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Politis, société par actions
simplifiée au capital de 941 000 euros.
Actionnaires :
• LES QUATRE CRISES PLANÉTAIRES 7 mémoire. La plupart des économistes, otages de la
Association Pour Politis, • Crédits à hauts risques 8 conjoncture, ont le même défaut. Rien, donc, n’est plus
Christophe Kantcheff, édifiant et salutaire que de les relire, avec le recul des
Denis Sieffert, Pascal Boniface, • Le capitalisme Ponzi 9 années et à la lumière de ce qui est advenu. Sans forfanterie
Laurent Chemla, aucune, d’autant que c’est leur mérite, et non le nôtre, le moins que
Jean-Louis Gueydon de Dives, • Les lignes de fracture de 2008 10
Valentin Lacambre. l’on puisse dire est que nos chroniqueurs supportent l’épreuve du
• Une économie « avec » marché 11 temps. Le lecteur en jugera en découvrant cette sélection de textes
Président, directeur parmi les 250 publiés depuis six ans dans Politis.
de la publication : • La vérité sur la dette 12
Denis Sieffert. Au cœur de la crise qui ébranle tout le système, et qui, sans doute,
• Récession et crise : la spirale 13 ne fait que commencer, leurs analyses restent pertinentes.
Directeur de la rédaction : L’explication est simple : les économistes que nous publions dans
Denis Sieffert. • La vulgarité en équations 14
Politis – et qui sont, pour la plupart d’entre eux, membres du conseil
Comité de rédaction :
• Attali et l’économie de guerre 15 scientifique d’Attac – proposent toujours une analyse systémique. Ils
Rédaction en chef : • Le capitalisme délinquant 16 plongent leur critique au cœur du système capitaliste. Ils se mettent
Thierry Brun (87). à l’abri des soubresauts et des illusions de la conjoncture. Ils ne
Christophe Kantcheff (85). • L’insoutenable libéralisme 17 s’enivrent jamais de l’air du temps. Contrairement à la plupart de
Michel Soudais (89).
Secrétaire général de la rédaction : • Arrêtons la guerre des monnaies 18 leurs confrères les plus médiatisés. C’est pourquoi, d’ailleurs, leurs
Sébastien Fontenelle (74). chroniques dans Politis apparaissent sous la rubrique « À contre-
Chefs de rubrique : courant ». Réjouissons-nous qu’ils soient, ces jours-ci, un peu plus
Olivier Doubre (91), Xavier Frison (88),
Ingrid Merckx (70).
DÉGÂTS SOCIAUX ET ÉCOLOGIQUES « dans le courant », au moment où la crise confirme leurs analyses.
• LA « SOCIÉTÉ DU RISQUE » 21 Et gageons que tout cela n’est que provisoire, quand les ralliés de la
25e heure à la critique du capitalisme reprendront leurs bonnes
Patrick Piro (75), Jean-Claude Renard,
Gilles Costaz, Marion Dumand, • Croissance ou écologie ? 22 habitudes néolibérales.
Denis-Constant Martin, Christine Tréguier,
Claude-Marie Vadrot, Jacques Vincent.
• Sale temps pour les pauvres 23 Quoi qu’il en soit, cette « rétrospective » est l’occasion de remettre
en perspective toutes les crises de ces dernières années, qui, peut-
Responsable éditorial web :
• Sous les retraites, le don 24 être, n’en font qu’une seule. Cela pourrait être un nouveau proverbe
Xavier Frison (88). • Et la finance ruinera les retraités 25 ou la boutade d’un humoriste : seuls les imbéciles maniant le
Architecture technique web : libéralisme comme une méthode Coué ignorent encore les crises
Grégory Fabre (Terra Economica) • La leçon du Clemenceau 26 systémiques. En effet, comment ne pas remarquer que la crise des
et Yanic Gornet.
Premier rédacteur graphiste • Relocaliser le développement 27 années 2007 et 2008 est systémique, prenant plusieurs formes,
papier et web : financière, économique, sociale et écologique, liées les unes aux
Michel Ribay (82). • Le sens d’une révolte 28 autres, comme le rappelle dans ce numéro spécial l’économiste
Rédacteurs graphistes :
Claire Le Scanff-Stora (84),
• Record d’inégalité aux États-Unis 29 Dominique Plihon ?
Jérémie Sieffert. • Controverse sur le pouvoir d’achat 30 Rappelons ici que l’éclatement de la bulle Internet à partir de
Correction et secrétariat de rédaction : • La violence faite aux 35 heures 31 mars 2000 avait déclenché une crise financière de grande ampleur
Marie-Édith Alouf (73), et devait déjà mettre fin à la croissance sans frein des marchés
Pascale Bonnardel (83). • Le partenariat, financiers. L’effet de domino était attendu, souligne notamment
Administration-comptabilité : nouvelle machine de guerre 32 Nicolas Béniès dans un excellent Petit Manuel de la crise financière
Isabelle Péresse (76). et des autres (1).
• Le plein-emploi précaire 33 La négation de la crise a cependant pris le dessus, en lien direct avec
Secrétariat :
Brigitte Hautin (86). • L’an un de la Sarkonomics 34 le poids de l’idéologie libérale. Quand tout s’accélère en mai-
Publicité-promotion :
juin 2007, avec la succession de faillites des sociétés de crédit
Marion Biti (90).
publicite@politis.fr
DÉSÉQUILIBRES NORD/SUD hypothécaire aux États-Unis, les apôtres de la pensée néolibérale
louent encore les puissants, « inventifs et courageux, mobiles et
Impression :
• LES ÉTATS-UNIS audacieux », évidemment responsables de leur succès, comme l’écrit
l’ineffable Éric Le Boucher (Le Monde du 8 octobre 2007) (2).
Rivet Presse Édition
BP 1977, 87022 Limoges Cedex 9
ET LE DÉSORDRE ÉCONOMIQUE MONDIAL 37 Il a fallu attendre le troisième krach des bourses du monde entier,
DIP, Service abonnement Politis,
• L’argent du beurre 38 en mars 2008, pour que les médias et les gouvernements prennent
18-24, quai de la Marne, 75164 Paris Cedex 19 • Le vaudeville du patriotisme économique 39 conscience de la profondeur de la crise. Avec certes quelques
Tél. : 0144848059. nuances. On pouvait par exemple lire une explication vertueuse de
Fax : 0142005692.
abopolitis@dipinfo.fr
• Les dogmes se fissurent 40 cette crise dans L’hebdomadaire britannique The Economist (du 5
Abon. 1 an France : 147 euros • La tragédie des Adpic 41 avril 2008) : « La finance est un cerveau qui facilite la rencontre
entre le capital et le travail, qui permet aux épargnants et aux
Diffusion. NMPP.
Inspection des ventes
• Délocalisations : emprunteurs de retarder ou d’avancer leur consommation, qui
et réassort : K.D. le nouveau bouc émissaire 42 permet aux individus de partager et d’échanger les risques. Plus ce
Éric Namont : 01 42 46 02 20 système est astucieux, plus il remplit ces tâches avec succès. »
Numéro de commission • Dette argentine : la résistance paie 43 On n’oubliera pas le rôle de la théorie financière, qui a connu un
paritaire :
0112C88695, ISSN : 1290-5550 extraordinaire développement grâce auquel elle a revendiqué un
L’EUROPE EN RUPTURE statut de savoir scientifiquement contrôlé (3). Et cette croyance dans
l’efficience des marchés autorégulés, qui a pourtant subi un démenti
• L’EUROPE, UNE ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE 45 cinglant. Sans parler de l’incapacité de l’Union européenne à
• La directive des travaux forcés 46 construire des politiques communes dans la tourmente financière.
Tout cela apparaît dans ce numéro spécial qui se veut aussi un pas
• Un plan social-keynésien vers une sortie de l’impasse libérale.
pour relancer l’Europe ! 47
(1) Syllepse, 2009.
• Le temps des cerises 48 (2) Lire « La rhétorique réactionnaire : responsabilité », Gérard Mauger,
• L’élan du 29 mai 49 n° 2 de la revue de l’association Raison d’agir, décembre 2007, éditions du
Croquant.
(3) Lire L’Arrogance de la finance. Comment la théorie financière a
• LES AUTEURS 50 produit le krach, Henri Bourguinat et Éric Briys, La Découverte, 2009.
La photo de couverture est de Yoshikazu Tsuno (AFP).
« S’attaquer au sy
e capitalisme ? « On peut comprendre que les devrait être qu’un « passager de la pluie (3) » ! d’établissement » de l’article 48, qui laisse au
gens n’y croient plus ! », confesse Tony Blair Le plan de relance gouvernemental reporte capital la possibilité d’aller où les condi-
en personne (1). Quand on cesse de croire le coût de la crise sur les travailleurs et les tions sont le plus favorables et aux institu-
stème lui-même »
de manière sélective et ciblée, avec en contre- l’âge de la retraite, et de soutenir les fonds du capitalisme. Je veux le dire aux Français : l’an-
partie des accords de développement soli- de pension. C’est la majorité du Parti ticapitalisme n’offre aucune solution à la crise
daire avec les pays du Sud en matière de socialiste qui a approuvé la sacralisation actuelle », martelait Nicolas Sarkozy dans son
migrations, de coopération technique, de de la concurrence gravée dans le projet discours de Toulon. Le message est clair :
commerce équitable, sans quoi un protec- de Traité constitutionnel européen de l’anticapitalisme, voilà l’ennemi. Le Pré-
tionnisme de riche aurait pour principal 2005. C’est encore elle dont le vote a per- sident y est revenu, lors de son interven-
effet de se décharger sur les pays les plus pau- mis l’adoption du Traité de Lisbonne tion au colloque sur la refondation du capi-
vres des dégâts de la crise. confirmant la logique libérale de la cons- talisme, organisé à son initiative le 8 janvier
Imaginer qu’une mesure de protection doua- truction européenne. 2009 par le secrétariat d’État à la Pro-
nière entraînerait mécaniquement une amé- Pour les sauveteurs du Titanic capitaliste, spective : « La crise du capitalisme financier
lioration des conditions sociales européennes, la tâche s’annonce rude. Un nouveau New n’est pas celle du capitalisme. Elle n’appelle pas
comme si elle était techniquement neutre Deal ? Un retour à l’État social ? C’est la destruction du capitalisme, qui serait une
dans une lutte des classes exacerbée par la oublier bien vite que la déréglementation catastrophe, mais sa moralisation. » Il a reçu
crise, est une grosse naïveté : les travailleurs libérale ne fut pas un caprice doctrinaire en la circonstance le vigoureux renfort de
auraient les inconvénients des tracasseries de Thatcher ou de Reagan. C’était une Michel Rocard : « Il faut commencer par cela :
bureaucratiques et frontalières sans les avan- réponse à la baisse des taux de profit enta- nous voulons sauver le capitalisme. » Ces décla-
tages sociaux. Un tel protectionnisme ne més par les conquêtes sociales de l’après- rations de guerre sociale tracent une ligne
résisterait pas longtemps, à son impopula- guerre. Après 1973, « l’incapacité des poli- de front entre deux camps. Discuter entre
rité dans l’opinion, ou bien il ne tarderait pas tiques keynésiennes à relancer l’activité ouvre le possédants des moyens de refonder, réin-
à basculer dans une « préférence nationale » champ à une surprenante contre-révolution venter, moraliser le capitalisme, ou bien
(ou européenne) chauvine. conservatrice », rappelle Robert Boyer (8). lutter avec les exploités et les dépossédés
Revenir à la case départ, ce serait retrouver pour le renverser : il faut choisir.
