d’utilisation du logiciel Sphinx nous dit à propos du test Chi² : « c’est
l’examen des contributions au Chi² et des correspondances qu’elles révèlent qui
permet véritablement de qualifier la relation. » (Sphinx Développement 2006 :
210). Or, suite à cet examen, nous pouvons noter que l’item « très facile »
participe à hauteur de 48% au Chi².

Fig. 12 : impression ordinateur (contribution du Chi²)

Nb. cit. % du chi2


total
impression ordinateur

Non réponse 3 -9
très difficile 4 -5
difficile 1 -20
assez difficile 4 -5
neutre 10 6
assez facile 6 -1
facile 11 10
très facile 16 48
TOTAL OBS. 55
La différence avec la répartition de référence est très significative. chi2 = 25,73, ddl = 7, 1-p =
99,94%.
Le chi2 est calculé avec des effectifs théoriques égaux pour chaque modalité.

- 82 -
Si l’on ajoute à cela que, suite à l’analyse par questionnement analytique (« Quels
freins à l’utilisation des TICE ? »), nous n’avons relevé aucune mention d’une
quelconque complexité de l’ordinateur, nous pouvons affirmer que l’hypothèse
H2b n’est pas vérifiée. La complexité apparente de l’ordinateur ne peut donc être
considérée comme facteur de rejet de l’outil.

III.1.2.3 Hypothèse H2c


H2c – l’ordinateur est perçu comme une menace professionnelle par les
enseignants. Les professeurs ont le sentiment que leur fonction traditionnelle
d’enseignant est mise en danger par l’utilisation de l’ordinateur en classe.

Un simple regard aux résultats de l’enquête analysé par Sphinx peut nous
amener à croire que cette hypothèse également n’est pas corroborée puisque une
seule personne affirme penser que les TICE remplacent le professeur, alors que
47% des répondants déclare que les TICE sont des outils qui assistent le
professeur.
Fig. 13 : intérêt pédagogique des TICE pour le professeur

Nb. cit. Fréq.


intérêt pédagogique TICE professeur

Non réponse 24 43,6%


remplacent le professeur 1 1,8%
assistent le professeur 26 47,3%
illustrent le cours 19 34,5%
autre 3 5,5%
TOTAL OBS. 55

Ceci étant, le fort taux de « non réponse » (un peu plus de 43%) et le fait
qu’il nous a semblé pouvoir être difficile pour des professeurs de verbaliser cette
crainte, nous ont amené à rechercher confirmation de ce premier résultat dans les
corpus d’entretien. Aussi avons-nous compléter ces réponses Sphinx par une
analyse du discours des enseignants rencontrés.
Nous considérons que les références régulières à la nécessité d’être au
contrôle de l’environnement pédagogique, le besoin de réaffirmer, voire d’insister
sur le caractère central de l’enseignant dans le processus des apprentissages sont

- 83 -
une manière déguisée d’exprimer la crainte de se voir supplanter par les TICE, ou
au moins la crainte de ne plus être au cœur des apprentissages des élèves.
Pour justifier la centralité de l’enseignant, les professeurs interrogés ont eu
recours à différents arguments : pédagogique, humain, technique.
• Pédagogique, comme dans ces extraits des corpus 6 et 9:
69 B Est-ce que :::::/ quel est votre sentiment par rapport à ça le fait que ça soit
réduit [le temps disponible pour utiliser le laboratoire avec les étudiants]?
70 F Manque un peu de temps c’est vrai qu’on concentre beaucoup plus/
mais ::: je pense que les tice ça doit être plus quelque chose qui doit être à
côté du cours ça peut être ::::: une partie mais l’élève a quand même
besoin d’un certain/ comment dire :::: d’un encadrement d’abord :::
pour pouvoir aller pratiquer ces tice euh :::: moi je vois plus les tice
comme un complément de cours quelque chose qui va motiver je vais
apprendre bien dans ma classe pour pouvoir aller sur un ordinateur
faire mes exercices sur l’ordinateur et pouvoir communiquer avec le
monde entier.
71 B D’accord donc ça veut dire qu’on ne peut pas apprendre avec les tice ?
72 F ::::: si :::: disons que c’est plus comme un complément//
73 B Une mise en pratique ?//
74 F Une mise en pratique une utilisation de ce que qu’on a donné en classe je
vois plus comme une utilisation une euh ::::::: un rappel une révision de ce
que qui a été vu en classe un approfondissement mais je pense que la
base elle est quand même donnée par le professeur en classe ::::: on
doit donner/ on doit expliquer je pense à l’élève :::::::::: l’élève même si
vous donnez un livre à un élève qui est tout seul si vous prenez le passé
composé, je suis en train de faire le passé composé avec mes élèves si
vous les mettez tous seuls à l’ordinateur ils voient ça comme un charabia il/
même si c’est interactif il voit un petit peu comme un charabia//
75 B Pourquoi ?
76 F Je sais pas pourquoi je sais pas pourquoi mais j’ai cette impression que
l’élève n’arrive pas à toujours bien comprendre/ manque de
compréhension :::::: une fiche comme ça il y a peut être plus d’interactivité
plus d’images plus de :::::: mais le le prof il permet de/ dès que l’élève il
se pose une question de donner un exemple donner une explication
qu’il apporte immédiatement donc l’élève ça éclar/ ça clarifie
l’élève :::::: donc d’accord la base je pense que le prof doit donner la base//
77 B D’accord
78 F Peut-être avec des logiciels très très évolués on peut peut-être on peut
supposer apprendre sans professeur mais ça me semble difficile il
er
faut vraiment que l’élève des fois l’élève ne comprend pas au 1 exemple
certains élèves oui ils ont la lumière de suite mais des fois ils sont dans
l’obscurité totale (rires)
79 B Rires
80 F Il faut mettre (rires) beaucoup d’étoiles pour les éclairer il faut lui donner 50
exemples et l’ordinateur il ne peut pas le faire il va donner 2-3 exemples :::
et encore les exemples qu’on mémorisés et le professeur il peut choisir
un exemple peut-être plus adapté à l’élève ou à l’environnement de
l’élève qui permet de/ donc la base je pense que c’est le professeur et et
tice c’est un complément, une motivation ça peut être un objectif de
l’élève :::::: finalement.
Entretien avec Fabien, corpus 6 – décembre 2008

- 84 -
Au cours de cet échange, le thème abordé était celui du temps disponible
pour utiliser le laboratoire multimédia avec les élèves. La discussion s’achemine
progressivement vers la place du professeur dans l’apprentissage.
Cet enseignant, que nous avons appelé Fabien, semble être très investi dans son
rôle et dans sa mission. Il lui tient à cœur d’accompagner ses étudiants dans le
nouveau savoir à acquérir. Pour autant, il nous a paru avoir une conception
quelque peu traditionnelle de son rôle dans une classe où fatalement l’étudiant ne
peut apprendre en autonomie (70) et où l’enseignant est à la « base » du processus
d’apprentissage (74 ; 76 ; 80). Nous avons quasiment affaire à une figure
maternelle du professeur, nourrissant de son savoir un être sans défense (« tout
seul » – 74) auquel il faut donner un « encadrement » (70) pour l’aider à grandir et
pour lequel l’enseignant est prêt à se sacrifier, ce que ne peut pas faire
l’ordinateur : « il faut lui donner 50 exemples et l’ordinateur il ne peut pas le faire il va
donner 2-3 exemples ::: et encore les exemples qu’on a mémorisés [= que le professeur
a entrés dans l’ordinateur]» (80).
Notre enquêté met en scène un sorte de conflit implicite entre l’enseignant et
l’ordinateur qu’il met en compétition au service de l’étudiant : « Computer versus
teacher : teacher wins », pourrions-nous conclure en plagiant l’article
préalablement cité de Cuban (1993).
Ce qui est par ailleurs remarquable, c’est que de son propre chef cet
enseignant fait référence à la possibilité d’apprendre sans professeur (78). Cela ne
correspondait pourtant pas du tout au thème abordé dans cet échange-ci. Fabien
avance l’idée mais la réfute aussitôt, en déclarant d’une part que cela ne peut se
faire qu’avec des « logiciels très très évolués » (78), ce qui semble nous renvoyer à
un futur « très très » lointain et met donc à l’abri ce professeur, et d’autre part que
seul le professeur est en mesure de sortir l’élève de l’obscurité cognitive en
mettant (en étant ?) les étoiles qui le guideront vers la lumière (80).
Enfin, en affirmant que « finalement » (89) les TICE peuvent être un objectif, il
met un terme à la réflexion qu’il a initiée : les TICE étant l’objectif, le moyen
pour l’atteindre ne peut qu’être l’enseignant.

- 85 -
Ainsi, au cours de son discours, Fabien finit par mettre à distance l’option de voir
les TICE remplacer le professeur. Il assoit sa fonction en démontrant les raisons
de sa « supériorité » sur les nouvelles technologies.
De manière moins développée, c’est ce que l’on retrouve dans cet extrait
de l’entretien avec Isidore (corpus 9) :
135 I Ça veut dire on s’approche et il ya un contact que il y a//, ça serait plus
facile, non, ça leur conviendrait aussi aux élèves, pour au moment
d’écrire, de rédiger parce que si j’utilise l’ordinateur tout est prêt la
correction est là ils apprendraient rien ::::::::::::: pour nous les profs ça
demande du boulot
136 B d’accord le fait d’utiliser l’ordinateur ça te demanderait plus de travail
137 I Euh ::: non moins de travail je dirais ::::: ça serait pour les élèves plus
simple euh ::::: au moment de rédiger comme je te disais

138 B Alors qu’est-ce qui demande le plus de temps ? tu dis ça demanderait//


139 I ah non justement le contraire je préfère :::: le corriger moi même même
si ça donne plus de boulot je préfère ça comme ça eux ils
apprennent
140 B pendant que toi tu corriges, euh ils apprennent?
141 I Oui parce qu’ils voient eux même (la feuille ?, la faute ?)
142 B Les professeurs corrigent ils voient les erreurs, c’est ça ?
143 I Oui si tu utilises l’ordinateur ( ?) ils vont se faire le programme word qui
corrige c’est pour ça qu’ils n’apprendraient pas à bien rédiger c’est ça
le problème.
Entretien avec Isidore, corpus 11 – novembre 2008

Aux tours de parole 135, 139 et 143, l’enseignant indique également de façon très
claire qu’un apprentissage efficace ne peut se faire qu’en présence du professeur ;
de fait, ce dernier ne peut être menacé par l’intégration des TICE.

• Humain, ce que développent Antoine et Fabien, par exemple.


Dans cet extrait de notre entretien, nous traitions la question des TICE en
nous projetant dans une situation fictive future : se voit-il enseigner sans les TICE
dans 4-5 ans ? Ce thème va être l’opportunité pour Antoine d’aborder assez
rapidement, et de sa propre initiative, comme l’a fait Fabien, la question d’être
remplacé par les ordinateurs (106). Il nous donne ensuite les arguments qui lui
permettent de réfuter cette hypothèse.

- 86 -
104 A Non, impossible [d’enseigner sans les TICE] :::: je crois que toute façon les
TICE vont être importants, non ? vont avoir/ vont jouer un rôle important,
significatif, il faut assumer cela, non ?
105 B Alors//
106 A Parce que je crois que quelques fois il y a des tensures, non, entre :::
quelques professeurs ont des ::::: n’apprécient pas beaucoup les TICE,
non ils disent peut-être que les TICE sont une forme de remplacer le
professeur, non ?
107 B Pourquoi tu penses//
108 A Parce que je crois que les professeurs vont être toujours importants, non,
dans les cours de langues, non ? parce que un cours de langue implique
communication et ça n’est pas possible de pouvoir communiquer
seulement avec un ordinateur, non ?::::
109 B Mais c’est possible
110 A Oui c’est possible non, mais l’objectif c’est de parler avec des personnes,
non ?
111 B Et les chats, et les vidéo conférences ? c’est des//
112 A Ah oui, oui, c’est une forme de communication mais c’est une ::: cette
forme de communication mais ça ne remplace pas la communication
avec les personnes c’est seulement une forme de communication::: mais
je crois que les professeurs sont nécessaires pour pouvoir enseigner
pour pouvoir ( ?) l’importance des personnes, non ?
113 B C’est quoi la différence, alors ?
114 A Alors, communiquer directement avec les personnes, en parlant , non ? la
différence entre le chat et parler directement c’est je crois que c’est que
quand on parle avec des personnes je crois qu’il faut faire emploi d’autres
types d’instruments, d’intonation, la prononciation, la phonétique, non ? et
dans le cas du chat c’est plus important que ::: qu’est précis, c’est très
direct, ce sont de compétences différentes mais qui sont
complémentaires :::::::::: la communication je crois que c’est une
expérience qui possède plusieurs particularités, non comment peut on
écrire peut on parler avec la communication peut on transmettre des
messages, peut on jouer avec la langue avec les jeux de mots.
Entretien avec Antoine, corpus 1 – novembre 2008

L’argument principal employé par Antoine pour rejeter la possibilité d’être


un jour remplacé par les ordinateurs est de l’ordre de ce que nous nommions
« l’humain ». La communication qui se met en place avec des ordinateurs ne
pourra d’aucune façon être identique à celle avec des personnes, en cela le
professeur ne peut pas être remplacé (112). C’est en effet un argument imparable
que nous avons là, même si l’explication qu’il nous donne sur la différence entre
les formes de communication (114) nous est apparue très confuse et peu
convaincante. D’ailleurs, dans sa démonstration, cet enseignant a occulté l’idée de
la vidéoconférence que nous lui avions soumise (111) pour ne se consacrer que
sur le chat, bien plus simple pour développer son argumentation.
Cet argument est retenu également par Fabien, comme l’évoque cet extrait
de notre entretien avec cet enseignant :

- 87 -
137 B Est-ce qu’il n’est pas possible de discuter avec 6 milliards de personnes
avec les TICE ? ou alors en choisir 3//
138 F En choisir 3 oui mais il manque le contact humain c’est c’est démontré
que dans les entreprises même les gens qui utilisent ces méthodes là il
manque le contact humain voir la personne/ pas la toucher
nécessairement mais la voir voir ses réactions son odeur sa couleur etc.
ça manque on est d’abord humain, non on n’est pas une machine donc il
faut qu’il y ait interaction il faut qu’il y ait interaction (plus bas)
139 B Donc il y a interaction quand on est avec l’autre ?
140 F L’ordinateur il y a interaction enfin ce n’est pas de l’interaction
euh :::::::::::::: il faut qu’il y ait un contact humain il faut qu’il y ait un
contact humain c’est le contact humain qui manque (long silence)
Entretien avec Fabien, corpus 6 – décembre 2008

