You are on page 1of 174

À l’occasion de la naissance du Prophète

mercredi 14 mai 2003

Question
Qu’est-ce que la naissance du Prophète évoque chaque année dans l’esprit du musulman ?

Réponse de Sheikh Ahmad Ash-Sharbâsî


Qui aurait pensé, le jour où naquit notre maître Muhammad - paix et bénédictions sur lui - que
ce nouveau-né orphelin et pauvre allait devenir le réformateur de l’humanité et le maître du
monde ? Muhammad - paix et bénédictions sur lui - commença sa vie en pleurs comme ferait
tout nouveau-né. Il naquit d’une femme qui ne se distinguait du commun des femmes ni par la
fortune ni par le prestige. Sa naissance eut lieu entre les murs d’une maison modeste qui
n’avait rien d’un beau manoir, ni d’un palais muni de balcons. Sa naissance, quoique bordée
des soins divins et de l’attention seigneuriale depuis le début, se passa de toute festivité.
Combien de nouveau-nés sont annoncés avec moults célébrations et sacrifices d’animaux et
pour qui les canons retentissent et les chapiteaux sont dressés, puis qui deviennent après cela
insignifiants et ne sont pas considérés auprès de Dieu.

Et combien de fois un nouveau-né naît à l’insu des gens, sans festivité et sans annonces, mais
faisant la joie du ciel. Les anges en sont heureux dans l’horizon supérieur quand bien même il
passerait inaperçu entre les habitants de la poussière inférieure. Les astres débordent de
lumière en son honneur tandis que sur terre aucune lampe ne s’allume pour lui. Les vérités de
l’univers et les secrets de l’existence se préparent pour lui tendre des coupes de leur pur nectar
et de leur breuvage généreux. Le meilleur exemple que nous donnons - et que Dieu Exalté
soit-Il donne - de cette catégorie, c’est notre maître et seigneur Muhammad Ibn `Abd Allâh -
paix et bénédictions sur lui...

Notre maître Muhammad vint implanter une religion dans les esprits et fonder une société sur
terre... Ceci est une vérité nécessairement connue de la religion. Celui qui hésite à son sujet
est un ignorant et celui qui la nie n’est pas musulman. La religion qu’il a implantée est celle
du Monothéisme et de la pureté, celle de la fraternité et de l’humanité, celle de la droiture et
des nobles manières. Elle est la religion de l’esprit cristallin qui donne la prééminence aux
affaires de l’âme par rapport aux affaires du corps, qui préfère le lien des cœurs au lien des
seins, qui se dépense activement dans la vie puis qui se soumet entièrement à la volonté du
Connaisseur de l’Inaccessible et qui revêt de nuit les attributs du moine, et de jour ceux du
preux chevalier.

Notre maître Muhammad vint pour combattre le diable partout. Il ne s’agit pas seulement du
diable représenté par Satan, son grand suppôt, mais le diable présent dans toutes les formes du
mal qui se répandent dans le monde. Le diable peut en effet prendre la forme d’une idole qui
tente son adorateur ignorant vers l’égarement et l’idolâtrie. Il peut également résider dans une
illusion réduisant l’homme à l’esclavage et lui retirant ses facultés de réflexion, si bien qu’il
cesse d’avoir confiance en son Seigneur et en lui-même. Il réside aussi dans la thésaurisation
des richesses au point que l’or devienne pour son propriétaire une divinité adorée en dehors de
Dieu. Il peut prendre la forme d’une femme licencieuse qui te détourne de ta dignité, ou d’un
ami traître et pervers qui corrompt tes manières, ou encore d’un séducteur trompeur qui met ta
dignité sous son joug, ou toute autre forme du mal... Le Messager de l’islam - paix et
bénédictions sur lui - vint combattre tous ces démons...

Il livra la guerre au diable dans le domaine du culte en réduisant les divinités multiples à un
Dieu unique. Il éleva les gens des bas-fonds de l’idolâtrie et du polythéisme à la limpidité du
monothéisme. Il lutta contre le diable dans le domaine des illusions et des légendes : il lutta
contre toutes sortes de divination par les oiseaux, le sable, les pierres et les idoles ; il lutta
contre les inepties dont le diable se sert pour répandre l’ignorance et l’aveuglement dans
l’esprits des insouciants, faisant d’eux les esclaves des mensonges et des chimères. Sur ce
plan, il eut l’extrême sagesse d’honorer la raison et d’élever son rang. Ainsi nous a-t-on
transmis parmi ses enseignements : "Accrois ta raison, tu seras plus proche de ton Seigneur." ;
"Toute chose repose sur un appui, et l’appui du croyant c’est sa raison. La qualité de son culte
est à la mesure de sa raison." ; "La raison dirige son détenteur vers la guidée et le détourne du
péril. La foi de l’individu n’est parfaite et sa religion n’est droite que lorsque sa raison est
complète." ; "La raison est une lumière dans le coeur qui lui permet de discerner le vrai du
faux."

Il lutta contre le diable sur le terrain des passions et des plaisirs en enseignant à ses disciples
la modération dans la nourriture et les boissons, la répression de leurs instincts concupiscents
et l’élévation au-dessus des passions de l’âme et des désirs charnels, si bien qu’ils devinrent
tels des anges marchant entre les gens en toute quiétude. Leurs coeurs s’emplirent de la
crainte de Dieu et se détournèrent des passions et de la convoitise : "Bienheureux sont certes
les croyants, qui se recueillent dans leur prière, qui se détournent des futilités, qui s’acquittent
de l’aumône, et qui préservent leur chasteté, à moins que ce ne soit avec leurs épouses ou avec
ce que possède leur dextre, car là vraiment, on ne peut les blâmer - alors que ceux qui
cherchent au-delà de ces limites sont des transgresseurs -, qui veillent à la sauvegarde des
dépôts qui leurs sont confiés, qui honorent leurs engagements et qui observent strictement
leurs prières. Ceux-là sont les héritiers, hériteront du Paradis pour y demeurer
éternellement." [1]

Il combattit le diable dans le domaine des finances et de l’économie, vaste sujet qui demande
de longs développements, alors que nous sommes contraints ici à la concision.

La communauté pâtit énormément lorsqu’il existe en son sein un individu riche, opulent et
dépensier, et non loin de lui, une pauvreté extrême et une misère noire. Il est indispensable
pour l’équilibre de la société et pour l’existence d’un esprit de solidarité et d’amour mutuel en
son sein, qu’il y ait un niveau de vie général, dont le riche opulent et dépensier s’éloigne peu,
et qui n’est pas bien au-dessus du pauvre avec sa faim et sa privation. Nous ne visons pas ici
une égalité absolue, ni un communisme rampant. Nous visons plutôt le rapprochement entre
les classes sociales, ce que fit le Messager de l’islam...

Il lutta aussi bien contre la pauvreté et ses démons que contre l’opulence et ses démons...
Lorsqu’il vint, il vit dans la Communauté des pauvres et des riches. Il incita alors à la charité
et à la bienfaisance et récita la parole de son Seigneur : "A ceux qui thésaurisent l’or et
l’argent et ne les dépensent pas dans le Sentier de Dieu, annonce un châtiment douloureux, le
jour où ces trésors seront portés à l’incandescence dans le feu de l’Enfer et qu’ils en seront
cautérisés, front, flancs et dos : voici ce que vous avez thésaurisé pour vous-mêmes. Goûtez
de ce que vous thésaurisiez.›" [2]
Il veilla à l’entraide disant : "Dieu vient à l’aide du Serviteur aussi longtemps que celui-ci
vient à l’aide de son frère". Cette démarche ne s’arrêta pas au volontarisme de l’aumône ; la
prescription de la zakâh (aumône légale) - qui rend mécréant celui qui la nie, et dont on
combat celui qui ne s’en acquitte pas - vint la compléter : "[...] et sur les biens desquels il y a
un droit bien déterminé [la zakâh] pour le mendiant et le déshérité." [3] ; "Mangez de leurs
fruits, quand ils en produisent ; et acquittez-en les droits le jour de la récolte. Et ne gaspillez
point car Il n’aime pas les gaspilleurs." [4]

Le Messager dut prendre à certaines occasions des mesures strictes dans le rapprochement des
classes de la société afin que la richesse extrême et la misère noire ne mettent pas en péril les
liens sociaux. Il vit peu de temps après son émigration à Médine, d’une part les Ansâr, les
habitants d’origine médinoise, qui jouissaient de leurs maisons, de leurs biens immobiliers, de
leurs fortunes et de moyens stables de subsistance et qui vivaient dans une aisance et une
sécurité financière enviable, et d’autre part, les émigrés mecquois, chassés de leurs maisons et
de leurs possessions, ayant perdu leur gagne-pain habituel et qui, malgré l’aide et le soutien
qu’ils avaient reçus de la part de leurs frères ansârites, avaient besoin d’un ballon d’oxygène
pour réanimer leur situation économique et se rapprocher du niveau des Ansâr, chose que le
Messager accomplit grâce une opération très réussie...

La Sîrah du Messager - paix et bénédictions sur lui - nous apprend que le butin de
l’expédition de Banû An-Nadîr revint entièrement au Prophète du fait que la victoire fut
achevée par un traité et non par le combat armé. Le Prophète décida alors de le partager entre
les Émigrés sans rien en donner aux Ansâr, exception faite de deux hommes démunis ! Oui, il
le distribua entre les Muhâjirûn sans rien en donner aux Ansâr, non par mépris pour ces
derniers, mais parce qu’ils étaient riches alors que les émigrés vivaient dans la pauvreté. Le
Messager - paix et bénédictions sur lui - visait à rapprocher la situation économique des deux
groupes tout comme ils étaient devenus des frères par la Grâce de Dieu. C’est pourquoi il fit
don à deux hommes parmi les Ansâr qui vivaient dans le besoin , et si ces hommes avaient été
riches, il ne leur aurait rien donné !

Muhammad - paix et bénédictions de Dieu sur lui - combattit la maudite pauvreté, fit en sorte
que chaque être humain puisse bénéficier d’un niveau de vie honorable, prescrivit une aide
financière puisée dans la Trésorerie de l’Etat Islamique pour aider les démunis et assura à ses
disciples une vie digne et honorable. Ce Messager tint à donner l’exemple le meilleur si bien
qu’il se fatigua pour que les autres trouvent le repos, connut la faim là où les autres se
rassasiaient et se priva de bien des choses licites pour qu’en profite le reste de sa
communauté. Des mois passaient, sans que le feu ne s’allume sous une chaudière dans la
maison prophétique, alors que les maisons voisines s’adonnaient à la cuisine. Dieu proposa à
son Prophète Muhammad de lui transformer certaines montagnes en or et en argent, mais il
refusa. Il préféra avoir faim certains jours pour invoquer son Seigneur, et se rassasier d’autres
jours pour Le louer. Il préféra la vie des serviteurs à la tyrannie des césars et autres chosroés.
Il invoquait tout au long de sa vie : "Ô Dieu, fais que je vive pauvre, que je meurs pauvre, et
que je sois ressuscité avec les pauvres".

Ce comportement du Prophète Muhammad ne signifie pas qu’il méprisait la vie ou qu’il


encourageait autrui à délaisser les affaires de ce bas-monde. Il agit en tant que chef suprême
et, ce qui pour certains est une bonne œuvre, passe toutefois pour une œuvre médiocre de la
part des gens de degrés spirituels supérieurs. Sa vie fut ainsi marquée par une rigueur
supérieure à celle des autres, pour écarter de lui toute mauvaise pensée, et afin que nul
n’estime qu’il serait interessé par quelque pouvoir ou intérêt personnel. C’est pour cela que
Muhammad éduqua sa famille par cette discipline raffinée. Il ne la laissa pas s’adonner à
l’aisance ni profiter des choses matérielles comme le font les autres, car les regards sont
dirigées vers eux et l’attention est tournée vers leurs actes. Dieu - Exalté Soit-Il - voulut ce
grand ascétisme pour Son Prophète : "Et ne tends point tes yeux vers ce dont Nous avons
donné jouissance temporaire à certains groupes d’entre eux, comme ornement de la vie
présente, afin de les éprouver par cela. Ce qu’Allah fournit au Paradis est meilleur et plus
durable." [5]

Dieu voulut également que les épouses du Prophète, paix et bénédictions de Dieu sur lui,
donnent le meilleur exemple, le modèle digne de la demeure prophétique. Ainsi, elles n’ont
pas ambitionné les jouissances, les honneurs ni les artifices de la vie présente. Au contraire, il
leur seyait davantage d’espérer ce qu’il y a auprès de Dieu. En outre, Dieu les informa que
leurs péchés compteraient double et que leurs œuvres pies auront une double rétribution. Il les
mit en garde contre la promiscuité, la parure excessive, et leur ordonna d’accomplir les choses
prescrites, avec une obéissance et une soumission totales aux versets de Dieu et à la Sagesse.

Il te suffit de lire les versets suivants pour comprendre comment Dieu - Exalté et Glorifié
Soit-Il - traça la voie de la perfection et de la grandeur aux épouses du chef suprême. Et pour
barrer le chemin à la moindre supputation soutenant la thèse de l’exploitation du statut de
Prophète à des fins personnelles, Dieu dit : "Ô Prophète ! Dis à tes épouses : ‹Si vous désirez
la vie présente et sa parure, alors venez ! Je vous en ferai jouir et je vous libérerai par un
divorce sans préjudice. Mais si c’est Allah que vous voulez et Son Messager ainsi que la
Demeure dernière, Allah a préparé pour les bienfaisantes parmi vous une énorme récompense.
Ô Epouses du Prophète, quiconque parmi vous commet une turpitude prouvée, le châtiment
lui sera doublé par deux fois ! Et ceci est facile pour Allah. Et celle d’entre vous qui est
entièrement soumise à Allah et à Son Messager et qui fait le bien, Nous lui accorderons deux
fois sa récompense, et Nous avons préparé pour elle une généreuse attribution. Ô Epouses du
Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme. Si vous êtes pieuses, ne soyez pas
trop complaisantes dans votre langage, afin que celui dont le coeur est malade ne vous
convoite pas. Et tenez un langage décent. Restez dans vos foyers ; et ne vous exhibez pas à la
manière des femmes de l’ère de l’Ignorance. Accomplissez la prière, acquittez-vous de
l’aumône et obéissez à Allah et à Son Messager. Allah ne veut que vous débarrasser de toute
souillure, ٍ Gens de la Maison, et vous purifier pleinement. Et gardez dans vos mémoires ce
qui, dans vos foyers, est récité des versets d’Allah et de la Sagesse. Allah est Doux et
Parfaitement Connaisseur." [6]

Notre maître Muhammad veilla grandement à ce que nul parmi les siens n’estime que son lien
de parenté avec lui ou sa proximité de lui ne lui procureraient des droits supplémentaires.
Muhammad est pour tous - son héritage appartient à toute sa communauté et son alliance est
donnée à chaque personne qui croit en lui. Une personne croyante et noire de peau vaut mieux
qu’un hachémite mécréant. C’est pour cela que le Messager dit à sa fille : "Ô Fatimah, fille de
Muhammad, œuvre pour toi-même car je ne vous exempte de rien vis-à-vis de Dieu." Il dit
également : "Certains parmi les Gens de ma Demeure estiment qu’ils sont les plus dignes de
se réclamer de moi. Il n’en est pas ainsi. Mes alliés sont les pieux, quels qu’ils soient et où
qu’ils soient. Et je n’autorise point les Gens de ma Demeure à corrompre ce que j’ai
réformé !"

Combien sage est cette lettre que l’un des Sultans d’Egypte envoya à un Émir ayant un lien de
parenté avec le Messager, paix et bénédiction de Dieu sur lui ; il lui dit :
« Sache que la bonne œuvre est louable en soi ; elle est d’autant meilleure lorsqu’elle vient de
la maison prophétique. La mauvaise œuvre est mauvaise en soi ; elle est pire encore si elle
sort de la maison prophétique. Il nous est parvenu que tu as remplacé la sécurité par la peur.
Tu as commis ce qui rend le visage rouge de honte et qui noircit le registre des œuvres. Soit tu
observes tes limites, soit nous te trancherons par l’épée de ton aïeul [le Prophète]. »

Il convient de noter à cet égard que notre maître Muhammad - paix et bénédiction de Dieu sur
lui - vint avec la Législation de l’égalité véritable. Il ne se contenta guère de paroles ou de
théories, non, il ajouta aux mots la pratique et l’application sous sa forme la plus noble.

Lorsque nous voyons les Etats-Unis - avec leurs grands slogans où ils se font passer pour "le
Gardien des Libertés" ou le pays de la fraternité humaine et de l’égalité - faire une
discrimination entre Blancs et Noirs, au point de priver l’Américain noir de côtoyer
l’Américain blanc dans les universités et ailleurs, nous rappelons que le Messager de Dieu -
paix et bénédiction de Dieu sur lui - donna aux trompeurs - qui disent ce qu’ils ne font pas -
d’inoubliables leçons dans le respect de la dignité humaine et l’établissement de la fraternité.
En effet, il fit de Bilâl, l’Abyssin, de Suhayb, le Byzantin, et de Salmân, le Perse, des frères
égaux aux Qurayshites et aux plus éminents chefs arabes comme Abû Bakr, `Umar, `Uthmân,
`Alî, Mu`âwiyah et Abû Sufyân. Et ces hommes libres arabes n’ont aucun privilège sur des
esclaves non-arabes, car l’Islam abolit l’ignorance pré-islamique, le racisme, l’orgueil motivé
par une appartenance tribale ou ethnique, la fierté puisée dans la généalogie ou les liens de
sang. "Vous êtes tous issus d’Adam et Adam est fait de poussière !" "Ô gens ! Nous vous
avons crées d’un mâle et d’une femelle et nous avons fait de vous des peuples et des tribus
afin que vous vous entreconnaissiez. Certes le plus honoré parmi vous auprès de Dieu, c’est le
plus pieux." [7]

Si les Etats-Unis, qui se veulent un pays moderne, civilisé et raffiné, comptant un grand
nombre d’universités, de journaux, de boutiques, de clubs et de communautés, interdisent à
l’Américain noir d’épouser une femme blanche, s’ils les séparent quand bien même le
mariage est conclu avec l’approbation de la femme, s’ils prévoient une peine pour un tel acte
et y voient un crime, alors notons que Muhammad enseigna à l’humanité, depuis de nombreux
siècles, comment éradiquer ce ridicule racisme [8].

Muhammad - paix et bénédiction de Dieu sur lui - fit de l’esclave Zayd Ibn Hârithah le mari
d’une Arabe noble libre et prestigieuse, Zaynab Bint Jahsh, qui était digne de devenir plus tard
une épouse du Noble Messager et l’une des Mères des Croyants, que Dieu les agrée et les
bénisse.

Le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - vint renforcer la voie de la noble éthique et
de la bienfaisance dans le comportement. Il vint bâtir la vie selon la générosité et la beauté du
pardon envers celui qui a mal agi. Le voilà récitant à son peuple la Parole de son Seigneur le
Très Sage : "Pardonnez et faites bonne grâce." [9] ; "Le pardon est plus proche de la
piété." [10] Il récita aussi : "[...] ceux qui dominent leur rage et pardonnent à autrui - car Allah
aime les bienfaisants" [11] ; "La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse
le mal par ce qui est meilleur ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un
ami chaleureux." [12] Il dit en outre : "Et si vous endurez... cela est certes meilleur pour les
endurants." [13]

Le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - ne se contenta pas de répéter ces versets -
auquel cas ils seraient restés des principes théoriques non-appliqués alors que ce qui importe
vraiment c’est leur mise en pratique. Le Prophète en fit un principe qu’il appliqua dans toute
situation où le pardon était possible. Un homme polythéiste, An-Nadir Ibn Al-Hârith, insultait
le Prophète, le menaçait, se moquait du Coran et le contredisait, participait au combat armé
contre les musulmans et incitait au meurtre du Prophète, commettait des péchés capitaux et
des turpitudes - chacune de ces turpitudes aurait suffi pour le mettre à mort, alors que dire de
leur ensemble. Puis Dieu voulut que ce maudit soit capturé pendant une bataille, et le
Prophète ordonna qu’il soit tué. La soeur de cet infâme polythéiste arriva et déclama des vers
de poésie pleurant son frère et cherchant à toucher le coeur du Prophète. Cela emplit le coeur
du Prophète d’émotions et il dit : "Si ces vers de poésie m’étaient parvenus avant sa mort, je
l’aurais grâcié." C’est une leçon qui nous enseigne à réagir positivement aux sentiments du
bien lorsqu’ils se manifestent dans l’être.

Sufânah Bint Hâtim vint le voir alors qu’elle était prisonnière de guerre et lui dit : "Ô
Muhammad, mon père n’est plus, et nul ne vient me voir. Si tu veux bien me libérer pour
m’épargner la joie des ennemis à me voir captive, car je suis la fille du chef de ma tribu. Mon
père soulageait le souffrant, protégeait les lieux, honorait les visiteurs avec hospitalité,
rassasiait l’affamé et soulageait l’éprouvé. Il donnait à manger et saluait les gens. Il n’a jamais
privé d’aide une personne qui vint à lui avec une demande. Je suis la fille de Hâtim de
Tayyi’ ! ". Le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - à peine eut-t-il entendu ses mots
qu’il en fut ému et lui dit : "Jeune femme, ce sont là des qualités du croyant. Si ton père était
musulman nous aurions invoqué la Miséricorde pour lui. Libérez-là, car son père aimait les
nobles manières." C’est ainsi que le Messager - paix et bénédiction de Dieu sur lui - la sauva
de l’humiliation de la captivité. Il lui accorda la liberté, puis prépara son voyage en toute
générosité et la fit retourner chez son frère et sur sa terre en tout honneur !

Enfin, le Prophète est venu pour établir, par la Volonté de Son Seigneur, la voie de la critique
et du jugement en matières de droits et de devoirs. Nul, aussi illustre soit-il, ne saurait en être
exempté... Chacun est un Serviteur de Dieu, soumis à Son Jugement. Quiconque fait le bien,
c’est dans son propre intérêt, et quiconque commet le mal, c’est à sa propre personne qu’il
nuit. [...]

Ô gens ! Ecoutez bien l’appel sacré du Seigneur des cieux à propos du Suzerain des
Prophètes : "Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus d’Allah ! Par ceci, Allah
guide vers les chemins du salut ceux qui recherchent Son Agrément. Et Il les fait sortir des
ténèbres à la lumière par Sa Grâce. Et Il les guide vers un chemin droit." [14] Vraie est la
parole d’Allâh le Munificent.

Allâh - Glorifié et Exalté soit-Il - est plus savant.

P.-S.
Traduit de Yas’alûnaka fî Ad-Dîn Wal-Hayâh (Ils te questionnent sur la religion et sur la vie),
v. 6, pp. 310-318. Cet ouvrage en sept volumes compile les fatâwâ de Sheikh Ahmad Ash-
Sharabâsî, que Dieu lui fasse miséricorde.

Notes
[1] Sourate 23, les Croyants, Al-Mu’minûn, versets 1 à 11.
[2] Sourate 9, le Repentir, At-Tawbah, versets 34 et 35.

[3] Sourate 70, les Voies d’ascension, Al-Ma`ârij, versets 24 et 25.

[4] Sourate 6, les Bestiaux, Al-An`âm, verset 141.

[5] Sourate 20, Tâ-Hâ, verset 131.

[6] Sourate 33, les Coalisés, Al-Ahzâb, versets 28 à 34.

[7] Sourate 49, les Appartements, Al-Hujurât, verset 13.

[8] Cette ségrégation avait encore cours aux Etats-Unis dans la deuxième moitié du 20ème
siècle.

[9] Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 109.

[10] Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 237.

[11] Sourate 3, la Famille d’Amram, Âl `Imrân, verset 134.

[12] Sourate 41, Fussilat, verset 34.

[13] Sourate 16, Fussilat, verset 126.

[14] Sourate 5, la Table servie, Al-Mâ’idah, versets 15 et 16.


Au tout début, l’Hégire
lundi 23 février 2004

Le premier jour du nouvel an musulman, le 1er Muharram 1425, tombe cette année le samedi
21 février 2004. Bien que les musulmans ne fêtent pas le nouvel an, ce jour est férié dans de
nombreux pays musulmans.

Il s’est passé 1425 années à compter de l’émigration du Prophète Muhammad de la Mecque


vers Médine, en septembre 622 E.C., événement désigné par le terme hijrah (ou hégire en
français). Ce voyage est l’un des événements majeurs de l’histoire musulmane.

Les premiers musulmans étaient très durement persécutés et torturés à la Mecque par la
puissante tribu de Quraysh. Les musulmans étaient alors peu nombreux et une grande partie
d’entre eux étaient des esclaves. Incapables de repousser la main de leurs persécuteurs, tout ce
qu’ils pouvaient faire était de patienter jusqu’à ce que Dieu leur donne une autre issue.

La douzième année de la mission prophétique, douze


hommes de la ville de Yathrib (l’ancien nom de Médine) se rendirent à la Mecque pendant la
saison du pèlerinage et rencontrèrent Muhammad à Al-`Aqabah. Ayant entendu son message,
ils embrassèrent l’islam et déclarèrent leur foi lors du Premier Serment d’Al-`Aqabah. Le
Prophète envoya Mus`ab Ibn `Umayr avec eux à Yathrib pour leur enseigner la religion.
Mus`ab réussit à convertir beaucoup de gens à l’islam. L’année suivante, en juin 622 E.C.,
soixante-treize hommes et deux femmes de Yathrib se rendirent auprès du Prophète pendant le
pèlerinage et lui prêtèrent allégeance, ce fut le Deuxième Serment d’Al-`Aqabah. Ils promirent
de le protéger et d’aider les musulmans de la Mecque à se réinstaller dans leur ville.

Cette délégation constituait le noyau de musulmans qui reçurent par la suite le nom de Ansâr,
littéralement les Auxiliaires ou les Secoureurs, des musulmans originaires de Yathrib, ville
rebaptisée Al-Madînah Al-Munawwarah - la Cité Illuminée - ou Médine. Les musulmans
quittèrent progressivement la Mecque, par petits groupes, pour ne pas attirer l’attention des
Qurayshites. Finalement, les Qurayshites se rendirent compte de ce qui se passait et
essayèrent d’empêcher nombre d’entre eux de partir. L’histoire relate de nombreux récits à
propos de ces hommes et de ces femmes qui abandonnèrent leurs maisons, leurs biens, et leurs
familles pour avoir la possibilité de pratiquer librement leur religion à Médine.

Ce fut seulement quelques mois plus tard que Dieu autorisa le Prophète - paix et bénédictions
sur lui - à quitter la Mecque. Peu de temps avant son départ, Jibrîl (l’Ange Gabriel) informa
Muhammad que Quraysh complotait pour le poignarder dans son sommeil. La nuit où
l’assassinat devait avoir lieu, son cousin `Alî Ibn Abî Tâlib se coucha dans le lit du Prophète
tandis que celui-ci se réfugia avec son Compagnon Abû Bakr dans une caverne au Sud de la
Mecque, à l’opposé de la direction de Médine. Heureusement pour `Alî, les meurtriers
découvrirent son visage avant de le poignarder ; ils le laissèrent alors lorsqu’ils réalisèrent que
leur intrigue avait été déjouée.

Muhammad et Abû Bakr se cachèrent dans une grotte pendant trois jours tandis que les
Qurayshites ratissaient les alentours de la Mecque. A un moment, leurs ennemis se tenaient à
quelques mètres d’eux à l’extérieur de la grotte, mais Dieu les protégea par des "miracles
ordinaires". Une araignée venait en effet de tisser sa toile à l’entrée de la grotte et des
colombes y avaient fait leur nid et pondu leurs œufs [1]. Les poursuivants se dirent que
personne n’était entré dans cette grotte récemment et ne la fouillèrent pas.

Les deux compagnons poursuivirent donc leur route, conduits par un guide païen, et
empruntèrent une route côtière de manière à fausser compagnie avec leurs poursuivants.
Lorsqu’ils arrivèrent enfin à Médine, Muhammad lâcha les rênes de sa chamelle et la laissa
avancer comme bon lui semblait jusqu’à se qu’elle se posât. Le Prophète acheta la terre où sa
chamelle s’était arrêtée. Puis, en attendant que la Mosquée du Prophète et ses appartements y
fussent bâtis, le Prophète et Abû Bakr bénéficièrent de l’hospitalité des Ansâr.

L’Hégire donna enfin aux musulmans un lieu où ils pouvaient déclarer ouvertement leur
religion et la pratiquer en paix. Ce fut la naissance de l’État islamique. Les versets du Coran
révélés à la Mecque avaient traité essentiellement de la nature de Dieu et de la relation de
l’homme avec Lui. A la Mecque, il y avait peu de foyers dont tous les membres étaient
musulmans. En ces temps, l’islam semblait se focaliser sur l’individu et son devenir dans l’au-
delà. A l’opposé, les versets révélés à Médine portèrent davantage sur la relation de l’homme
avec autrui - les dimensions sociale, politique et économique de l’islam qui ne pouvaient pas
être développées auparavant, sous la persécution.

L’Hégire était aussi remarquable par la fraternité et l’altruisme manifestés par les Ansâr à
l’égard des Muhâjirûn (les émigrés venus de la Mecque). Les Ansâr n’étaient pas riches.
Néanmoins, ils accueillirent les Muhâjirûn, partagèrent leur nourriture et leurs habitats avec
eux, et les aidèrent à s’installer et à trouver du travail. De plus, les Ansâr étaient conscients
que ce faisant ils défiaient les Qurayshites et toutes les tribus païennes de la péninsule
arabique. Les païens lancèrent, en effet, plusieurs campagnes militaires pour exterminer l’État
musulman naissant. Mais les Ansâr demeurèrent fidèles au Prophète - paix et bénédictions sur
lui - qui n’eut de cesse de les aimer et de les louer.

Ce fut le deuxième calife, `Umar Ibn Al-Khattâb qui choisit l’année de la hijrah comme point
de départ du calendrier musulman. Auparavant, les provinces se repéraient dans le temps par
rapport à certains événements comme la n-ième année du règne d’untel ou l’année où tel ou
tel événement se produisit. `Umar standardisa donc la chronologie ; il est important de noter
qu’il choisit l’Hégire comme point de départ, et non pas la naissance ou le décès du Prophète,
ni la première révélation du Coran. L’Hégire marquait la naissance de l’islam en tant que
mode de vie complet touchant tous les aspects de l’existence de l’Homme.

P.-S.
Traduit de l’anglais du site Islamonline.net.
Notes

Le récit du mariage du Prophète avec


Khadîjah
jeudi 12 décembre 2002

L’âge du Prophète lors de ce mariage


Ibn Hishâm dit :

D’après nombre de savants, selon Abû `Amr Al-Madanî, lorsque le Messager de Dieu — paix
et bénédictions sur lui — eut vingt-cinq ans [1], il épousa Khadîjah [2] Bint Khuwaylid Ibn
Asad Ibn `Abd Al-`Uzzâ Ibn Qusayy Ibn Kilâb Ibn Murrah Ibn Ka`b Ibn Lu’ayy Ibn Ghâlib.

Son travail pour le compte de Khadîjah


Ibn Ishâq dit :

Khadîjah Bint Khuwaylid était une femme d’affaires noble et fortunée. Elle louait les services
d’hommes pour s’occuper de son commerce contre un intéressement aux bénéfices. L’activité
principale des Qorayshites étaient en effet le commerce. Lorsqu’elle entendit parler du
Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — notamment de sa véridicité, de sa grande
honnêteté et de la noblesse de son caractère, elle le fit venir et lui proposa de prendre la
responsabilité de sa caravane de commerce en partance pour le Shâm [3] avec son serviteur
Maysarah, contre la meilleure rémunération qu’elle accordait jusqu’alors aux autres
commerçants. Il accepta cette offre et partit avec Maysarah pour le Shâm.

L’entretien de Maysarah avec le moine


(Une fois arrivé,) le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — se reposa à l’ombre
d’un arbre près de la hutte d’un moine. Le moine alla voir Maysarah et lui demanda : "Qui est
cet homme à l’ombre de l’arbre ?" Maysarah lui répondit : "C’est un homme de Qoraysh, des
environs du Sanctuaire." Le moine lui dit : "Seul un prophète se reposerait à l’ombre de cet
arbre". [4]

Puis le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — vendit sa marchandise et acheta
les articles qui l’intéressaient avant d’emprunter la route du retour avec Maysarah. D’après ce
qu’on raconte, chaque fois que la chaleur s’accentuait, Maysarah voyait deux anges faire de
l’ombre au Prophète — paix et bénédictions sur lui — alors qu’il était sur sa monture.
Lorsqu’il rentra à la Mecque et restitua à Khadîjah ses biens, elle réalisa un profit double ou
presque. Maysarah lui relata la parole du moine et lui expliqua comment deux anges lui
faisaient de l’ombre pendant le trajet.
Khadîjah souhaite épouser le Prophète —
paix et bénédictions sur lui
Khadîjah était une femme exigente, noble et intelligente, pour ne citer que ces qualités là
parmi les dons que Dieu lui avait accordés. Lorsque Maysrah lui eut témoigné de tout ce qu’il
avait vu, elle fit venir le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — et, d’après ce
qu’on raconte, lui dit : "Cousin, je suis bien disposée à ton égard étant donné nos liens de
parenté, la place d’honneur que tu occupes parmi les tiens, ton honnêteté, la noblesse de ton
caractère et la véridicité de ta parole." Puis, elle lui proposa de l’épouser. Khadîjah jouissait
de la meilleure lignée parmi les femmes de Qoraysh, elle était la plus noble et la plus
fortunée ; tout homme de son clan aurait souhaité l’épouser, si elle lui avait accordé ce
privilège.

La lignée de Khadîjah — que Dieu l’agrée


Elle s’appelait Khadîjah Bint Khuwaylid Ibn Asad Ibn `Abd Al-`Uzzâ Ibn Qusayy Ibn Kilâb
Ibn Murrah Ibn Ka`b Ibn Lu’ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr. Sa mère s’appelait Fâtimah Bint
Zâ’idah Ibn Al-Asamm Ibn Rawâhah Ibn Hajar Ibn `Abd Ibn Ma`îs Ibn `Âmir Ibn Lu’ayy Ibn
Ghâlib Ibn Fihr. La mère de cette dernière s’appelait Hâlah Bint `Abd Manâf Ibn Al-Hârith
Ibn `Amr Ibn Ma`îs Ibn `Âmir Ibn Lu’ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr. La mère de Hâlah s’appelait
Qilâbah Bint Su`ayd Ibn Sa`d Ibn Sahm Ibn `Amr Ibn Husays Ibn Ka`b Ibn Lu’ayy Ibn
Ghâlib Ibn Fihr.

Le prophète épouse Khadîjah après avoir


consulté ses oncles
Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — demanda conseil à ses oncles. Ensuite,
son oncle Hamzah Ibn `Abd Al-Muttalib [5] — qu’Allâh lui fasse miséricorde —
l’accompagna chez Khuwaylid Ibn Asad (le père de Khadîjah) [6] et demanda la main de
Khadîjah pour son neveu.

La dot de Khadîjah
Ibn Hishâm dit :

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — lui offrit une dot de vingt jeunes
chamelles. Khadîjah fut ainsi la première épouse du Messager de Dieu — paix et bénédictions
sur lui. Il n’épousa aucune autre femme de son vivant — que Dieu l’agrée.

Les enfants du Prophète et de Khadîjah


Ibn Ishâq dit :
Elle mit au monde tous les enfants du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — à
l’exception d’Ibrâhîm : Al-Qâsim dont le Prophète porte la kunyah [7], At-Tâhir, At-
Tayyib [8], Zaynab, Ruqayyah, Umm Kulthûm et Fâtimah — que la paix soit sur eux.

L’ordre de leur naissance


Ibn Hishâm dit :

L’aîné de ses fils était Al-Qâsim, suivi d’At-Tayyib, puis d’At-Tâhir. L’aînée de ses filles était
Ruqayyah, suivie de Zaynab, puis d’Umm Kulthûm, enfin de Fâtimah.

Ibn Ishâq dit :

En ce qui concerne Al-Qâsim, At-Tayyib et At-Tâhir, ils décédèrent tous pendant la jâhiliyyah
alors que toutes ses filles connurent l’islam, l’embrassèrent et émigrèrent avec le Prophète —
paix et bénédictions sur lui —.

P.-S.
Traduit de l’arabe de la Biographie du Prophète d’Ibn Hishâm, édition Maktabat Al-Kuliyyât
Al-Azhariyyah, volume 1, pp. 171 à 175, Le Caire - 1971, version commentée par Tâha `Abd
Ar-Ra’ûf Sa`d.

Notes
[1] Dans certaines variantes, on lui donne l’âge de vingt et un ans ou encore trente ans.

[2] On surnommait Khadîjah par "La Pure dans la jâhiliyyah et dans l’islam". Dans les Siyar
d’At-Taymî, on dit qu’elle était qualifiée de "la Dame des femmes de Qoraysh". Avant
d’épouser le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui -, elle fut l’épouse de Hind Ibn
Zurârah, et avant lui, elle fut l’épouse de `Atîq Ibn `Â’idh Ibn `Abdillâh Ibn `Amr Ibn
Makhzûm. Elle enfanta de `Atîq un garçon qui se prénomme `Abd Manâf. Az-Zubayr
rapporte qu’elle donna à `Atîq une fille qui se prénommait Hind. Elle donna à (son époux)
Hind un fils qui s’appelait Hind également ; il est mort de la peste — la peste de Bassorah.
Elle lui donna deux autres fils : At-Tâhir et Hâlah.

[3] ndt : la grande Syrie, qui engobe la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie actuelle.

[4] Le moine voulait probablement dire que seul un prophète se reposerait à l’ombre de cet
arbre à cet instant précis. En effet, malgré l’apparence générale de l’énoncé, il est impensable
d’affirmer que seuls les prophètes s’y reposaient vu que cela faisait très longtemps qu’il n’y
avait pas eu de prophètes. De plus, les arbres ne vivent pas suffisamment longtemps pour que
l’on sache que le dernier prophète à s’y être arrêté était Jésus, ou tout autre prophète — que la
paix soit sur eux. De même, il est impensable que personne ne s’arrête à l’ombre de cet arbre
sauf un prophète, à moins que ne soit authentique la tradition qui rapporte que "Jésus fut le
dernier à s’y être arrêté", sachant que cette tradition n’est pas due à Ibn Ishâq. Dans ce cas, cet
arbre particulier serait en lui-même un miracle. Enfin, on rapporte que ce moine s’appelait
Nestor, à ne pas confondre avec Bahîrâ que nous avons mentionné précédemment.
[5] On dit également que c’est son oncle Abû Tâlib qui accompagna le Messager de Dieu —
paix et bénédictions sur lui — et que c’est lui qui a fait le discours du mariage. Il y dit entre
autres : "Mohammad n’a pas d’égal parmi la jeunesse de Quraysh tant sur le plan de la
noblesse que du mérite et de la sagesse. Si du point de vue de la fortune il est modestement
doté, la fortune telle l’ombre ne perdure jamais. Il désire épouser Khadîjah et elle lui échange
ce sentiment."

[6] D’après Ibn `Abbâs et `Â’ishah — que Dieu les agrée tous deux — c’est `Amr Ibn Asad
(l’oncle de Khadîjah) qui accorda la main de Khadîjah au Messager de Dieu — paix et
bénédictions sur lui — car Khuwaylid avait péri dans la guerre des Fujjâr.

[7] ndt : il est d’usage dans la société arabe d’appeler les parents par le prénom de leur
premier-né. Ainsi le Prophète s’appelle Abû Al-Qâsim, littéralement : le père d’Al-Qâsim.

[8] At-Tâhir (Le Pur) et At-Tayyib (Le Bon) sont deux surnoms d’Al-Qâsim. Il fut ainsi
surnommé du fait de sa naissance, après l’avènement de la mission prophétique, son premier
prénom étant en réalité `Abdallâh.

Le Prophète Muhammad : un illustre


modèle
mercredi 2 octobre 2002

Question
Chers savants de l’islam,

As-Salâmu alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh.

Pourriez-vous, s’il vous plaît, apporter quelque éclairage sur la noble figure du Prophète, paix
et bénédiction de Dieu sur lui ? Jazakoum Allah khayran.

Réponse
Wa `alaykum As-salâm wa rahmatullâhi wa barakâtuh.

Au nom d’Allah, le Tout Clément, le Tout Miséricordieux. A Lui toutes les louanges et tous
les remerciements, que la paix et la bénédiction soient sur Son Messager.

Cher frère, je vous remercie vivement pour votre question qui reflète le profond amour que
vous portez au Prophète Mohammad, paix et bénédictions de Dieu sur lui. Puisse Allah nous
rassembler tous en sa compagnie dans le Jardin d’Al Firdaws . Amin !

Pour répondre à votre question, nous citerons ici la fatwa suivante émise par Dr. Muzammil
Siddiqi, ancien président de la Société Islamique d’Amérique du Nord :
"S’adressant au Prophète Muhammad, paix et bénédictions de Dieu sur lui, Allah le Très Haut
s’exprime en ces termes : "Et tu es certes d’une moralité éminente." (Sourate Al-Qalam,
verset 4) "En effet vous avez dans le Prophète un excellent modèle, pour quiconque espère en
Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment." (Sourate Al Ahzâb, verset 21)

Muhammad : un homme d’exception


L’exceptionnalité du Prophète tient à ce qu’il ne fut pas seulement une grande figure de son
temps mais une grande figure pour tous les temps et pour tous les peuples, indépendamment
des considérations de races, de couleurs, de nationalités ou de situations géographiques. Son
exemple valait pour les Arabes du septième siècle comme il vaut pour l’humanité actuelle, en
ce début de vingt et unième siècle. Il constitue un excellent modèle pour riches et pauvres,
jeunes et vieux, gouvernants et gouvernés, pour les gens doués d’une grande intelligence
comme pour les esprits communs. Allah a fait de lui Son Envoyé pour toute l’humanité : "
Dis :" Ô hommes ! je suis pour vous tous le Messager d’Allah, à Qui appartient la Royauté
des cieux et de la terre. Pas de divinité à part Lui. Il donne la vie, Il donne la mort. Croyez
donc en Allah, en son Messager,le Prophète illettré qui croit en Allah et en Ses paroles. Et
suivez-le afin que vous soyez bien guidés." (Sourate Al-A`râf, verset 158)

Le Prophète, paix et bénédictions de Dieu sur lui, mettait en pratique ce qu’il prêchait. Il a
appliqué méticuleusement les préceptes du Coran, Parole d’Allah qui lui avait été révélée, à
chaque instant et dans chaque détail de sa vie. C’est ainsi que sa vie fut le reflet de la Parole
Divine. Il devint le Coran en personne, son incarnation et même, pour parler par métaphore :
"la Parole divine en chair et en os". Un hadith en témoigne : Sa`îd Ibn Hishâm s’adressa ainsi
à Â’ishah,l’épouse du Prophète, que Dieu l’agrée : "Parle-moi du caractère du Prophète, paix
et bénédictions de Dieu sur lui". "Son caractère, répondit-elle, c’était le Coran." (Musnad
Ahmad)

Quelques qualités du Prophète


La moralité du Prophète ne se réduisait pas à quelques traits de bonne moeurs mais recouvrait
une grande diversité d’éléments et d’aspects de sa vie. Bon, compatissant, aimant, généreux et
humble, il était également fort, courageux, éloquent, sage et d’une grande perspicacité. S’il fut
un grand planificateur, un éminent organisateur et penseur, il fut aussi un homme empli de foi,
de confiance et de piété envers Allah.

Son implication active au sein de sa famille et de sa communauté ne lui faisaient aucunement


négliger ses prières, son jeûne et son dévouement à Allah. En vérité, nul ne priait autant que
lui. Exemplaire comme enseignant, prêcheur, Imam, chef, homme d’Etat, juge, commandeur
des armées, il l’était aussi comme époux, père, grand-père, comme homme d’affaires, voisin
et ami.

Avant de recevoir l’honneur de la Mission Prophétique (Nubuwwah), il était connu parmi les
Mecquois pour être "As-Sadiq Al-Amîn", la personne la plus véridique, la plus honnête et la
plus digne de confiance ; caractère qu’il conserva tout au long de sa vie. Il n’a jamais failli à
une promesse ou à un engagement. Ses ennemis eux-mêmes ne pouvaient le taxer de
malhonnêteté.
Il faisait montre de la plus grande humilité qui soit. C’était son habitude de se mêler aux
pauvres et de s’asseoir parmi eux, faisant cesser l’usage de ceux qui restaient debout en sa
présence. Toute place disponible dans une assemblée, quelle qu’elle fût, le satisfaisait, jamais
il ne cherchait le surplomb ou la mise en avant, il pouvait ainsi arriver que les visiteurs ne
sachent pas qui des personnes réunies était le Prophète. Ainsi,lorsqu’à la tête d’une grande
armée victorieuse, il entra à La Mecque, ce fut en faisant la démonstration d’une humilité
exceptionnelle, son front touchait la selle de son chameau !

Muhammad : une Miséricorde pour l’Humanité


Il était la personne la plus miséricordieuse du monde. Allah dit de Lui qu’il est " une
miséricorde pour les mondes". (Sourate Al-Anbiyâ, verset 107) Il exerçait cette qualité auprès
de sa famille, de ses partisans, de ses amis mais aussi de ses ennemis. En bénéficiaient
également jeunes et vieux, humains comme animaux. Ceux qui le persécutèrent à la Mecque,
tuant ses proches et ses compagnons faits prisonniers lors des défaites, eurent eux-mêmes
droit à son pardon. La constance constituait une donnée primordiale de son comportement
moral. Après avoir déterminé une pratique saine ou une voie bénéfique, il s’y tenait et
l’observait à jamais, répétant volontiers que : "L’action la plus aimée d’Allah est celle qui est
accomplie régulièrement, même si elle n’est que peu de chose." (Al-Bukhârî, n°5983).

Ses noms
Le Prophète, paix et bénédictions de Dieu sur lui, a plusieurs noms, à l’unisson de ses
qualités. Mentionnés à la fois dans le Coran et les hadiths, voici quelques-uns de ses plus
beaux noms :

Muhammad (le Loué) ; Ahmad (le Plus Digne de louange) ; Hâmid (le Dispensateur de
louanges et de remerciements) ; Ar-Rasûl (le Messager) ; An-Nabî (le Prophète) ; Shâhid (le
Témoin) ; Rashîd (le Droit) ; Bashîr (l’Annonciateur de bonnes nouvelles) ; Nadhîr
(l’Avertisseur) ; Dâ`î (Celui qui appelle à Allah) ; Hâdi (le Guide) ; Mâhî (celui par qui Dieu
efface le mal et la mécréance) ; Fâtih (le Conquérant) ; Râ’ûf (compatissant) ; Rahîm
(miséricordieux) ; Mujtabâ (Celui qui a été choisi) ; Mustafâ (l’Élu) ; Murtadâ (L’Agréé) ; As-
Sâdiq (le véridique) ; Al-Amîn (le loyal) ; Musaddiq (Celui qui corrobore la vérité) ;
Habîbullâh (l’Aimé d’Allah) ; Safiyyullâh (Celui qu’Allah a choisi) ; Najiyyullâh (le Protégé
d’Allah) ; Shakûr (Le très reconnaissant) ; Karîm (généreux) ; Hakîm (sage) ; Sayyid (le
maître ou le leader) ; Sirâj Munîr (luminaire rayonnant) ; Jawâd (très Généreux) ; `Âdil
(Juste) et Khâtam Ar-Rusul (le Sceau des Prophètes).

Que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui !

Et Allah Tout Puissant est plus savant.

P.-S.
Source : traduit de l’anglais, de la Banque de Fatwâ du site Islamonline.net
Que faire des journaux et des revues
contenant des versets du Coran ?
dimanche 4 juillet 2004

Question
Est-il permis d’utiliser du papier journal ou des revues pour poser dessus de la nourriture ou
pour en faire des paquets, sachant qu’ils contiennent le Nom de Dieu - Exalté soit-il - ou des
versets du Coran ?

Réponse du Professeur `Abd Ar-Rahmân


Al-`Adawî
[1]

Le Musulman doit protéger les versets du Noble Coran de tout ce qui serait susceptible de leur
porter atteinte. S’il possède par exemple un recueil coranique, alors il doit le poser dans un
endroit honorifique et ne pas en faire un usage qui irait à l’encontre du respect qui lui est dû.
Il ne posera donc pas un autre livre dessus, ou une boîte ou tout autre objet. Le recueil
coranique doit toujours être en position supérieure, car il renferme la Parole de Dieu - Exalté
soit-Il.

