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Les types de textes

Quatre types de discours, quatre caractéristiques


différentes…

Objectif : Identifier les caractéristiques de quatre types


de textes.
I. La narration :
Texte 1
« Ma mère remua dans son lit, toussa, soupira, finit par se mettre
sur son séant. Elle se leva et ouvrit la fenêtre. La lumière
m’éclaboussa les yeux et me fit mal. »

Ahmed Sefrioui, La boîte à


merveilles (1954)
Texte 2
« La gardienne ouvrit ses deux mains, reçut le don et entama une
longue oraison. Des femmes arrivèrent de l’extérieur et se
joignirent à notre petit groupe pour bénéficier de ce moment de
grâce, pour profiter de cette rosée spirituelle qui rafraichit les
cœurs. »

Ahmed Sefrioui, La boîte à


merveilles (1954)
Consigne :
1- Observez les verbes. A quel temps sont-ils conjugués ? A- le
passé composé B- le passé simple C- l’imparfait. Choisissez la
bonne réponse.

2- Si le passé simple introduit une succession d’actions dans le


passé pourrons-nous dire que l’action se déroule de façon : A-
successive B-simultanée. Choisissez la bonne réponse.

3- Si le texte narratif est caractérisé par l’utilisation du passé


simple. Pourrions-nous dire que ce texte est narratif ?

4- Pourquoi pourrions-nous dire que l’action* se déroule de


manière rapide ?

Correction
1- Les verbes sont conjugués au : A- passé simple.
2- Si le passé simple introduit une succession d’actions dans le
passé pourrons-nous dire que l’action se déroule de façon : A-
successive B-simultanée. Choisissez la bonne réponse.

3- Si le texte narratif est caractérisé par l’utilisation du passé


simple. Pourrions-nous dire que ce texte est narratif ?

4- Pourquoi pourrions-nous dire que l’action* se déroule de


manière rapide ?

II. La description : le cas du portrait.


Texte 1

***Eugène de Rastignac avait un visage tout méridional, le teint


blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus. Sa tournure, ses
manières, sa pose habituelle dénotaient le fils d'une famille noble,
où l'éducation première n'avait comporté que des traditions de
bon goût. S'il était ménager de ses habits, si les jours ordinaires il
achevait d'user les vêtements de l'an passé, néanmoins il pouvait
sortir quelquefois mis comme l'est un jeune homme élégant.
Ordinairement il portait une vieille redingote, un mauvais gilet, la
méchante cravate noire, flétrie, mal nouée de l'Etudiant, un
pantalon à l'avenant et des bottes ressemelées. Partie 1
Honoré de Balzac, Le père Goriot, (1835)

Texte 2

***Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la


Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa
grande sale même était ornée d’une tapisserie. (…) le vicaire du
village était son grand aumônier. Ils l’appelaient tous
Monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.
Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante
livres, s’attirait par là une très grande considération, et faisait les
honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus
respectueuse. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était
haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron
paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était
l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec
toute la bonne foi de son âge et de son caractère. CH 1

Voltaire, Candide, (1750)


Consigne :

1- Remplissez le tableau suivant :

Les Description valorisante Description


personnages dévalorisante
Eugène de
Rastignac
Monsieur le
baron
Madame la
baronne,
Cunégonde
Le fils du
baron
Pangloss
Candide

Correction
1- Je remplis le tableau suivant :
Les Description valorisante Description
personnage dévalorisante
s
Eugène de « …un visage méridional …», « …une vieille
Rastignac « …le teint blanc …», «… des redingote… », « un
cheveux noirs …», «… des mauvais gilet », « …
yeux bleus. », «… le fils d'une la méchante cravate
famille noble… », noire, flétrie, mal
«… l'éducation première nouée de
n'avait comporté que des l'Etudiant… », «… un
traditions de bon goût. », « … pantalon à l'avenant
un jeune homme élégant. » et des bottes
ressemelées. »
Monsieur le « …un des plus puissants
baron seigneurs… » :
Valorisation ironique*
Madame la « …une très grande
baronne, considération… », « … plus
respectueuse. » Valorisation
ironique*
Cunégonde «… était haute en couleur,
fraîche, grasse,
appétissante. » Valorisation
ironique*
Le fils du « …paraissait en tout digne
baron de son père. »Valorisation
ironique*
Pangloss « …était l’oracle de la
maison,… » Valorisation
ironique*
Candide « …le petit… »