Nous voyons qu’ici, Fabien, légitime son discours, le rend acceptable et lui donne
une valeur scientifique en rappelant que ce qu’il avance a été démontré (138). Il
nous a semblé qu’il visait ainsi à donner plus de poids à sa parole, soutenue et
légitimée alors par une communauté de chercheurs dont le discours est souvent
reconnu et admis.
Pour approfondir notre analyse, nous souhaiterions revenir sur un passage
de l’entretien avec Antoine dans lequel il évoque une hypothèse d’être un jour
remplacé par les ordinateurs (106), qu’il met aussitôt à distance :
106 A Parce que je crois que quelques fois il y a des tensures, non, entre :::
quelques professeurs ont des ::::: n’apprécient pas beaucoup les TICE,
non ils disent peut-être que les TICE sont une forme de remplacer le
professeur, non ?
Entretien avec Antoine, corpus 1 – novembre 2008

La phrase que nous avons mise en gras relève du discours rapporté. A priori donc,
nous pouvons supposer que par ce moyen Antoine souhaite se désolidariser de ces
propos, les maintenir à distance. Or, Georges-Elia Sarfati (2007 :61) nous
rappelle que « les paroles [rapportées] sont étroitement intégrées au discours de
celui qui rapporte » et donc, au final, nous pouvons supposer que ces paroles
permettent à notre enquêté de verbaliser « à couvert » son opinion en parlant de
« soi-même comme un autre » (P. Ricoeur, dans Sarfati 2007 : 65) et ce en dépit
de l’insistance pour mettre à l’index les professeurs qui « peut être [ont] des doutes,
non parce que ils sentent qu’ils peuvent être remplacés par internet non ? je crois que ça
c’est au fond je crois que ça existe, je crois que dans les cas de quelques prof il y a des
doutes sur le ::: sur le rôle qui va jouer l’internet et si finalement l’internet peut les
remplacer, non ? ça c’est je crois le problème, non ? » (188). Notons que cette crainte

- 88 -
que notre interlocuteur ne veut/peut admettre en 106 est également mise à distance
par l’emploi de l’adverbe de modalité « peut-être ». Cette distanciation de la réalité,
aussi hypothétique soit-elle, fait écho à celle que nous avions relevée au sujet de
Fabien (78).
Nous considérons qu’il rejetait cette éventualité en ne prenant pas en
charge, sur le plan linguistique, le discours de l’autre, mais également en lançant
un débat « imaginaire » avec des personnes inexistantes dans le contexte physique
de l’entretien. En étant le seul sujet parlant dans ce débat néanmoins
polyphonique, il apporte les arguments contre des propos supposés (puisque nous
ne pouvons les confirmer), ce qui lui permet de se rassurer, de combattre ses
propres craintes comme d’autres combattent leurs vieux fantômes.

• Et enfin, technologiques.
Bien qu’isolé dans l’ensemble des corpus, nous avons considéré qu’il était
intéressant de mentionner cet argument relevé dans notre entrevue avec Kévin.
Lisons tout d’abord l’extrait en question, dans lequel nous abordons l’idée d’une
transformation éventuelle de la relation élève/professeur liée à l’usage des TICE.
109 B Est-ce que ça pourrait changer quelque chose dans le rapport que vous
avez aux élèves ce genre de d’outils ce genre d’usage
110 K Non, non, simplement c’est peut être toujours, moi, mon obsession c’est
pas tellement euh, :::::::::: c’est peut-être la rentabilité, non, on n’a pas
beaucoup de temps c’est en ce moment la, euh bon peut être au niveau de
euh si je veux être peut être honnête ::::::::::: peut-être que j’aime pas me
sentir dans la situation de pas savoir (rire)
111 B Face au élève ou en général ?
112 K En général il me semble que quand même euh, pas dans le sens que de
les diriger, il faut que je sois la au cas ou il y aurait quelque chose qui
ne fonctionne pas, je sais pas, il faut, il me semble que le professeur
euh a quand même euh ::: doit être au courant des choses et de la
méthode avant de les laisser se dépatauger là-dedans parce que si moi
alors ils peuvent me dire vous emmenez ici qu’est-ce que je fais, qu’elle
utilisation j’en sais rien j’en sais rien c’est dans ce sens là (rires)
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

L’enseignant exprime sa crainte de ne pas être à la hauteur sur le plan


technologique (110). En même temps, cette même personne nous rappelle le rôle
vital qu’elle aurait, au cas où les ordinateurs ne fonctionneraient pas (112). Cela
n’est pas sans nous rappeler les propos de Fabien, dont l’instinct maternel
protecteur avait également été réveillé lors de notre entretien, que rappelle

- 89 -
autrement ici la référence à la norme introduite par le « il faut »/« doit » (112). Un
enseignant, comme une mère, ça éduque. Ça protège aussi. Mais pour cela il faut
en avoir les moyens, ce qui n’est pas le cas de Kevin (112). Cette incompétence
ne l’empêche toutefois pas de se sentir indispensable si quelque chose devait mal
fonctionner, alors même que plus tôt dans notre entretien cette personne
déclarait que les étudiants peuvent « se débrouiller » mieux qu’elle (102 et 104).
101 B Est-ce que pour autant vous pensez que ça peut apporter des choses :::
44
que ce soit Tell me more ou//
102 K Oui je pense que si j’étais, si j’avais une meilleur connaissance mais
pourquoi, il me faudrait des jours pour entrer pour savoir tout ce qu’il y a
etc, et moi/ si professeur/ je sais pas ce qu’il y a comment je vais guider
mes élèves non, je sais pas, peut être que je suis directive, qu’il faudrait,
peut être qu’ils sauront se débrouiller meilleur que moi s’ils font ça
c’est sur.
103 B Ça vous dérangerait qu’ils//
104 K Non, ça me dérangerait pas, mais je sais comment faire un lien entre les
(rires) les élèves se débrouillent très bien avec toute la notion
d’informatique en général les gens mais moi euh je sais pas
comment leur dire, bon, entre la, je sais pas , n’importe quoi,
comment, je sais pas.
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

Nous pouvons interpréter ce que nous considérons comme une contradiction, ou


pour le moins un discours confus (répétition des « je sais pas » : 102 et 104) sur le
rôle, la place du professeur, comme l’expression d’une peur de ne plus être utile
malgré ce qui est affirmé : « ça me dérangerait pas » (104).
Remarquons en passant que cet enseignant interrompt notre tour de parole (103) et
répond à ce que nous n’avons pas eu le temps de formuler. Pourrions-nous
analyser cette interruption comme un désir de ne pas entendre une certaine réalité,
de nous empêcher de « faire le monde en le nommant » (Bourdieu 1982 :99) ?

Au final, il nous a semblé que ces arguments développés par nos enquêtés
leur permettent de rejeter la possibilité d’être supplantés par les ordinateurs avant
même qu’il en soit fait mention. Nous pensons que cette crainte existe dans leur
esprit et que les arguments avancés permettent de la maintenir à distance, de la
faire moins réelle.

44
Logiciel pédagogique très décrié par tous les professeurs qui l’ont mentionné.

- 90 -
Aussi, nous considérons que nous devons relativiser les résultats fournis par
l’analyse des questionnaires avec le logiciel Sphinx et accepter, quoiqu’avec
prudence, qu’il existe chez certains enseignants de l’AFL une crainte de voir leur
rôle réduit avec l’introduction des TICE en classe.
Nous admettrons donc que notre hypothèse H2c est corroborée, même s’il existe
des éléments contraires. Une étude par entretien plus fournie nous permettrait de
recueillir des données plus détaillées à ce sujet et de vérifier nos résultats.

III.1.2.4 Conclusion de l’hypothèse 2


Deux sous-hypothèses sur trois ont été falsifiées par les analyses que nous
avons faites. Il semblerait donc que nous ne puissions pas affirmer de façon
catégorique que l’image que les enseignants ont de l’outil influence de
manière négative l’usage de cet artefact : notre hypothèse 2 est contredite.
Néanmoins, nous avons également pu voir grâce à l’analyse du discours que, alors
que les discours laissaient entendre en surface une certaine sérénité, certains
enseignants semblaient craindre d’être supplantés par l’ordinateur ou de
voir leur rôle réduit au profit de l’instrument.

A travers notre hypothèse 3, que nous allons étudier à présent, nous nous
interrogions sur l’impact du travail de l’atelier de conception de ressources TICE
(LaFabrik) sur l’utilisation des nouvelles technologies par les enseignants de
l’AFL.

III.1.3 Hypothèse 3

H3 - La mise en place du groupe de travail TICE (LaFabrik) est susceptible


de favoriser une plus grande utilisation des TICE

III.1.3.1 Hypothèse H3a


H3a – l’existence de ce groupe de travail au sein de l’AFL est susceptible de faire
évoluer les représentations des enseignants dans le sens d’une plus grande
ouverture vis à vis des TICE.

- 91 -
Lors des entretiens, plusieurs types de réponses ont été exprimés et nous
tenons à distinguer les enseignants qui faisaient partie du projet LaFabrik et ceux
qui ne l’étaient pas.
Pour ce qui est des enseignants impliqués dans LaFabrik, il semblerait que
cet atelier ait eu un double effet sur les représentations.
Il y a les professeurs qui, avant LaFabrik, étaient peu impliqués dans les TICE, ou
qui les employaient sporadiquement. Pour ceux-ci, LaFabrik a permis d’accroître
non seulement leur connaissance sur les TICE, mais également l’image qu’ils en
avaient de manière positive. C’est ce que nous pouvons constater dans les propos
d’Antoine :
30 A J’ai commencé à utiliser justement les TICE à partir de mon expérience à
LaFabrik parce qu’avant je le faisais pas, non ?
31 B Humm et pourquoi tu ne le faisais pas avant ?
32 A Parce que je ne savais si/ je ne savais quelles étaient les possibilités, non ?
quels étaient les exercices que moi je pouvais faire avec des logiciels
éducatifs, non ? je savais pas :::/
33 B D’accord/
34 A J’ai commencé à connaître les logiciels éducatifs justement à partir de mon
travail à LaF, à partir de ma participation parce qu’avant je ne savais pas
qu’il y en avait
35 B Et finalement est-ce que tu pouvais continuer à enseigner sans les TICE
36 A Je crois que par exemple dans le cas de la phonétique, j’ai découvert que
les TICE sont indispensables, non/
37 B Ah, bon, pourquoi ?
38 A Il y a par exemple des vidéos, non, que tu peux trouver sur internet et que
j’ai associées à des exercices pour pratiquer avec la phonétique
39 B D’accord
40 A Par exemple dans mon cas à partir de mon expérience directe/ parce que
j’ai déjà travaillé avec mes élèves directement avec ce type d’exercices,
non, qui sont créés à partir des TICE
41 B Oui
42 A Alors je me suis rendu compte que ce n’était pas possible de faire
autrement, de travailler autrement
43 B Et comment on faisait alors avant ? petit rire
44 A Ah ::: AVANT et bien je travaillais directement avec les élèves mais je
crois que c’est mieux avoir des exemples, non ? trouver des exemple
par exemple il y a des sites comme Youtube, non, dans lesquels il y a des
vidéos, non, pour pouvoir pratiquer avec la phonétique pour pouvoir :::: eh
bien, pour pouvoir travailler correctement pour pouvoir prononcer
correctement, non ?
45 B Hein, hein
46 A Que eh bien que le professeur sont capables de pouvoir enseigner la
phonétique mais je crois avec euh ::: les vidéos c’est plus dynamique,
plus agréable, non ?/
Entretien avec Antoine, corpus 1 – novembre 2008

- 92 -
Tout d’abord, soulignons qu’Antoine affirme nettement sa présence par les
marques de la première et deuxième personne, par les temps verbaux (présent,
imparfait et passé composé) et les termes subjectifs et marques d’évaluation.
D’ailleurs, c’est l’emploi des adjectifs (36 et 46) ou des adverbes (44) à valeur
positive, des comparatifs de supériorité (44 et 46) qui nous permet de noter que la
perception des TICE chez Antoine a évolué de manière positive.
Il nous donne toutefois l’impression d’être légèrement extrême dans ses propos
(42), ce qui pourrait nous amener à relativiser la véracité de ceux-ci : dans quelle
mesure une expérience de quelques mois peut-elle agir si radicalement dans la
perception qu’un individu a de l’intérêt des TICE ?
En outre, l’extrait suivant nous amène à être prudent sur ce que cet
enseignant voudrait donner à voir. Ce dernier extrait met en lumière une sorte de
contradiction dans l’attitude de ce professeur face aux TICE, si l’on prête attention
à l’usage des temps45.
97 B Hmm, et qu’est-ce que ça a changé dans ta pratique de savoir
ça [l’existence de logiciels éducatifs] ? de ::: d’utiliser ces logiciels/
98 A Oui alors je crois que à partir de cette découverte je vais essayer de faire
emploi de l’internet tout le temps, non ? parce qu’avant j’avais l’habitude
de demander à mes élèves d’utiliser l’internet, non mais :::::: pour
approfondir des connaissances mais pas de le faire dans les cours non
alors à partir de ce que je commençais à connaître je commençais à :::: à
partir des logiciels que je commençais à utiliser et bien je crois que je vais
commencer je vais employer tout cela dans mes cours, non ? ::::: au
lieu de demander à mes élèves d’utiliser ce logiciel après les classes
non ?
Entretien avec Antoine, corpus 1 – novembre 2008

Dans les tours de paroles 30 et 32 de l’extrait précédent, notre enquêté


emploie des temps qui situent les événements dans le passé. Nous pouvons donc
assumer avec lui que son expérience des TICE a déjà débuté depuis son
intégration à LaFabrik. Or, alors que nous employons le passé composé pour
connaître les modifications dans sa pratique d’enseignant (97), Antoine nous
répond par un futur proche, temps de ce qui est à venir (98). Certes, nous pouvons
supposer que cette modification à venir concerne uniquement la locution
adverbiale « tout le temps », mais le même temps est employé à nouveau plus loin

45
Nous nous permettons cette analyse-ci car l’enseignant en question est diplômé du niveau DALF
C2, qui présuppose une maîtrise très satisfaisante du français et de ses nuances.