Ce respect est également dû à tout journal ou à toute feuille de papier contenant un verset du
Noble Coran ou un des Noms de Dieu. Toute personne qui utiliserait ces feuilles d’une
manière qui leur porterait atteinte, qui ne protègerait pas les versets du Noble Coran, les Noms
de Dieu - Exalté soit-Il - ou les noms de Ses Messagers et de Ses Prophètes, se rendrait
coupable d’un péché. Pour cette raison, il est illicite pour l’individu musulman, qui connaît les
droits de Dieu à son égard, d’utiliser les feuilles des journaux ou des revues contenant des
versets du Noble Coran ou les Noms de Dieu - Exalté soit-Il - pour empaqueter des objets et
des aliments, ou pour les disposer en vue de manger dessus. Car ces papiers sont ensuite jetés
à la poubelle, et deviennent ainsi sujets au rabaissement.

Si, en revanche, on est sûr que la feuille de la revue ne contient qu’une image sans aucune
importance ou des textes ordinaires, n’ayant pas trait au Coran ou aux Noms de Dieu - Exalté
soit-Il -, alors il est permis dans ce cas d’en disposer comme on le souhaite.

Et si un Musulman désire se débarrasser d’une feuille contenant un verset du Coran, alors il


doit la brûler et enterrer ses cendres loin des hommes, pour s’assurer qu’elle ne sera pas
sujette au rabaissement ou au malmenage. C’est là une obligation légale et quiconque la prend
à la légère se sera rendu coupable d’un grand péché.

P.-S.
Dire « Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm » à l’issue
de la lecture du Coran
mercredi 17 août 2005

Question
Est-ce que dire « Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm » [1] après la récitation du Coran pendant la prière
est une innovation religieuse blâmable (bid`ah) ?

Réponse de Sheikh `Atiyyah Saqr


Dire « Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm » après la récitation du Coran ou son audition n’est pas une
innovation religieuse blâmable (bid`ah) pour les raisons suivantes :

1. Aucune preuve n’a été rapportée pour l’interdire.

2. C’est une forme de mention d’Allâh (dhikr), ce qui est recommandé à tout moment.

3. Certains savants ont parlé du mérite de prononcer cette expression et l’ont considérée
parmi les étiquettes de la récitation coranique. Ils soutiennent même que son usage
durant la prière rituelle ne l’annule pas.

4. Cette expression, ainsi que d’autres du même type, sont mentionnées dans le Coran :
« Dis : "C’est Allâh qui dit la vérité (Sadaqa Allâhu). Suivez donc la religion
d’Abraham, Musulman droit. Et il n’était point du nombre des associateurs". » [2] « Et
quand les croyants virent les coalisés, ils dirent : "Voilà ce qu’Allâh et Son Messager
nous avaient promis ; et Allâh et Son Messager disaient la vérité (wa Sadaqa Allâhu
wa Rasûluh)". Et cela ne fit que croître leur foi et leur soumission » [3]

Dans la préface de son Exégèse, Al-Qurtubî cita Al-Hakîm At-Tirmidhî qui a compté parmi
les règles de bienséance de la récitation du Coran le fait de dire à la fin de la lecture,
« Véridiques sont les paroles d’Allâh — Exalté soit-Il —. » ou d’autres expressions similaires
attestant de la véracité de tout ce qu’Allâh dit (dans le Coran), et témoignant que le Messager
— paix et bénédictions de Dieu sur lui — a transmis le Message à l’humanité. On dira par
exemple : « Allâh a dit la vérité et Son honorable Messager l’a transmise » et ensuite le
confirmer en disant : « Seigneur, Tu as dit la vérité. Tu l’a envoyée à Tes Messagers, et nous
sommes témoins qu’elle est vraie. Ô Allâh, compte nous parmi les témoins de la vérité ».
Ensuite, il convient que celui qui récite fasse des invocations comme il l’entend.

Dans le livre Fiqh Al-MadhÂhib Al-Arba`ah (« La Jurisprudence des Quatre Écoles »),
édition du Ministère Égyptien des Awqâf, il est dit : « Si l’on prononce une invocation telle
que “ Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm ” à l’issue de la récitation, cela n’annule pas la prière rituelle si
l’intention est de glorifier Allâh, ou de Le mentionner. Les Shâfi`ites soutiennent que la prière
n’est pas du tout invalidée en prononçant ces mots. »
Ceci étant dit, je me demande comment certaines personnes osent considérer le fait de dire
« Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm » après la récitation du Coran comme une innovation religieuse
blâmable (bid`ah). Nous devrions être plus prudents lorsque nous donnons des avis juridiques,
car Dieu a dit : « Et ne dîtes pas, conformément aux mensonges proférés par vos langues :
"Ceci est licite, et cela est illicite", pour forger le mensonge contre Allâh. Certes, ceux qui
forgent le mensonge contre Allâh ne réussiront pas. » [4]

Et Dieu est le plus savant.

P.-S.
Traduit de l’anglais du site islamonline.net

Notes
[1] « Sadaqa Allâhu-l-`Adhîm » signifie « Dieu le Majestueux dit vrai ». Certains savants
incluent cette expression dans les règles de bienséance à observer lors de la lecture du Coran.
C’est pourquoi elle est largement usitée par les grands récitateurs de Coran. NdT.

[2] Sourate 3, Al `Imrân, La famille d’Amram, verset 85.

[3] Sourate 33, Al-Ahzâb, Les Coalisés, verset 22.

[4] Sourate 16, An-Nahl, Les Abeilles, verset 116.

Entre le Prophète et Adam


dimanche 25 septembre 2005

Question
Est-ce que la narration suivante correspond à un hadîth : « J’ai surpassé Adam par deux traits,
son épouse l’a soutenu dans la désobéissance à Dieu et mes épouses m’ont soutenu dans
l’obéissance à Dieu ; son démon était infidèle et mon démon est musulman et ne m’enjoint
que le bien » ?

Réponse de Sheikh `Atiyyah Saqr


Ce hadîth est rapporté, d’après Ibn `Umar, par Ad-Daylamî et Ibn Al-Jawzî dans la catégorie
des narrations inconsistantes, comme cela est mentionné par As-Suyûtî dans Al-Jâmi` Al-
Kabîr. Il s’agit donc d’un hadîth extrêmement faible. Il n’y a par ailleurs aucune preuve
péremptoire, que ce soit au plan de l’authenticité ou au plan de la signification, établissant que
c’est Ève qui a incité Adam au péché. Il est cependant vrai que le démon de Adam était
indifèle, ce n’est autre que Satan, tandis que le démon du Messager a embrassé l’islam,
conformément à un hadîth rapporté par Muslim : « “Toute personne parmi vous s’est vue
assignée un compagnon parmi les djinns”. On demanda alors : “Même toi ô Messager de
Dieu ?” Il répondit : “Même moi, seulement Dieu m’a soutenu contre lui si bien qu’il a
embrassé l’islam et il ne m’enjoint que le bien. ” »

Le mariage du Prophète avec `Â’ishah et les


doutes émis par les orientalistes
mercredi 16 octobre 2002

Question
Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux.

Pourquoi notre maître Muhammad, paix et bénédiction sur lui, a-t-il épousé la Dame
`Â’ishah, que Dieu l’agrée, alors qu’elle n’avait que neuf ans ?

Que Dieu vous récompense.

Réponse du Sheikh Faysal Mawlawî


Premièrement, le mariage du Messager — paix et bénédiction sur lui — avec la Dame
`Â’ishah — que Dieu l’agrée — avait été à l’origine suggéré par Khawlah Bint Hakîm. Cela
afin de renforcer les liens qui unissaient le Prophète à son ami le plus cher, notre maître Abû
Bakr, par le lien robuste de la belle-alliance.

Deuxièmement, la Dame `Â’ishah — que Dieu l’agrée — avait déjà été fiancée à Jubayr Ibn
Mut`am Ibn `Adiyy. Elle était donc mature et accomplie du point de vue de sa féminité. La
preuve en est qu’elle avait été fiancée avant même la suggestion de Khawlah.

Troisièmement, la tribu de Quraysh qui guettait le Messager — paix et bénédiction sur lui —
afin de retourner les gens contre lui à la moindre erreur, à la moindre inattention de sa part, au
moindre lapsus, ne fut pas étonnée outre mesure lorsque fut annoncée la nouvelle de la belle-
alliance contractée entre les deux compagnons de toujours et les deux plus fidèles amis. Elle
accueillit cela comme elle accueillait des choses tout à fait banales.

Quatrièmement, la Dame `Â’ishah — que Dieu l’agrée — n’était pas la première jeune fille
de son époque à être mariée à un homme ayant l’âge de son père. Elle n’était pas non plus la
dernière. Le vieux `Abd Al-Muttalib avait épousé Hâlah, la cousine de Âminah, le jour même
où son fils cadet `Abd Allâh épousa une jeune fille de l’âge de Hâlah, et qui était Âminah Bint
Wahb. [1]

En outre, notre maître `Umar Ibn Al-Khattâb épousa la fille de notre maître `Alî Ibn Abî Tâlib
— que Dieu honore sa face — alors qu’il avait l’âge de son grand-père. De la même manière,
notre maître `Umar Ibn Al-Khattâb proposa en mariage à notre maître Abû Bakr, sa fille, la
jeune Hafsah, alors que la différence d’âge entre les deux était du même ordre que celle qui
existait entre le Messager — paix et bénédiction sur lui — et `Â’ishah, que Dieu l’agrée.
Cependant, certains orientalistes, ignorant toutes les différences spatio-temporelles, viennent,
plus de mille quatre cents ans après ce mariage, polémiquer sur ce qu’ils appellent l’union
étrange entre la vieillesse et l’enfance. Ils mesurent à l’aune de leurs passions un mariage
contracté à la Mecque avant l’Hégire à ce qui se passe aujourd’hui en Occident, où les jeunes
femmes ne se marient pas habituellement avant l’âge de vingt-cinq ans.

Il faut garder à l’esprit que les jeunes filles, dans les régions chaudes, atteignent la maturité à
un âge bien plus précoce — huit ans environ — que dans les régions froides, où cet âge peut
aller jusqu’à vingt et un ans. Quoiqu’il en soit, le Prophète — paix et bénédiction sur lui —
n’épousa pas la Dame `Â’ishah — que Dieu l’agrée — pour la jouissance, lui qui avait alors
cinquante-cinq ans. Ce mariage fut contracté afin de renforcer par la belle-alliance les liens
qui l’unissaient à l’homme qu’il aimait le plus. Cela est d’autant plus vrai que la
responsabilité du message qu’il lui incombait de transmettre était devenue une lourde charge à
porter. Il n’avait donc pas le temps de penser à ces choses. Si le Prophète — paix et
bénédiction sur lui — était intéressé par les femmes et la jouissance qu’il pourrait en tirer, il
aurait fait cela lors de sa jeunesse, alors qu’il n’avait pas la responsabilité du message à
supporter et que son âge n’était pas avancé. Au contraire, il était alors dans sa pleine jeunesse
virile et en pleine possession de son désir latent.

Cependant, lorsque nous examinons sa jeunesse, nous remarquons qu’il était désintéressé de
tout cela. Ainsi accepta-t-il d’épouser la Dame Khadîjah — que Dieu l’agrée — âgée de
quarante ans, alors que lui n’en avait que vingt-cinq.

De plus, si les femmes hantaient réellement son esprit, il n’aurait pas accepté cette situation, à
savoir ne pas prendre une deuxième épouse, pendant toute cette période, jusqu’à la mort de
son épouse Khadîjah. Si son mariage avec elle était une erreur, voici Khadîjah — que Dieu
l’agrée — maintenant morte. Qui donc épousa-t-il après elle ? Il épousa après elle Sawdah
Bint Zam`ah Al-`Âmiriyyah, afin de la consoler et lui tenir compagnie après la mort de son
époux. C’était une femme âgée qui ne possédait rien des attraits enviés par les hommes et les
prétendants. Cela montre que le Messager — paix et bénédiction sur lui — recherchait par le
mariage des buts humains, législatifs, islamiques, et ainsi de suite.

Par ailleurs, lorsque Khawlah Bint Hakîm lui proposa le mariage avec `Â’ishah, le Messager
— paix et bénédiction sur lui — se mit à réfléchir : allait-il refuser la fille d’Abî Bakr ? La
longue et dévouée compagnie qui le liait à son ami, l’estime unique en son genre que lui
portait le Messager l’empêchèrent de refuser.

Lorsque `Â’ishah — que Dieu l’agrée — arriva dans la maison du Messager — paix et
bénédiction sur lui — Sawdah lui céda la première place dans la maison. Obéissante à Dieu et
fervente Musulmane, elle veilla à ce que sa nouvelle co-épouse fût parfaitement à l’aise, et ce,
jusqu’à sa mort. La Dame `Â’ishah — que Dieu l’agrée — demeura par la suite une épouse
fidèle au Messager — paix et bénédiction sur lui. Elle s’instruisit entre ses mains jusqu’à
devenir une savante, maîtrisant au plus haut degré la jurisprudence islamique.

L’amour du Messager — paix et bénédiction sur lui — pour la Dame `Â’ishah — que Dieu
l’agrée — n’était rien d’autre qu’un prolongement naturel de son amour pour son père Abû
Bakr, que Dieu les agrée tous deux.

On demanda au Prophète — paix et bénédiction sur lui : « Quelle est la personne que tu chéris
le plus ? » Il répondit : « `Â’ishah. » On demanda : « Et parmi les hommes ? » Il répondit :
« Son père. » Telle est la Dame `Â’ishah — que Dieu l’agrée — l’épouse préférée du
Messager — paix et bénédiction sur lui — et la personne qu’il chérissait le plus.

Son mariage avec elle ne découlait pas d’un désir charnel ; les motifs de ce mariage tenaient
moins à la jouissance conjugale qu’à l’hommage que le Prophète désirait rendre à Abû Bakr,
la préférence et le rapprochement qu’il voulait renforcer et l’honneur qu’il souhaitait rendre à
sa fille en lui donnant sa place dans la maison de la prophétie.

Et Dieu est Le plus Savant.

P.-S.
Source : la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net

On pourra également consulter cette fatwâ en anglais.

Notes
[1] Rappelons que `Abd Al-Muttalib est le grand-père du Prophète Mohammad alors que
Âminah Bint Wahb est sa mère.

Pourquoi le Prophète — paix et


bénédictions sur lui — a-t-il eu neuf
épouses ?
mardi 1er octobre 2002

Question
Je voudrais savoir pourquoi l’Islam autorise l’homme à prendre quatre épouses, bien qu’il
existe des abus dans l’utilisation de ce droit par certains hommes. Pourquoi le Messager, paix
et bénédiction sur lui, a-t-il été autorisé à prendre jusqu’à neuf épouses, alors que les autres
hommes de sa Communauté sont limités à quatre ?

Réponse du Docteur Yûsuf Al-Qaradâwî


L’autorisation d’avoir quatre épouses et le mauvais usage
fait de cette permission
Avant l’avénement de l’Islam, les gens épousaient les femmes qui leur plaisaient sans
restriction ni condition. On a ainsi mentionné que David - paix sur lui - possédait trois cents
femmes (épouses et concubines) et que Salomon en possédait sept cents.
L’Islam, à son avénement, a imposé une limite à cette polygamie, et il y a posé une condition.

En ce qui concerne la limite, l’Islam a fixé le nombre maximum d’épouses à quatre, nombre
qui ne peut en aucun cas être dépassé : « Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi
les femmes qui vous plaisent » [1]. Lorsqu’un homme, de la tribu de Thaqîf, ayant dix
femmes, a embrassé l’Islam, le Messager lui a ordonné de choisir quatre parmi elles, puis de
divorcer avec les autres.

La condition, quant à elle, correspond à la confiance qu’a l’homme en sa capacité à être


équitable. Si cette condition n’est pas remplie, il lui est interdit d’épouser une autre femme :
« mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule » [2].

À ceci s’ajoutent naturellement les autres conditions qui doivent être remplies pour n’importe
quel mariage : la capacité à entretenir le ménage et la capacité à remplir les devoirs
conjugaux.

L’Islam a autorisé la polygamie parce qu’il est une religion réaliste, qui ne plane pas dans des
idéaux utopiques, délaissant les problèmes de la vie quotidienne sans remède possible. Le
deuxième mariage peut en effet résoudre des problèmes chez l’homme dont l’épouse ne peut
avoir d’enfants, ou dont l’épouse a des règles trop longues, alors que lui-même a un puissant
instinct sexuel, ou encore celui dont la femme est atteinte d’une maladie chonique mais qui
veut rester avec elle, ne souhaitant pas le divorce, etc. Le deuxième mariage peut également
résoudre des problèmes chez la veuve qui n’espère pas se remarier avec un jeune homme
célibataire. Il en est de même pour la jeune femme divorcée, surtout si elle possède un ou
plusieurs enfants. Le deuxième mariage peut enfin résoudre des problèmes au niveau de la
société dans son ensemble. C’est le cas lorsque le nombre de femmes aptes au mariage est
supérieur au nombre d’hommes aptes au mariage. Cette situation apparaît régulièrement, et
est d’autant plus accentuée après les guerres par exemple.

Que pouvons-nous donc faire du surplus de femmes ? Trois possibilités s’offrent à nous :

1. Soit elles passent toute leur vie interdites de vie conjugale et de maternité, ce qui
constitue un préjudice pour elles.
2. Soit elles satisfont leurs instincts sexuels derrière le dos de la religion et des vertus
morales, et cela constitue pour elles une perdition.
3. Soit elles acceptent d’épouser un homme déjà marié, capable de les entretenir et de
préserver leur chasteté, confiant en sa capacité à être équitable envers ses épouses. Et
cela est la solution convenable.

Pour ce qui est de la mauvaise utilisation de cette permission ou de ce droit, combien de droits
sont mal utilisés, et dont la pratique est abusive, sans que cela ne conduise à leur abolition ni à
leur annulation ?

Le droit au premier mariage lui-même connaît de nombreux abus, devons-nous donc l’abolir ?
Le droit à la liberté, quand bien même serait-il mal utilisé, devons-nous l’abolir ? Le droit de
vote, quand bien même serait-il mal utilisé, devons-nous l’abolir ? Le pouvoir, quel qu’il soit,
peut être mal utilisé. Devons-nous l’abolir et vivre dans l’anarchie ?

Plutôt que d’appeler à abolir la polygamie, il vaut mieux poser des restrictions à son
utilisation, et punir ceux qui abusent de ce droit, dans la mesure du possible.
La sagesse qui réside dans l’exception prophétique
Pourquoi le Messager - paix et bénédiction sur lui - a-t-il conservé neuf épouses, alors
qu’il limitait les autres Musulmans à quatre épouses, maximum autorisé pour la
polygamie, si bien que le Prophète, paix et bénédiction sur lui, ordonnait à celui qui se
convertissait à l’Islam, en ayant dix épouses par exemple, d’en choisir quatre et de se
séparer des autres ?

Nous répondons comme suit. En lui accordant ce droit, Dieu le Très-Haut a privilégié Son
Messager - paix et bénédiction sur lui - pour une raison et une sagesse connues. En effet, les
épouses du Prophète ont des commandements spécifiques et des particularités qui ne
concernent pas les autres femmes de la Communauté. Ainsi, parmi ces commandements
spécifiques, il leur est interdit de se remarier avec quiconque après le Messager de Dieu —
paix et bénédiction sur lui — conformément à ce que dit le Très-Haut : « Vous ne devez pas
faire de la peine au Messager de Dieu, ni jamais vous marier avec ses épouses après lui ; ce
serait, auprès de Dieu, un énorme péché. » [3]

Or, toute femme divorcée a le droit de se remarier avec n’importe quel Musulman après son
divorce. Dieu le Très-Haut les a donc honorées en leur permettant de rester les épouses de Son
Prophète. Il s’agit d’une exception et d’une particularité qui ne concernent qu’elles.
Parallèlement, le Prophète ne pouvait plus épouser d’autres femmes, ni les quitter pour en
épouser d’autres. Leur nombre devait rester tel quel. A ce sujet, le Très-Haut s’adresse à Son
Prophète — paix et bénédiction sur lui : « Il ne t’est plus permis désormais de prendre
d’autres femmes, ni de changer d’épouses, même si leur beauté te plaît ; - à l’exception de ce
que possède ta dextre. Et Dieu observe toute chose. » [4]

De plus, lorsque les épouses du Messager — paix et bénédiction sur lui — ont réclamé une
augmentation de leurs revenus pour l’entretien de leur ménage et une amélioration de leur
niveau de vie, Dieu — Exalté soit-Il — lui a ordonné de leur donner le choix entre Dieu, Son
Messager et la Demeure dernière avec ce que cela implique de privations matérielles et de vie
ascétique d’une part et entre un divorce sans préjudice et une séparation convenable d’autre
part. Toutes ont préféré Dieu, Son Messager et la Demeure dernière. Ainsi, le Très-Haut dit :
« Ô Prophète ! Dis à tes épouses : ‹Si c’est la vie présente que vous désirez et sa parure, alors
venez ! Je vous donnerai les moyens d’en jouir et vous libérerai par un divorce sans préjudice.
Mais si c’est Dieu que vous voulez et Son Messager ainsi que la Demeure dernière, Dieu a
préparé pour les bienfaisantes parmi vous une énorme récompense. » [5]

Si toutes ont choisi Dieu, Son Messager et la Demeure dernière et ont accepté une vie sobre et
acsétique avec le Noble Prophète, laquelle d’entre elles le Messager va-t-il quitter ? Gardons à
l’esprit que la séparation avec l’une d’elles serait une punition sévère à son encontre, alors
qu’elle n’aurait rien commis qui appellât la punition ? Elle serait de surcroît privée de sa
qualité de Mère des Croyants.

Pour cette raison, Dieu a accordé cet honneur aux neuf épouses du Prophète, qui ont choisi de
vivre avec ce dernier, malgré les rudes conditions de vie et l’insuffisance des ressources. Cette
vie était tellement dure que le croissant de lune pouvait apparaître puis réapparaître sans
qu’un seul feu ne soit allumé dans les appartements prophétiques. Le Prophète et ses épouses
ne subsistaient que sur des dattes et de l’eau.
La sagesse du mariage du Messager avec ses neuf épouses
En ce qui concerne la sagesse à la base du mariage avec ces neuf femmes, il faut savoir
qu’elle est connue d’office de toute personne ayant étudié la biographie du Prophète. En effet,
chacun de ces mariages a une histoire relatant les raisons pour lesquelles le Prophète l’a
contracté. De plus, il était licite à cette époque de se marier autant de fois qu’on le souhaitait.
Le présent texte ne nous permet pas d’entrer dans le détail de ces mariages, mais nous allons
donner quelques indications qui suffiront pour l’instant.

On sait que le Prophète - paix et bénédiction sur lui - a passé sa jeunesse et une partie de sa
vieillesse, jusqu’à cinquante ans, avec une seule femme, plus âgée que lui de quinze ans. Il
l’avait épousée alors qu’elle-même avait déjà connu le mariage. Elle possédait en outre des
enfants d’autres maris. Malgré cela, ils vécurent tous deux dans le bonheur le plus complet.
Après la mort cette première épouse, le Prophète ressentait toujours pour elle de l’amour, en
disait du bien, s’égayait à son souvenir. Cela lui valut d’ailleurs la jalousie de sa jeune épouse
`Â’ishah, alors que la première épouse était dans sa tombe.

La première femme que le Prophète épousa après son veuvage était Sawdah Bint Zam`ah.
C’était une femme âgée, qui ne se distinguait ni par la jeunesse ni par la beauté. Le Prophète
voulu ensuite faire honneur au plus proche de ses Compagnons, Abû Bakr, en épousant sa
fille, malgré sa jeunesse. La belle-alliance avec le chef d’une tribu était alors considérée chez
les Arabes comme une forme d’honneur et de distinction. Ainsi, le Prophète lui demanda la
main de `Â’ishah, alors qu’elle n’était pas encore en âge de se marier. Aussi, ne consomma-t-
elle son mariage qu’après des années.

Le Noble Prophète — paix et bénédiction sur lui — épousa ensuite Hafsah Bint `Umar, la fille
du deuxième homme le plus proche du Prophète après Abû Bakr. `Umar avait préalablement
proposé la main de sa fille à chacun de ses deux amis, Abû Bakr et `Uthmân, qui ne lui
donnèrent pas de réponse. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — l’épousa alors,
honorant et distinguant ainsi `Umar, comme il l’avait fait auparavant avec Abû Bakr, que Dieu
les agrée tous deux.

Ainsi, les quatre Compagnons les plus proches du Prophète — paix et bénédiction sur lui —
remportèrent le lien de la belle-alliance avec lui. Entre Abû Bakr, `Umar, `Uthmân et `Alî, les
uns lui marièrent leur fille, les autres épousèrent les siennes (`Uthmân et `Alî).

Le Prophète épousé également Umm Salamah, après le martyre de son mari à Uhud. Elle
faisait partie des Emigrées (muhâjirât) dans le Sentier de Dieu et de celles qui donnèrent
beaucoup pour l’Islam. Le Prophète voulut donc la consoler au sujet de son mari, en lui
faisant une place parmi ses épouses. Lorsqu’il demanda sa main, elle s’excusa, prétextant son
âge avancé et la charge de ses enfants. Le Prophète lui répondit : « L’âge avancé auquel tu es
parvenue, j’y suis parvenu moi aussi et tes enfants sont aussi les miens. »

Il y a ensuite Safiyyah Bint Huyay, dont le père est Huyay Ibn Akhtab, le célèbre chef juif qui
coalisa les tribus païennes contre le Messager de Dieu et qui l’affronta au cours de plusieurs
batailles. Le père de Safiyyah était mort, sa famille avait péri. Le Messager - paix et
bénédiction sur lui - ne voulu pas l’abandonner à l’un de ses Compagnons. Il l’honora et
l’épousa, afin de la réconforter dans sa détresse, et lui faire oublier son malheur.
Il y a également Umm Habîbah : Ramlah, fille de Abû Sufyân Ibn Harb, qui était le chef de la
tribu de Quraysh et le commandant de l’armée qurayshite à la bataille de Uhud contre le
Prophète, et à la bataille des Coalisés. Umm Habîbah s’était convertie à l’Islam et avait
émigré en Abyssinie avec son époux. Ce dernier céda alors à la débauche : il finit par délaisser
son épouse et apostasier, que Dieu nous en préserve. Le Messager voulut alors la consoler de
ce malheur dont son mari l’avait frappé. Il envoya donc un message au Négus dans lequel il
lui confia la mission d’annoncer leurs fiançailles puis de contracter leur mariage, malgré les
grandes distances qui les séparaient. Le Prophète offrit à Umm Habîbah une dot de quatre
mille dirhams. Lorsque la nouvelle du mariage de Muhammad et de Umm Habîbah parvint au
père de cette dernière, Abû Sufyân, celui-ci dit, fier de cette alliance : « Il est l’homme par
excellence, on ne peut lui faire courber l’échine ».

Il y a aussi Zaynab Bint Jahsh, dont Dieu a relaté l’histoire et les motifs de son mariage avec
le Prophète dans le Coran. Ce mariage est venu en fait annuler l’interdiction pré-islamique qui
empêchait des parents adoptifs d’épouser l’ex-conjoint de leur enfant adoptif. Cette
interdiction était alors répandue chez les Arabes. Elle résultait de l’importance accordée à
l’adoption. Le Très-Haut révèla alors au sujet des enfants adoptés : « Appelez-les du nom de
leurs pères : c’est plus équitable devant Dieu. » [6]

Dieu ordonna alors à Son Prophète d’épouser l’ex-femme de son fils adoptif, malgré la
difficulté qu’éprouvait le Prophète à agir de la sorte, et le bouleversement que cela allait
susciter dans la société. Le Très-Haut dit : « Quand tu disais à celui que Dieu avait comblé de
bienfaits, tout comme toi-même l’avais comblé : ‹Garde pour toi ton épouse et crains Dieu›, et
tu cachais en ton âme ce que Dieu allait rendre public. Tu craignais les gens, et c’est Dieu qui
est plus digne de ta crainte. Puis quand Zayd eût cessé toute relation avec elle, Nous te la
fîmes épouser, afin qu’il n’y ait aucun empêchement pour les Croyants d’épouser les femmes
de leurs fils adoptifs, quand ceux-ci cessent toute relation avec elles. Le Commandement de
Dieu doit être exécuté. » [7]

C’est la même chose pour toutes les épouses. Chacune d’elles a son histoire, et chaque
mariage comporte une sagesse. Entre autres sagesses, on peut citer le raffermissement des
liens entre les tribus arabes grâce à la belle-alliance. Toutes ces femmes, exceptée `Â’ishah,
avaient déjà connu le mariage et n’étaient pas réputées pour une beauté extraordinaire. Si le
Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait voulu épouser les plus belles vierges
d’Arabie, leurs familles n’auraient pas hésité à se rapprocher de lui de cette manière. Mais lui
cherchait par chaque mariage à résoudre un problème ou à panser une plaie. Que la paix et la
bénédiction de Dieu soient sur lui.

P.-S.
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net.

Notes
[1] Sourate 4, Les Femmes, An-Nisâ’, verset 3.

[2] Sourate 4, Les Femmes, An-Nisâ’, verset 3.

[3] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 53.


[4] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 52.

[5] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, versets 28 et 29.

[6] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 5.

[7] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 37.

Le Messager, Imam des Prophètes la nuit du


Voyage nocturne (Isrâ’)
mercredi 23 octobre 2002

Question
Paix sur vous.

Alors que nous vivons ces jours-ci l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension (Al-
Isrâ’ wa Al-Mi`râj), une question se pose : Pourquoi le Messager — paix et bénédiction sur lui
— a-t-il dirigé la prière qu’il a accomplie avec les Prophètes à Jérusalem ?

Merci.

Réponse du Sheikh Ja`far Ahmad At-


Talhâwî
[1]

Le fait que le Messager — paix et bénédiction sur lui — a dirigé, sur l’ordre de Gabriel —
paix sur lui -, la prière des Prophètes à la Mosquée Al-Aqsâ la nuit du Voyage nocturne et de
l’Ascension, comporte plusieurs significations :

1. Les Prophètes d’Israël, dont Moïse, lui ont remis le commandement et la suprématie,
comme cela est précisé dans le hadith : « Si Moïse, fils de `Imrân, était ressuscité
parmi vous, il n’aurait d’autre choix que de me suivre. »
2. L’indication au fait que la souveraineté de cette terre sacrée et de ce qui se trouve dans
ses environs revient incontestablement aux Musulmans. Ainsi, après la mort du
Messager, lorsque les Musulmans se consultèrent chez les Banû Sâ`idah pour élire le
Successeur du Messager de Dieu, ils choisirent Abû Bakr As-Siddîq, affirmant : « Le
Messager de Dieu l’a choisi pour nous diriger dans les affaires de notre religion. Ne le
choisirions-nous pas pour nous diriger dans les affaires de notre monde d’ici-bas ? »
En effet, lors de sa maladie, le Messager avait demandé à Abû Bakr de diriger la prière
des Compagnons, chose par ailleurs remarquable.
3. L’établissement d’un lien solide et étroit entre la Mosquée Sacrée [2] et la Mosquée
Al-Aqsâ. Ainsi, celui qui préserve la Mosquée Sacrée et qui œuvre pour y établir le
culte dû à Dieu doit également œuvrer pour établir le culte dû à Dieu dans la Mosquée
Al-Aqsâ et la préserver.
4. L’indication au fait que la souveraineté des Musulmans sur cette terre ne saurait être
disputée par une autre souveraineté. En outre les Musulmans ne peuvent en aucun cas
accepter un quelconque compromis ou une quelconque concession sur cette question.
5. La primauté du Sceau des Prophètes sur le reste des Messagers. Ainsi, Dieu dit :
« Parmi ces messagers, Nous avons favorisé certains par rapport à d’autres. » [3], ou
encore : « Et parmi les prophètes, Nous avons donné à certains plus de faveurs qu’à
d’autres. » [4], ou encore : « Et Dieu accorde Ses bienfaits à qui Il veut » [5].

P.-S.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net.

Notes
[1] Le Sheikh Ja`far Ahmad At-Talhâwî est un savant d’Al-Azhar.

[2] La Mosquée Sacrée est la Mosquée de la Mecque.

[3] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 253.

[4] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 55.

[5] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 212.

Répondre à cet article

Le Voyage nocturne et l’Ascension


concernent l’esprit et le corps
samedi 30 novembre 2002

Question
L’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension (al-isrâ’ wal-mi`râj) du Noble Messager —
paix et bénédiction sur lui — concerne-t-il uniquement son esprit ou bien son esprit et son
corps ?

Réponse du Sheikh `Atiyyah Saqr


[1]
Les savants ont divergé au sujet du Voyage Nocturne et de l’Ascension : Concernent-ils aussi
bien l’esprit du Prophète — paix et bénédiction sur lui — que son corps ou bien concernent-
ils uniquement son esprit ?

L’opinion correcte est qu’ils concernent à la fois le corps et l’esprit. La majorité des savants,
qu’ils soient traditionalistes, juristes ou théologiens penchent pour cet avis, et ce, pour les
raisons suivantes :

1. Dieu — Exalté soit-Il — dit que « de nuit, Il fit voyager Son Serviteur » [2]. Or, dans
la langue arabe, le terme « serviteur » ne s’emploie pas pour désigner uniquement
l’esprit : il désigne l’être humain dans son ensemble, comme cela est attesté à maints
endroits du Noble Coran. Ainsi, le Très Haut dit : « As-tu vu celui qui interdit à un
serviteur de Dieu d’accomplir la prière ? » [3] Le Très Haut dit également : « Et quand
le serviteur de Dieu s’est mis debout pour L’invoquer » [4].

2. Un Voyage nocturne purement spirituel ne serait pas un événement extraordinaire. Ce


serait même un événement anodin que les gens pourraient vivre dans leurs rêves,
lesquels rêves emmènent les esprits vers de lointaines contrées de la planète, et ce, par
des moyens qui sortent du commun, pendant une durée qui ne saurait être décomptée
grâce au temps normal de mouvement du corps. S’il en était ainsi, Dieu n’aurait pas
fait de cet épisode un honneur dont il gratifia le Prophète — paix et bénédiction sur
lui -, et n’aurait pas débuté le récit de cet événement par « Gloire et Pureté » [2], avec
toute la dimension de Toute-Puissance et de Magnificence divines que contiennent ces
termes.

3. Dieu — Exalté soit-Il — dit : « Quant à la vision que Nous t’avons montrée, Nous ne
l’avons faite que pour éprouver les gens » [5], c’est-à-dire pour examiner et tester qui
de ces gens ajoutera foi. Or, une telle épreuve n’a de sens que si le voyage est aussi
bien corporel que spirituel. En effet, un Voyage nocturne exclusivement spirituel
n’appelle pas d’épreuve ni même d’étonnement particuliers. Pour cette raison, lorsque
les idolâtres apprirent la nouvelle, ils démentirent qu’un tel voyage eût pu se faire en
une nuit, alors qu’eux-mêmes parcouraient la même distance à dos de chameaux en
plusieurs jours.

4. Un Voyage nocturne à la fois spirituel et corporel est l’œuvre de Dieu — Exalté soit-Il
— et non celle de notre maître Muhammad — paix et bénédiction sur lui. La raison ne
peut donc pas considérer qu’un tel événement surpasse la Puissance de Dieu, le Tout-
Puissant. Il n’y a rien non plus qui empêche d’accepter ce récit authentifié comme
ayant concerné à la fois l’esprit et le corps.

Quant à ceux qui pensent que ce voyage n’a concerné que l’esprit, ils s’appuient sur ce que dit
le Très Haut dans le verset suivant : « Quant à la vision que Nous t’avons montrée, Nous ne
l’avons faite que pour éprouver les gens » [5]. Ils pensent en effet que la vision (ru’yâ)
évoquée dans le verset est le substantif du verbe « voir » (ra’â), dans le sens de « voir en
songe » et non de « voir » au sens visuel du terme. Ils disent ainsi que le substantif du verbe
« voir » visuel est ru’yah et non ru’yâ. On a répondu à cette hypothèse que ru’yâ et ru’yah
sont deux substantifs du même verbe « voir », pris au sens visuel du terme. De la même
manière, on trouve les substantifs qurbâ et qurbah qui signifient le rapprochement. Al-
Mutannabî, l’un des plus grands poètes arabes, dit :

Wa ru’yâka ahlâ fil-jufûni minal-ghamadi


Traduction

Te voir est plus agréable à mes paupières que de les fermer

Ibn Mâlik et d’autres ont considéré qu’Al-Mutannabî a commis dans ce vers une erreur
lexicale. Néanmoins, ce qu’ils ont dit ne constitue pas une preuve, même si les propos d’Al-
Mutannabî n’en valent pas mieux. D’après Al-Bukhârî, Ibn `Abbâs a dit au sujet de ce verset :
« C’est une vision réelle. »

Ceux qui considèrent que le Voyage nocturne ne concerne que l’esprit se sont également
appuyés sur une parole de `Â’ishah — que Dieu l’agrée : « Son noble corps n’a pas disparu. »
Mais cet argument a été réfuté de la manière suivante :

1. Cette parole attribuée à `Â’ishah est douteuse. En effet, sa chaîne de transmission


comporte une interruption et un maillon inconnu. Ibn Dihyah a dit : « Cette parole est
controuvée. »

2. `Â’ishah n’a pas été témoin de l’événement. Elle n’en a qu’entendu parler. En effet,
elle n’avait pas encore épousé le Prophète lors du Voyage nocturne. Pis, elle n’était
même pas encore née.

3. Elle disait : « Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — n’a pas vu explicitement
son Seigneur. » Elle pensait donc que le Voyage nocturne et l’Ascension concernaient
aussi bien le corps que l’esprit. S’ils ne concernaient que l’esprit, elle ne l’aurait pas
nié.

Par ailleurs, étant donné que la parole attribuée à `Â’ishah est fausse, il n’est pas
besoin d’essayer de l’interpréter, comme l’ont fait certains en disant que « Son noble
corps n’a pas disparu » signifie que son esprit n’a pas quitté son noble corps.
L’important est de savoir que le Voyage nocturne a eu lieu et que Dieu nous en a fait le
récit dans le Noble Coran. C’est cela le minimum auquel il est nécessaire d’ajouter foi.
Quant à la manière de ceci ou de cela, il n’est pas nécessaire d’y croire. Chacun peut
choisir l’avis qu’il préfère, tout en sachant que Dieu est Tout-Puissant et que la vision
(réelle ou en songe) des Prophètes est consensuellement admise par les savants comme
correspondant à la réalité. Nul besoin donc de diverger sur ce point. Quiconque veut
en savoir plus à ce sujet peut se référer à Al-Mawâhib Al-Laduniyyah d’Al-Qastallânî,
et plus particulièrement au chapitre cinq traitant du Voyage nocturne et de
l’Ascension, avec l’explication d’Az-Zurqânî (tome 6, pages 3 et suivantes).

P.-S.
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net.

Notes
[1] Le Sheikh `Atiyyah Saqr est l’ancien Président de la Commission de Fatwâ d’Al-Azhar.

[2] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 1.


[3] Sourate 96 intitulée l’Adhérence, Al-`Alaq, versets 9 et 10.

[4] Sourate 72 intitulée les Djinns, Al-Jinn, verset 19.

[5] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 60.

Le Voyage nocturne et l’Ascension... Leçons


et enseignements
mardi 19 novembre 2002

Question
Quels sont les principaux enseignements que le Musulman doit tirer de l’épisode du Voyage
nocturne et de l’Ascension (al-isrâ’ wal-mi`râj) ?

Réponse de Sheikh Yûsuf `Abd Allâh Al-


Qaradâwî
Le Voyage nocturne que Dieu offrit à Son Messager — paix et bénédiction sur lui — est le
voyage terrestre de La Mecque vers Jérusalem, de la Mosquée Sacrée vers la Mosquée Al-
Aqsâ. Il s’agit d’un voyage terrestre qui eut lieu de nuit. L’Ascension, quant à elle, est un
voyage de la Terre vers le Ciel, de Jérusalem vers les cieux les plus élevés, vers un point
auquel nul homme n’avait auparavant jamais accédé, vers le Jujubier de la Limite (sidrat al-
muntahâ), vers un endroit que Seul Dieu connaît. Ces deux voyages furent une étape
importante de la vie du Prophète — paix et bénédiction sur lui — et du parcours suivi à la
Mecque par sa nouvelle religion. Ces voyages intervinrent après que le Prophète eut goûté de
la part de Quraysh toutes les formes de persécutions et de souffrances.

Dieu, le Très-Haut, offrit ce voyage à Son Messager, le Voyage nocturne et l’Ascension, en


tant que soulagement et réconfort pour tout ce qu’il avait souffert, et en tant que compensation
pour tout ce qu’il avait enduré. Dieu — Exalté soit-Il — lui fit ainsi savoir que si les habitants
de la Terre se sont détournés de toi, alors les habitants du Ciel sont venus à toi, et si ces
hommes t’ont rejeté, alors Dieu t’a accueilli et les Prophètes t’ont suivi, en te désignant
comme leur Imam. Il s’agissait ainsi d’une compensation et d’un honneur faits au Messager
— paix et bénédiction sur lui — de la part de Dieu — Exalté soit-Il. Il s’agissait également
pour le Prophète d’une préparation à l’étape suivante de sa mission. En effet, il devrait,
quelque temps plus tard (trois années selon certains et dix-huit mois selon d’autres), endurer
de grandes épreuves... Ce qui est sûr, c’est que cet épisode eut lieu avant l’Hégire. Le Voyage
nocturne et l’Ascension étaient une préparation à l’ère post-hégirienne, à cette ère de lutte
armée au cours de laquelle le Prophète — paix et bénédiction sur lui — allait entrer en
confrontation avec tous les Arabes. Tous les Arabes allaient se réunir tels un seul homme pour
diriger leurs flèches contre le Prophète. De nombreux fronts allaient s’ouvrir et s’opposer à sa
mission universelle.
A l’occasion de l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension, les choses les plus
importantes sur lesquelles il faut insister sont au nombre de deux. La première est la Mosquée
Al-Aqsâ. Il est nécessaire de comprendre la manière dont Dieu — Exalté soit-Il — établit un
lien entre la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ et la manière dont Il nous informa que le
choix de la Mosquée Al-Aqsâ était intentionnel. En effet, le Prophète — paix et bénédiction
sur lui — aurait très bien pu monter au Jujubier de la Limite depuis La Mecque.

Nous devons donc méditer les raisons pour lesquelles ce Voyage nocturne eut lieu de la
Mosquée Sacrée à la Mosquée Al-Aqsâ ainsi que les raisons pour lesquelles le Messager de
Dieu — paix et bénédiction sur lui — ne monta pas directement de la Mosquée Sacrée aux
cieux les plus élevés. Ceci nous indique en effet que le passage par cette sainte étape, par
Jérusalem, par cette terre que Dieu bénit pour les mondes, par la Mosquée Al-Aqsâ, était
intentionnel. Par ailleurs, le fait que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui —
dirigeât la prière des Prophètes à Jérusalem comporte une profonde signification. Ainsi, le
commandement revenait désormais à une nouvelle communauté et à un nouveau message, à
un message universel. Contrairement aux messages antérieurs pour lesquels chaque prophète
fut envoyé à son peuple, celui-ci se voulait être un message général et éternel destiné à toute
l’humanité.

Ce lien entre les deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fut établi afin
que le Musulman ressente que chacune d’elles a sa sainteté propre. Ainsi, l’une fut le point de
départ du Voyage nocturne, l’autre en fut le point d’arrivée. Ceci indique donc que celui qui
abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est à deux doigts d’abandonner la Mosquée Sacrée, celui qui
abandonne le point d’arrivée du Voyage nocturne peut parfaitement abandonner son point de
départ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut donc établir un lien entre les deux Mosquées, la
Mosquée qui fut le point de départ du Voyage nocturne et la Mosquée qui en fut le point
d’arrivée, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut que ces
deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fussent reliées entre elles dans
l’âme de chaque Musulman. Dieu insista sur la Mosquée Al-Aqsâ « dont Nous avons béni
l’alentour » [1]. Il fit attribut de la bénédiction pour décrire cette Mosquée, et ce, avant même
la construction de la Mosquée du Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui. En effet, la
Mosquée du Prophète ne fut édifiée qu’après l’Hégire, à Médine. Dieu voulut donc consolider
cette idée et la raffermir dans les consciences et les cœurs des Musulmans, afin qu’ils
n’abandonnent aucune des deux Mosquées. Car celui qui abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est
à un pas d’abandonner la Mosquée Sacrée. Cette Mosquée fut intimement reliée à l’épisode
du Voyage nocturne et de l’Ascension ; c’est vers elle que, pendant une longue période, les
Musulmans se tournèrent pour leur prière, après que cette dernière eut été prescrite. Les
Musulmans priaient vers Jérusalem : Jérusalem fut leur direction de prière (qiblah) pendant
trois ans à la Mecque et pendant seize mois à Médine. Ils prièrent vers cette Mosquée de
Jérusalem qui était alors la première direction des Musulmans. Cette Mosquée est donc la
première direction de prière des Musulmans, la terre du Voyage nocturne et de l’Ascension, et
la Mosquée vers laquelle les Musulmans voyagent exclusivement, conjointement avec la
Mosquée Sacrée et la Mosquée du Prophète. Jérusalem devient ainsi la troisième ville sainte
de l’Islam, après La Mecque et Médine.

C’est de cette manière que les Musulmans doivent saisir l’importance de Jérusalem dans leur
histoire et l’importance de la Mosquée Al-Aqsâ dans leur religion, dans leur foi et dans leur
vie. C’est pour cette raison que les Musulmans, tout au long de l’histoire, ont toujours œuvré
pour que cette Mosquée reste entre leurs mains.
Dieu — Exalté soit-Il — voulut établir un lien entre cette Mosquée et l’anniversaire du
Voyage nocturne et de l’Ascension, et ce, afin que chaque année, à l’approche de cet
anniversaire à la fin du mois de Rajab [2], lorsque les Musulmans, où qu’ils soient, célèbrent
cet épisode, ils se rappellent cette grave question, cette cause sacrée... Nous ne pouvons pas,
chers frères, l’abandonner. Si les Juifs ont rêvé d’établir un État et qu’ils sont parvenus à
réaliser leur rêve, nous devons, nous aussi, rêver qu’il nous est impossible d’abandonner notre
Mosquée. Même si la réalité amère qui nous fait face se rend dans toute l’ampleur de sa
reddition et est vaincue dans toute l’ampleur de sa défaite, nous ne devons pas nous y
soumettre et accepter ainsi la déroute.

Nous devons avoir la foi que Dieu — Exalté soit-Il — est avec nous, qu’Il est notre Secours,
qu’Il fera triompher Sa religion sur toutes les autres religions et qu’Il est le Secoureur de la
Communauté croyante, ainsi que l’a rapporté l’Imam Ahmad et At-Tabarânî, d’après Abû
Umâmah Al-Bâhilî — que Dieu l’agrée, selon qui, le Prophète — paix et bénédiction sur lui
— a dit : « Il restera un groupe de ma Communauté, établissant la justice et vainquant leurs
ennemis, auxquels nul, parmi ceux qui leur tiendront front, ne pourra causer du tort — sauf à
être trahis — jusqu’à ce que le Commandement de Dieu (le Jour du Jugement dernier) arrive
alors que leur attitude demeurera inébranlable. » On demanda : « Ô Messager de Dieu, et où
sont-ils ? » Il répondit : « A Jérusalem et dans les alentours de Jérusalem. »

Tel est le premier enseignement à tirer de l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension.

Le second enseignement est celui qui concerne la prière. On sait que la prière fut prescrite lors
de cette nuit grandiose. Nous savons à notre époque que lorsqu’un pays souhaite une chose
importante, il en fait part à son ambassadeur. En outre, il ne lui suffit pas d’envoyer à cet
ambassadeur un message dans la valise diplomatique. Bien au contraire, il le convoque pour
qu’il se présente en personne. Or, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — est
l’Ambassadeur de Dieu vers Sa création — à Dieu appartient cependant le meilleur
exemple [3]. Ainsi, Dieu convoqua Son Ambassadeur, le fit voyager de nuit, puis le fit monter
jusqu’au Jujubier de la Limite. Et c’est là que furent prescrites les cinq prières quotidiennes.

