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MIRBEAU ET COURTELINE, DESTINS CROISÉS

Il peut sembler étrange de parler de destins croisés entre Courteline, qui était
considéré par les critiques comme un “comique”, et Mirbeau, qui était à leurs yeux un
“anarchiste”, et pourtant l'on sait, depuis Aristophane, que la farce et la politique vont de
pair. Déjà dans leur respective biographie on trouve un parcours parallèle, et une lecture un
peu plus approfondie de leur œuvre théâtrale révèle des points communs.
Courteline et Mirbeau1 ont expérimentés « la rigueur militaire ». Mirbeau a été
nomme sous-lieutenant dans la garde mobile de l'Orne, pendant la guerre de 1870, et a pris
part à des combats qu'il évoque dans Sébastien Roch et dans le chapitre II du Calvaire. Ces
mois passés près du champ de bataille le marquèrent pour la vie. Une révolte contre l'armée
s'empara de lui. À ses yeux, l'armée n'est qu'un moyen d'oppression : « L'armée qui traite les
jeunes gens comme du bétail ou de la chair à canon et les conditionne pour en faire des
assassins ou des martyrs (voir Un an de caserne2 ». Pour Courteline « la rigueur militaire »
est une inépuisable source d'inspiration. Il retrace les traits des mœurs militaires dont il avait
été témoin avec une verve moliéresque (voir Les Gaietés de l'escadron).
En 1887, Courteline avait à assumer la tâche de commenter chaque jour la rubrique
sur les événements sensationnels de la veille dans la « Chronique quotidienne » des Petites
Nouvelles. Mirbeau, de 1880 à 1881, avait lui aussi à assumer au Gaulois une chronique
quotidienne.
Autre lien commun, l'écrivain Catulle Mendès, ami intime de Courteline : « Je ne
crois pas que la moindre erreur, le plus petit malentendu ait, plus de trente ans qu'elle dura,
altéré l'amitié que Mendès et moi, éprouvions l'un pour l'autre3. » Amitié renforcée par la
dédicace de son roman, Messieurs les ronds-de-cuir : « À mon ami. À mon maître. À mon
bienfaiteur Catulle Mendès, en témoignage d'admiration profonde et d'affection sans
borne4 ». De son côté, en 1875, Mirbeau fréquente le milieu de La République des Lettres de
Catulle Mendès5.
Tandis que le parcours littéraire de Courteline est bien défini – dramaturge,
journaliste; il écrit bien des nouvelles et des contes, mais n’est qu’un romancier occasionnel
– et qu’il se voit décerner par l’Académie Française son grand prix en 1926, celui de
Mirbeau est plutôt hybride : dramaturge, journaliste et critique d'art, il écrit lui aussi des
nouvelles et des contes, mais surtout de nombreux romans ; il a fondé l'hebdomadaire
satirique Les Grimaces, il a écrit sous le pseudonyme de Nirvana des Lettres de l'Inde,
pseudo-notes de voyage, et il a été membre de l'Académie Goncourt.
Courteline prend ses idées de pièces dans la vie réelle : une expérience vécue, une
histoire drôle entendue au café et soigneusement notée, une scène dont il est le témoin dans
la vie réelle. Parfois il trouve l'inspiration dans le théâtre de son père Jules Moinaux. Ses