- 93 -
lorsqu’il dit « et bien je crois que je vais commencer/ je vais employer tout cela dans
mes cours ».
Dans l’absolu, l’usage des temps pourrait ne pas avoir une si grande importance
dans la mesure où, passée ou à venir, il s’agit d’une ouverture à l’usage des TICE
que LaFabrik aura permis d’initier. Pourtant, nous ne pouvons nous empêcher de
nous interroger sur la part de vérité dans ces propos. Nous savons que lors de nos
entretiens l’ombre de l’institution pour laquelle nous faisions cette recherche nous
suivait, aussi nous demandons- nous si, à nouveau, ce professeur nous a donné à
entendre ce que, en tant que supposé porte-parole de la direction, cette dernière
souhaiterait que nous rapportions ?
Un deuxième profil d’enseignant impliqué dans LaFabrik peut être évoqué.
Parmi cette même équipe, nous avons cet enseignant, ouvert aux TICE avant son
investissement dans l’atelier, qui déclare que depuis son investissement dans
LaFabrik, son comportement vis-à-vis des TICE au mieux est le même
qu’auparavant (48), au pire que sa perception des TICE a été modifiée dans le
mauvais sens à cause de la gestion de cet atelier (48 et 52):
46 C Oui LaFabrik n’a pas changé mon comportement, ça c’est clair, hein ?
47 B C’est quoi qui/ pourquoi alors que tu t’investi dedans ?
48 C Ça n’a pas changé mon comportement parce que pour l’instant si tu veux
moi je suis je suis dans :: la recherche tout le temps, et dans la recherche
pédagogique et je ne peux être que dans ce mouvement d’aller vers de
l’avant, les tice ne m’ont pas/ non pour l’instant ça n’a pas changé mon
comportement au contraire c’est moi qui ::::::::: pour l’instant
LaFabrik en elle même me dégouterait plus de l’informatique ou de
des tice qu’autre chose
49 B C’est quand même fort ce que tu disá
50 C Oui :::::
51 B Et pourquoi et :::: alors que tu dis si je me souviens bien :::: LaFabrik ::::
beaucoup de temps
52 C Ben oui beaucoup de temps on passe des heures et des heures et des
heures et des heures à fabriquer des choses étant donné que les objectifs
ne sont pas clairs on FABRIQUE des trucs et à la fin on te dit « ah, et
ben c’est pas ça qu’on attendait » ::: putain on passé/ pardon on a passé
10h à faire un truc c’est vrai que quand quand si tu veux si j’ai la chispa
(claque des doigts) et je sais le faire en 2h je te fais un parcours
pédagogique y’a pas de problème parce que je sais où je vais aller
chercher mes choses etc mais euh :: alors que ensuite on te dise non c’est
pas ce qu’on attendait alors qu’on sait pas du tout ce qu’on attend parce
que les objectifs sont pas clairs, ça te dégoute et euh ::: je crois que
MALHEUREUSEMENT je suis pas la seule.
Entretien avec Cédric, corpus 3 – novembre 2008

- 94 -
Cette attitude de rejet est vraisemblablement à mettre en relation avec les
méthodes de travail à l’intérieur du groupe (52). Cédric regrette une orientation
pédagogique floue et un ratio temps de production/reconnaissance du travail très
faible.
Le contexte dans lequel a été mis en place cette version de l’atelier peut
aider à comprendre tant Cédric que les raisons de ce manque de structure
pédagogique. Suite au départ de la volontaire du progrès qui l’avait initié (cf.
II.1.2), LaFabrik a été maintenu sous l’impulsion du DG, M. Rivron. Celui-ci
avait semble-t-il nommé une enseignante responsable de ce projet sans véritable
réflexion autour de la personne la plus appropriée à ce poste. En effet, a posteriori
et d’après les propos que nous avons collectés il apparait que M. Rivron a monté
cet atelier non seulement dans la précipitation mais aussi « à l’envers » (66) :
30 H En fait j’étais j’étais pas la personne la la la plus indiquée pour cette
histoire d’info/ travailler avec les profs ok il y a 2 aspects il y avait travailler
avec les profs et tout l’aspect euh ::: utilisation de la machine des logiciels
et tous ces machins là moi je n’y connaissais ABSOLUMENT rien ::
d’accord :::: le problème c’est que si j’avais pu travailler avec Nathalie c’est
elle qui avait installé LaFabrik je crois que ça aurait mieux été si tu veux
parce que moi je faisais ma formation en parallèle parce que moi la
formation que j’ai eu à la catholique c’était surtout une formation théorique
si tu veux intégrer les nouvelles technologie dans l’enseignement c’est
plutôt cet aspect là il y avait un aspect technique mais ( ?)
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

66 G NON MAIS NON LaFabrik ça été fait complètement à l’envers ! non non
mais que l’on soit quand même logique on va former quelqu’un qui était ( ?)
je ne pense pas/ mais qui connaissait très bien ses limites euh ::: donc on
lui a offert une formation donc au niveau théorique je pense qu’elle a
compris énormément sur les enjeux qu’est-ce que l’enseignement à
distance comment on monte une formation à distance comment on la
réfléchit, les différentes étapes euh :::: mais après il lui manque toute la
partie technique et je pense qu’elle en est complètement
consciente ::::::::::::::::::: donc après c’est sur que le potentiel ce serait de
pouvoir de de d’arriver à à à repérer les personnes qui sont déjà
intéressées par le technique qui euh il nous faut des bidouilleurs bon ça
leur fait pas peur ils vont prendre le tps c’est vrai quasiment en auto
formation mais après quand on va leur proposer quand on va leur quand ils
vont être en formation sur des logiciels précis ou sur des programmes de
de de fabrication d’exercices ça va pas leur poser un problème parce que
ils comprennent//
Entretien avec Gérard, corpus 7 – avril 2009

Ceci explique certainement le peu de temps pour organiser correctement le


fonctionnement de ce groupe de travail, et le fait que la réflexion se faisait en
même temps que ce qui se créait. Ainsi peut-on comprendre plus aisément les

- 95 -
remarques de Cédric sur l’orientation imprécise de LaFabrik et les conséquences
que cela peut avoir sur la motivation et l’évolution de l’attitude de ce professeur
vis-à-vis des TICE.
Pour ce qui est des autres enseignants, non participants à cet atelier, nous
devons reconnaître que l’existence per se de LaFabrik ne peut faire évoluer les
attitudes puisque cet atelier n’est pas (ou très peu) connu. Le fait d’exister n’induit
pas nécessairement la (re)connaissance de ce groupe de travail. C’est ce que nous
pouvons remarquer à travers ces propos de Brice, un des enseignants que nous
avons interviewés :
45 B Plus informés et ::::: parlant de plus informés :: qu’est-ce que tu sais de
LaFabrik ?
46 Br LaFabrik (légers rires, stressé ?) je sais que j’ai dû me renseigner avant
et je je j’ai pas fait/
47 Br Mais ça fait rien moi c’est ce qui m’intéresse (rires)
48 Br Je suis désolé (rires)/
49 B Ne sois pas désolé je t’assure il n’y a aucun problème/
50 Br Oui
51 B Il n’y a AUCUN problème
52 Br D’accord ::::: j’ai eu quelques impressions ::: je j’imagine ce que c’est
LaFabrik/
53 B D’accord
54 Br Je pense que c’est un ::::: ah :::::: c’est une EXPERIENCE de :: de vouloir
travailler avec les TICE pour de différents motifs par exemple pour
l’enseignement alors je pense que ça peut être LaFabrik une SOURCE
euh ::: D’INFORMATIONS ::::: ça peut être une proposition euh ::: des
PROPOSITIONS POUR TRAVAILLER :: en utilisant les nouvelles
technologies de la communication et de l’information :::: LaFabrik je pense
que c’est ::::: en français je sais pas si je me trompe mais/ rires
55 B Rires
56 Br Ça me donne l’idée de CREATION alors je pense que là-bas ils doivent
travailler des gens motivés qui VEULENT CREER des outils pour
enseigner pour faire apprendre ou pour autre chose donc euh :::: fabriquer
ça veut dire ::: oui ça peut être comme ça :: des gens intéressés à
ELABORER DES NOUVEAUTES à présenter des nouvelles choses :::pour
travailler :::pour faire du plaisir
Entretien avec Brice, corpus 2 – novembre 2008

Cet extrait est très significatif de l’absence d’information46 sur l’existence


de LaFabrik ; Brice ne peut être que dans la construction d’une hypothèse de
sens qui se fait lors de l’entretien même : les silences allongés et les onomatopées

46
A qui en revient la responsabilité ? Ce n’est certes pas le but de notre recherche mais il est
intéressant de noter que lors des entretiens cette erreur était à imputer soit aux professeurs de
LaFabrik, qui devaient servir de relais, soit aux coordinateurs, soit à l’institution.

- 96 -
« ah », « euh » (54 et 56) marquent, sur le mode paraverbal 47 , le doute et la
réflexion. Nous retrouvons des traces de cette incertitude sur le plan verbal
également : « quelques impressions » et « j’imagine » (52), « ça peut être » (54 et 56).
Par conséquent, il y a nécessairement quelque chose d’indéfini/imprécis : « là-
bas », « des gens » (56), que l’on perçoit également chez Eric, qui nous révèle par
ailleurs sa méconnaissance totale de ce qu’est LaFabrik : un « tableau » (63 et
65):
62 B Et c’est :: euh ::::: tout à l’heure vous me disiez que LaFabrik c’était vague
qu’est-ce que vous savez de LaFabrik ?
63 E Je ne sais pas je crois que c’est une sorte de tableau un truc comme ça
64 B Je vous laisse euh :::/
65 E Je sais que c’est un tableau un tableau technologique avec des trucs je
ne sais pas exactement très bien je vous mentirais si (sourires)/
Entretien avec Eric, corpus 5 – décembre 2008

Ces propos sont relayés par d’autres corpus (6, 9, 10, 11). Aussi, il nous semble
que si les professeurs de l’AFL ne sont pas au courant, ou sont amenés à imaginer
ce que LaFabrik est, l’influence que son existence pourrait avoir sur leur ouverture
sur les TICE est nulle. Partant l’hypothèse H3a est falsifiée pour les enseignants
non intégrés à l’atelier. Pour ce qui est des professeurs de LaFabrik, seule une
réponse mitigée peut-être apportée puisque l’existence de l’atelier a eu chez
différentes personnes des effets opposés.

III.1.3.2 Hypothèse H3b


H3b – la banque d’exercices numériques mise en place par LaFabrik est
susceptible de contribuer à une attitude favorable à utilisation pédagogique des
TICE par les professeurs de l’Af Lima.

Pour analyser cette hypothèse, nous nous appuierons sur les extraits de
corpus suivants :
60 B Oui et si :: et s’il existait des exercices :: des activités employant les tice est-
ce que vous les utiliseriez ou est-ce/
61 E Oui pourquoi pas ? des fois les chansons ça marche bien on prend les
chansons de ::: des l’ordi on l’imprime il y a les exercices de prêts on est
pas obligés/ des fois on les arrange un tout petit peu et voilà !
Entretien avec Eric, corpus 5 – décembre 2008

47
Dominique Maingueneau soulève la difficulté à distinguer le verbal du paraverbal pour les
productions orales telles que « euh » ou « ah » (2009 :94).

- 97 -
94 B Est-ce que tu penses/ on parlait de fiche pédagogique est-ce que tu penses
que ca peut être utile pour le professeur
95 I Je pense que oui parce que n’importe quel professeur peut les utiliser
euh :::::: sans rien préparer
96 B Ouais il y a un gain de temps pour beaucoup de professeurs
97 I Ouais ouais ça gagnerait beaucoup de temps
Entretien avec Isidore, corpus 9 – novembre 2008

93 B Depuis euh si la fabrik proposait donc proposait des activités//


94 K Oui j’aimerais bien voir un petit peu en quoi ça concerne et ce qu’elle
offre, mais j’ai ::: j’ai pas une idée claire, de qu’est-ce qu’elle offre pour le
moment de qui est-ce qu’il en train de faire ou de ce qui c’est fait
95 B Euh, vous me dites ça me donne envie de voir //
96 K Euh oui, de voir, si :::::: si ça semble intéressant et pertinent comme :::::
matériel et qu’est qui a proposé euh quand je trouve des exercices
pertinents si ça m’intéresse je les offre ah à mes élèves, je leur donne la
possibilité eux-mêmes d’accéder non,
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

Dans le cadre de notre analyse par questionnement analytique, nous


posions la question suivante aux corpus « Comment accueilleraient-ils la création
d’activités prêtes à l’emploi ? ». Nous avons relevé ces réponses-ci. Trois
enseignants déclarent être désireux d’avoir accès à ces activités qui ne demandent
aucune préparation ou très peu (95 et 61). A deux reprises (61 et 97) les
enseignants font référence au gain de temps que cela représenterait dans leur
emploi du temps. Kevin, en revanche, est plus prudent sur l’usage des outils qui
seraient proposés puisqu’il est le seul à s’interroger sur la valeur pédagogique du
matériel mis à disposition.
Nous savons que la création de supports TICE est très chronophages (cf. I.1.4),
aussi pouvons-nous comprendre la réaction de ces enseignants, même si la
réflexion de Kevin nous semblent plus approfondie dans la mesure où il
s’intéresse principalement à l’intérêt pédagogique de ces outils. Isidore et Eric,
quant à eux, ne réfléchissent que d’une perspective centrée sur l’enseignant.
Au final et peu importe les raisons qui motiveraient les enseignants, notre
hypothèse H3b est corroborée par l’étude de ces corpus.

- 98 -
III.1.3.3 Hypothèse H3c
H3c- L’implication de professeurs de l’AFL dans LaFabrik est susceptible de
produire un effet de groupe en faveur de l’emploi des TICE.

La situation de LaFabrik est à ce point complexe qu’il est difficile de


répondre de façon simple à cette hypothèse. Au préalable, rappelons que les
résultats obtenus nous permettront de relever la perception des enseignants quant
à l’influence de l’implication des professeurs dans LaFabrik sur l’usage des TICE
par les autres enseignants.
Pour ce qui est des enseignants de cet atelier, leur impression est nettement
positive : trois personnes sur quatre évoquent le rôle que les professeurs seraient
amenés à jouer dans le développement de l’utilisation des TICE :
150 H Donc il fallait bien lancer du matériel ::::::: donc travailler avec une équipe
c’est sûr mais après quand on commence a travailler il y a des gens qui
vont être intéressés par l’élaboration de matériel qui vont voir un
petit peu comment ça se passe tatata peut être à l’origine pas très
intéressés et puis après voyant ce que ça donne si/ tu comprends
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

136 C Ben LaFabrik je pense que effectivement ça peut apporter des


changements :::::::::::::::::::::::::::::::: non je suis en train de réfléchir par
rapport aux professeurs, par rapport à mes collègues euh::: il y en a qui
vont l’utiliser ils viendront et puis ils se mettront en automatisme/ en
automatique, il y en a qui/ les dynamiques ils vont euh ils vont oui
l’utiliser peut-être e détourner détourner ce qui a été fait euh mais ils
vont y arriver et y’en a d’autres qui ne vont pas l’utiliser mais qui vont
créer à partir de ça qui vont créer maintenant donc voilà il y a les 3
attitudes maintenant, moi ce que je crois ce qu’il faut développer vraiment
c’est en autonomie complète
Entretien avec Cédric, corpus 3 – novembre 2008

192 F Oui ça [LaFabrik] peut changer ::: pour la méthode


d’enseignement :::::::: une nouvelle manière d’enseigner mais aussi une
meilleure interaction entre les professeurs car le but de LaFabrik à la base
c’est donc l’interaction entre les profs c’est a dire que les prof mettent leurs
activités qu’ils ont créées eux et ils peuvent prendre d’autres activités que
d’autres profs ont créées comme une certaine interactivité comme les
commentaires vous pouvez prendre l’activité (a ?) ah, ça, ça ne me plait
pas bien ça ça va pas tu devrais mettre ça donc plus d’interactivité entre
les profs et donc euh :::: un échange d’information pédagogique entre les
profs//
Entretien avec Fabien, corpus 6 – décembre 2008
Chacun à sa façon, nos sujets expliquent les modifications que le travail de
LaFabrik peut apporter. Pour Hector, elles toucheront l’attitude, la disposition