Tous les cultes furent prescrits sur Terre, excepté la prière qui fut prescrite au Ciel. Ceci
constitue une preuve de l’importance capitale de ce culte, de ce devoir et de ce pilier de
l’Islam. La prière est ainsi le vestige qui nous reste de ce Voyage, le seul vestige matériel qui
nous reste. En effet, la prière constitue l’ascension propre de chaque Musulman, l’ascension
spirituelle qui lui permet de s’élever jusqu’à Dieu — Exalté soit-Il. C’est comme si le
Messager nous était revenu avec un présent de son Voyage grandiose [4]. Ce présent consiste
précisément en cette prière que le Musulman doit accomplir en signe d’adoration de Dieu —
Exalté soit-Il.

C’est pour cette raison que nous devons rappeler l’importance de cette prière, en particulier
dans la mesure où elle est liée à la Mosquée Al-Aqsâ. En effet, lorsque la prière fut prescrite,
et jusqu’à l’ère post-hégirienne, cette Mosquée fut la première direction de prière des
Musulmans. Si, d’après l’hypothèse la plus probable, le Voyage nocturne eut lieu en l’an dix
de la mission [5], alors les Musulmans prièrent pendant trois ans avant l’Hégire, puis encore
seize mois après, tournés vers Jérusalem. Jérusalem fut la première direction de prière des
Musulmans, après quoi Dieu leur ordonna de se tourner désormais vers la Mosquée Sacrée :
« Où que vous soyez, tournez-y vos visages. » [6].
Les Juifs provoquèrent alors à Médine un tollé général au sujet de cette affaire. « Les faibles
d’esprit parmi les gens vont dire : ‹Qui les a détournés de la direction (qiblah) vers laquelle ils
s’orientaient auparavant ?› » [7] Ils répandirent la rumeur que la prière des Musulmans, avant
le changement de direction, était nulle et que sa récompense était perdue. Dieu leur répondit
par le verset précédent, ajoutant : « Et Nous n’avions établi la direction (qiblah) vers laquelle
tu te tournais que pour savoir qui allait suivre le Messager et qui allait s’en retourner sur ses
talons. C’était un changement difficile, mais pas pour ceux que Dieu a guidés. Et ce n’est pas
Dieu qui vous fera perdre la récompense de votre foi, car Dieu, certes, est Compatissant et
Miséricordieux pour les hommes » [8]. Ici, le mot « foi » désigne la prière : Dieu exprime la
prière en parlant de foi car la prière est précisément une expression de la foi de l’individu.

La prière est ainsi donc l’ascension propre de chaque Musulman. Si le Prophète — paix et
bénédiction sur lui — monta vers les cieux les plus élevés, sache que tu as à ta disposition,
cher frère Musulman, une ascension spirituelle par laquelle tu peux monter indéfiniment vers
Dieu — Exalté soit-Il -, et ce, grâce à la prière, au sujet de laquelle, le Très Haut dit dans un
hadith sacré : « J’ai partagé la prière en deux parts, l’une pour Moi, l’autre pour Mon
Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. Si Mon Serviteur dit : « Louanges à Dieu,
Seigneur des Mondes. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a loué. S’il dit : « Le Clément, le
Miséricordieux. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a rendu les hommages. S’il dit : « Le Maître
du Jour de la Rétribution. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a glorifié. S’il dit : « C’est Toi que
nous adorons et c’est Toi que nous implorons. » [9], Je dis : Cela Nous concerne Moi et Mon
Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. S’il dit : « Guide-nous vers le droit chemin.
Le chemin de ceux que Tu as comblés par Tes bienfaits, non le chemin de ceux qui ont
encouru Ta colère ni de ceux qui se sont égarés. » [9], Je dis : Cela est pour Mon Serviteur, et
à Mon Serviteur ce qu’il demande. »

P.-S.
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net.

Notes
[1] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 1.

[2] Rajab est le septième mois du calendrier musulman.

[3] Expression prononcée par les Musulmans lorsqu’ils comparent le divin à des exemples
matériels, pour mieux faire comprendre leurs propos. Cette expression est une sorte d’excuse
signifiant que Dieu est certes incomparable, mais qu’on peut utiliser tel ou tel exemple pour
mieux faire ressortir telle ou telle idée.

[4] Nous recommandons la lecture de ces lignes de l’Imâm-exégète Muhammad Mitwallî


Ash-Sha`râwî : "Le cadeau de la Proximité pour la proximité".

[5] L’an -3 du calendrier musulman.

[6] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 144.

[7] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 142.


[8] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 143.

[9] Il s’agit des versets de la sourate 1 intitulée le Prologue, Al-Fâtihah, que le Musulman doit
réciter à chaque cycle de prière (rak`ah).

Les miracles du Prophète entre les


outranciers et les incrédules
mardi 10 décembre 2002

Question
Nous étions dans une réunion en train de discuter du Prophète — paix et bénédiction sur lui
— et de ses miracles, à l’occasion de son anniversaire. Nous parlions également des signes
annonciateurs de sa naissance, recensés par les livres qui racontent la naissance du Prophète,
et qui sont généralement lus dans un grand nombre de pays au début du mois de Rabî` Al-
Awwal [1]. Cependant, l’un des participants à cette réunion nia l’existence de tous ces
miracles. Il nia également ce que tout le monde et que certains livres racontent, en termes de
miracles matériels et concrets attribués au Prophète — paix et bénédiction sur lui — comme
par exemple la colombe qui pondit un œuf à l’entrée de la grotte dans laquelle il se réfugia
pendant l’Hégire, ou bien l’araignée qui tissa sa toile sur l’entrée de la grotte, ou encore la
gazelle qui lui adressa la parole, le tronc d’arbre qui se mit à gémir, et autres miracles du
même genre qui se sont répandus et se sont transmis parmi les Musulmans.

L’argument de ce frère qui nia toutes ces choses était que le Prophète — paix et bénédiction
sur lui — n’avait reçu qu’un seul miracle qui était le Noble Coran, par lequel il défia tout
l’univers. Selon lui, le Coran est un miracle rationnel qui se distingue des miracles des
Messagers antérieurs. Nous voudrions que vous nous donniez votre avis sur la question,
lequel avis sera appuyé par des arguments convaincants, pour que, sur preuve, pérît celui qui
devait périr, et que, sur preuve, vécût celui qui devait vivre.

Que Dieu vous garde pour l’Islam et les Musulmans.

Réponse du Docteur Yûsuf `Abd Allâh Al-


Qaradâwî
Louanges à Dieu et paix et bénédiction sur le Messager de Dieu.

Ce que dit ce frère, auteur de la question, au sujet de l’un des participants à la réunion,
comporte une part de vérité et une part d’erreur. En effet, tout ce qui s’est répandu parmi les
gens au sujet des miracles concrets du Prophète — paix et bénédiction sur lui — n’est pas
entièrement vrai et n’est pas entièrement faux non plus.
La vérité et l’erreur à cet égard reviennent non pas à une simple opinion, à une passion, ou à
des sentiments mais bel et bien aux chaînes de narration (Asânîd). A propos de cette question
des miracles muhammadiens concrets, les gens se divisent en trois catégories.

La première catégorie exagère ces miracles en essayant de prouver coûte que coûte leur
réalité. Ces personnes s’appuient sur ce qui a été rapporté dans les livres, quels que soient ces
livres : qu’ils soient les livres des prédécesseurs ou les livres des successeurs, que ces livres
s’attachent à examiner les narrations ou qu’ils ne s’y attachent pas, que les récits de ces
miracles soient conformes aux fondements de la religion ou qu’ils ne le soient pas, que les
investigateurs parmi les savants aient accepté ces récits ou pas. L’important pour ce genre de
personnes est que tel ou tel miracle est mentionné dans tel ou tel livre — même si l’auteur de
ce livre est un anonyme -, dans tel ou tel poème louant la gloire du Prophète ou dans tel ou tel
récit — comme ceux qui sont lus chaque année au mois de Rabî` Al-Awwal — racontant la
naissance du Prophète, etc. Ce comportement relève d’une mentalité populaire qui ne mérite
pas d’être discutée. En effet, les livres contiennent du bon et du mauvais, de l’acceptable et du
refusable, de l’authentique et du controuvé.

Notre culture religieuse a été éprouvée par ces auteurs qui partent à la recherche de récits
abracadabrants pour en remplir leurs livres, même si les événements qu’ils évoquent
contredisent l’authentique transmission et l’incontestable raison.

Certains auteurs, quant à eux, ne s’attachent pas à vérifier l’authenticité de ce qu’ils


rapportent, partant du principe que ce qu’ils font ne va pas à l’encontre d’une disposition
juridique, en terme de licéité, d’interdiction, etc. Ainsi, s’ils rapportent des choses touchant au
licite et à l’illicite, ils se font stricts pour vérifier les chaînes de narration, ils critiquent les
narrateurs et ils examinent scrupuleusement les récits qu’ils rapportent. Néanmoins, lorsqu’ils
rapportent des choses concernant les vertus, l’exhortation au bien ou l’intimidation contre le
mal, ou alors concernant les miracles, ils se relâchent et deviennent plus conciliants.

D’autres auteurs, enfin, mentionnent les récits avec les chaînes de narration correspondantes
(untel, d’après untel, d’après untel...) mais ne mentionnent pas la valeur de ces chaînes de
narration ni ne se posent des questions telles que : « Ces chaînes sont-elles authentiques ou
non ? Quel est le degré de fiabilité des narrateurs constituant les maillons de la chaîne ? Sont-
ils des hommes de confiance à accepter ou bien des maillons faibles à récuser, ou encore des
menteurs à refouler ? » Ces auteurs croient qu’en ayant mentionné les chaînes de narration, ils
auront la conscience tranquille et auront rempli leur devoir.

Néanmoins, cette méthodologie était valide et suffisante pour les savants des premiers siècles
de l’Islam. Quant aux époques ultérieures — et en particulier à notre époque — la mention de
la chaîne de narration n’a plus aucune signification. En effet, les gens s’appuient désormais
sur ce que les livres rapportent, sans porter attention à la chaîne de narration.

Ce changement d’attitude actuel s’explique par la vulgarisation du livre et des auteurs, qui
peuvent se référer par exemple au Târîkh d’At-Tabarî, aux Tabaqât d’Ibn Sa`d ou autres.

La deuxième catégorie, opposée à la première, est celle qui cherche à tout prix à nier et à
réfuter les miracles et les signes concrets attribués au Prophète. Son argument est que le
miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui — est le Noble Coran, qui a lancé son
éternel défi : que ceux qui n’y croient pas composent un Coran semblable, ou alors dix
sourates semblables, ou alors une seule sourate semblable. Par ailleurs, lorsque les idolâtres
demandèrent au Messager de leur produire quelque signe attestant de la véracité de son
Message, des versets coraniques furent révélés, refusant catégoriquement de répondre à cette
demande. Ce fut à ce propos que Dieu dit : « Et ils dirent : ‹Nous ne croirons pas en toi,
jusqu’à ce que tu aies fait jaillir de terre, pour nous, une source ; ou que tu aies un jardin de
palmiers et de vignes, entre lesquels tu feras jaillir des ruisseaux en abondance ; ou que tu
fasses tomber sur nous, comme tu le prétends, le ciel en morceaux, ou que tu fasses venir
Dieu et les Anges en face de nous ; ou que tu aies une maison [garnie] d’ornements ; ou que tu
sois monté au ciel. Encore ne croirons-nous pas à ta montée au ciel, jusqu’à ce que tu fasses
descendre sur nous un Livre que nous puissions lire›. Dis-[leur] : ‹Gloire à mon Seigneur ! Ne
suis-je qu’un être humain Messager ?› » (sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’,
versets 90 à 93).

A un autre endroit, Dieu mentionne la raison de ce refus d’envoyer des signes concrets en
réponse aux attentes des idolâtres : « Rien ne Nous empêche d’envoyer les miracles, si ce
n’est que les Anciens les avaient traités de mensonges. Nous avions apporté aux Thamûd la
chamelle qui était un [miracle] visible : mais ils lui firent du tort. En outre, nous n’envoyons
de miracles qu’à titre de menace. » (sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset
59). Dans une autre sourate, Dieu répond à la demande de miracles en affirmant que le Coran
suffit à lui seul à constituer le miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui : « Ne leur
suffit-il donc point que Nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y
a assurément là une miséricorde et un rappel pour des gens qui croient. » (sourate 29 intitulée
l’Araignée, Al-`Ankabût, verset 51).

La Sagesse divine a ainsi voulu que le miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui
— soit un miracle littéraire et rationnel, et non un miracle sensible et matériel, et ce, afin que
ce miracle soit plus seyant à l’humanité qui a dépassé le stade de son enfance, et afin qu’il soit
plus seyant à la nature de l’éternel sceau des Messages. En effet, les miracles sensibles
prennent fin aussitôt qu’ils ont lieu. Quant aux miracles rationnels, ils demeurent... Cette
explication est par ailleurs soutenue par ce qui est rapporté dans le Sahîh d’Al-Bukhârî au
sujet du Prophète — paix et bénédiction sur lui — qui dit : « Nul Prophète auquel il n’ait pas
été fait don de miracles qui convainquent les hommes. Quant à moi, j’ai reçu une révélation
de la part de Dieu. Je souhaiterais donc que parmi tous les Prophètes, je sois celui qui ai le
plus de fidèles le Jour de la Résurrection. »

Il me semble que ce qui a poussé cette deuxième catégorie de personnes — dont je viens de
recenser les arguments — à adopter cette position se résume à deux choses :

1. Le fait que les gens, aujourd’hui, sont séduits par les sciences, lesquelles sciences se
fondent sur l’invariance des causes et le déterminisme de leurs conséquences.
Certaines personnes croient ainsi que ce déterminisme est nécessairement vrai, et qu’il
ne peut en aucun cas en être autrement. Ainsi, selon eux, le feu ne peut que brûler, le
couteau ne peut que couper, le non-vivant ne peut pas devenir vivant, le mort ne peut
pas ressusciter, etc.

2. Le fait que la première catégorie de personnes a versé dans l’abus, en essayant coûte
que coûte de prouver — de manière juste ou non — ces miracles. Cette première
catégorie en est arrivée à un tel point qu’elle irait jusqu’à supprimer définitivement la
loi de causes à effets, à partir de laquelle Dieu a érigé ce monde. Et en général,
l’outrance est combattue par l’outrance.
C’est ici qu’apparaît l’opinion médiane entre ceux qui exagèrent la réalité de ces miracles et
ceux qui exagèrent leur réfutation. C’est cette opinion que je préfère et que j’adopte. Elle se
résume à ce qui suit.

1. Le Noble Coran est le plus grand de tous les signes et le premier de tous les miracles
qui ont été donnés à notre Messager Muhammad — paix et bénédiction sur lui. C’est
par lui que le Prophète a défié les Arabes en particulier, et l’univers en général. C’est
également par lui que s’est distinguée la prophétie de Muhammad par rapport aux
prophéties antérieures. Ainsi, la preuve de la véracité de cette prophétie est la
prophétie elle-même : c’est ce Livre miraculeux par sa guidance, par le savoir qu’il
apporte, par son inimitabilité syntactique et sémantique et par son discours sur
l’Inconnu (Ghayb) passé, présent et futur.

2. Dieu — Exalté soit-Il — honora le Sceau de Ses Messagers par nombre de signes
concrets et par plusieurs miracles sensibles. Mais par ces miracles, Dieu ne cherchait
pas le défi, c’est-à-dire l’établissement de preuves concrètes attestant de la véracité de
la prophétie et du Message de Muhammad. Il ne s’agissait que d’un honneur qu’Il lui
faisait, d’une Miséricorde dont Il l’embrassait, d’un soutien par lequel Il l’assistait et
d’un secours qu’Il lui portait ainsi qu’aux Croyants lorsqu’ils se trouvaient dans des
situations délicates. Ainsi, ces miracles n’avaient pas pour but de répondre aux
demandes des incroyants ; ils n’étaient qu’une miséricorde et un honneur octroyés par
Dieu à Son Messager et aux Croyants. Un exemple de tels miracles est le Voyage
nocturne (Isrâ’) qui est explicitement évoqué dans le Coran, et l’Ascension (Mi`râj)
que le Coran évoque implicitement et que les hadiths authentiques mentionnent. On
peut également citer la descente des Anges pour raffermir et soutenir les Croyants à la
bataille de Badr, ou encore la pluie qui s’abbatit ce jour-là pour raffraîchir les
Croyants, les purifier et raffermir leurs pas, cependant que les idolâtres ne connurent
pas cette pluie malgré la courte distance qui les séparait des Croyants. On peut aussi
mentionner la protection octroyée par Dieu à Son Messager et au Compagnon de Son
Messager dans la grotte [2], le jour de l’Hégire, et ce, malgré l’arrivée des idolâtres
jusqu’à l’entrée de cette grotte, de sorte que si l’un d’eux jetait un œil par terre, il les
aurait vu, cachés dans la caverne. On pourrait également citer d’autres miracles dont la
réalité a été authentifiée par le Coran. Ou encore citer le rassasiement d’un grand
nombre de personnes avec une nourriture peu abondante à la bataille des Coalisés [3]
ou à la bataille de Tabûk [4].

3. Nous ne considérons ce genre de miracles comme vrais que lorsqu’ils ont été évoqués
dans le Coran ou mentionnés par la Sunnah authentique. Tous les miracles sortant de
ce cadre et dont on a gonflé des livres et des livres, nous ne les acceptons pas ni ne
leur accordons le moindre crédit. Ainsi, parmi les miracles authentiques :
Ce qu’a rapporté un certain nombre de Compagnons au sujet du gémissement du
tronc sur lequel prêchait le Prophète au début de son installation à Médine. Lorsqu’on
lui confectionna une chaire (Mimbar) et qu’il se mit à y prêcher, on entendit le tronc
gémir comme une chamelle qui gémissait pour son petit. Le Prophète — paix et
bénédiction sur lui — vint alors vers le tronc et posa sa main dessus. Le tronc se tut.
L’érudit Tâj Ad-Dîn As-Subkî dit : « Le récit du gémissement du tronc est récurrent
(Mutawâtir), car il a été narré par un grand nombre de Compagnons, une vingtaine
environ, et ce, à travers une multitude de chaînes de narration authentiques, ce qui
implique donc le caractère indubitable du miracle. » Le juge `Iyâd dit également dans
Ash-Shifâ’ : « C’est un récit récurrent. »
Ce qu’ont rapporté Al-Bukhârî, Muslim et d’autres compilateurs de hadiths, d’après
un certain nombre de Compagnons, au sujet de l’abondance extraordinaire de l’eau,
lorsque le Prophète partait en expédition militaire on en voyage. Ce fut ainsi le cas à la
rencontre de Hudaybiyah [5] ou à la bataille de Tabûk [4] par exemple. Les deux
Cheikhs [6] ont rapporté que Anas dit : « Le Prophète — paix et bénédiction sur lui —
et ses Compagnons étaient à Az-Zawrâ’ lorsqu’il demanda une cruche remplie d’eau.
Il y immergea la main et l’eau jaillit d’entre ses doigts et du bout de ses doigts. Tous
ses Compagnons purent faire leurs ablutions grâce à cette eau. » Al-Bukhârî a
également rapporté qu’Al-Barâ’ Ibn `Âzib dit : « Nous étions avec le Prophète — paix
et bénédiction sur lui — le jour de Hudaybiyah [5] au nombre de mille quatre-cents
hommes. Nous épuisâmes le puits de Hudaybiyah, n’y laissant pas une goutte d’eau.
Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — eut vent de ce qui s’était passé. Il vint
alors au puits, s’assit sur son bord et demanda un récipient rempli d’eau. Il fit alors ses
ablutions, se rinça la bouche, implora Dieu, puis versa le contenu du récipient dans le
puits. Nous partîmes ensuite, non sans que le puits eût désaltéré nos bêtes et nous eût
désaltérés nous-mêmes. » Les hadiths concernant le jaillissement de l’eau entre les
mains du Prophète sont nombreux et répandus. Ils sont par ailleurs rapportés par des
chaînes de narration impeccables.

Ce qu’on rapporté exhaustivement les livres de Sunnah au sujet des innombrables


réponses divines faites aux invocations du Prophète — paix et bénédiction sur lui -,
comme par exemple, lorsque celui-ci implora Dieu pour qu’il plût, ou encore lorsqu’il
L’implora pour lui donner la victoire le jour de Badr, ou encore lorsqu’il L’implora
pour qu’Ibn `Abbâs devînt un savant dans la religion, ou encore lorsqu’il L’implora
pour qu’Anas eût une descendance nombreuse et parvînt à un âge avancé, ou encore
lorsqu’il L’implora pour le protéger de certains de ses offenseurs, etc.

Ce qui a été vérifié en termes d’événements ultérieurs prédits par le Prophète.


Certains de ces événements purent être vérifiés de son vivant, d’autres après sa mort.
On peut ainsi citer la prédiction de la conquête du Yémen, de Busrâ et de la Perse, ou
encore lorsqu’il dit à `Ammâr : « Ce seront les oppresseurs qui te tueront. », ou
lorsqu’il dit au sujet d’Al-Hasan [7] : « Mon fils que voici est un maître. Et Dieu
réconciliera grâce à lui deux parties musulmanes... ». On peut également citer la
prédiction du Prophète concernant la prise de Constantinople, etc.

4. Tous les miracles et les signes qui n’ont pas été authentifiés, nous les refusons et nous
ne leur accordons aucune valeur, même s’ils sont répandus parmi les gens. Nous nous
contenterons de mentionner ce célèbre miracle selon lequel lorsque le Prophète —
paix et bénédiction sur lui — se réfugia dans la grotte lors de son émigration vers
Médine, deux colombes auraient pondu leurs œufs à l’entrée de la grotte et un arbre
aurait poussé et recouvert cette entrée. Cela n’a été rapporté ni par un hadith
authentique, ni par un hadith fiable, ni même par un hadith faible. Quant à l’araignée
qui aurait tissé sa toile sur l’entrée de la grotte, il est vrai qu’il existe un hadith à ce
sujet, hadith que certains savants ont considéré comme fiable alors que d’autres l’ont
considéré comme faible. Par ailleurs, une lecture littérale du Coran montre que Dieu
— Exalté soit-Il — secourut Son Messager par des agents invisibles. Dieu dit en effet :
« Dieu fit alors descendre sur lui Sa sérénité et le soutint de soldats (Anges) que vous
ne voyiez pas » [8]. Or, l’araignée et les colombes sont assurément des agents visibles.
En outre, le secours accordé par des agents invisibles et imperceptibles est porteur
d’une signification plus profonde sur la Toute-Puissance divine et sur l’impuissance
humaine. Néanmoins, ces miracles se sont répandus parmi les Musulmans via les
chants prophétiques composés lors des siècles postérieurs, comme par exemple la
Burdah d’Al-Bûsirî, dans laquelle ce dernier dit :

Dhannul-hamâma wa dhannul-`ankabûta `alâ khayril-bariyyati lam tansuj wa lam tahumi

Wiqâyatul-lâhi aghnat `am-mudâ`afatim-minad-durû`i wa `an `âlim-minal-utumi

Traduction

Ils ont cru que les colombes et l’araignée, pour la meilleure des créatures, n’avaient ni pondu
ni tissé

La protection de Dieu a permis de se passer des cottes de mailles et d’un amoncellement de


boucliers

Voilà notre position vis-à-vis des prodiges et des miracles prophétiques attribués au Prophète
— paix et bénédiction sur lui.

Et Dieu est le plus Savant.

P.-S.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net.

On pourra également consulter la rubrique suivante : « Les miracles du Prophète ».

Notes
[1] Rabî` Al-Awwal est le troisième mois du calendrier musulman. Le Prophète naquit le
douze de ce mois.

[2] Il s’agit de la grotte de Thawr, située au Sud de la Mecque. Cette grotte constitue la
première étape de l’Hégire.

[3] La bataille des Coalisés dite aussi bataille du Fossé (An 5 du calendrier musulman) a
opposé les Musulmans de Médine à une coalition judéo-idolâtre de plus de dix mille
combattants. Cette bataille a pris la forme d’un siège de plusieurs semaines mené contre
Médine. Elle s’est soldée par un retrait des troupes arabes idolâtres et donc d’une victoire
musulmane.

[4] La bataille de Tabûk (An 9 du calendrier musulman) a opposé Médine à Byzance et


Muhammad, Messager de Dieu, à Héraclius, Empereur romain. Cette bataille s’est soldée par
une retentissante victoire musulmane.

[5] La rencontre de Hudaybiyah (An 6 du calendrier musulman) s’est scellée par un accord de
trêve de dix ans entre les idolâtres mecquois et le Prophète. Cette trêve sera violée par la suite
par les idolâtres et aboutira à la conquête de la Mecque.
[6] On désigne par cette expression les deux plus grands compilateurs de hadiths de l’Islam, à
savoir Al-Bukhârî et Muslim.

[7] Al-Hasan Ibn `Alî est le petit-fils du Prophète, du côté de sa fille Fâtimah.

[8] Sourate 9 intitulée le Repentir, At-Tawbah, verset 40.

Peut-on célébrer la naissance du Prophète ?


mardi 13 mai 2003

Question
Certains disent que la célébration de la naissance du Prophète - paix et bénédictions sur lui -
est une innovation qui n’avait pas lieu de son temps ni du temps des compagnons et des pieux
prédecesseurs. Ils disent que c’est une innovation blâmable et un égarement qui mène au Feu.
Quelle est l’opinion correcte à ce sujet, ainsi que la célébration de la naissance des alliés
d’Allah (walîs) ?

Réponse
Sheikh `Atiyyah Saqr, ancien président du Comité de Fatwa d’Al-Azhar Ash-Sharîf, dit à ce
sujet :

Comme l’a souligné le professeur Hasan As-Sandûbî, les historiens ne connaissent pas
d’antécédent à la célébration de la naissance du Prophète par les Fatimides. Ils faisaient alors
en Egypte une grande célébration de cet évènement, accompagnée de la distribution de
beaucoup de pâtisseries, comme le rapporte Al-Qalqashandî dans son livre Subh Al-A`shâ.

Les Fatimides faisaient également une célébration de la naissance d’un certain nombres de
personnages issus des gens de la Demeure Prophétique. Al-Maqrîzî dit qu’ils ont également
célébré la naissance de Jésus. La célébration de la naissance (Mawlid) du Prophète fut
suspendue en 488 A.H., c’est le cas également pour les autres Mawâlid qui étaient alors
célébrés. En effet, le Calife Al-Musta`lî Billâh prit pour vizir Al-Afdal Shahinshâh, le fils du
Commandant des troupes Badr Al-Jamâlî. Ce vizir fut un homme puissant qui ne contredisait
pas Ahl As-Sunnah, selon Ibn Al-Athîr (cf. son livre Al-Kâmil, v. 8, p. 302). Il en fut ainsi
jusqu’à ce que Al-Ma’mûn Al-Batâ’ihî devienne vizir. Il émit un décret officiel pour distribuer
des aumônes le 13 Rabî` Al-Awwal en 517 A.H.. Ces aumônes furent distribuées par les soins
de Sanâ’ Al-Malik.

Avec l’arrivée de la dynastie ayyoubide, furent abolies toutes les traces des fatimides.
Cependant, les familles continuèrent à faire des célébrations privées à l’occasion du Mawlid
du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Puis au début du septième siècle après
l’Hégire, cette célébration devint officielle dans la ville de Irbil, par un décret de son prince
Mudhaffar Ad-Dîn Abû Sa`id Kawkabrî Ibn Zayn Ad-Din `Alî Ibn Tabkatkin - un sunnite qui
donna une grande importance au Mawlid, si bien qu’il dressa de grandes tentes, soutenues par
des structures en bois, dès le début du mois de Safar [1], décorées par les plus beaux
ornements, on y trouvait des chants et des moyens de divertissement. Il donnait un congé aux
gens à cette ocassion pour qu’ils profitent de ces manifestations.

Les tentes s’étendaient depuis la Porte de la Citadelle (Bâb Al-Qal`ah) jusqu’à Al-Khâniqah.
Mudhaffar Ad-Din avait coutume de descendre après la prière d’Al-`Asr et se tenait devant
chaque tente, écoutant le chant et observant ce qui s’y trouve. La célébration du Mawlid avait
lieu tantôt le 8 du mois, tantôt le 12 du mois, et deux jours avant la célébration, on sortait des
chameaux, des vaches et des moutons, accompagnés de festivités sur leur trajet vers la place
centrale où ils étaient sacrifiés, puis cuisinés pour le peuple.

Ibn Al-Hâjj Abû `Abd Allâh Al-`Abdarî dit que la célébration était répandue en Egypte à son
époque et critiqua les innovations qui s’y produisaient (Al-Madkhal, v. 2, p. 11-12). De
nombreux ouvrages furent composés au sujet du Mawlid pendant le 7e siècle A.H., par
exemple la Qissah d’Ibn Dihyah (décédé en Egypte en 633 A.H.), et aussi des écrits de
Muhyiddîn Ibn `Arabî (décédé à Damas en 638 A.H.), Ibn Taghrabak (décédé en Egypte en
670 A.H.), Ahmad Al-A`zalî et son fils Muhammad (décédé à Sabtah en 677 A.H.).

Étant donné que les innovations s’étaient répandues dans les Mawâlid, elles furent
désapprouvés par les savants, certains ont même désapprouvé l’origine de la célébration du
Mawlid. Parmi ceux-là, nous comptons le juriste Malékite Tâjuddîn `Omar `Alî Al-Lakhmî
d’Alexandrie, connu sous le nom d’Al-Fakahânî, décédé en 731 A.H.. Il écrivit à ce sujet son
épître Al-Mawrid fil-Kalâm `alâ Al-Mawlid, épître citée intégralement par As-Suyûtî dans son
livre Husn Al-Maqsid [2].

Puis Sheikh Muhammad Al-Fâdil Ibn `Ashûr dit : au 9e siecle A.H., les gens furent partagés,
certains l’autorisant, d’autres l’interdisant. Parmi ceux qui l’appréciaient il y a As-Suyûtî, Ibn
Hajar Al-`Asqalâni, Ibn Hajar Al-Haythamî, tout en condamnant les innovations qui se sont
greffées sur la célébration. Ils basent leur opinion sur le verset : « et rappelle-leur les Jours d’
Allah » [3]. An-Nasâ’î et `Abd Allâh Ibn Ahmad [Ibn Hanbal] dans le complément du
Musnad, ainsi qu’Al-Bayhaqî dans Shu`ab Al-Imân rapportent selon Ubayy Ibn Ka`b que le
Messager d’Allah, paix et bénédiction d’Allah sur lui, interpréta « les jours d’Allâh » par les
bienfaits d’Allâh et Ses signes (cf. Rûh Al-Ma`ânî d’Al-Alûsî), et la naissance du Prophète est
un très grand bienfait.

Dans le Sahîh de Muslim selon Abû Qatâdah Al-Ansâri : Lorsque le Prophète - paix et
bénédiction d’Allah sur lui - fut interrogé au sujet du jeûne du lundi, il dit : « C’est le jour où
je suis né, c’est le jour où je fus envoyé et c’est le jour où la révélation descendit sur moi ». Il
a été rapporté selon Jâbir et Ibn `Abbâs que le Messager d’Allah - paix et bénédiction d’Allah
sur lui - naquit l’an de l’Eléphant, un lundi, le 12 Rabî` Al-Awwal, il fut envoyé ce même
mois, l’Ascension au Ciel eut lieu de même mois, il émigra et décéda pendant ce mois de
Rabî` Al-Awwal. Le Messager d’Allah - paix et bénédiction sur lui - indiqua que le jour de sa
naissance est privilégié par rapport aux autres jours. Et le croyant peut espérer une grande
rétribution pendant un jour béni, sachant que privilégier les œuvres qui coïncident avec les
moments de la Généreuse Bonté divine est une démarche établie avec certitude dans la
sharî`ah. Ainsi, la célébration de ce jour et l’expression de notre gratitude envers Dieu pour ce
bienfait qu’est la naissance du Prophète, et pour nous avoir guidé à sa voie, est une chose
confirmée par la jurisprudence islamique, à condition de ne pas lui donner une forme spéciale.
Il convient plutôt de propager la joie et la bonne annonce autour de soi, en se rapprochant de
Dieu par ce qu’Il a légiféré, en informant les gens des bienfaits de ce jour, et en s’éloignant de
ce qui est illicite. Quant aux coutumes liées à la nourriture ce jour-là, elles rentrent dans le
cadre du verset : « Mangez des (nourritures) licites que Nous vous avons attribuées » [4].

Mon opinion est qu’il n’y a pas de mal à faire cela, notamment à cette époque où les jeunes
ont bientôt oublié leur religion et leur gloire, noyés dans les autres célébrations qui dominent
tyranniquement les célébrations religieuses. Cette célébration doit consister à méditer sur la
vie du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - et à faire des œuvres qui immortalisent
le souvenir de la naissance du Prophète, par exemple, en construisant des mosquées ou des
instituts, ou toute autre bonne œuvre qui lie celui qui la contemple au Messager de Dieu et à
sa vie.

Partant de cela, il est autorisé de célébrer les naissances des Walîs (alliés de Dieu), pour
manifester l’amour envers eux et suivre le modèle de leur vie, tout en s’écartant de toute
chose illicite comme la mixité interdite entre les hommes et les femmes ou le fait de profiter
de la moindre opportunité pour tomber dans l’illicite que ce soit dans les boissons, la
nourriture, les compétitions ou les divertissements, ou comme le non-respect des mosquées,
ou comme les innovations qui ont lieu dans les visites des tombes ou l’invocation de Dieu par
les tombes, en somme en s’écartant de toute entorse à la religion et tout écart à son éthique.

Si ces transgressions sont dominantes, il est alors meilleur d’interdire ces célébrations pour
fermer une porte du mal, comme l’indique les fondements de la sharî`ah. Si, en revanche, les
côtés positifs et les bienfaits dominent, il n’y a pas de mal à faire ces célébrations, tout en
veillant à informer les gens quant au comportement à adopter, et en encadrant les célébrations
pour éviter ou limiter au mieux les côtés négatifs. En effet, beaucoup de bonnes œuvres sont
polluées par certaines transgressions, et chacun doit appeler au bien et interdire le blâmable
par les moyens licites (cf. volume 4 de l’Encyclopédie de la famille sous l’égide de l’islam).

Az-Zurqânî dit dans son commentaire d’Al-Mawâhib d’Al-Qastillânî : « Ibn Al-Jazrî, l’Imâm
des lectionnaires coraniques, décédé en 833 A.H., commenté la tradition rapportée par Al-
Bukhâri et d’autres au sujet d’Abû Lahab selon laquelle il fut si heureux par la naissance du
Messager qu’il affranchît Thuwaybah son esclave quand elle lui annonça la bonne nouvelle ;
et que pour cela Allah allégea son châtiment en Enfer. Il [Ibn Al-Jazrî] dit : "Si le mécréant
condamné dans le Coran, fut rétribué en Enfer pour avoir été heureux pour la naissance du
Prophète, qu’en est-il du musulman, le Muwahhid (monothéiste) de sa communauté, qui
éprouve un bonheur pour sa naissance et fait tout ce qu’il peut pour son amour."

Le savant-mémorisateur Shamsuddîn Muhammad Ibn Nâsir dit :

Si pour un mécréant condamné dont les deux mains en Enfer périront éternellement, il est
établi que le jour du lundi le châtiment lui sera allégé pour sa joie pour Ahmad [5], que
penser alors du serviteur qui, toute sa vie, fut heureux par Ahmad et mourut en monothéiste ?

Ibn Ishâq privilégie l’opinion selon laquelle, la naissance du prophète - paix et benediction
d’Allah sur lui - eut lieu après douze nuits écoulées du mois de Rabî` Al-Awwal de l’An de
l’Eléphant. Ibn Abî Shaybah relate cette opinion selon Jâbir et Ibn `Abbâs et d’autres. C’est
une opinion répandue parmi les savants. L’auteur de Taqwîm Al-`Arab Qabl Al-Islâm, quant à
lui, affirme, par des calculs astronomiques précis, que la naissance du Prophète fut le lundi 9
Rabî` Al-Awwal, soit le 20 avril 571 E.C..
(cf. Al-Hâwî lil-Fatâwî de l’Imâm As-Suyûtî et le magazine Al-Hidâyah publié en Tunisie en
Rabî` Al-Awwal 1394 A.H.).

P.-S.
Source de la fatwa en arabe : le site d’Al-Azhar.

Source de la fatwa en anglais : le site islamonline.net

Notes
[1] Safar est le mois qui précède Rabî` Al-Awwal dans le calendrier hégirien.

[2] NdT : Ce livre de l’Imâm As-Suyûtî constitue une réplique à ceux qui interdisent la
célébration du Mawlid. Il est repris dans son ouvrage Al-Hâwî li Al-Fatâwî.

[3] Sourate 14, Ibrâhîm, verset 5.

[4] Sourate 2, Al-Baqarah, verset 172.

[5] Ahmad est un prénom du Messager d’Allah, cité dans le Coran.

La célébration de la naissance du Prophète


vendredi 9 mai 2003

Question
Est-ce que la célébration de la naissance du Prophète est une innovation ?

Réponse
Le Messager — paix et bénédictions de Dieu sur lui — est la miséricorde de Dieu pour les
mondes et le meilleur modèle pour les croyants. Dieu — Exalté Soit-Il — dit à cet égard :
« En effet, vous avez dans le Messager d’Allah un excellent modèle... » [1].

La lecture de la vie du Prophète, avec méditation et en tâchant de saisir les leçons qu’elle
recèle, pousse le croyant à suivre la guidance de sa Sunnah et à cheminer sur sa voie.

La célébration de la naissance du Prophète n’était pas connue dans les premières ères de
l’histoire islamique. Elle fut initiée par les Fatimides au quatrième siècle de l’Hégire, en
Égypte et ailleurs. On dit aussi que Sheikh `Omar Ibn Muhammad Al-Mullâ, un homme de
piété, est le premier à avoir fait cela à Al-Mawsil (Mossoul) en Iraq. Puis, le Roi Al-
Mudhaffar Abû Sa`îd marcha sur ses pas et célébra le Mawlid à Irbil en Iraq et récompensa le
savant-mémorisateur Ibn Dihyah pour avoir composé un livre intitulé At-Tanwîr fî Mawlid
Al-Bashîr An-Nadhîr (Éclairage sur la naissance du porteur de la bonne nouvelle et de
l’avertisseur), reprenant le récit de la naissance du Prophète.

L’Imâm Abû Shâmah commenta la célébration du Mawlid disant : « Parmi les meilleures
choses récemment introduites c’est ce qui se faisait à Irbil chaque année à l’occasion de la
naissance du Prophète — paix et bénédictions de Dieu sur lui — en termes d’aumônes, de
charité, de décoration et signes de joie. Outre la bienfaisance envers les pauvres, cela attise
l’amour du Prophète — paix et bénédictions de Dieu sur lui —, son haut rang et son estime
dans le cœur de la personne. Il comporte également une gratitude envers Dieu — Exalté Soit-
Il — pour Son Bienfait pour avoir créé Le Messager, et pour l’avoir envoyé en miséricorde
pour les mondes. Que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur tous les
Messagers. »

Il faut toutefois que la célébration de ce noble événement soit dépourvue de toute chose
blâmable, des péchés, de la mixité interdite entre les hommes et les femmes, et également des
innovations familières à beaucoup de gens et que ni Dieu — Exalté Soit-Il — ni Son Prophète
n’agréent.

La meilleure chose à faire pendant cette célébration c’est l’étude de la vie du noble Prophète
— paix et bénédictions de Dieu sur lui — en saisissant les leçons et les exhortations qu’elle
recèle, puis de cheminer selon la voie de cette noble religion que constitue le Message du
Prophète et dont Dieu dit : « [...] Une lumière et un Livre explicite vous sont certes venus
d’Allah ! § Par ceci, Allah guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il
les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guide vers un chemin droit » [2].

P.-S.
Traduit de Yas’alûnaka fid-Dîn wal-Hayâh, volume 1, pages 461-462. Cet ouvrage en sept
volumes compile les fatwas de Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî que Dieu lui fasse miséricorde.

Notes
[1] Sourate 33, Al-Ahzâb, verset 21

[2] Sourate 5, Al-Mâ’idah, versets 15 et 16.

Célébrer l’anniversaire du Prophète et faire


son éloge
dimanche 11 mai 2003

Question
Est-ce que la célébration du mawlid (anniversaire du Prophète) et l’éloge du Prophète est une
"bonne innovation" ou un acte blâmable ? En effet, des savants disent que c’est une bonne
chose alors que d’autres affirment le contraire. Quelle est l’opinion correcte à ce sujet ?
Réponse de Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî
La naissance du Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui, marqua par la Volonté
de Dieu l’arrivée du Sceau des Prophètes et l’Imâm des Messagers - Muhammad, paix et
bénédiction de Dieu sur lui. Nul doute que le rappel profite aux croyants. Nous avons besoin
de nous souvenir de toute chose liée au Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui,
car il est le modèle par excellence pour tout musulman, conformément à la Parole de Dieu -
Exalté Soit-Il : "En effet, vous avez dans le Messager d’Allah un excellent modèle." [1]

Ainsi, il n’y a pas de mal à ce que les musulmans, aux quatres coins de la terre, profitent de
cette occasion - la naissance du noble Prophète - pour étudier sa Sunnah, sa prédication, ses
nobles manières, et pour approfondir leur compréhension de la religion et du Livre de leur
Seigneur, pourvu que cela les pousse à multiplier les oeuvres pies et les efforts dans le bien.

Un savant et juriste dit : "Celui qui est le plus en droit de susciter par sa mémoire la joie des
musulmans c’est Muhammad Ibn `Abd Allâh. Chaque jour de sa vie mérite de susciter joie et
bonheur, mais les jours qui méritent le plus la joie des musulmans et la revivification de leur
souvenir sont au nombre de trois.

Le premier jour, c’est le jour de sa naissance, le jour où poussa cet arbre bon et béni, le jour
où se manifesta le soleil lumineux.

Le deuxième jour, c’est le jour où il reçut la mission prophétique, le jour où apparurent les
premiers fruits de cet arbre bon et béni, le jour où commença la révélation du Coran comme
guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement, le jour où la
lumière du soleil commença à rayonner.

Le troisième jour c’est le jour de son Hégire, le jour où l’arbre béni porta ses fruits les
meilleurs, le jour où le soleil rayonna dans tout l’univers. Les gens puisèrent leur subsistance
dans ces fruits et suivirent cette lumière.

Ce que les musulmans ont de mieux à faire pour manifester leur joie lors de ces événements
c’est de rappeler la grandeur de ce noble Messager. Ils doivent tirer les grandes moralités et
leçons bénéfiques cristallisées dans ses nobles manières, ses actes et ses paroles.

Si nous étudions sa vie lorsqu’il était enfant ou jeune homme, ou en sa qualité d’époux, d’ami,
ou de Messager, de Commandant, de juge ou de père, nous verrons qu’il est, sur tous les
plans, un excellent modèle à suivre.

Nous devons donc comprendre que la célébration de la naissance du plus noble Messager,
Muhammad, paix et bénédiction de Dieu sur lui, est une bonne habitude. Il n’y a aucun mal à
ce que les musulmans lui accordent des soins et se réunissent à son occasion, à condition que
leur célébration reste dans le cadre de ce que Dieu a légiféré et autorisé.

La célébration devrait se limiter à l’exposé de sa vie, la présentation de sa Sunnah et de sa


prédication, par le biais de conférences, exhortations, discours et prêches, et par des réunions
organisées dans les mosquées, les associations et les lieux de rassemblement pour écouter
toute chose relative à l’Islam et au Messager de l’Islam, paix et bénédiction de Dieu sur lui.
On peut aussi recourir aux journaux, magazines et autres supports des médias dans les pays
musulmans pour parler de la vie du Prophète et du message islamique.

Si certains disent que la célébration de la naissance du Prophète est une innovation non
louable, il est probable que cette opinion est motivée par les choses blâmables qui, parfois,
accompagnent cette célébration. Sinon, s’il n’y a pas de transgression, il n’y a aucun mal à ce
que des musulmans se réunissent pour écouter la vie du Prophète, ses principes et son éthique.

Quant à l’éloge du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, par ce qui est digne de lui,
cela est non seulement permis, mais c’est même un devoir de chaque musulman. En effet,
Dieu - Exalté Soit-Il - dit : "Certes, Allah est Ses Anges prient sur le Prophète ; ô vous qui
croyez priez sur lui et adressez lui vos salutations." [2] Notre prière sur le Messager inclut son
éloge et la demande de l’élévation de son rang auprès de Dieu.

Dieu - Exalté Soit-Il - fit l’éloge de son Messager dans divers passages du Noble Coran : "Tu
es certes doté d’excellentes manières" [3], "Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour
l’univers" [4], "Ô Messager ! Nous t’avons envoyé en tant que témoin, annonciateur de la
bonne nouvelle et avertisseur, appelant à Allah, par Sa permission, et comme un flambeau
éclairant" [5], et "Certes, un Messager choisi parmi vous, est venu à vous, auquel pèsent lourd
les difficultés que vous subissez, qui est plein de sollicitude pour vous, qui est compatissant et
miséricordieux envers les croyants" [6].

Que les musulmans, aux quatre coins de la terre, célèbrent la naissance du Messager de Dieu,
paix et bénédiction de Dieu sur lui, par des prêches et des exhortations, en saisissant les
leçons, et que leur célébration soit une clef de leur application de la Sunnah du Messager et le
cheminement selon sa guidance.

P.-S.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî, Yas’alûnaka fî Ad-Dîn Wal-
Hayâh (Ils te questionnent sur la religion et sur la vie), v. 1, p. 462-464.

Notes
[1] Sourate 33, les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 21.

[2] Sourate 33, les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 56.

[3] Sourate 68, la Plume, Al-Qalam, verset 4.

[4] Sourate 21, les Prophètes, Al-Ambiyâ’, verset 107.

[5] Sourate 33, les Coalisés, Al-Ahzâb, versets 45 et 46.

[6] Sourate 9, le Repentir, At-Tawbah, verset 128.


La bataille de Badr
lundi 9 octobre 2006

La bataille de Badr, du nom d’une vallée située entre La Mecque et Médine, est la première
bataille décisive de l’Islam, et marque le début des confrontations armées entre les
Musulmans et les polythéistes mecquois. Cette bataille se déroula le vendredi 17 Ramadân de
l’an 2 de l’Hégire (mars 624 de l’ère chrétienne).

La caravane de Syrie
Au mois de Ramadân de l’an 2 de l’Hégire, le Messager de Dieu apprit qu’une grande
caravane marchande qurayshite rentrait de Syrie à La Mecque, qu’elle était dirigée par Abû
Sufyân, et qu’elle n’était escortée que par une quarantaine de cavaliers. Cette caravane avait
en partie été financée par les biens que les polythéistes mecquois avaient spoliés aux
Musulmans pendant et après les persécutions qu’ils leur firent endurer. Contraints de quitter
La Mecque pour trouver une terre d’accueil moins hostile, les Musulmans avaient abandonné
tous leurs biens dans le seul but de sauver leur foi. Ces biens avaient entièrement été saisis par
les païens. Partant de ce constat, le Prophète demanda des volontaires pour aller intercepter
cette caravane et récupérer ainsi une partie de leurs biens. La valeur de la caravane s’élevait à
quelque cinquante mille dinars en pièces d’or et comptait mille dromadaires. Trois cents et
quelques hommes partirent en toute hâte avec lui : quatre-vingt-six Muhâjirûn — Musulmans
mecquois émigrés à Médine —, et le reste de Ansâr — Musulmans médinois —, dont
soixante-et-un de la tribu des Aws et cent soixante-dix de la tribu des Khazraj. La petite troupe
ne comptait que deux chevaux et soixante-dix dromadaires, deux ou trois hommes se relayant
sur chaque monture. Le Prophète demanda au malvoyant Ibn Umm Maktûm d’assurer
l’intérim au poste de dirigeant de Médine et d’imam à la mosquée en son absence.

Lorsqu’il arriva au lieu-dit Ar-Rawhâ’, il confia à Mus`ab Ibn `Umayr l’étendard de l’armée
musulmane, à `Alî Ibn Abî Tâlib la bannière des Muhâjirûn et à Sa`d Ibn Mu`âdh celle des
Ansâr. Puis il envoya Basbas Ibn `Amr Al-Juhanî et `Adiyy Ibn Abî Az-Zaghbâ’ en tant
qu’éclaireurs pour récolter des informations de la caravane, alors qu’elle approchait de la
localité de Badr.

