Rejet M. Le Gunehec, président Arrêt no 3575 Pourvoi no D 94-85.249 D LA COUR DE CASSATION CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller CARLIOZ, les observations de Me GUINARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ; Statuant sur le pourvoi formé par : - BERNARD Jean-Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, du 21 octobre 1994 qui, pour pollution de cour d'eau, l'a condamné à une amende de 5 000 francs assortie du sursis simple ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 231-2, L. 232-2, L. 232-3, L. 232-8, L. 232-4 du Code rural, 18 de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992, L. 131-2 du Code des communes, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre Bernard coupable d'avoir jeté, détérioré ou laissé écouler dans la Meuse, directement ou indirectement, des substances quelconques, en l'espèce des eaux usées et du purin, contenus dans les rejets communaux dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson, ou nul à sa nutrition, à sa reproduction, ou à sa valeur alimentaire ; "aux motifs que Bernard est recherché pour avoir manqué aux obligations énumérées par l'article L. 131-2 paragraphe 6 du Code des communes qui lui imposent de prévenir par des précautions convenables et de faire cesser les pollutions de toutes natures ; "qu'en l'espèce la pollution a été provoquée par les écoulements de purin provenant d'exploitations agricoles dans le réseau communal ; qu'il ne s'agit pas d'installations classées, de sorte que le prévenu prétend, à tort, que la compétence exclusive appartient à l'autorité préfectorale ; que Bernard ne peut contester la responsabilité du maire en la matière alors que par arrêté du 23 juin 1994, il a donné délégation aux maires délégués pour "éliminer les pollutions de toutes origines" ; "que le tribunal a, par ailleurs, justement rappelé que l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992 a précisé que tous les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à son entrée en vigueur demeuraient constitués en cas d'imprudence ou de négligence ; qu'il convient, dès lors, seulement de rechercher si le maire de la commune de Val-de-Meuse a commis une négligence ayant permis la pollution constatée le 8 janvier 1992 ; qu'il doit être préalablement observé que la réalité de la pollution est largement établie par les analyses du Cemagref, à l'encontre desquelles aucun document technique n'est opposé et par les observations des gardes-pêche qui en ont immédiatement informé Mme Antoine, maire délégué ; que la campagne de mesures effectuée les 25 et 26 février 1992 sur le réseau d'assainissement de Lenizeui a d'ailleurs démontré que la pollution du 8 janvier n'était pas accidentelle puisque la présence de purin dans l'affluent représentait environ 65 équivalents- habitants ; "que le tribunal a encore exactement rappelé qu'il était sans incidence qu'aucune mortalité de poissons n'ait été constatée, le délit étant constitué par le seul fait d'avoir laissé écouler dans le ruisseau des substances dont l'action ou les réactions étaient susceptibles de détruire le poisson, de nuire à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, ce qui est le cas puisque la qualité de l'eau était incompatible avec toute vie piscicole ; "qu'il appartient au maire de la commune d'utiliser son pouvoir de police pour prendre les mesures nécessaires pour éviter les rejets polluants dont les rédacteurs du procès-verbal ont affirmé qu'ils n'étaient pas accidentels ; "que les pièces versées aux débats révèlent que le maire n'a pris aucune mesure sur ce point, les seules études entreprises antérieurement aux faits étant relatives aux rejets de l'abattoir ; "que le tribunal a, dès lors, exactement considéré que le maire de la commune avait commis une négligence permettant de retenir à sa charge l'infraction prévue par l'article L. 232-2 du Code rural (arrêt, pages 5 et 6) ; "1o alors qu'il résulte de l'article 18 de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992, dite "loi sur l'eau" qu'en cas de pollution des eaux fluviales, seul le préfet est compétent pour prescrire les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité ; "que, dès lors, en estimant, pour condamner le demandeur sur le fondement de l'article L. 232- 2 du Code rural, qu'il appartenait non au préfet mais au maire, dans le cadre des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 131-2 du Code des communes, de faire cesser la pollution litigieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2o alors, subsidiairement, que seul un lien de causalité certain entre la faute et le dommage peut justifier une condamnation sur le fondement de l'article L. 232-2 du Code rural ; "qu'ainsi, en s'abstenant de préciser la nature des mesures que la maire, en vertu de ses pouvoirs de police, aurait dû prendre afin d'éviter les rejets polluants litigieux, la cour d'appel qui ne caractérise pas le lien de causalité entre la faute et le dommage a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et celles du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond, par des motifs dépourvus d'insuffisance ou de contradiction, ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment intentionnel, le délit de pollution de cours d'eau dont ils ont déclaré Jean-Pierre Bernard coupable à raison de rejets provenant du réseau communal ; Que le moyen qui, pris en sa première branche, procédé d'une affirmation inexacte et qui, pour le surplus, revient, sous le couvert de défaut de motifs et de manque de base légale, à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Carlioz conseiller rapporteur, MM. Fabre, Pinsseau, Joly conseillers de la chambre, Mmes Fossaert-Sabatier, Fayet conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;