À les entendre, les gouvernants d’hier et d’au- les mêmes contradictions. « Réguler sans Personne ne saurait prédire à quoi res-
jourd’hui, de droite et de gauche, auraient transformer n’est pas régler », ironise fort à sembleront les révolutions futures. Du
tous et toujours dénoncé la folie systémique propos Jean-Marie Harribey. moins existe-t-il un fil conducteur. Ce sont
des marchés. La dérégulation n’a pourtant Après la crise de 1929, il fallut, pour redis- bien deux logiques de classes qui s’affron-
pas été le fait de la fameuse main invisible, tribuer les cartes de la richesse et de la puis- tent. Celle du profit à tout prix, du calcul
mais de décisions politiques et de mesures sance, et pour amorcer une nouvelle onde égoïste, de la propriété privée, de l’inégalité,
législatives. C’est sous le ministère socialiste expansive, rien moins qu’une guerre mon- de la concurrence de tous contre tous, et celle
des finances de Pierre Bérégovoy qu’a été diale. La mise en place d’un nouveau mode du service public, des biens communs de
conçue, dès 1985, la grande dérégulation des d’accumulation et l’amorce hypothétique l’humanité, de l’appropriation sociale, de
marchés financiers et boursiers en France. d’une nouvelle onde longue de croissance l’égalité et de la solidarité.
C’est un gouvernement socialiste qui, en supposent de nouvelles hiérarchies plané- D. B.
1989, a libéralisé les mouvements de capi- taires de domination, un redécoupage des
taux en anticipant sur une décision euro- nations et des continents, de nouvelles (1) Le Journal du dimanche, 14 décembre 2008.
(2) Le Monde, 15 décembre 2008.
péenne. C’est le gouvernement Jospin qui, conditions de mise en valeur du capital, (3) La Tribune, 15 janvier 2009.
en privatisant plus que les gouvernements une transition du système énergétique. Un (4) Le Journal du dimanche, 5 octobre 2008.
Balladur et Juppé réunis, a rendu le capi- tel remue-ménage ne se résout pas à (5) Le Monde, 26 novembre 2008.
talisme français accueillant aux fonds d’in- l’amiable entre chancelleries, sur le tapis (6) Le Monde, 13 janvier 2008
vestissement spéculatifs. C’est un ministre vert, mais dans les luttes sociales et sur les (7) Après la démocratie, Emmanuel Todd, Gallimard.
(8) Libération, 29 décembre 2008.
socialiste des finances, Dominique Strauss- champs de bataille. La crise, c’est bien,
Kahn, qui a proposé une forte défiscalisa- comme l’écrit Marx, « l’établissement par la * Daniel Bensaïd a publié récemment Éloge de la
tion des fameuses stock-options, et c’est un force de l’unité entre des moments [production politique profane, éditions Albin Michel, 2008 ;
autre ministre socialiste des finances, Lau- et consommation] promus à l’autonomie ». Un nouveau théologien : Bernard-Henri Lévy (Fragments
rent Fabius, qui l’a réalisée. C’est un Conseil mécréants, 2), Nouvelles Éditions Lignes, 2008 ; avec
européen à majorité social-démocrate qui Alain Krivine, 1968, fins et suites, Nouvelles Éditions
« La crise financière n’est pas la crise du capi- Lignes, 2008 ; Politiques de Marx, suivi de Inventer
a décidé en 2002 à Barcelone de libéraliser talisme. C’est la crise d’un système qui s’est éloi- l’inconnu, textes et correspondances autour de la
le marché de l’énergie et l’ensemble des gné des valeurs les plus fondamentales du capi- Commune, Karl Marx et Friedrich Engels, La Fabrique,
services publics, de repousser de cinq ans talisme, qui a, en quelque sorte, trahi l’esprit 2008.
Les quatre
crises planétaires
« La recherche insatiable de rentabilité financière à court terme et tous azimuts a conduit à la
marchandisation et à la destruction progressives des biens communs de l’humanité »
’hypercapitalisme qui domine la planète détenteurs du capital financier qui s’exerce En quatrième lieu, la crise actuelle est de nature
est en proie à une crise globale, c’est-à- sans limites sur l’ensemble de la planète géopolitique. Tout d’abord, parce qu’elle
dire à une quadruple crise financière, ali- grâce à la mobilité internationale du capi- remet en cause l’hégémonie états-unienne.
Jean-Claude Trichet dirige la Banque centrale européenne, dont la politique monétaire très stricte la prédispose à ne s’occuper que de l’inflation.
Les lignes de
fracture de 2008 Admettons pourtant que cette année soit
marquée par un ralentissement très inégal de
« Au-delà des différences évidentes qui existent entre les États- l’économie mondiale, mais que celui-ci ne
se transforme pas en récession généralisée.
Unis, la Chine et l’Europe, ces trois grands pôles ont un trait Même dans ce cas de figure, 2008 va mon-
fondamental en commun qui est la baisse régulière de la part des trer à quel point le fragile équilibre de
l’économie mondiale est peu « soutenable »
richesses qui revient à ceux qui la produisent » et se trouve aujourd’hui au bord de la rup-
ture. Comme on vient de le voir, les États-
Chronique de Michel Husson publiée le 21 février 2008. Unis pourront difficilement continuer à faire
financer par le reste du monde un déficit
commercial abyssal ou espérer le réduire
grâce à la chute sans fin du dollar, sans que
eux questions se posent après l’éclatement comptent sur un dynamisme maintenu des cela fasse éclater de nouvelles tensions avec
de la crise bancaire et immobilière aux pays émergents pour compenser le ralen- la Chine et l’Europe. Les dysfonctionne-
La vérité
sur la dette ! excessive car inemployée. Un certain volant
de dette est alors justifié, d’autant plus
« Les obsédés de la dette ne précisent jamais que la part de la qu’elle est désirée par les épargnants, qui
dépense publique dans le PIB est restée étonnamment stable raffolent aujourd’hui des obligations d’É-
tat ! La dette n’est donc pas un fardeau
depuis trente ans » pour les générations futures car elle a une
contrepartie en termes d’actifs aujourd’-
hui détenus par certains ménages. Enfin,
Chronique de Liêm Hoang-Ngoc publiée le 12 avril 2007. la dette se stabilise dès lors que la croissance,
soutenue par la dépense publique, est suf-
fisamment forte pour engendrer un sur-
a dette publique est devenu l’alibi du dis- croît de recettes fiscales. Encore faut-il
cours prônant la « réforme » de l’État social que la dette finance les choix porteurs
jacobin, dont les dépenses « improduc- d’avenir (l’investissement, la recherche-
entamerait la capacité d’épargne de celles- 1993 et 1997, où elle atteignit 58,5 % du PIB,
ci et réduirait les ressources nécessaires au plaçant quasiment la France aux limites
financement des dépenses porteuses d’avenir. autorisées par le traité. Cette dette fut pré-
Les taux d’intérêt seraient poussés à la La dette augmente de 6 % par an. cisément la cause d’une certaine dissolution
hausse, ce qui s’avérerait nuisible à l’inves- de l’Assemblée nationale qui devait légiti-
tissement et la croissance future. des administrations est alors positive. Elle mer un nouveau plan d’austérité préalable
représente 19,7 % du PIB. à l’entrée dans l’euro… La droite fut bat-
Les obsédés de la dette ne précisent jamais que À la pensée unique s’oppose la thèse selon tue et la dette baissa à 56 % du PIB en 1999.
la part de la dépense publique dans le PIB laquelle le déficit budgétaire est un instru- De retour aux affaires en 2002, la droite
est restée étonnamment stable depuis ment nécessaire de régulation macro- s’engagea à nouveau sur le chemin de la
trente ans (la part des dépenses de l’État économique. Il soutient la demande rupture avec le gaullisme. Elle mit en chan-
s’est réduite alors que la part des dépen- lorsque les entreprises n’investissent pas tier la deuxième réforme des retraites et de
ses sociales a augmenté). Les marges de (ce qui est malheureusement le cas), alors l’assurance-maladie, de nouvelles privati-
manœuvre pour réduire les effectifs sont qu’une abondante épargne est disponible sations et baisses d’impôts.
faibles, sauf à considérer que la santé, pour financer des projets en sommeil dans Le taux d’endettement culmine aujourd’hui
l’éducation et la décentralisation ne sont l’économie réelle. Dans ces conditions, à 64 % du PIB… Les politiques néolibérales
pas des priorités. Ils oublient curieuse- la dépense publique doit pallier le déficit se sont avérées incapables de soutenir la
ment que tout compte de patrimoine inclut de dépense privée des entreprises (celles- croissance « par l’offre » alors que les ré-
un passif et un actif. Ainsi, si le compte de ci ne s’endettant pas pour investir) en formes de la structure des prélèvements fis-
patrimoine des administrations publiques mobilisant l’épargne par l’emprunt d’État. caux et sociaux ont amplifié l’érosion des
est porteur d’un passif, il comporte aussi Faute de quoi, l’économie subirait une ressources fiscales de la République. Il est
des actifs physiques (routes, écoles, hôpi- panne de croissance liée à une crise de vraiment temps de changer de logiciel !
taux, équipements…). La richesse nette débouchés résultant d’une épargne L. H.-N.
au-delà de ce que les plus méfiants escomp- ne permet de revenir en arrière, de rame-
taient. Quatrième épisode : retour à la case ner l’endettement à des niveaux plus rai-
départ. On y lit la consigne : « Baissez les sonnables permettant une nouvelle pous-
taux d’intérêt de la Réserve fédérale afin sée en cas de besoin. On peut parler d’une
de stimuler le crédit, et avancez vers la spirale de l’endettement. La Réserve fédé-
reprise. » En dépit de quelques réticences rale est bien déterminée à intervenir. Mais Alan Greenspan, directeur de la Réserve fédérale lorsque celle-ci a abaissé
– le spectre de l’inflation hante les esprits –, que faire quand le remède ajoute au mal ? ses taux pour sortir les États-Unis de la récession, dopant ainsi le crédit.
A
rapport Attali, déjà largement aux ordres. Un signe du déclin français : « La
commentées, ce texte dessine un part des exportations françaises dans les
monde (1). La commission, formée exportations mondiales décroît
« d’experts » cooptés, s’apparente régulièrement. » Comment d’un côté inciter
davantage à un conseil de guerre qui, face à et souvent contraindre les pays du Sud à
l’urgence, se substituerait à la représentation s’inscrire dans le marché mondial, et vouloir
politique en utilisant tous les moyens de maintenir la part de la France dans les
ations
Bref, le bonheur des hommes doit être com-
propagande pour la mobilisation générale.
« Tambour battant », guerre à la société,
guerre au conservatisme, dans ses moindres
recoins et détails, chasse aux déserteurs pour
gagner la bataille de la croissance. « Plan
exportations mondiales ? Ces propos sont
révélateurs d’accents mercantilistes recyclés
à la sauce néolibérale, impliquant la guerre
économique sans merci « pour la captation de
la croissance mondiale », par la concurrence,
global, non politique », avec feuille de route la baisse du coût du travail et la captation des
patible avec des lois économiques qui pour chaque ministère, proposition d’un projet ressources naturelles. Le chapitre concernant
limitent objectivement leurs aspirations. de loi autorisant le gouvernement à prendre les choix énergétiques commence d’ailleurs
La mathématisation de l’économie se les décisions par ordonnances, calendrier par la « sécurisation nécessaire » des
borne à donner un tour scientifique et précis et organigramme structuré autour de ressources pétrolières. C’est bien parti au
moderne à ce postulat fondamental. Par « pilotes », de « pivots », de « partenaires Moyen-Orient. Rien en revanche sur la
ses méthodes et ses thèmes de recher- clés ». L’ennemi est traqué sécurisation de l’industrie
che, la science économique qui domine partout avec minutie, de la nucléaire, qui doit être
aujourd’hui se ramène à une vaste entre- crèche aux seniors. exportée dans le monde
prise de réification qui transforme les Mais nous ne pouvons en rester « La médiocrité du entier.