Abû Sufyân donne l’alerte


Entretemps, Abû Sufyân apprit que le Prophète était sorti à la tête d’une armée et qu’il
marchait sur la caravane qu’il avait la responsabilité de ramener jusqu’à La Mecque. Il envoya
donc Damdam Ibn `Amr Al-Ghifârî à La Mecque donner l’alerte aux Qurayshites, afin qu’ils
accourent défendre leurs biens. Rapidement, les polythéistes levèrent une armée dans laquelle
tous les clans qurayshites étaient représentés, à l’exception des Banû `Adiyy.

Le dévouement des Compagnons


Lorsque le Messager de Dieu apprit la nouvelle, il demanda conseil à ses Compagnons sur la
décision à prendre face à la tournure que prenaient les événements. Ils étaient en effet sortis
intercepter une caravane marchande, et voici qu’ils auraient probablement à faire face à
l’armée la plus puissante d’Arabie. Certains Compagnons étaient d’avis de ne pas combattre,
le déséquilibre des forces étant trop manifeste, l’armée musulmane n’étant pas suffisamment
préparée pour tenir tête à Quraysh. L’un d’eux dit notamment : « Ô Messager de Dieu, c’est
Quraysh la perfide ! Par Dieu, elle n’a jamais été vaincue depuis qu’elle est une puissance ; et
elle n’a jamais cru en Dieu depuis qu’elle L’a renié. Par Dieu, pour rien au monde, elle
n’abandonnera sa puissance. Elle te combattra. Prépare-toi donc soigneusement et prends
toutes les dispositions qui s’imposent. » Pour leur part, les Muhâjirûn déclarèrent qu’ils
étaient avec lui quoiqu’il arrive. Mais le Prophète attendait surtout la réaction des Ansâr qui
l’avaient accueilli dans leur cité et qui avaient prêté serment de le défendre envers et contre
tout s’il était attaqué. Sa`d Ibn Mu`âdh prit alors la parole et dit : « Ô Messager de Dieu ! Tu
penses peut-être que les Ansâr considèrent qu’ils ne doivent te porter secours que sur leurs
terres. Au nom des Ansâr, je te dis d’aller où tu veux, de t’allier à qui tu veux, de rompre les
liens de qui tu veux, de prendre de nos biens ce que tu veux et de nous laisser ce que tu veux.
Ce que tu nous prendras aura plus de valeur à nos yeux que ce que tu nous laisseras. Quoique
tu ordonnes, nous le ferons. Par Dieu, dusses-tu aller jusqu’à Birk [1], nous te suivrons ;
dusses-tu traverser cette mer [2], nous la traverserons avec toi. »

Al-Miqdâd déclara quant à lui : « Nous ne te dirons pas ce qu’a dit le peuple de Moïse à
Moïse : "Va donc, toi et ton Seigneur, et combattez tous deux. Nous restons là où nous
sommes" [3]. Nous, nous combattrons à ta droite et à ta gauche, devant toi et derrière toi. »

Après avoir entendu ces déclarations de dévouement, le Messager de Dieu donna l’ordre
d’aller jusqu’aux puits de Badr.

La défection des Banû Zuhrah


Pendant ce temps, Abû Sufyân manœuvrait la caravane pour échapper à l’armée du Prophète.
Pour ce faire, il emprunta une route longeant la côte de la Mer Rouge. Voyant qu’il était
désormais hors de danger, il écrivit à Quraysh qu’ils pouvaient rentrer à La Mecque et que la
raison pour laquelle ils avaient levé une armée n’avait plus lieu d’être. La lettre parvint aux
polythéistes alors qu’ils étaient à Juhfah. Alors qu’ils se préparaient à faire demi-tour, Abû
Jahl, le chef des Banû Makhzûm, déclara : « Par Dieu, nous ne rentrerons pas avant d’avoir
été jusqu’à Badr. Nous y camperons, et nous offrirons l’hospitalité aux Arabes qui viendront
chez nous. Ainsi, les Arabes nous craindront à l’avenir. » Al-Akhnas Ibn Shurayq, chef des
Banû Zuhrah, était quant à lui d’avis qu’il valait mieux rentrer. Peu écouté, il rentra seul avec
les hommes de son clan, abandonnant l’armée qurayshite. Au vu des événements ultérieurs,
cette décision d’Al-Akhnas lui valut un grand prestige auprès des siens. Le clan du Prophète,
les Banû Hâshim, voulut également rentrer mais Abû Jahl pesa de tout le poids que lui
conférait son statut de chef pour les en dissuader.

Le champ de bataille de Badr aujourd’hui

Le champ de bataille
Lorsque l’armée musulmane atteignit le premier puits de Badr, le Prophète demanda : « Où
allons-nous camper ? », ce à quoi Al-Hubâb Ibn Al-Mundhir répondit : « Ô Messager de
Dieu ! Je connais cet endroit ainsi que ses puits. Si tu veux, nous pourrions nous rendre à un
puits que nous connaissons, à l’eau abondante et douce. Nous y précéderons ainsi nos
ennemis et nous boucherons les autres puits. »

Les polythéistes se dépêchaient en effet pour pouvoir se ravitailler en eau. Le Prophète


envoya donc `Alî, Sa`d et Az-Zubayr à Badr pour guetter les mouvements ennemis. Lorsqu’ils
revinrent dans l’armée, ils ramenèrent avec eux deux esclaves de Quraysh qu’ils avaient
arrêtés durant leur mission. Interrogés par les Compagnons du Prophète, ils affirmèrent être en
charge du ravitaillement en eau de l’armée mecquoise. Le Prophète leur demanda : « Dites-
moi où est Quraysh. » — Derrière cette dune, répondirent-ils. — Combien sont-ils ? — Nous
l’ignorons. — Combien égorgent-ils de dromadaires chaque jour ? — Neuf ou dix, c’est
selon. — Ils sont donc entre neuf cents et mille hommes, conclut le Messager de Dieu. Ce
soir-là, il plut une averse. Du côté des polythéistes, ce fut un déluge qui les empêcha
d’avancer, tandis que du côté des Musulmans, ce fut une pluie fine qui les purifia et les lava
de toute souillure, qui aplanit le terrain et le raffermit sous leurs pas. Le Messager de Dieu et
ses Compagnons arrivèrent au puits indiqué par Al-Hubâb au milieu de la nuit. Ils y
installèrent leur campement et bouchèrent les autres puits de Badr. Le Prophète eut droit à une
tente située au sommet d’une colline surplombant le champ de bataille, depuis laquelle il
pourrait superviser les opérations.

Au petit matin, lorsque l’armée mecquoise apparut et que les deux armées furent en vue, le
Prophète invoqua Dieu : « Seigneur, voici Quraysh ! Ils sont venus pétris d’arrogance et
d’orgueil. Ils sont venus Te narguer et traiter Ton Messager d’imposteur. Seigneur, j’implore
Ton Alliance et Ta Promesse. » Abû Bakr As-Siddîq s’approcha de lui et dit : « Ô Messager de
Dieu, rassure-toi ! Par Celui Qui détient mon âme dans Sa Main, Dieu accomplira la
Promesse qu’Il t’a faite. »

Les Anges viennent soutenir les Musulmans


À l’instar de leur Prophète, les croyants implorèrent le Secours divin. Dieu révéla alors aux
Anges : « Je suis avec vous : soutenez donc les croyants. Je vais jeter l’effroi dans les cœurs
des mécréants. » [4], puis Il révéla à Son Messager que mille Anges descendraient en renforts
pour combattre à ses côtés.

Rassuré, le Prophète passa la nuit à prier et à invoquer son Seigneur sous le tronc d’un arbre.
C’était la nuit du vendredi 17 Ramadân de l’an 2 de l’Hégire.

Au petit matin, les deux armées se mirent en rang et se faisaient face.

Les duels
`Utbah Ibn Rabî`ah, un chef de clan qurayshite, son frère Shaybah Ibn Rabî`ah et son fils Al-
Walîd Ibn `Utbah sortirent des rangs de l’armée mecquoise et demandèrent un duel contre
trois Musulmans. La pratique du duel qui précédait l’affrontement général était en effet une
coutume chez les guerriers arabes. Des rangs de l’armée musulmane, sortirent trois Médinois,
`Abd Allâh Ibn Rawâhah, `Awf Ibn `Afrâ’ et son frère Mu`awwidh Ibn `Afrâ’. Les trois
Mecquois leur demandèrent : « Qui êtes-vous ? — Des Ansâr, répondirent les Médinois. —
Vous êtes des gens de valeur et d’honneur, mais nous préférons avoir ce duel avec nos
cousins, répondirent les Mecquois. » Sortirent alors trois Mecquois de l’armée musulmane,
`Alî Ibn Abî Tâlib, gendre du Prophète, `Ubaydah Ibn Al-Hârith et Hamzah Ibn `Abd Al-
Muttalib, oncle du Prophète.

`Alî vint rapidement à bout de son adversaire direct Al-Walîd, tandis que Hamzah terrassait
`Utbah. Quant au troisième duel entre `Ubaydah et Shaybah, il se conclut par une frappe
croisée, où les deux combattants se blessèrent mutuellement. Shaybah fut néanmoins tué
grâce à l’intervention de Hamzah. Gravement touché, `Ubaydah eut la jambe coupée et il
n’allait pas survivre longtemps.

Après cette entrée en matière sanglante, la bataille fit rage. Les épées s’entrechoquaient et les
corps tombaient, tandis que le Prophète, à la tête de son armée, continuait à prier et à invoquer
Dieu pour qu’Il leur accorde la victoire, jusqu’à ce que sa requête soit enfin exaucée. Les
Musulmans venaient de vaincre la première puissance arabe, tuant soixante-dix polythéistes et
en capturant autant. Les pertes musulmanes s’élevaient quant à elles à quatorze hommes : six
Muhâjirûn, six Khazrajites et deux Awsites. Les principaux chefs qurayshites périrent, avec à
leur tête Abû Jahl et Umayyah Ibn Khalaf. Ainsi, la petite troupe croyante de trois cents et
quelques hommes, entièrement remise à Dieu, avait battu une armée trois fois plus
nombreuse, enorgueillie par son nombre et ses moyens matériels.

Épilogue
Lorsque la bataille s’acheva, les corps des polythéistes tués furent enterrés dans une fosse
commune. Le Prophète se présenta devant eux et leur parla : « Tribu ingrate envers votre
Prophète ! Vous me traitiez d’imposteur alors que d’autres gens croyaient en moi. Vous
m’avez abandonné alors que d’autres gens m’ont porté secours. Vous m’avez chassé alors que
d’autre gens m’ont accueilli chez eux. Ô `Utbah Ibn Rabî`ah ! Ô Shaybah Ibn Rabî`ah !
Reconnaissez-vous désormais que la Promesse de votre Seigneur est véridique ? Car moi, je
reconnais que la Promesse de mon Seigneur est véridique. » `Umar Ibn Al-Khattâb demanda
alors au Prophète : « Ô Messager de Dieu, pourquoi parles-tu à des hommes morts ? — Par
Celui Qui détient mon âme dans Sa Main, déclara le Prophète, vous ne m’entendez pas mieux
qu’eux, bien qu’ils soient incapables de répondre. »

Trois jours plus tard, l’armée musulmane leva le camp et se prépara à rentrer à Médine,
couronnée de succès. Sur le chemin du retour, le Prophète partagea le butin entre les soldats et
fit exécuter An-Nadr Ibn Al-Hârith et `Uqbah Ibn Abî Mu`ayt qui s’étaient rendus coupables
du meurtre et de la persécution de plusieurs Musulmans avant l’Hégire.

Ainsi s’achevait la première et la plus grande bataille de l’histoire de l’Islam. Son importance
réside dans le fait qu’elle fut l’expression la plus aboutie du combat éternel que se livrent le
bien et le mal : le bien et toutes les valeurs nobles qui s’y rattachent, défendus par le Prophète
et ses fidèles croyants contre un mal organisé autour de la vanité, de l’orgueil et de l’égoïsme,
défendu par les suppôts de l’idolâtrie et de l’absurdité humaine. Par ailleurs, cette bataille fit
prendre conscience à tous, Musulmans et païens, que l’Islam était devenu une force qui
compte dans l’Arabie du VIIe siècle.
P.-S.
Sources : Annabaa.org, Islam4u.com et l’ouvrage de l’Imâm Shams Ad-Dîn Ibn Qayyim Al-
Jawziyyah, Zâd Al-Ma`âd fî Hady Khayr Al-`Ibâd (Les Provisions du Retour in La guidance
de la meilleure des créatures), disponible en ligne sur le site Al-Islam.com.

Notes
[1] Birk est une vallée située à environ 600 km au sud de La Mecque, sur les côtes de la Mer
Rouge.

[2] La Mer Rouge.

[3] Sourate 5, Al-Mâ’idah, La Table servie, verset 24.

[4] Sourate 8, Al-Anfâl, Le Butin, verset 12.

Asmâ’ Bint Abî Bakr, que Dieu l’agrée


Une noble musulmane

mercredi 20 février 2002

Asmâ’ Bint Abû Bakr, qu’Allâh les agrée tous deux, appartenait à une famille Musulmane
distinguée. Son père, Abû Bakr, était un proche ami duProphète (paix et bénédiction de Dieu
sur lui), et à sa mort, devint le premier Calife. Sa demie-soeur `Â’ishah, la Mère des Croyants,
(qu’Allâh l’agrée) était l’une des épouses du Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui).
Son époux, Az-Zubayr Ibn Al-`Awwâm, était un auxiliaire personnel du Prophète (paix et
bénédiction de Dieu sur lui). Son fils, Abdullâh Ibn Az-Zubayr, se rendit célèbre par son
intégrité et son absolue dévotion pour la vérité.

Asmâ’ elle-même était l’une des premières à embrasser l’Islam. Seuls dix-sept personnes
environ, hommes et femmes confondus, devinrent musulmans avant elle. Plus tard , elle fut
surnommée Dhât An- Nitâqayn (la femme aux deux ceintures), à cause d’une annecdote liée à
l’émigration (hijrah) historique du Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) et de son
père Abû Bakr de la Mecque vers Médine.

Asmâ’ était l’une des rares personnes au courant des projets du Prophète (paix et bénédiction
de Dieu sur lui), qui avait pris la résolution de partir pour Médine. Le plus grand secret devait
être gardé, car Quraïsh voulait la mort du Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui). La
nuit de leur départ, Asmâ’ leur prépara un sac de provisions ainsi que de l’eau pour leur
voyage. Comme elle ne trouva rien pour attacher les récipients, elle décida d’utiliser sa
ceinture (nitâq). Abû Bakr lui suggéra de la fendre en deux morceaux, ce qu’elle fit, et le
Prophète(paix et bénédiction de Dieu sur lui) loua son geste. Depuis, elle fut connue comme
étant " la femme aux deux ceintures".

Lorsque la dernière émigration vers Médine eut lieu, après le départ du Prophète (paix et
bénédiction de Dieu sur lui), Asmâ’ était enceinte. Cependant, ni sa grossesse, ni la
perspective d’un voyage long et pénible ne la dissuadèrent de partir. Des qu’elle fut parvenue
à Qobâ, aux abords de Médine, elle mit au monde son fils Abdullâh. Les musulmans
s’exclamèrent : ’Allâhou Akbar ! ’ (Allâh est Le plus Grand) et la Ilâha illâ Allâh ! (il n’y a
point d’autre Dieu qu’Allâh), mus par la joie et la gratitude, car Abdullâh fut le premier né
parmi les Muhâjirîn (émigrés) a Médine.

Asmâ’ devint célèbre pour ses qualités nobles et admirables et pour son intelligence accrue.
Elle était extremêment généreuse, ce qui fit dire à son fils Abdullâh : "Je n’ai jamais connu
personne d’aussi généreux que ma tante `â’ishah et ma mère Asmâ’. Mais leur générosité
s’exprimait de facon différente. Ma tante accumulait les choses une à une jusqu’à ce qu’elle
en eut suffisemment pour ensuite les redistribuer aux nécessiteux. Ma mère, quant à elle, ne
gardait rien, même pas pour le lendemain".

La présence d’esprit d’Asmâ’ dans les moments difficiles était remarquable. Lorsque son père
quitta La Mecque, il emporta toute sa fortune, qui s’évaluait à six mille dirhams, et ne laissa
rien à sa famille. Quand Abû Quhâfa, le père d’Abû Bakr qui était encore un mushrik
(associateur) apprit son départ, il se rendit à sa demeure et dit a Asmâ : "j’ai appris qu’il vous
avait dépossédés de votre argent et vous avait abandonnés", ’Non, grand-père, répondit
Asmâ’, en fait il nous a laissé beaucoup d’argent". Elle prit des cailloux et les déposa dans une
niche du mur où ils avaient pour habitude de garder l’argent. Elle les recouvrit d’un linge,
puis prenant la main de son grand père qui était aveugle, dit : "Vois combien d’argent il nous a
laissé".

En usant de ce stratagéme, Asmâ’ voulait dissiper les craintes du vieil homme et éviter qu’il
ne leur donna quelque chose de ses propres richesses. Et ce parce qu’elle détestait recevoir de
l’aide d’un mushrik (associateur), fut-il son propre grand-père. Elle observait un
comportement similaire vis-a-vis de sa mère et n’était pas disposée à compromettre son
honneur et sa foi. Un jour, sa mère Qutaylah vint lui rendre visite à Médine. Elle n’était pas
musulmane et était divorcée de son père depuis l’époque pré-islamique. Elle lui apporta des
raisins secs, du beurre clarifié, et d qaraz (des cosses de bois de santal).

Dans un premier temps Asmâ’ refusa de l’admettre dans sa demeure , et n’accepta pas les
présents. Elle envoya quelqu’un chez `â’ishah pour s’informer aupres du Prophète (paix et
bénédiction de Dieu sur lui) de l’attitude à adopter à l’egard de sa mère, il répondit qu’elle
devait certainement la recevoir en sa demeure et accepeter les présents. C’est à cette occasion
que les versets suivants furent révélés au Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) :
"Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas
combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les
équitables. * Allâh vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattu .
Ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes" [Sourate 60-Al Mumtahanah (l’eprouvée),
versets 8-9]

Au début , la vie à Médine était dure pour Asmâ’, et tel était le cas pour beaucoup de
Musulmans. Son mari était assez pauvre et ne possédait qu’un cheval qu’il avait acheté.
Asmâ’ décrivit ces jours d’antan en ces termes : "Je me chargeais d’apporter du fourrage au
cheval, de lui donner de l’eau et de le brosser. Je devais également moudre du grain et en faire
du levain, mais je n’étais pas très douée pour la cuisson du pain. Les femmes de la tribu des
Ansars le faisaient pour moi. C’étaient des femmes d’une grande bonté. Je transportais le
grain sur ma tête depuis le potager que cultivait Az-Zubayr, et qui lui avait été attribué par le
Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui). Il se trouvait a trois farsakh (environ 8 km) du
centre de la ville. Un jour, je me trouvais sur la route portant du grain sur la tête lorsque je
rencontrai le Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) et un groupe de Compagnons. Il
m’appela et arrêta son chameau de sorte que je puisse monter. J’étais gênée de voyager avec
le Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui), tout en songeant à la jalousie de Az-Zubayr -
il était le plus jaloux des hommes - Le Prophète(paix et bénédiction de Dieu sur lui) réalisa
que j’étais embarrassée et poursuivit son chemin. Plus tard, Asmâ’ rapporta exactement ce qui
s’était passé à Az-Zubayr qui dit : ’Par Allâh ! Le fait que tu sois obligée de porter ce grain
m’est plus pénible que de te voir partager la monture du Prophète (paix et bénédiction de Dieu
sur lui)" [2].

Asmâ’ était manifestement une femme sensible et devouée. Elle et son mari travaillèrent
extremêment dur jusqu’à ce que leur situation s’améliore progressivement. Cependant il
arrivait qu’Az-Zubayr la traita durement. Un jour, elle alla s’en plaindre à son père. Il lui fit
cette réponse : "Ma fille, fais donc preuve de patience, car si une femme à un époux vertueux
et qu’elle ne se remarie pas après sa mort, ils seront de nouveau réunis au Paradis".

Az-Zubayr finit par devenir un des hommes les plus riches parmi les Compagnons, mais en
aucun cas cela remit en question les principes d’Asmâ’. Son fils Al-Mundhir lui envoya une
fois une robe très élégante, faite d’une étoffe coûteuse et raffinée. Asmâ’, devenue aveugle, dit
en touchant le tissu : "C’est affreux. Rends-la lui". Al-Mundhir en fut boulversé et dit : "Mère,
elle n’est pourtant pas transparente". "Elle n’est peut-être pas pransparente, rétorqua-t-elle,
mais elle trop étroite et laisse deviner les pourtours du corps".

Si les événements et aspects de la vie d’Asmâ’ cités ci-dessus pouvaient être oubliés, sa
dernière rencontre avec son fils Abdullâh devrait rester l’un des moments les plus memorables
du début de l’Histoire de l’Islam. Lors de cette rencontre elle montra l’acuité de son
intelligence, la fermeté de sa résolution et l’intensité de sa foi. Abdullâh aspirait au Califat
après la mort de Yazîd Ibn Mu`âwiyah. Le Hijâz, l’Egypte, l’Irak, le Khorasân et une grande
partie de la Syrie lui étaient favorables et le proclamèrent Calife. Toutefois les Omeyyades
continuèrent de contester ce Califat et dressèrent une armée formidable sous les ordres d’Al-
Hajjâj Ibn Yûsuf Ath-Thaqafî. Des batailles implacables furent livrées entre les deux camps,
durant lesquelles Abdullâh Ibn Az-Zubayr s’illustra par ses actes de bravoure et d’héroisme.

Malgré cela plusieurs de ses partisans ne purent supporter la contrainte persistante de la


guerre et finirent par déserter peu a peu. Il se réfugia dans la Mosquée Sacrée de La Mecque
et c’est là qu’il alla trouver sa mère, qui était alors vieille et aveugle, et dit : éQue la paix soit
sur toi, mère et la clémence et la grâce d’Allâh". "Et que sur toi soit la paix, Abdullâh’
repondit-elle. Qu’est-ce qui t’amène ici à cette heure alors qu’au Haram (Mosquée Sacrée),
les catapultes d’Al-Hajjâj font pleuvoir sur tes soldats des blocs de pierres qui secouent les
maisons de La Mecque ?". ’Je viens te demander conseil", dit-il. "Me demander conseil ?’’
s’étonna-t-elle. "A quel sujet ?". "Les gens m’ont abandonné par crainte d’Al-Hajjâj ou alors
parce qu’ils se sont laissés tenter par ce qu’il avait à leur offrir. Même mes enfants et ma
famille m’ont quitté. Il ne reste plus qu’une poignée d’hommes, qui, bien que vaillants et
devoués, ne résisteront pas plus d’une heure ou deux. Les messagers des Banû Omayyah (les
Omeyyades) sont dès à présent en train de négocier avec moi, m’offrant n’importe quelle
richesse que je pourrai nommer. Devrais-je rendre les armes et prêter serment d’allégéance à
Abd Al-Malik Ibn Marwan. Qu’en penses-tu". Elle répondit en élevant la voix : "C’est ton
combat, Abdullâh, et tu te connais mieux que quiconque. Si tu penses que tu as raison et que
tu defends la vérité, alors ne baisse pas les bras et bats-toi, à l’instar de tes compagnons qui
ont persévéré et sont morts sous ton drapeau. Si toutefois tu désirais ce monde, quel pauvre
malheureux tu serais. Tu te seras détruit, et tu auras détruit tes hommes". "Mais, dit-il, je serai
tué aujourd’hui, sans aucun doute..". "Cela vaut bien mieux que de te rendre à Al-Hajjâj
volontairement et que des esclaves de Banû Omayya jouent avec ta tête". "Je n’ai pas peur de
la mort, dit-il, je crains seulement d’être mutilé". Et sa mère de lui signaler : "Il n’y a rien
après la mort qu’un homme puisse craindre. Un mouton, une fois égorgé, ne ressent pas la
douleur du dépecage". Le visage d’Abdullâh s’illumina et il dit : "Quelle mère vénérable !
Sois bénie pour la noblesse de tes qualités ! Je suis venu à toi en cet instant pour entendre ce
que j’ai entendu. Dieu sait que je n’ai pas faibli ni désespéré. Il est Témoin que je n’ai pas
combattu par amour de ce monde et ses tentations mais uniquement par colère pour l’Amour
d’Allâh car Ses limites ont ete transgressées. Et me voici, m’en allant vers ce qui te réjouit.
Donc si j’étais tué, ne t’afflige pas et rends-moi grâce auprès d’Allâh". "Je ne m’affligerais,
dit Asmâ’ - vieillie mais resolue - que si tu étais tué pour une cause vaine et injuste". "Sois
assurée que ton fils n’a pas soutenu une cause injuste, qu’il n’a commis aucune mauvaise
action, qu’il ne s’est rendu coupable d’aucune injustice envers un musulman ou un dhimmi
(non musulman vivant dans la société musulmane), et qu’il n’y a rien de plus plaisant à ses
yeux que la Satisfaction d’Allâh, Le Tout Puissant, Le Plus Grand. Je ne dis pas cela pour
alléger ma conscience. Dieu sait que je l’ai dit uniquement pour raffermir et rassurer ton
Coeur". "Louange à Allâh qui t’a fait agir conformément à ce qu’Il aime et ce que j’aime.
Viens plus près de moi mon fils, que je puisse sentir et humer ton corps car cette rencontre est
peut-être la dernière". Désignant son armure, elle dit : "Ceci, mon fils, n’est pas
l’accoutrement de celui qui desire le martyre. Ôte-le. Cela rendra tes mouvements légers et
rapides. Revêts plutôt ton sirwal (un long sous-vêtement) de sorte que si tu étais tué ta `awrah
(partie intime) ne serait pas exposée".

Abdullâh retira son armure et mit son sirwal. Alors qu’il s’en allait vers le Haram pour
rejoindre le combat, il dit : "mère, ne me prive pas de tes dou’a (prières)". Levant ses mains
au ciel elle pria : "O Seigneur, aie pitié pour ses longues heures de veille et ses sanglots dans
les ténèbres de la nuit pendant que les gens dormaient. O Seigneur aie pitié pour sa faim et sa
soif durant son voyage de Médine à La Mecque alors qu’il jeunait. O Seigneur bénis sa
bienfaisance envers sa mère et son père. O Seigneur je lui rends grâce pour Ta cause et je me
réjouis de tout ce que tu auras décidé pour lui. Et accorde-moi en hommage pour lui, la
récompense de ceux qui sont patients persévérants".

A la tombée de la nuit, Abdullâh était mort. A peine une dizaine de jours plus tard, sa mère
mourut à son tour. Elle était alors âgée de cent ans. l’âge ne l’avait pas rendue infirme et
n’avait pas altéré la vivacité de son esprit.

P.-S.
1. Traduit de "Companions of The Prophet", Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid.
2. Sahîh Muslim : D’après ’Asmâ’ bint ’Abî Bakr (qu’Allah soit satisfait d’elle), "Az-
Zubayr m’avait épousé, alors qu’il ne possédait sur terre ni biens, ni argent, ni esclave,
ni autre chose à l’exception de son cheval. Je donnais à son cheval le fourrage, je lui
assurais sa provende et prenais soin de lui. En outre je moulais les grains à son nâdih
(chameau de pompage et d’arrosage) pour le nourrir, je puisais l’eau et je
raccommodais ses outres. Je pétrissais aussi la farine, mais comme je n’étais pas
habile à préparer le pain, des voisines, femmes des ’Ansâr, de bonnes amies, me
faisaient le pain. Je transportais sur ma tête les récoltes qui provenaient d’une terre que
l’Envoyé d’Allah (pbAsl) avait concédée à Az-zubayr et cette terre était éloignée de
ma demeure de deux tiers de parasange. Un jour que je portais le fardeau des récoltes
sur la tête, je rencontrais l’Envoyé d’Allah (pbAsl) accompagné d’un certain nombre
de ses Compagnons. Le Prophète m’appela, puis fit agenouiller sa monture pour me
prendre en croupe. J’éprouvais quelque honte à voyager avec des hommes et je
songeais à ta jalousie (de Az-zubayr)". Mais, Az-zubayr, lui répondit : "Par Dieu, il
m’eût été moins pénible de te voir en croupe derrière lui, que de porter cette charge sur
ta tête". "Je continuai à mener cette existence, ajouta ’Asmâ’, jusqu’au jour où ’Abû
Bakr (son père), après cette aventure, m’envoya un domestique qui me débarrassa des
soins à donner au cheval et il me sembla alors que je venais d’être affranchie". Ce
hadîth est également rapporté par l’Imâm Al-Bukhârî, que Dieu l’agrée.

3.Â’ishah Bint Abî Bakr, que Dieu l’agrée


4. La Mère des Croyants
5. dimanche 24 mars 2002
6. La vie de `Â’ishah est la preuve qu’une femme peut être bien plus instruite qu’un
homme et qu’elle peut être le professeur de savants et d’experts. Sa vie montre aussi
qu’une femme peut exercer une influence sur les hommes et les femmes et leur
apporter l’inspiration et l’union. Sa vie est enfin la preuve que cette même femme peut
être complètement féminine et être une source de plaisir, de joie et de réconfort pour
son mari.
7. Elle ne fut diplômée d’aucune université car il n’y avait pas d’universités à cette
époque. Cependant, ses discours sont étudiées dans les facultés de littérature, ses
déclarations juridiques sont étudiées dans les Ecoles de Droit et sa vie ainsi que ses
œuvres sont étudiées par des étudiants et des enseignants en Histoire Islamique depuis
un millier d’années.
8. L’essentiel de ses vastes connaissances fut acquis alors qu’elle était encore jeune.
Dans sa petite enfance, elle fut élevée par son père qui était très aimé et respecté car
c’était un homme qui disposait d’un grand savoir, de manières courtoises et d’une
présence agréable. De plus, il était l’ami le plus proche du noble Prophète — paix et
bénédictions sur lui — qui lui rendait souvent visite, et ce, depuis les tous premiers
jours de sa mission.
9. Dans sa jeunesse, déjà connue pour sa frappante beauté et sa formidable mémoire, le
Prophète lui-même lui porta un soin et une attention particuliers. En tant qu’épouse et
compagne du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, elle acquit un savoir et une
perspicacité qu’aucune autre femme n’a atteints à ce jour.
10. `Â’ishah devint la femme du Prophète — paix et bénédictions sur lui — à la Mecque
alors qu’elle était à peu près dans sa dixième année, mais son mariage ne fut pas
célébré avant la deuxième année de l’Hégire, alors qu’elle avait entre quatorze et
quinze ans [1]. Avant et après son mariage, elle garda une jovialité et une innocence
naturelles et ne semblait pas intimidée par l’idée d’être mariée au Messager de Dieu
— paix et bénédictions sur lui —, lui que tous ses compagnons, y compris les parents
de `Â’ishah, traitaient avec un amour et une révérence qu’ils ne vouaient à aucune
autre personne.
11. À propos de son mariage, elle rapporta que peu de temps avant qu’elle ne quitte la
maison de ses parents, elle se rendit dans la cour pour jouer avec une amie qui était de
passage :
12. " Je m’amusais à la balançoire et mes longs cheveux étaient en désordre, dit-elle, ils
vinrent me chercher pour me préparer".
13. Ils la vêtirent d’une robe de mariage faite à partir d’une fine étoffe ornée de rayures
rouges, venant du Bahrein, puis sa mère l’amena vers la maison nouvellement
construite où quelques femmes des Ansars [2] attendaient devant l’entrée. Elle la
félicitèrent avec ces mots : " Que le bien et le bonheur soient toujours présents ! "
Puis, en la présence du Prophète souriant — paix et bénédictions sur lui —, un bol de
lait fut apporté. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — but de ce lait et en offrit
à `Â’ishah. Elle refusa timidement mais, lorsqu’il insista, elle fit de même et proposa
le bol à sa sœur Asmâ’ qui était assise derrière elle. D’autres personnes en burent
également, et ce fut tout de leur simple et solennelle cérémonie de mariage. Il n’y eut
pas de fête.
14. Son mariage avec le Prophète — paix et bénédictions sur lui — ne changea pas son
comportement enjoué. Ces jeunes amies allaient régulièrement lui rendre visite dans
ses appartements.
15. " Je jouais avec mes poupées, dit-elle, avec les filles qui étaient mes amies, et quand le
Prophète venait, elles fuyaient vite hors de la maison mais il sortait pour les ramener à
l’intérieur car il était heureux de voir mon bonheur de les avoir près de moi". Quelques
fois, il disait " Restez où vous êtes " avant qu’elles n’aient le temps de partir, et il se
joignait également à leurs jeux. `Â’ishah dit : " Un jour, le Prophète vint alors que je
jouais avec les poupées et dit : " O `Â’ishah, quel est ce jouet ?". "C’est le cheval de
Salomon, dis-je, et il se mit à rire". Quelques fois quand il rentrait, il se cachait
derrière son manteau afin de ne pas déranger `Â’ishah et ses amies.
16. Les premiers temps qu’`Â’ishah vécut à Médine furent également les moments les
plus graves et les plus anxieux. Une fois, son père et deux compagnons qui étaient
avec lui attrapèrent une fièvre dangereuse qui était fréquente à Médine durant
certaines saisons. Un matin, `Â’ishah alla lui rendre visite et fut stupéfaite de trouver
les trois hommes gisants faibles et exténués. Elle demanda à son père comment il allait
et lui répondit dans un style qu’elle ne put comprendre. Les deux autres lui répondirent
également avec des vers de poésie qui lui semblaient n’être que des bredouillements
inintelligibles. Elle fut profondément troublée et rentra auprès du Prophète — paix et
bénédictions sur lui — en disant :
17. "Ils divaguent complètement à cause de leur forte fièvre". Le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — demanda ce qu’ils avaient dit et fut quelque peu rassuré
lorsqu’elle répéta certains des mots des vers qu’ils avaient récités et qui avaient un
sens, même si elle ne les comprenait pas complètement. Ceci est une démonstration de
son grand potentiel de mémorisation, qui, au fil des années, allait servir à préserver les
précieux dires du Prophète — paix et bénédictions sur lui —.
18. De toutes les femmes du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, il est clair
qu’`Â’ishah était la plus aimée. De temps en temps, un de ses compagnons
demandait :
19. " Ô Messager de Dieu, quelle est la personne que tu aimes le plus en ce monde ? " Il
ne répondait pas toujours la même chose car il ressentait un amour énorme pour ses
filles et leurs enfants, pour Abû Bakr, `Alî, Zayd et son fils Usâmah. Mais de ses
femmes, la seule qu’il nomma dans de telles circonstances fut `Â’ishah. Elle l’aimait
également énormément et cherchait souvent à se rassurer du fait qu’il l’aimait. Une
fois, elle lui demanda "comment est ton amour pour moi ? "
20. "Comme le nœud de la corde", dit-il en signifiant ainsi qu’il était fort et sûr. Puis de
temps à autres, elle lui demandait : " comment est le nœud ? ", il répondait : "`alâ
hâlihâ" c’est-à-dire "dans le même état".
21. Son amour pour le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était un amour jaloux et
elle ne supportait pas que le Prophète ait des égards vis-à-vis des autres, au-delà de ce
qu’elle considérait suffisant. Elle lui demanda :
22. " Ô Messager de Dieu, dis-moi, si tu te trouvais entre les deux pentes d’une vallée et
que l’une d’entre elles ait été broutée et pas l’autre. Sur laquelle des deux ferais-tu
paître tes troupeaux ? "
23. " Sur celle qui n’a pas été broutée" répondit le Prophète — paix et bénédictions sur lui
—. " De même, dit-elle, je suis différente de tes autres femmes. Chacune d’entre elles
a eu un mari avant toi, sauf moi ". Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui
sourit et ne dit pas un mot.
24. Quelques années plus tard, `Â’ishah parla de sa jalousie en ces termes : " Je n’étais pas
aussi jalouse des femmes du Prophète que je l’étais de Khadîjah, parce qu’il la
mentionnait constamment et parce que Dieu lui avait ordonné de lui annoncer la bonne
nouvelle de la disposition pour elle de pierres précieuses dans le Paradis. Et à chaque
fois qu’il sacrifiait un mouton, il en envoyait une partie à toute personne ayant fait
partie de ses amis intimes. À maintes reprises, je lui ai dit : " On dirait qu’il n’y a
jamais eu d’autre femme sur terre à part Khadîjah".
25. Une fois, alors qu’`Â’ishah se plaignait et demandait pourquoi il parlait aussi bien
d’une "veille femme de Qoraïsh", le prophète fut blessé et dit : " Elle fut la femme qui
crut en moi alors que les autres me rejetèrent. Quand les gens me traitaient de menteur,
elle affirmait ma sincérité. Lorsque je fus abandonné, elle dépensa sa fortune pour
alléger le fardeau de mon chagrin... "
26. Malgré cette jalousie qui n’était guère destructrice, `Â’ishah avait l’âme généreuse et
patiente. Elle supporta la pauvreté dans le foyer du Prophète ainsi que la faim qui
duraient souvent de longues périodes. Pendant plusieurs jours, aucun feu n’était
allumé dans la demeure très pauvrement meublée du Prophète — paix et bénédictions
sur lui — pour cuisiner ou préparer du pain, et ils se nourrissaient surtout de dattes et
d’eau. La pauvreté ne fut pas une cause d’humiliation ou de chagrin pour elle ; se
contenter du peu qu’elle avait, quand cela fut nécessaire, ne troubla en rien son style
de vie.
27. Une fois, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se tint à l’écart de ses femmes
pendant un mois car elles l’avaient chagriné en lui demandant ce qu’il ne possédait
pas. Ceci se passa après l’expédition de Khaïbar quand l’accroissement des richesses
aiguisa leur appétit pour les présents. Lorsqu’il revint de cette retraite qu’il s’était
imposé, il alla tout d’abord chez `Â’ishah. Elle se réjouit de le voir mais il avait reçu
une révélation qui lui imposait de lui donner deux possibilités. Puis il récita les
versets :
28. "O Prophète ! Dis à tes femmes : Si vous désirez la vie de ce bas monde et ses
ornements, alors venez et je vous accorderai ces biens, et je vous laisserai libres. Mais
si vous recherchez Dieu et son Messager ainsi que la réussite dans l’au-delà, alors
Dieu vous a préparé une immense récompense pour ce que vous avez fait de bien".
29. La réponse de `Â’ishah fut la suivante :
30. " En vérité, je recherche Dieu et son Messager ainsi que la réussite dans l’au-delà " et
sa réponse fut suivie par celles de toutes les autres.
31. Elle resta fidèle à son choix durant toute la vie du Prophète — paix et bénédictions sur
lui — et après. Plus tard, lorsque les musulmans eurent accès à de grandes richesses,
on lui offrit un don de cent milles dirhams. Elle était en état de jeûne lorsqu’elle reçut
cet argent et elle le distribua entièrement aux pauvres et aux nécessiteux alors qu’elle
n’avait aucune provision chez elle. Peu de temps après, une servante lui dit : " peux-tu
acheter de la viande pour un dirham afin de rompre ton jeûne ? ". " Si je m’en étais
souvenu, je l’aurais fait " dit-elle.
32. L’affection du Prophète — paix et bénédictions sur lui — pour `Â’ishah dura jusqu’à
la fin. Pendant sa maladie, après suggestion de ses femmes, il resta dans ses
appartements. La plupart du temps, il restait allongé sur un matelas, la tête reposant
sur la poitrine ou les genoux de la Mère des Croyants `Â’ishah. C’est elle qui pris un
siwâk auprès de son frère, le mâcha afin de le ramollir et le donna au Prophète — paix
et bénédictions sur lui —. Malgré sa faiblesse, il frottait ses dents avec de façon
vigoureuse. Peu de temps après, il perdit conscience et `Â’ishah pensa que c’était la
mort qui était arrivée, mais il ouvrit les yeux une heure plus tard.
33. `Â’ishah est celle qui a rapporté pour nous ces moments d’agonie de l’homme le plus
honoré de la création d’Allah, son Messager bien-aimé — paix et bénédictions sur lui
—.
34. Quand il ouvrit les yeux encore une fois, `Â’ishah se rappela qu’il lui avait dit :
"Aucun Prophète n’est emporté par la mort, jusqu’à que sa place au Paradis lui soit
montrée et que le choix de vivre ou de mourir lui soit donné".
35. " Maintenant, il ne nous choisira pas " se dit-elle, quand elle l’entendit murmurer : "
Avec l’Assemblée suprême au Paradis, avec ceux à qui Dieu a donné ses faveurs, les
prophètes, les martyrs et les droits... ". Puis elle l’entendit encore murmurer : " O
Seigneur, avec l’Assemblée suprême ", et ce furent les derniers mots qu’elle l’entendit
prononcer. Progressivement, sa tête se fit plus lourde sur sa poitrine et d’autres
personnes dans la pièce se mirent à se lamenter, puis, `Â’ishah posa sa tête sur un
oreiller et les rejoignit dans leurs lamentations.
36. Sur le sol de la chambre de `Â’ishah, près du matelas où était allongé le Prophète, on
creusa la tombe où il fut enterré dans une profonde tristesse et un grand chagrin.
37. `Â’ishah vécut environ cinquante ans après la mort du Prophète — paix et
bénédictions sur lui —. Elle fut sa femme durant dix années. La plupart de son temps
passa dans l’apprentissage et l’acquisition du savoir des deux plus importantes sources
de la guidance d’Allah ; Le Coran et la Sunnah de son Prophète — paix et
bénédictions sur lui —. `Â’ishah fut parmi les trois femmes (les deux autres furent
Hafsah et Umm Salamah) qui mémorisèrent la Révélation. Tout comme Hafsah, elle
eut son propre manuscrit du Coran après la mort du Prophète — paix et bénédictions
sur lui —.
38. En ce qui concerne les Hadiths ou les dires du Prophète — paix et bénédictions sur
lui —, `Â’ishah est une des quatre personnes (les trois autres étant Abû Hurayrah,
Abdullah Ibn `Umar et Anas ibn Malik) qui transmirent plus de deux milles hadîths.
Nombreux sont les récits concernant des aspects intimes de la personnalité du
Prophète que seule une personne dans la position de `Â’ishah aurait pu connaître. Le
plus important, c’est que sa connaissance des hadiths fut transmise par écrit par au
moins trois personnes, dont son neveu `Urwah qui devint un des plus grands savants
de la génération suivant celle des compagnons.
39. Beaucoup des compagnons du Prophète et de leurs successeurs ont bénéficié du savoir
de `Â’ishah. Abû Mûsâ Al-Ash`arî dit une fois : "Si les compagnons du Messager de
Dieu — paix et bénédictions sur lui — rencontraient quelque difficulté que ce soit sur
un sujet précis, ils interrogeaient `Â’ishah".
40. Son neveu `Urwah affirma qu’elle était brillante, non seulement en matière de Fiqh,
mais aussi en médecine et en poésie. Beaucoup des compagnons du Prophète — paix
et bénédictions sur lui — sont venus lui demander conseil à propos de questions
d’héritage qui requièrent un fort esprit matheux. Les savants la considèrent comme
faisant partie des premiers Fuqaha (Jurisconsultes) de l’Islam avec d’autres personnes
telles que `Umar Ibn Al-Khattâb, `Ali et Abdullâh Ibn `Abbâs. En ce qui concerne son
immense savoir, cette parole du Prophète est rapportée : " Apprenez une partie de
votre religion (din) auprès de la humayrâ - fille rousse". "Humayra", voulant dire
"Rousse", était une épithète donnée à `Â’ishah par le Prophète — paix et bénédictions
sur lui —.
41. `Â’ishah ne possédait pas seulement le savoir, mais elle fut également très active au
niveau de l’éducation et des réformes sociales. En tant que professeur, elle avait une
façon de s’exprimer claire et persuasive et ses capacités oratoires furent décrites par
Al-Ahnaf en des termes superlatifs. Il dit : " J’ai entendu des discours d’Abû Bakr,
`Umar, Uthman et `Alî et des Califes jusqu’à ce jour, mais je n’ai jamais entendu de
discours plus persuasifs et aussi beaux que ceux qui sont sortis de la bouche de
`Â’ishah".
42. Hommes et femmes venaient de loin pour profiter de son savoir. Il est dit qu’il y avait
plus de femmes que d’hommes. En plus de répondre à des questions, elle prenait sous
sa garde les garçons et les filles, nombre d’entre eux étant orphelins, et leur enseignait
avec soin. Et ceci en plus de ses proches qui recevaient une éducation de sa part. Ainsi,
sa maison devint une école et une académie.
43. Certains de ses étudiants étaient remarquables. Nous avons déjà mentionné son neveu
`Urwah comme étant un rapporteur de hadiths distingué. Parmi ses élèves femmes, il y
eut `Umrah Bint `Abd Ar-Rahmân. Elle est considérée par les savants comme faisant
partie des narrateurs de hadiths les plus fiables et est connue pour avoir été la
secrétaire de `Â’ishah, recevant et répondant aux lettres qui lui étaient adressées.
L’exemple de `Â’ishah mettant l’accent sur l’éducation et en particulier sur
l’éducation des femmes musulmanes et un exemple à suivre.
44. Après Khadiîjah Al-Kubra (la plus grande) et Fâtimah Az-Zahrâ’ (la resplendissante),
`Â’ishah As-Siddîqah (la véridique) est considérée comme la meilleure femme en
Islam. Du fait de sa forte personnalité, elle fut leader dans tous les domaines de la
connaissance, dans la société, en politique et en matière de guerre. Elle regretta
souvent son implication dans la guerre mais elle vécut assez longtemps pour retrouver
la position de femme la plus respectée de son temps. Elle mourut durant l’année 58 de
l’Hégire, pendant le mois de Ramadan, et comme elle l’avait requis, elle fut enterrée
dans le Jannat Al-Baqî`, dans la ville illuminée, là où d’autres compagnons du
Prophète sont enterrés.
45.P.-S.
46. Traduit de l’anglais à partir de Companions of The Prophet, Vol.1, de Abdul Wâhid
Hâmid.
47.Notes
48. [1] Il y a diverses opinions quant à l’âge précis de `Â’ishah lorsqu’elle épousa la
Prophète. L’auteur ici opte pour 14 ans pour ce qui est de la consommation de ce
mariage. Les différentes sources, même si elles ne s’accordent pas sur cette date,
affirment que `Âi’shah était nubile lorsque son mariage fut consommé.
49. [2] Les Ansars sont les médinois qui ont soutenu et accueilli le Prophète et les
Muhâjirûn - les musulmans Émigrés ayant quitté la Mecque pour s’installer à la ville
du Prophète, la Médine.

