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Un soir,
elle me parla de Martin. Elle qui aimait les femmes,
s'intéressait à un homme !
Quelques jours avant, je fêtais mes 30 ans dans la
maison que mon père possède à l'ouest de Paris, près de
Montfort l'Amaury. Cette maison basse est au détour de
la route qui nous sépare des terres des environs. Les
voisins absents, la sono cracha ses BPM en plein virage
du vendredi soir jusqu'au dimanche matin. Après ce
week-end, nous ne nous étions pas revus, juste appelés.
Jusqu'à notre rendez-vous. J'avais invité Claire à dîner ce
soir-là. Elle avait accepté. Je devais passer la prendre. Et
croiser cet homme, Martin.
Une fin d'après-midi de novembre. Je montai au
deuxième étage de l'immeuble où Claire travaillait. Pas
d'hôtesse, le même mobilier qu'ailleurs, quelques plantes
vertes et un point d'eau, froide ou tempérée. Je savais où
aller. Les portes des bureaux étaient fermées, les stores
baissés. Au fond du couloir, j'entrai sans frapper dans
une salle de réunion. Je m'excusai. Claire n'était pas seule.
Pierre Miller me salua. Je connaissais Simon Lebrun.
Trois autres hommes étaient assis autour de la grande
table ovale. Claire me présenta Martin. Il vint me serrer
2 Un homme dans sa vie
dans un bar.
Dans la rue, des gens passaient. Le temps aussi… La
nuit avançait. Sur sa chaise, légèrement de côté, Claire
mélangeait des sourires au cocktail qu'elle buvait. Parce
que je ne l'écoutais pas, elle me parlait de lui, Martin,
sans rien me dire, ce qui l'amusait. Une voix fluide,
pleine d'exclamations ! C'était lui, pas de doute.
« Pourtant je n'ose pas lui parler. Il m'intimide. Il est
trop gentil. »
Je croisai les jambes, oubliant Claire assise en face de
moi. Elle finit par se redresser et me dit :
« Simon et Pierre pensent qu'il manque de
caractère. »
Elle soupira alors bruyamment, le verre vide.
Impatient, je reposai mon pied.
« Ça va ? » Une banalité qui m'échappa avec dépit.
Je précisai :
« J'espère que tu n'auras pas de problèmes parce que
tu es partie plus tôt.
– Des problèmes, j'en ai déjà. Je n'ai pas ta chance
Thomas, je dépends du monde dans lequel je vis. C'est
implacable. Mais ça ne durera pas… On y va ? »
Presque un aveu, intimement pressenti, espéré. Claire
n'y croyait pas ou plus. Elle n'y avait jamais vraiment cru,
je pouvais en témoigner. Elle n'était pas définitivement
adulte. Elle voulait grandir, partir. Pour commencer,
Claire voulait quitter ce bar.
C'est ce que nous avons fait.
Nous bavardions en marchant lentement avenue
4 Un homme dans sa vie
La Grosse Pomme
Le ciel est en poussière,
elle est tombée par terre,
si bas que dans nos mains
file une corde sans fin.
J’aimais cette façon qu’avait Claire de s’exprimer,
même si je ne partageais pas ses idées. Grosse pomme
ou pas, n'en parlons plus ! Tenace ou provocatrice, elle
me demanda où j’étais ce jour-là. Où étions-nous ?
Devant un écran de télévision, tous prostrés, agenouillés,
illuminés et frappés par l'explosion en direct d'une
Un homme dans sa vie 5
«Viens ! »
Je marchais en direction de la bande de ceux qui
s'agitaient le plus. De vrais mecs, démonstratifs, qui à
tour de rôle, les bras et le verbe très hauts,
s'improvisaient lutteurs.
Pas si simple. Il faut y aller !… Rester dans le cercle,
trouver ses limites, s'y tenir, se lâcher, les défier, les
flatter, se jouer d'eux. Difficile ! Plutôt virils. Tous.