- 99 -
envers les TICE. Quant à Fabien, il déclare que celles-ci seront de l’ordre de la
pédagogie même : « la méthode d’enseignement » (192). De son côté, Cédric
propose une réflexion plus poussée et nous livre trois profils d’usagers : 1) les
utilisateurs passifs ; 2) les utilisateurs actifs ; 3) les utilisateurs-concepteurs. Il est
intéressant de souligner que tout comme l’existence de LaFabrik n’induisait pas
une ouverture automatique aux TICE, l’implication de certains enseignants n’est
pas en soi synonyme de transformation dans le comportement des autres
professeurs. Entre également en jeu la démarche enseignante : quelle implication
de chaque enseignant dans l’intégration des supports créés par les collègues de
LaFabrik ? Il semblerait que la première option soumise par Cédric soit la plus
négative dans la mesure où l’effet de groupe escompté laisserait place à des
enseignants non investis, simples consommateurs de ressources.
Le commentaire d’un enseignant qui ne fait pas partie de LaFabrik nous
permet de confirmer l’effet positif que peut avoir l’implication d’un enseignant
dans LaFabrik :
100 K Oui,moi, la la comme j’ai demande au début j’aime pas y aller pour une
raison qui en fait très ponctuelle mais c’est au niveau de la prononciation
moi, j’ai, moi je trouve pas du tout pertinent au niveau du prononciation
parce que moi-même chaque fois que je prononce d’abord l’appareil ne
fonctionne pas, fonctionne mal, entend mal et au niveau euh de la
technique même euh, chaque fois il me dit que je prononce mal et depuis
que j’étais à Miraflores chaque fois je fais la tentative ou il m’entendait
pas, il m’a reprochait, je trouve épuisant de répéter et répéter des
intonations des phrases et si non, c’est pas au point :::: alors, mais a
travers de Fabien c’est vrai que euh il nous a donné une petite
formation pour nous euh, justement des activités qui étaient , euh,
c’est vrai qu’il y a beaucoup des exercices intéressants mais euh si on
y va qu’une fois par mois euh et moi j’ai pas en tête toute la grille comment
c’est point ce flèche, ce numéro ou se trouve les exercices qui vraiment
est nécessaires pour que mes étudiants pratiquent je vais perdre
beaucoup de temps je sais pas, il faudrait certainement :: que tout les
signaux, les points, les flèches, etc., soient claire pour moi, soit lisible
facilement pour que je sache exactement ou se trouve tel chose, tel point,
tel exercices, alors, la , bon si j’y arriverais euh je saurais exactement on y
allé , mais comme on le fait rarement je sais pas souvent on change de
cours, moi j’ai de de débutants au supérieur et puis j’ai pas mal de cours,
je suis débordée de travail j’ai pas vraiment le temps d’aller voir qu’est ce
qui ça serait m’a demande énormément d’efforts au niveau du temps et
puis j’ai pas la personne qui peut vraiment/ j’ai besoin qui quelqu’un
m’aide a retrouver tout ça donc, c’est évidement, j’ai pas fait les faits
d’essai PARCE QUE CA ME/, si j’y vais avec mes étudiants et que je vais
chercher, c’est peut être ennuyeux pour eux ennuyant pour moi, c’est pas
rentable on ( ?) voila euh, moi, je suis bloque a cause de toutes ces
questions.
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

- 100 -
L’intervention de Fabien, impliqué dans LaFabrik, auprès de ses collègues
montre bien que cela a un effet positif sur le regard des enseignants sur de
nouvelles technologies qu’ils ne considéraient « pas du tout pertinent », « pas au
point » (100). De fait, la motivation peut s’en ressentir accrue, bien que d’autres
facteurs puissent, à leur tour, freiner l’usage des nouvelles technologies. Le fait
que les enseignants de LaFabrik aient été « recrutés » dans chaque antenne de
l’AFL a permis de créer, pour le cas de Fabien par exemple, une sorte de personne
référente.
Au final, nous pouvons admettre que notre hypothèse H3c est corroborée
par ces extraits : l’implication des enseignants peut créer un effet de groupe en
faveur de l’usager des TICE.
Un autre facteur serait également être considéré dans la création d’un effet
de groupe : la diffusion de l’information. C’est ce que nous verrons avec
l’hypothèse H3d.

III.1.3.4 Hypothèse H3d


H3d – L’absence d’une politique d’information organisée auprès des équipes
pédagogiques des Af de Lima concernant LaFabrik et son travail a gêné la
diffusion des ressources créées par ce groupe de travail.

Nous avons vu avec l’analyse de l’hypothèse H3a que de nombreux


enseignants ne savaient pas ce qu’était LaFabrik ou en avaient une idée très vague.
En parallèle, nous avions déjà relevé l’importance de la communication dans cette
situation, ou de manière plus globale, dans un projet de groupe réussi. Nous allons
voir que l’échec du travail de LaFabrik est en partie lié à une absence de politique
d’information.
D’une part, les enseignants de LaFabrik et les coordinateurs des centres devaient
servir de relais, ce qui n’a pas toujours été le cas selon Hector :
125 B Oui ce que tu coordonnais mais cette existence du projet n’était même pas
connue de plein de prof de l’AFL
126 H Mais bien sûr parce que normalement c’était les profs eux même qui
servaient de relais
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

- 101 -
En utilisant l’adverbe « normalement » (126), Hector nous signifie que la règle de
fonctionnement n’a pas été respectée. Toutefois, nous pouvons relever des propos
inverses (166) dans cet extrait de notre entretien avec Fabien. Cet enseignant nous
livre son regard sur le problème de communication qui est, selon lui, à l’origine de
la méconnaissance du travail de LaFabrik par les enseignants :
164 F Ils [les responsables de l’époque] avaient présenté un petit peu mais les
prof/ disons ils avaient présenté mais c’est resté entre parenthèses ::::::
donc c’est beaucoup de professeurs ne savent même plus ce que c’est
LaFabrik ils en ont entendu parler ::::: non mais la majorité non je ne pense
pas que la majorité connait ce que c’est LaFabrik euh je pense que je
pense peut-être qu’ils ont entendu parler qu’on préparait des activités
pédagogiques encore que (ça doit être resté ?) entre guillemets peu
peu sont au courant
165 B Mais c’est pas un peu frustrant ça parce que finalement vous ne travaillez
pas dans LaFabrik que pour vous//
166 F Oui on travaille pour tout le monde le but c’est d’échanger/ si c’est frustrant
mais nous on en parle de notre côté mais il manque peut-être l’intérêt
de l’institution ou l’institution peut-être ne motive pas assez euh :::::
ses éléments pour s’intéresser à ça pour travailler avec LaFabrik pour
moi LaFabrik est en construction donc c’est pas très//
Entretien avec Fabien, corpus 6 – décembre 2008

En outre, suite à ces propos, nous pouvons remarquer que l’absence


d’information est également la responsabilité de l’institution, qui n’aurait pas
suffisamment soutenu le travail de LaFabrik (166). Celui-ci a été mis « entre
parenthèse/entre guillemets », ce qui peut surprendre lorsque l’on sait
l’investissement financier dans ce projet48. Si l’ancienne direction soutenait mal
ou peu LaFabrik, quel était l’intérêt de la créer ? L’actuelle direction non plus ne
semble pas avoir appuyé la promotion du travail de LaFabrik :
115 B Pour l’instant c’est proposer des ressources aux professeurs qu’ils
puissent utiliser avec les étudiants
ère
116 H Exactement ::::::::::::: ça va être la 1 étape//
117 B Pas utilisé//
118 H Sauf par les prof qui sont à l’origine des des/ alors moi ce que je
proposais c’était de les passer sur cd pour qu’on puisse les mettre
sur tous les ::::::: que non que ça allait couter trop cher aie aie aie que
ci que ça mais qu’ils m’énervent si on achetait des usb mais c’est même
pas/ tu sais thèse document des choses comme ça non mais qu’on nous
file des usb 1giga c’est pas si cher que ça non
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

48
Les professeurs étaient rétribués à hauteur de 15 sols de l’heure pour la création de ressources et
il avait été décidé d’appuyer financièrement les enseignants impliqués dans cet atelier dans l’achat
d’ordinateurs portables.

- 102 -
Dans ce court extrait de l’entretien, où nous évoquions les étapes du travail
de LaFabrik, Hector nous livre son ressenti par rapport à l’absence de soutien de
la direction actuelle dans la promotion du travail réalisé par LaFabrik (118). Il
semble lassé de cette situation dont l’issue est aujourd’hui connue.
Nous considérons que nous pouvons inclure dans la politique d’information, la
promotion du travail. Or en décidant de ne pas participer à la promotion des
ressources pour diverses raisons qui n’entrent pas directement en compte dans
l’étude de cette hypothèse, nous pensons que la direction a été un frein à la
diffusion du travail de LaFabrik.
Il semblerait que les coordinateurs de chaque antenne soient également
impliqués dans cette politique d’information échouée :
129 B Mais sur le plan institutionnel il aurait fallu//
130 H (très bien très bien très bien ?) bien sur avec qualité totale pendant que
j’étais dans le cours machin je me suis dit ok là ma cocotte tu ne les
informes pas suffisamment donc j’ai informé mais j’ai même pas eu
de réponse :::::::::: il y a quelques personnes dont pierre je ne sais pas ce
qui euh :::::: bon au début je ne sais pas ce qui s’est passé mais le
document n’avait pas été mis en :::::::: n’avait pas été joint euh :::: j’ai eu 2
personnes qui me l’ont dit Pierre [le directeur culturel] et Anne-Laure [la
responsable académique]
131 B D’accord
132 H C’était les seuls les autres rien
133 B Tu veux dire les autres profs ?
134 H Les autres coordinateurs les autres directeurs et tout ça et pourtant
que je m’étais donné la peine de faire tout ça en espagnol pour la simple
raison que il y en avait 2 qui ne parlaient pas français ( ?) et Dambrosio
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

Malgré l’effort déclaré par Hector, il se trouve que l’information n’a pas
été relayée par les coordinateurs et autres responsables (134). Les coordinateurs
sont toutefois les premiers « visés », et pour cause puisqu’ils sont censés faire le
lien entre les projets de l’institution et les enseignants. Partant, nous pouvons
considérer que, ayant failli à leur devoir de relais d’information, ils devenaient à
leur tour des freins à la diffusion du travail de LaFabrik.
Le faible écho que semble avoir eu le travail de communication d’Hector peut
avoir plusieurs raisons, parmi lesquelles nous pourrions soumettre celles-ci : a)
une information mal ciblée, b) un intérêt faible ou inexistant par les autres
responsables pour ce travail, c) une stratégie de communication trop isolée et/ou
ponctuelle, d) une faible motivation dans l’implication dans le travail de LaFabrik,

- 103 -
e) un désintérêt de la direction pour ce travail au profit de nouvelles orientations
stratégiques et pédagogiques.
Au final, les éléments dont nous disposons nous ont permis de voir que l’absence
d’information, ou sa mauvaise gestion par l’institution (dont les coordinateurs) et
les enseignants, a été un frein à la diffusion des ressources créées par LaFabrik.
H3d est donc corroborée.
Nous souhaiterions prolonger cette réflexion en soulignant qu’il semblerait
pourtant qu’il a existé un désir profond de mettre à disposition ces outils, mais un
problème de communication semble à nouveau en avoir empêché la réalisation.
En effet, comme nous le confirment les extraits suivants tirés de nos entretiens
avec Gérard et Hector nous pouvons voir que chacun avait le désir de mettre en
ligne le travail effectué mais aucun ne savait que l’autre était en faveur :

96 G Il faut effectivement réfléchir moi je pense qu’il faut réussir à mettre


en ligne ou mettre en cd en je ne sais pas quoi pour utiliser le matériel
qui a été fait euh :::: mm si euh :::: franchement certaines fiches
pédagogiques j’en vois pas trop l’intérêt parce que c’est quelque chose qui
pourrait être fait complètement en :::: euh ::::::::::::::: comment dire c’est
quelque chose qui pourrait fait sans outil informatique c’est quelque chose
qui pourrait être fait hors labo multimédia//
Entretien avec Gérard, corpus 7 – avril 2009

255 B Ça veut dire que tout ce qui a été fait va être//


256 H Mais non non non nous on veut le sortir ah non non non je trouve ça
totalement ridicule qu’on utilise pas le matériel//
257 B Oui
258 H Ah non ça serait complètement idiot hein
259 B Mais qu’est-ce que tu pourrais faire toi
260 H Mais on va le mettre je vais voir avec john là je vais voir avec john le
vendredi 17 voir qu’est ce que c’est que son truc on va le mettre on va se
dépatouiller et le communiquer pour que les prof ::::::: eh ben ceux qui
savent utiliser et montrent à leur collègues comment ça marche ::::::::: non
ça va sortir :::::::::: mais avec nos moyens à nous nos moyens à nous si tu
veux
261 B Donc avec la force du groupe
262 H Ben je sais pas si avec si avec la composition du groupe parce que ils se
sont plus interrogés ils se sont pas rapprochés de moi en me disant et bien
Hector c’est quand qu’on recommence pas du tout :::::::::::/
263 B Donc tu es la seule encore intéressée à ce projet ?
264 H A etre intéressée à ce qu’il sorte ben heu :::::::::::::::::::::::::: j’en sais/ oui
bon ::::::::::: j’en sais rien :::::::::: mais je suppose que ça les intéresse
qu’on mette en ligne leur euh ::::: tout ce qu’on fait
Entretien avec Hector, corpus 8 – avril 2009

- 104 -
A travers l’usage répété des « non » (256 et 260) pour réfuter le non-dit
(255), ou de l’adjectif dépréciatif « ridicule » (256) ou encore des verbes exprimant
la recherche de solution (« dépatouiller », 260), il paraît évident que Hector est plus
investi dans cette diffusion des ressources créées que ne peut l’être Gérard, même
si ce dernier semble sincère : usage des déictiques de la première personne « moi »,
« je », du verbe d’opinion « pense » et du passage de « il faut effectivement
réfléchir » à « il faut réussir » (96), qui marque la transition entre une obligation de
concertation/réflexion à celle d’un résultat positif.