50.Barakah, Umm Ayman


51. que Dieu l’agrée
52. dimanche 7 avril 2002
53. Nous ne connaissons pas précisément les circonstances qui ont fait que la jeune fille
abyssine se retrouva esclave à vendre à la Mecque. Nous ne savons rien de ses racines,
de sa mère, de son père ou de ses ancêtres.
54. Ils furent très nombreux comme elle, filles et garçons, arabes et non-arabes, capturés
puis mis en vente sur le marché aux esclaves de la ville. Un terrible sort attendit
certains d’entre eux qui se retrouvèrent aux mains de maîtres ou de maîtresses cruels
qui les firent travailler comme des bêtes de somme et les traitèrent avec une dureté
extrême.
55. Dans cet environnement hostile, rares furent ceux qui eurent plus de chance et qui
rejoignirent les foyers de gens gentils et attentionnés.
56. Barakah- que Dieu l’agrée - la jeune fille abyssine, fit partie des plus chanceux. Elle
fut achetée par le généreux et aimable `Abdullah, le fils d’Abd al-Muttalib. Elle devint
l’unique servante de son foyer et lorsqu’il se maria avec la Dame Amina, elle s’occupa
d’elle également.
57. Deux semaines après leurs noces, selon Barakah - qu’Allah l’agrée - le père
d’Abdullah vint chez eux et ordonna à son fils de se joindre à une caravane marchande
en partance pour la Syrie. Amina en fut profondément attristée et s’écria :
" Que c’est étrange ! Que c’est étrange ! Comment mon mari peut-il partir pour un
voyage marchand pour la Syrie alors que je suis encore une jeune mariée et que mes
mains portent encore les traces de henné ? "
58. Le départ d’Abdullah fut déchirant. L’angoisse d’Amina fut si forte qu’elle s’évanouit.
Barakah- qu’Allah l’agrée - raconte : " Lorsque je vis qu’Amina était inconsciente, je
me mis à hurler de tristesse et de douleur : " O maîtresse ! " Amina ouvrit les yeux et
me regarda ; les larmes coulaient abondamment sur son visage. Tout en réprimant un
soupir, elle me dit : " Aide-moi à me coucher, Barakah. "
59. " Amina resta longtemps clouée au lit . Elle ne parla à personne. Elle ne regarda aucun
de ceux qui lui rendirent visite, excepté `Abd Al-Muttalib, ce noble et brave vieil
homme. " Deux mois après le départ d’Abdullah, Amina m’appela à l’aube un matin et
me dit, son visage rayonnant de bonheur :
60. " O Barakah ! J’ai vu quelque chose d’étrange en rêve. "
" Quelque chose de bon, maîtresse " lui dis-je
" J’ai vu des lumières venant de mon ventre éclairant les montagnes, les collines et les
vallées autour de la Mecque. "
" Etes-vous enceinte, maîtresse ? "
" Oui Barakah, " répondit-elle " Mais je ne ressens aucune des gênes que ressentent les
autres femmes. "
" Vous allez donner naissance à un enfant béni qui apportera le bien ", lui dis-je.
61. Aussi longtemps que `Abdullah demeura absent, Amina fut triste et mélancolique.
Barakah - qu’Allah l’agrée - resta à ses côtés et essaya de la réconforter et de l’égayer
en lui parlant et en lui racontant toutes sortes d’histoires.
62. Cependant, Amina fut encore plus chagrinée lorsque `Abd Al-Muttalib vint lui dire
qu’elle devait quitter sa maison et aller dans les montagnes comme l’avaient fait tous
les mecquois et ceci, dans la crainte d’une attaque imminente du roi du Yémen, un
dénommé Abraha. Amina lui répondit qu’elle était bien trop affligée et faible pour
partir pour les montagnes. Elle insista sur le fait qu’Abraha ne pourrait jamais entrer à
la Mecque et détruire la Ka`bah car celle-ci était protégée par le Seigneur - Exalté soit-
Il. Abd Al-Muttalib devint très agité alors qu’il n’y avait, sur le visage d’Amina, pas le
moindre signe de crainte. Sa certitude que la Ka`bah ne serait pas touchée était fondée.
L’armée d’Abraha conduite par un éléphant en avant-garde fut détruite avant qu’elle
puisse entrer à la Mecque.
63. Jour et nuit, Barakah - qu’Allah l’agrée - veilla sur sa maîtresse. Elle raconte : " Je
dormais au pied de son lit et j’entendais ses gémissements la nuit lorsqu’elle appelait
son mari absent. Ses souirs me réveillaient et je tentais de la réconforter et de lui
donner du courage. "
64. La première partie de la caravane qui se rendit en Syrie rentra et fut joyeusement
accueillie par les les familles des commerçants de la Mecque. Barakah - qu’Allah
l’agrée - se rendit secrètement à la demeure d’Abd Al-Muttalib pour avoir des
nouvelles d’Abdullah mais il ne put lui en donner aucune. Elle retourna auprès
d’Amina sans rien lui dire de ce qu’elle vit ou de ce qu’elle entendit de peur de
l’attrister davantage. Finalement, la caravane toute entière rentra mais toujours aucune
nouvelle d’Abdullah.
65. Plus tard, Barakah - qu’Allah l’agrée - se trouva chez `Abd Al-Muttalib lorsque la
nouvelle du décès d’Abdullah vint de Yathrib. Elle raconte : "Quand j’entendis la
nouvelle, je me mis à hurler. Je ne sais pas ce que je fis après cela à part courir chez
Amina et me lamenter sur le sort de l’absent qui ne rentrerait plus jamais, me lamenter
sur le bien-aimé que nous attendîmes si longtemps, sur le plus beau jeune homme de la
Mecque, sur Abdullah, la fierté des Quraysh. "
66. " Quand Amina entendit la douloureuse nouvelle, elle s’évanouit et je demeurai à son
chevet tandis qu’elle oscilla entre la vie et la mort. Il n’y avait personne d’autre que
moi dans la maison d’Amina. Je la soignais et veillais sur elle de jour comme de nuit
jusqu’à qu’elle donne naissance à son enfant, " Muhammad ", - que la paix et la
bénédiction de Dieu soient sur lui - , une nuit où les cieux resplendirent de la Lumière
de Dieu. "
67. Lorsque Muhammad - que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui - naquit,
Barakah- que Dieu l’agrée - fut la première à le tenir dans ses bras. Son grand-père
vint et l’emmena à la Ka`bah. La Mecque toute entière célébra sa naissance.
68. Barakah - qu’Allah l’agrée - demeura auprès d’Amina tandis que Muhammad - sur lui
la grâce et la paix - fut envoyé à la campagne, sous l’atmosphère vivifiante du désert,
confié aux bons soins de la dame Halimah. Au bout de cinq ans révolus, il fut ramené
à la Mecque et sa mère le reçut avec tendresse et amour. Barakah - qu’Allah l’agrée -
l’accueillit avec une grande joie, une impatience comblée et beaucoup d’admiration.
69. Lorsque Muhammad - sur lui la grâce et la paix - eut atteint 6 ans, sa mère décida de
se rendre sur la tombe de son mari, Abdullah, à Yathrib. A la fois Barakah - qu’Allah
l’agrée - et Abd-al-Muttalib tentèrent de l’en dissuader. Toutefois Amina était
déterminée. Un matin, ils se mirent en route - Amina, Baraka h- qu’Allah l’agrée - et
Muhammad - sur lui la grâce et la paix - , tous trois installés sur un palanquin monté
sur un grand chameau faisant partie d’une imposante caravane en partance pour la
Syrie. Afin de protéger le tendre enfant de toute tristesse et de toute inquiétude, Amina
dissimula à Muhammad - sur lui la grâce et la paix - le fait qu’ils faisaient ce voyage
pour voir la tombe de son père Abdullah.
70. La caravane se déplaça à vive allure. Barakah - qu’Allah l’agrée - tenta de consoler
Amina dans l’intérêt de son fils. La plupart du temps durant le voyage, l’enfant
dormait avec ses bras autour du cou de Barakah.
71. La caravane mit dix jours à atteindre Yathrib. Le jeune Muhammad - sur lui la grâce et
la paix - fut confié à ses oncles maternels du clan des Banu Najjar le temps qu’Amina
puisse se rendre sur la tombe d’Abdullah. Chaque jour durant quelques semaines, elle
se recueillit ainsi sur la tombe de son défunt mari. Elle était inconsolable, consumée de
tristesse.
72. Sur le chemin de retour vers la Mecque, Amina tomba sérieusement malade. A mi-
chemin entre Yathrib et la Mecque, à un endroit appelé Al-Abwa, ils s’arrêtèrent. La
santé d’Amina se détériora rapidement. Une nuit très sombre, une très forte fièvre la
gagna. Elle appela Barakah d’une voix étouffée.
73. Barakah - qu’Allah l’agrée - raconte : " Elle murmura à mon oreille : ’ Ô Barakah, je
vais bientôt quitter ce monde. Je te confie mon fils Muhammad. Il a perdu son père
alors qu’il était encore dans mon ventre. Le voici qui perd sa mère sous ses propres
yeux. Sois une mère pour lui, Barakah, et ne le quitte jamais. ’
74. " Mon cœur se brisa à ces mots et je ne pus contenir mes sanglots et mes
gémissements. L’enfant fut affligé par mes cris et se mit à pleurer. Il se jeta dans les
bras de sa mère et se cramponna à son cou. Elle rendit son dernier soupir puis fut
silencieuse à jamais. "
75. Barakah- qu’Allah l’agrée - pleura. Elle pleura amèrement. Elle creusa de ses propres
mains une tombe dans le sable. Elle y enterra Amina et la mouilla de toutes les larmes
que son cœur pouvait encore contenir.
76. Barakah retourna à la Mecque avec l’enfant désormais orphelin et le plaça sous la
protection de son grand-père. Elle demeura à ses côtés dans cette demeure afin de
s’occuper de lui. Lorsque `Abd Al-Muttalib mourut deux ans plus tard, elle se rendit
avec l’enfant à la maison de son oncle Abû Tâlib et continua à veiller au moindre de
ses besoins jusqu’à qu’il atteigne l’âge adulte et qu’il épouse la dame Khadîjah -
qu’Allah l’agrée.
77. Barakah demeura ensuite avec Muhammad - sur lui la grâce et la paix - et Khadîjah -
qu’Allah l’agrée - dans une maison appartenant à Khadîjah. " Je ne l’ai jamais quitté et
il ne m’a jamais quittée, " a-t-elle dit.
78. Un jour, Muhammad - que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui - l’appela
ainsi : " Ya Ummah ! " (il l’appelait toujours ’Mère’). " Je suis maintenant un homme
marié et tu es toujours célibataire. Que dirais-tu d’une personne qui viendrait te
demander en mariage ? " Barakah regarda Muhammad et lui dit : " Je ne te quitterai
jamais. Est-ce qu’une mère abandonne son enfant ? " Muhammad sourit et embrassa
sa tête. Il regarda sa femme Khadija et lui dit : " C’est Barakah. C’est ma mère après
ma véritable mère. Elle est tout ce qui reste de ma famille. "
79. Barakah regarda la dame Khadija qui lui dit : "Barakah, tu as sacrifié ta jeunesse pour
le bonheur de Muhammad. Maintenant il veut rembourser une partie de la dette qu’il a
envers toi. Pour moi et pour lui, accepte de te marier avant que tu ne sois trop âgée. "
80. " Qui dois-je épouser, ma Dame ? " demanda Barakah.
" Ubayd ibn Zayd de la tribu de Khadraj de Yathrib. Il est venu pour demander ta
main. Je t’en prie, ne refuse pas. "
81. Barakah - qu’Allah l’agrée - accepta. Elle épousa Ubayd ibn Zayd et alla avec lui à
Yathrib. Là elle donna naissance à un fils qu’elle appela Ayman et depuis lors les gens
l’appelèrent " Umm Ayman " (la mère de Ayman).
82. Son mariage toutefois ne dura pas très longtemps. Son mari mourut et elle retourna à
nouveau à la Mecque pour vivre avec son ’fils’ Muhammad dans la maison de la dame
Khadija. A cette époque vivaient sous ce même toit Ali Ibn Abî Tâlib, Hind (la fille de
Khadija de son premier mariage), et Zayd ibn Harithah - qu’Allah les agrée.
83. Zayd - qu’Allah l’agrée - était un arabe de la tribu de Kalb qui fut capturé étant enfant
et amené à la Mecque pour être vendu au marché d’esclaves. Il fut acheté par le neveu
de Khadîjah et mis au service de celle-ci. Dans le foyer de Khadîjah, le jeune homme
s’attacha à Muhammad - sur lui la grâce et la paix - et se mit à son service. Leur
relation était semblable à une relation père fils. A tel point que lorsque le père de Zayd
vint à la Mecque à sa recherche, Zayd eut le choix donné par Muhammad - sur lui la
grâce et la paix - entre suivre son père ou rester avec lui. La réponse de Zayd à son
père fut la suivante :
84. " Je ne quitterai jamais cet homme. Il m’a traité avec noblesse, comme un père
traiterait son fils. Pas un seul jour, je me suis senti esclave. Il s’est bien occupé de moi.
Il est gentil et aimable avec moi. Il fait tout ce qui est en son pouvoir pour me rendre
heureux. Il est le plus noble des hommes et la meilleure des créatures. Comment
pourrais-je le quitter et partir avec toi ? … Je ne le quitterai jamais. "
85. Plus tard, en public, Muhammad - sur lui la grâce et la paix - proclama la liberté de
Zayd - qu’Allah l’agrée. Toutefois , Zayd continua de vivre avec lui comme un
membre de son foyer et resta à son service.
86. Quand Muhammad - sur lui la grâce et la paix - fut béni par la mission Propétique,
Barakah et Zayd - qu’Allah les agrée - furent parmi les premiers à croire au message
qu’il proclamait. Ils subirent avec les premiers musulmans la persécution que leur
infligèrent les Quraysh.
87. Barakah et Zayd rendirent de précieux services à la mission du Prophète. Ils agirent à
la manière d’un service secret s’exposant à la punition et à la persécution des
Qurayshites, risquant leurs vies pour obtenir des informations sur les plans et les
conspirations des mécréants.
88. Une nuit, les mécréants bloquèrent les routes conduisant à la maison d’Al-Arqam où le
Prophète - sur lui la grâce et la paix - rassemblait ses Compagnons régulièrement pour
leur apprendre les enseignements de l’Islam. Barakah fut chargée de transmettre au
Prophète une information urgente de la part de Khadija. Elle risqua sa vie en essayant
d’atteindre la maison d’Al-Arqam. Lorsqu’elle arriva et transmit le message au
prophète, il sourit et lui dit : " Tu es bénie, Umm Ayman. Sûrement tu as une place au
Paradis. " Une fois Umm Ayman partie, le Prophète regarda ses Compagnons et
demanda : " Si quelqu’un parmi vous désire épouser une femme des gens du paradis,
qu’il épouse Umm Ayman. "
89. Tous les Compagnons demeurèrent silencieux et ne dirent mot. Umm Ayman n’était ni
belle ni attirante. Elle avait à l’époque environ cinquante ans et paraissait plutôt
fragile. Zayd ibn al-Harithah - qu’Allah l’agrée - s’avança cependant et dit : "
Messager de Dieu, je me marierai avec Umm Ayman. Par Dieu, elle est mieux qu’une
femme gracieuse et belle. "
90. Zayd et Umm Ayman se marièrent et furent bénis par la naissance d’un fils qu’ils
nommèrent Usâma. Le Prophète - que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui -
aimait Usâma comme son propre fils. Il jouait souvent avec lui, l’embrassait et le
nourrissait lui-même. Les musulmans disaient : " Il est le fils bien-aimé du bien-aimé".
Dès le plus jeune âge, Usâma - qu’Allah l’agrée - se distingua au service de l’Islam et
plus tard le Prophète lui confia de lourdes responsabilités.
91. Lorsque le Prophète émigra vers Yathrib, qui serait connue plus tard sous le nom de
Médine, il laissa Umm Ayman à La Mecque pour s’occuper de certaines de ses affaires
en son foyer. Finalement, elle émigra vers Médine par ses propres moyens. Elle fit le
long et pénible voyage à travers le désert et le terrain montagneux à pied. La chaleur
était accablante et les tempêtes de sable lui cachaient la route mais elle persista, portée
par son amour profond et son attachement pour le Prophète - que la paix et la
bénédiction d’Allah soient sur lui. Lorsqu’elle arriva à Médine, ses pieds étaient
endoloris et enflés et son visage était couvert de sable et de poussière.
92. " Ya Umm Ayman ! Ya Ummi ! ( O Umm Ayman ! O ma mère ! ) Il y a pour toi une
place au Paradis ! " s’exclama le Prophète lorsqu’il la vit. Il essuya son visage et ses
yeux, lui massa les pieds et lui frictionna les épaules de ses douces mains.
93. A Médine, Umm Ayman - qu’Allah l’agrée - joua un rôle prépondérant dans les
affaires des musulmans. A Uhud, elle distribua de l’eau aux assoiffés et s’occupa des
blessés. Elle accompagna le Prophète - sur lui la grâce et la paix - à certaines
expéditions, à Khaybar et Hunayn par exemple.
94. Son fils Ayman - qu’Allah l’agrée - un Compagnon dévoué du Prophète tomba martyr
à Hunayn dans la huitième année après l’hégire. Le mari de Barakah, Zayd, fut tué à la
batailla de Mu’tah en Syrie après une vie de bons et loyaux services rendus au
Prophète et à l’Islam. Barakah à cette époque avait environ soixante-dix ans et
demeurait la plupart du temps chez elle. Le Prophète - sur lui la grâce et la paix -
accompagné d’Abû Bakr et `Umar - qu’Allah les agrée - lui rendait souvent visite et
lui demandait : " Yâ Ummi ! (Ô Mère !) Vas-tu bien ? " et elle lui répondait : " Je vais
bien, Ô Messager de Dieu aussi longtemps que l’Islam se porte bien. "
95. Après que le Prophète - que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui - mourut,
on vit souvent Barakah - qu’Allah l’agrée - les yeux en larmes. On lui demanda un
jour : "Pourquoi pleures-tu ?". Elle répondit : "Par Dieu, je savais que le Messager de
Dieu mourrait un jour mais je pleure maintenant parce qu’il a été mis un terme à la
Révélation. "
96. Barakah - qu’Allah l’agrée - était unique dans le sens où elle fut la seule à être aussi
proche du Prophète tout au long de sa vie, de sa naissance à sa mort. Sa vie fut
entièrement consacrée au service du foyer du Prophète. Elle demeura profondément
attachée à la personne du noble, gentil et attentionné Prophète - sur lui la grâce et la
paix. Par dessus tout, sa dévotion à l’Islam fut forte et inébranlable.
97. Elle mourut durant le Califat de `Uthman, qu’Allah l’agrée. Ses racines étaient
inconnues mais sa place au Paradis, elle, est assurée.
98.P.-S.
99. Traduit de "Companions of The Prophet", Vol.1, écrit par `Abdul Wâhid Hâmid.

As-Sayyidah Nafîsah
La petite fille bénie du Messager de Dieu

lundi 27 novembre 2000

Notre dame bénie et purifiée, As-Sayyidah Nafîsah naquit en 145 A.H. Son père est Abû
Muhammad Al-Hasan Al-Anwar Ibn Zayd Al-Abladj Ibn Al-Hasan - le petit-fils du Messager-
Ibn `Alî Ibn Abî Tâlib Ash-Sharîf Al-Murtada, qu’Allâh soit satisfait d’eux.

As-Sayyidah Nafîsah grandit dans un milieu imprégné de la bénédiction du Noble Messager,


notre bien-aimé Muhammad. Elle passa ses premières années à la Mecque entourée de soins
et du respect qui lui sont dus, puis, âgée de cinq ans, son père l’emmena à Médine. Il
commença alors à lui prendre ce dont elle avait besoin pour sa vie ici-bas et pour l’au-delà et
elle partait à la mosquée du Messager pour écouter les savants du hadîth et pour apprendre la
jurisprudence par les jurisconsultes.

A l’âge de seize ans, elle épousa Ishâq Al-Mu’taman Ibn Ja`far As-Sâdiq Ibn Muhammad Al-
Bâqir Ibn `Alî Zayn Al-`Âbidîn Ibn (Abî Ash-Shuhadâ’) l’Imâm Al-Husayn, paix sur lui.
Ishâq fut un homme pieux, connu pour sa rectitude, sa bonté et sa générosité. Elle eut de lui
deux enfants : Al-Qâsim et Umm Kulthûm. Dans une maison honorée, au sein d’une famille
qu’Allâh a purifiée, As-Sayyidah Nafîsah est venue au monde.

Depuis sa plus tendre enfance, son cœur s’attacha au Noble Coran qu’elle récitait
régulièrement. Elle se consacra à son apprentissage et finit sa mémorisation en un an et demi.
Quant aux actes d’adoration, il est rapporté que notre bien-aimée accomplissait de façon
régulière les cinq prières avec ses parents, alors qu’elle n’avait que six ans.

Au fil des années, elle grandit, son corps se renforça, son âme s’éleva et son cœur se raffina.
Elle multiplia les actes de piété, jeûnant le matin et priant le soir, recueillie dans son adoration
d’Allâh et animée par la soif du savoir. Son cœur s’ouvrit aux illuminations divines et
s’attacha à la Parole d’Allâh et aux hadîths de son grand-père, l’Envoyé d’Allâh. Elle apprit et
relata des hadîths par son père, les membres de sa famille bénie, et les savants de son époque
dont elle apprit également la jurisprudence. C’est ainsi qu’on lui donna un surnom qui resta
très célèbre Nafisa’t’ul-`ilm, la (dame) au savoir précieux.

La dame honorée dans les deux demeures, As-Sayyidah Nafîsah, a accompli dans sa vie bénie
trente pélerinages en se rendant à la Mecque la plupart du temps à pieds. Elle marchait ainsi
sur les pas de son grand-père l’Imâm Al-Husayn, paix sur lui, qui disait : « J’ai honte d’aller à
la rencontre de mon Seigneur sans avoir marché pour cela ». La nièce d’As-Sayyidah, Zaynab
bint Yahyâ Al-Moutawwadj (frère de notre bien-aimée) : « j’ai été au service de ma tante
pendant quarante ans où je ne l’ai point vu dormir le soir (i.e. elle priait) ou ne pas jeûner
pendant la journée, sauf les jours de l’Aïd et ceux du Tashrîq. Je lui dis : ne veux-tu pas être
plus clémente envers toi-même ? Elle répondit : et comment cela alors que j’ai devant moi des
épreuves difficiles qui ne seront surmontées que par ceux qui seront du nombre des
réussissants ». Et elle disait d’As-Sayyidah Nafîsah : « Ma tante connaissait par cœur le Coran
et son exégèse, et elle récitait le Coran et ses larmes coulaient. »

Cette dame pieuse était une ascète désintéressée des vains ornements d’ici-bas et faisant
preuve d’une grande observance d’Allâh et d’ascétisme, en prenant pour modèle le maître des
fils d’Adam, le Sceau de la Prophétie, Muhammad, paix et bénédiction d’Allâh sur lui.
Malgré les plaisirs et l’abondance qu’elle pouvait trouver dans la maison de son père le prince
de la ville, elle avait opté pour l’ascétisme et une grande simplicité dans la vie. Elle se
contentait de peu de nourriture et préférait le jeûne. Elle avait un panier accroché près de
l’endroit où elle accomplissait la prière. Lorsqu’elle ressentait faim, elle tendait la main pour
en prendre la nourriture. Zaynab, sa nièce, disait : je trouvais chez elle ce qui n’effleurait
même pas mon esprit et je ne savais comment elle avait cela. Cela provoqua mon étonnement.
C’est alors qu’elle me dit : ô Zaynab, quiconque fait preuve de droiture avec Allâh, l’univers
entier est dans sa main ». On rapporta que dans son ascétisme, il n’y avait pas d’excès, et elle
ne s’écartait que des ornements d’ici-bas qui risquent de la détourner de sa fin première qui
est la Satisfaction d’Allâh et le Cheminement vers Sa Majesté. Elle pensait en permanence à
la mort et l’au-delà, si bien qu’elle creusa elle même sa tombe et passa son temps à évoquer
Dieu et à accomplir les œuvres pies.
Retraite d’As-Sayyidah Nafîsah

Elle fut aussi l’épouse attentionnée, fidèle, accordant ses soins à sa famille, si bien que son
époux répétait qu’elle est un bienfait certain de Dieu pour lui et que jamais elle n’a négligé le
moindre de ses devoirs envers son mari.

En 193 A.H., notre bien-aimée arriva en Egypte. Sa bénédiction et quelques-uns de ses


prodiges (karâmah) furent à peine divulgués, que les habitants d’Egypte se précipitèrent vers
la petite fille du Messager cherchant auprès d’elle ses pieuses invocations et sa lumière puisée
dans celle de son grand-père. Sa maison ne se vidait que rarement d’une foule qui lui vouait
un profond amour. Elle pensa à quitter les lieux pour trouver un endroit calme où elle pourrait
se consacra entièrement à l’adoration d’Allâh. Voyant son insistance à partir, les Egyptiens se
ruèrent chez le gouverneur d’Egypte, As-Sirrî Ibn Al-Hakam Ibn Yûsuf. Ce dernier se dirigea
vers elle et la supplia de faire preuve de générosité en restant parmi eux. Elle dit : « J’avais
l’intention de rester parmi vous, sauf que je suis une femme faible, et la foule s’est rassemblée
autour de moi et les gens me rendent visite très fréquemment si bien qu’ils m’empêchent de
réciter mes awrâds (dhikr composé de vers et d’invocations) et de préparer la Rencontre de
l’au-delà. Et ma demeure est si petite pour accueillir cette grande foule et la cour de mon
grand-père, l’Elu, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, me manque énormément ». Il répondit :
« ô fille du Messager d’Allâh, je me charge de mettre fin à ce dont tu te plains. Je
m’emploierai à ton confort et ta satisfaction. Et pour ce qui est de ta petite maison, j’ai une
grande demeure à Darb As-Sibâ`, et je prends Dieu pour Témoin en te l’offrant, et en te
demandant de bien vouloir l’accepter et ne point me décevoir ». Après un long silence, elle
répondit : « je l’accepte de toi ». Puis elle dit : ô Sirrî, que faire de ces grandes foules et
assemblées ? ». Il dit : « Tu leur consacres deux jours par semaine pour leurs visites et tu
consacres le reste à tes œuvres d’adoration et au service de ton mari. Accorde aux gens le
samedi et le mercredi ».

L’Imâm Ash-Shâfi`i, qu’Allâh lui fasse miséricorde, vint en Egypte. Il fit connaissance d’As-
Sayyidah Nafîsah et entretint de relations solides avec elle. Ils avaient en commun leurs
efforts pour diffuser la lumière de la religion, chacun à sa manière. L’Imâm Ash-Shâfi`î avait
coutume de lui rendre visite sur son chemin à la mosquée d’Al-Fustât où il enseignait le
savoir et sur son chemin de retour. Pendant le mois du Ramadan, il accomplissait les prières
du Tarawîh avec elle, dans sa mosquée (la mosquée d’As-Sayyidah Nafîsah). L’Imâm lui
rendait visite en la compagnie de certains de ses amis et disciples, et il insistait, lui qui est un
soleil de piété, à ce qu’elle invoque Dieu pour lui en espérant bénéficier de sa bénédiction.
Lorsque la maladie l’empêchait d’aller la voir, il lui envoyait un disciple comme Ar-Rabî` al-
Jîzî en le chargeant de lui dire : « Ton cousin Ash-Shâfi`î est malade et te demande d’invoquer
Dieu pour lui ». Elle levait alors les yeux vers le ciel et invoquait Allâh, la guérison atteignait
l’imâm avant même le retour de son disciple. Lorsqu’il fut atteint de la maladie de sa mort,
fidèle à son habitude, il lui envoya un messager pour qu’elle prie pour lui. Elle dit au
messager : « qu’Allâh lui accorde la douceur de regarder Sa Face Honorée ». Au retour du
messager, l’imâm lui demanda ce qu’elle lui avait répondu. Il comprit alors qu’il allait quitter
la vie ici-bas et qu’il allait bientôt retourner à Dieu. Il demander qu’elle fasse la prière du
défunt sur lui. Il mourrut en 204 et au passage de son cercueil porté par la foule devant chez
elle, elle pria sur lui et les pieux qui assistèrent à cela pensèrent que la prière d’As-Sayyidah
Nafîsah sera une miséricorde pour l’imâm.

Le grand savant Al-Ajahwarî dit : As-ayyidah Nafisah creusa sa noble tombe elle-même. Elle
ordonna sa construction tellement elle languissait pour la rencontre de Son Créateur,
témoignant de son désintérêt pour les vains ornements d’ici-bas. [Sa tombe] fut couverte de
nuages de miséricorde, elle y descendait pour faire ses œuvres d’adoration, pour évoquer l’au-
delà et elle y multipliait les prières surerogatoires. On dit qu’elle y récita le Coran six mille
fois et qu’elle a offert la rétribution de cela aux défunts des musulmans.

Zaynab, sa nièce, dit : Ma tante ressentit une douleur le premier jour du mois de Rajab, et elle
écrivit donc une lettre à son mari Al-Mu’taman, qui était absent, où elle lui demanda de venir
car elle ressentait qu’elle allait bientôt quitter la vie ici-bas au profit de l’au-delà. Elle restait
dans sa maladie jusqu’au premier vendredi du mois de Ramadan, où sa douleur fut croissante
alors qu’elle jeûnait. Les médecins vinrent et lui conseillèrent alors de rompre son jeûne afin
de reprendre des forces et mieux combattre la maladie. Elle dit : « Grand est mon
étonnement ! cela fait trentre que je demande à Dieu de retirer mon âme pendant que je serais
à jeun, quelle idée de rompre mon jeûne maintenant, que Dieu m’en préserve ». Et elle dit :

Eloignez de moi mon médecin et laissez-moi avec mon Aimé


Ma langueur pour lui s’est accrue et mon coeur s’est embrasé

Les médecins s’étonnèrent de la force de sa foi, ils lui demandèrent d’invoquer Dieu pour eux,
chose qu’elle fit, et ils s’en allèrent. Puis Zaynab rajouta : « elle resta dans cet état jusqu’à la
2e décade du mois de Ramadan, usée par la maladie jusqu’à son agonie. Elle commença par la
récitation de sourate Al-An`âm, elle récita jusqu’au verset : « Dis à Dieu, Il inscrivit sur Lui-
même la Miséricorde » et son âme noble retourna à Dieu. On dit qu’elle avait perdit
connaissance en récitant « Ils ont auprès de leur Seigneur la Demeure de la Paix et Il est leur
Allié pour ce qu’ils œuvraient ». Zaynab dit : je l’ai alors serrée contre ma poitrine, et elle
attesta la parole de la Vérité, et son âme retourna à Dieu, Dieu la choisit pour Sa Proximité, et
l’a transférée à la Demeure de l’honneur. Cela fut en 208, après la mort de l’Imâm Ash-Shâfi`î
de 4 ans », qu’Allâh leur fasse tous miséricorde.

As-Sayyidah Nafîsah avait demandé que ce soit son mari qui se charge d’elle après sa mort.
Lorsqu’il arriva de son voyage ce jour, il prépara son cercueil et décida de l’enterrer près de
son grand-père, Muhammad, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Les habitants d’Egypte le
supplièrent de l’enterrer en Egypte et lui ont demandé par Dieu de ne pas l’enterrer ailleurs.
Mais il refusa. Ils rassemblèrent une grande fortune et le supplièrent de la laisser parmi eux,
mais il refusa. Ils laissèrent l’argent chez lui, et passèrent la nuit un profond chagrin. Lorsqu’il
vinrent à lui le matin, ils furent surpris de son comportement : il accepta volontiers de la
laisser en Egypte et il leur rendit l’argent. Ils l’interrogèrent sur cela. Il dit : Je vis le Messager
d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, en songe et il me dit : « ô Ishâq retourne aux gens
leur argent, et enterre la chez eux ». Le cœur des egyptiens s’emplit de joie et leurs voix
s’élevèrent avec « Allâhou Akbar ».

A sa mort, les gens se sont rassemblés de tous les coins, ils allumèrent les bougies et l’on
entendit les pleures dans toutes les maisons. Un voile de deuil et de tristesse s’abattit sur
l’Egypte et une grande foule accomplit la prière sur elle et on l’enterra dans la tombe qu’elle
avait creusée.

Qu’Allâh l’englobe dans sa Miséricorde et qu’Il nous agrée.

Lieu de retraite d’As-Sayyidah Nafîsah

P.-S.
Source : As-Sayyidah Nafîsah, de Tawfîq Abû `Alam, 2e édition.

Répondre à cet article


2 Messages de forum
• > As-Sayyidah Nafîsah

13 novembre 2002 20:12, par Oum Assia

Assalamou alaikoum,vraiment je suis sans voix devant cette grande


dame,on voit bien qu’elle était la petite fille de notre bien-aimé(SWT).
Qu’allah la couvre de sa miséricorde ainsi que tout nos pieux ancètres.
Amin et qu’Allah nous guide et nous enveloppe de sa grace.
Wassalamoualaikoum

Répondre à ce message
• > 0762. As-Sayyidah Nafîsah

15 novembre 2003 23:02

Salam,

je vous remercie d’éditer cette histoire de AS-Sayyidah Nafisah, par email, j’ai
beaucoup aimé cette histoire et même, il a fallu s’arrêter un peu pour pouvoir
comprendre paragraphe par paragraphe , c’est l’histoire qui m’a plus émue de ma vie,
je pleurrait et je frissonnait . Je n’ai jamais connu une femme avec de telles qualités,
ma cha allah. Que Dieu l’a bénie et l’agrée.

Merci beaucoup, beaucoup. J’encourage toute personne à connaître sa vie et ne pas


l’oublier et ne pas oublier Allah, le tout et très méséricordieux.

Safiyyah Bint Huyay, que Dieu l’agrée


La Mère des Croyants

jeudi 14 mars 2002

Elle s’appelle Safiyyah Bint Huyay Ibn Akhtab Ibn Sa`yah Ibn Tha`labah Ibn `Ubayd Ibn
Ka`b Ibn Al-Khazraj Ibn Abî Habîb Ibn An-Nadîr Ibn An-Nahâm - on dit aussi Ibn Nâkhûm,
ou encore Yankhûm, ou enfin Nakhûm. Ils descendaient des enfants d’Israël de la lignée de
Lévi fils de Jacob puis de Hârûn (Aaron) le frère de Moïse. Sa mère s’appelle Burrah Bint
Samuel. Elle fut l’épouse de Mishkam le juif puis de Khalaf.

Safiyyah Bint Huyayy - que Dieu soit satisfait d’elle - épousa le Prophète Muhammad - paix
et bénédictions sur lui - en l’an 7 de l’Hégire. Elle avait alors dix sept ans et lui soixante. Son
mariage, comme pour Juwayriyyah Bint Al-Hârith, eut lieu après une grande bataille de
l’Islam, en l’occurrence celle de Khaybar.

Bilâl faisait partie de cette expédition. A la fin du combat, il présenta deux femmes au
Prophète - paix et bénédictions sur lui. Sur leur chemin, lui et ses deux prisonnières avaient dû
traverser le champ de bataille et passer près des guerriers tués pendant le combat. L’une des
femmes hurlait et se couvrait le visage de poussière alors que l’autre était muette d’effroi.

La deuxième femme n’était autre que Safiyyah, la fille de Huyayy Ibn Akhtab, le chef des
Banû An-Nadîr qui avaient été expulsés de Médine en l’an 4 de l’Hégire pour avoir comploté
contre le Prophète (ils avaient projeté de le tuer en laissant tomber une pierre sur sa tête alors
qu’il discutait avec leurs chefs). Par ailleurs, Safiyyah était une descendante de Hâroun, le
frère du Prophète Moise - que la paix soit sur eux. La femme bruyante qui l’accompagnait
était sa cousine.

Le Prophète Muhammad - paix et bénédictions sur lui - demanda à ce que l’on s’occupe de la
cousine et plaça la cape qu’il portait sur les épaules de Safiyyah dont l’époux venait d’être tué
pendant la bataille. C’était un simple geste de compassion, mais à partir de ce moment-là, elle
fut honorée et tenue en haute estime par la communauté musulmane. Le Prophète - paix et
bénédictions sur lui - se tourna ensuite vers Bilâl et lui dit : " Bilâl, est-ce qu’Allah a enlevé
toute pitié de ton cœur pour que tu fasses passer ces femmes à l’endroit même où leurs
hommes ont été tués ? " A en juger les rares critiques que le Messager d’Allah - paix et
bénédictions sur lui - émettait sur le comportement de ceux qui le servaient, il s’agissait là
d’une sévère réprimande. Anas Ibn Mâlik racontait : " J’ai servi le Messager d’Allah - paix et
bénédictions sur lui - pendant huit ans. Pas une seule fois il ne m’a fait de reproche sur ce que
j’avais fait ou ce que je n’avais pas fait. "

Tout comme Umm Habîbah, Safiyyah était la fille d’un grand chef. Seul le Prophète - paix et
bénédictions sur lui - pouvait empêcher qu’elle passe d’un haut rang à celui d’esclave. Bien
que son père ait planifié l’assassinat de Muhammad - paix et bénédictions sur lui - après la
bataille de Uhud et qu’il ait comploté avec les Banû Quraydhah l’extermination de tous les
Musulmans pendant la bataille du Fossé, le Prophète Muhammad - paix et bénédictions sur lui
- ne nourrissait aucun sentiment d’inimité. Pour ceux qui déviaient, il ressentait de la pitié
plutôt que de la colère et pour les innocents, il éprouvait davantage de compassion.

Safiyyah accepta immédiatement l’invitation à l’Islam du Prophète Muhammad - paix et


bénédictions sur lui. Une fois affranchie, il l’épousa. Certains peuvent se demander comment
Safiyyah put accepter l’Islam et épouser le Prophète - paix et bénédictions sur lui - alors que
son père avait été un ennemi acharné et que le sang avait abondamment coulé entre Juifs et
Musulmans. On peut trouver des éléments de réponse dans ce que Safiyyah relatait de sa
jeunesse en tant que fille du chef des Banû An-Nadîr.

Elle - qu’Allah soit satisfait d’elle - disait : " J’étais la favorite de mon père et de mon oncle
Yâsir. Chaque fois que j’étais en compagnie de l’un de leurs enfants, ils me portaient dans
leurs bras. Quand le Messager d’Allah - paix et bénédictions sur lui - arriva à Médine, mon
père et mon oncle allèrent le voir. C’était très tôt le matin, entre l’aube et le lever du soleil. Ils
revinrent bien plus tard. Ils étaient complètement usés et déprimés, et rentraient d’un pas
lourd et lent. Je leur souris comme toujours, mais ni l’un ni l’autre ne fit attention à moi parce
qu’ils étaient si misérables. J’ai entendu Abû Yâsir demander à mon père :
" - Est-ce lui ?
- Oui c’est bien lui.
- L’as-tu reconnu ? En es-tu sûr ?
- Oh oui ! Je ne l’ai que trop bien reconnu.
- Qu’éprouves-tu à son égard ?
- De l’hostilité ! De l’hostilité à jamais. "

Cette conversation fait évidemment référence à la Torah des Juifs. Elle prédisait la venue d’un
Prophète qui allait mener ceux qui le suivraient à la victoire. Avant l’arrivée du Prophète
Muhammad - paix et bénédictions sur lui - à Médine, les Juifs avaient pour habitude de
menacer les adorateurs d’idoles de Yathrib à la venue du Messie. Avec lui, ils prétendaient
exterminer les tribus qui refusaient de croire en Dieu. Le Prophète Jésus - paix et bénédictions
sur lui - avait été clairement décrit dans la Torah sans pour autant être accepté par les Juifs
quand il vint à eux. De même, la Torah décrivait clairement le dernier Prophète de sorte que
les Juifs puissent le reconnaître aisément. Ainsi Ka`b Al-Ahbâr, l’un des Juifs de l’époque qui
avait embrassé l’Islam racontait que ce Prophète était décrit dans la Torah en ces termes :

" Mon serviteur, Ahmad, l’Elu, naîtra à la Mecque puis émigrera vers Médine (ou Tayyibah -
une des autres appellations de Yathrib). Sa communauté sera celle qui louera Allah à tout
moment."
`Amr Ibn Al-`Âs rapportait qu’on peut lire aussi dans la Torah : " O Prophète, Nous t’avons
envoyé afin que tu témoignes, que tu apportes la bonne nouvelle, que tu mettes en garde et
que tu sois un refuge pour les illettrés. Tu es Mon serviteur et Mon messager. J’ai fait de toi
un soutien pour les gens. Tu n’es ni grossier ni vulgaire, tu ne colportes pas les commérages,
tu ne réponds pas au mal par le mal, tu absous plutôt et pardonnes. Allah ne le rappellera à Lui
avant d’avoir redréssé la communauté déviante. Ce jour-là, elle dira : " Il n’y a d’autre dieu
que Lui. " Avec lui, les aveugles verront, les sourds entendront et les cœurs scellés
s’ouvriront. "

Ces passages de la Torah ont convaincu le plus érudit des rabbins juifs, `Abdullah Ibn Salâm
d’embrasser l’Islam lorsqu’il vit Muhammad - paix et bénédictions sur lui. Ce sont également
ces détails qui avaient permis à Huyayy Ibn Akhtab de le reconnaître. Toutefois, Huyayy
comme la majorité des Juifs était profondément déçu que le dernier Prophète - paix et
bénédictions sur lui - soit un descendant d’Isma’il et non d’Ishâq (à savoir les deux fils du
Prophète Ibrâhîm, que la paix soit sur eux). Ils proclamaient être les descendants exclusifs
d’Ishâq, par son fils, Ya`qâb (connu également sous le nom d’Israël), qui eut douze fils
donnant les douze tribus d’Israël.

Au-delà du refus de l’origine du dernier Prophète, Huyayy n’appréciait pas l’idée de perdre
son emprise et son pouvoir sur son peuple. C’est pourquoi il était déterminé à secrètement
lutter contre le Prophète Muhammad - paix et bénédictions sur lui. Lui et les autres chefs juifs
concluaient, en effet, des traités de paix avec les Musulmans et se hâtaient de les rompre
aussitôt que cela leur semblait favorable de le faire.

Malgré sa parenté avec Huyayy, Safiyyah avait un cœur pur. Elle avait toujours souhaité
adorer son Créateur et Seigneur, Celui qui avait envoyé Moise, Jésus, et enfin Muhammad
(que la paix soit sur eux tous). Ainsi, saisit-elle immédiatement l’occasion de suivre le dernier
Prophète et de l’épouser. Safiyyah avait certes trouvé en Muhammad - paix et bénédictions
sur lui - le plus doux et le plus prévenant des époux, sans pour autant être bien acceptée par
ses autres épouses, particulièrement à son arrivée. Anas rapporta qu’un jour le Prophète - paix
et bénédictions sur lui - trouva Safiyyah en train de pleurer. Quand il l’interrogea sur la cause
de ses larmes, elle répondit qu’elle avait entendu Hafsah la décrire de façon peu flatteuse
comme " une fille de Juif ".

Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - rétorqua : " Tu es assurément la fille d’un Prophète
(Hâroun), la nièce d’un Prophète (Moise), et l’épouse d’un Prophète (Muhammad). Y-a-t-il là
de quoi être méprisant à ton égard ? " Il dit ensuite à Hafsah : " Ô Hafsah, crains Dieu ! "

Un jour, le Prophète voyageait en compagnie de Safiyyah et de Zaynab Bint Jahsh. Le


chameau de Safiyyah se blessa. Zaynab ayant un chameau supplémentaire, le Prophète lui
demanda de le donner à Safiyyah . Zaynab répondit : " Devrais-je donner à cette Juive ? " De
colère, le Prophète - paix et bénédictions sur lui - se détourna d’elle pendant deux ou trois
mois afin de lui exprimer son désaccord. Quelques trois années plus tard, quand Muhammad -
paix et bénédictions sur lui - arrivait au terme de sa vie, Safiyyah compatissait profondément
et sincèrement : " Ô Messager d’Allah, si seulement je pouvais souffrir à ta place. " Certaines
de ses épouses la prirent à la légère ce qui agaça le Prophète. Il s’exclama : " Par Allah, elle
dit vrai ! "

Même après la mort du Prophète - paix et bénédictions sur lui, elle connut de moments
difficiles. Une de ses esclaves alla trouver le Commandeur des Croyants Omar pour lui dire : "
Ô Commandeur des Croyants ! Safiyyah aime le shabbat et elle conserve des liens avec les
Juifs ! " Omar s’en enquit auprès de Safiyyah qui lui répondit : "Je n’aime plus le shabbat
depuis qu’Allah l’a remplacé par le vendredi. Les seuls contacts que j’aie conservés avec les
Juifs sont ceux de ma famille." Elle interrogea sa servante pour savoir ce qui l’avait poussée à
mentir à Omar. Elle répondit : "C’est le diable" Alors Safiyyah l’affranchit.

Safiyyah vécut avec le Prophète - paix et bénédictions sur lui - pendant environ quatre ans.
Elle n’avait que vingt et un ans quand le Prophète - paix et bénédictions sur lui - mourut. Elle
resta veuve les trente neuf années qui suivirent. Elle décéda à son tour en l’an 50 de l’Hégire à
l’âge de soixante ans - puisse Dieu être satisfait d’elle.[2]

P.-S.
1. Nous nous sommes basés pour ce travail sur une biographie anglaise disponible sur
internet ainsi que sur Usd Al-Ghâbah fî Ma`rifat As-Sahâbah de l’Imâm Ibn Al-Athîr
disponible sur le site d’alwaraq.com.
2. Selon une autre opinion, elle décéda en 36 A.H.

Zaynab Bint `Alî Ibn Abî Tâlib


La petite-fille du Messager de Dieu

lundi 9 avril 2007

Elle fut surnommée Umm Al-`Awâjiz (La Mère des indigents), en raison de sa miséricorde
envers les pauvres et les démunis. Elle fut aussi surnommée Umm Hâshim (Mère des
Hachémites), car suite au drame de Karbalâ’, elle veilla sur la descendance du Prophète —
paix et bénédictions sur lui — et sur son neveu `Alî Zayn Al-`Âbidîn, le seul survivant de la
bataille parmi la progéniture de l’Imâm Al-Husayn. Le gouverneur d’Égypte, ayant ensuite
pris l’habitude de tenir ses conseils officiels dans sa demeure, elle fut surnommée Ra’îsat Ad-
Dîwân (Présidente du Conseil). Montagne de bravoure et de foi, elle fut le symbole de la
patience dans l’adversité et de la vérité face au despotisme.

Sa naissance dans une famille bénie


Durant le mois de Sha`bân de l’an 5 A.H., Médine attendait une bonne nouvelle venant de la
noble demeure du Messager — paix et bénédictions sur lui —. Après la naissance d’Al-Hasan
et d’Al-Husayn, Dame Fâtimah Az-Zahrâ’ et `Alî Ibn Abî Tâlib — qu’Allâh les agrée —
s’apprêtaient à accueillir un nouveau don d’Allâh : Zaynab Bint `Alî Ibn Abî Tâlib.

Aussitôt que Dame Fâtimah Az-Zahrâ’ donna naissance à sa fille bénie, Dame Asmâ’ Bint
`Umays prit la nouveau-née dans ses bras et, s’adressant à Dame Fâtimah, elle dit : « Ô fille
du Messager d’Allâh ! Elle te ressemble dans l’apparence et la beauté. La splendeur de la
prophétie est incarnée dans cette nouvelle née qui ressemble tellement à son frère Al-
Husayn ! » Az-Zahrâ’ loua alors Allâh et Le remercia de Sa grâce.

Dame Zaynab grandit dans la maison de la prophétie, de la lumière et de la guidance. Elle


reçut une éducation spirituelle raffinée du côté de sa mère ; son père l’Imâm `Alî Ibn Abî
Tâlib ne manqua pas de lui inculquer les bonnes mœurs ainsi que les valeurs de la dignité, de
la chasteté et de la décence. On rapporta qu’un jour, alors que la petite Zaynab était assise sur
les genoux de son père — qu’Allâh l’agrée — et que celui-ci jouait avec elle, il lui dit : « Dis
"un" ». Alors elle dit : « Un ». Il lui demanda de dire « deux » mais elle se tut. L’Imâm lui dit
alors : « Vas-y chérie ! » Zaynab sourit et dit : « Ma langue qui a prononcé le "Un" (l’Unique)
ne pourrait pas prononcer le "deux" ». L’Imâm `Alî — qu’Allâh honore sa face — la serra
alors dans ses bras et l’embrassa entre les yeux. Elle lui demanda aussi un jour : « Ô père,
nous aimes-tu ? » Il répondit : « Comment voulez-vous que je fasse autrement alors que vous
êtes le fruit de mon cœur ! » Elle dit alors : « Ô père, l’amour est pour Allâh et la tendresse
pour nous ».

On rapporta également qu’à l’âge de cinq ans, Dame Zaynab cherchait déjà à devancer sa
mère en se précipitant pour faire ses ablutions aux heures des prières, puis vers son sanctuaire
pour prier avec elle. Dame Fâtimah Az-Zahrâ’ la serrait alors tendrement dans ses bras et
l’embrassait en lui disant : « Qu’Allâh t’accorde le bien ainsi qu’à tes enfants pieux. Ma chère
fille, comme si je te voyais défendre le droit violé par des arguments solides et une éloquence
invraisemblable ».

La même année, Dame Zaynab perdit son grand-père, le Messager d’Allâh — paix et
bénédictions sur lui —. Son décès enveloppa les musulmans d’un voile de deuil et un climat
de tristesse régna dans la maison prophétique. Faisant l’adieu au Prophète, son père l’Imâm
`Alî dit : « Toute patience est belle sauf vis-à-vis de toi et toute impatience est mauvaise sauf
à ton endroit. Notre malheur en ta perte est immense ; et notre misère avant et après toi est
infinie ». Sa mère, Dame Fâtimah Az-Zahrâ’, ne put supporter la séparation ; elle fut à son
tour rappelée par son Créateur quelques mois plus tard.