Taillés au burin, un peu négligés. La barbe, le pantalon
ample, les cuisses larges. La question ne se pose pas,
mais les cuisses sont peut-être ce qui nous fait en
premier juger un homme ou une femme.
À moi ! Ils m'attendaient, les mains plein les poches.
Dans les parages de Marie, qui les encourageait.
Comment après elle, oser se frotter à une telle garde ?
Hélas, je n'en avais ni le talent ni le tempérament. Quel
esprit de corps ! Des casseurs d'ambition. La ligne que je
n'ai pas franchie n'était pas imaginaire. Ils m'ont coupé la
parole et tout a volé. De mes intentions, retournées,
fouillées, jusqu'à une certaine image de moi, ma fierté,
que je dus ramasser, avant de me prendre une remarque
plus directe. À propos de Claire. Toujours par le même.
Une histoire de séduction, une rancune tenace née du
ridicule d'un soir.
Le brave insista :
« Tu sais qu'elle s'est rasé le sexe ? » Goguenard, il
grogna en direction de Marie. Je refusai de la regarder.
Martin ne disait rien. Difficile de savoir s'il comprenait.
Je saisis un gobelet en plastique qui m'était tendu. De là,
Un homme dans sa vie 25
d'avancer.
La partie occupée par Stéphane, le frère de Marie,
était un tout autre décor. Un clair-obscur, chaleureux,
confortable. Du charme. De l'étoffe, de la matière, un
whisky 12 ans d'age. Il s'y tenait une causerie. Une
intimité de circonstances. Amis ou non, peu d'invités
venaient jusqu'ici, ou bien ils ne restaient pas. Jamais
Martin ne serait venu seul.
« Il y a un cendrier sur la cheminée. » Distant,
Stéphane montrait l'endroit à Martin, qui s'écarta de
nous. Stéphane ne fumait pas, mais il supportait que les
autres le fassent.
Stéphane reposa sa main sur le genou de sa voisine.
Ces soirées organisées par sa sœur lui ramenaient des
filles. Il ne s'en cachait pas. Il ne s'en privait pas.
Ma présence lui permit de ne plus parler de lui.
« Pourquoi n'écris-tu pas un bouquin de cul ? »
Les quelques personnes présentes s'en amusèrent. Je
leur proposai une œuvre collective. À Stéphane de rire. Il
n'hésitait jamais à me donner un conseil. Il avait toujours
une idée de roman. Stéphane était obsédé par le succès.
Tout se passait ainsi, mollement, un verre à la main,
quand j'entendis :
« Thomas ! »
C’est le signe de la main que Claire faisait qui m'a
attiré.
Elle était seule dans un couloir sombre. Elle recula
avant de franchir une porte.
La pièce était vide. Martin m’avait suivi. Nous étions
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sèchement :
« Ce n'est pas la faute des médecins. » Marie l'affirma
haut et fort. Elle et Martin s'observaient. Je craignais
d'entendre parler de maladies, de malades. Mais Marie ne
regardait déjà plus Martin. Elle se tourna vers moi.
« Quel est le pléonasme de la semaine, Thomas ?
Boire une tasse ?
– Voter Chirac…
– C'est toujours le même ! Rien de nouveau ?
– Pisser par terre !… »
Martin roulait vite, assez pour nous éviter de trop
parler. Il fumait. Je me taisais. Une présomption tenace,
la condensation des rancoeurs, l'étrangeté des ombres,
les rues de Paris, les vitres fermées, la fumée, une
incandescence, une cigarette, des cendres, Claire, Martin
et tous les autres, j'aurais voulu aller plus vite. Tout
écraser. Tout foutre en l’air.
Il me déposa. Je restais sur le trottoir. Martin repartit.
J'entrai rapidement chez moi. Encore dans le noir, je me
mis aussitôt à la fenêtre. Trente secondes à perdre. Mais
rien… La nuit. Là, nue, couchée entre les murs de corps
en pierre et brique. Pas plus de lumières en face que de
figures soustraites ou d'intensité nocturne. Comment
surprendre mes voisins ? Comment les imaginer, eux
faisant l'amour ?