III.1.3.5 Conclusion de l’hypothèse 3


A l’époque où nous avions formulé notre hypothèse, LaFabrik était encore
active et tâchait de produire cahin-caha des ressources pédagogiques intégrant les
TICE. Nous pensions alors que la mise en place de cet atelier favoriserait
l’utilisation des TICE au sein de l’AFL.
Suite aux analyses de nos sous-hypothèses, nous avons pu noter le potentiel que
pouvait avoir LaFabrik en termes d’élément facilitateur d’intégration des TICE
par les enseignants de l’AFL, partant, notre hypothèse 3 est donc corroborée.
Toutefois, nous avons également relevé l’obstacle majeur à cette action
positive : l’absence de communication non seulement entre responsables, mais
également entre tous les acteurs pédagogiques de cette institution. Cette situation
a défavorisé la diffusion des ressources créées49.
Enfin, nous abordons notre dernière hypothèse (H4) dans laquelle nous
cherchons à évaluer l’impact de la formation dans l’usage des TICE chez les
professeurs de l’AFL.

49
Nous n’abordons pas la qualité des ressources, critiquée par Gérard en ces termes :
« franchement certaines fiches pédagogiques j’en vois pas trop l’intérêt parce que c’est
quelque chose qui pourrait être fait complètement en :::: euh ::::::::::::::: comment dire
c’est quelque chose qui pourrait fait sans outil informatique » (corpus 7, tour de parole 96)

- 105 -
III.1.4 Hypothèse 4

Notre quatrième hypothèse était la suivante :

H4 - Une formation à l’utilisation des TICE est susceptible de contribuer à


une plus grande acceptation de l’utilité des TICE par les professeurs de l’Af
de Lima.

III.1.4.1 Hypothèse H4a


H4a – une meilleure connaissance des TICE est susceptible de favoriser une
disposition favorable pour ces outils.

Pour commencer, remarquons que la question des connaissances en TICE


semble fondée dans la mesure où les résultats à notre questionnaire SoCQ (cf.
Annexe VI) ont montré que les enseignants de l’AFL se situent au niveau 1 des
préoccupations TICE. Ce niveau, rappelons-le, correspond à une phase où
l’enseignant est en recherche d’informations sur le fonctionnement des TICE. On
se situe donc en aval de toute intégration des TICE dans la mesure où
l’insuffisance d’information à ce sujet n’est certainement pas en faveur d’une
disposition positive à l’encontre des TICE.
N’est-ce pas ce que nous déclare cet enseignant dans l’extrait suivant ? avec Julio,
nous abordons l’intérêt du laboratoire et en particulier l’utilisation du logiciel
TMM.

31 J Eh, bon les autres exercices peuvent être utiles mais est-ce que, est-ce
que les élèves vraiment en tirent quelque chose, euh, j’ai des discussions
avec mes collègues la dessus et ils étaient pas très convaincus non
plus
32 B De l’utilité//
33 J De l’utilité du laboratoire multimédia peut être encore une fois peut-être
que :::::: peut-être qu’on ::::::::: a :::::::: pas conscience de ce qu’il
faut pour faire avec ça mais je n’ai jamais eu de présentation//
34 B Pourquoi vous n’avez jamais eu de présentation du ::::

- 106 -
35 J chais pas on dit voila, tu dois aller là, tel jour, j’y vais euh ah, ou même
quelques heures avant, je regarde un petit peu quelles sont les activités
quels sont prévues dans le :::::::: dans les modules et puis voila bon, je
sélectionne un petit peu en fonction de qu’est-ce qu’il ya de qui il est
intéressant mais bon il y a des exercices de ::: à trous par exemple :::::::
des exercices de pendu ou des exercices de grilles la, avec les mots
mêlés ou quelques exercices pratiques ou théoriques de grammaire oui,
euh :::::::::::::, dans quel euh jusqu’au on ça peut ça peut servir euh
peut être que finalement que ça peut être positif, mais pour l’instant
je n’arrive pas à bien cerner cela parce que je n’ai pas été très
souvent et bon, ben je veux dire il n’y a pas d’encadrement, vraiment
très concret et bon les personnes qui se trouvent là-bas me disent
bon ben voilà :::: comment dire ils ouvrent le module et puis voilà
bon, on va essayé de faire avec mais c’est ça je suis un petit peu/ je me
demande vraiment je me pose des questions à ce sujet-là
Entretien avec Julio, corpus 10 – avril 2009

Dès le tour 31 nous pouvons noter, sur le plan verbal un manque de conviction
quant à l’utilité du logiciel présent au laboratoire : « ils étaient pas très convaincus
non plus ». Cette absence de conviction est également remarquable au tour de
parole 35, soit par l’usage de termes tels que « voilà/mais bon », par la présence
accrue des silences ou des hésitations (« euh ») ou encore par le contenu même de
ses propos : « je n’arrive pas à bien cerner cela » « on va essayer de faire avec ». Il est
difficile de voir, à ce stade une quelconque disposition favorable à l’usage des
TICE, en l’occurrence le logiciel TMM. Le seul moyen de dépasser cette action
qui nous semble plus d’ordre mécanique (« on dit voila, tu dois aller là, tel jour, j’y
vais »), c’est l’encadrement (35) ou la connaissance (33).
L’importance d’une meilleure connaissance des TICE est présente également dans
les propos de Kevin :

- 107 -
100 K Oui,moi, la la comme j’ai demandé au début j’aime pas y aller pour une
raison qui en fait très ponctuelle mais c’est au niveau de la prononciation
moi, j’ai, moi je trouve pas du tout pertinent au niveau du prononciation
parce que moi-même chaque fois que je prononce d’abord l’appareil ne
fonctionne pas, fonctionne mal, entend mal et au niveau euh de la
technique même euh, chaque fois il me dit que je prononce mal et depuis
que j’étais à Miraflores chaque fois je fais la tentative ou il m’entendait
pas, il m’a reprochait, je trouve épuisant de répéter et répéter des
intonations des phrases et si non, c’est pas au point :::: alors, mais a
travers d’Yves Combes c’est vrai que euh il nous a donne une petite
formation pour nous euh, justement des activités qui étaient , euh, c’est
vrai qu’il y a beaucoup des exercices intéressants mais euh si on y va
qu’une fois par mois euh et moi j’ai pas en tête toute la grille comment
c’est point ce flèche, ce numéro ou se trouve les exercices qui vraiment
est nécessaires pour que mes étudiants pratiquent je vais perdre
beaucoup de temps je sais pas, il faudrait certainement :: que tous les
signaux, les points, les flèches, etc., soient clairs pour moi, soit lisibles
facilement pour que je sache exactement ou se trouve telle chose, tel
point, tel exercice, alors, la , bon si j’y arrivais euh je saurais exactement
où aller , mais comme on le fait rarement je sais pas souvent on change
de cours, moi j’ai de de débutants au supérieur et puis j’ai pas mal de
cours, je suis débordé de travail j’ai pas vraiment le temps d’aller voir
qu’est ce qui ça serait me demander énormément d’efforts au niveau du
temps et puis j’ai pas la personne qui peut vraiment/ j’ai besoin que
quelqu’un m’aide a retrouver tout ça donc, c’est évident, j’ai pas fait
l’effort d’essayer PARCE QUE CA ME/, si j’y vais avec mes étudiants
et que je vais chercher, c’est peut être ennuyeux pour eux ennuyant
pour moi, c’est pas rentable on ( ?) voila euh, moi, je suis bloque a cause
de tous ces questions.
101 B Est-ce que pour autant vous pensez que ça peut apporter des choses :::
que ce soit TMM ou//
102 K Oui je pense que si j’étais, si j’avais une meilleur connaissance mais
pour ça, il me faudrait des jours pour entrer pour savoir tout ce qu’il y a
etc, et moi je sais pas ce qu’il y a comment je vais guider mes élèves non,
je sais pas, peut être que je suis directif, qu’il faudrait, peut être qu’ils
sauront se débrouiller meilleur que moi s’ils y vont ça c’est sûr.
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

Dans les paroles de Kevin, nous pouvons noter la gêne de ne pas savoir
utiliser le logiciel en question, connaissances qu’il est difficile d’acquérir pour des
raisons d’emploi du temps : « moi j’ai des des débutants au supérieur et puis j’ai pas
mal de cours, je suis débordé de travail j’ai pas vraiment le temps d’aller voir qu’est ce
qui ça serait me demander énormément d’efforts au niveau du temps » (100). Cette
méconnaissance pervertit le regard sur TMM, et partant freine l’usage qu’il en fait
puisque cela agit sur la motivation à l’utiliser avec les élèves : « ennuyeux pour eux
ennuyant pour moi » (100). A l’inverse, comme nous le remarquons avec l’extrait
suivant, une meilleure connaissance de cet outil l’encouragerait à utiliser TMM,
ce qui reflèterait vraisemblablement une attitude positive face à cet outil :

- 108 -
114 K Ça veut dire que peut être que je suis très directif (rires) je sais pas
115 B ( ?)
116 K Non, mais c’est ça parce que moi il me semble la même chose je ne parle
pas de quelque chose, sans avoir un minimum de connaissances me
semble-t-il sur le thème euh c’est ma manière de voir maintenant le
professeur bien sur, il est j’ai pas dit qu’il doit tout savoir mais les élèves
m’apprennent des choses etc, mais ensuite que par euh, par respect
aussi pour les élèves il faut que j’ai un minimum de connaissances
avant de les amener quelque chose comme moi, je n’ai pas finalement
fait l’effort de bien savoir qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur de ça, bon,
bah, c’est un peu pour ça que je travaille pas avec ça qu’on travaille
pas avec ça parce que finalement je les laisse libre quand on est en
laboratoire quand ils me demandent ils me demandent non, quand il me
demande quelque chose je peux les orienter parce que si je sais pas ce
qu’il y a dedans ça me gêne (rires).
Entretien avec Kevin, corpus 11 – décembre 2008

Au final, remarquons que notre questionnaire SoCQ nous aura


préalablement permis de voir que les professeurs de l’AFL sont à la recherche
d’information sur les TICE. Ensuite, grâce à l’analyse des extraits d’entretien,
nous avons pu noter qu’une connaissance insuffisante du logiciel TMM ne
favorisait pas une disposition favorable pour cette nouvelle technologie. Il est
ressorti, au final, qu’une aide ou une meilleure connaissance de cet outil aurait
l’effet inverse, notamment parce que les usagers auraient une autre appréciation
du potentiel pédagogique de ce support. Aussi, nous pouvons conclure cette étude
en affirmant que notre hypothèse H4a est corroborée : une meilleure
connaissance des TICE est susceptible de favoriser une disposition favorable pour
ces outils.

III.1.4.2. Hypothèse H4b


H4b – les professeurs de l’AFL pensent qu’un accompagnement en termes de
formation est susceptible de favoriser une plus grande utilisation pédagogique des
TICE.

Pour ce qui est de notre hypothèse H4b, nous allons concentrer notre
attention sur les lignes ACQCO[nnaissances], ACQCOMP[étences] et
PEDA[gogique] du tableau suivant :

- 109 -
Fig. 14 : intérêt d’une formation TICE
Nb. cit. Fréq.
intérêt formation TICE

Non réponse 17 30,9%


IFTICE_ACQCO 9 16,4%
IFTICE_ACQCOMP 11 20,0%
IFTICE_MOTIV 4 7,3%
IFTICE_AUTON 3 5,5%
IFTICE_PEDA 19 34,5%
IFTICE_AMBIV 4 7,3%
IFTICE_GAIN 1 1,8%
IFTICE_MOD 3 5,5%
IFTICE_NUL 1 1,8%
IFTICE_SO 1 1,8%
TOTAL OBS. 55
La différence avec la répartition de référence est très significative. chi2 = 63,37, ddl = 11, 1-p =
>99,99%.
Le chi2 est calculé avec des effectifs théoriques égaux pour chaque modalité.
Le nombre de citations est supérieur au nombre d'observations du fait de réponses multiples (10 au
maximum).

Nous nous apercevons que nombreux sont les professeurs qui déclarent que cette
formation TICE aura des répercussions sur leurs compétences et connaissances
(36,4%), mais également sur leur pédagogie (34,5%). Les réponses ont été
verbalisées ainsi par les enquêtés :
« élaborer un parcours pédagogique » ;
« création d’exercices » ;
« utiliser les TICE en cours » ;
« pour utiliser les TICE » ;
« créer des outils pédagogiques interactifs plus adaptés au niveau et au rythme des
élèves ».

Par ailleurs, l’extrait du corpus suivant, dans lequel nos abordons avec Eric
les éléments qui faciliteraient une intégration des TICE en classe, complète assez
bien les résultats évoqués précédemment :
54 B Et est-ce que vous intégrez les tice en classe ::::: pour l’instant vous m’avez
dit que vous demandiez de faire des tâches à l’extérieur par des
recherches/
55 E Hmm pas encore
56 B Pourquoi pas encore ?

- 110 -
57 E Parce que j’ai pas/ je ne connais pas exactement très bien je le fais à ma
façon mais je crois que pour utiliser les tice il faut avoir des trucs déjà
établis avec des objectifs très clairs avec des fiches alors j’essaie de le
faire un peu mais on n’a pas beaucoup travaillé les tice, non ?
58 B Et qu’est-ce que qui vous permettrait de faire un peu plus ?
59 E Je sais pas peut-être si on avait un stage je pourrais/ un stage une
formation pour nous guider comment travailler exactement car une
chose c’est travailler les tice mais une autre c’est les :::::: pouvoir les
mettre en place dans une salle à Lima Pérou/ je me souviens quand on a
fait un stage à Paris l’année dernière dans un stage de formation les
derniers jours on avait eu ::::: un tout petit peu sur les tice mais c’était très
vite mais c’est (bizarre ?) il faut savoir comment le faire, comment le
mettre en place alors c’est pour ça que je ne le fais pas encore il faut
le faire très bien il ne faut pas que je mette dans mon cours si je ne le
maitrise pas très bien !
Entretien avec Eric, corpus 5 – décembre 2008

Nous pouvons noter deux choses importantes dans ce court extrait. Tout
d’abord, l’importance de la formation, ressentie comme nécessaire pour intégrer
les TICE (57 et 59). Remarquons qu’Eric fait bien la distinction entre utiliser les
TICE et les intégrer, qui relève d’autres compétences : « une chose c’est travailler
les tice mais une autre c’est les :::::: pouvoir les mettre en place « (59).
Ensuite, lorsqu’Eric déclare « il faut le faire très bien il ne faut pas que je mette
dans mon cours si je ne le maitrise pas très bien ! » (59), il nous rappelle un fait
important, évoqué plus haut (cf. I.1.4), qui nous permet de mieux saisir les raisons
qui relient absence de formation et rejet des TICE : le problème de face.
L’absence de compétences est vécue comme un « acte menaçant la face » (« face
threatening act », P. Brown et S. Levinson, dans Catherine Kerbrat-Orecchioni
2008 :72) et il ne peut être « adouci » que par la formation, qui donnera aux
enseignants les habilités à utiliser les TICE en cours, devant les élèves.
Une autre question se pose toutefois : quelle est la perception des
enseignants sur le degré de compétence nécessaire pour être à même d’utiliser les
TICE devant les élèves sans perdre la face ? Dans notre exemple, en utilisant
l’adverbe d’intensité « très », Eric indique souhaiter un haut degré de compétence
pour être prêt à utiliser les TICE avec les élèves sans se sentir menacer. Dans
quelle mesure peut-on répondre à ces perceptions individuellement ? Est-il
seulement possible de le faire ? Comment encourager les professeurs à utiliser les
TICE avec une connaissance/compétence minimale dans l’usage des TICE ?