III. La narration et la description dans le récit.

Texte 1

Le narrateur Sidi Mohamed se trouve dans un souk avec son


pète. Il relate un événement qui la marqué dans son enfance…

Brusquement, mon père me déposa à terre et disparut


dans la foule. Son absence dura. Des cris s’élevèrent à l’autre
bout du souk. Ils dominaient le tumulte, éclataient comme un
orage. De grandes ondulations parcoururent cette mer humaine.
CH 8
Ahmed Sefrioui, La boîte à
merveilles (1954)

Texte 2

Leur fils ainé partit au service. Le second mourut ; Charlot


resta seul à peiner avec le vieux père pour nourrir la mère et deux
autres sœurs cadettes qu’il avait.

Guy de MAUPASSANT. Aux


champs, (1883)

Texte 3

**Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade


couverte de nattes. (…) nous commençâmes notre déshabillage
dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes
à moitié habillées, (...) Toutes ces femmes parlaient fort,
gesticulaient avec passion, poussaient des hurlements
inexplicables et injustifiés.
Je retirai mes vêtements et je restai tout bête, les mains sur le
ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une
amie de rencontre. CH 1

Ahmed Sefrioui, La boîte à


merveilles (1954)
Texte 4

***Et soudain, nous l’entendîmes ; mais les sons qu’elle proféra


ajoutaient encore à l’impression d’animalité que donnait son
attitude. Elle était alors à l’extrême limite de son perchoir, à
croire qu’elle allait se précipiter dans le lac. Elle ouvrit la bouche.
J’étais un peu à l’écart et pouvais l’observer sans être remarqué.
Je pensais qu’elle allait parler, crier. J’attendais un appel. J’étais
préparé au langage le plus barbare, mais non pas à ces sons
étranges qui sortirent de sa gorge ... P 1. CH. 5

Pierre Boulle, La Planète des Singes,


(1973)

Consigne :
1- Sous forme d’un tableau délimitez* les passages où il y’a les
séquences* narratives et les passages où il y’a les séquences
descriptives.
Sachez que : a- une séquence narrative=les verbes sont
conjugués au passé simple et b- une séquence descriptive= les
verbes sont conjugués à l’imparfait.
Textes Séquence=passage : Séquence=passage :
narratif descriptif
1
2
3
4

2- Le récit* est-il au passé ou au présent ?


Sachez que : a- un récit au passé les verbes sont conjugués au
passé b- un récit au présent les verbes sont conjugués au présent
(de la narration*)

3- Transformez donc les trois récits au présent de la narration*.

Correction
1- Remplissez le tableau suivant :

Textes Séquence=passage : Séquence=passage :


narratif descriptif
1 « Brusquement, Ils dominaient le tumulte,
mon père me déposa à éclataient comme un orage.
terre et disparut dans la
foule. Son absence dura.
Des cris s’élevèrent à
2 « Leur fils ainé partit
au service. Le second
mourut ; Charlot resta
seul à peiner avec le
vieux père pour nourrir la
mère et deux autres
sœurs cadettes qu’il
3 « Dès notre arrivée nous « Toutes ces femmes
grimpâmes sur une vaste parlaient fort, gesticulaient
estrade couverte de nattes. avec passion, poussaient des
(…) nous commençâmes hurlements inexplicables et
notre déshabillage dans un injustifiés. »
tumulte de voix aiguës,… »
4 « Je pensais qu’elle allait
parler, crier. J’attendais un
appel. J’étais préparé au
langage le plus barbare, mais
non pas à ces sons étranges
qui sortirent de sa gorge ... »
2- Le récit est au passé.