Je n'ai jamais vraiment eu l'occasion d'être voyeur.
Surtout à cette époque. L'appartement que je louais rue
de Liège — rue de Berlin, jusqu'en 1914 — était en rez-
de-jardin. Il donnait sur une cour. Je ne me voyais pas
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mais au-delà leur sens strict, elle les inscrivait dans une
absurde réalité.
« Son ami l'a quitté il y a quelques semaines. »
Distrait, je n'écoutais plus, le regard suffisamment
rond pour ne pas me montrer curieux. Claire ne
remarquait rien. Cette histoire était ignoble, sans être
spectaculaire. Ni décès ni accident, pas même
d'agression. Du terrorisme social, très efficace. Une
affaire de mœurs, un genre remis au goût du jour. Ce fait
divers ne me fascinait pas, il ne m'excitait pas, il
m'intéressait. Un modèle ! Une bombe, un effet de
groupe, une dissipation. Un chaos exemplaire suivi d’une
absence prévisible de tragédie. Tout m'intéressait, les
détails surtout, y compris les photos. J'aurais également
voulu interroger Simon, plus tous ceux que je
connaissais. Les réactions de tous, sauf Martin,
m'intriguaient.
Difficile de rester attentif, pertinent, consensuel.
J'essayai pourtant :
« Pourquoi Pierre ne porte-t-il pas plainte ? Vous
pourriez également le faire à sa place ? Vous savez qui
c'est ! » Élémentaire... L'envoi était anonyme mais
consécutif au licenciement.
Il n'y eut qu'une réponse de Claire :
« C'est Simon qui est derrière tout ça. Il n'y a que lui
qui en soit capable. »
Tout était rangé, pas le moindre petit objet à pousser
sur la table basse — une manie. Les gros titres du journal
ne changeraient pas, j'étais tranquillement enfoncé dans
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Tout un chacun qui n'a pas souffert comme moi devra désormais
avoir honte devant moi !
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crispèrent.
« Je suis partie avec Martin en Italie. »
Elle avait hésité.
Un aveu. Tardif. Claire aurait pu le répéter à l'infini.
Impensable. Cela n'avait pas de sens. Je ne m'en étais
jamais douté. Pourquoi osait-elle m'en parler ? Était-ce
vrai ?
Bizarrement, je m'inquiétai des détails.
Martin n'était resté qu'un week-end. Lui était déjà
venu dans cette région de la péninsule. Vérone et le lac
de Garde. Vérone, oui… Mais où est-ce ? Et ce lac… La
Lombardie ? La Vénétie. Les Dolomites.
« C'est moi qui lui ai proposé, dit-elle. J'ai même dû
insister plusieurs jours. »
Martin avait finalement cédé. Claire était radieuse.
Moi, si soupçonneux :
« Méfie-toi !
– Ne sois pas si tragiquement romanesque. »
Claire multiplia les anecdotes comme autant de
preuves de ses vacances. Un pays riche. Des biens, une
histoire, une lumière, une minéralité. Une modernité.
Dans un port de pécheurs, le capot rouge d'une Maserati
qui sortait d'une rue étroite. Une dolce vita hyperréaliste
dépeinte avec une inclination toute latine. Claire finit par
une belle Ferrari, un playboy gominé au bord d'une
piscine, sa montre en or, son drôle d'accent et un éclat de
rire sous la verrière du jardin d'été d'une discothèque…
Un coup de sonnette. La concierge ! D'habitude elle
frappait à la porte. Claire en profita pour me laisser. Elle
60 Un homme dans sa vie
Baisse-toi
Ramasse ta vie
Prends ces années
Tu les as faites
Je tapais quelques phrases, mon portable sur le
bureau. D'ordinaire, je préfère un canapé, mais j'avais
besoin de place. En haut d'une feuille volante, en
évidence, le titre que j'avais gratté la veille — Un homme
dans sa vie. Fatigué, il était tard, je n'avais pas poursuivi.