C’est ainsi qu’en perdant très tôt sa mère, elle apprit le sens de la responsabilité, de la fermeté
et fut bien consciente des grands événements qui se déroulèrent à l’époque des Califes bien
guidés. Durant le califat de `Umar Ibn Al-Khattâb — que Dieu l’agrée —, Dame Zaynab
épousa `Abd Allâh Ibn Ja`far Ibn Abî Tâlib. Leur noce eut lieu à Médine alors que l’armée de
`Umar venait de réaliser de grandes victoires dans ses conquêtes en Iraq et au Shâm. Le Calife
ainsi que de grands Compagnons comme `Uthmân Ibn `Affân, `Abd Ar-Rahmân Ibn `Awf,
Anas Ibn Mâlik, Abû Hurayrah, Abû Dharr Al-Ghifârî et Salmân Al-Fârisî fêtèrent tous cette
occasion bénie. Ce mariage donna naissance à quatre fils —`Alî, `Abbâs, `Awn et
Muhammad —, ainsi qu’à une fille — Umm Kulthûm [1].

Une adoration pure


Dame Zaynab passait ses nuits à la porte de son Seigneur demandant Sa satisfaction et se
dévouant à Son adoration. Elle n’abandonna jamais ses prières nocturnes même à la veille de
l’assassinat de son frère Al-Husayn qui lui demanda de ne pas l’oublier dans ses invocations.

Parmi les invocations de son grand-père — paix et bénédictions sur lui — qu’elle avait
l’habitude de réciter, l’on cite : « Ô Celui Qui se vêtit de la gloire et s’en habilla. Glorifié soit
Celui dont la grandeur est le manteau. Glorifié soit-Il : sauf à Lui, la glorification ne doit être
attribuée. Glorifié soit Celui Qui, par Son Savoir et Sa Puissance, cerne toute chose. Glorifié
soit Celui Qui détient l’honneur, les bienfaits et les grâces. Glorifié soit le Puissant et le
Généreux. Ô Allâh, je Te demande par la grandeur de Ton trône, par la clémence infinie de
Ton Livre, par Ton grand Nom, Ta splendeur et Tes mots accomplis, de faire miséricorde à
Muhammad et à ses descendants purifiés et de m’accorder le bien ici-bas et dans l’au-delà.
Allâh, Tu es le Vivant Qui n’a besoin de rien alors que tout a besoin de Lui. C’est Toi Qui me
guidas et c’est Toi Qui me nourris. C’est toi Qui me donnas et me prendras la vie… Ta
miséricorde, ô Le plus Clément parmi les cléments ».

Pendant qu’elle animait ses nuits par les prières nocturnes, elle répétait souvent ces vers [2] :

Combien a-t-Il de douceur cachée dont la subtilité échappe à la raison de l’intelligent…


Et combien de prospérité arriva après l’adversité mettant fin à la misère du cœur attristé…
Et combien de choses t’inquiètent le matin, alors que la bonne nouvelle te parvient la nuit…
Si un jour tu te trouves en adversité, aie confiance en l’Un, l’Unique et le Haut…
Et prends le Prophète comme intercesseur car tout serviteur, est certes secouru par
l’intercession du Prophète…
Et ne t’inquiète guère si un malheur arriva, car combien a-t-Il de douceur cachée.

Son adoration, son humilité et la finesse de son âme eurent un effet remarquable sur les gens
qui l’entouraient et se reflétèrent dans ses paroles et dans les poèmes qu’elle composait
dont [3] :

Des yeux veillèrent et d’autres s’endormirent, pour des choses qui arriveront ou qui
n’arriveront pas….
Un Seigneur t’ayant hier suffi, te protégera certes de ce qui arrivera demain…
Chasse donc tout souci de ton âme autant que possible, car avoir des soucis serait une folie.

Une femme face au despote


La vie de Dame Zaynab ne peut être abordée sans mention des événements de Karbalâ’ et du
malheur qu’encoururent les descendants du Prophète — paix et bénédictions sur lui —
pendant et après cette bataille qui affligea le cœur de tout croyant. En 61 A.H., l’Imâm Al-
Husayn, accompagné par les descendants du Prophète, dont Dame Zaynab, partit pour Al-
Kûfah à la demande de ses habitants voulant se révolter contre Yazîd Ibn Mu`âwiyah. À
l’époque, ce dernier était un Calife connu pour son despotisme, son injustice et sa perversion.

Dama Zaynab ne cacha pas son inquiétude pour son frère qui risquait ainsi de se faire tuer, en
comptant surtout sur des gens ayant autrefois manqué à leur promesse de soutenir son père.
Bien que consciente du danger qui menaçait la vie de l’Imâm Al-Husayn, elle choisit de
l’accompagner et de le soutenir dans cette épreuve. Sur le chemin du convoi béni vers Al-
Kûfah, Dame Zaynab — qu’Allâh l’agrée — dit à son frère : « J’ai entendu ce soir un appel
me disant :

Ô les yeux, préservez donc quelques efforts, sinon, qui pleurera les martyrs après ?
Qui pleurera sur ces gens conduits par leur sort, vers la réalisation d’une promesse faite avec
mesure ? [4] »

Al-Husayn répondit alors : « Ô sœur, toute chose prédestinée arrivera ».

Le convoi étant arrivé à Al-Kûfah, `Abd Allâh Ibn Ziyâd, à l’époque gouverneur de Bassora et
d’Al-Kûfah, dépêcha sous la direction de `Umar Ibn Sa`d une armée de quatre mille soldats
afin de combattre l’Imâm. Les gens d’Al-Kûfah ayant manqué à leur promesse, Al-Husayn
n’avait de son côté que 72 partisans, tous descendants du Prophète, en plus d’un groupe de
personnes qui préféra le martyre dans le camp de l’Imâm. Entendant arriver de loin l’armée
d’Ibn Sa`d, Dame Zaynab alla chercher son frère et le trouva la tête sur les genoux. Elle
s’approcha de lui et le réveilla, alors il leva les yeux vers elle et lui dit : « J’ai vu le Prophète
— paix et bénédictions sur lui — en songe et il me dit : “Tu viendras chez nous” ». Émue,
Dame Zaynab cria : « Ô malheur à moi ! » Alors il répondit : « Le malheur n’est guère à toi,
ma sœur. Calme-toi, qu’Allâh te fasse miséricorde ».

Al-Husayn, l’héritier du Messager miséricordieux, avait demandé à ses compagnons de


retourner chez eux, sains et saufs, accompagnés des femmes et des enfants, et de le laisser
faire face aux injustes, seul. Mais ses vaillants partisans jurèrent de ne point l’abandonner et
de le defendre corps et âme aussi longtemps qu’ils seront de ce monde.

La veille de la bataille de Karbalâ’, Dame Zaynab entendit son frère composer des vers tristes
décrivant la médiocrité de l’ici-bas. Elle se tourna vers lui et dit : « Mon frère, ce sont les
paroles de celui qui sait qu’il sera certainement tué ! » Il répondit alors : « Oui ma sœur ».
Elle pleura disant : « Ô combien grande est ma perte, ô combien grande est ma tristesse. Si
seulement la mort m’arrachait la vie ! Ô mon Husayn, Ô mon seigneur, Ô celui qui me reste
parmi ma famille, tu te présentes à tes assassins et perds tout espoir dans cet ici-bas. C’est
seulement aujourd’hui que mourut mon grand-père le Messager d’Allâh — paix et
bénédictions sur lui —. C’est aujourd’hui que mourut ma mère Fâtimah et mon père `Alî et
mon frère Al-Hasan ». Al-Husayn la regarda et essaya de la calmer en lui disant : « Ma sœur,
que Satan ne vole pas ta clémence, garde donc la patience qu’Allâh conseilla. Sache que tous
les habitants de la terre mourront, que les habitants des cieux ne resteront pas et que toute
chose périra à part la Face d’Allâh Qui créa les créatures par Sa puissance, Qui les
ressuscitera, leur rendra la vie et Qui est l’Unique. Mon grand-père est mieux que moi, mon
père est mieux que moi, ma mère est mieux que moi, mon frère est mieux que moi. Nous
sommes tous censés prendre le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — comme
modèle ». Puis il dit : « Si le soir on laissait le ganga tranquille, il dormirait ». Dame Zaynab
dit : « Malheur à moi Husayn, tu te laisses prendre par tes ennemis. Ceci est plus brisant pour
mon cœur et plus dur pour moi ».

Le combat commença ; les descendants du Prophète tombèrent en martyrs l’un après l’autre
sous les yeux de Dame Zaynab. Voici `Alî, le fils de l’Imâm Al-Husayn combattant bravement
aux côtés de son père jusqu’à ce qu’il fut épuisé et cria : « Ô père la soif me tue et la lourdeur
du fer m’épuise ». Les larmes de l’Imâm coulèrent et il répondit : « Patience, un peu de
courage et bientôt sera la rencontre avec ton grand-père Muhammad — paix et bénédictions
sur lui —, alors il te donnera à boire de sa coupe la plus noble ». Quelques instants et Dame
Zaynab vit les soldats porter vers sa tente, le corps de son neveu. Aussitôt que ses yeux
tombèrent sur cette scène, elle sortit de sa tente, se dirigea vers `Umar Ibn Sa`d et lui dit : « Ô
`Umar, tue-t-on Abû Abd Allâh alors que tu restes spectateur ?! » Les larmes aux yeux, `Umar
ne supporta pas ses paroles et tourna son visage ailleurs. Voyant à la fin de la bataille Al-
Husayn assassiné et ses deux fils martyrisés, Dame Zaynab s’écria : « Ô Muhammad ! Que le
Seigneur du ciel t’accorde la paix, voici Husayn par terre, membres mutilés, et voici tes filles
emprisonnées. À Allâh est ma complainte, à Muhammad, à `Alî Al-Murtadâ, à Fâtimah Az-
Zahrâ’ et à Hamzah maître des martyrs ».

Voyant la tête de son frère portée sur les lances des hypocrites, Dame Zaynab dit [5] :
Ô croissant qui, aussitôt devenu parfaitement abouti, fut injustement éclipsé et périt….
Frère de mon cœur, je n’ai guère imaginé, Que telle sera ta destinée…
Elle s’adressa ensuite aux gens d’Al-Kûfah qui s’étaient rassemblés pour voir le convoi triste
conduit vers `Abd Allâh Ibn Ziyâd, et dit : « Louange à Allâh et paix et bénédictions sur mon
père Muhammad et sur sa descendance pieuse et bienfaisante. Ô gens d’Al-Kûfah, gens de la
tromperie et de la duperie, pleurez-vous ? Que vos larmes ne cessent de couler et que votre
douleur ne cesse de vous peiner. Vous êtes comme celle qui défit brin par brin sa quenouille
après l’avoir solidement filée en prenant vos serments comme un moyen pour vous tromper
les uns les autres. Malheur à vous, gens d’Al-Kûfah, savez-vous quel proche parent du
Prophète avez-vous attaqué et quel sang lui avez-vous effusé ? Vous avez certes commis une
chose abominable. Peu s’en faut que les cieux ne s’entrouvrent, que la terre ne se fende et que
les montagnes ne s’écroulent. Que la clémence d’Allâh ne vous enorgueillit car votre
Seigneur est à l’affût ».

À l’arrivée du convoi au palais de `Abd Allâh Ibn Ziyâd, ce malheureux criminel dit avec
réjouissance et fierté : « Louange à Allâh qui vous a scandalisé, vous a tué et a démenti vos
histoires. » Dame Zaynab prit alors la parole et répondit : « Louange à Allâh qui nous a
honoré par Son Messager — paix et bénédictions sur lui — et qui nous a parfaitement purifié
des vices. Allâh ne scandalise que le pervers et ne dément que le vicieux qui est autre que
nous. » Ibn Ziyâd lui demanda alors : « N’as-tu pas vu ce qu’Allâh fit de ta famille et de ton
frère ? ». Dame Zaynab dit : « Je n’ai vu que le bien. Ce sont des gens qu’Allâh enregistra
comme martyrs et les voici martyrisés. Allâh vous rassemblera un jour et l’on verra à qui sera
la victoire ». Il s’exclama alors : « Quel courage ! Ton père était un poète courageux ». Dame
Zaynab répondit : « Fils de Ziyâd, de quel courage parles-tu ? Le courage n’est aucunement
mon souci. Cela m’étonne que l’assassinat de tes imâms te soulage alors que tu es bien
conscient de leur vengeance dans l’au-delà ».

Remarquant un jeune homme parmi les prisonniers, `Abd Allâh Ibn Ziyâd se renseigna sur
son identité. Apprenant qu’il s’agissait de Zayn Al-`Âbidîn, le fils d’Al-Husayn, Ibn Ziyâd
voulut le tuer, sauf que Dame Zaynab le défendit farouchement disant : « Tu as suffisamment
effusé notre sang et tu t’en es abreuvé ! Nous as-tu laissé que lui ? Par Allâh, je ne me
séparerai guère de lui. Si tu veux le tuer, tue moi donc avec lui ! » C’est ainsi que, grâce à la
bravoure de Dame Zaynab, Zayn Al-`Âbidîn fut le seul survivant de Karbalâ’ parmi la
progéniture de l’Imâm Al-Husayn.

Le convoi fut ensuite envoyé vers la Syrie où siégeait Yazîd Ibn Mu`âwyah. Dans son palais,
Dame Zaynab ne craignit pas non plus de lui adresser ces paroles : « Louange à Allâh,
Seigneur des mondes et paix et bénédictions sur son Messager et sa descendance pieuse.
Penses-tu Yazîd qu’en nous infligeant une défaite et qu’en nous conduisant comme
prisonniers, Allâh nous aurait humilié et qu’Il t’aurait honoré ? Patience ! As-tu oublié la
parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : “Que les incroyants ne voient pas un avantage dans le
sursis que nous leur donnons. Ce sursis ne sert qu’à accroître leur péché. À eux la honte du
tourment...” [6] Allâh te suffira comme juge, Muhammad — paix et bénédictions sur lui —
comme adversaire et Gabriel comme opposant... Qu’Allâh nous rétribue, et réforme notre
Califat, Il est certes le Tout Miséricordieux ». Yazîd ne put commenter ce que lui adressa
Dame Zaynab et lui proposa de l’argent. Dame Zaynab répondit : « Ô combien dur est ton
cœur Yazîd ? Tu tues mon frère et tu me proposes de l’argent ? Par Allâh, cela ne sera
jamais ! »

Dame Zaynab fut ensuite envoyée à Médine. Aussitôt arrivée, elle se dirigea vers le tombeau
de son grand-père. On rapporte l’avoir vue accrochée à la porte de la mosquée du Prophète,
les larmes coulant sur les joues appelant : « Ô grand-père je t’annonce le martyr de mon frère
Al-Husayn ». Elle se mit ensuite à raconter aux habitants de Médine les événements amers qui
se déroulèrent à Al-Kûfah. Ceci suscita l’inquiétude du gouverneur de Médine qui avertit
Yazîd contre le danger de sa présence dans les terres saintes. On demanda alors à Dame
Zaynab de choisir une autre contrée que celle de son grand-père pour s’y installer. Elle choisit
l’Égypte.

L’Égypte, là où son âme se reposa


En Sha`bân de l’an 61 A.H., six mois après le martyr de son frère, Dame Zaynab arriva en
Égypte. Elle fut accueillie par une fine délégation qui pleura en essayant de la consoler. Dame
Zaynab ne put alors empêcher ses larmes de couler et récita le verset : « Ceci est ce que le
Tout Miséricordieux avait promis et les Messagers avaient dit vrai. »

Le gouverneur lui offrit une demeure à Al-Hamrâ’ Al-Quswâ où elle s’installa finalement
honorée et respectée. Les Égyptiens ne cessèrent d’affluer vers sa noble demeure, lui
demandant des invocations et écoutant les hadiths qu’elle narrait et les bonnes mœurs qu’elle
prêchait.

Dame Zaynab resta dans cette demeure pendant moins d’un an au cours duquel on ne la vit
que dévouée à son adoration, son jeûne, son dhikr et sa récitation du Coran. Elle tomba
ensuite malade et sut par la lumière de son Seigneur qu’il s’agissait de la maladie de sa mort.
On proposa de lui convoquer un médecin mais elle répondit : « Ô gens ! Nous ne sommes pas
de ceux qui aspirent à l’ici-bas et souhaitent y rester. La meilleure rencontre pour nous,
descendants du Prophète — paix et bénédictions sur lui — est la rencontre avec notre
Seigneur. En plus, le médecin n’avancera ni ne reportera ma fin. Son remède n’est qu’un
tranquillisant alors que la fin prédestinée devra arriver ».

La veille du dimanche 14 Rajab 62 A.H., l’âme de Dame Zaynab abandonna l’ici-bas pour
rejoindre un horizon plus vaste et plus clément. Les Égyptiens la pleurèrent de leurs larmes et
de leurs paroles. On dit à son sujet [7] :

Ô Umm Hâshim, cet amour est porté, par un passionné épris comme il ne l’a jamais été...
Dans tes jardins, on le voit étreignant les portes, collant à ses murs et touchant ses pierres...
Me voici venu présenter la quintessence de mon cœur, chez toi sans récompense ni ennui...
Au fond du cœur, voici mon amour infini, qui restera entier tant que je serai vivant...
Mosquée d’As-Sayyidah Zaynab au Caire

P.-S.
Biographie principalement basée sur :

1. `Alî Shalabî, Ibnat Az-Zahrâ’ : Zaynab (La fille d’Az-Zahrâ’ : Zaynab), Haut conseil
des affaires islamiques, Égypte, 2004.

2. Ma’mûn Gharîb, Batalat Karbalâ’ : As-Sayyedah Zaynab (L’héroïne de Karbalâ’ :


Dame Zaynab), première édition, le Caire, 1999.

Notes
[1] Cette liste est établie d’après Usd Al-Ghâbah de l’Imâm Ibn Al-Athîr. Le nom et le nombre
des enfants de Dame Zaynab varie selon les sources, selon que certains enfants de `Abd Allâh
Ibn Ja`far lui sont attribués ou attribués à une autre épouse. On lui compte ainsi une autre fille,
Umm `Abd Allâh, et un autre fils, Ja`far. Ndlr.

[2] Wa Kam Lillâhi Min Lutfin Khafiyyin, Yadiqqu Khafâhu `An Fahm Adh-Dhakiyy

Wa Kam Yusrin Atâ Min Ba`di `Usrin, Wa Farraja Kurbat Al-qalb Ash-Shajiyy,

Wa Kam Amrin Tusâ’u bihî Sabâhan, Fata’tîk Al-Masarratu bil-`Ashiyy,

Idha Dâqat Bika Al-Ahwâlu Yawman, Fathiq bil-Wâhid Al-Fard Al-`Aliyy,

Tashaffa` bin-Nabiyyi Fakullu `Abdin, Yughâthu Idhâ Tashaffa`a bin-Nabiyy,

Wa lâ Tajza` Idhâ mâ Nâba Khatbun, Fakam Lillâhi Min Lutfin Khafiyy.

[3] Sahirat A`yunun wa Nâmat `Uyûn, li-Umûrin Takûn aw lâ Takûn


Inna Rabban Kafâka mâ Kâna bil-Amsi, Sayakfîka fî Ghadin mâ Yakûn

Fadra’ Al-Hamma ma-Stata`ta `An An-Nafsi, fa Himlânuk Al-Humûma Junûn

[4] Alâ yâ `Aynu Fahtafidhî bi-Juhdin, wa Man Yabkî `Alâ Ash-Shuhadâ’i Ba`di

`Alâ Qawmin Tasûquhum Al-Manâyâ bi-Miqdârin ilâ Injâzi Wa`di

[5] Yâ Hilâlan Lammâ Istatamma Kamâlan, Ghâlahu Khasfuhu fa Abdâ Ghurûbâ


Mâ Tawahhamtu yâ Shaqîqa Fu’âdî Kâna Hâdhâ Muqaddaran Maktûbâ

[6] Sourate Âl `Imrân, La famille d’Amram, verset 178.

[7] Vers composés par le poète égyptien Ahmad Mûsâ `Afîfî :

Yâ Umma Hâshima Hâdha Al-Hubbu Yahmiluhu, Sabbun Yahîmu Kamâ Min Qablu Lam
Yahimî
Yurâ bi-Rawdiki lil-Abwâbi Muhtadinâ, mâ Bayna Multasiqin fîhâ wa Mustalimî
Hâdhî Khulâsatu Qalbî Ji’tu A`siruhâ, `Asran Ladayki bilâ Ajrin wa lâ Sa’amî
Hâdhâ hawâya bi-Tayyi-l-qalbi Muttasilun, mâ `Ishtu Zaynaba Yabqâ Ghayra Munfasimî
Fâtimah Az-Zahrâ’, La Resplendissante
La fille du Prophète

samedi 18 mai 2002

Fâtimah était la cinquième enfant du Prophète Muhammad — paix et bénédictions sur lui —
et de sa femme Khadîjah — qu’Allâh l’agrée. Elle naquit alors que son respecté père avait
commencé à passer de longs moments de solitude dans les montagnes entourant Makkah,
méditant et réfléchissant aux grands mystères de la création.

C’était le moment, avant que le Prophète Muhammad — paix et bénédictions sur lui — ne
commence à recevoir la Révélation, où sa sœur aînée, Zayneb, épousa son cousin Al-`Âs Ibn
Ar-Rabî`ah. Puis suivit le mariage de ses deux autres sœurs, Ruqayyah et Umm Kulthum,
avec les fils d’Abû Lahab, l’oncle paternel du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Abû
Lahab ainsi que sa femme Umm Jamil étaient devenus des ennemis jurés du Prophète — paix
et bénédictions sur lui — au tout début de sa mission publique.

La petite Fâtimah — que Dieu l’agrée — vit alors ses sœurs quitter la maison l’une après
l’autre pour vivre avec leurs époux. Elle était trop jeune pour comprendre la signification du
mariage et les raisons pour lesquelles ses sœurs devaient quitter la maison. Elle les aimait
beaucoup et fut triste et solitaire après leur départ. On dit qu’un certain mutisme et une
douloureuse tristesse l’envahit alors.

Bien entendu, même après le mariage de ses sœurs, elle n’était pas seule dans la maison de ses
parents. Barakah, l’esclave d’Aminah, la mère du Prophète — paix et bénédictions sur lui —,
qui était avec le Prophète — paix et bénédictions sur lui — depuis sa naissance, Zayd ibn
Harithah — qu’Allâh l’agrée — et `Alî— qu’Allâh l’agrée, le jeune fils d’Abû Tâlib faisaient
tous partie de la famille de Muhammad — paix et bénédictions sur lui — à cette époque. Et
bien sûr, il y avait sa mère affectueuse, Khadîjah — que Dieu l’agrée —.

En sa mère et en Barakah, Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — trouva énormément de


soulagement et de réconfort. En `Alî— qu’Allâh l’agrée, qui n’avait que deux ans de plus
qu’elle, elle trouva un frère et un ami, qui d’une manière ou d’une autre prenait la place de
son propre frère Al-Qâsim, mort en bas âge. Son autre frère, Abdullah, connu comme ’le bon
et le pur’, qui naquit après elle, mourut également en bas âge. Pourtant dans aucune des
personnes composant la famille de son père, Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — ne trouva le
plaisir insouciant et la joie qu’elle trouvait avec ses sœurs. Elle était une enfant
exceptionnellement sensible pour son âge.

A l’âge de cinq ans, elle apprit que son père était devenu "Rasoul Allah", le Messager de Dieu
— paix et bénédictions sur lui —. Sa première obligation était de transmettre la bonne
nouvelle de l’Islam à sa famille et à ses proches relations. Ils devaient adorer Dieu Tout
Puissant Seul. Sa mère, qui était un puissant appui et soutien, expliqua à Fâtimah — qu’Allâh
l’agrée — ce que son père devait faire. A partir de ce moment, elle devint plus étroitement lié
à lui et éprouva un amour profond et durable pour lui. Souvent elle marchait à ses côtés, à
travers les rues étroites et les sentiers de Makkah, visitant la Ka`bah, s’occupant des secrètes
réunions des premiers musulmans à avoir accepté l’islam et à avoir prêté allégeance au
Prophète — paix et bénédictions sur lui —.

Un jour, alors qu’elle n’avait pas encore dix ans, elle accompagna son père à la Masjid al-
Harâm où il se tint en un endroit nommé al-Hijr, en face de la Kabah, et commença à prier.
Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — resta à ses côtés. Un groupe de Quraysh, avec de mauvaises
intentions à l’égard du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, se réunirent autour de lui.
Il y avait Abû Jahl ibn Hisham, l’oncle du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, Uqbah
ibn Abi Mu`ayt, Umayyah Ibn Khalaf, ainsi que Shaybah et `Utbah, les fils de Rabi’ah. De
façon menaçante, le groupe monta vers le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et Abû
Jahl, le meneur, demanda : "lequel d’entre vous peut apporter les entrailles d’un animal abattu
et les jeter sur Muhammad ?"

`Uqbah Ibn Abi Mu`ayt, l’un des plus odieux du groupe, se porta volontaire et partit
précipitamment. Il revint avec les ordures dégoûtantes et les jeta sur les épaules du Prophète
— paix et bénédictions sur lui —, alors qu’il était toujours prosterné. Abdullah Ibn Mas`ûd,
un compagnon du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, était présent mais il ne pouvait
rien dire ou faire. Imaginez le sentiment de Fâtimah — que Dieu l’agrée —, quand elle vit son
père traité de la sorte. Que pouvait-elle faire, elle, une enfant de moins de dix ans ? Elle monta
vers son père et lui retira les choses répugnantes puis elle se tint fermement et en colère
devant le groupe de voyous Quraysh et lança des paroles blessantes contre eux. Ils ne lui
dirent pas un seul mot. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — releva sa tête de la
prosternation et continua à accomplir la salat. Puis il dit ’Oh Allah ! Puisses-tu punir ces
Quraysh !’ Et il répéta cette invocation trois fois. Puis il continua : ’Puisses-tu punir `Utbah,
`Uqbah, Abû Jahl et Shaybah’ ceux qu’il nomma moururent quelques années plus tard à la
bataille de Badr.

A une autre occasion, Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — était avec le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — alors qu’il faisait le "Tawâf" autour de la Kabah. Une foule de Quraysh
se réunit autour de lui, le saisirent et essayèrent de l’étrangler avec ses propres vêtements.
Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — cria et appela à l’aide. Abû Bakr — qu’Allâh l’agrée —
accouru et réussit à libérer le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il implorait alors :
’Tueriez-vous un homme qui dit : ’Mon seigneur est Allah’. Au lieu de baisser les bras, la
foule se tourna vers Abû Bakr — qu’Allâh l’agrée — et commença à le battre jusqu’à ce que
le sang coule de sa tête et de son visage.

Elle fut témoin de telles scènes de cruelle opposition et de harcèlement contre son père et les
premiers musulmans. Elle ne se tenait pas sagement de côté mais se joignait à la lutte pour la
défense de son père et de sa noble mission. Elle n’était encore qu’une jeune fille, et au lieu de
gambader joyeusement, au lieu de la gaîté et l’entrain auxquels chaque enfant de son âge est
et doit normalement être habitué, Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — était témoin, et participait à
de telles épreuves.

Bien sûr elle n’était pas la seule. Toute la famille du Prophète — paix et bénédictions sur lui
— souffrait à cause des violents et stupides Quraysh. Ses sœurs, Ruqayyah et Umm Kulthum
souffraient également. Elles vivaient à ce moment dans un environnement de haine et de
machination contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Leurs maris étaient `Utbah
et `Utaybah, les fils d’Abû Lahab et d’Umm Jamil. Umm Jamil était connue comme une
femme dure et bourrue qui avait une langue acérée et mauvaise. C’était principalement à
cause d’elle que Khadîjah — qu’Allâh l’agrée — n’était pas contente du mariage de ses filles
avec les fils d’Umm Jamil. Cela dû être difficile pour Ruqayyah et Umm Kulthum de faire
partie de la famille de tels ennemis invétérés qui ne se joignaient pas seulement à la bataille
contre leur père mais qui la menaient.

Comme un signe de déshonneur pour Muhammad — paix et bénédictions sur lui — et sa


famille, Utbah et Utaybah furent poussés par leurs parents à répudier leurs femmes. Cela
faisait partie du procédé pour bannir totalement le Prophète — paix et bénédictions sur lui —.
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — accueillit bien sûr ses filles, de retour à la
maison, avec joie, bonheur et soulagement.

Sans aucun doute, Fâtimah — que Dieu l’agrée — se réjouit d’être à nouveau avec ses sœurs,
elles souhaitaient toutes que leur sœur aînée, Zaynab, soit aussi répudiée par son mari. En fait,
les Quraysh exerçait une pression sur Abû Al-Âs pour cela mais il refusa. Quand le meneur
des Quraysh s’approcha de lui et lui promit la plus riche et la plus belle femme s’il répudiait
Zaynab, il répondit : ’j’aime profondément et passionnément ma femme, et j’ai une grande
estime pour son père, même si je n’ai pas embrassé l’islam.’

Ruqayyah et Umm Kulthum étaient toutes deux heureuses d’être de retour auprès de leurs
chers parents et d’être débarrassées de l’insupportable torture mentale dont elles faisaient
l’objet chez Umm Jamil. Peu de temps après, Ruqayyah se remaria, avec le jeune et timide
Uthman Ibn Allan, l’un des premiers à avoir accepté l’islam. Ils partirent tous deux pour
l’Abyssinie aux côtés des premiers "muhajiroûn" (émigrés) qui cherchèrent refuge dans ce
pays et y restèrent plusieurs années. Fâtimah — que Dieu l’agrée — ne revit plus Ruqayyah
jusqu’après la mort de sa mère. La persécution du Prophète — paix et bénédictions sur lui —,
de sa famille et de ses compagnons continua et s’aggrava même après l’émigration des
premiers "muhajiroûn" en Abyssinie. Lors de la septième année environ de sa mission, le
Prophète — paix et bénédictions sur lui — et sa famille durent quitter leur maison et
trouvèrent refuge dans une petite vallée accidentée entourée de tous côtés de pentes et de
défilés, dont on ne pouvait entrer de Makkah que par un étroit chemin.

Dans cette vallée aride, Muhammad et les clans de Banu Hashim et al-Muttalib furent forcés
de se retirer avec peu de réserves de nourriture. Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — était l’un des
plus jeunes membres du clan, elle avait environ douze ans, et devait passer des mois dans les
privations et les souffrances. Les lamentations d’enfants et de femmes affamés pouvaient être
entendues depuis Makkah. Les Quraysh ne permirent aucun approvisionnement en nourriture
ni contact avec les musulmans, dont la privation était seulement soulagée durant la saison du
pèlerinage. Le boycott dura trois ans. Quand il fut levé, le Prophète — paix et bénédictions
sur lui — dut faire face à encore plus d’épreuves et de difficultés.

Khadîjah — qu’Allâh l’agrée, ’la croyante et l’affectueuse’, mourut peu après. Avec sa mort,
le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et sa famille perdirent une de leur plus grande
source de réconfort et de force qui les avait soutenus à travers les moments difficiles. L’année
pendant laquelle la noble Khadîjah — qu’Allâh l’agrée, puis ensuite Abû Tâlib, moururent,
fut appelé l’année de la tristesse. Fâtimah — que Dieu l’agrée —, à présent une jeune fille, fut
vivement attristée par la mort de sa mère. Elle pleura des larmes amères et pendant quelques
temps fut si frappée par la douleur que sa santé se détériora. On craignit même qu’elle ne
meure de chagrin.

Bien que sa sœur aînée, Umm Kulthum, demeurait dans la même famille, Fâtimah — que
Dieu l’agrée — réalisa qu’elle avait maintenant une grande responsabilité avec le décès de sa
mère. Elle ressentait qu’elle devait donner à son père un soutien encore plus fort. Avec une
tendresse affectueuse, elle se dévoua pour veiller à ses besoins. Elle fut si soucieuse par le
bien-être de son père qu’on commença à l’appeler Umm Abi-ha, la mère de son père. Elle lui
apportait ainsi un soulagement et un réconfort pendant les moments d’épreuve, de difficulté et
de crise.

Souvent les épreuves étaient trop pour elle. Une fois, à cette époque, une foule insolente
amoncela de la poussière et de la terre sur la gracieuse tête de Muhammad — paix et
bénédictions sur lui —. Quand il rentra à la maison, elle pleura abondamment et essuya la
poussière de la tête de son père. ’Ne pleure pas’ dit-il ’ qu’Allah protège ton père’.

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait un profond amour pour Fâtimah — que
Dieu l’agrée —, il dit une fois : ’Quiconque plait à Fâtimah — que Dieu l’agrée — plait en
réalité à Dieu, et quiconque cause sa colère cause en réalité celle de Dieu. Fâtimah —
qu’Allâh l’agrée — est une partie de moi. Ce qui lui plait me plait aussi, et ce qui l’a met en
colère me met aussi en colère.’

Il dit aussi : ’Les meilleures femmes au monde sont au nombre de quatre : la vierge Marie,
Âsiyâ la femme de Pharaon, Khadîjah — qu’Allâh l’agrée — la mère des croyants, et Fâtimah
— qu’Allâh l’agrée — la fille de Muhammad — paix et bénédictions sur lui —.’ Fâtimah
acquit ainsi une place d’amour et d’estime dans le cœur de son père, qui n’était occupé que
par sa femme Khadîjah.

On donna à Fâtimah — que Dieu l’agrée — le titre de Az-Zahrâ’, ce qui signifie la


Resplendissante, en rapport avec son visage radieux, qui semblait diffuser de la lumière. On
dit que lorsqu’elle se levait pour la prière, le mihrab reflétait la lumière de son visage. On
l’appelait aussi Al-Batûl, en raison de son ascèse. Au lieu de passer son temps en compagnie
d’autres femmes, elle passait beaucoup de son temps en prière, à lire le Coran ou à d’autres
actes d’adoration (`ibâdah).

Fâtimah — que Dieu l’agrée — avait une forte ressemblance avec son père, le Messager de
Dieu — paix et bénédictions sur lui —. Aishah — qu’Allâh l’agrée, l’épouse du Prophète —
paix et bénédictions sur lui —, dit d’elle : ’je n’ai jamais vu une créature de Dieu qui
ressemblait davantage au Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dans son
langage, sa conversation et sa façon de s’asseoir que Fâtimah — qu’Allâh l’agrée.’ Quand le
Prophète — paix et bénédictions sur lui — la voyait s’approcher, il l’accueillait, se levait et
l’embrassait, la prenait par la main et la faisait asseoir à l’endroit où il était assis. Elle faisait
de même quand le Prophète — paix et bénédictions sur lui — venait vers elle. Elle se levait,
l’accueillait avec joie et l’embrassait.

Les bonnes manières de Fâtimah — que Dieu l’agrée —, son doux langage, faisaient partie de
sa ravissante et sympathique personnalité. Elle était particulièrement gentille avec les pauvres
et les nécessiteux, et donnait souvent toute la nourriture qu’elle avait à quelqu’un qui se
trouvait dans le besoin même si elle-même restait sur sa faim. Elle n’avait aucun amour pour
les ornements, ni pour le luxe et le confort de la vie. Elle vivait simplement, bien que, parfois,
comme nous le verrons, les circonstances étaient vraiment trop éprouvantes et trop difficiles
pour elle.

Elle a hérité de son père une éloquence convaincante, puisée dans la sagesse. Quand elle
parlait, les gens étaient souvent émus aux larmes. Elle avait la capacité et la sincérité pour
créer des émotions, émouvoir les gens aux larmes, et emplir leur cœur de louange et de
gratitude pour Dieu pour ses faveurs et sa générosité inestimable.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — émigra à Medinah quelques semaines après le Prophète —
paix et bénédictions sur lui —. Elle y alla avec Zayd ibn Harithah, qui fut renvoyé par le
Prophète à Makkah pour amener le reste de la famille, dont Fâtimah — que Dieu l’agrée — et
Umm Kulthum, Sawdah, la femme du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, la femme
de Zayd, Barakah et son fils Usâmah. Pour voyager avec le groupe il y avait également
Abdullah le fils d’Abû Bakr, qui accompagnait sa mère et ses sœurs, Aishah et Asmâ’.

A Madinah, Fâtimah — que Dieu l’agrée — vivait avec son père dans la simple demeure qu’il
avait construite, jouxtant la mosquée. En l’an 2 de l’Hégire, elle reçut des propositions de
mariage par l’intermédiaire de son père, dont deux furent rejetées. `Alî— que Dieu l’agrée —,
le fils d’Abû Tâlib, rassembla alors son courage et vint demander sa main au Prophète — paix
et bénédictions sur lui —. En présence du Prophète — paix et bénédictions sur lui —
pourtant, il se laissa intimider et perdit sa langue. Il ne quitta pas le sol des yeux et ne put dire
un mot. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui demanda alors : ’Pourquoi es-tu
venu ? As-tu besoin de quelque chose ?’ `Alî— que Dieu l’agrée — ne pouvait toujours pas
parler alors le Prophète — paix et bénédictions sur lui — suggéra : ’Peut-être es-tu venu pour
demander Fâtimah — que Dieu l’agrée — en mariage ?’ ’Oui’ répondit `Alî— que Dieu
l’agrée —. Selon ce qu’on rapporte, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit
simplement : ’Marhaban wa ahlan- Bienvenue dans la famille’ et cela fut prit comme
l’approbation du Prophète — paix et bénédictions sur lui — par `Alî— que Dieu l’agrée — et
par les Ansars qui l’attendaient dehors. On rapporte aussi que le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — approuva et demanda à `Alî— que Dieu l’agrée — s’il avait quelque
chose à donner en dot. `Alî— que Dieu l’agrée — répondit que non. Le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — lui rappela qu’il avait un bouclier qu’il pouvait vendre.

Ali — que Dieu l’agrée — vendit le bouclier à Uthman pour quatre dirhams et pendant qu’il
se dépêchait de retourner chez le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pour lui remettre
la dot, Uthman l’arrêta et lui dit :
’Je te rends ton bouclier comme cadeau de ma part pour ton mariage avec Fâtimah — que
Dieu l’agrée —’. Fâtimah — que Dieu l’agrée — et `Alî— que Dieu l’agrée — se marièrent
donc probablement au début de l’an 2 de l’Hégire. Elle avait environ 19 ans à ce moment, et
`Alî— que Dieu l’agrée — en avait environ 21. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui —
lui-même dirigea la cérémonie du mariage. Pour le "Walîmah", on servit aux invités des
dattes, des figues et une mixture de dattes et de beurre gras appelé hais. Un membre dirigeant
des Ansars offrit un bélier et d’autres firent des dons de céréales. Tout Madinah se réjouit.

Pour son mariage, on rapporte que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — offrit à
Fâtimah — que Dieu l’agrée — et à `Alî— que Dieu l’agrée — un lit de bois entrelacé de
feuilles de palmes, une couverture de lit en velours, un coussin en cuir rempli de fibres de
palmes, une peau de mouton, une marmite, une outre en peau et une meule manuelle pour
moudre le grain.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — quitta pour la première fois la maison de son bien-aimé père
pour vivre avec son mari. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était clairement
inquiet à son sujet et envoya Barakah avec elle au cas où elle aurait besoin d’aide. Aucun
doute que Barakah était source de réconfort et de consolation pour elle. Le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — pria pour elle :
’O Allah, bénit les tous deux, bénit leur maison et bénit leur descendance’. Dans l’humble
demeure d’Ali — que Dieu l’agrée — il y avait seulement une peau de mouton en guise de lit.
Le matin qui suivit la nuit de noces, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — vint chez
`Alî— que Dieu l’agrée — et toqua à la porte. Barakah sortit et le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — lui dit : ’ O Umm Ayman ? Appelle mon frère pour moi’
’Ton frère ? C’est celui à qui tu as marié ta fille ?’ demanda Barakah de façon quelque peu
dubitative comme si elle se demandait : ’Pourquoi le Prophète — paix et bénédictions sur lui
— appelle `Alî— que Dieu l’agrée — son frère ?’

Il faisait référence à `Alî— que Dieu l’agrée — comme son frère seulement parce que faisant
partie des musulmans qui se joignirent à la fraternité après l’hijrah, le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — et `Alî— que Dieu l’agrée — était donc liés comme des frères.

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — répéta ce qu’il venait de dire à plus haute voix.
`Alî— que Dieu l’agrée — vint et le Prophète — paix et bénédictions sur lui — fit une du’a,
invoquant les bénédictions de Dieu sur lui. Puis il demanda Fâtimah — que Dieu l’agrée —.
Elle arriva se faisant presque toute petite, dans un mélange de respect et de timidité et le
Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui dit :

"Je t’ai marié à la personne de ma famille qui m’est le plus cher", de cette façon il cherchait à
la rassurer. Elle ne commençait pas à vivre avec un parfait étranger mais avec quelqu’un qui
avait grandi dans la même famille, qui était l’un des premiers à être devenu musulman à un
jeune âge, qui était connu pour son courage, sa bravoure et sa moralité, et que le Prophète —
paix et bénédictions sur lui — décrivait comme ’son frère dans ce monde et dans l’au-delà’.

La vie de Fâtimah — que Dieu l’agrée — avec `Alî— que Dieu l’agrée — fut aussi simple et
sobre qu’elle l’avait été chez son père. En fait, en ce qui concerne le confort matériel, c’était
une vie de difficultés et de privations. Durant leur vie commune, `Alî— que Dieu l’agrée —
resta pauvre car il n’attachait que peu d’importance aux richesses matérielles.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — était la seule parmi ses sœurs à ne pas avoir épouser un
homme riche.

En fait, on pourrait dire que la vie de Fâtimah — que Dieu l’agrée — avec `Alî— que Dieu
l’agrée — était même plus rigoureuse que celle qu’elle eut chez son père. Au moins, avant le
mariage, il y avait toujours dans la famille du Prophète — paix et bénédictions sur lui — une
quantité de mains prêtes à aider. Mais maintenant elle devait faire face seule, de fait. Pour
soulager leur pauvreté extrême, `Alî— que Dieu l’agrée — travaillait comme peintre et
porteur d’eau et elle comme broyeuse de céréales. Un jour elle dit à `Alî— que Dieu l’agrée
—:

"J’ai moulu jusqu’à ce que mes mains se couvrent de cloques.


— J’ai puisé de l’eau jusqu’à en avoir mal à la poitrine," répliqua `Alî— que Dieu l’agrée —.
Celui-ci suggéra à Fâtimah — que Dieu l’agrée — : "Dieu a donné à ton père quelques
prisonniers de guerre, va lui demander de te donner un esclave".

A contrecœur, elle alla chez le Prophète — paix et bénédictions sur lui — qui lui dit : "qu’est-
ce qui t’amène ici, ma petite fille ?
Je suis venue te donner le Salam," dit-elle de peur qu’il ne puisse lui donner ce qu’elle avait
l’intention de demander.

"Que faisais-tu ? demanda `Alî— que Dieu l’agrée — lorsqu’elle repartit seule.
— J’avais honte de lui demander, dit-elle. Alors tous deux vinrent ensemble mais le Prophète
— paix et bénédictions sur lui — sentit qu’ils étaient moins dans le besoin que d’autres.
— Je ne vais pas vous le donner, dit-il, et laisser les Ahl as-Suffah (pauvres musulmans restés
dans la mosquée) tourmentés par la faim. Je n’ai pas assez pour leur nourriture...".

Ali — que Dieu l’agrée — et Fâtimah — que Dieu l’agrée — rentrèrent chez eux, et se
sentirent quelque peu découragés mais cette nuit, après qu’ils soient allés se coucher, ils
entendirent la voix du Prophète — paix et bénédictions sur lui — leur demandant la
permission d’entrer. Pour l’accueillir, ils se levèrent, mais le Prophète — paix et bénédictions
sur lui — leur dit :

’Restez où vous êtes’ et il s’assit à côté d’eux ’Ne vous indiquerais-je pas quelque chose de
meilleur que ce que vous êtes venus me demander ?’ demanda-t-il et ils lui dirent ’Si’, il dit :
’Les mots que Jibril m’a enseignés, que vous pouvez dire : ’Subhaan Allah’ dix fois après la
prière, et dix fois "AI hamdu lillah’ et dix fois "Allahu Akbar". Et ceci, avant de dormir, il faut
que vous le disiez 33 fois chacun.

Ali — que Dieu l’agrée — dit plus tard : ’je n’ai jamais manqué de le faire depuis que le
Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — nous l’a enseigné’

Il existe plusieurs récits sur les temps durs et difficiles auxquels Fâtimah — que Dieu l’agrée
— a du faire face. Il n’y avait souvent aucune nourriture chez elle. Une fois, le Prophète —
paix et bénédictions sur lui — était affamé. Il alla de l’un à l’autre des appartements de ses
femmes mais il n’y avait pas de nourriture. Il alla alors chez Fâtimah — que Dieu l’agrée —,
et elle n’avait pas non plus de nourriture. Quand il trouva en fin de compte de la nourriture, il
envoya deux miches de pain et un morceau de viande à Fâtimah — que Dieu l’agrée —. Une
autre fois il alla chez Abû Ayyub al-Ansari et de la nourriture qui lui fut donnée, il en garda
pour elle. Fâtimah — que Dieu l’agrée — savait aussi quand le Prophète — paix et
bénédictions sur lui — n’avait pas de nourriture pendant de longues périodes, et en retour elle
lui en apportait quand elle le pouvait. Une fois, elle lui donna un morceau de pain d’orge, et il
lui dit ’c’est la première nourriture que ton père a mangée depuis trois jours’.

Par ces actes de bonté, elle montrait combien elle aimait son père et il l’aimait vraiment en
retour.

Un jour, il revenait d’un voyage hors de Madinah. Il se rendit d’abord à la mosquée et pria
deux ra’kats comme de coutume. Puis, comme il le faisait souvent, il se rendit chez Fâtimah
— que Dieu l’agrée — avant d’aller chez ses femmes. Fâtimah — que Dieu l’agrée —
l’accueillit et embrassa son visage, sa bouche et ses yeux et pleura.
’Pourquoi pleures-tu ?’ demanda le Prophète — paix et bénédictions sur lui —.
’Je te vois, O Rasul Allah, ton teint est pâle et jaune et tes habits sont devenus usés et élimés.’
’O Fâtimah — que Dieu l’agrée —’ répondit le Prophète — paix et bénédictions sur lui —
tendrement ’Ne pleure pas car Allah a envoyé ton père avec une mission qui touchera chaque
maison sur la surface de la terre, que ce soit dans les villes, les villages ou les campements du
désert apportant soit la gloire soit l’humiliation jusqu’à ce que cette mission soit accomplie
avant que la nuit ne tombe inévitablement.’
Avec de telles observations, Fâtimah — que Dieu l’agrée — était souvent amenée de la dure
réalité de la vie quotidienne à un aperçu des perspectives immenses et de grande portée
ouvertes par la mission dont était investi son noble père.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — retourna par la suite vivre dans une maison proche de celle du
Prophète — paix et bénédictions sur lui —. L’endroit fut offert par un Ansari qui savait que le
Prophète — paix et bénédictions sur lui — se réjouirait d’avoir sa fille comme voisine. Tous
les deux partageaient le quotidien mouvementé de la vie à Médine, aussi bien dans la joie et la
réussite que dans la peine et la difficulté.

Au milieu de la seconde année suivant la Hijrah sa sœur Ruqayyah tomba malade : Elle fut
prise par la fièvre et la rougeole. Ce fut peu de temps avant la bataille de Badr. Uthman — que
Dieu l’agrée —, son mari, resta à ses côtés et manqua la bataille. Ruqayyah mourut juste
avant le retour de son père. De retour à Medinah, un des premières choses qu’il fit fut de se
rendre sur sa tombe.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — y alla avec lui. C’était la première perte qu’ils subirent au
sein de leur proche famille depuis la mort de Khadîjah — que Dieu l’agrée —. Fâtimah —
que Dieu l’agrée — fut énormément touchée par la mort de sa sœur. Les larmes coulèrent de
ses yeux dès qu’elle s’assit à côté de son père sur le bord de la tombe, et il la consola et
chercha à sécher ses larmes avec le coin de son manteau.

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait auparavant parlé des lamentations de la
mort, mais cela avait amené un malentendu et quand il revinrent du cimetière, la voix d’Umar
— que Dieu l’agrée — en colère fut entendue, contre les femmes qui pleuraient pour les
martyrs de Badr et pour Ruqayyah. ’Umar laisse-les pleurer’ dit le Prophète Muhammad —
paix et bénédictions sur lui — et il ajouta : ’Ce qui vient du cœur et des yeux, cela vient
d’Allah et de sa miséricorde, mais ce qui vient des mains et de la langue, cela vient de Satan’
— par "les mains", il faisait allusion au fait de se frapper la poitrine et de se gifler les joues et
par "la langue", aux cris en cœur lancés par les femmes, comme une marque publique de
sympathie.

Uthman — que Dieu l’agrée — épousa plus tard l’autre fille du Prophète — paix et
bénédictions sur lui —, Umm Kulthum (radhia Allâhou anha), et de ce fait devint le Dhu-n
Nurayn : l’homme aux deux lumières.