1
En 1881 Courteline est enrôlé au 13e régiment des chasseurs à Bar-le-Duc ; en 1870, Mirbeau est
enrôlé comme sous-lieutenant dans les ùoblots de l’Orne.
2
http//membres.lycos.fr.octavemirbeau/
3
Pierre Bornecque, Le Théâtre de Georges Courteline, A.G. Nizet, Paris, 1969, p. 18.
4
Ibidem.
5
Se sont-ils rencontrés ? J'en doute, car il n'y a à ma connaissance aucun document
relatant cette rencontre.
pièces sont généralement courtes6. Mirbeau, lui, fait jouer son imagination fertile7, en
revanche, ses premiers romans sont basés sur des faits réels8.
En 1951, interrogé par Robert Mallet sur trois auteurs dramatiques, Mirbeau,
Labiche et Courteline, Paul Léautaud démolit ce dernier : « De Mirbeau je dirai seulement
que Les affaires sont les affaires m'a paru une pièce vraiment très forte, très intéressante...
Courteline ne m'intéresse pas9 ». Mais, n'en déplaise à Paul Léautaud, le théâtre de
Courteline à beaucoup plus d'affinités avec celui de Mirbeau qu'il n'y paraît. Ces deux
dramaturges, observateurs réalistes du social, dénoncèrent chacun à sa manière les vices de
la société française de leur époque. Dotés de la même sensibilité, ils sont choqués par
l'injustice, le mensonge, la tromperie, la stupidité : « Je n'ai pas pris mon parti de la
méchanceté et de la laideur des hommes j'enrage de les voir persister dans leurs erreurs
monstrueuses et de se complaire à leurs cruautés raffinées. Et je le dis », affirme Mirbeau10.
On retrouve des idées voisines dans des propos qui reflètent la pensée courtelinesque :
« L'imbécillité humaine est un bien curieux spectacle11 » ; « Je ne crois pas qu'il soit possible
de fixer le lieu, le point, la borne où cessent la lâcheté publique et l'humaine bassesse12 ». Le
mépris de Courteline pour les humains se trouve dans les noms ridicules dont il affuble ses
personnages, dont voici un échantillon : Flick, Landhouille, Barbemolle, Des Rillettes, le
père Soupe, Lagoupille... Du coup, ils n’apparaissent plus que comme des pantins
désarticulés.
Les institutions sont leur cible privilégiée. En voici un exemple pris chez Courteline
qui, à mon sens, montre la rigueur de sa plume à la fois légère et âpre :

Le Président : Votre profession ?


La Brige : Philosophe défensif.
Le Président : Comment ?
La Brige : Philosophe défensif.
Le Président : Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
La Brige : Je veux dire que, déterminé à vivre en parfait honnête homme, je
m'applique à tourner la loi, partant à éviter ses griffes. Car j'ai aussi peur de la loi qui menace
les gens de bien dans leur droit au grand air, que des institutions en usage qui les lèsent dans
leurs patrimoines, dans leur dû et dans leur repos.13

Ils sont animés tous deux par le même sens aigu de l'observation, et, à l'aide d'un
mélange de provocation et d'humour, ils démasquent l'être qui se cache sous les apparences.
Ils dénoncent les injustices et la méchanceté des hommes, qui est surtout l’effet de la
stupidité, en nous plongeant dans la situation éternelle de bourreaux et de victimes,
d'oppresseurs et d'opprimés. Si les sujets mis en relief ont un but commun, critiquer la
6
Un journaliste étant venu l'interviewer, Courteline lui affirma : « Un acte, un seul acte, voilà ma
mesure au théâtre. Que voulez-vous, je n'ai pas d'imagination. Les sujets qui s'offrent à mon esprit ne
comportent pas de développement, les intrigues s'arrêtent court après un acte » (rapporté par Dubeux, in Pierre
Bornecque, Le Théâtre de Courteline, Nizet, Paris, 1969, p. 27).
7
Dans une lettre adressée à son ami Paul Hervieu, il se plaint : « Je n'ai aucun talent. Je n'ai que la
déclamation hélas ! très vide d'idées et même de sensations originales » (Correspondance générale, tome II,
http//membres.lycos.fr/octavmirbeau/
8
Ses premiers romans, Le Calvaire, L'Abbé Jules et Sébastien Roch sont inspirés de ses expériences
personnelles.
9
Paul Léautaud, Entretiens avec Robert Mallet, N.R.F., 1951, p. 230. En revanche il est bon de noter
qu’Anatole France et Pierre Loti mettaient Courteline au premier rang des écrivains français contemporains.
10
Entretien avec Louis Nazzi, Comoedia , 25 février, 1910.
11
Voir www.via.ecp.fr/genji/citations/courteline.html.
12
Deuxième chronique des « Petites nouvelles quotidiennes », 7. 03. 1884 in Pierre Bornecque, Le
Théâtre de Georges Courteline, Nizet, Paris, 1969, p. 205.
13
L'Article 330, in Georges Courteline, Théâtre, t. III, Flammarion, Paris, 1948, pp. 258-259.
société, la mise en œuvre diffère. On sent, sous l'apparente légèreté de Courteline, un
pessimisme modéré, tandis que Mirbeau, étant à la poursuite de l'Idéal, est sans cesse « déçu
par les réalités de la vie », d’où son amertume, sa férocité et sa haine. Dans un supplément
des Temps nouveaux (n° 5, mai 1898), Charles Albert note, à propos de L’Épidémie : « C'est
par la charge, par l'exagération caricaturale du trait que l'auteur obtient le rire14 ». Cette
remarque peut aussi bien servir à décrire la démarche de Courteline, car tous deux emploient
le même procédé, l'exagération du trait de caractère et du vice, pour obtenir le rire. Rire
grinçant chez Mirbeau15, rire parfois franc, parfois mi-figue mi-raisin, chez Courteline.
Malgré une différence de ton – l'humour mirbellien est assaisonné au vitriol, tandis que
l'humour courtelinesque est clair-obscur –, on retrouve la même couche d'humour cynique.
Mirbeau et Courteline nous entraînent, tous deux à leur manière, sur la piste de notre
humanité,

