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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE
Aristote : 384-322 av. J.-C.
1. Introduction
La physique d’Aristote peut être qualifiée de physique du sens commun. Elle est en
effet tout à fait conforme à une certaine représentation spontanée de la réalité
physique voulant que:
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Cette notion de lieu naturel est intimement liée à celle de « poids » : la terre est
manifestement plus « lourde » que l’eau ; l’eau est bien sûr plus « légère » que la
terre mais plus « lourde » que l’air; l’air est à son tour plus « légère » que l’eau
mais plus « lourde » que le feu. Cela explique, selon Aristote, pourquoi les corps
davantage formés de terre que d’air sont plus lourds que les corps davantage
constitués d’air que de terre, et ainsi de suite.
Cette même notion de lieu naturel est aussi à la base de la notion aristotélicienne de
« mouvement naturel ».
De cela, Aristote a conclu que tout corps terrestre possède un mouvement naturel:
toujours en ligne droite mais vers le bas, s’il est davantage composé de terre ou
d’eau; vers le haut, s’il est davantage composé d’air ou de feu.
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Comment expliquer cela? L’explication d’Aristote est simple mais d’aucuns diront
ad hoc1 :
• Les corps célestes sont constitués d’un cinquième élément, l’éther, dont le
mouvement naturel est le cercle. (Remarquez le raisonnement qui relève de
la pétition de principe : « Les corps célestes se meuvent en cercle car ils sont
faits d’un cinquième élément dont le mouvement naturel est le cercle! »)
• En outre, l’éther a la propriété d’être incorruptible et éternel. Et voilà!
INTERMÈDE
En proposant que le mouvement naturel des corps célestes est le cercle, Aristote n’a
fait que reprendre à son compte une idée bien plus vielle que lui. En effet, cette
idée remontrait aux Pythagoriciens, et surtout à son maître Platon, qui dans son
Timée affirme (moins sur la base de l’observation qu’à partir de considérations
mystico géométriques obscures et compliquées) que le mouvement réel des corps
célestes doit être uniforme et circulaire. En histoire de l’astronomie, la proposition
que le mouvement réel des corps céleste est uniforme et circulaire s’appelle
Postulat de Platon. Ce postulat se révélera un véritable carcan conceptuel jusqu’au
début des temps modernes – jusqu’à Johannes Kepler (1571-1630), qui par ses lois
des orbites planétaires parviendra finalement à le faire éclater.
FIN DE L’INTERMÈDE
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En philosophie des sciences, une explication ad hoc (en latin « ad hoc » signifie « pour cela »)
est une hypothèse que l’on ajoute à une théorie uniquement pour rendre compte d’un fait non
prévue par la théorie originale, laquelle serait autrement réfutée par ce même fait.
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• L’univers est divisé en deux mondes distincts obéissant à des lois distinctes:
le monde supra lunaire, celui des astres, incorruptibles par nature; le monde
sublunaire, celui des corps terrestres, corruptibles par nature.
• Les corps célestes ont pour mouvement naturel le cercle; les corps terrestres
ont pour mouvement naturel la ligne droite. Quant à la Terre, elle n’a pas de
mouvement du tout: elle est fixe et au centre de l’Univers.
3. La théorie du mouvement
Dans le monde terrestre, le mouvement naturel qu’est la ligne droite n’est qu’une
espèce de mouvement. Une autre espèce de mouvement est le mouvement contraint
ou violent, par exemple le mouvement d’une pierre que l’on lance à l’horizontal.
Or, c’est un fait d’observation que la pierre qui est lancée à l’horizontal perd
rapidement et immanquablement de la vitesse et retombe fatalement au sol.
Explication d’Aristote: en l’absence d’une force pour maintenir son mouvement,
elle tend à rejoindre son lieu naturel.
• La force (F)
• La résistance (R)
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La force F se manifeste de deux manières. D’abord, par le poids: tout corps exerce
une force qui est proportionnelle à son poids dans la direction de son mouvement
naturel. En outre, dans le mouvement violent d’un corps, il y a une force exercée
sur le corps dans une direction différente de celle de son mouvement naturel.
Lorsque la force cesse de s’exercer sur le corps, ce dernier rejoint spontanément
son lieu naturel. (Nous avons déjà illustré cette idée avec l’exemple de la pierre
lancée à l’horizontal.)
Quelques expériences sur la chute des corps permettent de titrer quelques rapports.
D’abord, si l’on fait tomber un même corps lourd (par exemple, une boule de fer)
dans différents milieux offrant des résistances différentes, on constate que :
1
[2] Va
R
Maintenant, faisons tomber deux corps lourds de même forme et de même volume
mais de poids différents (par exemple, une boule de plomb et une boule de verre)
dans différents liquides offrant des résistances différentes (par exemple, l’eau et
l’huile d’olive). Pour chaque liquide on constate que:
[5] Va F
i.e. plus grande est la force (ici le poids), plus grande est la vitesse (ici la vitesse de
chute.
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Les numéros des formules correspondent à ceux du chapitre 2 du livre Les origines de la
physique moderne, de I. Bernard Cohen, Paris, Seuil, 1993.
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F
[6] Va
R
i.e. la vitesse d’un corps en mouvement est proportionnelle à la force exercée sur
lui et inversement proportionnelle à la résistance du milieu dans lequel il se trouve.
Cette relation est souvent désignée sous le nom de loi aristotélicienne du
mouvement.
Deuxièmement, la loi n’indique pas les différentes vitesses qu’un corps en chute
libre acquiert en partant de son état de repos jusqu’au terme de sa chute. Elle ne
nous renseigne au mieux que sur une vitesse « moyenne » ou « finale ».
Mais le plus important, c’est que cette loi est fausse: elle est réfutée par
l’expérience, notamment en laissant tomber simultanément, à partir d’une même
hauteur, deux corps de même forme et de même volume mais de poids différents
dans le même milieu qu’est l’air. (Dans le vide — condition qui n’était pas possible
à réaliser dans l’Antiquité ni au Moyen âge — c’est encore mieux!)
Par exemple, soit A et B deux billes de même taille mais telles que B est deux fois
plus lourde que A. Faisons l’expérience de la chute libre dans l’air. Laissons-les
tomber en même temps d’une même hauteur. Selon [5], le résultat de l’expérience
devrait être:
VB a 2FA a 2VA
i.e. B devrait tomber deux fois plus vite que A. (Ou si l’on veut, le temps de chute
de B devrait être deux fois moindre que celui de A.) Or, ce n’est pas le cas: les
billes A et B arrivent au sol quasiment en même temps! (Cela dépend de la hauteur
du point de chute.)
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D’abord, une certaine pétition de principe. La Terre ne peut aller nulle part, car
étant principalement faite de terre, son lieu naturel est le centre de l’Univers!
5. Références
ARISTOTE, Météorologiques, Paris, Flammarion, 2008.
COHEN, I. Bernard, Les origines de la physique moderne, Paris, Éditions du Seuil,
1993.
ESSLINGER, Olivier, L’astronomie grecque,
http://www.astronomes.com/c0_histoire/p013_arisptol.html, dernière consultation
le 24 janvier 2011.
LLOYD, Geoffrey E.R., Une histoire de la science grecque, Paris, Éditions du
Seuil, 1990.
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