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Claude Guigue

L'Ancien régime et la Révolution, par Alexis de Tocqueville.


In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1857, tome 18. pp. 178-180.

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Guigue Claude. L'Ancien régime et la Révolution, par Alexis de Tocqueville. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1857, tome
18. pp. 178-180.

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au-dessous de tout comme poëte. La partie la plus utile de ces développe
ments nous semble être celle que l'éditeur consacre à la bibliographie. Je
veux dire la notice méthodique des diverses éditions qu'ont eues antérieu
rementles ouvrages de Pasquier.
La seconde moitié du tome Ier et la première moitié du dernier tome
sont occupées par des extraits des Recherches de la France, le seul ouvrage
de Pasquier qui lui ait réellement survécu. Vient ensuite (pages 213-424)
un recueil de lettres du même auteur, qui forment, comme on voit , deux
cents pages. Le volume se termine par divers appendices qui témoignent
du zèle consciencieux que l'on retrouve dans toutes les publications de
M. Feugère : Additions et corrections ; Glossaire ; tables diverses.
V.

L'ancien bégime et la Révolution, par Alexis de ïocqueville. —


Deuxième édition. Paris, Michel Lévy frères.
Nous venons tard pour parler de ce livre déjà arrivé a sa seconde édi
tion, et pourtant la majeure partis est bien de notre domaine. Si nous de
vons en effet laisser de côté tout ce qui a directement trait à la Révolution
française, nous ne saurions passer sous silence le tableau de l'ancien ré
gime, tableau tracé de moin de maître , et dans lequel brillent tout le
talent et toutes les rares qualités qui ont déjà valu à l'auteur une célébrité
plus qu'européenne. Il est certain que jamais la véritable physionomie de
l'ancienne France, avec son organisation si multiple et si variée, ses roua
gessi compliqués, et parmi lesquels plusieurs, reconnus embarrassants ou
inutiles, avaient été suppléés sans être pour cela supprimés; jamais cette
France, dont trois quarts de siècle nous séparent à peine, et qui cependant
nous est si peu connue, n'avait été analysée avec tant de profondeur et ex
posée à nos regards avec tant de franchise et de haute impartialité.
L'œuvre tentée par M. de Tocqueville n'était pas facile assurément, et
il fallait pour y réussir posséder des qualités fort différentes^ qui, séparées,
se rencontrent rarement au degré nécessaire, et dont la réunion est plus
rare encore. Il fallait joindre à une grande sûreté d'analyse, à une ardeur
patiente pour les recherches un esprit généralisateur et vraiment philoso
phique qui puisse lier et coordonner les résultats de ces laborieuses inves
tigations. Et ces recherches devaient être, réelles et profondes; il fallait
fouiller dans la poussière des archives et faire sortir de l'immense pa
peras erie administrative du dix-huitième siècle les enseignements et la
lumière qui s'y trouvaient encore enfouis et voilés. Un ouvrage de cette
nature exigeait donc, de la part de son auteur, une grande dépense de
temps et de soins; mais il a été, j'ose le croire, bien récompensé de ses
efforts, et il a dû éprouver une vraie jouissance à voir se dérouler devant
lui pièce à pièce toute la vie et toute l'organisation de notre vieille France.
Cette jouissance, il a voulu la faire partager à d'autres; il a résumé toutes
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ses idées dans un livre excellent, où, gardant pour lui seul la peine et le tra
vail, en effaçant même jusqu'à la moindre trace, il a donné à ses lecteurs,
dans une suite de chapitres bien conçus et bien liés entre eux, un tableau
d'une vérité saisissante, où apparaissent tour à tour les différentes classes
qui composaient la société française d'avant la Révolution : les paysans, la
bourgeoisie, la noblesse et le clergé. Il a analysé toutes ces classes, mont
rant quelle était leur constitution et leur essence propre, et quelle situa
tion chacune d'elles avait vis-à-vis des autres. 11 nous a initiés à leurs
goûts, à leurs idées, à leurs tendances; il a suivi pas à pas les différentes
transformations qu'elles avaient subies en elles-mêmes , et la transformat
ion plus grande qui s'était ainsi préparée' dons l'ensemble de la société.
Il a su pénétrer dans tous les détails de la vie administrative de ces temps-
là, et montrer parfaitement ce qu'étaient la paroisse , la commune, l'élec
tion, la généralité , le gouvernement central, ce qu'ils avaient conservé de
leur ancienne nature et en quoi ils s'étaient modifiés, finissant par devenir
au fond si différents de ce qu'ils étaient à l'origine, et déjà si semblables à
ce qu'ils furent depuis.
Les idées neuves et vraies abondent dans ce beau livre, et quelques-unes
sembleront à plus d'un lecteur presque téméraires par leur nouveauté
même; mais ces nouveautés sont appuyées sur des preuves si décisives et
si bien mises dans tout leur jour, qu'on est forcé d'y reconnaître de véri
tables découvertes, fruit des méditations fécondes d'un esprit supérieur. Il
en sera de même assurément pour les deux chapitres où l'illustre écrivain
démontre jusqu'à l'évidence que la tutelle administrative et la centralisation
existaient sous l'ancien régime presque au même degré où nous les voyons
aujourd'hui.
M. de Tocqueville se plaint quelque part de ce que la Révolution a in
troduit dans la langue une foule de termes abstraits; on voit qu'il a voulu
réagir contre ce défaut, et il serait difficile de rencontrer en de telles mat
ières un style plus net, plus clair et plus correct. Les idées les plus neu
ves, les plus fines et les plus profondes y sont exprimées avec une élégante
simplicité qui n'exclut point l'élévation et qui leur donne encore plus d'at
trait. Nous doutons fort que depuis longues années il ait été imprimé en
France beaucoup de livres qui offrissent aux esprits sérieux et réiléchis~une
lecture aussi pleine de charme et de prolit.
Un curieux appendice, spécialement consacré à exposer l'organisation
du Languedoc (pays d'États), montre quels heureux résultats donnait cette
forme administrative, et quels avantages on eût pu retirer de son extension
à toutes les parties de la monarchie. Des notes nombreuses complètent le
volume, les unes contenant des citations de documents originaux, les au
tres, plus étendues, destinées à développer des idées ou des faits utiles à
connaître, mais qui n'avaient pu trouver place dans la savante économie
de l'ouvrage. Plusieurs de ces derniers sont de véritables modèles d'anal
yse, dans lesquels on retrouve toute retendue, toute la finesse et toute la
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sûreté de coup d'œil qui ont tant contribué à la juste réputation de M. de
Tocqueville. C. G.