Mais, bonne nouvelle du jour, après une nuit démesurée,
j'avais de quoi m'accrocher et la force de continuer. Sans
Claire et malgré lui, je devais m'acquitter de l'enterrement
du passé de Martin. Avec le matériel posé là. D’une pile
de lettres, bribes et briques, je devais faire une gerbe, un
requiem ou un éloge. Adieu aux souvenirs avant le repos
et l'oubli. Qu'ils dorment en paix !
L'enfant d'abord. Cinq ans, guère plus. Martin ne le
vit qu'une fois, au pied de l'immeuble dans lequel il
habitait. Martin rentrait chez lui. Il marchait, tête basse.
Par terre, sur un sol en bitume, il aperçut une béquille.
Martin sourit quand il vit un petit garçon debout, seul à
côté. Dans la continuité de ses pas, sans réfléchir, Martin
allait se baisser. Grande, si large, sa main pointait l'objet
de métal et de plastique quand il comprit. L'enfant avait
les jambes prises dans une prothèse. Polio. Peut-être !
Peut-être, souffre-t-il de poliomyélite, pensera plus tard
Martin. Mais surtout, rageur, barrant le passage de
l'adulte d'un coup de tête, l'enfant grimaçait. Il refusa le
secours de cet homme avec force. En se cassant, ce
78 Un homme dans sa vie
– Quoi ?
– L'anglicanisme ! »
Nous n'avons pas traîné.
Un minuscule mur de vieilles pierres à une croisée de
chemins bientôt derrière nous. Nous continuions à pied
sur une route qui menait au sweet-home ; la ferme de la
grand-mère de Jeanne.
Je dus courir à travers champs quand elle partit
devant. Je ne voulais pas la perdre. Moi, ce pèlerin à la
recherche d'un asile, j'imaginais Jeanne héroïne de mon
retour. Le premier jour, j'avais attendu l'envahissement
de la nuit et notre intimité. Le matin suivant vinrent les
brumes, une mélancolie passagère, des sautes d'humeur
étonnantes. Puis, lors de la visite d'un musée qui traînait
en longueur par ma faute, pressée d'en finir avec une
tapisserie de la reine Mathilde, Jeanne disparut. Soudain
frappé par son absence, je compris alors que je ne
pouvais être dans son esprit qu'aventures et conquêtes.
Un conquérant ? Mais quel exploit accomplir ? Rattraper
Jeanne ne serait pas suffisant. La laisser faire et défaire
me semblait être le plus simple pour nous deux.
D'ailleurs, que restait-il à conquérir ? Presqu'îles, baies,
pointes, dunes, calvaires, bunkers… Pas le moindre
centimètre autour de moi qui n'ait pas un nom et une
histoire.
Un homme, une femme. Hasard et nécessité. Qui ne
veut croire à l'insouciance miraculeuse du partage des
sentiments ? Trois jours d'un ciel changeant, de vergers,
de verres de cidre, d'éclaircies, d'une volée de tendresse,
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courtois.
« Je suis heureux de vous rencontrer ici.
– Je viens reconnaître les lieux, plaisantai-je les lèvres
pincées. Espérons que l'endroit n'est pas ennuyeux. »
Pierre se caressa la gorge, le teint gommé sous une
barbe naissante. Il portait une chemise bleu pâle,
sûrement en coton ; ce coton gratté qui fait un bruit de
papier lorsqu’on le froisse. Le pantalon était en toile,
comme les baskets. Un look sportif. Un sourire amical.
Reposé, détendu, rajeuni, avec une nonchalance
particulièrement désarmante, Pierre s’avança tout près de
moi avant de reculer. Je m’affolai à l’idée de devoir le
suivre. Je vais m'enfouir ! Je me le répétai. Je devais
disparaître ou ne pas bouger.
Finalement, Pierre me répondit :
« Je comprends. J'espère que cela ne sera pas le cas.