- 111 -
Malgré ces réflexions complémentaires, nous pouvons considérer que
notre hypothèse H4b est corroborée. Les professeurs de l’AFL pensent qu’une
formation aux TICE est susceptible de favoriser une plus grande utilisation
pédagogique de ces outils pédagogiques.

III.1.4.3. Hypothèse H4c


H4c – Au-delà d’une « simple » alphabétisation informatique (Larose, Grenon,
Pearson, Morin & Lenoir, 2004 : 62), une alphabétisation numérique, qui
« associ[e] la construction de compétences informatiques au paradigme
constructiviste de l’enseignement et des l’apprentissage et me[t] en valeur les
fonctions de communication des TICE » (ibid.), est susceptible de favoriser une
attitude positive face aux TICE et à l’usage de ces outils pédagogiques.

Le bilan que nous avons recueilli à la fin de la formation TICE (TBI,


créateur de page html et exerciseurs) que nous avons animée pour cette hypothèse,
ainsi que pour H4d nous a permis de noter les résultats suivants.
Sur les 26 bilans collectés50, nous avons pu relever les résultats suivants en
termes d’acquisition ou de « gain » :
Fig.15 : gain déclaré à l’issue de la formation

intérêt

3
8 16 nouvelles
compétences
conf iance

14 autre approche
15
autres

Tout atelier confondu, il semblerait que la formation a permis aux enseignants de


développer une confiance dans leurs capacités à utiliser les TICE (14 citations) et
un plus grand intérêt (16 citations). Nous pouvons donc supposer que l’attitude
des enseignants face aux TICE ou à leur usage est plus positive qu’elle ne l’était
auparavant. Au-delà des citations, ce dernier point est confirmé par des propos de

50
Rappelons qu’un même enseignant a pu répondre au maximum trois fois pour le même item
dans la mesure où les bilans se faisaient par atelier et que certains stagiaires ont participé aux trois
ateliers proposés.

- 112 -
professeurs à la question 3 « Complétez cette phrase : la formation m’a permis
de... :
« prendre conscience des possibilités des TICE »
« essayer de créer moi-même mes activités »
« rêver à la création pédagogique »
« me sentir plus sûr »
« donner un premier pas vers les TICE »
« concevoir de meilleurs modules »
Il nous semble qu’une alphabétisation numérique comme définie plus haut,
qui allie technologique et approche constructiviste de l’enseignement et
intégration des TICE va certainement dans le sens d’une meilleure disposition
envers les nouvelles technologies et leur usage dans la mesure où elle donnera les
moyens nécessaires aux enseignants de littéralement « faire face » aux élèves sans
craindre ou en réduisant l’appréhension d’être déstabilisé.
Sur la base de ces résultats, nous pouvons donc avancer que notre hypothèse H4c
est corroborée.
Nous souhaiterions toutefois émettre quelques réserves nées d’une
réflexion sur la difficulté à dissocier ce qui a véritablement joué en faveur d’une
attitude favorable pour les TICE et leur usage. En effet, suite à certains mèls et
messages laissés par les stagiaires (« bravo Brahim », « constructif comme tu le
fais », etc.) nous pensons qu’il y a nécessairement personnalisation de la
formation. Aussi nous interrogeons-nous sur la place que peut avoir le formateur
dans cette confiance déclarée chez les stagiaires et le fait de se sentir plus sûr de
ses compétences. Il nous semble encore difficile de distinguer clairement le
paramètre « formateur » de celui que nous avions retenu : l’alphabétisation
numérique.

- 113 -
III.1.4.4. Hypothèse H4d
H4d – Certains professeurs des Af Lima utilisent les TICE principalement pour
travailler (étudier ou pratiquer) les compétences linguistiques de manière isolée.
Aussi, une alphabétisation numérique des enseignants des Af Lima est susceptible
de favoriser l’usage des TICE selon une perspective actionnelle, qui, selon le
Cade européen commun de référence (2005 :15), « considère avant tout l’usager et
l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir une tâche
(qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un
environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier ».

L’intérêt de cette hypothèse réside dans l’étude de la préséance de la


pédagogie sur la technologie. Corroborer cette hypothèse serait supposer qu’il
existe des chances que les enseignants de la formation donnent à la technologie
son véritable intérêt pédagogique puisque comme nous le rappelle Depover et alii.
(2000), ce n’est pas le choix de la technologie qui est essentiel mais bien la
décision d’opter pour telle pédagogie conforme aux effets attendus sur les
apprenants.
Les premières fiches que nous avons remises aux stagiaires « Pour mieux
[les] connaître » nous ont permis de relever les informations suivantes en ce qui
concerne l’usage des TICE par ces professeurs :
Fig. 16 : usage des TICE chez les professeurs participant aux ateliers

non
4 5
compétences isolées et
grammaire
projet
1

5 support doc/recherche

Sur les 15 fiches « Pour mieux vous connaître » retenues51, 5 enseignants


n’utilisent pas les TICE (réponses « non »), 10 enseignants déclarent utiliser les
TICE et parmi ceux-ci 5 affirment les utiliser pour travailler des compétences

51
Sur les 19 stagiaires que nous avons eus au total, 17 nous ont retourné les fiches bilan. Parmi ces
17 documents, 15 étaient exploitables car nous avions la fiche 1 et la fiche 2 des ateliers suivis.

- 114 -
isolées ou des points de grammaire, contre 1 qui dit intégrer les TICE dans des
projets avec ses étudiants. Les 4 derniers disent les utiliser comme supports
documentaires (musique, vidéo) ou pour une recherche d’informations.
Nous avons suivi 14 de ces quinze enquêtés dans l’atelier 1 sur l’usage du TBI52.
A la fin de l’atelier, 73% affirment vouloir utiliser le TBI dans le cadre de projets,
de scénarios pédagogiques ou des deux.

Fig. 17-18-19 : usages futurs des TICE à la suite de chaque atelier (usages déclarés)
Fig. 17

TBI
scénario

projet

7% 7% act.ludiques et civi
29%
14%
scénario et projet

7% travail par
36% compétence
SO

Fig. 18 Fig. 19

Nvu Exerciseur
scénario
17% 17%

17%
scénario,
66% projet et par
scénario scénario et projet projet 83% compétence

Les tableaux qui suivent nous présentent le détail de cette évolution. La


colonne « fiche 1 » indique ce que les enseignants avaient coché dans le document
qui visait à mieux les connaître sur le plan de leur usage des TICE. Ensuite, dans
la colonne principale « fiche 2 », nous pouvons observer comment ces mêmes
personnes se répartissent à la fin de l’atelier et le type d’usage qu’elles affirment
faire des TICE à la suite de cette formation.

52
Un stagiaire qui avait remis cette fiche n’était pas présent à l’atelier TBI, ce qui ramène notre
étude à 14 stagiaires pour l’atelier TBI.

- 115 -
Fig. 20-21-22 : évolution des usages déclarés (par atelier)

Fig. 20
ATELIER TBI Fiche 1 Fiche 2 - bilan fin d'atelier
Usage des TICE scénario projet scénario+projet act. ludiq compétences SO
grammaire+supports 6 i ii i i i
compétences 2 ii
projet 1 i
aucun 5 iii i i
14 4 5 2 1 1 1

Fig. 21

ATELIER NVU Fiche 1 Fiche 2 - bilan fin d'atelier


Usage des TICE scénario projet scénario+projet
grammaire+supports 3 i i i
compétences
projet 1 i
aucun 2 ii
6 4 1 1

Fig. 22

ATELIER EXERCISEUR Fiche 1 Fiche 2 - bilan fin d'atelier


Usage des TICE scénario scénario+projet+compétences
isolées
grammaire+supports 3 ii i
compétences
projet 1 i
aucun 2 ii
6 5 1

Nous nous apercevons que les ateliers de création de page html et les exerciseurs
amènent les enseignants à privilégier l’usage par scénario, alors que
précédemment dans l’atelier consacré au TBI, c’est la pédagogie de projet qui
avait été retenue en majorité. Même l’enseignant53 qui utilisait les TICE dans le
cadre de projets déclare envisager une réflexion pédagogique fondée sur le
scénario.
A la fin de toute la formation (c’est-à-dire la réalisation des trois ateliers),
sur l’ensemble des 26 bilans, la grande majorité déclare envisager l’emploi des
TICE dans le cadre de scénarios pédagogiques ou de pédagogie de projet : en effet,
tout atelier confondu, 22 (84%) mentionnent ces approches pédagogiques.

53
Le même dans tous les ateliers.

- 116 -
Fig. 23 : bilan des usages des TICE suite à la formation
(usages déclarés)

scénario

4% 4%
4% projet
4%
scénario+projet
12%
49% act.ludiq

compétences

23% scénario+projet+compétences

SO

Au final, si l’on considère que la pédagogie de projet est une forme de


mise en œuvre de l’approche actionnelle (Conseil de l’Europe 2001 :108), nous
pouvons affirmer que suite au stage proposé les enseignants ont déclaré envisager
d’utiliser les TICE selon une approche telle que préconisée par le CECRL. Partant,
notre hypothèse H4d est corroborée.

III. 1.4.5 Conclusion de l’hypothèse 4


Suite à l’étude de nos quatre sous-hypothèses, toutes corroborées, nous
avons pu confirmer ce que nous abordions déjà dans la partie théorique de cette
étude, à savoir le rôle essentiel de la formation. Que cela soit à travers les résultats
du bilan, des questionnaires ou des observations faites sur le terrain, mais non
consignées, il semblerait que la formation à l’utilisation des TICE contribue à une
plus grande acceptation des TICE par les professeurs de l’AFL. Notre hypothèse
4 est donc corroborée.

Passer des analyses d’hypothèses à un examen prospectif n’est pas chose


aisée dans la mesure où d’autres paramètres du terrain nous échappent. Cela dit,
sur la base de notre étude et avec les informations en notre possession, nous nous
essaierons à cet exercice en apportant quelques éléments de réflexion qui
permettraient de mieux intégrer les TICE à l’AFL.

- 117 -
III.2 Examen prospectif des moyens à mettre en œuvre

A la lumière des résultats d’analyse, nous pouvons nous pencher sur un


examen prospectif des moyens à mettre en œuvre pour une intégration efficace et
réussie des TICE à l’AFL. Sans surprise, nous nous concentrerons sur le matériel
et la formation.

III.2.1. Moyens matériels


III.2.1.1 Les outils
Il est évident que cet aspect doit être longuement considéré. Quel matériel
pour quel usage ? Quelle implication des enseignants dans le choix du matériel
retenu ? Les AFL ont reçu en 2009 une enveloppe budgétaire du Ministère des
Affaires Etrangères par le biais de l’Ambassade de France pour investir dans les
nouvelles technologies (cf. I.1.2). Quel usage en faire ? Investir à tous prix dans
les tableaux blancs interactifs avant même de s’assurer que tous les ordinateurs,
de tous les centres AFL, fonctionnent correctement, ou soient suffisamment
performants ? Renouveler ou développer le parc informatique ?
Il est évident qu’équiper toutes les salles de classe en ordinateurs et
rétroprojecteurs serait pure chimère vue l’ampleur des travaux et partant, de
l’investissement. Néanmoins, n’est-il pas envisageable de doter une partie de ces
salles pour que les professeurs puissent utiliser le plus rapidement possible les
TICE en classe, sans se limiter à l’option laboratoire multimédia, lorsqu’il y en a
un, une heure et demi par mois ? Cela aurait pour effet de mettre en place des
habitudes dans l’intégration des TICE par les enseignants. Toutefois, cela
requerrait de réviser la gestion d’occupation des salles, en attendant que toutes
soient équipées de ce matériel. C’est certes une entreprise d’envergure, mais est-il
encore possible de repousser cela alors même que les autres centres de langues,
notamment de langue anglaise, le sont depuis quelques temps déjà ? Remarquons
que ces véritables projets de fond sont parfois difficiles à mettre en place dans la

- 118 -
mesure où la décision doit être négociée en conseil d’administration54. Par ailleurs,
cela demanderait de reconsidérer une politique marketing qui semble
essentiellement tournée vers l’externalisation des cours et donc la mise en place
de cours en ligne ou de cours en universités ou entreprises, au détriment de
l’installation de matériels dans les salles, pour un public en présentiel. Dans ce
contexte-ci, nous sommes en droit de nous interroger, au final, sur l’intérêt
véritable porté au développement des TICE en classe à l’AFL.

III.2.2.2 Le temps
Un professeur de l’AFL travaille en moyenne une quarantaine d’heures
hebdomadaires, heures de préparation pédagogique et de correction non incluses
(cf. II.1.1.1). Cela est le fait de nombreuses institutions de droit local, comme
nous avons pu en être témoin en travaillant à l’institut américano-péruvien de
Trujillo. Comment, dans ce contexte professionnel, demander aux enseignants de
s’investir dans les TICE, dans la création pédagogique lorsque l’on sait le
caractère chronophage de ce travail (cf. I.1.4)? La formation que nous avons
menée pour notre recherche nous a permis de discuter plus librement avec les
enseignants et nombreux sont ceux qui nous faisaient comprendre qu’une fois que
les cours reprendront, leur investissement dans les TICE sera restreint par le
rythme de travail. Cela est d’autant plus vrai pour les personnes qui faisaient leurs
premiers pas dans ce domaine. Comment surmonter ce problème ?
Une proposition serait de libérer du temps pour mettre en place des
groupes de travail par antenne, au moins une fois par mois, un peu à l’image de
LaFabrik, mais étendue à chaque centre pour que tous se sentent impliqués.
L’avantage serait de faire vivre véritablement les compétences des enseignants,
mutualiser les habilités et les produits. Encadré par le coordinateur local, le
groupe de travail aurait pour objectif de produire des activités selon un référentiel
défini par l’institution, en collaboration avec les responsables de chaque centre.
Une double reconnaissance pourrait être pensée : financière, sous forme de
majoration salariale et institutionnelle, en mettant ces activités produites à

54
Les CA des Alliances française sont composés de personnes qui ne travaillent pas
nécessairement dans l’établissement, ni dans l’enseignement. Leur regard sur la réalité du terrain,
les besoins, etc. peut ne pas être en concordance avec l’analyse de la direction.

- 119 -
disposition de tous les professeurs sur une page du site de l’AFL accessible aux
enseignants.
Le deuxième aspect qui nous semble intéressant d’étudier est la formation
proposée aux enseignants.