rapports sociaux en choses et met nos à la dérision et au sarcasme. La Et des approximations
désirs en équations. En dépit de ses ori- médiocrité du rapport, son art rapport Attali sur manipulatrices : « La part des
peaux mathématiques, elle s’inscrit dans du déni et de la manipulation la libération de la retraites dans le PIB devrait
une très vieille tradition, celle de l’éco- du réel et du savoir en font un passer de 12,8 % aujourd’hui à
nomie vulgaire. projet politique inquiétant. Ce croissance 16 % en 2050. » Ces chiffres
déni s’exprime de 1999 ont été réactualisés
particulièrement pour les pays française, son art en 2007 par le Conseil
M. H. pris comme exemples de d’orientation des retraites : les
réussite. « L’Espagne a œuvré
du déni et de la retraites ne représenteraient
(1) « An outline of my main contributions to pour l’accès de tous à la manipulation du plus que 14,9 % du PIB. « La
economic science », Maurice Allais, 1988, propriété du logement. » Quid Chine connaît des taux de
http://guesde.free.fr/allais88.pdf de la crise des subprimes qui réel et du savoir croissance supérieurs à 10 %
(2) Capitalisme, socialisme et démocratie (1949), frappe l’Espagne et impose aux depuis plusieurs années. »
Joseph Schumpeter, Payot, 1969. Sur la Société du plus pauvres un endettement
en font un projet Ces « experts » ignorent les
Mont-Pélerin, voir aussi les Évangélistes du marché,
Keith Dixon, Raisons d’agir, 1998.
pour plusieurs générations ? politique derniers rapports de la
Les clés du succès états-unien : banque mondiale et du FMI,
(3) Principes d’économie politique considérés sous
le rapport de leur application pratique, Thomas R. « Un rôle important des fonds inquiétant » montrant que la croissance en
Malthus, Calmann-Lévy, Paris, 1969. de pension et des marchés Chine a été surévaluée (même
financiers. » Sans si elle reste très forte) du fait
commentaires ! Aux rapports Chronique de de modes de calculs
du Giec sur le changement Geneviève Azam inappropriés pour les taux de
climatique, des réponses qui change servant à la
font froid dans le dos : la publiée le 31 janvier conversion du PIB chinois en
croissance tous azimuts, le low 2008. dollars. Le nombre de pauvres
cost pour le transport aérien, en Chine est revu à la hausse,
etc., et pour respirer, dix de l’ordre de 200 millions
Ecopolis ! Les théories sous- supplémentaires.
jacentes à ces « décisions » (courbe de Enfin, le programme est parsemé d’appels à
Kuznets environnementale), selon lesquelles la réaction des classes populaires les plus
une croissance forte permet finalement la précarisées contre les nantis qui vivent à
diminution des pollutions, ont pourtant été l’abri des protections : « priorité aux exclus ».
maintes fois scientifiquement invalidées. Le C’est la vieille rhétorique réactionnaire des
dernier rapport du Pnud est sans équivoque : effets pervers des politiques d’égalité et de
« L’une des plus rudes leçons qu’enseigne le redistribution, qui finiraient par se retourner
changement climatique, c’est que le modèle contre les plus pauvres. Ce fut une des clés
économique de la croissance et la de l’élection de George W. Bush. Cette
consommation effrénée des nations riches tentative d’alliance entre les élites et les
sont écologiquement insoutenables. » Mais franges précarisées de la société est lourde
les Nations unies font sans doute aussi partie de dangers pour la démocratie. Il est temps
de ce corset qui nous empêche de respirer. de relire l’analyse des processus totalitaires
Un réel dénié, un réel manipulé. Décision 89 : d’Hannah Arendt. Une croissance infinie dans
« Développer massivement les recherches en un monde fini suppose effectivement une
matière d’OGM pour évaluer leur innocuité. » économie de guerre et une politique de dé-
C’est une recherche bien finalisée. civilisation.
Décision 90 : « Doter les instances G. A.
européennes et nationales d’homologation
DR
des moyens nécessaires pour les rendre (1) La Documentation française-XO éditions.
l’époque par le grand économiste Joseph Schumpeter (à droite).
Le capitalisme délinquant
Voilà donc la face cachée d’un système qui
prétend imposer aux travailleurs une modé-
« Voilà donc la face cachée d’un système qui prétend imposer ration salariale inéluctable, dont la contre-
partie se retrouve sous forme de stock-
aux travailleurs une modération salariale inéluctable, dont la options somptueuses, de parachutes dorés
contrepartie se retrouve sous forme de stock-options à la Messier et d’autres transvasements
moins « légaux ». Ce sont les bénéficiaires
somptueuses, de parachutes dorés à la Messier et d’autres de ce système qui paient des bataillons
transvasements moins “légaux” » d’idéologues, d’économistes ou de publi-
cistes, afin d’ériger en normes de la moder-
nité cette totale liberté d’action qui leur
Chronique de Michel Husson publiée le 5 février 2004. permet ensuite de mener à bien les délo-
calisations, les restructurations et les détour-
nements, bref de ponctionner largement
la richesse créée. Quand leur image devient
a liste des affaires s’allonge tous les jours. certains appartiennent au « capitalisme trop repoussante, les grandes compagnies,
Après Enron et Worldcom aux États-Unis, rhénan » supposé plus civilisé. Ces pra- comme Elf-Total-Fina, s’offrent les ser-
ce sont aujourd’hui Parmalat en Italie, tiques délictueuses ne sont pas l’apanage vices d’experts aussi indépendants que
L’insoutenable libéralisme
a toléré depuis vingt-cinq ans un déplace-
ment de 30 à 40 fois supérieur de la masse
« Instabilité, destruction et stérilité, tel est le triptyque du salariale vers les profits.
capitalisme financier. L’aplomb et l’arrogance des idéologues
Comme l’argumentaire libéral est plombé, de
libéraux n’en sont pas pour autant ébranlés » nouveaux leurres sont imaginés. L’Insti-
tute of International Finance propose un
« code de conduite », pendant que s’amorce la
Chronique de Jean-Marie Harribey publiée le 24 avril 2008. prochaine bulle sur les matières premières
et les céréales. En France, après la panta-
lonnade de la commission Attali, qui se
LA CRISE FINANCIÈRE DISCRÉDITE un peu plus Alors que le gouvernement s’apprête à faisait fort d’obtenir une croissance éco-
toutes les assertions selon lesquelles le mar- réduire encore les retraites par répartition, nomique de 5 % par an (!), une commission
ché autorégulateur est gage de stabilité, un troisième prône de faire financer les Sen-Stiglitz-Fitoussi est née. Elle a pour
d’harmonie universelle et d’allocation opti- retraites par les marchés financiers (Didier tâche de construire un nouvel indicateur
male des ressources. Elle démontre que la Migaud, le Monde, 2 avril) en abondant le de richesse, faute de pouvoir changer la
finance, c’est-à-dire le capital, est contre- Fonds de réserve des retraites. En plaçant conception de la richesse imposée par un
productive et improductive. Contre-pro- les sommes qui lui seraient allouées, il capitalisme qui veut croître à tout prix.
ductive car l’élévation des exigences de ren- obtiendrait une rentabilité de 8 % par an. Cette commission qui se propose d’inven-
tabilité condamne des projets qui n’y On pourrait ironiser : pourquoi pas 15 %, ter un PIB « doux » ou « vert » ou « moral » par-
satisferaient pas ou des activités qui n’y puisque telle est la norme moyenne inter- viendra-t-elle à se débarrasser des dogmes
satisfont plus. Improductive en elle-même nationale ? Mais l’important est ailleurs : les plus tenaces ? En vrac : le travail n’est
car aucune richesse ne sort du capital sans apparaît la naïveté ou le cynisme de l’idée pas ou plus l’unique source de tous les reve-
travail. Instabilité, destruction et stérilité, tel qu’il y aurait une source miraculeuse de nus (d’où vient la rente financière alors ?),
est le triptyque du capitalisme financier. richesse supplémentaire qui pourrait jaillir l’épargne individuelle garantit l’avenir (les
L’aplomb et l’arrogance des idéologues d’une « puissante industrie de l’épargne biens et services tomberont-ils du ciel avec
libéraux n’en sont pas pour autant ébran- retraite » (Michel Aglietta, l’Humanité diman- la capitalisation ?), l’enseignement est une
lés. Ainsi, tel qui fait métier de déclinologue che, 10 avril). Si le rendement d’un place- dépense (quel investissement n’en est-il pas
pense que la France doit « réformer ses struc- ment financier croît plus vite que la pro- une ?), les salariés de la fonction publique
tures », entendez « briser le social », parce duction, cela signifie simplement que le ne produisent rien (et les valeurs d’usage de
que « ce sont les réformes qui feront la croissance capital s’en est approprié une part plus l’éducation, de la santé ?), la nature a une
et la popularité du président » (Nicolas Bave- grande et que la rémunération salariale, valeur économique intrinsèque (combien,
rez, le Monde, 2 avril). L’appel est entendu : incluant les cotisations sociales, a vu la s’il vous plaît, pour la lumière solaire ou
moins pour le logement, la santé et le sienne diminuer. pour l’océan non mercurisé ?).
revenu de solidarité active, et un fonc- On sait depuis longtemps que le capita-
tionnaire partant à la retraite sur deux Le journal les Échos (4 et 5 avril) fait grand lisme est insoutenable socialement et éco-
non remplacé. cas du chiffrage par le Conseil d’orientation logiquement. Ce que la crise actuelle révèle,
Tel autre qui, des années durant, a fustigé des retraites du surcoût des retraites si l’on c’est l’insoutenable légèreté de son idéo-
les réflexions écologiques essayant de don- ne passe pas à 41 ans de cotisations d’ici 2012 logie, le libéralisme économique, lequel est
ner un peu de cohérence au « développe- et à 41 ans et demi d’ici 2020 : 4 milliards aujourd’hui nu pour avoir poussé jusqu’au
ment soutenable », assène maintenant que, d’euros de plus. Inimaginable, n’est-ce pas ? bout l’absurdité de ses hypothèses. La légi-
puisque le « vert est or » (Éric Le Boucher, Eh bien, si, imaginons. Le pire : que le PIB timation du système est en panne, mais
le Monde, 3 avril), les entreprises doivent n’augmente pas du tout d’ici 2020. Alors, reste le système qui ne court pas grand dan-
investir dans le « durable » et préparer ainsi 4 milliards sur 1 800, c’est 0,22 %. Autre- ger avec des velléités moralisatrices. Il faut
de bonnes affaires. Renoncer à la voiture, ment dit, la société ne serait pas capable donc le frapper au cœur : sa circulation
c’est, dit-il, « malthusien ». Et vive les OGM, de déplacer 0,22 % du PIB, à peine plus sanguine (www.stop-finance.org).
le Parlement s’en occupe ! que deux petits millièmes ! Tandis qu’elle J.-M. H.
Arrêtons la guerre
des monnaies ! tionnistes et spéculatives susceptibles de
conduire à une crise future.
« Il est nécessaire de fonder les relations monétaires
internationales sur d’autres principes que la guerre monétaire. La conclusion de cette analyse (un peu tech-
nique) est que l’instabilité des grandes mon-
La stabilité monétaire internationale doit être considérée comme naies – dollar et euro principalement – est
inacceptable car elle conduit inévitablement
un bien public mondial » à des crises dont le coût économique et
social peut être considérable, qu’il s’agisse
des pays développés ou en voie de déve-
Chronique de Dominique Plihon publiée le 4 mars 2004. loppement. Aujourd’hui, les autorités amé-
ricaines font baisser le dollar pour défen-
dre leurs intérêts à court terme, au mépris
epuis l’abandon des changes fixes, au début lar à la baisse, de manière à réduire les prix des dégâts causés dans le monde, tandis
des années 1970, la valeur des monnaies de leurs produits, ce qui a dopé leur crois- que les autorités européennes – BCE en
(mesurée par les taux de change) n’a cessé sance en période électorale, et leur a permis tête – sont une fois de plus impuissantes. Il
La «société
du risque »
L’individualisation des risques sociaux va
de pair avec la socialisation des risques
« Cette “société du risque” participe d’un double mouvement : économiques et financiers. En effet, la
notion de risque est constitutive de la nais-
l’individualisation des risques sociaux d’un côté et la sance de l’imaginaire capitaliste selon
socialisation des risques économiques de l’autre » lequel le risque est la source de l’innova-
tion, et le profit la rémunération juste et
légitime de la prise de risque. Néanmoins,
Chronique de Geneviève Azam publiée le 19 juin 2003. cet esprit du capitalisme naissant était
encore imprégné de l’idéal puritain et
d’une certaine éthique de la responsabilité :
le risque financier était assumé par le pro-
a « réforme » des retraites aujourd’hui, Cet habillage pseudo-philosophique, qui n’hé- priétaire du capital. L’émancipation du
celle de la protection-santé demain, tout site pas à faire référence à Michel Fou- capitalisme vis-à-vis de l’idéal puritain se
comme celle de la transformation du rap- cault par la voix de son ancien secré- traduit aujourd’hui par la dilution de la
Croissance ou écologie ?
entreprises. Et les usagers des services non
marchands paient le prix de ceux-ci de
« La contradition entre ces deux impératifs, résoudre la crise manière collective, via les impôts et les coti-
écologique et obtenir une croissance très forte, souligne à quel sations sociales qui, en socialisant cette prise
en charge, la répartissent un peu plus équi-
point l’achèvement de la marchandisation du monde par le tablement que ne le ferait le marché, et,
ainsi, les « prélèvements » valident l’antici-
capitalisme conduit à une impasse globale » pation publique des besoins sociaux. Dans
les deux cas, le paiement valide le travail
productif de ladite « valeur ajoutée ».