Traîner au fond d'un bois la tristesse de vivre


En tâchant à savoir, dans leur rivalité,
Qui de l'homme ou du loup l'emporte en cruauté.16

Rien n'échappe à leur observation pertinente. Bêtise et méchanceté constituent les


cibles et les axes de leur théâtre. Courteline dresse toute une galerie de personnages à la fois
truculents et tragiques, que l'on retrouve chez Mirbeau, mais avec un surplus de provocation
et de cruauté.
Le corpus qui nous sert de point de rencontre entre ces deux dramaturges est basé sur
deux des pièces les plus connues de Courteline, Boubouroche et Le commissaire est bon
enfant, et sur deux pièces de Mirbeau qui tiennent toujours l'affiche : Les affaires sont les
affaires et L'Épidémie.
Quoique la situation dans laquelle se meuvent les personnages soit de nature
différente, le trait satirique sert de point de rencontre. Dans Boubouroche, la situation fait
partie du genre dit comique, ou plutôt de la farce, alors que Les affaires sont les affaires fait
partie des pièces que l'on peut qualifier de “Pièces Noires”, selon la dénomination d'Anouilh,
mais dans les deux pièces on trouve le même intérêt qui passe avant les sentiments : Lechat
est prêt à vendre sa fille pour assouvir ses propres intérêts ; la rouerie et le cynisme d'Adèle
égalent ceux de Lechat, car elle entend bien sauver André tout en gardant Boubouroche qui
la fait vivre.
Dans L'Épidémie, lors d'une réunion extraordinaire du conseil municipal d'une ville
de province, l'homme politique, sous des dehors de bon bourgeois, se révèle mesquin, cupide
et impitoyable. La dérision fait craquer le vernis d'une prétendue respectabilité.
La thématique de l'homme mesquin se retrouve chez Courteline dans Le commissaire
est bon enfant, titre ironique, car en fait c'est un despote qui refuse un permis de port d'arme
et qui fait arrêter sans motif un honnête bourgeois venu rapporter une montre. Le
commissaire est un prétentieux fonctionnaire qui se croit bon enfant, alors qu’en réalité c’est
un homme dangereux, qui abuse de son pouvoir en prenant un malin plaisir à humilier son
malheureux secrétaire, affublé du nom de Puñez, en l'appelant Punaise. Dans Les affaires
sont les affaires, Isidore Lechat éprouve le même plaisir à rabaisser son malheureux