3- Je transforme les trois récits au présent de la narration.


Texte 1 Transformation

Brusquement, mon père me dépose à terre et disparait dans


la foule. Son absence dure. Des cris s’élèvent à l’autre bout du
souk. Ils dominent le tumulte, éclatent comme un orage. De
grandes ondulations parcourent cette mer humaine. CH 8

Ahmed Sefrioui, La boîte à


merveilles (1954)

Texte 2 Transformation
Leur fils ainé part au service. Le second meurt ; Charlot reste
seul à peiner avec le vieux père pour nourrir la mère et deux
autres sœurs cadettes qu’il a.

Guy de MAUPASSANT. Aux


champs, (1883)

Texte 3 Transformation

**Dès notre arrivée nous grimpons sur une vaste estrade


couverte de nattes. (…) nous commençons notre déshabillage
dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes
à moitié habillées, (...) Toutes ces femmes parlent fort,
gesticulent avec passion, poussent des hurlements inexplicables
et injustifiés.
Je retire mes vêtements et je reste tout bête, les mains sur le
ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une
amie de rencontre. CH 1

Ahmed Sefrioui, La boîte à


merveilles (1954)

Texte 4 Transformation

***Et soudain, nous l’entendons ; mais les sons qu’elle profère


ajoutent encore à l’impression d’animalité que donne son
attitude. Elle est alors à l’extrême limite de son perchoir, à croire
qu’elle va se précipiter dans le lac. Elle ouvre la bouche. Je suis un
peu à l’écart et peut l’observer sans être remarqué. Je pense
qu’elle va parler, crier. J’attends un appel. Je suis préparé au
langage le plus barbare, mais non pas à ces sons étranges qui
sortent de sa gorge ... P 1. CH. 5
Pierre Boulle, La Planète des Singes,
(1973)

IV. L’argumentation.
Texte 1

Dans cet essai, Victor Hugo est clair : la peine de mort est
une condamnation absurde et sans fondement…

« Ceux qui jugent et qui condamnent… »

Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort


nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la
communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait
lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison
perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on
peut s'échapper d'une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous
ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-
vous avoir des ménageries ?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la
société punisse. – Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu,
punir est de Dieu.

Victor Hugo, Le Dernier jour d'un condamné –


Préface (1832)

Consigne : Remplissez le tableau suivant :

Text Le thème : La thèse :


e L’antithèse :

Les arguments pour la peine Les arguments contre la peine de


de mort : mort :

Correction
Text Le thème : La peine de mort La thèse : « …la peine de mort
e nécessaire. »

L’antithèse : la peine de mort est


absurde.

Les arguments pour la peine Les arguments contre la peine de


de mort : mort :
« …il importe de «la prison perpétuelle
retrancher de la suffirait. »
communauté sociale un « Faites mieux votre ronde. Si
membre qui lui a déjà nui vous ne croyez pas à la solidité
et qui pourrait lui nuire des barreaux de fer, comment
encore. » osez-
« …on peut s'échapper vous avoir des ménageries ? »,
d'une prison … », « Pas de bourreau où le geôlier
«… il faut que la société suffit. »
se venge, que la société « Se venger est de l'individu,
punisse… » punir est de Dieu. »

V. L’information et l’explication.
Texte 1

*** Seuls de jeunes écervelés, voulant imiter à tout


prix leurs aînés, allaient se perdre ailleurs, abandonnant
à la friche les terres qui les avaient nourris et vu
grandir...L’ancienne solidarité n’existait plus depuis
l’indépendance. Ils devaient se débrouiller tout seuls
pour trouver un emploi. La plupart devenaient garçon de
café, chasseurs d’hôtel. D’autres réussissaient à quitter
le pays pour la France, la Belgique ou la Hollande. Ceux-
là revenaient chaque année au volant d’une nouvelle
voiture qu’ils revendaient à bas prix avant de repartir.
En un mois de vacances fébriles, ils dépensaient toutes
leurs économies. CH 8
Mohammed Khair-Eddine, Il était un vieux couple
heureux (2002)