Chronique de Jean-Marie Harribey publiée le 15 novembre 2007. Voilà de quoi heurter les croyances les
plus répandues que l’on peut réfuter par
le raisonnement suivant : si l’activité
tre ou ne pas être écologiste. Après avoir appliquées. De l’autre, il mandate une humaine se démarchandisait progressi-
mateurs paient individuellement le prix des la croissance. Être ou ne pas être écologiste
automobiles qu’ils achètent, et leurs achats et solidaire…
Il faut faire de la socialisation de la richesse la plus vitale un processus irréversible. valident les anticipations de débouchés des J.-M. H.
On estime que 90 % des personnes concernées par les désastres « naturels » liés au réchauffement habitent dans des pays ou des régions pauvres.
Il faut s’attendre
à des migrations
Sale temps pour les pauvres massives de
réfugiés
La moitié de la population mondiale vit
dans des zones côtières qui seraient sub- environne-
« La “dette écologique” du Nord vis-à-vis du Sud, accumulée
mergées si le niveau des mers s’élevait d’un
mètre, évaluation prudente pour le siècle à
mentaux :
pendant des décennies, est énorme » venir si les tendances actuelles persistent. 150 millions
Il faut donc s’attendre à des migrations
massives de réfugiés environnementaux : dans le monde
vingt millions avant la fin du siècle rien dès 2050 selon
Chronique de Jean Gadrey publiée le 29 septembre 2005. que pour le Bangladesh, 150 millions dans
le monde dès 2050 selon des chercheurs des chercheurs
d’Oxford. Pour maintenir le réchauffement
climatique dans des limites (presque) tolé- d’Oxford.
TOUS LES ÉCONOMISTES et les « responsables » sera compris entre 2 °C et 6 °C, sans même rables, il faudrait, selon la New Economics
politiques, ou presque, célèbrent le culte évoquer des scénarios nettement plus pes- Foundation, que chaque habitant du monde
de la croissance, condition selon eux de la simistes mais non dénués de fondements. ne dépasse pas un niveau d’émissions de 0,46
création d’emplois et de la satisfaction de Or, ces catastrophes toucheraient en prio- tonne de carbone par an. En 1995, aux
besoins en expansion. À l’échelle mon- rité les populations les plus pauvres de la États-Unis, ce chiffre était de 5,3 tonnes, soit
diale, ils défendent, au moins en principe, planète, qui dépendent le plus des « aléas » 12 fois plus. La « dette écologique » du
les « objectifs du millénaire » des Nations climatiques. Elles pourraient réduire à Nord vis-à-vis du Sud, accumulée pendant
Unies, visant à réduire fortement la pau- néant les objectifs du millénaire pour 2015, des décennies, est énorme.
vreté. Or ces objectifs ne seront pas atteints et provoquer des régressions au-delà. Limi- La question qui nous est posée est donc la
si les questions environnementales n’y tons-nous au premier de ces objectifs : suivante : la croissance telle que nous
sont pas intégrées en première ligne, et si réduire de moitié la proportion de pauv- l’avons connue et célébrée est-elle com-
la religion de la croissance n’est pas contes- res et la proportion de personnes souf- patible avec cette contrainte de survie ?
tée. On se limitera au cas du réchauffe- frant de la faim. Sinon, comment penser « l’a-croissance »,
ment climatique, bien que d’autres voyants une idée neuve du progrès, dégagée de la
soient au rouge : polluants organiques On estime que 90 % des personnes concer- religion productiviste du « toujours plus »,
persistants, biodiversité, épuisement des éco- nées par les désastres « naturels » liés au et fondée sur d’autres indicateurs de bien-
systèmes… réchauffement habitent dans des pays ou être ? Quelles transitions peut-on envisa-
Depuis une dizaine d’années, les travaux régions pauvres. Dans certaines régions ger ? Quelles activités et quels emplois
scientifiques s’accumulent et convergent : (Sahel, Amérique centrale, Bangladesh, développer, quelle organisation produc-
ceux du Groupe intergouvernemental d’ex- Pacifique sud…), ces désastres peuvent tive, quelle « relocalisation » de l’économie ?
perts sur l’évolution du climat), du Pro- anéantir en quelques heures des années Mais aussi : quelle redistribution mon-
gramme des Nations unies pour l’envi- de progrès du développement humain. diale dans le cadre d’une affirmation de
ronnement (Pnue), de l’Agence européenne Selon la Croix-Rouge et le Croissant- l’égalité des droits d’accès aux ressources
pour l’environnement, etc. Rouge, le nombre de personnes gravement environnementales ?
Que disent-ils ? Que l’accélération du réchauf- affectées par de telles catastrophes est L’histoire montre que, dans des circons-
fement climatique dans la période récente passé de 740 millions dans les années 1970 tances exceptionnelles, l’économie d’un
est directement liée aux émissions d’ori- à plus de 2 milliards dans les années 1990. pays peut être profondément restructurée
gine humaine de gaz à effet de serre, prin- Les pertes économiques correspondantes en peu de temps sans catastrophe sociale,
cipalement le CO2. Que, au-delà d’un seraient passées de 131 milliards à 629 dès lors qu’existe une claire conscience de
réchauffement de 2 °C par rapport à l’époque milliards, soit plus que dix ans d’aide périls communs. Cette prise de conscience
préindustrielle (on est actuellement à 1 °C, publique au développement. Selon le Pnue, tarde pour les risques environnementaux,
et compte tenu des émissions passées et le coût du réchauffement climatique double parce que d’énormes intérêts privés sont
actuelles, on atteindra 1,5 °C d’ici peu), des tous les dix ans. Selon d’autres estima- en jeu et que les réseaux de la pensée unique
catastrophes humaines mondiales sont pré- tions, les pertes économiques de ce type minimisent les enjeux. Il appartient aux
visibles : sécheresses, inondations et tem- dépasseraient le PIB mondial au cours contre-réseaux de s’y mettre. Quand « la
pêtes, élévation du niveau des mers, etc. des années 2060 ! Calculs contestables, maison brûle », il faut cesser d’y entasser
Que, au cours du XXIe siècle, sur la base sans doute, mais guère plus que ceux de des bombes à retardement.
des tendances actuelles, le réchauffement l’économie usuelle. J. G.
13 MAI 1968-13 MAI 2003. « Sous les pavés, la fait le cynique aveu : « Un système de retrai- Peut-on imaginer pire pour ceux qui souf-
plage », disait-on il y a juste trente-cinq tes par répartition peut déprimer l’épargne frent de névrose obsessionnelle de la ren-
ans. Et sous les retraites, qu’y a-t-il ? On nationale parce qu’il crée de la sécurité dans tabilité ? Oui, il y a pire encore. Les
reste un peu abasourdi devant l’indigence le corps social. » Mais cela ne suffit pas pour retraites par répartition présentent une
des arguments ressassés par la propagande comprendre la violence du patronat et du grande similitude avec le principe du
libérale. Les augures du vieillissement gouvernement contre les retraites. Il y a plus don : « donner, recevoir, rendre ». Celui
démographique ignorent-ils que les gains grave qui leur rend la chose insupportable. qui donne n’attend pas de retour équi-
de productivité compenseront la diminu- Le système de retraites par répartition valent. Ainsi, les cotisations sociales ser-
tion de la proportion d’actifs par rapport instaure une dette sociale et pérennise sa vent à payer les retraites dans l’instant
aux retraités ? Oublient-ils que depuis transmission intergénérationnelle. Une et ne sont pas égales à ce que percevront
vingt ans la part de la masse salariale dans dette qui s’éteint et renaît à chaque instant. plus tard les cotisants actuels qui dépen-
le PIB français a perdu 10 points et qu’on La génération qui travaille éteint sa dette dront de la production future. Celui qui
pourrait envisager d’inverser la tendance vis-à-vis de la génération précédente qui reçoit accepte le bienfait sans comparer
pour prendre en charge des retraités plus lui a donné la vie et l’a élevée et elle enclen- avec ce qu’il a donné ou bien il rendra
nombreux et leur assurer une progression che une dette que contracte à son tour la sans compter, c’est-à-dire sans compa-
du niveau de vie identique à celle des sala- génération suivante à son égard. rer avec ce qu’il a reçu. En inventant la
riés ? Les adeptes de l’allongement de la Quelle abomination ! Une dette collec- Sécurité sociale et les retraites par répar-
durée de cotisations n’ont-ils pas compris tive sans fin au royaume des rapports tition, on a donné une place à une sphère
que celui-ci n’augmentera pas le taux d’ac-
tivité tant que l’emploi ne progressera
pas ? Les thuriféraires des fonds de pen-
sion ne savent-ils pas que ceux-ci ne pro-
duisent rien ?
pensions » peut fonctionner pour les bas revenus, la le Conseil d’analyse économique. Les références citées sont
réponse est négative, ne serait-ce que parce que les disponibles sur le site « Vive la répart ! » http://reparti.free.fr/
La leçon
du Clemenceau encore du Bangladesh, sans avoir été pré-
alablement dépollués. Les pleurs du patro-
« Opposer les écologistes et les travailleurs revient également à nat des chantiers navals en Inde et ailleurs
minimiser la victoire juridique et à laisser entendre finalement sont plus que compréhensibles. Le marché
des « déchets » exportés vers le Sud sous cou-
qu’il y aurait une hiérarchie du droit, que la misère autoriserait vert de « matières recyclables » devient une
toutes les transgressions » activité économique majeure, et les pays à
bas salaires et faible réglementation envi-
ronnementale en sont les destinataires, tout
Chronique de Geneviève Azam publiée le 2 mars 2006. comme ceux qui, au Sud, acceptent les
déchets les plus toxiques du Nord pour
régler leur dette extérieure.
Opposer les écologistes et les travailleurs
es écologistes célèbrent leur victoire, les chantiers nécessairement et de manière évidente revient également à minimiser la victoire
« navals de la baie d’Alang pleurent », écrit un
journaliste du Monde daté du 17 février,
issus des pays du Nord, et ceux qui tra-
vaillent, issus nécessairement du Sud,
juridique et à laisser entendre finalement
qu’il y aurait une hiérarchie du droit, que
Relocaliser le développement
se situe dans la catégorie des pays inter-
médiaires, a compris cet enjeu. Les auto-
« L’alternative au néolibéralisme et au libre-échange généralisé rités chinoises viennent de décider des Dans les pays
passe par la construction d’un modèle de développement plus mesures tournées vers la satisfaction des
développés,
besoins domestiques, ce qui initie un rééqui-
autocentré, moins productiviste et plus solidaire » librage de leur modèle de développement. les besoins
Dans les pays développés, les besoins non non satisfaits
Chronique de Dominique Plihon publiée le 22 mars 2007. satisfaits sont également importants. C’est
le cas dans les domaines de la santé, de sont importants.