III.2.2 La formation
Nous avons vu que la formation était un élément central de la mise en
place des TICE dans un centre de langues (cf. I.1.4) et dans l’AFL (cf. III.1.4).
Lorsque nous avons défini la formation à mener à l’AFL, nous avons insisté
auprès de la responsable académique pour inclure, en plus du TBI qui devait être
le seul point de la formation, le logiciel de création de page html Nvu et les
exerciseurs Hot potatoes et eXelearning. Nous avons insisté sur ces deux éléments
pour deux raisons pédagogiques. Le TBI ne permet pas à lui seul de saisir la
notion de tâche ou de scénario pédagogique. Se familiariser avec ces outils-là
signifiait devoir intégrer et adopter l’approche du CECRL, mais aussi rendre
l’élève véritablement acteur de son apprentissage, développer une certaine
autonomie encore trop peu présente dans les pratiques.
Au final, la formation TICE que nous avons animée nous a confirmé que
peu de professeurs présents étaient au fait des principes du CECRL, et que leur
pratique était loin de pouvoir les intégrer. Partant de ce constat, nous pensons,
comme nous l’avons suggéré à la responsable académique de l’AFL, qu’une
formation pédagogique devrait être mise en place auprès des coordinateurs, tout
d’abord, pour que ceux-ci puissent ensuite « démultiplier » la formation auprès
des enseignants dont ils sont responsables. Si cette étape de « refonte
pédagogique » n’est pas retenue, le risque encouru serait que les enseignants
consomment des TICE sans réfléchir une seconde à remettre en cause leur
pédagogie.
Un plan de formation continue devrait par la suite inclure une réflexion
régulière sur les pratiques TICE, pour maintenir les professeurs en éveil sur ce
point-ci. Comment introduire cela et motiver un maximum d’enseignants ?

- 120 -
A partir d’un plan de formation global, les enseignants pourraient avoir à choisir 2
ou 3 stages TICE sur l’année, ce qui serait pris en compte dans la GPEC : un
enseignant qui se formerait régulièrement verrait donc sa carrière et son salaire
progresser de façon tout à fait satisfaisante. La question du financement de la
formation est évidemment essentielle également. Où trouver le financement
nécessaire pour un tel projet, ou tout au moins comment le réduire ? En déposant
des projets de développement TICE auprès de la Fondation des Alliances, ou du
MAE dans le cadre de l’action culturelle française à l’étranger ? En mettant en
place un partenariat avec certaines universités pour une formation commune, ce
qui aurait pour avantage, hormis la coopération créée, de réduire les frais de
gestion ? En puisant dans les savoir-faire des ses enseignants/coordinateurs,
comme le fait déjà bien l’AFL pour certaines formations non TICE ?
Cela dit, malgré l’intérêt que nous trouvons à cette idée, nous nous
interrogeons sur un aspect de sa faisabilité : quels professeurs former sachant que
certains ne restent dans l’institution que 2-3 ans ? Peut-on investir ainsi de telles
sommes sur des personnes non stables ? A l’inverse, doit-on concentrer les efforts
sur les enseignants embauchés à temps plein et déconsidérer la formation des
nouvelles recrues ou des autres professeurs ?
Cette réflexion sur la formation mise en place par l’institution ne doit pas
occulter une autre autour de l’auto-formation des professeurs. Malgré les
habitudes culturelles qui maintiennent le professeur au centre du savoir, il est
possible de développer l’auto-formation en proposant des ressources aux
enseignants. C’est ce que nous avons initié en créant des tutoriels en ligne pour la
formation animée en mars 2010 et que nous avons mis à disposition des
enseignants pour qu’ils les emploient ou les diffusent. Nous avons demandé aux
responsables académiques et des formations de mettre également à disposition des
enseignants, dans chaque centre, des tutoriels que nous avions récupérés sur le net,
pour s’auto-former au TBI, Nvu, aux exerciseurs et autres outils de création
technologique. Cette offre participait de notre réflexion autour de la prise en
charge, par l’enseignant, de sa formation. Cela devait répondre à un souci de
donner à l’enseignant les moyens de devenir véritablement acteur de son
apprentissage. Nous croyons également que développer cette démarche

- 121 -
responsable et autonome chez l’enseignant, c’est agir indirectement sur ses
pratiques enseignantes, l’encourager à laisser à son tour plus d’autonomie à ses
étudiants. La nouvelle page web de l’AFL devrait aisément pourvoir accueillir un
espace pour les enseignants, un espace numérique de travail (ENT) dans lequel les
ressources lui seront accessibles.

- 122 -
CONCLUSION

Notre travail cherchait à évaluer les obstacles à l’usage des TICE à l’AFL
de Lima. Pour mener à bien ce projet, nous avions défini quatre hypothèses dont
certaines d’entre elles ont subi quelques arrangements que le contexte ou les
premiers résultats rendaient nécessaires.
Nos hypothèses s’articulaient autour de trois axes majeurs : 1) la connaissance de
l’outil informatique, 2) les représentations des technologies, 3) la formation aux
TICE.
Les conclusions que nous avons faites ponctuellement pour chaque hypothèse
nous permettent de considérer les résultats suivants.
En ce qui concerne notre première hypothèse, nous avions fini par
remarquer que les éléments recueillis ne nous permettaient pas de donner une
réponse affirmative globale pour cette hypothèse principale. Il nous était
nécessaire de distinguer les variables étudiées et de les considérer
indépendamment. En effet, nous avions pu noter que si l’absence de matériel ne
gênait pas la prise en main des outils, l’absence ou l’obsolescence du matériel
participait bien de la non intégration des TICE en cours.
Pour ce qui est de notre hypothèse 2, deux sous-hypothèses sur trois ayant
été falsifiées, nous ne pouvons pas affirmer de façon catégorique que l’image que
les enseignants ont de l’outil influence de manière négative l’usage de cet artefact.
Néanmoins, nous avons également pu voir grâce à l’analyse du discours que, alors
que les propos laissaient entendre en surface une certaine sérénité, certains
enseignants insistaient, en employant divers arguments, pour affirmer que les
TICE ne pouvaient les supplanter. Nous avons considéré que ces arguments
participaient d’une certaine appréhension toute relative de voir leur rôle se
modifier sous l’effet de l’usage des TICE.
Notre hypothèse 3 était plus délicate à étudier car LaFabrik a été fermée
peu après le début de notre étude (en janvier 2009). Ceci étant, suite aux analyses
de nos sous-hypothèses, nous avons pu noter le potentiel que pouvait avoir
LaFabrik en termes d’élément facilitateur d’intégration des TICE par les

- 123 -
enseignants de l’AFL, partant, nous pouvons considérer que notre hypothèse 3 est
corroborée.
Avec du recul, il nous paraît évident que cet atelier aurait pu véritablement
participer au développement des TICE à l’AFL mais sa mise en place bancale,
l’absence de soutien institutionnel, le manque de compétences pratiques de la
responsable et le désir de concentrer ailleurs les efforts TICE sont autant
d’éléments qui nous permettent de lire dans cette entreprise de LaFabrik comme
une « chronique d’une mort annoncée ».
Enfin, les résultats d’analyse de notre hypothèse 4 nous permettent de
confirmer ce que de nombreux auteurs avancent depuis déjà longtemps, à savoir le
rôle essentiel de la formation. Toutes les techniques de recueil et d’analyse nous
amènent à voir que la formation à l’utilisation des TICE contribue à une plus
grande acceptation et encourage un usage des TICE par les professeurs de l’AFL.
Que cela réclame du temps et un budget important est une réalité à laquelle
personne ne pourrait s’opposer, néanmoins le besoin de mettre en place ces
moments de formation reste crucial. S’interroger sur les personnes à former, la
période la plus propice et les aspects à aborder en priorité est essentiel et doit être,
nous semble-t-il, une réflexion à mener conjointement entre les coordinateurs et la
direction pour une meilleure cohérence entre les besoins du terrain et les objectifs
de l’institution.
Au final, aborder la question des obstacles à l’usage des TICE chez les
enseignants requiert une approche systémique du terrain comme nous le
mentionnions en introduction : outils, enseignants, coordinateurs, institution, etc.
Tout et tous participent à la création ou à la levée de ces obstacles, et les réponses
doivent être cherchées à tous les niveaux, même au niveau des élèves, que nous
n’avons pas souhaité aborder dans ce projet d’étude.
Alors que de nombreux pays accroissent le budget TICE pour l’année actuelle55, il
nous semble urgent de se concentrer encore plus sur l’accompagnement des
enseignants à l’usage des TICE en cours avant qu’ils soient submergés par ces
outils, forcés d’en faire un usage quelconque pourvu que l’on puisse mettre en
avant cette modernisation de l’éducation ou d’une institution.
55
Voir notamment le rapport Fourgous (2010) ou la mesure très récente de la présidente de
l’Argentine, Mme Kirchner, qui compte doter chaque élève d’un notebook.

- 124 -
Car de cela aussi il est question. Les TICE sont et resteront malgré tout (et
avant tout ?) un formidable argument de vente de cours pour des institutions telles
que les Alliances françaises puisqu’elles donnent une image moderne de
l’établissement. La foi véritable dans l’intégration des TICE pourrait-elles
finalement s’évaluer aux formations offertes aux enseignants pour éviter que les
outils ne soient que de simples gadgets ?
Suite aux diverses formations que nous avons animées au Pérou ou en Argentine,
il nous a paru qu’il était impossible de distinguer formation technologique et
formation pédagogique : les deux ne font qu’une ; or souvent nous nous sommes
rendu compte que le pédagogique était loin de satisfaire les exigences actuelles :
au-delà de la connaissance livresque de ce qu’est le CECRL et les objectifs définis
selon ces principes par les méthodes, combien le mettent en application ? Faire du
vieux avec du neuf est le risque encouru si la formation ne demeure que
technologique.
Cette problématique de la formation des enseignants dans les Alliances françaises
nous semble un sujet essentiel à étudier plus en profondeur, d’autant que se
développent les cours en ligne lors desquels beaucoup d’enseignants vont devoir
prendre en charge le tutorat sans véritablement en voir les enjeux véritables, sans
même nécessairement avoir la formation pour, ou que de nouveaux supports
envahissent les salles (cas du TBI).
Il nous paraîtrait donc intéressant de suivre, dans le cadre d’une étude
longitudinale, une cohorte d’enseignants, adeptes des TICE ou non, pour voir
l’évolution dans leurs pratiques, leurs besoins et leurs attitudes vis-à-vis de ces
outils. Y a-t-il adoption des TICE ou résistances ? Quelles stratégies de
résistances culturelles (pédagogiques et sociales) ces enseignants risquent-ils de
mettre en œuvre ? Quel accueil et quels besoins vont naître de ces pratiques TICE
sur la durée ? Quel usage réussi des TICE ? Quel accompagnement de la part de
l’institution qui les emploie ? En quoi la formation est-elle source de
transformation des pratiques ? Dans quelle mesure la direction a-t-elle un rôle à
jouer dans l’échec ou non de l’intégration des TICE ? Voici quelques questions
qui restent en suspens et auxquelles une recherche plus accomplie permettrait de
répondre.

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- 134 -
ANNEXES
Pages
Annexe I 135-137
Annexe IIa 138-139
Annexe IIb 140-141
Annexe IIc 142
Annexe III 143
Annexe IV 144
Annexe V 145-148
Annexe VI 149

- 135 -
ANNEXE I

Questionnaire ad hoc n°1


Ce questionnaire a pour objectif de mieux comprendre l’image que vous vous faites de l’outil informatique, et
notamment de l’usage des activités en ligne, de l’internet en classe, comme ceux que crée LaFabrik de l’Af
de Lima.
Je vous remercie donc par avance pour le temps que vous prendrez pour remplir cette fiche qui nous aidera
à mieux organiser la mise en place des ressources de LaFabrik.

Une fois complété, merci de me retourner ce questionnaire à l’adresse suivante (ou le remettre à Anne-Laure
Miné, Responsable académique de l’Af Lima): brahim.azaoui@gmail.com

™™™™™™™™™™™™™™™™™™™™™

I/ VOUS
1- Vous êtes... : . une femme . un homme

2- Vous avez... : . <20 ans . 21/25 ans . 26/30 ans . 31/38 ans
. 39/45 ans . 46/55 ans . > 55 ans

3- Vous enseignez le français depuis... :


. ≤ 5 ans . 5-10 ans .11-15 ans .16-20 ans .
> 20 ans

4- Vous enseignez à l’Alliance française de Lima depuis...


. < 2 ans . 2-5 ans . 6-10 ans . > 10 ans

5- En français, vous avez un niveau... :


. C2 . C1 . B2 . autre : .........................................

II/ VOUS ET L’ORDINATEUR


6- Possédez-vous un ordinateur personnel ?
. oui . non (si non, poursuivez à partir de la question 9)

7- Si oui, depuis combien de temps environ ?


. < 1 an . 1 an . 2 ans . 3 ans . 4 ans . 5 ans et plus

8- Quel usage en faites-vous ?


__ Traitement de texte
__ Recherches sur internet
__ Jeux vidéo
__ Messagerie
__ Autres. Précisez : .............................................................................................

- 136 -
9- Indiquez par une croix l’impression que vous fait l’ordinateur.

difficile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ facile

agréable ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ désagréable

gain de temps ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ perte de temps

utile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ inutile

laid ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ beau

10- Complétez cette phrase :


Pour moi, l’ordinateur, c’est ...............................................................................................................................

III/ VOUS ET INTERNET


11- Possédez-vous une connexion internet ?
. oui . non (si non, poursuivez à partir de la question 13)

12- Si oui, depuis combien de temps environ ?


. < 1 an . 1 an . 2 ans . 3 ans . 4 ans . 5 ans et
plus

13- Indiquez par une croix, pour chaque échelle, l’impression que vous fait internet.

difficile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ facile

agréable ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ désagréable

gain de temps ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ perte de temps

utile ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ inutile

14- Complétez cette phrase :


Pour moi, internet, c’est ..................................................................................................................................

IV/ VOUS ET LES TICE


15- Savez-vous ce que signifie « TIC » ou « TICE » ?
. oui . non (si non, poursuivez à partir de la question 19)

Définition : ...........................................................................................................................................................

16- Intérêt pédagogique des TICE pour l’élève. Cochez ce qui correspond le mieux à votre opinion.
. très utile . plutôt utile . utile . peu utile . pas utile .
pas du tout utile

- 137 -
Pourquoi ? Cochez une ou plusieurs réponses. Les TICE... :
. empêchent le travail de groupe . génèrent du bruit . motivent les élèves
. développent l’autonomie . gênent le professeur . rendent les élèves actifs
. autre : ............................................................

17- Cochez une ou plusieurs réponses pour dire l’intérêt pédagogique que peuvent avoir les TICE pour le
professeur. Elles...
. remplacent le professeur . assistent le professeur . illustrent le cours
. autre : .....................................
Citez un exemple pour illustrer votre
réponse ......................................................................................................................

18- Quelle(s) utilisation(s) principale(s) faites-vous des TICE ?


..............................................................................................................................................................................

19- Indiquez d’une croix le niveau de maîtrise de l’outil informatique nécessaire pour utiliser les Technologie
de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement (TICE) en classe ?

aucune ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ perfectionnée

20- Quel serait l’intérêt d’une formation à l’utilisation de l’outil informatique (traitement de texte, internet,
logiciels pédagogiques, etc...) ?
..............................................................................................................................................................................