Texte 2

**Les singes ne sont pas divisés en nations. La planète


entière est administrée par un conseil de ministres, à la
tête duquel est placé un triumvirat comprenant un
gorille, un orang-outan et un chimpanzé. A côté de ce
gouvernement, il existe un Parlement composé de trois
chambres : la Chambre des gorilles, celle des orangs-
outans, celle des chimpanzés, chacune veillant aux
intérêts des siens.
D’une époque assez éloignée où ils régnaient par la
force, les gorilles ont gardé le goût de l’autorité et
forment encore la classe la plus puissante. Ils ne se
mêlent pas à la foule ; on ne les voit guère dans les
manifestations publiques, mais ce sont eux qui
administrent de très haut la plupart des grandes
entreprises. Assez ignorants en général, ils connaissent
d’instinct la manière d’utiliser des connaissances. Ils
excellent dans l’art de tracer des directives générales et
de manœuvrer les autres singes. Partie 2 CH 5
Pierre Boulle, La Planète des
Singes, (1973)
Consigne :
Remplissez le tableau suivant :

Textes Information Explication


1

Annexe : mine de textes.


Texte 1

***Monsieur Poiret était une espèce de mécanique.


En l'apercevant s'étendre comme une ombre grise le
long d'une allée au Jardin des Plantes, la tête couverte
d'une vieille casquette flasque, tenant à peine sa canne
à pomme d'ivoire jauni dans sa main, laissant flotter les
pans flétris de sa redingote qui cachait mal une culotte
presque vide, et des jambes en bas bleus qui
flageolaient comme celles d'un homme ivre, montrant
son gilet blanc sale et son jabot de grosse mousseline
recroquevillée qui s'unissait imparfaitement à sa cravate
cordée autour de son cou de dindon, bien des gens se
demandaient si cette ombre chinoise appartenait à la
race audacieuse des fils de Japhet qui papillonnent sur le
boulevard Italien. Quel travail avait pu le ratatiner ainsi?
Honoré de Balzac, Le père Goriot,
(1835)
Texte 2

Oluf, sur son grand cheval à formes d’éléphant,


dont il laboure les flancs à coups d’éperon, s’avance
dans la campagne ; il traverse le lac, dont le froid n’a
fait qu’un seul bloc de glace, où les poissons sont
enchâssés, les nageoires étendues, comme des
pétrifications dans la pâte du marbre ; les quatre fers du
cheval, armés de crochets, mordent solidement la dure
surface ; un brouillard, produit par sa sueur et sa
respiration, l’enveloppe et le suit ; on dirait qu’il galope
dans un nuage ; les deux chiens, Murg et Fenris,
soufflent, de chaque côté de leur maître, par leurs
naseaux sanglants, de longs jets de fumée comme des
animaux fabuleux.
Théophile Gautier, Le chevalier
double.

Texte 3

L’étranger était beau comme un ange, mais comme


un ange tombé ; il souriait doucement et regardait
doucement, et pourtant ce regard et ce sourire vous
glaçaient de terreur et vous inspiraient l’effroi qu’on
éprouve en se penchant sur un abîme. Une grâce
scélérate, une langueur perfide comme celle du tigre qui
guette sa proie, accompagnaient tous ses mouvements ;
il charmait à la façon du serpent qui fascine l’oiseau.
Cet étranger était un maître chanteur ; son teint
bruni montrait qu’il avait vu d’autres cieux ; il disait
venir du fond de la Bohême, et demandait l’hospitalité
pour une nuit seulement.
Théophile Gautier, Le chevalier
double.
Texte 4

**Nous comprîmes qu’elle voulait jouer et, sans noue


être concertés, nous continuâmes avec ardeur des ébats
qui l’avaient si bien mise en confiance, corrigeant nos
façons dès qu’elle semblait effarouchée. Il en résulta, au
bout de très peu de temps, un jeu dont elle avait
inconsciemment établi les règles, jeu étrange en vérité,
présentant quelques analogies avec l’évolution de
phoques dans un bassin, qui consistait à fuir nous et à
nous poursuivre alternativement, à fabriquer
brusquement dès que nous nous sentions près d’être
atteints et à nous rapprocher jusqu’à nous frôler sans
jamais entrer en contact. P 1. CH. 5
Pierre Boulle, La Planète des
Singes, (1973)
Texte 5