IL EST DEVENU ÉVIDENT POUR L’IMMENSE majo- Plusieurs séries de propositions ont été
l’éducation (tout au long de la vie), des C’est le cas
banlieues, de la qualité de la vie (garde
rité que la mondialisation néolibérale est avancées à ce sujet, dans ces colonnes et d’enfants, aide aux personnes âgées, etc.). dans les
un système économique inefficace et au sein d’Attac (1). Parmi celles-ci, le recours Un développement de ces services, sous
injuste. Les dégâts écologiques de la course au protectionnisme. Cette arme doit être l’impulsion des politiques publiques, pré- domaines
au productivisme risquent de devenir irré-
versibles. Les inégalités s’amplifient entre
maniée avec prudence car elle risque d’avoir
des effets pervers, et elle n’est pas à la hau-
senterait de nombreux avantages de nature
économique, sociale et écologique. Ces
de la santé,
les pays de la planète et à l’intérieur des teur des enjeux. Le danger provient de ce dépenses ont en effet un contenu faible en de l’éducation,
pays. Le cas de la Chine, considérée comme que la fermeture des frontières est une importation, mais élevé en emploi : on a cal-
le grand gagnant de la mondialisation, est démarche non coopérative. Les pays du culé qu’en France, le développement des des banlieues,
révélateur. Les inégalités de revenu n’y
ont jamais été aussi fortes (de 1 à 3) entre
Sud ne comprendraient pas que les pays
du Nord ferment leurs frontières à leurs
services aux particuliers pouvait conduire
à la création de 1 à 3 millions d’emplois (3).
de la qualité
la zone côtière industrialisée et les exportations, car ils n’auraient plus les En second lieu, s’agissant de services, c’est- de la vie.
800 millions de paysans. Par ailleurs, les moyens – sauf à s’endetter – d’importer à-dire de biens immatériels, leur produc-
déséquilibres internationaux ne cessent les biens industriels et les technologies dont tion est peu polluante et peu consommatrice
de s’amplifier : le déficit abyssal des États- ils ont besoin pour se développer. L’autar- d’énergie. Enfin, le développement de ce sec-
Unis pompe les deux tiers de l’épargne cie est aussi dangereuse que l’ouverture teur renforcera la cohésion sociale en favo-
mondiale tandis que la Chine accumule des totale. Il est donc préférable d’opter pour une risant des relations de proximité et inter-
réserves de 1 000 milliards de dollars… ouverture extérieure sélective et négociée (2), générationnelles.
Une grave crise financière internationale afin de favoriser une relocalisation des acti- Au total, l’alternative au néolibéralisme
se profile à l’horizon. vités économiques et de protéger les sec- et au libre-échange généralisé passe par la
teurs prioritaires comme l’agriculture vivrière construction d’un modèle de développe-
Le seul remède de fond à la mondialisation néo- et les industries naissantes. ment plus autocentré, moins producti-
libérale est la mise en place d’un modèle de viste et plus solidaire. Ce modèle sera
développement moins extraverti. Aujour- Le principal objectif doit donc être de réorien- gagnant-gagnant, au sens où il amélio-
d’hui, en effet, le commerce extérieur a ter la production et la consommation vers rera la situation de l’ensemble des pays de
pris une place excessive dans la plupart des le marché intérieur, en cherchant à répon- la planète et des acteurs de la société. À
pays de la planète à la suite d’une libérali- dre en priorité aux besoins non satisfaits. condition que des politiques publiques
sation commerciale beaucoup trop poussée. Un tel rééquilibrage implique des politiques volontaristes et appropriées accompagnent
Chaque pays cherche à prendre des parts publiques volontaristes. Dans les pays en cette transformation…
de marché à ses concurrents par tous les développement, un État social fort est néces- D. P.
moyens pour stimuler sa croissance. Dans saire afin de couvrir les risques sociaux et
ce jeu inégal, il y a des perdants et des d’accroître les dépenses publiques de santé (1) Voir la dernière lettre électronique du conseil
gagnants, en dépit de la doctrine néolibé- et d’éducation. Pour les pays les moins scientifique d’Attac : www.france.attac.org/
spip.php?article6931
rale qui veut que tous les partenaires aient avancés, généralement pauvres en ressources (2) Proposition n° 3 du Manifeste altermondialiste
intérêt au libre-échange. naturelles et financières, une aide publique d’Attac.
Comment favoriser un développement internationale massive, pas uniquement (3) « Productivité et emploi dans le tertiaire »,
moins dépendant des aléas extérieurs ? financière, est indispensable. La Chine, qui Rapport du Conseil d’analyse économique, 2004.
L
médias si l’on accordait autant une stagnation ou une régression du niveau
d’importance aux indicateurs sociaux de vie, et parfois sur une longue période.
qu’à la croissance économique ou aux Quasi-stagnation depuis 2000 pour le pouvoir
performances boursières. Il est rare d’achat du salaire horaire médian, qui n’est, en
qu’un record mette près de quatre-vingts ans 2007, que 8 % supérieur à son niveau de…
à être battu. Mais les politiques néolibérales 1973 ! Progression infime du salaire réel
au service des nantis et des actionnaires, hebdomadaire des salariés non-cadres depuis
appliquées avec obstination depuis les 2000, etc.
années 1980 aux États-Unis et ailleurs, ont Quant au pouvoir d’achat du salaire minimum
permis cette « performance ». horaire fédéral, mesuré en
Une étude récente (15 mars dollars constants de 2008, il
2008) d’Emmanuel Saez, approchait les 10 dollars en
économiste à Berkeley « La croissance 1968. Il n’était plus que de
(Californie), en fournit les 5,15 dollars en 2007 ! Certes,
preuves (1). américaine, que ce salaire minimum de misère
Dans cette étude, on suit, touche, aux États-Unis, une
depuis 1917, la part du revenu beaucoup nous proportion de salariés plus
de l’ensemble des ménages montrent en faible qu’en France. Certes,
qui revient aux 10 % les plus beaucoup d’états américains
riches. On a alors une assez exemple, s’est pratiquent des niveaux
bonne idée de l’évolution des supérieurs, de l’ordre de 7 à
inégalités, sous l’angle de la traduite, pour la 8 dollars. Certes, des
concentration des richesses majorité de la revalorisations sont prévues
« en haut ». La courbe obtenue au niveau fédéral en 2008 et
fait partie de ces rares population, par une 2009, mais cela ne conduira,
graphiques dont on aimerait en 2010, qu’à un pouvoir
qu’ils fassent le tour du monde stagnation ou une d’achat de 7,2 dollars, bien
et la couverture des régression du inférieur à celui de 1968…
magazines, en alternance avec En France, l’évolution des
des courbes semblables sur niveau de vie, et inégalités de revenu, évaluée
l’empreinte écologique des selon les mêmes critères, est
nations… Qu’y voit-on ? parfois sur une moins catastrophique, mais
longue période » elle suit une tendance
1) En début de période, de semblable, surtout dans la
1917 à 1928, la part du gâteau période récente, comme l’a
qui revient aux 10 % les plus Chronique de Jean montré une belle étude de
riches grimpe de 40 % à 49 %, Camille Landais de juin 2007 :
reconnaître cette oppression spécifique, un très haut niveau. Un déclin Gadrey publiée le entre 1998 et 2005, la
ou n’y voir qu’un avatar du « racisme modeste commence ensuite, 12 juin 2008. progression du pouvoir d’achat
anti-pauvres », c’est relativiser la légitimité suivi par un plongeon pendant du revenu fiscal des 90 % des
de politiques directes contre les discri- la guerre, ou cette part chute ménages du bas n’a été que de
minations racistes. C’est aussi nier le à 33-34 %. Plus étonnant est 4,6 %, contre 19,4 % pour les
droit des minorités discriminées à s’or- le fait que ce niveau assez bas reste de mise 1 % les plus riches et 42,6 % pour les 0,01 %
ganiser de façon autonome, comme la ensuite, de 1945 à la fin des années 1970. Plus les plus riches. Il concluait ainsi : « La
gauche l’a longtemps refusé aux femmes. de trois décennies d’inégalités relativement tendance actuelle n’exclut pas que la France
Les expériences de testing menées par réduites, selon ce critère. puisse converger vers les modèles anglo-
les associations confirment pourtant très 2) À partir de 1981-1982, années charnières saxons. Tous les éléments disponibles pour
clairement les très rares études statis- pour les inégalités, y compris en France, un 2006-2007 laissent d’ailleurs penser que la
tiques disponibles : à origine sociale et retournement de tendance survient puis tendance de croissance des hauts revenus
diplôme égaux, les jeunes Français « issus s’accélère. Le néolibéralisme qui s’installe a et des hauts salaires se poursuit, voire
des effets incroyablement bénéfiques pour les s’amplifie. »
de l’immigration » ont trois à quatre fois
plus riches. La seule vraie solution à la crise sociale
plus de « chances » d’être au chômage 3) Après 25 ans de progression forte et actuelle consiste à réduire fortement les
(ou de ne pas être convoqués à un entre- presque continue des inégalités, l’année 2006, inégalités. En reprenant aux plus riches la part
tien d’embauche) que les jeunes Fran- dernière année pour laquelle on dispose de des revenus qu’ils ont capturée depuis 1982
çais « de souche ». données, enregistre un record historique : les (via notamment la distribution de dividendes,
Si les études sont peu nombreuses sur ce 10 % les plus riches dépassent leur la spéculation financière et d’incroyables
sujet, c’est le fait notamment de la réti- performance de 1928 et, pour la première fois, cadeaux fiscaux), il y aurait largement de quoi
cence de l’Insee à introduire dans ses ques- ils accaparent la moitié du revenu des éradiquer la pauvreté en France.
tionnaires des questions à propos de ménages. J. G.
l’origine ethnique des personnes. Il y a 4) Les grands gagnants depuis les (1) http://elsa.berkeley.edu/~saez/saez-UStopincomes-
certes de bonnes raisons à la prudence, années 1980 ont été les 1 % les plus riches. 2006prel.pdf
Leur part du gâteau, qui avait chuté de 24 % (2) Voir les sources sur mon blog, accessible via le site
pour éviter les dérives et la mise en fichier d’Alternatives économiques.
des minorités. Mais il n’est plus possible en 1928 à « seulement » 8 % au cours des
que le système statistique continue à jeter années 1970, retrouve en 2006 un
un voile sur ces questions. Des progrès ont poids de 23 %.
été réalisés depuis peu, puisque les enquê- 5) Enfin, l’auteur fournit un calcul de
tes de l’Insee permettent de distinguer non l’évolution du pouvoir d’achat entre
seulement les Français des étrangers, mais 2002 et 2006, période de la forte
« croissance Bush », d’une part pour les
désormais aussi les Français issus de l’im-
1 % les plus riches (11 % de progression
migration des autres Français. Il est à sou- par an en moyenne), d’autre part pour
haiter que soient régulièrement publiées des tous les autres ménages (0,9 % par an
données sur le chômage, l’emploi, le loge- en moyenne). Près des trois-quarts de
SOURCE : PIKETTY AND SAEZ, BERKELEY
Controverse sur
le pouvoir d’achat théorie du chômage volontaire, encaissa
à ce point la critique qu’il répondit à Key-
« Selon le raisonnement des experts libéraux, cette baisse du nes sur un terrain très keynésien : selon
salaire réel aurait cependant dû réduire le chômage, à condition « l’effet Pigou », la baisse des prix accroî-
trait le patrimoine des épargnants, qui
que les travailleurs acceptent des emplois à plus bas salaires… consacreraient alors une part supplé-
Tout refus de leur part signifierait que l’économie est en plein- mentaire de leur revenu à la consomma-
tion… Le système ne s’effondrerait donc
emploi » pas pour peu que les capitalistes consom-
ment leurs dividendes.