14
Charles Albert, in Reg Carr, Anarchism in France, The Case of Octave Mirbeau, Manchester
University Press, 1977, p. 125.
15
Selon Jean-François Nivet, Octave Mirbeau est l'un des grands « engueuleurs charismatiques » de la
belle époque, et ses ennemis l'accusent d'être un emballé, un père fouettard, un croquemitaine à la petite
semaine (introduction aux Contes drôles , Séguier, Paris, 1995).
16
La Conversion d'Alceste, in Georges Courteline, Théâtre, t. II, Flammarion, Paris, 1948, p. 236.
intendant : « Tu dois être là à ton poste quand j'arrive…Je vous présente le vicomte de la
Fontenelle, mon intendant17. »
Il est intéressant de noter que, lors de la création de la pièce Le Portefeuille, «
nombre de spectateurs et de critiques mal intentionnés n'ont pas manqué de rapprocher Le
Portefeuille de la farce de Courteline Le commissaire est bon enfant…18 » En fait, il n’en est
rien, comme Mirbeau, accusé de plagiat, l'a fait remarquer, dans le post-scriptum de son
article « Es-tu content, Barrias ? » (Le Journal, 23 février 1902) : « Me sera-t-il permis de
croire […] que, s'il est deux esprits antipodaux l'un de l'autre, c'est bien M. Courteline et
moi…Je le regrette d'ailleurs…Quant au sujet de ma pièce, je ne l'ai pas plus pris dans une
pièce de Courteline, que Courteline n'a pris le sujet d'Un client sérieux dans un article de
moi au Journal paru sous ce titre “Au palais”, il y a bien longtemps déjà… Pas plus qu'il n'a
pris le sujet des Balances dans un autre article intitulé “Le Mur”…Je n'ai jamais songé,
pour ma part, à lui faire grief de cette ressemblance qui avait un point de départ commun :
la vie. Et la vie est à tout le monde19. »
De fait, le thème du conte de Mirbeau, « Le Mur » (paru dans L'Écho de Paris le 20
février 1894 et qui se trouve dans le recueil des Contes cruels, tome II) et celui de la pièce
Les Balances de Courteline est le même : dénoncer les stupides contraintes, rigueurs et
contradictions de la Loi. Le protagoniste du conte, le père Rivoli, a un mur « fort délabré »
qui longe une route ; celui de la pièce, La Brige, a acheté une maison « qui empiétait un peu
sur le trottoir » et dont le toit d'ardoises « appelait quelques réparations » . Ils décident tous
deux de réparer, l'un son mur, l'autre son toit, mais sans tenir compte de la Loi !
Le père Rivoli décide de réparer son mur :
Mais à peine a-t-il lancé une demi-truellée…qu'il s'entend héler d'une voix sévère:
- Eh bien, père Rivoli, qu'est-ce que vous faites là ? C'est l'agent voyer, en tournée
matinale… Ah ! Ah ! à votre âge …on se met encore en contravention ? Voyons qu'est-ce que vous
faites là ?
- Je répare mon mur, vous voyez qu'il fout le camp de partout.
- Je le vois… répond l'agent voyer... Mais avez-vous une autorisation ?
- Une autorisation, que vous dites ?… Mon mur est-il à moi ?... j'ai t'y besoin d'une
autorisation pour faire de mon mur ce qui me plaît… le ficher par terre ou le redresser, si
c'est mon idée ?...
- Ce mur est à vous … mais il est sur la route … Et vous n'avez pas le droit de
réparer un mur qui est à vous et qui est sur une route… Je vous dresse procès-verbal, primo
pour avoir réparé votre mur sans autorisation ; secundo pour avoir, également, sans
autorisation, déposé des matériaux sur la voie publique. Vous en avez pour une pièce de
cinquante écus…Et ce n'est pas tout … Vous allez réparer votre mur … parce qu'il menace
ruine et qu'il endommagerait la route en tombant et, si votre mur tombait, je vous dresserais
un nouveau procès-verbal et vous en auriez, cette fois pour cent écus d'amende.
Le père Rivoli ne sait quoi faire, mais il sait que l'administration ne badine pas avec
les pauvre gens. On l'oblige à réparer son mur, et on le lui défend en même temps. Dans tous
les cas il est en faute et il doit payer : « et le député, l'autre jour, m'a dit que je suis
souverain…que rien ne se fait que par moi, et que je fais ce que je veux…»
On retrouve ici Mirbeau, le social, qui critique la cruauté stupide de la loi et qui se
révolte et lutte contre la raison du plus fort : « Toutes les lois sont oppressives et criminelles.
Elles ne protègent que les riches et les heureux. Elles sont inexorables aux pauvres gens20. »