* Moi j’aimais mon père. Je la trouvais très beau. La


peau blanche légèrement dorée, la barbe noire, les
lèvres rouge corail, les yeux profonds et sereins, tout en
lui me plaisait. Mon père, il est vrai parlait peu et priait
beaucoup, mais ma mère parlait trop et ne priait pas
assez. Elle était certes plus amusante, plus gaie. Ses
yeux mobiles reflétaient une âme d’enfant. Malgré son
teint d’ivoire, sa bouche généreuse, son nez court et
bien fait, elle ne se piquait d’aucune coquetterie. Elle
s’ingéniait à paraître plus vielle que son âge. A vingt-
deux ans, elle se comportait comme une matrone mûrie
par l’expérience. Ch.4
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)
Texte 6

**Lalla aicha éprouva toutes sortes de difficulté à


s’arracher du matelas où elle gisait.
J’ai gardé un vif souvenir de cette femme, plus
large que haute, avec une tête qui reposait directement
sur le tronc, des bras courts qui s’agitaient
constamment. Son visage lisse et rond m’inspirait un
certain dégoût. Je n’aimais pas qu’elle m’embrassât.
Quand elle venait chez nous, ma mère m’obligeait à lui
embrasser la main parce qu’elle était Cherifa, fille du
prophète, parce qu’elle avait connu la fortune et qu’elle
était restée digne malgré les revers du sort. Une relation
comme Lalla Aïcha flattait l’orgueil de ma mère.
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)

Texte 7

**Le maître somnolait, sa longue baguette à la main.


Le bruit, les coups répétés sur les planchettes
m’enivraient. J’avais chaud aux joues. Mes tempes
bourdonnaient. Une tache de soleil d’un jaune anémique
traînait encore dans le mur d’en face. Le maître se
réveilla, distribua au hasard quelques coups de baguette
et se rendormit.
La tache de soleil disparut.
Le maître ouvrit les yeux, bailla, distingua au
milieu de toutes ces voix, celle qui déformait une phrase
vénérée, rectifia le mot défectueux et chercha une
position confortable pour reprendre son somme. Mais il
remarqua que le soleil avait disparu. Il se frotta les
yeux, son visage s’éclaira et la baguette nous fait signe
de nous rapprocher. Le bruit cessa brutalement. Ch.3
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)
Texte 8

*Moi j’aimais mon père. Je la trouvais très beau. La


peau blanche légèrement dorée, la barbe noire, les
lèvres rouge corail, les yeux profonds et sereins, tout en
lui me plaisait. Mon père, il est vrai parlait peu et priait
beaucoup, mais ma mère parlait trop et ne priait pas
assez. Elle était certes plus amusante, plus gaie. Ses
yeux mobiles reflétaient une âme d’enfant. Malgré son
teint d’ivoire, sa bouche généreuse, son nez court et
bien fait, elle ne se piquait d’aucune coquetterie. Elle
s’ingéniait à paraître plus vielle que son âge. A vingt-
deux ans, elle se comportait comme une matrone mûrie
par l’expérience. Ch.4
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)
Texte 9

*Zineb jouais avec le chat, un chat noir, maladif, que


la famille avait adopté pour satisfaire un caprice de leur
fille. J’écoutais ce qu’elle lui racontait. Il y était question
de la nourrir de miel et de beurre, de gâteaux fourrés
d’amendes et de cuisses de poulets ; le grand bébé
aurait un burnous de velours et porterait des turbans de
soie. Ch.4

Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles


(1954)Texte 9

Texte 10

*Tante Kenza, la Chouffa appartenait pour moi à une


autre race. Elle était royale. Les chacals se sentaient
chacals auprès de cette lionne. Etrange est la beauté
des lionnes ! Non pas des reines d’un royaume
éphémère que divise la faim, la concupiscence, et
l’avidité, mais des reines vierges qui portent dans leurs
flancs un dieu d’équité.
Ses yeux, dans sa face de parchemin délicat,
fascinaient ses clientes et imposaient le respect à celles
qui ne l’aimaient pas. A vrai dire, j’en avais vaguement
peur (…) Je croyais qu’elle disposait de pouvoirs illimités
et je considérais comme un privilège d’habiter sous le
même toit qu’une personne aussi considérable. Ch.4
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)
Texte 11

**Lalla aicha éprouva toutes sortes de difficulté à


s’arracher du matelas où elle gisait.
J’ai gardé un vif souvenir de cette femme, plus large
que haute, avec une tête qui reposait directement sur le
tronc, des bras courts qui s’agitaient constamment. Son
visage lisse et rond m’inspirait un certain dégoût. Je
n’aimais pas qu’elle m’embrassât. Quand elle venait
chez nous, ma mère m’obligeait à lui embrasser la main
parce qu’elle était Cherifa, fille du prophète, parce
qu’elle avait connu la fortune et qu’elle était restée
digne malgré les revers du sort. Une relation comme
Lalla Aïcha flattait l’orgueil de ma mère. CH.2

Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles


(1954)
Texte 12

**Ma mère discutait à demi voix avec son amie. Je


n’osai pas m’en approcher. J’entendais le mot « pacha »
plusieurs fois au cours de leur mystérieux dialogue. Ce
mot m’impressionnais, me mettais mal à l’aise. Le
pacha ? N’était-il pas ce personnage cruel qui faisait
bastonner les gens au gré de sa fantaisie ? Les menaient
dans un cachot noir avec un pain d’orge et une cruche
d’eau ?les laissaient dévorer par les rats ? Le mot
« pacha » faisait trembler les petites gens. Il s’associait
dans leur esprit à des ennuis sans nombre, à des
douleurs bruyantes, à des cris, et à des lamentations…
Ch.4
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)

Texte 13
** Parfois, je vidais simplement ma Boîte à Merveilles
par terre et j’inventoriais mes trésors. Un simple bouton
de porcelaine me mettait les sens en extase. Quand je
l’avais longtemps regardé, j’en caressais des doigts la
matière avec respect. Mais il y’avait dans cet objet un
élément qui ne pouvait être saisi ni par les yeux ni par
les doigts, une mystérieuse beauté intraduisible. Elle me
fascinait. Je sentis toute mes impuissances à en jouir
pleinement. Je pleurais presque à sentir autour de moi
cette étrange chose invisible, impalpable, que je ne
pouvais gouter de la langue, mais qui avait un goût et la
pouvoir d’enivrer. Et cela s’incarnait dans un bouton de
porcelaine et lui donnait ainsi une âme et une vertu de
talisman.
Dans la Boîte à Merveilles, il y’avait une foule
d’objets hétéroclites qui, pour moi seul, avaient un
sens : des boules de verre, des anneaux de cuivre, un
minuscule cadenas sans clef, des clous à têtes dorée,
des encriers vides, des boutons décorés, des boutons
sans décor. Il y’en avait en matière transparente, en
métal, en nacre. Chacun de ces objets me parlait son
langage. C’étaient là mes seuls amis.
Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles
(1954)