Chronique de Liêm Hoang-Ngoc publiée le 11 mars 2004. Dans l’actuel contexte européen, où la poli-
tique monétaire demeure restrictive, Keynes
et Pigou seraient sans doute tombés d’accord
INITIÉE CONTRE LA LOI GALLAND par Michel- emploi. Dans cette situation, toute baisse pour dire que la poursuite de la modéra-
Édouard Leclerc, la controverse sur les du salaire réel devrait même s’accompa- tion du salaire nominal avait une chance
chiffres de l’inflation, à l’évidence minimisés gner d’une hausse du nombre de chômeurs de provoquer un effet sur l’investissement
par l’Insee, a occulté les effets macroéco- volontaires préférant bénéficier des allo- et la consommation, pourvu que les entre-
nomiques de la perte de pouvoir d’achat cations chômage ! prises n’aient pas augmenté leurs prix…
réellement subie par les salariés depuis le Keynes n’aurait pas manqué pas de moquer Or, leur comportement de maximisation
passage à l’euro. L’évolution des salaires, cette curieuse assertion sur laquelle repose du taux de marge rend aujourd’hui impos-
inférieure à celle des prix, est passée inaper- la théorie libérale du chômage. Tout le sibles à la fois « l’effet Keynes » et « l’effet
çue dans les statistiques, et ce pour deux monde a pu observer la flambée des prix Pigou ». Le profit serait-il devenu l’ennemi
raisons. Tout d’abord, l’incorporation de des biens de consommation courante lors de l’investissement et de l’emploi ?
l’innovation par les constructeurs, pour du passage à l’euro. Pour les libéraux, la L. H.-N.
un prix inchangé, est considérée comme perte de pouvoir d’achat subie par les
source de désinflation par l’Insee, sans ménages aux revenus inférieurs à la
qu’elle ne soit perçue comme telle aux médiane aurait dû les conduire à préférer
yeux du consommateur, contraint d’ac- le chômage au travail, et l’enquête-emploi
cepter les produits du marché. Mais sur- de l’Insee aurait dû enregistrer une vague
tout, le calcul du revenu disponible des substantielle de démissions…
ménages inclut les produits de l’épargne,
dont la part s’est substantiellement accrue. Mais Keynes soulignait en outre que l’effet
Or ces revenus du capital ne profitent positif sur l’emploi d’une baisse du salaire
qu’aux ménages les plus aisés, détenteurs ne pouvait survenir que dans un seul cas
de titres, dont les gains de pouvoir d’achat de figure, ignoré par la théorie « classique ».
sont d’ailleurs minimisés par l’indicateur Pour en expliciter le mécanisme, il sup-
de pouvoir d’achat qui raisonne sur la pose que toute baisse des salaires puisse
moyenne des revenus salariaux et non- s’accompagner d’une baisse proportionnelle
salariaux de tous les ménages. Du coup, des prix fixés par les entreprises. Dans ce
les ménages les moins aisés (50 % des cas, l’incitation à l’embauche ne transite
ménages ont un revenu inférieur à pas par le canal de la baisse du coût du
1 200 euros) ne bénéficient pas de l’aug- travail puisque le salaire réel est inchangé.
mentation présumée du pouvoir d’achat L’effet exercé par la baisse des salaires
tout simplement parce qu’ils ne détien- passe en fait par le canal de la baisse des
nent pas de titres et que leurs salaires ont prix qui provoque, pour une masse moné-
évolué à un rythme fréquemment infé- taire nominale donnée, un accroissement
rieur à celui de l’inflation et de la pro- de la masse monétaire réelle. Ceci équivaut
ductivité… depuis 1983. à une relance monétaire ayant pour effet
de réduire les taux d’intérêt et de provo-
Selon le raisonnement des experts libéraux, quer une reprise de l’investissement et de
cette baisse du salaire réel aurait cependant l’emploi, pour peu que les entrepreneurs
dû réduire le chômage, à condition que réagissent positivement à la baisse des
BUREAU/AFP
les travailleurs acceptent des emplois à taux. Cet effet est connu dans la littéra-
plus bas salaires… Tout refus de leur part ture économique sous le terme « d’effet
signifierait que l’économie est en plein- Keynes ». Arthur Pigou, l’auteur de la Le rapport de la commission Attali proposait, en janvier
Le partenariat, nouvelle
machine de guerre L’engrenage libéral fait que chaque libéra-
lisation en appelle une autre. Avec le nou-
« Si, dans les années 1980, la politique libérale a consisté veau contrat « PPP », c’est en effet l’en-
à dénoncer toute intervention publique au nom des défaillances semble des équipements publics qui pourront
faire l’objet d’un marché global confié au
de l’État, on recherche désormais de “bonnes” politiques privé, sans passer par les lois en vigueur en
matière d’appels d’offre : hôpitaux, écoles,
publiques, conçues comme contractualisation des rapports bâtiments administratifs. Le plan Hôpital
public-privé » 2007 prévoit explicitement la construction
des hôpitaux par des fonds privés. Le groupe
Bouygues est un « partenaire », fin prêt et
Chronique de Geneviève Azam publiée le 8 janvier 2004. avec déjà une longueur d’avance puisque,
dans le cadre de la loi anglaise de 1992, il
vient d’obtenir un contrat de trente ans pour
la conception-réalisation-maintenance d’un
e partenariat sous toutes ses formes habille cement privé et pour des motifs officiels hôpital londonien.
les discours relatifs aux politiques publiques « d’urgence », trente nouvelles prisons devant Mais le « PPP », c’est également le modèle
et à la gestion des biens communs. Appliqué être construites d’ici 2007, l’État s’affranchit français de délégation de service public. La
Des militants de Génération précaire lors d’une manifestation pour dénoncer les abus dont sont victimes les stagiaires dans certaines entreprises.
Le plein-emploi précaire
justifié la création de la prime pour l’emploi
par le gouvernement Jospin. Ou le revenu
« Si les gouvernants cherchent à focaliser l’attention de solidarité active de Ségolène Royal, afin
exclusivement sur le taux de chômage, c’est parce qu’on peut le que « les bénéficiaires de minima sociaux qui
reprennent un emploi voient leurs revenus aug-
faire baisser en multipliant les emplois précaires, à temps menter d’un tiers ».
partiel, à bas salaires, bref les “emplois inadéquats” » Il faut le dire et le répéter : toutes les études
disponibles, statistiques, sociologiques ou
ethnographiques, montrent que l’immense
Chronique de Thomas Coutrot publiée le 17 mai 2007. majorité des chômeurs vit le chômage
comme une souffrance et cherche à en
sortir. La prime pour l’emploi ou le revenu
« AUJOURD’HUI, C’EST LE PLUS FAIBLE TAUX de résultat de l’enquête sur l’emploi de 2006 : de solidarité active sont supposés « acti-
chômage en France depuis 25 ans. Je ne dis le chômage est resté stable cette année par ver » les chômeurs et « rendre le travail plus
pas que l’on a tout réussi, mais c’est le taux le rapport à 2005, alors que le chiffre officiel attractif » (comme dit l’OCDE). Comme
plus faible. » Lors de son débat avec Ségo- a baissé de 10 %. La direction de l’Insee a si le chômage était volontaire ! Depuis sa
lène Royal, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité tenté de discréditer sa propre enquête en mise en place, aucune étude n’a d’ailleurs
à reprendre le mensonge officiel. Sans alléguant des problèmes techniques, mais pu montrer que cette innovation « de gau-
s’attirer d’ailleurs le moindre démenti de les statisticiens, même ceux – fait sans pré- che » qu’a été la prime pour l’emploi avait
sa rivale, qui a préféré enchaîner sur la cédent – de l’Office européen de statis- eu le moindre effet sur le retour à l’em-
trop grande « rigidité » de la loi sur les tiques, ont réfuté ce mauvais procès. ploi des chômeurs.
35 heures. Tout au long de la campagne Outre le durcissement des sanctions contre
présidentielle, Nicolas Sarkozy s’est engagé Nicolas Sarkozy table sur les mêmes artifices les chômeurs, qui vise à leur imposer des
à atteindre le « plein-emploi en cinq ans ». pour dégonfler le taux de chômage pen- emplois dégradés, Sarkozy a annoncé l’ins-
Mais quel plein-emploi ? « Atteindre le plein- dant les cinq années à venir. Il l’a claire- tauration rapide du « contrat unique » : un
emploi signifie baisser le taux de chômage de 3,4 ment annoncé : « Je propose que l’on ne nouveau CPE, mais pas réservé aux jeu-
points (de 8,4 % en février 2007 à 5 % en puisse pas, lorsqu’on est chômeur, refuser nes. Comme si la précarisation générali-
2012) (1). » Il est vrai que Dominique plus de deux offres d’emplois successives sée de l’emploi était une solution au pro-
de Villepin a montré la voie en faisant qui correspondent, bien sûr, à vos qualifi- blème du chômage ! D’où l’importance
baisser le taux officiel du chômage de qua- cations et à la région où vous habitez ». de la controverse sur les indicateurs statis-
siment 2 points en deux ans (de 10 % en Une telle mesure, bien entendu, ne créera tiques. Si les gouvernants cherchent à foca-
juin 2005 à 8,3 % en mars 2007). Au pas un seul emploi : à supposer même que liser l’attention exclusivement sur le taux de
rythme actuel, l’objectif sarkozien n’ap- « 500 000 offres d’emploi ne sont pas satisfai- chômage, ce n’est pas seulement parce qu’il
paraît pas irréaliste. tes », il y a plus de 4 millions de deman- est facilement manipulable. C’est aussi
Seul problème : depuis deux ans, la baisse deurs d’emploi inscrits à l’ANPE ! parce qu’on peut le faire baisser « à l’an-
du nombre d’inscrits à l’ANPE n’a plus Le chômage n’est évidemment pas dû au glaise », en multipliant les emplois précai-
grand-chose à voir avec une baisse du chô- manque d’enthousiasme des chômeurs res, à temps partiel, à bas salaires, bref les
mage. Le collectif « Les autres chiffres du pour occuper les emplois disponibles. « emplois inadéquats » (au sens du Bureau
chômage » le dénonce depuis le début de Mais Sarkozy a seriné le refrain de « l’as- international du travail). Exiger l’élabora-
l’année : le plan de « cohésion sociale » de sistanat » financé aux dépens de « la France tion par le système statistique public d’in-
Jean-Louis Borloo et les mesures musclées qui se lève tôt ». Cette petite musique, dicateurs alternatifs pour mieux décrire la
du directeur de l’ANPE, Christian Charpy, jouée par les médias et les économistes précarisation de l’emploi et du travail, c’est
ont multiplié les radiations, les sanctions néolibéraux depuis des années pour cul- aussi lutter, sur le terrain idéologique et
et les pressions sur les chômeurs. Plus de pabiliser les chômeurs, a trouvé l’oreille politique, contre le néolibéralisme et l’in-
200 000 d’entre eux se sont évaporés des lis- de l’opinion. sécurité sociale. T. C.
tes de l’ANPE, sans avoir pour autant re- Rien d’étonnant à cela puisque les sociaux- (1) Voir http://sarkozyblog.free.fr/index.php?
trouvé un emploi. L’Insee a confirmé ce libéraux l’ont eux-mêmes chantée. Qu’on 2007/04/16/331-le-plein-emploi-en-cinq-ans-c-est-
diagnostic, en publiant à contrecœur le se rappelle le rapport Pisani (2000), qui a possible
L’an un
de la Sarkonomics pulaires parce qu’elle creuse les inégalités,
au nom de l’efficacité. Elle n’a pas provo-
« La “Sarkonomics”, succédané hexagonal de la Reaganomics, a qué de choc sur la croissance et creusera les
pour but de rendre irréversible le détricotage du compromis de déficits publics, malgré ses intentions.
1945, inspiré du programme du Conseil national de la Résistance » Le mal n’est pas propre à la France, certes plus
atteinte au cours de ces dernières années.