La loi est criminelle car elle a entraîné le père Rivoli, incapable de payer, au suicide
17
Octave Mirbeau, Théâtre complet, Éditions InterUniversitaires – Eurédit, 1999, p. 195.
18
Introduction à la pièce : Le Portefeuille, présentée par Pierre Michel in Théâtre complet, Éditions
InterUniversitaires- Eurédit, 1999, p. 572.
19
Post-scriptum qui m'a été aimablement transmis par Pierre Michel
20
http://fr.wikipédia/org,wiki/Octave-Mirbeau -citations
Bien que Les Balances soit la plus virulente des pièces de Courteline contre la loi
(cette pièce passe en revue les injustices et les anomalies de la loi, et on assiste à un éventail
de situations dont La Brige est le héros : il a été mis en prison parce qu'on lui devait de
l'argent, il y retourne de nouveau pour avoir été traité de filou), Courteline traite le même
sujet que celui du « Mur », mais sur un mode plus léger.
La Brige décide lui aussi de faire réparer le toit de sa maison. En pleins travaux, le
garde champêtre vient à passer, qui ordonne de cesser les travaux :
Je m'étais approché souriant, croyant à un malentendu ; mais je n'eus pas le temps
d'ouvrir la bouche. “Qu'est-ce que vous venez m'embêter, vous ?” – “Mais, objectai-je, je
fais réparer ma maison.” –“Justement, reprit-il, vous n'en avez pas le droit.”
Lonjumel : Le garde champêtre... avait raison, tu n'avais, en effet, pas le droit de faire
réparer ta maison.
La Brige : À cause ?
Lonjumel : À cause qu'en termes techniques elle était frappée d'alignement,
autrement dit, qu'en empiétant sur le trottoir, elle prenait le pas sur les maisons et détruisait
l'harmonie de la rue. […] Des règlements sont là qui, tout en reconnaissant à un propriétaire
le droit de louer ou d'occuper une maison frappée d'alignement, lui refusent celui de la faire
restaurer.
La Brige, comme le père Rivoli, est pris entre l'ordre de la Préfecture de faire ravaler
la façade et l'interdiction de la Mairie de toucher à une maison frappée d'alignement : « Deux
fois en faute pour m'être deux fois incliné devant les institutions qui régissent le doux pays
de France ; acculé à l'obligation de faire ravaler ma maison, sous peine de contravention et
de ne pas la faire ravaler sous peine de procès-verbal. » La Brige est envoyé encore une fois
au trou21.
Sous la plume de Courteline, d'une apparente légèreté de « bon enfant », se cache
une satire mordante : « Il est drôle de penser que des honnêtes gens comme nous puissent en
venir, même par plaisanterie, à accepter l'idée de s‘habiller en brigands pour obtenir leur
juste dû et à solliciter du crime ce que le bien-fondé de leur cause a inutilement imploré de
l'imbécillité des choses et de la mauvaise grâce des hommes ». Elle masque son désespoir
désabusé devant la bêtise de la loi, mais n'égale point la satire cruelle, virulente, de Mirbeau
«... Respecter la loi ou la tourner... ce qui est la même chose22 ».
De nos jours, où règne le chaos social, où prime la tendance à tout remettre en
question, il n'est pas étonnant que des metteurs en scène se tournent vers les œuvres de ces
deux dramaturges23, qui ont su, chacun à sa manière, dénoncer l'idée que personne ne peut se
sentir en sécurité, car personne ne sera jamais à l'abri, ni des « griffes » des lois, ni de celles
des institutions, ni de la cruauté des hommes.
Claudine ELNÉCAVÉ
Université de Haïfa (Israël)

21
Il ne faut pas oublier que Mirbeau prend dans ce conte la défense des pauvres d'où la fin tragique du
père Rivoli (La Brige, lui, fait partie de la classe sociale des bourgeois)
22
Le Portefeuille, p. 599.
23
Du 20 février au 10 mars 2007, aura lieu au Centre Culturel de la ville de Bruxelles: Les Riches-
Claires, un spectacle intitulé Faire malin est le propre de tout imbécile, spectacle regroupant quatre textes de
Courteline qui dépeignent les aspects ridicules de couples et la bêtise des bureaucrates ; et actuellement à
Naples L'Article 330 et Le Portefeuille sont joués en italien. Il n'est pas étonnant que ces deux pièces soient
jouées en même temps, car les deux dramaturges s'y attaquent au fonctionnement de la loi.

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