Texte 14
*** Il but son thé à petites gorgées, fuma plusieurs
cigarettes. Cette brusque escapade dans le passé avait
rouvert certaines plaies qu’il croyait cicatrisées depuis
longtemps. Il se revit errant de ville en ville à la
recherche d’un travail, mais il n’y avait rien. La misère
régnait partout et une grande épidémie de typhus
emportait les plus faibles. Seuls les Européens étaient
soignés à temps. Cette maladie sévissait surtout dans le
peuple, chez les indigènes comme on les appelait alors.
Il y’avait des poux partout. Chez les Européens, les poux
n’existent pas. CH 4
Mohammed Khair-Eddine, Il était un vieux couple
heureux (2002)
Texte 15
*** Seuls de jeunes écervelés, voulant imiter à tout prix
leurs aînés, allaient se perdre ailleurs, abandonnant à la
friche les terres qui les avaient nourris et vu
grandir...L’ancienne solidarité n’existait plus depuis
l’indépendance. Ils devaient se débrouiller tout seuls
pour trouver un emploi. La plupart devenaient garçon de
café, chasseurs d’hôtel. D’autres réussissaient à quitter
le pays pour la France, la Belgique ou la Hollande. Ceux-
là revenaient chaque année au volant d’une nouvelle
voiture qu’ils revendaient à bas prix avant de repartir.
En un mois de vacances fébriles, ils dépensaient toutes
leurs économies. CH 8
Mohammed Khair-Eddine, Il était un vieux couple
heureux (2002)
Texte 16

- Mais il faut le leur dire, Zira ! m’écriais-je. J’en est


assez de vivre prisonnier, même dans la plus confortable
des cages, même soigné de toi. Pourquoi me caches-tu ?
Pourquoi ne pas révéler la vérité à tous ? Zira s’arrêta,
regarda autour de nous et posa la main sur mon bras.
« Pourquoi ? C’est uniquement dans ton intérêt que
j’agis ainsi. Tu connais Zaïus ?
- Certes. Je voulais te parler de lui. Et alors ?
- As-tu remarqué l’effet produit sur lui partes premiers
essais de manifestation raisonnables ? Sais-tu que j’ai
essayé cent fois de le sonder à ton sujet et de suggérer -
oh ! Avec quelle prudence ! - que tu n’étais peut-être
pas une bête, malgré les apparences ?
- J’ai vu vous aviez de longues discussions et que vous
n’étiez pas d’accord.
- Il est têtu comme une mule et stupide comme un
homme ! éclata Zira. Hélas ! c’est le cas de presque tous
les orangs-outans. Il a décrété une fois pour toutes que
tes talents s’expliquent par un instinct animal très
développé, et rien ne le fera changer d’avis. Le malheur,
c’est qu’il a déjà préparé une longue thèse sur ton cas,
où il démontre que tu es un homme savant, c’est-à-dire
un homme qui a été dressé à accomplir certains actes
sans les comprendre, probablement au cours d’une
captivité antérieure.
- Le stupide animal !
Pierre Boulle, La Planète des
Singes, (1973)
Texte 17
****Quoique mademoiselle Victorine Taillefer eût une
blancheur maladive semblable à celle des jeunes filles
attaquées de chlorose, et qu'elle se rattachât à la
souffrance générale qui faisait le fond de ce tableau par
une tristesse habituelle, par une contenance gênée, par
un air pauvre et grêle, néanmoins son visage n'était pas
vieux, ses mouvements et sa voix étaient agiles. Ce
jeune malheur ressemblait à un arbuste aux feuilles
jaunies, franchement planté dans un terrain contraire.
Sa physionomie roussâtre, ses cheveux d'un blond
fauve, sa taille trop mince, exprimaient cette grâce que
les poètes modernes trouvaient aux statuettes du
Moyen Age. Ses yeux gris mélangés de noir exprimaient
une douceur, une résignation chrétiennes. Ses
vêtements simples, peu coûteux, trahissaient des
formes jeunes. Elle était jolie par juxtaposition.
Heureuse, elle eût été ravissante: le bonheur est la
poésie des femmes, comme la toilette en est le fard. Si
la joie d'un bal eût reflété ses teintes rosées sur ce
visage pâle; si les douceurs d'une vie élégante eussent
rempli, eussent vermillonné ces joues déjà légèrement
creusées; si l'amour eût ranimé ces yeux tristes,
Victorine aurait pu lutter avec les plus belles jeunes
filles. Il lui manquait ce qui crée une seconde fois la
femme, les chiffons et les billets doux. Partie 1
Honoré de Balzac, Le père Goriot,
(1835)