La Sarkonomics est la copie « bling-bling »
Chronique de Liêm Hoang-Ngoc publiée le 15 mai 2005. de la politique conduite par nos partenai-
res européens, dont on vante l’exempla-
rité. Or, la zone euro est celle où la crois-
n 1970, Richard Nixon déclarait : « Nous som- salaires dans la valeur ajoutée a reculé de sance est la plus faible du monde. La
mes tous keynésiens. » À peine dix ans plus tard, dix points. L’autonomie des universités monnaie est surévaluée. Le pouvoir d’achat
la « Reaganomics » incarnait la rupture de est en marche. baisse. L’investissement est à la traîne. L’Al-
est assumée au grand jour en 1993 par merce extérieur) se creusèrent. Le chômage
Édouard Balladur, nommé Premier minis- atteignit un pic de 9 % en 1983.
tre de la deuxième cohabitation (et flan- La « Reaganomics » s’était elle aussi soldée
qué de Nicolas Sarkozy au budget), après par un échec économique. Les États-Unis sont redevenus keynésiens sans
la défaite des séguinistes au RPR. Le clou le dire depuis le sommet du G5 de 1985.
est enfoncé au cours de la dernière légis- Les prochains chantiers enfonceront un Aujourd’hui, face à la récession qui s’an-
lature, avec l’aide zélée de François Fillon peu plus le clou. La revue générale des nonce, ils baissent les taux d’intérêt, déva-
(jadis chantre du gaullisme social) sur les politiques publiques réduira l’armée des luent leur monnaie et pratiquent le déficit
retraites et de Dominique de Villepin, inau- hussards de la République. Une nouvelle budgétaire. Au même moment, la France
gurant le bouclier fiscal et lançant les pre- « réforme » des retraites allongera la durée et l’Eurogroupe sont plombés par un euro
mières flèches contre le CDI. de cotisation et réduira le niveau des pen- cher. À la veille de la présidence française
sions, condamnant les salariés à sous- du Conseil européen, le débat promis sur
À l’issue de ces deux dernières décennies, « l’ou- crire aux fonds de pensions. La « moder- la politique monétaire européenne semble
verture à la concurrence » est en passe de nisation » du marché du travail dépouillera enterré. Au nom du respect dogmatique
s’achever dans tous les secteurs straté- le CDI de ses protections. La montée en du pacte de stabilité, les plans de rigueur
giques. Le système fiscal a été rendu de puissance des franchises pourrait conduire nous plongent dans le cercle vicieux de la
moins en moins redistributif. Les retraites à la privatisation progressive de décroissance et des déficits. L’approfon-
ont été « réformées ». Contrairement à l’assurance-maladie. dissement des réformes structurelles, réclamé
une idée reçue, la part des dépenses de par certains apprentis sorciers, ne fera que
l’État en tant que tel a diminué. Au sein La politique économique de Nicolas Sarkozy serrer la corde autour du cou d’un pendu
des dépenses de l’État, la part des dépenses est à cet égard parfaitement cohérente. Elle qui ne respire déjà plus.
de fonctionnement a baissé. La part des souffre inévitablement de « couacs » impo- L. H.-N.
Les dogmes
se fissurent refusent de se l’appliquer. Mais si elle per-
met des succès temporaires comme celui
« L’immense majorité des paysans africains ou latino-américains de Cancún, cette tactique serait à terme
suicidaire pour le mouvement altermon-
n’auraient rien à gagner à une libéralisation des échanges dialiste. Elle revient en effet à s’aligner
agricoles mais beaucoup à une protection de leurs productions » sur les intérêts mercantiles des grands
groupes agro-exportateurs de certains
pays du Sud, au détriment des alliances
Chronique de Thomas Coutrot publiée le 25 septembre 2003. entre paysans du Nord et du Sud, que
porte par exemple Via Campesina. L’im-
mense majorité des paysans africains ou
Délocalisations :
le nouveau bouc émissaire ?
vague, le PS propose de développer une
politique industrielle à l’échelle européenne,
« La logique de la rentabilité à tout prix est au cœur du phénomène de développer la recherche, de « renforcer
du chômage de masse : restructurations, externalisations, les droits sociaux des salariés pour les adapter à
ces phénomènes ». Le PC est plus précis :
dégraissages, licenciements boursiers sont le lot quotidien des dans un projet de loi récemment déposé à
l’Assemblée, il en revient au bon vieux
entreprises. Les délocalisations ne sont qu’une des modalités de « Produisons français » des années 1980. Il
cette mécanique, et certainement pas la plus importante » propose ainsi de taxer les investissements
français à l’étranger, de rapatrier les pro-
ductions délocalisées, d’instaurer une taxe
Chronique de Thomas Coutrot publiée le 7 octobre 2004. à l’importation pour les produits prove-
nant des pays à bas salaires, taxe qui ali-
menterait un fonds de codéveloppement
avec les pays du Sud. Belle hypocrisie,
es délocalisations constituent, selon un de focaliser l’attention sur un ennemi exté- puisque, le but de cette taxe étant de réduire
E
argentine s’était effondrée, victime qu’une étape et devra être confirmée. Mais
d’une grave crise de la dette. Le elle libère l’Argentine de l’énorme fardeau
président Fernando de la Rua que constituait sa dette, dont on sait qu’elle
démissionnait. Son éphémère remonte en partie aux temps de la dictature
successeur, Adolfo Rodriguez Suarez, avait militaire (1976-1983). En juillet 2000, la
alors stupéfait le monde en décidant un Cour fédérale argentine a décrété illégitime
moratoire sur la dette vis-à-vis des la dette de la dictature car celle-ci a résulté
créanciers privés. C’était le plus important d’un mécanisme de dilapidation et de
moratoire jamais décidé dans l’histoire : le détournements de fonds mettant en cause
ment quand elles laissent sur le carreau des montant de la dette gelée s’élève alors à le gouvernement argentin.
milliers de salariés souvent âgés, peu qua- près de 80 milliards de dollars. En incluant
lifiés et promis au chômage de longue durée les intérêts dus, la barre symbolique des Cette résistance victorieuse du
dans des régions déjà durement touchées. 100 milliards de dollars était dépassée… gouvernement Kirchner n’aurait pas été
Et quand elles sont – ce qui semble aujour- possible sans un soutien populaire
d’hui fréquent – brandies comme menace Depuis trois ans, l’Argentine a opéré un vigoureux. Le peuple argentin veut faire
pour obtenir des baisses de salaires ou des rétablissement économique progressif, sous rendre gorge aux créanciers privés qui ont
augmentations du temps de travail. la présidence de Nestor ruiné son pays et sont à
Surtout, ce débat montre une fois de plus Kirchner, un homme l’origine de crises financières à
la profonde illégitimité des modes de ges- pragmatique à la poigne de répétition. Les créanciers ne
tion de l’emploi dans l’entreprise néolibérale. fer. Celui-ci a refusé de céder « Le peuple pouvaient pas menacer le pays
L’opinion publique n’admet toujours pas que au FMI et aux pressions argentin veut d’une crise économique,
les salariés soient jetables à merci, en fonc- internationales, et a imposé puisque celle-ci a déjà eu lieu !
tion des seuls critères financiers. Le débat ses conditions pour la faire rendre gorge Une autre leçon importante
sur les délocalisations peut donc être por- restructuration de l’énorme peut être tirée de ce succès du
dette argentine. Le 14 janvier aux créanciers peuple argentin et de son
teur de la pire des choses – une xénopho-
2005, l’Argentine a lancé une privés qui ont gouvernement. C’est que la
bie qui détourne commodément l’atten- offre d’échange des titres résistance paye, et qu’un pays
tion des mécanismes essentiels – ou de la
meilleure : une exigence accrue de contrôle
non payés contre de ruiné son pays et endetté peut ne pas céder aux
nouvelles obligations de pressions des milieux financiers
social sur les décisions des transnationales, moindre valeur, offrant des sont à l’origine de et du FMI, leur allié. Cela
et de sécurité de statut et de revenu pour les intérêts plus faibles, avec des montre que sont possibles
travailleurs. Lutter pour renforcer les droits maturités plus longues,
crises financières d’autres stratégies que celles
des salariés et restreindre ceux des action- pouvant aller jusqu’à 42 ans. à répétition » qui consistent à courber
naires en France et en Europe, ou faire Les investisseurs ne l’échine devant les exigences
l’union sacrée contre les Chinois voleurs récupéreront en moyenne des marchés et des
d’emplois : il faut choisir. qu’un tiers de leur mise. Ce Chronique de organisations internationales,
T. C. qui ne s’est encore jamais vu. dont la meilleure illustration est
Lors des précédentes Dominique Plihon donnée par la politique de Lula
restructurations de dettes publiée le au Brésil. Ce dernier cherche
souveraines (Russie et son salut en construisant une
Équateur), les investisseurs 10 mars 2005. bonne « réputation » auprès des
avaient obtenu le double. investisseurs internationaux, au
prix de concessions qui l’ont
Inutile de dire que les milieux financiers amené à renier les engagements politiques
sont mécontents ! Ils ont unanimement pris devant son peuple. Otage de la
condamné la politique du gouvernement « communauté » financière internationale,
argentin, considérant que jamais des Lula est devenu un président en sursis dans
créanciers privés n’avaient été aussi mal son pays…
traités… Mais ce dernier a résisté aux
pressions, répétant inlassablement qu’il Le succès argentin pourrait constituer une
n’améliorerait pas sa proposition. Il est étape importante dans l’évolution de la
même allé jusqu’à faire adopter une loi globalisation financière et de sa régulation.
empêchant toute amélioration de son offre. Car il marque le déclin du FMI qui s’est
Cette intransigeance face aux créanciers et trouvé marginalisé par le gouvernement
au FMI a payé puisque, selon les argentin. Ce dernier a imposé son point de
estimations, le taux d’acceptation des vue. Il avait même décidé, en septembre
créanciers pour l’échange proposé serait 2004, de suspendre son accord avec le FMI
compris entre 70 % et 80 %, bien au-dessus jusqu’au lendemain de l’échange de titres !
de l’objectif de 50 % fixé par les autorités Il faudrait que le cas argentin ne reste pas
argentines. En fait, les créanciers argentins, isolé, et que les pays endettés s’unissent, en
détenteurs d’obligations, ont très largement taisant leurs divergences et leurs conflits,
accepté les conditions posées par leur pour faire front aux créanciers
gouvernement. Le président Kirchner a internationaux. C’est le seul moyen de créer
salué ce résultat inespéré en déclarant : un rapport de forces conduisant à des
« Nous avons accompli la meilleure réformes radicales du système financier
négociation de l’histoire mondiale ». international. Par exemple, en remplaçant le
FMI par une organisation multilatérale où
Clairement, le gouvernement argentin a créanciers et débiteurs seraient représentés
marqué des points décisifs. Car sa gestion sur une base paritaire.
de la dette s’est révélée efficace et a été D. P.
La directive des
travaux forcés Le texte du projet de directive est dépourvu
de toute ambiguïté : le cap est mis sur le
« Non seulement le traité constitutionnel européen entérine les pôle libéral. Mais il est intéressant de lire
l’exposé des motifs. Après un laïus qui ne
politiques libérales, mais il s’accompagne de directives qui mange pas de pain sur le « niveau élevé de
désagrègent le droit du travail » protection de la santé et de la sécurité des tra-
vailleurs », la Commission indique qu’il faut
« donner aux entreprises et aux États membres
Chronique de Jean-Marie Harribey publiée le 3 mars 2005. une plus grande flexibilité dans la gestion du
temps de travail ». Benoîtement, elle fait état
que, « sur le contenu d’une telle proposition, les
avis sont partagés », mais donne raison aux
e débat sur le traité constitutionnel européen (art. 6). Elle « ne porte pas atteinte à la faculté représentants patronaux (Unice) face aux
se déroule parallèlement à celui sur cer- des États membres » d’accorder des disposi- syndicats (CES) tant sur la durée et sur la
taines directives adoptées ou projetées par tions plus favorables à la sécurité et à la période de référence que sur la définition
la Commission européenne qui, s’il en était santé des travailleurs (art. 15). Et elle fixe du temps de travail.
garde ne sera alors pas considé- Sans rechigner. Et vous pourrez consom-
rée comme du temps de travail mer. En silence. Alors, le traité et les direc-
Travailleurs, travaillez ! Sans rechigner. Et vous pourrez consommer. (art. 2 bis modifié). tives ? Non, merci. J.-M. H.
