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Il faut également constater à quel moment les libertés individuelles peuvent être
transgressées. Ainsi l’existence de la voie de fait est définie par la jurisprudence.
Celle-ci considère l’existence d’une voie de fait quand il y a un acte matériel
d’exécution (TC 8 juillet 1944, Epoux Hugueneau). L’arrêt Hilaire précise que : «
c’est la menace précise d’exécution d’une mesure assez illégale pour entrainer une
voie de fait ». La voie de fait est donc caractérisée par une irrégularité, de l’acte ou
de l’exécution de l’acte, « manifeste et insusceptible de se rattacher à l’application
d’un texte législatif ou à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration ». C’est
le principe qu’énoncent la jurisprudence en deux temps avec les arrêts Schneider de
1940 et Carlier de 1949.
Le juge judiciaire est également reconnu compétent pour juger des conflits qui
mettent en cause l’administration lorsque celle-ci aurait violé le droit de propriété. La
violation du droit de propriété peut avoir lieu dans le cas de l’emprise mais aussi de
la voie de fait. Seulement dans ce dernier cas, il faut voir que l’atteinte peut être plus
large et que la voie de fait, dès lors, englobe des droits liés au droit de propriété que
ne compte pas la théorie de l’emprise.
L’atteinte au droit de propriété est plus large dans le cas de la voie de fait. La
jurisprudence considère qu’il y a atteinte à la propriété privée lorsqu’il y a une atteinte
à une propriété privée mobilière ou immobilière. Pour qu’il y ait atteinte il faut que
celle-ci dans le cas d’une propriété privée immobilière soit « grossièrement illégale »
et dans le cas de la propriété mobilière il faut qu’il y ait destruction de biens mobiliers
comme l’énonce l’arrêt Carlier.
Ainsi dans les cas d’emprise ou de voie de fait lorsque la propriété privée est
attaquée par l’administration ce sera toujours le juge judiciaire qui aura une
compétence de principe pour connaitre de ces litiges.
Dans les cas de la voie de fait ou de l’emprise ce peut être l’acte en lui-même qui
est à l’origine de la violation d’une liberté fondamentale. Si cet acte est
particulièrement irrégulier dans la voie de fait cela n’est pas le cas dans l’emprise. Le
juge judiciaire est-il alors autorisé à contrôler ces actes de la même manière ?
En ce qui concerne la voie de fait, on considère que l’atteinte est tellement grave
et que l’illégalité est tellement grossière, visible que le juge judiciaire est compétent
lui-même pour constater une voie de fait. C'est-à-dire qu’il peut lui-même vérifier la
légalité de l’acte administratif et par conséquent n’a pas besoin de sursoir à statuer
pour poser au juge administratif une question préjudicielle. Or la compétence du juge
judiciaire n’est pas exclusive puisque le juge administratif peut être amené lui aussi à
constater une voie de fait, lorsqu’il est saisi par un recours pour excès de pouvoir.
Dans les deux cas l’irrégularité de l’acte entraine la nullité, c'est-à-dire son
inexistence. Cette inexistence peut donc être constatée, à la différence de l’emprise,
par les deux juges. Le juge administratif vient également concurrencer le juge
judiciaire depuis quelques années avec l’apparition du référé liberté de l’article L521-
2 du code de justice administrative. Le juge administratif est saisi par un particulier
pour faire suspendre ou ordonner les atteintes à une liberté fondamentale.
Le juge judiciaire dans le cas de l’emprise ne peut pas tout faire pour contraindre
l’administration à faire cesser la dépossession. Il est compétent pour fixer des
indemnités pécuniaires. C'est-à-dire que c’est lui qui apprécie le dommage principal :
il s’agit de l’indemnité de dépossession. Depuis un arrêt du tribunal des conflits du 17
mars 1949 c’est le juge judiciaire qui est compétent pour fixer les indemnités du
préjudice accessoire. En effet, avant cette date le juge administratif seul était
compétent pour fixer le prix du préjudice accessoire car il était considéré comme le
seul à pouvoir juger des fautes commises par l’administration. Mais pour des raisons
d’unification des compétences le juge judiciaire a reçu cette compétence. Cependant
tout comme le juge administratif, le juge judiciaire lors d’une emprise ne peut pas
former d’injonction face à l’administration pour faire cesser une dépossession (arrêt
TC 17 mars 1949, Société Rivoli-Sébastopol).
En ce qui concerne la voie de fait, l’ordre judiciaire a toute compétence pour faire la
faire cesser. C'est-à-dire qu’en plus de pouvoir fixer une indemnisation pécuniaire, le
juge judiciaire dispose d’une compétence exclusive d’enjoindre à l’administration
pour faire cesser la voie de fait. Dès lors l’administration est soumise à un contrôle
total de la part du juge judiciaire comme si elle n’était qu’un simple particulier. Ceci
étant justifié par la gravité de son comportement dans la voie de fait.
Bibliographie indicative
Histoire du droit administratif de François Burdeau (Reliure inconnue - 1er juin 1995)