21- Quel serait l’intérêt d’un stage visant à vous former à l’utilisation des TICE dans vos cours ?

..............................................................................................................................................................................

22- Citez 2-3 mots (ou groupes de mots) pour décrire le rôle des TICE dans l’enseignement dans 5 ans : ex.
central, envahissant, important, excessif, etc...

..............................................................................................................................................................................

Merci d’avoir bien voulu m’accorder de votre précieux temps.


Brahim Azaoui.

- 138 -
ANNEXE IIa
Questionnaire SoCQ, version anglaise

- 139 -
- 140 -
ANNEXE IIb
Questionnaire SoCQ, traduction française (notre traduction)
« Evaluation des préoccupations concernant la mise en place des TICE »

Chers professeurs,

Dans la continuité du travail que je mène sur l’emploi des TICE à l’Af de Lima, je
souhaiterais vous soumettre ce nouveau questionnaire. L’objectif de celui-ci est de savoir
ce qui préoccupe les utilisateurs ou les futurs utilisateurs des TICE tout au long du
processus d’adoption de ces nouvelles technologies appliquées à l’enseignement.

Seulement 10 à 20 minutes sont nécessaires pour le compléter. Il suffit, pour chaque


item, de cocher la case qui correspond au mieux à votre opinion
Parce que les items ont été réfléchis pour prendre en compte tout l’éventail d’expérience
dans l’utilisation des TICE, certains items risquent d’avoir encore peu ou pas du tout
d’intérêt pour vous. Si tel est le cas, cochez la case 0 sur l’échelle proposée.

Une fois complété, vous pourrez me le retourner par mail : brahim.azaoui@gmail.com ou


le déposer dans la chemise qui sera prévue à cet effet au secrétariat de votre centre.

Je vous remercie une nouvelle fois pour votre coopération dans ce travail.

Brahim Azaoui

La valeur des chiffres est la suivante :

0 1 2 3 4 5 6 7
Pas du tout d’accord Plutôt d’accord Tout à fait d’accord

Items 0 1 2 3 4 5 6 7
Je voudrais connaître l'attitude des élèves vis-à-vis des TICE
Je connais à présent certaines approches qui pourraient
fonctionner mieux que les TICE
Je ne sais même pas ce que sont les TICE
J'ai peur de ne pas avoir assez de temps pour m'organiser
chaque jour
Je souhaiterais développer d'autres compétences en utilisant
les TICE
J’ai une connaissance très limitée des TICE
Je souhaiterais connaître comment cela va affecter mon statut
professionnel
J’ai peur qu’il y ait conflit entre mes obligations et mes
responsabilités
Je suis préoccupé(e) par la remise à niveau de mes
compétences à l’utilisation des TICE
Je souhaiterais développer des relations de travail entre mon
centre de langue et un autre.
Je voudrais savoir comment les TICE affectent les élèves
Je ne suis pas intéressé par les TICE

- 141 -
Je voudrais savoir qui prendra les décisions au sujet de ce
nouveau support de travail.
Je voudrais discuter de la possibilité d’utiliser les TICE
Je voudrais savoir quelles ressources sont disponibles si je
décide d’utiliser les TICE
J’ai peur de ne pas savoir utiliser les TICE
Je voudrais savoir comment mon enseignement est supposé
changer
Je souhaiterais pouvoir discuter des apports des TICE avec
des collègues
Je voudrais savoir comment évaluer l’impact des TICE dans
mon enseignement.
Je souhaiterais réviser l’approche pédagogique des TICE
Je suis trop occupé(e) par d’autres projets
Je voudrais modifier notre utilisation des TICE en me basant
sur l’expérience de nos étudiants
Bien que je ne connaisse pas les TICE, le domaine m’intéresse
Je souhaiterais encourager mes étudiants à jouer un rôle dans
cette utilisation
Je m’inquiète du temps passé à traiter de problèmes non
pédagogiques liés aux TICE
Je voudrais savoir ce que l’utilisation des TICE exigera dans un
futur proche
Je souhaiterais mutualiser mes efforts avec ceux d’autres
professeurs pour accroître les effets des TICE
Je souhaiterais avoir plus de renseignements sur les
engagements en termes de temps et d’énergie liés aux TICE
Je voudrais savoir quels autres centres de langue utilisent les
TICE
A ce jour, je n’ai pas envie d’en savoir plus sur les TICE
Je voudrais connaître un moyen de compléter, améliorer ou
remplacer les TICE
Je voudrais connaître l’opinion des étudiants sur l’emploi des
TICE dans leur apprentissage.
Je voudrais savoir comment mon rôle va changer en utilisant
les TICE
La coordination des tâches et des gens prend trop de mon
temps
Je voudrais savoir ce que les TICE ont de plus que ce que
nous employons aujourd’hui

- 142 -
ANNEXE IIc
Tableau de conversion des résultats

- 143 -
ANNEXE III
Grille d’entretien

Présentations personnelles : prof d’anglais + chercheur informatique.


Présentations recherches : comprendre l’image que les profs ont de l’outil informatique.
« Charte » de l’entretien : enregistrement pour transcriptions, anonymat des informations,
aucun jugement de valeur sur les idées

Association libre de mots et hiérarchisation


o Quels sont les 5 mots ou expressions qui vous viennent à l’esprit lorsque vous
entendez les mots :
§ Ordinateur
§ Internet
§ Informatique
§ TICE
§ Nouvelles technologies
§ LaFabrik
Notez les
o Classez ces mots/expressions par ordre d’importance que vous leur accordez.
Mettez 1 devant le plus important, puis 2 et ainsi de suite.

Eux, l’ordinateur et les TICE


o Leurs représentations de l’ordinateur
§ Comment décrivent-ils l’ordinateur ?
§ Si c’était une de ces images, laquelle et pourquoi ?

o Eux et les TICE


§ Que signifie TICE ?
§ Usage : fréquence ?
§ Motivation pédagogique?
• Pourquoi utiliser le PC en classe de langue?
• Pourquoi utiliser internet en classe de langue?
§ A quoi sert un professeur dans un cours utilisant les TICE ?
§ Envisage-t-il pouvoir enseigner sans employer les TICE dans 4-5 ans ?

Aborder connaissance de la mise en place de LaFabrik


o Qu’est-ce que LaFrabrik ?
o Qu’en pensent-ils ?
o Pour quelles raison en font-ils partie ou non ?

Quels changements cela peut-il apporter :


o dans l’Af ?
o dans leur pratique ?
§ prep cours
§ relation aux élèves
§ rôle dans la classe ?
o dans le rapport entre élèves ?

- 144 -
ANNEXE IV
Images supports à l’entretien

- 145 -
ANNEXE V
Catégorisation des réponses au questionnaire ad hoc 1

ITEM 10 : « impression ordinateur »

outil – moyen de travail – moyen de distraction – outil moderne – perte de temps


– gain de temps – invention qui nous permet – instrument utile – instrument
obligatoire – outil – machine très importante – machine très utile – moyen de
communication – fenêtre sur le monde – porte ouverte – secrétaire parfaite –
appareil

8 catégories :
Machine (+ appareil)
Usage (outil, instrument, moyen)
Valeur (utile, obligatoire, important, moderne, parfaite)
Humain
Gain
Ressource
Ambivalent
Ouverture

ITEM 14 : « pour moi, l’internet, c’est... »

utile – site de recherche – difficile – moyen d’accès très important – indispensable


– ressource – communication – hygiène mentale – outil de recherche complet et
utile – être bien informé – gagner de l’expérience – quantité infinie d’information
– manipuler avec soin – meilleure dernière invention – rend la vie facile – moyen
plus facile pour travailler et faire des recherches – outil indispensable pour faire
des recherches – outil de travail – source d’information – support de
communication – ce qu’il y a en dehors – limité sans elle – moyen de rester en
communication – réseau qui permet communication très vite – recherche – porte
ouverte sur le monde – formidables – toutes les informations – monde à explorer
mais il fait connaître les moyens – gain de temps – approcher les distances – outil
complet – recherche – plus de connaissance et d’information – outil – information
– la meilleures découverte – actualité – apprentissage – gain de temps –
communication – découverte permanente – moyen intéressant – pratiquer –
information – bibliothèque virtuelle – gain de temps – éliminer les distances –
moyen de communication – utile – amusant – moyen de communication –
information – indispensable – porte ouverte – moyen d’information – ressources –
ouverture à l’information – réseau qui relie les réseaux – moyen de
communication le plus important – connexion entre le cerveau et la technologie –
réseau – contact – information – cependant pas toujours fiable/trop d’information
– moyen de ressources sans perdre de temps – manière facile et rapide de
communiquer – fournit différents matériaux – bibliothèque à portée de main –
excellent moyen de communication – outil indispensable pour préparer ses cours
– échange d’information – source d’information – véhicule d’apprentissage sans

- 146 -
limite – communication – ressource – contact – information – gain de temps –
utile – information rapide.

10 catégories
Instrument
Communication (+ réseau et connexion)
Gain
Valeur
Ludique
Apprentissage
Négatif
Ouverture
Ressource (information, bibliothèque)
Ambivalent
Technologique (réseau, connexion)

ITEM 18 : « utilisation des TICE »

Elaboration de fiches – élaboration de supports – création d’aides en ligne –


exercices – renforcer – pratiquer – activités en ligne – complémentarisation –
audio/vidéo – prononciation/phonétique – recherche – autonomie – préparation
pédagogique – parcours

5 Catégories :
Application (classe ou maison : exercices, complémenter cours, prononciation,
audio/vidéo)
Recherche
Autonomie
Scénario
Préparation pédagogique

ITEM 20 : « intérêt d’une formation à l’outil informatique »

Aider le prof dans sa classe – utiliser et exploiter en classe – se perfectionner –


création de matériel support – complément pour apprentissage du fle – perdre a
peur – s’habituer aux outils et langage informatique – mieux travailler en bénéfice
de l’élève – former les prof – développer les tice – enrichir et varier les activités
dans et hors de la classe – créer des exercices – acquérir des connaissances –
améliorer le niveau de langue – trouver de l’information en directe – élaborer des
exercices de façon autonome – faciliter le travail en classe – améliorer le travail
en classe – dynamiser le cours et le diversifier – améliorer mes capacités
d’utilisation – compléter mes connaissances – sans opinion – avoir panorama plus
étendu – se familiariser et s’approprier outils – utiliser les outils mis à disposition
– améliorer et diversifier – acquérir des compétences – élaboration de fiches –
donner plus de sources et de capacités à découvrir et exploiter – améliorer et

- 147 -
moderniser les activités – rendre la vie plus facile – appliquer correctement –
maitriser plus – gain de temps – découvrir davantage usages de l’informatique –
apprendre ou approfondir – apprendre l’utilisation – s’actualiser dans le domaine
des tice – comment mieux exploiter surtout que les élèves savent plus que nous –
mieux exploiter avantages des tice – plus d’information – temps (gain ?) – aucun
– posséder meilleur contrôle – créer plus facilement de nouvelles activités.
Enorme – faudrait aussi motiver les élèves – génial – besoin – grand intérêt –
dépend de l’usage et des connaissances

Nb.
Catégorie NR = zéro réponse ou réponse inexploitable (je serai intéressé). Ça me
permet de limiter mon interprétation.

8 Catégories
Acquisition (langue, connaissance...)
Modernisation
Pédagogique (création, diversifier, mieux travail, enrichir cours)
Gain
Maitriser (plus de capacité, perfectionner, psychologique...)
Jugement de valeur
Gain
Sans opinion
Nul
Psychologique (peur, s’habituer)

ITEM 21 : « intérêt d’une formation tice »

J’aimerais savoir ce que c’est les tice – mieux utiliser les tice – manier la
technologie de notre siècle – comment utiliser les tice – apprendre davantage –
savoir utiliser les logiciels pédagogiques – élaborer un parcours pédagogique –
aider les élèves – introduire les tice en cours – enrichir le cours – pour utiliser les
tice – formation technique – savoir plus – améliorer mon travail –
approfondir/enrichir mes connaissances – motiver les étudiants – faire pratiquer
tous seuls chez eux – leur faire découvrir – intégrer les tice en cours – création
d’exercices – pratique – l’élèves serait plus motivé – utiliser les tice en cours –
épargner du temps – mieux connaître les outils existants – dynamiser le cours et le
diversifier – avoir accès aux exercices en ligne – rendre le prof plus autonome –
améliorer le cours – partager les connaissances – créer des outils pédagogiques
interactifs adaptés aux niveau et au rythme des élèves – perfectionner – utiliser les
outils mis à disposition – améliorer te diversifier – augmenter l’adéquation entre
les objectifs et les activités – motiver les élèves à utiliser les tice en autonomie –
donner aux élèves un outil plus personnalisé – nous préparer – donner des
supports – utiliser différentes sources dans la préparation des cours – connaître
plus sur l’utilisation des tice – donner autre outil d’enseignement aux élèves qui
peut être motivant – perfectionner ses connaissances – montrer aux élèves que le
fle à l’AF n’est pas démodé – utiliser informatique comme complément – rester

- 148 -
performant aux défis de la nouvelle pédagogie – communiquer/diffuser utilisation
– aucun – attention aux heures et disponibilité des profs – doit être facultatif pour
ceux qui savent déjà – si c’est pour la bonne utilisation et possibilité d’en posséder
en classe – sans opinion.
Utile – indispensable – merveilleux – important – cool – nécessaire – tous les
profs devraient avoir une formation.

10 catégories :
Acquisition connaissances
Acquisition compétences
Motivation
Autonomie
Pédagogie (parcours, exo (créer et utiliser), diversifier, personnaliser et échanger)
Ambivalent
Gain
Modernisation
Nul
Sans opinion
Diversifier
Personnaliser
Echanger
Valeur

- 149 -
ANNEXE V – Résultats du questionnaire SoCQ

SUJET Stage 0 Stage 1 Stage 2 Stage 3 Stage 4 Stage 5 Stage 6


1 66 85 85
2 83 88
3 93 76
4 96 97
5 91 94
6 99 80
7 99 95
8 95 96
9 88 94
10 77 95
11 99 91
12 96 98
13 95 88
14 99 96 96
15 94 88
16 97 96
17 93 73
18 99 99 97 97
19 99 99 96
20 72 80
21 96 95
22 91 95 91
23 91 67
24 90 83 90
25 91 88
26 75 76
27 63 60
28 86 66
29 93 96
30 99 92
31 93 95
32 91 99
33 93 92
34 91 76
35 98 96 98
36 88 80
37 95 91
38 96 98
39 88 89 88
40 90 98
41 90 88
42 94 96
43 90 85 85
44 99 98
45 99 96
TOT. 1ere
POSITION 8 19 13 2 2 6 0
TOT. 2è
POSITION 5 13 11 3 6 11 1

- 150 -
- 151 -

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