Disons que c’est paisible. »
Il ne reculait plus. Il fit un tour rapide de la pièce :
« La décoration est… Très campagne ! Pas assez
champêtre. Les propriétaires ont fait de cette
gentilhommière un manoir. Avec des lustres, des glaces
et un sol carrelé, l'ambiance serait tout autre. Ils ont
préféré enfermer ici un véritable trésor rural. Vous
verrez, nous sommes dans le palais de l'armoire.
– Ce n'est qu'en même pas un grenier ! »
Mon embarras était palpable. Je tournai autour de lui
pour gagner le meuble le plus proche, un buffet d'un
certain style. Je m'y adossai. Je suis habituellement à
l'aise, aimable avec tout le monde, souriant, éduqué. Cela
112 Un homme dans sa vie
Je me décidai :
« Julia, Je n'ai pas vraiment envie de descendre à la
cave. »
Un refus anodin mais résolu, prémédité, patiemment
répété au cours des derniers mois, toutes ces heures
passées à apprivoiser mon manque de courage, de
volonté, à tout imaginer, penser à tout et tracer une
limite autour de ce que je voulais être. Intelligent ou pas,
cela comblait un vide. J'avais mûri, non pas à grands
coups de certitudes mais à force d'incrédulité, de respect
de ma personne et d'ignorance des autres. J'étais ici par
faiblesse, envie de vivre. Je voulais en profiter. Je ne
souhaitais pas renaître à leurs yeux ou disparaître. Je
voulais en rajouter à mon sujet.
Vexée, Julia revint vers moi.
« Je t'ai dit que Claire est arrivée hier soir ? Elle a
déposé Pierre. Elle est repartie presque aussitôt. Elle
devrait être de retour ce soir, demain au plus tard. »
Julia manquait de discernement. J'attendais cette
rencontre. Je n'avais pas vu Claire depuis trois mois.
Trois mois depuis ses lettres, Martin, l'enfant, cette
phrase qu'elle n'avait pas terminée.
Les sentiments sont une spiritualité, Claire ne me le
répéterait pas. Pas de vie sans âme ? Il n'y a que des
corps en vie. L'absence de Claire était là. En moi. Dans
ce que j'avais été pour elle. Dans la disproportion avec
cet homme dans sa vie que Claire portait. Quelle merde ! Je
n'avais pas voulu cela. Pas une telle folie. Jamais je
n'aurais pu donner à Claire pareille liberté. Elle n'avait
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forme pleine. Un lac. Elle avait mis le doigt sur le lac Kir.
Julia ne savait rien de précis quant au site. Un lac
artificiel, peut-être le premier plus grand lac artificiel
d'Europe. Un nom de chanoine. Kir est emprunté au
chanoine Kir, un homme du XXe siècle, l'un de ces
personnages historiques dont le nom est inscrit au
patrimoine national. Le chanoine Kir, moins connu que
le douanier Rousseau, le facteur Cheval ou le guide
Michelin. Pourquoi avoir choisi ce parc ? Les rares
photos vues par Julia montraient le plan d'eau, des
bateaux, des voiles, des moniteurs ainsi que leurs élèves.
Elle lisait les commentaires. Ils parlaient du centre
nautique, d'un golf miniature, d’un restaurant, des
hectares et kilomètres d'une promenade très fréquentée
le dimanche. La nuit, le parking se transformait en lieu
de drague. Une ligne mentionnait également la présence
de nudistes. L’endroit était vivant et pluriel. Voilà ce qui
plut à Julia. Elle décida de nous réunir là, tous ensemble.
Notre dernière communion serait à ciel ouvert et aux
yeux de tous. Elle se mit d’accord avec le restaurateur et
loua une salle.
En arrivant dans cette salle, dimanche vers 13 heures,
nous eûmes la surprise de voir Julia entourée
d'enfants. Elle distribuait des gâteaux à ceux qui avaient
le courage d'approcher. Nous restâmes à regarder, sans
oser parler et avouer ne pas s'expliquer ce qu'une dizaine
de handicapés sourds-muets faisait là, jusqu'à ce que Julia
nous invite à venir l'aider ou à nous asseoir à une table.
Je m'assis, méfiant. Je n'avais pas la prétention de
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