La perte dont souffrit la famille avec la mort de Ruqayyah (radhia Allâhou anha) fut suivie par
la joie quand, au grand plaisir de tous les croyants, Fâtimah — que Dieu l’agrée — donna
naissance à un garçon au mois de Ramadan de la troisième année après l’hégire. Le Prophète
— paix et bénédictions sur lui — prononça l’adhan dans l’oreille du nouveau-né et l’appela
Al-Hasan, ce qui signifie le beau.

Un an plus tard elle donna naissance à un autre garçon, qui fut appelé Al-Husayn, ce qui
signifie le petit Hassan ou ’le petit beau’. Fâtimah — que Dieu l’agrée — emmenait souvent
ses deux fils voir leur grand-père qui les aimait excessivement. Plus tard il les emmenait à la
Mosquée et ils grimpaient sur son dos quand il se prosternait. Il fit de même avec sa petite-
fille, Umamah, la fille de Zaynab.

Huit ans après l’hégire, Fâtimah — que Dieu l’agrée — donna naissance à un troisième
enfant, une fille qu’elle nomma comme sa sœur aînée Zaynab, qui était décédée peu avant sa
naissance. Cette Zaynab grandit et fut l’héroïne de Karbala. Le quatrième enfant de Fâtimah
— que Dieu l’agrée — naquit l’année d’ensuite. L’enfant était aussi une fille et elle l’appela
Umm Kulthum comme sa sœur qui mourut l’année précédente d’une maladie. Ce fut
seulement par la progéniture de Fâtimah — que Dieu l’agrée — que la descendance du
Prophète — paix et bénédictions sur lui — fut perpétuée. Tous les enfants mâles du Prophète
— paix et bénédictions sur lui — étaient morts en bas âge et les deux enfants de Zaynab —
que Dieu l’agrée —, `Alîet Umamah, moururent jeunes. L’enfant de Ruqayyah, Abdullah,
mourut aussi alors qu’il n’avait pas deux ans. Cela était une raison supplémentaire à
l’admiration accordée par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pour Fâtimah — que
Dieu l’agrée —.

Bien que Fâtimah — que Dieu l’agrée — était souvent occupée avec les grossesses, les
naissances, et l’éducation des enfants, elle prenait part autant qu’il lui était possible aux
affaires de la communauté musulmane grandissante de Madinah.

Avant son mariage elle était une sorte d’hôtesse pour les pauvres et les démunis d’Ahl as-
Suffah. Dès la fin de la bataille d’Uhud, elle vint avec d’autres femmes sur le champ de
bataille, pleura les martyrs morts et prit le temps de panser les blessures de son père. Au coirs
de la bataille des tranchées, elle joua un rôle majeur de soutien avec d’autres femmes en
préparant à manger durant le long et difficile siège. Dans son camp, elle menait la prière des
femmes musulmanes et à cet endroit on construisit une mosquée appelée Masjid Fâtimah, une
des sept mosquées où les musulmans étaient de garde et accomplissaient leurs adorations.

Fâtimah — que Dieu l’agrée — accompagna aussi le Prophète — paix et bénédictions sur lui
— quand il fit la Umrah au cours de la 6ème année de l’Hégire, après le traité d’Hudaybiyyah.
L’année qui suivit, elle et sa sœur Umm Kulthum furent parmi la foule nombreuse de
musulmans qui participèrent avec le Prophète — paix et bénédictions sur lui — à la libération
de Makkah. On rapporte qu’en cette occasion, Fâtimah — que Dieu l’agrée — et Umm
Kulthum — que Dieu l’agrée — visitèrent la maison de leur mère Khadîjah — que Dieu
l’agrée —, se rappelèrent les souvenirs de leur enfance et de leur jihad, des longs combats
dans les 1ères années de mission du Prophète — paix et bénédictions sur lui —.

Au cours de Ramadan de la 10ème année, juste avant qu’il n’accomplisse son pèlerinage
d’adieu, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — confia à Fâtimah — que Dieu l’agrée
— un secret révélé à personne jusqu’alors :
’Jibril me récitait le Quran et je le lui récitais une fois par an, mais cette année il l’a récité
avec moi deux fois. Je suis bien forcé de croire que mon temps est venu.’

De retour de son pèlerinage d’adieu, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — tomba
gravement malade. Il passa ses derniers jours dans l’appartement de sa femme Aishah — que
Dieu l’agrée —. Quand Fâtimah — que Dieu l’agrée — venait lui rendre visite, Aishah
(radhia Allâhou anha) laissait le père et sa fille seuls ensemble.

Un jour il appela Fâtimah — que Dieu l’agrée —... quand elle vint il l’embrassa et murmura
quelques mots dans son oreille. Elle pleura. Alors il murmura à nouveau dans son oreille et
elle sourit. Aishah (radhia Allâhou anha) vit cela et demanda : ’tu pleures et tu ris en même
temps Fâtimah — que Dieu l’agrée — ? Que t’a dit le Messager de Dieu — paix et
bénédictions sur lui — ?’
’Il me dit d’abord qu’il allait rencontrer son Seigneur dans un court instant et j’ai pleuré.’ Il
me dit alors : ’Ne pleure pas tu seras la 1ère de ma maison à me rejoindre et là j’ai souris.’

Peu de temps après, le Noble Prophète — paix et bénédictions sur lui — décéda. Fâtimah —
que Dieu l’agrée — était frappée de chagrin et on la vit souvent pleurer abondamment. Un des
compagnons nota qu’il ne vit plus Fâtimah — que Dieu l’agrée — rire après la mort de son
père.

Un matin, tôt, au cours du mois de Ramadan, 5 mois seulement après la mort du Prophète —
paix et bénédictions sur lui —, Fâtimah — que Dieu l’agrée — se réveilla semblant
exceptionnellement heureuse et pleine de gaieté. L’après-midi, on rapporte qu’elle appela
Salma bint Umays — que Dieu l’agrée — qui veillait sur elle. Elle demanda de l’eau et prit un
bain. Elle mit alors de nouveaux habits et se parfuma. Elle demanda ensuite à Salma de mettre
son lit dans la cour de la maison. Le visage tourné vers le ciel au-dessus, elle demanda son
mari `Alî— qu’Allâh l’agrée et honore sa face.

Il fut surpris de la voir étendue au milieu de la cour et lui demanda ce qui n’allait pas. Elle
sourit et dit : ’j’ai rendez-vous aujourd’hui avec le Messager de Dieu — paix et bénédictions
sur lui —.’

Ali — qu’Allâh l’agrée et honore sa face — pleura et elle essaya de le consoler. Elle lui dit de
prendre soin de ses fils Al-Hasan et Al-Husayn et demanda à être enterrée sans cérémonie.
Elle fixa à nouveau le ciel, puis ferma les yeux et rendit l’âme.

Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — la resplendissante n’avait que 29 ans.

Qu’Allah l’agrée. Âmine.

Nusaybah Bint Ka`b, Umm `Ammârah


que Dieu l’agrée

dimanche 7 avril 2002

Umm `Ammârah faisait partie de la famille des Banû An-Najjâr. Elle était une femme d’une
extraordinaire habileté, douce et parfaite. Elle éprouvait de l’affection pour le Prophète - Que
la Paix et les Bénédictions d’Allah soient sur lui - davantage même que pour sa propre
famille, tandis que de son côté le Prophète l’estimait également beaucoup et lui témoignait de
la même affection. D’ailleurs les Compagnons parmi même les plus saillants furent emplis de
fierté en faisant sa connaissance car elle témoignait d’un profond amour pour la Religion
d’Allah (l’Islam) et de Son Messager. Elle était l’une des deux femmes qui avaient participé
avec les soixante-treize autres hommes au second Pacte d’allégeance au Prophète à Aqabah,
pendant le Pèlerinage juste avant l’Hégire (Tabaqat Ibn Sa’d).

Au cours de la Bataille d’Uhud où elle avait activement participé, elle veillait à acheminer
l’eau aux combattants mais également elle soignait ceux qui étaient touchés au combat.
Lorsque les troupes Musulmanes commencèrent à se replier, Umm `Ammârah jeta alors son
seau d’eau puis s’empara d’une épée et d’un bouclier. Elle s’en alla pour combattre aussi afin
de protéger le Prophète. Les polythéistes (mushrikun) n’arrêtaient pas de s’attaquer au
Prophète mais elle était là avec d’autres Compagnons tentant de le défendre avec une
bravoure majestueuse. De plus, c’était un instant très critique dans la mesure où de nombreux
braves hommes tombaient sur le champs de bataille. Or cette courageuse femme restait
déterminée quant à son rôle de défendre le Prophète contre cette attaque massive orchestrée
par l’ennemi. Lorsqu’un des ennemis s’attaqua au Prophète avec une flamboyante épée Umm
`Ammârah contra le coup avec son bouclier puis frappa la patte de son cheval d’une telle
force que tout les deux, le cheval et le cavalier, tombèrent à terre. En voyant la scène, le
Prophète appela Abdullah, son fils, afin qu’il secoure sa mère. Celui-ci bondit et d’un seul
coup d’épée il expédia ce polythéiste au feu. Tout à coup, un autre ennemi se jeta sur son fils.
Il le blessa alors au bras gauche puis s’en alla. Entre temps, ce même homme qui venait de
blesser Abdullah s’approcha pour attaquer le Prophète qui à son tour dit : " Umm `Ammârah
prend garde. C’est le même homme qui vient de blesser Abdullah." Umm `Ammârah se jeta
alors sur lui avec hargne et le frappa de son épée. Il se retrouva à terre en deux morceaux.
Constatant la chose, le Prophète de sourire : " Umm `Ammârah tu viens de venger ton fils
comme il se doit ".

Dans la même foulée, Ibn Qamiyah agressa le Prophète. Le coup de son épée sur l’armure du
Prophète avait provoqué deux éclatements de sa chaîne ce qui avaient alors poignardé la joue
du Prophète. Son visage commençait alors à saigner. C’était une attaque à la fois soudaine et
prompte. Umm `Ammârah en était désespérée. Elle se précipita alors à l’avant et arrêta Ibn
Qamiyah. Bien qu’il soit réputé très bon cavalier parmi les Quaraîshites, Umm `Ammârah
sans aucune crainte ou hésitation l’attaqua avec résolution. Mais étant donné qu’il s’était
accoutré de deux manteaux faisant office d’armures, son coup d’épée ne pouvait lui causer de
réels dégâts par conséquent il avait l’occasion de poursuivre son attaque. Cette fois, Umm
`Ammârah reçu un coup terrible ce qui lui provoqua une profonde entaille à l’épaule.
Aussitôt, Ibn Qamiyah n’osa plus resta ici. Il fila rapidement sur le dos de son cheval (cf. Ibn
Hisham). De sa blessure le sang jaillissait tandis que le Prophète lui-même s’en occupa. Il
pansa cette blessure puis il interpella plusieurs de ses braves Compagnons en ces mots : " Par
Allah ! Aujourd’hui Umm `Ammârah a témoigné autant de courage que nous tous. " Umm
`Ammârah demanda alors au Prophète de prier afin qu’elle soit toujours en sa compagnie
même au Paradis. Le Prophète pria pour elle avec une profonde humilité en ces termes : " Ô
Allah ! Ne me prive pas de leurs compagnies au Paradis " Umm `Ammârah en était très
heureuse puis, instantanément, elle prononça ces mots : " A présent, rien ne peut me faire
souffrir dans ce monde ".

Lorsque la bataille fût enfin terminée, le Prophète n’était rentré chez lui qu’une fois avoir
appris d’Abdullah Ibn Ka’b qu’Umm `Ammârah allait mieux. Le Prophète s’employa à
commenter qu’en ce jour de [la Bataille] l’Uhud, où qu’il puisse jeter un regard, de droite à
gauche, il voyait constamment Umm `Ammârah entrain de combattre. D’après une certaine
narration, douze blessures lui auront été infligées au cours de la Bataille d’Uhud. Selon Ibn
Sa’d, après la Bataille d’Uhud, elle avait participé au Pacte d’allégeance de Ridwan à
Hudaybiyah, à la Bataille de Khaibar, Umrat al-Qada et à la Bataille d’Hunain. D’après une
autre narration, elle avait aussi accompagné le Prophète dans la Victoire et l’Ouverture de La
Mecque.

Sous le Califat de Abû Bakr, Umm `Ammârah avait aussi participé à la Bataille de Yamamah
contre Musaylamah l’Imposteur (khadhdhab). Celui-ci avait torturé puis tué son fils Habîb
d’une manière à la fois bestiale et inhumaine. Lorsqu’elle en a été informée, elle s’arma tout
simplement de patience, mais fît la promesse que tôt au tard soit Musaylamah sera tué ou soit
c’est elle qui donnera sa vie. Lors de cette bataille, elle repéra Musaylamah puis elle se
dirigea vers lui. Sous une pluie de coups elle progressa péniblement jusqu’à lui tenant à sa
main une lance. Dans ce duel, elle avait donc été victime de douze blessures et elle avait
même perdu un de ces bras. Enfin arrivée à Musaylamah, elle était sur le point de lancer son
attaque avec son arme lorsque simultanément deux autres armes ont percuté Musaylamah. Ce
dernier, tomba à terre en morceaux puis lorsqu’elle leva ses yeux elle vit son fils Abdullah
debout auprès d’elle et aussi Wahshî (l’assassin de Hamzah debout tout près. Elle se prosterna
alors pour remercier Allah.

Umm `Ammârah aimait beaucoup le Prophète - Que la Paix et le Salut de Dieu soient sur lui -
et était même en mesure de sacrifier sa propre vie pour lui et le Prophète lui rendait visite à sa
maison et estimait ses qualités de croyante dévouée au service de la Vérité.

Selon certaines narrations, après la mort du Prophète - Que la Paix et le Salut d’Allah soient
sur lui - Abû Bakr As-Siddiq avait coutume d’aller à la maison de Umm `Ammârah afin de
prendre de ses nouvelles.

Notons enfin que Umm `Ammârah a rapporté certains Hadiths [1].

Maymûnah Bint Al-Hârith, que Dieu


l’agrée
La Mère des Croyants

samedi 16 février 2002

Maymûnah Bint Al-Hârith Ibn Hazn des Banû Hilâl - qu’Allâh l’agrée - épousa le Prophète -
paix et bénédiction sur lui - en l’an 7 après l’Hégire, alors que le Prophète avait soixante ans
et qu’elle en avait trente-six. Elle était la veuve d’Abû Ruhm Ibn `Abd Al-`Uzzâ. Sa sœur,
Umm Al-Fadl Lubâbah, était la mère de `Abdullâh Ibn `Abbâs, le cousin du Prophète et un
des ses plus sages compagnons. Umm Al-Fadl faisait partie des premiers Compagnons du
Prophète. On dit qu’elle fut la première femme à embrasser l’islam après Khadîjah.

Une fois, Abû Lahab, l’ennemi d’Allâh et de son Messager, pénétra dans la maison de son
frère, Al-`Abbâs, et agressa son esclave, Abû Rafi, pour s’être converti à l’Islam. Abû Lahab
le frappa et le fit tomber à terre, il s’agenouilla sur lui, puis continua à le frapper. Umm Al-
Fadl saisit un bâton et le fracassa sur la tête d’Abû Lahab disant : " Vas-tu le maltraiter parce
que son maître est absent ? ". Il fut empli de honte et mourut une semaine plus tard.

La Mère des Croyants, Zaynab Bint Khuzaymah, était également sa demi-sœur. Parmi ses
autres sœurs, il y avait Asmâ’ Bint `Umays, la femme de Ja`far Ibn Abî Tâlib, qui épousa plus
tard Abû Bakr, et Salmâ Bint `Umays, la femme de Hamzah, le " Lion d’Allah ". Ses sœurs
germaines (issues du même père et de la même mère) étaient Lubâbah , Asmâ’, Salmâ et
Salâmah. Ainsi Maymunah faisait-elle partie des " Ahlul-Bayt ", (" les gens de la maison "),
non seulement parce qu’elle était une épouse du Prophète - paix et bénédiction sur lui - mais
également parce qu’elle était une de ses parentes. Zayd Ibn Arqam rapporte que le Prophète -
paix et bénédiction sur lui - a dit : " Je t’implore Allah en faveur des gens de ma maison ! "
trois fois. Zayd demanda qui étaient les gens de sa maison, et il répondit - paix et bénédiction
sur lui : " La famille de `Alî Ibn Abî Tâlib, la famille de Ja`far Ibn Abî Tâlib, la famille de
`Aqîl Ibn Abî Tâlib et la famille d’Al-`Abbâs Ibn `Abd Al-Muttalib. "

Maymûnah, ou Burrah de son prénom de naissance, était désireuse d’épouser le Prophète -


paix et bénédiction sur lui. [2] Elle alla trouver sa sœur Umm Al-Fadl pour lui en parler et
celle-ci, à son tour, en parla à son mari, Al-`Abbâs. Al Abbas alla directement trouver le
Prophète - paix et bénédiction sur lui - avec l’offre de mariage de Maymûnah et sa proposition
fut acceptée. Quand la bonne nouvelle lui parvint, elle était sur un chameau. Elle descendit
immédiatement et dit : " Le chameau et ce qu’il porte sont pour le Messager d’Allah. " Ils se
marièrent durant le mois de Shawwâl de l’an 7 après l’Hégire, juste après que les musulmans
de Médine aient obtenu la permission de visiter la Mecque sous les conditions du traité d’Al-
Hudaybiyah, afin d’effectuer la `umrah (le petit pélerinage). Ace propos, Allah fit descendre
ce verset :

"…Ainsi que toute femme croyante qui se serait donnée au Prophète pourvu que le Prophète
ait voulu l’épouser. Ceci est un privilège qui t’es accordé, à l’exclusion des autres croyants."
(Les factions, verset 50).

Le Prophète lui donna le nom Maymûnah qui signifie bénie. Elle vécut pendant trois ans avec
le Prophète jusqu’à sa mort. Elle était de très bonne nature et s’entendait bien avec tout le
monde, et aucune querelle ou mésentente avec les autres femmes du Prophète - paix et
bénédiction sur lui - ne fut relatée à son sujet. `Aï shah dit à son sujet : "Parmi nous, elle était
celle qui craignait le plus Allâh - Exalté soit-Il - et elle faisait le maximum pour maintenir les
liens de parenté." Ce fut dans sa chambre que le Prophète - paix et bénédiction sur lui -
commença à sentir les effets de sa maladie finale. Il demanda ensuite la permission à ses
femmes de rester dans la chambre d’Aishah pendant cette période.

Après la mort du Prophète - paix et bénédiction sur lui - Maymûnah continua à vivre à
Médine pendant quatorze autres années. Elle mourut à l’âge de quatre-vingts ans, en 51 après
l’Hégire, étant la dernière épouse du Prophète - paix et bénédiction sur lui - à décéder. Elle
demanda à être enterrée à l’endroit où elle avait épousé le Prophète - paix et bénédiction sur
lui, à Saraf, et sa requête fut entendue. On rapporte qu’à ses funérailles, Ibn `Abbâs dit : "Ce
fut la femme du Messager d’Allah - paix et bénédiction sur lui - alors, lorsque que vous la
soulèverez, ne la secouez pas et ne soyez pas trop brutaux, mais soyez doux." Il est également
rapporté par Ibn `Abbâs qu’il fut une nuit l’invité de Maymûnah - qui était sa tante - et du
Prophète - paix et bénédiction sur lui. Ils dormirent sur leur couche dans le sens de la
longueur, et lui dormit au bout, en travers. Après qu’ils aient tous dormi un moment, le
Prophète - paix et bénédiction sur lui - se leva pour accomplir la prière du tahajjud (prière
nocturne surérogatoire) et Ibn `Abbâs se joignit à lui.

Ils firent tous deux leurs ablutions et la prière de onze rak`ât, puis se couchèrent à nouveau
jusqu’à l’aube. Bilâl fit l’appel à la prière et le Prophète fit deux autres rak`ât courtes avant de
se rendre à la mosquée pour guider la prière de l’aube.

Ibn `Abbâs dit qu’une des invocations que le Prophète - paix et bénédiction sur lui - fit durant
cette nuit fut : " Ô Allah, introduit la lumière dans mon cœur, ma langue, mon ouïe, ma vue,
derrière moi, devant moi, à ma droite, à ma gauche, au dessus et en dessous de moi ; introduit
la lumière dans mes tendons, ma chair, mon sang, mes cheveux et ma peau ; introduit la
lumière dans mon âme et rend la lumière abondante pour moi ; accorde moi la lumière."
Il est communément reconnu que ce fut après le mariage du Prophète - paix et bénédiction sur
lui - avec Maymûnah, ce qui lui faisait neuf femmes (`Aishah, Sawdah, Umm Habîbah,
Hafsah, Umm Salamah, Zaynab Bint Jahsh, Juwayriyyah, Safiyyah et Maymûnah), que le
verset suivant fut révélé : "Il ne t’est plus permis de changer d’épouses ni de prendre d’autres
femmes, en dehors de tes esclaves même si tu es charmé par la beauté de certaines d’entre
elles. Dieu voit parfaitement toutes choses." (Les factions, verset 52)

Après cela, le Prophète - paix et bénédiction sur lui - ne se maria plus jamais. Cependant,
lorsqu’un souverain chrétien, ou le Muqawqis d’Egypte lui envoya deux femmes esclaves qui
étaient sœurs en guise de cadeau (en réponse à une lettre du Prophète les invitant à embrasser
l’Islam), accompagnées d’un beau vêtement et de quelques médicaments, le Prophète accepta
une des deux filles, Maria, dans son foyer : il donna sa sœur Serene à un homme qu’il
souhaitait honorer, à savoir Hassân Ibn Thâbit. Il accepta le vêtement, et renvoya les
médicaments avec le message : " Ma sunnah est mon médicament ! " Ceci eut lieu en l’an 7
après l’Hégire.

P.-S.
1. Nous nous sommes basés pour ce travail sur une biographie anglaise disponible sur
internet ainsi que sur Usd Al-Ghâbah fî Ma`rifat As-Sahâbah de l’Imâm Ibn Al-Athîr
disponible sur le site d’alwaraq.com.
2. L’Imâm Ibn Al-Athîr penche pour l’opinion selon laquelle Al-`Abbâs Ibn `Abd Al-
Muttalib proposa au Prophète d’épouser Maymûnah suite à son veuvage contrairement
à ceux qui soutiennent que c’est elle qui lui avait proposé sa main.

Hamzah Ibn `Abdel Muttalib


dimanche 21 mai 2000

• Son nom : Hamzah Ibn `Abdel Muttalib Ibn Hâshim Ibn `Abd Manâf, le Quraïshite, le
Hashémite. On le surnomme Abû `Imârah.

• Il est l’oncle du Prophète Muhammad et son aîné de deux ans (on dit aussi quatre ans).
Il est également son frère de lait et leurs mères, Hâlah Bint Uhayb Ibn `Abd Manâf Ibn
Zahrah et Âminah Bint Wahb Ibn `Abd Manâf Ibn Zahrah sont cousines.

• Il se convertit à l’Islam deux ans après la révélation et fut un rempart pour l’Islam
naissant.

• Ibn Ishâq mentionne longuement le récit de sa conversion : [1]


Un jour, Abû Jahl [2] trouva le Prophète près d’As-Safâ [3], l’insulta, le rudoya et lui
fit beaucoup de tort au sujet de sa religion. Le Prophète - que la Paix de Dieu et Sa
Bénédiction soient sur lui- ne lui dit rien. Abû Jahl partit s’asseoir avec un groupe de
gens près de la Ka`bah. Une servante de `Abdullâh Ibn Jad`ân Ibn `Amr Ibn Ka`b Ibn
Sa`d Ibn Taym Ibn Murrah ayant assisté à la scène, intercepta Hamzah l’oncle du
prophète à son retour de la chasse à l’arc et l’informa de ce qu’elle venait de voir. En
rentrant de chasse, Hamzah avait pour habitude d’aller faire une procession autour de
la Ka`bah. Ensuite, il discutait un peu avec chacun des groupes réunis près de la
Ka`bah puis il rentrait chez lui. Il était connu à la Mecque pour sa puissance et sa
poigne. Quand il croisa la servante en question, le Prophète était déjà rentré chez lui.
Elle lui dit : "Ô Abû `Imârah, si seulement tu avais vu ce que ton neveu Muhammad a
subi sur les mains d’Abû Al-Hakam Ibn Hishâm ! Il l’a trouvé assis ici même et l’a
insulté et rudoyé et lui fit énormément de tort sans que Muhammad lui réponde."
Hamzah retint sa colère et alla faire sa procession sans adresser la parole à quiconque
en réservant à Abû Jahl un mauvais quart d’heure s’il venait à le croiser. Quand il
arriva à la mosquée, il le vit assis dans un groupe. Il alla droit vers lui et arrivant
devant lui il saisit son arc et lui donna un coup violent qui lui fendit la tête et lui dit :
"Oses-tu l’insulter alors que j’ai adopté sa religion et que je dis ce qu’il dit ? Reproche
le moi donc aussi si tu en es capable !" Des gens de Banû Makhzûm se levèrent pour
prêter main forte à Abû Jahl mais ce dernier les arrêta avouant qu’il avait réellement
dépassé les limites avec le neveu de Hamzah, le Prophète Muhammad. Depuis ce jour
là, Hamzah demeura un fidèle disciple du Prophète et le suivit dans tout ce qu’il dit.
Ce jour là, Quraysh comprit que le Prophète - que la Paix de Dieu et Sa Bénédiction
soient sur lui - était désormais le protégé de Hamzah et réduisit un peu les atteintes
qu’ils lui portaient jusqu’alors.

• Après l’hégire, Hamzah assista à la bataille de Badr. Il y tua Shaybah Ibn Rabî`ah,
`Utbah Ibn Rabî`ah et Tu`aymah Ibn `Adiyy.

• Il fut assassiné pendant la bataille de Uhud par Al-Wahshî l’esclave Ethiopien de


Jubayr Ibn Mut`am selon le récit narré par Al-Bukhârî. Ainsi il mourut au moins de
Shawwâl de l’an 3 A.H. âgé de moins de soixante ans. Le Prophète le surnomma le
Lion de Dieu et aussi le Seigneur des Martyrs.

• Dans Sîrat Ibn Hishâm, on trouve le récit de l’assassinat de Hamzah relaté par Al-
Wahshî lui-même [4] à la demande de Ja`far Ibn `Amr Ibn Umayyah Ad-Damrî et
`Ubaydullâh Ibn `Adiyy Ibn Al-Khayyâr. Al-Wahshî répondit à leur interrogation
disant : "Je vais vous dire ce que j’ai dit au Prophète, que la Paix et la Bénédiction de
Dieu soient sur lui. J’étais l’esclave de Jubayr Ibn Mut`am quand Quraysh a déclaré la
bataille de Uhud. Jubayr me dit : "Si tu tues Hamzah, l’oncle de Muhammad, pour
venger mon oncle, tu seras un homme libre !" De par mes origines éthiopiennes, je
maniais la lance à la perfection. Alors je suis parti avec l’armée. Quand les deux
camps se sont rencontrés, je me suis mis à la recherche de Hamzah. J’ai fini par le voir
au milieu des combattants abattant ses ennemis à tour de bras, rien ne lui résistait. Je
l’ai donc guetté me cachant derrière les arbres et les rochers jusqu’à ce qu’il se soit
rapproché de moi. A ce moment, Sibâ` Ibn `Abdel `Uzzâ se précipita sur Hamzah. Le
voyant venir, Hamzah lui dit : "Viens à moi, fils de l’exciseuse !" et lui porta un coup
qui n’a pas raté sa tête. J’ai alors balancé ma lance jusqu’à ce que j’en sois satisfait
puis je l’ai envoyée, elle transperça son abdomen. Il s’est retourné vers moi voulant
m’atteindre mais il s’est écroulé. J’ai attendu qu’il soit bien mort puis j’ai récupéré ma
lance. Une fois mon objectif réalisé, je suis retourné m’asseoir au camp car tout ce que
je voulais était mon affranchissement. A mon retour à la Mecque, je suis devenu libre
et j’y ai vécu jusqu’à la prise de la Mecque. Ensuite, je me suis réfugié à At-Tâ’if.
Quand la délégation d’At-Tâ’if s’est rendue auprès du Prophète pour déclarer leur
adhésion à l’Islam, je ne savais plus où aller. Je me suis dit que je pourrais peut-être
partir en Syrie ou au Yemen ou dans toute autre contrée. Je vivais un vrai enfer quand
un homme m’a dit : "Mais, idiot, il n’a jamais tué une personne ayant adopté sa
religion et professé la même foi que lui." Sur cette parole, je suis parti à Médine et me
suis présenté au Prophète annonçant ma profession de foi. Quand le Prophète m’a vu,
il m’a demandé : "Es-tu Wahshî ?" J’ai répondu que oui. Il m’a demandé de m’asseoir
et de lui raconter comment Hamzah avait été tué. Je lui ai raconté ce que je viens de
vous raconter. Quand j’ai fini, il m’a dit : "Vas, et que je ne te vois plus !" Ce que je
me suis empressé de faire jusqu’au décès du Prophète. Quand les musulmans ont livré
la guerre à Musaylamah le menteur, j’ai saisi la lance avec laquelle j’ai tué Hamzah.
Quand les deux camps se sont rencontrés, j’ai vu Musaylamah une épée au poing alors
j’ai balancé ma lance puis l’ai envoyée le transperçant. D’un autre côté, un homme des
Ansârs l’a frappé de son épée et je me demande qui de nous deux a bien pu le tuer.
Une chose est sûre néanmoins : de ma lance, j’ai tué le meilleur homme qui soit
hormis le Prophète et j’ai aussi tué le pire homme qui soit.

• Le plus douloureux dans l’épisode de la mort de Hamzah, c’est l’oeuvre horrifiante


des femmes Qurayshites qui passèrent parmi les morts musulmans et mutilèrent et
défigurèrent leurs cadavres. Ainsi le corps de Hamzah fut gravement profané par Hind
Bint `Utbah qui avait perdu plusieurs hommes de sa famille dans la bataille de Badr.
Par la suite, elle opta librement de se convertir à l’Islam et fut graciée par le Prophète
malgré l’immense douleur qu’il ressentait pour la profanation du corps de son oncle.

P.-S.
A l’exception du récit de la conversion de Hamzah et celui de sa mort, cette biographie est
traduite de l’entrée 1828 d’Al-Isâbah fî Tamyîz As-Sahâbah de l’Imâm Ibn Hajar Al-
`Asqalânî. Une version électronique gratuite est téléchargeable sur le site d’Al-Muhaddith.

Râbi`ah Al-`Adawiyyah
mercredi 5 mars 2003

Lire la biographie de la Noble Dame Râbi`ah Al-`Adawiyyah, c’est être ballotté entre les flots
de lumière, les effluves de couleurs et l’odeur des parfums spirituels. Les événements
extérieurs de sa vie sont relativement peu nombreux... Mais les événements intérieurs, propres
à son âme céleste, sont innombrables. La raison humaine ne peut concevoir les degrés de
l’amour qu’a gravis cette femme, dans la recherche effrénée de Celui qu’elle aime...

Naissance de Râbi`ah et contexte social de


l’époque
Râbi`ah vit le jour à une époque caractérisée par l’emprise de l’apparat. Les Musulmans
avaient alors conquis la plus grande partie du monde connu. Les richesses s’amassaient chez
eux en provenance du monde entier. La distance spatio-temporelle qui les séparait de l’époque
du Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) et du temps du Califat Bien-Guidé allait
grandissant. Le faste et l’amour de la matière s’étaient installés chez eux. Bref, le moment
était venu pour qu’une voix nouvelle retentît de l’appel authentique et éternel, l’Appel de
Dieu...

Râbi`ah Al-`Adawiyyah naquit vers l’an 100 de l’Hégire, soit vers 719 de l’ère chrétienne, à
Bassora (Iraq). Son père, qu’elle partageait avec trois sœurs, était un homme indigent mais
dévoué à Dieu. Celui-ci mourut alors que la petite Râbi`ah avait moins de dix ans. Quelques
mois plus tard, ce fut sa mère qui fut rappelée auprès de son Seigneur. Les quatres sœurs se
retrouvèrent seules, démunies, sans personne pour les aider à surmonter la misère, la faim et
la gêne. Elles se quittèrent alors, chacune résolue à se trouver son chemin...

Bassora souffrait à cette époque d’une épidémie qui l’avait envahie, et à laquelle succéda une
période de disette. Les brigands et les bandits de grand chemin se firent de plus en plus
nombreux. L’un d’eux s’empara un jour de Râbi`ah et la vendit pour six dirhams à un très dur
commerçant.

Parcours de Râbi`ah Al-`Adawiyyah


Ce dernier chargeait Râbi`ah de tâches que sa capacité ne pouvait supporter, elle, la fillette qui
n’avait pas encore atteint l’âge de la maturité. Néanmoins, la nuit, elle se retirait, seule dans sa
chambre, pour s’en remettre des souffrances de la journée. Son repos, elle ne le trouvait ni
dans la nourriture ni dans le sommeil. Son repos, elle le trouvait dans la prière et la
supplication de Dieu. Elle faisait partie des gens sur lesquels s’appliquent le verset : « Mais
Dieu vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos cœurs et vous a fait détester la
mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont les bien dirigés. » (sourate 49
intitulée les Appartements, Al-Hujurât, verset 7) Quelle était cette force qui attirait ainsi cette
petite fille vers l’adoration du Créateur des cieux et de la terre ? Peut-être était-ce l’influence
spirituelle de son père lorsqu’elle était encore plus jeune.

Quoiqu’il en soit, la cause primaire de cette dévotion demeure la nature de sa personnalité, la


nature du rôle pour lequel le Ciel l’avait élue, la nature de la mission qu’elle allait devoir
accomplir à Bassora à cette époque, puis dans tout le monde musulman par la suite.

Une nuit, son maître se réveilla de son sommeil, il entendit la prière et les supplications de
Râbi`ah, et il observa discrètement, derrière la porte, ce qu’elle faisait. Farîd Ad-Dîn Al-
`Attâr, le biographe de Râbi`ah, écrit : « Il aperçut Râbi`ah prosternée, entrain de prier et de
dire : « Ô Dieu ! Toi Seul sait à quel point mon cœur désire T’obéir. La prunelle de mes yeux
sont à Ton service. Si j’avais quelque pouvoir sur moi-même, je n’aurais cessé une seule
seconde de M’adresser à Toi. Mais Tu m’as abandonnée à la merci de cette créature violente.
» Au cours de ses invocations et de sa prière, le maître aperçut au-dessus d’elle une lampe
planant entre ciel et terre. Sa lumière emplissait toute la pièce. Lorsqu’il vit cette lueur
étrange, il fut saisi de peur et il demeura là, pensif, jusqu’au lever du jour. C’est alors qu’il
appela Râbi`ah : « Râbi`ah ! Tu es libre ! Si tu le désires, tu peux rester parmi nous et nous
serons tous à ton service. Et si tu le désires, tu peux partir où tu veux. » Elle lui fit ses adieux
et partit. »
Les mosquées étaient devenues sa demeure. Tâhâ `Abd Al-Bâqî Surûr tient dans son livre
Râbi`ah Al-`Adawiyyah et la vie spirituelle en Islam les propos suivants : « Elle se mit a jouer
de la flûte dans les cercles d’invocation de Dieu et dans les lieux de rassemblement soufis.
Les soufis ne voient aucun tort à ce qu’ils composent des poèmes chantant la Gloire de Dieu
et à ce qu’ils jouent de la flûte. Pour eux, la musique permet de détendre l’âme, de faire
vibrer le cœur et de permettre à celui qui l’écoute de prendre son essor vers le ciel. » Râbi`ah
avait alors quatorze ans. Mais cette étape de sa vie ne dura pas longtemps. Son âme inclinait à
la solitude et à l’éloignement du brouhaha généralisé des hommes.

L’univers dans lequel elle aspirait à vivre était un univers à la fois vide de créatures mais plein
de la douce Proximité du Créateur. Son cœur se purifia de la matière éphémère de ce bas-
monde, il se purifia des passions, des instincts, de la peur et de l’espoir. Son cœur n’était plus
empli que de la satisfaction qu’elle affichait vis-à-vis de Dieu, et de l’envie de vouloir
atteindre le Céleste Agrément divin. Elle refusa tous les prétendants qui demandèrent sa main.
Elle n’avait pas de place à offrir dans son cœur voué exclusivement à Dieu. Et elle n’avait pas
le temps non plus de se consacrer à un autre amour que l’Amour de Dieu. L’Encyclopédie des
sciences islamiques précise : « Après avoir recouvré la liberté, Râbi`ah s’établit dans le
désert, après quoi elle se rendit à Bassora où elle rassembla autour d’elle un grand nombre
d’aspirants à la voie spirituelle et de compagnons qui s’acheminaient jusque chez elle pour
assister à ses enseignements et à ses invocations et pour écouter ses paroles. Parmi les plus
illustres de ses disciples, on peut citer Mâlik Ibn Dînâr, l’ascète Rabâh Al-Qaysî, le
spécialiste du Hadith Sufyân Ath-Thawrî et le soufi Shafîq Al-Balkhî. »

Retour à Dieu
Râbi`ah retrouva son Seigneur à l’âge de quatre-vingts ans. Toute sa vie durant, elle passa ses
nuits et ses jours emportée dans la méditation de Dieu, recherchant avec ferveur Son Amour.
Elle l’implorait sans lever ses yeux au Ciel, par crainte respectueuse de sa part.
L’Encyclopédie des sciences islamiques dit à son sujet : « Râbi`ah se distingua des soufis qui
l’avaient précédée, en ce sens que ces derniers n’étaient que des ascètes et des dévots. Quant
à elle, elle fut une véritable soufie, animée par un amour intense et débordant. Elle fut par
ailleurs la première soufie à proclamer l’Amour absolu, l’amour qui n’est entravé par aucune
passion autre que l’Amour de Dieu. Elle fut enfin la première soufie à poser l’Amour comme
source d’inspiration et d’illumination. »

Fausses conceptions au sujet de Râbi`ah Al-


`Adawiyyah
Chez de nombreuses gens, l’image gardée à l’esprit au sujet de Râbi`ah est celle d’une beauté
qui se vautra dans une vie de débauche et de luxure et qui, voyant que sa jeunesse allait
dépérissant, se tourna vers l’adoration et l’obéissance de Dieu. Cette image est fausse et
complètement déformée. Elle a été colportée par des livres tels que Râbi`ah Al-`Adawiyyah,
martyre de l’Amour divin du Docteur `Abd Ar-Rahmân Badawî, ou par des pièces de théâtre
telles celle du poète égyptien Tâhir Abû Fâshâ, La Martyre de l’Amour divin, ou encore par
l’œuvre cinématographique retraçant la vie de Râbi`ah et dont les rôles principaux sont
revenus à Nabîlah `Ubayd et à Farîd Shawqî. Toutes ces œuvres ont gravé dans les esprits
cette image erronnée de Râbi`ah. Si les nécessités de la littérature, de l’art, du théâtre ou le
besoin de satisfaire le public justifient ce que nous avons fait de Râbi`ah, alors que toutes ces
justifications aillent au diable. Nous ne voulons garder que la véritable image, innocente, pure
et lumineuse de Râbi`ah Al-`Adawiyyah.

Quelques perles et joyaux de Râbi`ah


Uhibbuka hubbayni hubbal-hawâ wa hubbal-linnaka ahlul-lidhâkâ
Fa-ammal-ladhî huwa hubbul-hawâ fa-shughlî bi-dhikrika `amman siwâkâ
Wa ammal-ladhî anta ahlul-lahu fa-kashfuka liyal-hujuba hattâ arâkâ
Fa-lal-hamdu fî dhâ wa lâ dhâka lî wa lâkil-lakal-hamdu fî dhâ wa dhâkâ

Traduction

Je T’aime de deux amours : l’amour de la passion et un Amour car Tu es digne d’Amour


Quant à l’amour de passion, il s’agit pour moi de T’invoquer, Toi Seul, en-dehors de tout
autre
Et quant à celui dont Tu es digne, il s’agit pour Toi de m’ôter le voile afin que je Te voie
La louange ne me revient ni dans celui-ci ni dans celui-là : à Toi revient la louange dans
celui-ci et dans celui-là

Si le monde entier appartenait à un seul homme, il n’en serait pas plus riche. On lui
demanda : Mais pourquoi ? Elle répondit : Car le monde est éphémère.

Ô Seigneur ! Brûleras-Tu par le Feu un cœur qui T’aime, une langue qui T’invoque et un
Serviteur qui Te craint ?

Je supporterai toutes les douleurs et je les endurerai. Mais une souffrance encore plus
terrible me travaille l’âme, sectionne les ligaments de la patience dans mon âme. Cette
souffrance trouve son origine dans un doute installé dans mon esprit : Es-Tu satisfait de
moi ? Tel est mon dessein.

Sayyidî bika taqarrabal-mutaqarribûna fil-khuluwât


Wa li-`adhamatika sabbahal-hîtânu fil-bihâriz-zâkhirât
Wa li-jalâli qudsika tasâfaqatil-amwâjul-mutalâtimât
Antal-ladhî sajada laka sawâdul-layli wa daw’un-nahâr
Wal-falakud-dawwâr
Wal-bahruz-zakhkhâr
Wal-qamarun-nawwâr
Wan-najmuz-zahhâr
Wa kullu shay’in `indaka bi-miqdâr
Li-annakal-lâhu ta`âlal-`aliyyul-qahhâr

Traduction

Mon Maître, c’est par Toi que se rapprochent, dans leur intimité, ceux qui veulent se
rapprocher de Toi
C’est à Ta Majesté que les poissons ont adressé leurs louanges dans les profondes mers
C’est pour la Magnificence de Ta Sainteté que les vagues déferlantes se sont abattues
C’est devant Toi que se prosternent l’obscurité de la nuit et la lumière du jour
Ainsi que l’orbite circulaire
Et l’océan profond
Et la lune étincelante
Et les étoiles florissantes
Tu as tout assigné à sa juste mesure
Car Tu es Dieu, le Très Haut, le Tout Puissant

Sufyân Ath-Thawrî demanda à Râbi`ah : Quelle est la réalité de ta foi ? Elle lui répondit : Je
ne L’adore pas par crainte de Son Feu, ni par amour pour Son Paradis. Je serais alors
comme le mauvais salarié. En réalité, je L’adore parce que je L’aime tellement. [1]

Râbi`ah avait l’habitude d’accomplir mille rak`ahs [2] par jour. On lui demanda : Que
recherches-tu par tant de prière ? Elle répondit : Je ne cherche pas de récompense. Je n’agis
ainsi que pour que le Messager de Dieu soit fier de moi le Jour de la Résurrection, où il dira
aux autres Prophètes : Regardez cette femme de ma Communauté, voyez son œuvre.

On demanda à Râbi`ah : Comment est ton amour pour le Messager - paix et bénédiction sur
lui ? Elle répondit : Par Dieu, je l’aime vraiment très fort. Mais l’Amour du Créateur m’a
absorbée par rapport à l’amour des créatures.

Un dévot, assistant aux enseignements de Râbi`ah, s’écria un jour : Ô Dieu, agrée-moi ! Elle
lui répondit : Si tu agrées Dieu, Il t’agréera. Il demanda : Mais comment puis-je agréer
Dieu ? Elle lui dit : Lorsque tu seras heureux des calamités qui s’abattent sur toi tout comme
tu es heureux des bienfaits qui descendent jusqu’à toi, car tout vient de la part de Dieu.

Al-`Abbâs Ibn `Abd Al-Muttalib


l’oncle du Prophète

lundi 22 mai 2000

Son nom : Al-`Abbâs Ibn `Abd Al-Muttalib Ibn Hâshim Ibn `Abd Manâf, le Quraïshite, le
Hashémite.

Il est l’oncle du Prophète Muhammad et son aîné de deux ans.

Enfant, il se perdit. Sa mère, Natîlah Bint Janâb Ibn Kalb, voua alors de couvrir la Ka`bah de
soie si elle le retrouvait. Elle fut ainsi la première à couvrir la Ka`bah de cette étoffe.

Il assista à l’alliance de la `Aqabah avec les Ansârs sans être lui-même musulman.

Il participa contre son gré à la bataille de Badr dans le camp des païens et fut capturé. A
l’issue de la bataille, il racheta sa liberté ainsi que celle de son neveu `Aqîl Ibn Abî Tâlib et
retourna à la Mecque.

On dit qu’il se convertit par la suite et tut sa conversion. Ensuite, il se mit à envoyer au
Prophète les nouvelles. Il émigra à Médine un peu avant la conquête de la Mecque.
Il assista à la prise de la Mecque et tint sa position fermement le jour de Hunayn. Le Prophète
dit à son égard : "Celui qui nuit à Al-`Abbâs me nuit car l’oncle est le frère du père." (narré
dans le recueil d’At-Tirmidhî) Il transmit quelques hadîths du Prophète qui furent transmis par
ses enfants et par `Âmir Ibn Sa`d ainsi que Al-Ahnaf Ibn Qays, Abdullâh Ibn Al-Hârith et
d’autres.

Ibn Al-Musîb narre que Sa`d dit : "Nous étions avec le Prophète quand nous vîmes venir Al-
`Abbâs, le Prophète dit : Voici Al-`Abbâs, l’homme le plus généreux de Quraysh et le plus
soigneux des liens familiaux. (narré dans le recueil d’An-Nasâ’î)

Dans la biographie d’Abû Sufyân Ibn Al-Hârith Ibn `Abdel Muttalib, Al-Baghawî narre par
une chaîne de transmission remontant à Ash-Shu`abî disant que Abû Hayâj dit que Abû
Sufyân Ibn Al-Hârith dit que son père relate que "Al-`Abbâs était l’homme le plus cher au
coeur du Prophète -Que la Paix de Dieu et Sa Bénédiction soient sur lui- et que les
compagnons du prophète reconnaissaient sa valeur et le consultaient et suivaient ses conseils.
Il décéda à Médine aux alentours du mois de rajab ou ramadan de l’an 32. Il était un grand,
bel homme, blanc de peau."

Abû Ad-Dardâ’, que Dieu l’agrée


samedi 23 février 2002

Tôt dans la matinée, Abû Ad-Dardâ’ se réveilla et alla tout droit vers son idole qu’il gardait
précieusement dans le meilleur endroit de sa maison. Il la célébrait et lui était soumis. Il
l’embauma du meilleur parfum ramené de sa boutique et la recouvrit d’un belle soie qu’un
marchand lui avait apportée la veille du Yémen.

Quand le soleil fût haut dans le ciel, il quitta sa maison pour se rendre à sa boutique. Ce jour
là, les rues et les allées de Yathrib étaient peuplées des partisans de Muhammad qui revenaient
de la bataille de Badr. Ils avaient ramenés avec eux des prisonniers de guerre. Abou ad-Darda
interrogea la foule et alla vers un jeune Khazraji pour le questionner sur le sort d’Abdullah ibn
Rawahah.

" Il a été sévèrement éprouvé pendant la bataille, " " mais il s’en est sorti… "

Abû Ad-Dardâ’ était très anxieux pour son cher ami, Abdullâh ibn Rawâhah. Tout le monde à
Yathrib connaissait les liens d’amitié qui unissaient ces deux hommes depuis la période de la
Jâhiliyyah (ère de l’ignorance pré-islamique), avant même que l’Islam n’arrive à Yathrib.
Quand l’Islam arriva dans la cité, Abdullâh ibn Rawâhah l’embrassa et Abû Ad-Dardâ’ le
rejeta. Cependant, ceci ne changea en rien l’amitié de ces deux personnes. Abdullâh continuait
à rendre visite Abû Ad-Dardâ’ et essayait de lui faire découvrir les vertus, les avantages et
l’excellence de l’Islam. Mais Abû Ad-Dardâ’ persistait dans la mécréance et Abdullâh se
sentait de plus en plus triste et concerné par son sort.

Abû Ad-Dardâ’ arriva à sa boutique et s’assit, les jambes croisées, sur une chaise haute. Il
commença à vendre, à acheter et à donner des instructions à ses assistants sans avoir
conscience de ce qui était en train de se passer chez lui. En effet, au même moment, Abdullâh
ibn Rawâhah s’était rendu chez lui dans un but bien précis. Là, il trouva l’entrée principale
ouverte. Umm Ad-Dardâ’ se trouvait dans la cour quand il lui dit :
" As-Salâmu alayki - Paix sur toi - esclave de Dieu. "
" wa alayka As-Salâm - Et sur toi la Paix, Ô frère d’Abû Ad-Dardâ".