Office de Pâques ou de la Résurrection, accompagné ď Hymnes et de


séquences inédites, publié pour la première fois ď après un manuscrit du
douzième siècle de la bibliothèque de Tours ; par Victor Luzarche. Tours,
imprimerie de Boneseres, 1856.
M. Victor Luzarche est assurément un des plus infatigables et des plus
heureux fouilleurs de manuscrits que possède la province. Il y a une an
née à peine, il donnait au public savant le texte du plus ancien drame du
théâtre français, et aujourd'hui il se présente encore avec un Office de Pâ
ques dramatisé du douzième siècle. C'est là une pièce curieuse et import
antepour les origines du drame liturgique, lequel, il est vrai, remonte à
une époque plus reculée , mais dont nous avons là un spécimen nouveau
et des plus intéressants.
Les Évangiles ont servi de canevas commun à toutes les compositions
de ce genre, et toutes se ressemblent pour le fond ; mais, en étudiant avec
quelque attention celle qui nous occupe, on s'aperçoit, comme le remar
que le savant éditeur, « que le drame liturgique a déjà pris une certaine
« ampleur de composition. Le nombre des personnages mis en action ,
« Pilate et ses satellites habillés à la romaine, l'ange lançant des éclairs
« artificiels qui les aveuglent, les deux marchands de parfums engageant
« avec les trois Maries un long dialogue, qui nous donne un avant-goût de
« ces scènes familières et burlesques, dont on fera plus tard un bien plus
« grand abus; le Christ revêtu d'une dalmatique, paraissant en personne;
« enfin tout cet ensemble d'une mise en scène compliquée annonce , dès
« cette haute époque, l'apparition prochaine de ces interminables mystè-
« res qui feront les délices des deux siècles suivants. »
Une circonstance particulière vient encore relever l'importance de cette
publication : c'est la présence de la musique du drame, écrite sur quatre
portées, ainsi que Gui d'Arezzo venait tout récemment d'enseigner à le
faire. M. Victor Luzarche, en amateur vraiment éclairé, n'a reculé devant
rien pour mettre entre les mains de nos savants musicologues une nouv
elle pièce capable de jeter quelque lumière sur les origines de la musique
moderne. Il a fait reproduire en fac-similé les seize premières pages du
drame publié par lui, et cette reproduction fait le plus grand honneur à
l'artiste qui l'a exécutée et au savant amateur qui l'a dirigée.
L'Office de Pâques est suivi d'hymnes la plupart inédites et presque
toutes en l'honneur de la Vierge. Ces poésies, où l'on voit poindre sous l'é-
corce latine les formes rudimentaires de notre poésie moderne, et notam
mentla rime, se recommandent encore par un certain caractère de foi ar
dente et de fraîcheur native. Mais en général le cercle d'idées dans lequel
elles tournent est fort restreint, et la forme elle-même ne semble pas
exempte de monotonie.

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