Texte 18

*** C’était un projet ambitieux, le plus vaste qui eût


jamais été formé sur la terre. Bételgeuse, alpha d’Orion,
comme l’appelaient nos astronomes, se trouve à
environs trois cents années-lumière de notre planète.
Elle est remarquable par bien des points. D’abord, par
sa taille : son diamètre mesure de trois cents à quatre
cents fois celui de notre soleil, c’est-à-dire que si son
centre était amené en coïncidence avec celui de cet
astre, ce monstre s’étendrait jusqu’à l’orbite de Mars.
Par son éclat : c’est une étoile de première grandeur, la
plus brillante de la constellation d’Orion, visible de la
terre à l’œil nu, malgré son éloignement. Par la nature
de son rayonnement : elle émet des feux rouges et
orange du plus magnifique effet. Enfin, c’est un astre
d’éclat variable : sa luminosité varie avec le temps, ceci
étant causé par des altérations de son diamètre.
Bételgeuse est une étoile palpitante.
Partie 2 CH 5
Pierre Boulle, La Planète des Singes,
(1973) Texte 17
Texte 19

***Monsieur Poiret était une espèce de mécanique. En


l'apercevant s'étendre comme une ombre grise le long
d'une allée au Jardin des Plantes, la tête couverte d'une
vieille casquette flasque, tenant à peine sa canne à
pomme d'ivoire jauni dans sa main, laissant flotter les
pans flétris de sa redingote qui cachait mal une culotte
presque vide, et des jambes en bas bleus qui
flageolaient comme celles d'un homme ivre, montrant
son gilet blanc sale et son jabot de grosse mousseline
recroquevillée qui s'unissait imparfaitement à sa cravate
cordée autour de son cou de dindon, bien des gens se
demandaient si cette ombre chinoise appartenait à la
race audacieuse des fils de Japhet qui papillonnent sur le
boulevard Italien. Quel travail avait pu le ratatiner ainsi?

Honoré de Balzac, Le père Goriot,


(1835)
Texte 20

****Vautrin, l'homme de quarante ans, à favoris peints,


servait de transition. Il était un de ces gens dont le
peuple dit: Voilà un fameux gaillard! Il avait les épaules
larges, le buste bien développé, les muscles apparents,
des mains épaisses, carrées et fortement marquées aux
phalanges par des bouquets de poils touffus et d'un roux
ardent. Sa figure, rayée par des rides prématurées,
offrait des signes de dureté que démentaient ses
manières souples et liantes. Sa voix de basse-taille, en
harmonie avec sa grosse gaieté, ne déplaisait point. Il
était obligeant et rieur. Si quelque serrure allait mal, il
l'avait bientôt démontée, rafistolée, huilée, limée,
remontée, en disant: Ça me connaît. " Il connaissait tout
d'ailleurs, les vaisseaux, la mer, la France, l'étranger, les
affaires, les hommes, les événements, les lois, les hôtels
et les prisons. Si quelqu'un se plaignait par trop, il lui
offrait aussitôt ses services. Partie 1
Honoré de Balzac, Le père Goriot,
(1835)

Texte 21
****La vieille demoiselle Michonneau gardait sur ses
yeux fatigués un crasseux abat-jour en taffetas vert,
cerclé par du fil d'archal qui aurait effarouché l'ange de
la Pitié. Son châle à franges maigres et pleurardes
semblait couvrir un squelette, tant les formes qu'il
cachait étaient anguleuses. Quel acide avait dépouillé
cette créature de ses formes féminines? Elle devait avoir
été jolie et bien faite: était-ce le vice, le chagrin, la
cupidité? Avait-elle trop aimé, avait-elle été marchande
à la toilette, ou seulement courtisane? Expiait-elle les
triomphes d'une jeunesse insolente au-devant de
laquelle s'étaient rués les plaisirs par une vieillesse que
fuyaient les passants? Son regard blanc donnait froid, sa
figure rabougrie menaçait. Elle avait la voix clairette
d'une cigale criant dans son buisson aux approches de
l'hiver. Partie 1
Honoré de Balzac, Le père
Goriot, (1835)

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