DANS UNE CRITIQUE de notre dernier ouvrage, financé par les budgets communautaires
Refermons la parenthèse libérale !, le men- et nationaux en donnant la possibilité à la
suel Alternatives économiques titre que notre banque centrale de les alimenter. Il est la
projet se résume à restaurer « le socialisme condition de l’harmonisation sociale et
dans un seul pays » ! permettrait aux nouveaux entrants d’af-
Nous rappellerons à tous les bien-pen- fronter le marché unique sans avoir à
sants que le projet initial de monnaie recourir au dumping fiscal et social. Cette
unique que soutenaient en 1992 les « socia- Europe-là pratiquerait un tarif extérieur
listes pour le non » (mais peut-être aussi commun pour lutter contre l’invasion des
d’autres socialistes) était euro-keynésien marchandises produites par les entreprises
et fédéraliste. Il fut en cela récusé par les délocalisées dans les pays pratiquant le
libéraux britanniques, qui ne cessèrent moins-disant social. Elle ne s’interdirait
jamais d’influencer la construction euro- aucunement une politique industrielle
péenne tout en restant en dehors de l’euro. reposant sur des consortiums publics euro-
L’influence néolibérale n’a cessé de s’in- péens, dont l’émergence reste malheu-
BEREHULAK/GETTY IMAGES/AFP
filtrer en Europe, l’enfermant dans une reusement contrainte par le principe de
zone de libre-échange sans moyens moné- la concurrence non faussée.
taires et budgétaires pour assurer l’inté-
gration économique, et sans institutions La première vague d’adhésion à l’euro fut réus-
politiques fédérales qui risqueraient de sie grâce au jeu des fonds structurels. Ainsi,
s’avérer par trop contraignantes pour les le Portugal et la Grèce reçurent-ils Les États-membres, Grande-Bretagne en tête, étranglés par le « pacte
libéraux. La politique monétaire est jugée l’équivalent de 230 euros par habitants au de stupidité », ont réduit le budget européen de 1,3 % à 1 % du PIB.
inflationniste, alors que la politique bud- titre du fonds de cohésion sociale. La Polo-
gétaire, synonyme de redistribution et de gne ne perçoit aujourd’hui que l’équiva- déficit budgétaire communautaire serait
politique industrielle, est réputée alourdir lent de 130 euros par habitants. Le mon- ici d’un grand secours. Elle reste mal-
les coûts et fausser la concurrence. Cette tant nécessaire à un Plan d’intégration heureusement taboue et était interdite par
Europe que voulait consacrer le traité européenne des dix entrants, à hauteur le traité constitutionnel. Ce déficit pour-
constitutionnel s’en remet à la concur- de ce qui fut réalisé pour la première vague rait être financé par l’emprunt. Les fonds
rence non faussée sur tous les marchés d’adhésion à l’euro, représenterait structurels pourraient également bénéfi-
pour assurer le plein-emploi. Elle va de 50 milliards d’euros par an sur cinq ans. cier du financement monétaire direct de
pair avec délocalisations, désindustriali- Il est la condition nécessaire d’un élar- la banque centrale (c’est-à-dire la moné-
sation, chômage et inégalités. gissement compatible avec une certaine tisation des déficits par la planche à billet,
harmonisation sociale. Faute de quoi, l’in- abondamment pratiquée lors de la période
Seul un audacieux plan d’intégration euro- tégration se réaliserait à moyens cons- ouverte par le compromis de 1945), mais
péenne est de nature à redonner espoir tants, si ce n’est décroissants. Ce montant ceci est interdit par les statuts de la BCE.
aux peuples européens. Contrairement à n’est pas exorbitant, comparé au rôle
la stratégie libérale en vigueur jusqu’alors, moteur que joue le budget fédéral améri- Un véritable social-keynésianisme européen
ce plan financerait l’intégration selon les cain dans le soutien à l’économie, s’ap- requiert par conséquent la mise à plat de
mécanismes du plan Marshall, celui-là puyant sur un déficit budgétaire supérieur l’ensemble des textes néolibéraux repris
même qui a permis la reconstruction et à 400 milliards de dollars ! Les États- par le vil traité et interdisant notamment
la convergence par le haut de l’Europe de membres, la Grande-Bretagne en tête, à le financement d’investissements suspec-
l’Ouest issue du compromis de 1945. Ce qui échoira la future présidence (!), n’en- tés de « fausser la concurrence ». Tel est l’un
que le financement monétaire américain tendent cependant pas accroître leurs des enjeux des futures joutes institution-
a pu faire à l’époque, l’Europe serait en contributions. Étranglés par le « pacte de nelles, qui ne peuvent plus faire fi de l’aspi-
mesure de l’assumer, à condition de réfor- stupidité », ils ont réduit cette année la ration des peuples à s’identifier à leur
mer ses institutions économiques. Ce plan part du budget communautaire dans le constitution !
d’intégration économique pourrait être PIB européen de 1, 3 % à 1 %. L’arme du L. H.-N.
La victoire du non au TCE signifie enfin la réinvention du politique, et c’est sans doute le plus prometteur.
É
(Le Monde du 2 juin) nous livrent main-d’œuvre d’exécution, facilité de
quelques clés du 29 mai dans une déplacement des capitaux et des personnes,
étude comparée des résultats des accès facile aux ressources matérielles,
référendums de Maastricht en 1992 et scientifiques, touristiques, culturelles.
du Traité constitutionnel européen en 2005.
Le lien étroit entre la position de classe et le Mais les couches moyennes se détachent
refus du TCE, tout d’abord : avoir peu de de ce bloc. Le parti socialiste, son aile
diplômes, des faibles revenus et un fort taux gauche, a perdu le contact avec une large
de chômage pousse au « non ». Les salariés fraction de sa base sociale traditionnelle.
les plus touchés par l’accentuation de la Cette fois, la désaffection des couches
concurrence « libre et non faussée » goûtent populaires ne s’est pas traduite par
peu les charmes du Traité constitutionnel. l’abstention, grâce au travail de fourmi mené
Le décrochage des couches moyennes, par les partisans du « non » de gauche, ces
ensuite : le « oui » à Maastricht était milliers de réunions-débats tenues dans des
majoritaire non seulement parmi les élites localités parfois très petites. La conviction
mais aussi chez les diplômés s’est ainsi répandue chez les
de niveau moyen. En 2005, électeurs « d’en bas » que
seuls les diplômés du rejeter le Traité signalerait
supérieur votent l’exigence d’un coup d’arrêt
majoritairement « oui ». Les « La défaite du aux politiques libérales. Du
petites gens du privé, les plus bloc néolibéral débat pour ou contre l’Europe,
exposés aux aléas du marché, représentation privilégiée par
votaient déjà « non » à a une cause les médias, on est ainsi passé
Maastricht, alors que les au débat entre Europe libérale
agents du public, essentielle : et Europe sociale.
relativement protégés, son idéologie
soutenaient plutôt la Inattendue au vu du rapport
construction européenne. – « la liberté des forces médiatiques, la
Plus de 10 ans de défaite du bloc néolibéral a
privatisations, économique une cause essentielle : son
déréglementations et profite à tous » – idéologie – « la liberté
compressions budgétaires économique profite à tous » -
démocratique, notamment la Banque cen-
ont convaincu les salariés du n’est tout n’est tout simplement plus
public que cette Europe ne audible dans la France de
trale pour rendre à la monnaie son statut de leur voulait pas que du bien. simplement plus 2005. La stagnation des
bien public. En supprimant le Pacte de sta-
bilité pour redonner aux budgets publics audible » salaires, la montée des
Le glissement pro-européen inégalités et de la pauvreté,
– l’européen et les nationaux – leur capa- des élites économiques, l’ascenseur social en panne,
cité à promouvoir un véritable développe- enfin. Les patrons et l’insécurité économique ont
ment non productiviste et égalitaire. En professions libérales s’étaient
Chronique de Thomas
invalidé le credo libéral.
faisant des droits sociaux les valeurs pre- opposés à Maastricht, alors Coutrot publiée le Les gens ont compris que la
mières : un salaire minimum dans tous les qu’ils ont soutenu le Traité 14 juillet 2005. concurrence, la libéralisation et
pays, l’égalité entre hommes et femmes, le constitutionnel. Goux et les privatisations,
temps de travail progressivement réduit, la Maurin interprètent ce systématiquement encouragées
protection sociale accessible à tous. En glissement comme un simple par la Commission européenne
garantissant le droit aux services publics positionnement tactique, depuis vingt ans, ne feront
placés hors d’atteinte du marché : l’éduca- contre un gouvernement de gauche en 1992, qu’aggraver leurs problèmes de chômage, de
tion la santé, mais aussi le logement, l’eau pour un gouvernement de droite en 2005. pouvoir d’achat, de logement cher.
et bientôt l’air et les connaissances. De façon plus plausible, l’adhésion des élites
Le projet de constitution libérale était un économiques et politiques françaises à Que va devenir l’élan du 29 mai ? Les
l’Europe libérale traduit leur conversion centaines de collectifs pour le « non », les
étouffoir du politique pour laisser libre
massive aux bienfaits de la mondialisation, dizaines de milliers de citoyens qui ont
cours à la toute puissance du marché. La qui comporte pour elles certes quelques décortiqué et dépecé le Traité sauront-ils
prééminence de celui-ci n’était pas un risques mais surtout de nombreux prolonger leur action, converger avec les
« méandre » pour contourner un obstacle bénéfices. mouvements sociaux européens, s’insérer
et mieux atteindre le but d’une Europe dans le Forum social européen en Grèce l’an
politique, comme l’a dit Edgar Morin, Le vote du 29 mai traduit un véritable prochain, initier un processus d’élaboration
mais était l’obstacle lui-même. Contre ceux bouleversement politique : le bloc social d’alternatives européennes, issu de la base,
qui jugeaient inutile de donner à lire un historique néolibéral devient minoritaire. Ce ancré dans les préoccupations quotidiennes
texte complexe, contre ceux qui conseillaient bloc est constitué de plusieurs strates. Au des citoyens ? Si une autre Europe est
de ne pas lire la troisième partie, contre sommet, la bourgeoisie financière d’État, à possible, elle passe par là : un véritable
ceux qui regrettaient la procédure réfé- l’intersection de la haute administration et processus constituant, débouchant à terme
rendaire, le peuple a répondu en refusant de la finance. Autour et en dessous, le sur l’émergence d’un nouveau bloc
ce que La Boétie avait appelé la « servitude moyen et petit patronat, les professions historique progressiste européen, qui rejette
volontaire ». Pour une renaissance, pour libérales et artistiques, les couches la domination de la finance pour privilégier
refaire le temps des cerises. supérieures du salariat. Ces diverses l’emploi et la solidarité. Aucun raccourci,
J.-M. H. catégories ont (avaient) en commun de noyau dur ou coopération renforcée entre
trouver, à des degrés divers, des avantages États-nations, ne nous dispensera de ce long
à l’ouverture croissante de l’économie mais passionnant chemin…
(1) Voir ma chronique dans Politis n° 847 et celle de française : pression renforcée sur les T. C.
Geneviève Azam dans Politis n° 853.
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– Robert Guttmann est économiste, professeur à – Christophe Ramaux est économiste, maître de
l’université Hofstra de New York. Il est aussi conférences à l’université Paris-I (Centre d’économie
chercheur associé à l’Institut international de de la Sorbonne), membre de la Fondation Copernic, du
politiques économiques à l’université conseil scientifique d’Attac et de l’Observatoire des
laurentienne (Ontario, Canada). Il a publié plusieurs inégalités. Il a publié Emploi : éloge de la stabilité.
articles dans la Lettre de la régulation de L’État social contre la flexicurité, Mille et une
l’association Recherche & régulation (webu2.upmf- nuits (2006). Il a publié de nombreux articles
grenoble.fr/regulation). référencés sur le site matisse.univ-paris1.fr/ramaux.
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