" Où est Abû Ad-Dardâ’ ? " demande-t-il.


" Il est parti à sa boutique. Il reviendra dans peu de temps".
" Me permets-tu d’entrer ? "
" Fais comme chez toi " dit-elle, puis elle alla s’occuper des tâches ménagères et de ses
enfants.

Abdullâh ibn Rawâhah entra dans la pièce où Abû Ad-Dardâ’ gardait son idole. Il s’empara
d’un doloire qu’il avait emmené avec lui et commença à détruire l’idole en disant :

" Tout ce qui est adoré en dehors d’Allah n’est-il pas bâtil (i.e. contraire à la vérité) ? "

Quand l’idole fût complètement détruite, il quitta la maison. La femme d’Abû Ad-Dardâ’
entra dans la pièce peu de temps après et fût consternée par ce qu’elle vu. Elle frappa ses
joues de terreur et dit : " Tu m’as mené à ma perte, ô Ibn Rawâhah ".

Quand Abû Ad-Dardâ’ rentra chez lui, il trouva sa femme assise à la porte de la pièce où il
gardait son idole. Elle pleurait à chaudes larmes et semblait complètement terrorisée.

" Que t’arrive-t-il ? " demanda-t-il.


" Ton frère Abdullâh ibn Rawâhah est venu nous rendre visite en ton absence et a fait ce que
tu vois à ton idole". Abû Ad-Dardâ’ vit l’idole et fût horrifié. Il était empli de colère et
déterminé à prendre sa revanche. Cependant, au bout d’un certain temps, sa colère se dissipa
ainsi que son envie de venger son idole.

Il se mit à réfléchir sur ce qui s’était passé et se dit :

" S’il y avait quelque bien dans cette idole, elle se serait défendue".

Il alla trouver Abdullâh et ils allèrent ensembles voir le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allah
sur lui), puis il embrassa l’Islam. Il fût la dernière personne dans cette zone à devenir
musulman.

Depuis cet instant, Abû Ad-Dardâ’ se dévoua entièrement à la cause de l’Islam. La foi en
Allah et en son Prophète animait chaque fibre de son être. Il regrettait profondément tout ce
qu’il avait fait en tant que mécréant et toutes opportunités de faire le bien qu’il n’avait pas
saisies. Il réalisait combien ses frères avaient appris du jeûne les deux ou trois années
précédentes, tout ce qu’ils avaient mémorisé du Coran et toutes les occasions qu’ils avaient eu
de se dévouer à Dieu et à son Prophète. Il se mit en tête de multiplier ses efforts, nuit et jour,
pour essayer de rattraper tout ce qu’il avait manqué. Les actes d’adoration occupaient ses
jours et ses nuits. Sa recherche de la science était sans repos. Il passa énormément de temps à
apprendre les versets du Coran et à essayer de comprendre la profondeur du message. Quand
il se rendit compte que le commerce et les affaires venaient troubler ses actes d’adoration et
l’empêchaient de participer aux cercles d’apprentissage, il y réduisit sa participation sans
hésitation ni regret. Quelqu’un vint lui demander pourquoi il faisait tout cela et il répondit :

"J’étais marchand avant de prêter serment au Messager de Dieu, Qu’Allah le bénisse et lui
accorde la Paix. Puis je suis devenu musulman, j’ai voulu combiner le commerce et
l’adoration mais je n’ai pas pu atteindre ce que je désirais. Alors j’ai abandonné le commerce
et je me suis tourné vers l’adoration. Par celui dont l’âme d’Abû Ad-Dardâ’ est entre ses main,
ce que je veux c’est avoir une boutique près de la porte de la mosquée afin de ne rater aucune
prière en commun. Puis je vendrai et achèterai et ferai de modestes profits chaque jour. Je ne
suis pas en train de dire qu’Allah Le Très Haut et Le Majestueux a interdit le commerce, mais
je veux être parmi ceux que ni le commerce ni les ventes ne distraient du souvenir de Dieu".

Non seulement Abû Ad-Dardâ’ participa moins au commerce, mais il abandonna également
son style de vie jusque-là luxurieux. Il se contenta seulement du strict minimum et portait des
vêtements simples et suffisants pour couvrir son corps.

Une fois, un groupe de musulmans vinrent passer la nuit avec lui. La nuit était assez froide. Il
leur offrit une nourriture chaude qu’ils acceptèrent.

Il alla dormir mais ne leur donna aucune couverture. Ils se demandèrent avec inquiétude
comment ils allaient dormir par une nuit si froide. L’un d’entre eux dit : "Je vais aller lui
parler"." Ne le dérange pas", dit un autre.

Cependant, l’homme alla trouver Abû Ad-Dardâ’ et s’arrêta au pas de sa porte. Il vit Abû Ad-
Dardâ’ allongé. Sa femme était assise près de lui. Ils portaient tous deux des vêtements légers
qui ne pouvaient pas les protéger du froid, et ils n’avaient aucune couverture. Abû Ad-Dardâ’
dit à son invité : " Si nous avions quoi que ce soit, nous vous l’aurions donné".

Pendant le Califat de ’Omar, ce dernier voulut nommer Abû Ad-Dardâ’ gouverneur de la Syrie
mais Abû Ad-Dardâ’ refusa. `Omar insista et Abû Ad-Dardâ’ dit :

" Si tu es d’accord pour que je leur apprenne le Livre de leur Seigneur et la Sunnah de leur
Prophète et que je prie avec eux, alors j’irai".

Omar lui donna son accord et Abû Ad-Dardâ’ partit pour Damas. Là, il trouva des gens qui se
complaisaient dans le luxe et il fût consterné. Il appela les gens à se rendre à la mosquée et
leur parla :

" Ô, habitants de Damas ! Vous êtes mes frères en religion, nous sommes voisins et nous nous
aidons mutuellement contre les ennemis. Ô habitants de Damas ! Qu’est-ce qui vous empêche
d’avoir de l’affection pour moi et de répondre à mon conseil alors que je ne demande rien de
votre part ? Je vois ceux parmi vous qui apprenaient quitter cette terre alors que les ignorants
parmi vous n’apprennent pas. Je vois que vous penchez vers des choses auxquelles Allâh vous
a rendu sensibles et vous délaissez

ce qu’Il vous a ordonné de faire. Je vous vois assembler et amasser ce que vous ne mangez
pas, ériger des bâtiments dans lesquels vous ne vivez pas et maintenir de vains espoirs envers
des choses que vous ne pouvez atteindre. Les gens avant vous ont amassé des richesses et
avaient de grands espoirs. Mais peu de temps après, tout ce qu’ils avaient amassé fût détruit,
leurs espoirs s’éteignirent et leurs demeures devinrent des tombes. Tel fût le peuple des ’Ad,
Ô habitants de Damas. Ils emplirent la terre de biens et d’enfants. Qui aujourd’hui m’achètera
pour seulement 2 dirhams tout ce qui reste des ’Ad ?".

Les gens se mirent à pleurer et leurs pleurs se firent entendre jusqu’en dehors de la mosquée.
Depuis ce jour, Abû Ad-Dardâ’ se mit à fréquenter les lieux de réunions des habitants de
Damas. Il se promenait dans leurs marchés, enseignant, répondant à des question pour essayer
de secouer toute personne devenue inconsciente et insensible. Il saisissait chaque opportunité,
chaque occasion pour réveiller les gens et les mener vers le droit chemin.

Une fois, il passa devant un groupe de personnes qui encerclaient un homme qu’ils
commencèrent à insulter et à frapper. Il arriva et dit : " Quel est le problème ? ". " C’est un
homme qui a commis un grave péché", répondirent-ils.

" Que pensez-vous que vous auriez fait s’il était tombé dans un puits ? " demanda Abû Ad-
Dardâ’, " N’auriez-vous pas essayé de l’en sortir ? ". "Certainement !" dirent-ils. " Ne
l’insultez pas et ne le frappez pas mais avertissez-le et amenez-le se rendre compte de ce qu’il
a fait. Puis louez Dieu Qui vous a préservé de tomber dans un tel péché". "Ne le détestes-tu
pas ?" demandèrent-ils à Abû Ad-Dardâ’. " Je déteste seulement ce qu’il a fait, et s’il
abandonne un tel péché,

alors il est mon frère". L’homme se mit à pleurer et annonça publiquement son repentir.

Une autre fois, un jeune vint à Abû Ad-Dardâ’ et dit : " Donne-moi un conseil, Ô compagnon
du Messager de Dieu ", et Abû Ad-Dardâ’ lui dit :
" Mon fils, souviens-toi d’Allah dans les bons moments et Il se rappellera de toi dans ton
malheur. Mon fils, sois savant, recherche la connaissance, sois à l’écoute et ne sois pas
ignorant ou tu sera perdu. Mon fils, fais de la mosquée ta demeure car j’ai entendu le
Messager de Dieu dire : " La mosquée est la demeure de tous ceux qui se rappellent Allah et
Allah le Tout-Puissant a garanti la sérénité, le confort, Sa Miséricorde et une voie vers Sa
satisfaction à tous ceux pour qui la mosquée est une demeure".

Une autre fois, il y avait un groupe de personnes assises, en train de discuter et de regarder les
passants. Abû Ad-Dardâ’ vint à eux et dit :

" Mes fils, le monastère du musulman est sa maison dans laquelle il se contrôle et abaisse le
regard. Prenez garde car le fait de s’asseoir dans les marchés vous fait gaspiller votre temps
dans des futilités. "

Alors qu’Abû Ad-Dardâ’ était à Damas, Mu`âwiyah Ibn Abî Sufyân, le gouverneur, lui
demanda de donner sa fille comme épouse à son fils Yazîd. Abû Ad-Dardâ’ ne donna pas son
accord. Il donna sa fille en mariage à un jeune homme parmi les pauvres dont le
comportement et l’attachement à l’Islam lui plaisait. Les gens entendirent parler de ce fait et
se demandèrent pourquoi Abû Ad-Dardâ’ avait refusé de marier sa fille à Yazîd. Cette
question fût lui fût posée directement et il répondit : " J’ai simplement pensé faire ce qui est
bien pour Ad-Dardâ’ (c’était le nom de sa fille)".

"Comment cela ? " demanda-t-on.

" Que penseriez-vous d’Ad-Dardâ’ si des domestiques devaient rester en sa présence pour la
servir et si elle devait se trouver dans de beaux palais qui font briller les yeux ?
Qu’adviendrait-il de sa religion ? "

Alors qu’Abû Ad-Dardâ’ était encore en Syrie, le Calife ’Omar partit faire une inspection de
la région. Une nuit, il rendit visite à Abû Ad-Dardâ’ dans sa demeure. Il n’y avait pas de
lumière dans la maison. Abû Ad-Dardâ’ accueilla le Calife et le fit s’asseoir. Les deux
hommes conversèrent dans le noir. Alors qu’ils discutaient, ’Omar sentit l’oreiller d’Abû Ad-
Dardâ’ et se rendit compte qu’il s’agissait d’une selle. Il toucha l’endroit où Abû Ad-Dardâ’
s’allongeait pour dormir et réalisa qu’il n’y avait que des cailloux. Il sentit aussi le drap avec
lequel il se couvrait et fût étonné de voir qu’il était si fin qu’il ne pouvait sûrement pas le
protéger du froid de Damas. Il lui demanda :

" Puis-je rendre ce lieu plus confortable pour toi ? Puis-je te faire parvenir quelque chose ? "

" Te rappelles-tu, ’Omar, dit Abû Ad-Dardâ’, un hadith du Prophète, qu’Allah le bénisse et lui
accorde la Paix ? ". " Quel est-il ?", demanda ’Omar. "N’a-t-il pas dit : faites que ce qui est
suffisant pour quiconque d’entre vous en ce monde soit comme la provision emportée par un
cavalier".

"Oui", dit ’Omar. " Et qu’avons-nous fait après cela, Ô ’Omar ? " demanda Abû Ad-Dardâ’.

Les deux hommes se mirent à pleurer en pensant aux vastes richesses parvenues sur le chemin
des musulmans avec l’expansion de l’Islam, et leur préoccupation pour l’amassement des
richesses et les possessions de ce bas monde. Dans une profonde peine et une grande tristesse,
les deux hommes continuèrent à réfléchir sur cette situation jusqu’au lever du jour.

P.-S.
Traduit de "Companions of The Prophet" , Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid.

Abd Allâh Ibn `Abbâs, que Dieu l’agrée


dimanche 24 février 2002

Abd Allâh était le fils d’Al-’Abbas (qu’Allah les agrée tous deux), un des oncles du Prophète
(Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui). Il est né seulement 3 ans avant l’Hégire (c’est à dire
environ en 619 de l’ère chrétienne). A la mort du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur
lui), Abd Allâh n’avait ainsi que 13 ans .

A sa naissance, sa mère l’emmena au Saint Prophète d’Allah (Paix et Bénédiction d’Allâh sur
lui) afin qu’il mette un peu de sa propre salive sur la langue du bébé avant que celui-ci n’ait
pris le sein de sa mère. Ce fut le début d’une étroite et intime relation entre Al-’Abbas,
qu’Allâh l’agrée, et le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) qui promettait, toute leur
vie durant, amour et dévotion !

Quand Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, atteint l’âge de raison, il se dévoua au service du
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui). Il courait rapporter de l’eau au Prophète (Paix
et Bénédiction d’Allâh sur lui) lorsque celui-ci voulait faire ses ablutions. Pendant la prière, il
restait derrière le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) et quand le Prophète (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui) partait en voyage ou en expédition il le suivait au pas. Abd Allâh
devint ainsi l’ombre du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui), constamment en sa
compagnie.

Dans toutes ces situations, il était attentif et alerte quels que soient les faits et dires dur
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui). Son cœur était enthousiaste et son jeune esprit
était pur et disponible, mémorisant ainsi les mots du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh
sur lui) avec la capacité et la précision d’un appareil d’enregistrement. Dans cette voie et à
travers ses constantes recherches postérieures, comme nous avons pu le voir, Abd Allâh devint
l’un des plus érudits compagnons du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui)
conservant au nom des générations futures de musulmans, les inestimables propos du
Messager d’Allâh (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui).

Le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) considérait Abd Allâh comme un enfant
proche de lui (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui). Lui donnant une tape sur l’épaule, le
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) fit une invocation pour lui :
" Ô Allah, donne-lui une profonde compréhension de la religion de l’Islam et instruis-le dans
l’explication et l’interprétation des choses".

Il y eut ensuite beaucoup d’occasions où le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui)
répéta cette invocation ou prière pour son cousin et dès lors Abd Allâh Ibn ’Abbas, qu’Allâh
l’agrée, comprit que sa vie devait être vouée à la recherche de l’apprentissage et du savoir.

De plus, le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) ne se contenta pas de demander à
Allah qu’Il lui accorde la connaissance et la compréhension mais aussi la sagesse. Abd Allâh,
qu’Allâh l’agrée, raconta l’incident suivant à propos de lui : " Une fois, le Prophète (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui), était sur le point de faire ses ablutions. Je me pressai afin de lui
amener de l’eau à cet effet. Il (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) était ravi de ce geste de ma
part. Au moment où il (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) alla commencer à prier, il (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui) me fit signe de me poster à ses côtés. Cependant, je restai
derrière lui. Une fois la prière terminée, il (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) se retourna
vers moi et dit : " qu’est ce qui t’a empêché de venir prier à côté de moi, ô Abd Allâh ? " Tu
es bien trop illustre et éminent à mes yeux pour que je me place côte à côte avec toi, répliquai-
je ! ". Levant ses mains vers le ciel, le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) fit cette
invocation : " Ô Allah, accorde-lui la sagesse". Cette invocation du Prophète (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui) fut indubitablement accordée au jeune Abd Allâh, qu’Allâh
l’agrée, et prouve une fois de plus qu’il, qu’Allâh l’agrée, possédait une sagesse bien au-delà
de son age. Mais cette sagesse ne vint qu’avec de la dévotion et une avide recherche de
connaissance à la fois du vivant du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) et après sa
mort.

Du vivant du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui), Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, était
assidu à toutes les assemblées du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) et mémorisait
tout, quoi qu’il (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) dise.

Après la mort du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui), il, qu’Allâh l’agrée, prit soin
de se rendre chez le plus de compagnons possibles et particulièrement ceux qui connaissaient
le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) depuis longtemps et il apprenait de ces gens-
là ce que le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) leur avait enseigné.

Chaque fois qu’il, qu’Allâh l’agrée, entendait parler d’une personne connaissant un hadith du
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) que lui ne connaissait pas, il allait rapidement
voir cette personne pour l’apprendre d’elle.

Il soumettait ensuite ce hadith quel qu’en soit son contenu à un examen minutieux et le
comparait avec d’autres sources. Il allait chez pas moins de trente compagnons afin de vérifier
un seul hadith.

Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, a rapporté ce qu’il fit alors qu’il entendit qu’un compagnon du
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) possédait un hadith qui lui était inconnu : "
J’allai chez lui au moment de la sieste de l’après-midi et déployai ma cape au pas de sa porte.
Ce mouvement déplaça une masse de poussière sur moi (alors que je m’assis pour l’attendre).
Si je l’avais voulu j’aurais pu lui demander sa permission d’entrer et il me l’aurait
certainement autorisé. Mais je préférai l’attendre et le laisser ainsi bien se reposer. Sortant de
chez lui et me voyant dans cet état (poussiéreux) il dit : Ô cousin du Prophète ! Que t’arrive-t-
il ? Si tu m’avais fait demander, je serais venu te voir. C’était à moi de venir à toi, tout comme
on doit aller à la connaissance et non le contraire ! dis-je. Je lui demandai alors le hadith et
l’appris".

De cette façon, le consciencieux Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, demandait encore, demandait
toujours et demandait continuellement. Et il examinait et passait au peigne fin les
informations qu’il avait collectées avec son esprit enthousiaste et méticuleux.

Abd Allâh, que Dieu l’agrée, n’était pas un expert uniquement dans le domaine du Hadîth. Il
s’était consacré à l’acquisition de savoir dans une large variété de domaine. Il avait une
admiration particulière pour les personnes comme Zayd Ibn Thabit, qu’Allah l’agrée, le scribe
de la Révélation, le principal juge et jurisconsulte (faqih) de Médine, un expert dans les droits
régissant l’héritage et dans la récitation du Coran. Lorsque Zayd prévoyait de partir en
voyage, le jeune Abd Allâh se tenait humblement à ses côtés et prenant les rênes de sa
monture ; il adoptait l’attitude d’un serviteur à l’égard de son maître.

Zayd lui disait alors : " Ne fais pas ça ô cousin du Prophète ! ". "C’est ainsi que l’on nous a
ordonné de traiter les plus érudits d’entre nous", disait Abd Allâh. Et Zayd lui répondait : "
Laisse-moi voir ta main ". Abd Allâh tendait sa main. Zayd la prenant, l’embrassait et disait :
" c’est ainsi que l’on nous a ordonnés de traiter les membres de la maison du Prophète (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui)".

Lorsque le savoir de Abd Allâh s’accrut, sa réputation s’aggrandit par la même. Masrûq Ibn
Al-Ajda` disait de lui : " Chaque fois que je voyais Ibn ’Abbas, je disais : il est le plus beau
des hommes. Et quand il parlait, je disais : il est le plus éloquent des hommes. Et quand il
avait une conversation, je disais : il est le plus érudit des hommes".

Le Calife ’Omar IIbn Al-Khattâb, qu’Allah l’agrée, lui demandait souvent conseil pour
d’importants problèmes étatiques et le décrivait comme "le jeune homme de maturité".

Sa’d Ibn Abî Waqqâs le décrivait avec ces mots : " Je n’ai jamais vu quelqu’un qui comprenait
aussi rapidement, qui était plus érudit, et plus sage qu’Ibn ’Abbas. J’ai vu ’Omar le convoquer
afin de discuter de problèmes difficiles en présence de vétérans de Badr parmi les Muhajirîn
(ceux qui avaient quitté La Mecque pour Médine, qu’Allah les agrée tous) et des Ansars
(Auxiliaires Médinois ayant accueilli les Muhajirines chez eux, qu’Allah les agrée eux aussi).
Ibn ’Abbas, qu’Allah l’agrée, parlait, et ’Omar prenait en considération ce qu’il disait".

Ce sont ces qualités qui faisaient que Abd Allâh Ibn ’Abbas, qu’Allâh l’agrée, était connu
comme " l’érudit de cette Ummah (communauté). Abd Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée, ne
se contentait pas d’accumuler le savoir. Il sentait qu’il avait un devoir envers la Ummah ;
d’éduquer les croyants dans la recherche du savoir. Il devint professeur et sa maison devint
une université ; oui, une université au sens large du terme, une université avec un
enseignement spécifique à la seule différence qu’il n’y avait qu’un seul professeur : Abd Allâh
Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée,.

Il y avait une réaction positive vis-à-vis des cours dispensés par Abd Allâh. Un de ses
compagnons a dépeint une scène typique se passant devant sa maison : " Je voyais les gens
converger sur les routes principales menant à la maison d’Ibn `Abbâs jusqu’à ce qu’il n’y ait
plus de place devant sa maison. J’allai chez lui pour l’en informer et il me dit : apporte-moi de
l’eau pour mes ablutions. Il fit ses ablutions et, en s’asseyant, il dit : sors et dis-leur :
quiconque a des questions à propos du Coran ou sa récitation qu’il entre. De nouveau sa
maison était pleine et Abd Allâh répondit et fournit plus d’informations que ce qu’il lui était
demandé.Et ainsi de suite avec des groupes d’autres personnes venant pour discuter de Fiqh
(jurisprudence) du halâl (licite) et du haram (illicite), des jugements légaux régissant
l’héritage, de la langue arabe, de la poésie et d’étymologie.

Pour éviter la congestion avec toutes les assemblées venant pour discuter de sujets variés en
un seul jour, Abd Allâh décida de consacrer exclusivement un jour par discipline différente.
Un jour, seule l’exégèse du Coran était enseignée tandis qu’un autre jour seul le Fiqh
(jurisprudence). Les maghâzî (histoire des épopées guerrières de l’Arabie) ou les expéditions
du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui), la poésie, l’Histoire Arabe de la période
pré-islamique (jâhiliyyah) : un jour spécifique était dédié à chacune des disciplines.

Abd Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée, complétait son enseignement par une puissante
mémoire et une formidable intelligence. Ses explications étaient précises, claires et logiques.
Ses arguments étaient persuasifs et renforcés par des textes pertinents et des faits historiques.

C’est sous le Califat d’Ali Ibn Abî Talib que Abd Allâh Ibn `Abbâs (qu’Allah les agrée tous
deux) eut l’occasion d’utiliser son extraordinaire force de persuasion. Un grand nombre de
défenseurs d’Ali dans son opposition à Mu’awiyah l’ont tout simplement abandonné. Abd
Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée, alla voir Ali, qu’Allâh l’agrée, et lui demanda la
permission d’aller parler à ces gens. Ali hésita, craignant que Abd Allâh ne fût en danger entre
leurs mains, mais finalement Alî laissa libre cours à l’optimisme de Abd Allâh qui était sûr
que rien n’arriverait !

Abd Allâh alla jusqu’au groupe en question. Il les trouva absorbés par le culte. Certains
n’étaient pas d’accord pour le laisser parler mais d’autres étaient prêts à lui tendre l’oreille.

" Dites-moi, demanda Abd Allâh, quel grief avez-vous à l’égard du cousin du Prophète (Paix
et Bénédiction d’Allâh sur lui), le mari de sa fille et le premier de ceux qui ont cru en lui (Paix
et Bénédiction d’Allâh sur lui) ? ".

Les hommes se mirent à énumérer trois causes principales de leur mécontentement à


l’encontre d’Ali Ibn Abî Talib, qu’Allâh l’agrée,. Premièrement, le fait qu’il nomma des
hommes comme juges pour trancher sur une question dont le jugement ne revenait qu’à Allah
(Exalté soit-Il). C’est à dire que Ali avait accepté l’arbitrage d’Abû Mûsâ Al-Ash`arî et de
’Amr Ibn al ’Âs dans son conflit avec Mu’awiyah. Deuxièmement, le fait qu’il ait livré
bataille sans pour autant récupérer du butin ou constituer des prisonniers de guerre.
Troisièmement, le fait qu’il n’ait pas exigé le titre de Prince des Croyants pendant l’arbitrage
bien que les musulmans lui aient prêté serment d’allégeance et qu’il était leur Calife !
A leurs yeux, il y avait manifestement un signe de faiblesse alors qu’Ali Ibn Abî Talib,
qu’Allâh l’agrée, était prêt à apporter sa position légitime en tant que Prince des croyants dans
ce discrédit .

En réponse à cela, Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, demanda s’il leur citait des versets du Coran
et des paroles du Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) pour lesquels ils n’avaient
aucune objection et qui seraient en rapport avec leurs critiques, seraient-ils prêts à revoir leur
position.

Il répondirent que oui, et Abd Allâh commença donc : " Concernant votre avis sur le fait
qu’Ali avait nommé des hommes pour juger une affaire n’appartenant qu’au jugement d’Allah
(Exalté soit-Il). Allah (Exalté soit-Il) dit dans le Coran : " Ô les croyants ! Ne tuez pas de
gibier pendant que vous êtes en état d’Ihram (sacralisation). Quiconque parmi vous en tue
délibérément, qu’il compense alors, soit par quelque bête de troupeau, semblable à ce qu’il a
tué, d’après le jugement de deux personnes intègres parmi vous. " (Sourate 5 / verset 95) Je
vous en prie alors, par Allah ! Est-ce que le jugement des hommes pour des questions
touchant à

la préservation de leur sang et de leur vie et concernant la paix entre les hommes ne méritent
pas plus d’attention que le jugement à propos d’un lapin valant un quart de dirham ? "

Ils répondirent bien sûr que le jugement était plus important dans le cadre de la préservation
des vies des croyants et dans l ’établissement de la paix entre eux que pour celui de tuer un
gibier dans l’enceinte sacrée (pendant le pèlerinage), chose pour laquelle Allah (Exalté soit-Il)
sanctionne le jugement des hommes.

" En avons-nous fini avec cette question ? ", demanda Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée,, et ils
répondirent : " Allâhumma na`am ! (Ô Allah oui !). Abd Allâh poursuivit : " Sur le fait qu’Ali
avait livré bataille sans pour autant constituer de prisonniers de guerre comme d’ailleurs le
Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) fit ! Voulez-vous vraiment prendre votre Mère
`Â’isha [la Mère des Croyants] comme captive et la traiter comme telle ?? Si votre réponse est
oui, c’est que vous êtes tombés dans le kufr (la mécréance). Et si vous dites que `Âïcha n’est
pas votre Mère, vous tomberiez aussi dans le kufr car Allah (Exalté soit-Il) a dit : " Le
Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes ; et ses épouses sont
leurs mères "(en terme de respect et de considération). (Sourate 33 / verset 6).

" Choisissez pour vous ce que vous voulez " dit Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, puis il leur
demanda : " En avons-nous fini avec cette question ? ", et à ce moment-là ils répondirent : "
Allâhumma na`am ! (Ô Allah oui !)".

Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, continua : " Quant à votre prise de position sur le fait qu’Ali a
abandonné le titre de Prince des Croyants, rappelez-vous que le Prophète (Paix et Bénédiction
d’Allâh sur lui) lui-même, au cours de la ratification du pacte de Hudaybiyyah, exigea que
l’on y écrive : " Ceci a été admis par le Messager de Dieu…. ". Mais Suhayl porte-parole des
polythéistes, dit alors : " Si nous avions été convaincus que tu étais un Messager de Dieu,
nous ne t’aurions pas bloqué l’accès à la Ka`bah, ni ne t’aurions combattu ! Ecris plutôt : "
Muhammad Ibn Abd Allâh". Et le Prophète (Paix et Bénédiction d’Allâh sur lui) accepta en
disant : " Par Allah, je suis le Messager d’Allâh même s’ils le nient ! ". A ce moment-là, Abd
Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée, demanda aux dissidents : " En avons-nous fini avec la
question ? ". Et ils répondirent
encore une fois : "Allahumma na`am ! (Ô Allah, oui !).

Un des fruits de cette confrontation verbale durant laquelle Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée,
exposa sa parfaite connaissance du Coran et de la Sîrah (biographie) du Prophète (Paix et
Bénédiction d’Allâh sur lui) tout comme ses capacités remarquables d’argumentation et de
persuasion, fut que la majorité, environ vingt mille hommes, rejoignirent les rangs d’Ali.
Environ quatre mille cependant restèrent obstinés. Ces derniers furent bientôt connus sous le
nom de khawârij ou "kharijites".

A cette occasion comme à d’autres, le courageux Abd Allâh, qu’Allâh l’agrée, prouva qu’il
préférait la paix à la guerre, mais aussi la logique à la force et la violence. Cependant, on ne le
connaissait pas que pour son courage, sa réflexion intuitive et son vaste savoir. On le
connaissait aussi pour son immense générosité et sa grande hospitalité. Certains de ses
contemporains dirent à propos de lui : " Nous n’avons jamais vu une maison plus fournie en
nourriture, ou en boisson, ou en fruits ou même en savoir que celle d’Ibn `Abbâs ! "

Il ressentait un intérêt sincère et durable pour les gens. Il était attentionné et prévenant. Une
fois, il dit : " Lorsque j’ai réalisé l’importance d’un verset du Livre d’Allah (Exalté soit-Il),
j’ai prié pour que tout le monde sache ce que je savais ! Lorsque j’entends parler d’un
dirigeant musulman qui distribue et partage équitablement et qui règne justement, je suis
heureux à son égard et prie pour lui. Lorsque j’entends dire que des pluies s’abattent sur la
terre des musulmans, cela me remplit de joie...".

Abd Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allâh l’agrée, était constant et régulier dans sa dévotion. Il
multipliait le jeûne surérogatoire dans l’année et passait souvent ses nuits en prières. Il
pleurait lors de ses prières et de ses récitations coraniques. Et quand il récitait des versets
parlant de la mort, de la résurrection et de la vie dans l’au delà, sa gorge se resserrait et de
profonds sanglots lui rendaient la récitation difficile.

Abd Allâh Ibn `Abbâs, qu’Allah l’agrée, mourut à l’âge de 71 ans dans la ville montagneuse
de Ta’if.

P.-S.
Traduit de "Companions of The Prophet", Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid.

Amr Ibn Al-Jamûh, que Dieu l’agrée


lundi 25 février 2002

`Amr Ibn Al-Jamûh était un des dirigeants de Yathrib au temps de l’ignorance pré-islamique
(Jâhiliyyah). Il était le chef du clan des Banû Salamah et était connu pour être une des
personnes les plus généreuses et les plus vaillantes de la ville.

Un des privilèges des dirigeants de la ville consistait à disposer d’une idole à soi dans sa
maison. Cette idole était sensée bénir le chef dans tout ce qu’il entreprendrait. Le maître de
maison, quant à lui, lui offrait des sacrifices à certaines occasions et recherchait son aide dans
les moments difficiles. L’idole de `Amr Ibn Al-Jamûh s’appelait Manât. Il l’avait faite à partir
d’un bois très précieux et rare. Il dépensait beaucoup de temps, d’argent et d’attention afin de
s’occuper d’elle et avait pour habitude de l’oindre avec les parfums les plus exquis.

`Amr avait presque soixante ans quand les premiers rayons de la lumière de l’Islam ont
commencé à pénétrer les cœurs des habitants de Yathrib. La nouvelle foi leur était présentée
par Mus`ab Ibn `Umayr, le premier missionnaire envoyé à Yathrib avant l’Hégire (hijrah).
C’est par lui que les trois fils de `Amr - Muawwadh, Mu`âdh et Khallâd - sont devenus
musulmans. Un de leurs contemporains était le célèbre Mu`âdh Ibn Jabal. L’épouse de `Amr,
Hind, s’est convertie à l’Islam tout comme ses trois fils mais `Amr ne sut rien de tout ceci.

Hind voyait bien que les gens de Yathrib étaient gagnés par le Message l’Islam et qu’aucun
des dirigeants de la ville ne demeurait désormais idolâtre exceptés son mari et quelques rares
individus. Elle aimait son mari tendrement et était fière de lui mais elle redoutait qu’il rende
l’âme en état de mécréance (kufr) et qu’il finisse dans le Feu de l’Enfer.

Pendant ce temps, `Amr commençait à se sentir mal à l’aise. Il craignit que ses fils renoncent
à la religion de leurs ancêtres et qu’ils suivent l’enseignement de Mus`ab Ibn `Umayr qui, en
très peu de temps, avait convaincu de nombreuses personnes de se détourner de l’idolâtrie et
d’embrasser la religion de Muhammad (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). Ainsi, `Amr dit à
son épouse :

" Fais attention à ce que tes enfants n’entrent pas en contact avec cet homme (Mus`ab Ibn
`Umayr) avant que nous nous fassions une opinion sur lui".

"A tes ordres, répondit-elle, mais aimerais-tu entendre de ton fils Mu`âdh ce qu’il rapporte de
cet homme ?"

" Malheur à toi ! Mu`âdh s’est-il détourné de sa religion sans que je n’en sache rien ? "

La femme eut pitié du vieil homme et lui dit :

" Pas du tout. Mais il a assisté à des réunions avec ce missionnaire et a appris par cœur
certaines des choses qu’il enseigne".

" Dis-lui de venir ici" dit-il. Lorsque Mu`âdh vint, il lui ordonna :

" Fais-moi entendre un exemple de ce que cet homme prêche". Mu`âdh récita la Fatiha (le
chapitre d’ouverture du Coran) : "

" La louange est à Dieu, Seigneur-et-Maître des univers. Le Miséricordieux par essence et par
excellence. Roi du jour de la rétribution. C’est Toi que nous adorons et c’est de Toi que nous
implorons le secours. Guide-nous sur le droit chemin. Le chemin de ceux que Tu as touchés
de Ta grâce, et non de ceux qui ont encouru ta colère, ni des égarés".

" Quelle perfection ! Que cela est beau ! " s’écria le père. " Est-ce que tout ce qu’il dit est
ainsi ? "

" Oui mon père. Souhaitez-vous lui prêter l’allégeance ? Tous les vôtres l’ont déjà fait",
supplia Mu`âdh.
Le vieil homme resta silencieux pendant un moment puis il dit , " Je n’en ferai rien jusqu’à ce
que je consulte Manât et voie ce qu’elle en dit".

" Que peut bien vous dire Manât, père ? C’est seulement un morceau de bois. Il ne peut ni
penser ni parler".

Le vieil homme répliqua brusquement, " Je t’ai dit que je ne ferai rien sans elle".

Un peu plus tard le même jour, `Amr alla auprès de Manât. Il était d’usage chez les idolâtres
de placer une femme âgée derrière l’idole quand ils souhaitaient lui parler. Celle-ci répondait
à la place de l’idole qui l’inspirait pensaient-ils. `Amr se tint devant l’idole de façon
respectueuse et lui adressa d’abondantes louanges. Puis il dit :

" O Manât, nulle doute que tu sais que ce propagandiste qui nous a été envoyé de la Mecque
n’a pour but que celui de te nuire, toi et personne d’autre. Il est seulement venu pour nous
empêcher de t’adorer. Je ne veux pas lui prêter allégeance malgré les belles paroles qu’on m’a
rapportées de lui. Je suis venu pour que tu me conseilles. Je t’en prie, éclaire-moi".

Il n’y eut aucune réponse de la part de Manât. `Amr continua :

" Peut-être es-tu fâchée. Mais jusqu’à présent, je n’ai fait rien fait qui puisse te contrarier.
Cela ne fait rien, j’attendrai quelques jours que ta colère se dissipe".

Les fils de `Amr savaient l’à quel point leur père dépendait de Manât et comment avec le
temps il était devenu presque une partie de l’idole. Ils ont réalisé cependant que la place
qu’elle occupait dans son cœur était remise en question et qu’ils devaient l’aider à s’en
débarrasser. Cela devait être son chemin vers la foi en Dieu (Exalté et Glorifié Soit-Il).

Une nuit les fils de `Amr allèrent avec leur ami Mu`âdh Ibn Jabal auprès de Manât, prirent
l’idole de l’endroit où elle se trouvait puis la jetèrent dans un puits appartenant aux Banû
Salamah. Ils retournèrent chez eux sans que quiconque ne sache ce qu’ils avaient fait. Lorsque
`Amr se réveilla le matin suivant, il alla présenter ses respects à l’idole mais ne la trouva pas.

" Malheur à vous !", cria-t-il. " Qui a attaqué notre dieu la nuit dernière ?! "

Personne ne répondit. Il se mit à rechercher l’idole, écumant de rage et menaçant les


responsables de ce acte. Il finit par trouver l’idole dans le puits tête en bas, gisant à l’envers. Il
la lava, la parfuma et la remit à sa place habituelle en disant : " Si je découvre qui t’a fait ceci,
je l’humilierai".

La nuit suivante les jeunes hommes réservèrent le même sort à l’idole. Le vieil homme la
récupéra, la lava et la parfuma comme il l’avait fait auparavant et la remit à sa place. Ceci se
produisit plusieurs fois jusqu’à ce qu’une nuit, `Amr lui attacha une épée au cou et lui dit :

" O Manât, je ne sais pas qui te fait ceci. Si tu as quelque pouvoir, défends-toi contre ce mal.
Voici une épée pour toi".

Les jeunes attendirent qu’`Amr soit endormi. Ils prirent l’épée du cou de l’idole puis jetèrent
cette dernière dans le puits. `Amr retrouva l’idole face contre terre dans le puits sans qu’il n’y
ait aucune trace de l’épée. Enfin, il fut convaincu que l’idole n’avait aucun pouvoir et qu’elle
ne méritait pas d’être adorée. Peu de temps après il se convertit à l’Islam.

`Amr goûta bientôt à la douceur de l’imaân (foi) en Dieu (Exalté et Glorifié Soit-Il) l’Unique.
En même temps il ressentit une grande douleur et une terrible angoisse à la pensée de chaque
moment qu’il avait passé dans l’idolâtrie. Son acceptation de la nouvelle religion fut totale : il
se mit lui-même ainsi que sa richesse et ses enfants au service de Dieu (Exalté et Glorifié
Soit-Il) et de son Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui).

On put voir l’ampleur de sa dévotion durant la période de la bataille d’Uhud. `Amr regarda
ses trois fils se préparer à la bataille. Il vit ces trois jeunes hommes déterminés totalement
habités par le désir de gagner le martyre, le succès et la satisfaction de Dieu. La scène eut un
grand effet sur lui et il décida d’aller avec eux combattre sous la bannière du Messager de
Dieu. Les jeunes gens, cependant, étaient résolument contre cette idée. En effet, `Amr était
d’un âge très avancé et extrêmement faible.

" Père, dirent-ils, assurément Dieu vous a pardonné. Alors pourquoi vous infligez-vous un tel
fardeau ? "

Le vieil homme se mit en colère et alla immédiatement auprès du Prophète, Paix et


Bénédiction de Dieu sur lui, se plaindre au sujet de ses fils :

" O Messager de Dieu ! Mes fils ici veulent me tenir loin de cette source de bien qu’est le
jihâd et disent que je suis vieux et faible. Par Dieu, j’espère atteindre le paradis de cette façon
même si je suis vieux et infirme".

" Laissez-le, dit le Prophète à ses fils, peut-être que Dieu (Exalté et Glorifié Soit-Il), le
Puissant et le Grand, lui accordera le martyre".

Le moment vint de rejoindre la bataille. `Amr fit ses adieux à son épouse, se tourna vers la
qiblah et pria :

" O Seigneur, accorde-moi le martyre, ne me renvoie pas auprès de ma famille avec mes
espoirs anéantis".

Il rejoignit la ses trois fils et un grand nombre de membres de sa tribu, les Banû Salamah.

Tandis que la bataille faisait rage, on put voir `Amr sur les premières lignes du front, sautillant
sur sa jambe valide (son autre jambe était en partie boiteuse), criant :

" Je désire le paradis, je désire le paradis".

Son fils Khallâd resta derrière lui et tous deux combattirent courageusement pour la défense
du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) tandis
que beaucoup d’autres musulmans abandonnèrent, préférant le butin au combat. Le père et le
fils tombèrent sur le champ de bataille et moururent presque en même temps .

P.-S.
Traduit de "Companions of The Prophet" , Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid
Râbi`ah Al-`Adawiyyah
mercredi 5 mars 2003

Lire la biographie de la Noble Dame Râbi`ah Al-`Adawiyyah, c’est être ballotté entre les flots
de lumière, les effluves de couleurs et l’odeur des parfums spirituels. Les événements
extérieurs de sa vie sont relativement peu nombreux... Mais les événements intérieurs, propres
à son âme céleste, sont innombrables. La raison humaine ne peut concevoir les degrés de
l’amour qu’a gravis cette femme, dans la recherche effrénée de Celui qu’elle aime...

Naissance de Râbi`ah et contexte social de


l’époque
Râbi`ah vit le jour à une époque caractérisée par l’emprise de l’apparat. Les Musulmans
avaient alors conquis la plus grande partie du monde connu. Les richesses s’amassaient chez
eux en provenance du monde entier. La distance spatio-temporelle qui les séparait de l’époque
du Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) et du temps du Califat Bien-Guidé allait
grandissant. Le faste et l’amour de la matière s’étaient installés chez eux. Bref, le moment
était venu pour qu’une voix nouvelle retentît de l’appel authentique et éternel, l’Appel de
Dieu...

Râbi`ah Al-`Adawiyyah naquit vers l’an 100 de l’Hégire, soit vers 719 de l’ère chrétienne, à
Bassora (Iraq). Son père, qu’elle partageait avec trois sœurs, était un homme indigent mais
dévoué à Dieu. Celui-ci mourut alors que la petite Râbi`ah avait moins de dix ans. Quelques
mois plus tard, ce fut sa mère qui fut rappelée auprès de son Seigneur. Les quatres sœurs se
retrouvèrent seules, démunies, sans personne pour les aider à surmonter la misère, la faim et
la gêne. Elles se quittèrent alors, chacune résolue à se trouver son chemin...

Bassora souffrait à cette époque d’une épidémie qui l’avait envahie, et à laquelle succéda une
période de disette. Les brigands et les bandits de grand chemin se firent de plus en plus
nombreux. L’un d’eux s’empara un jour de Râbi`ah et la vendit pour six dirhams à un très dur
commerçant.

Parcours de Râbi`ah Al-`Adawiyyah


Ce dernier chargeait Râbi`ah de tâches que sa capacité ne pouvait supporter, elle, la fillette qui
n’avait pas encore atteint l’âge de la maturité. Néanmoins, la nuit, elle se retirait, seule dans sa
chambre, pour s’en remettre des souffrances de la journée. Son repos, elle ne le trouvait ni
dans la nourriture ni dans le sommeil. Son repos, elle le trouvait dans la prière et la
supplication de Dieu. Elle faisait partie des gens sur lesquels s’appliquent le verset : « Mais
Dieu vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos cœurs et vous a fait détester la
mécréance, la perversité et la désobéissance. Ceux-là sont les bien dirigés. » (sourate 49
intitulée les Appartements, Al-Hujurât, verset 7) Quelle était cette force qui attirait ainsi cette
petite fille vers l’adoration du Créateur des cieux et de la terre ? Peut-être était-ce l’influence
spirituelle de son père lorsqu’elle était encore plus jeune.

Quoiqu’il en soit, la cause primaire de cette dévotion demeure la nature de sa personnalité, la


nature du rôle pour lequel le Ciel l’avait élue, la nature de la mission qu’elle allait devoir
accomplir à Bassora à cette époque, puis dans tout le monde musulman par la suite.

Une nuit, son maître se réveilla de son sommeil, il entendit la prière et les supplications de
Râbi`ah, et il observa discrètement, derrière la porte, ce qu’elle faisait. Farîd Ad-Dîn Al-
`Attâr, le biographe de Râbi`ah, écrit : « Il aperçut Râbi`ah prosternée, entrain de prier et de
dire : « Ô Dieu ! Toi Seul sait à quel point mon cœur désire T’obéir. La prunelle de mes yeux
sont à Ton service. Si j’avais quelque pouvoir sur moi-même, je n’aurais cessé une seule
seconde de M’adresser à Toi. Mais Tu m’as abandonnée à la merci de cette créature violente.
» Au cours de ses invocations et de sa prière, le maître aperçut au-dessus d’elle une lampe
planant entre ciel et terre. Sa lumière emplissait toute la pièce. Lorsqu’il vit cette lueur
étrange, il fut saisi de peur et il demeura là, pensif, jusqu’au lever du jour. C’est alors qu’il
appela Râbi`ah : « Râbi`ah ! Tu es libre ! Si tu le désires, tu peux rester parmi nous et nous
serons tous à ton service. Et si tu le désires, tu peux partir où tu veux. » Elle lui fit ses adieux
et partit. »

Les mosquées étaient devenues sa demeure. Tâhâ `Abd Al-Bâqî Surûr tient dans son livre
Râbi`ah Al-`Adawiyyah et la vie spirituelle en Islam les propos suivants : « Elle se mit a jouer
de la flûte dans les cercles d’invocation de Dieu et dans les lieux de rassemblement soufis.
Les soufis ne voient aucun tort à ce qu’ils composent des poèmes chantant la Gloire de Dieu
et à ce qu’ils jouent de la flûte. Pour eux, la musique permet de détendre l’âme, de faire
vibrer le cœur et de permettre à celui qui l’écoute de prendre son essor vers le ciel. » Râbi`ah
avait alors quatorze ans. Mais cette étape de sa vie ne dura pas longtemps. Son âme inclinait à
la solitude et à l’éloignement du brouhaha généralisé des hommes.

L’univers dans lequel elle aspirait à vivre était un univers à la fois vide de créatures mais plein
de la douce Proximité du Créateur. Son cœur se purifia de la matière éphémère de ce bas-
monde, il se purifia des passions, des instincts, de la peur et de l’espoir. Son cœur n’était plus
empli que de la satisfaction qu’elle affichait vis-à-vis de Dieu, et de l’envie de vouloir
atteindre le Céleste Agrément divin. Elle refusa tous les prétendants qui demandèrent sa main.
Elle n’avait pas de place à offrir dans son cœur voué exclusivement à Dieu. Et elle n’avait pas
le temps non plus de se consacrer à un autre amour que l’Amour de Dieu. L’Encyclopédie des
sciences islamiques précise : « Après avoir recouvré la liberté, Râbi`ah s’établit dans le
désert, après quoi elle se rendit à Bassora où elle rassembla autour d’elle un grand nombre
d’aspirants à la voie spirituelle et de compagnons qui s’acheminaient jusque chez elle pour
assister à ses enseignements et à ses invocations et pour écouter ses paroles. Parmi les plus
illustres de ses disciples, on peut citer Mâlik Ibn Dînâr, l’ascète Rabâh Al-Qaysî, le
spécialiste du Hadith Sufyân Ath-Thawrî et le soufi Shafîq Al-Balkhî. »

Retour à Dieu
Râbi`ah retrouva son Seigneur à l’âge de quatre-vingts ans. Toute sa vie durant, elle passa ses
nuits et ses jours emportée dans la méditation de Dieu, recherchant avec ferveur Son Amour.
Elle l’implorait sans lever ses yeux au Ciel, par crainte respectueuse de sa part.
L’Encyclopédie des sciences islamiques dit à son sujet : « Râbi`ah se distingua des soufis qui
l’avaient précédée, en ce sens que ces derniers n’étaient que des ascètes et des dévots. Quant
à elle, elle fut une véritable soufie, animée par un amour intense et débordant. Elle fut par
ailleurs la première soufie à proclamer l’Amour absolu, l’amour qui n’est entravé par aucune
passion autre que l’Amour de Dieu. Elle fut enfin la première soufie à poser l’Amour comme
source d’inspiration et d’illumination. »

Fausses conceptions au sujet de Râbi`ah Al-


`Adawiyyah
Chez de nombreuses gens, l’image gardée à l’esprit au sujet de Râbi`ah est celle d’une beauté
qui se vautra dans une vie de débauche et de luxure et qui, voyant que sa jeunesse allait
dépérissant, se tourna vers l’adoration et l’obéissance de Dieu. Cette image est fausse et
complètement déformée. Elle a été colportée par des livres tels que Râbi`ah Al-`Adawiyyah,
martyre de l’Amour divin du Docteur `Abd Ar-Rahmân Badawî, ou par des pièces de théâtre
telles celle du poète égyptien Tâhir Abû Fâshâ, La Martyre de l’Amour divin, ou encore par
l’œuvre cinématographique retraçant la vie de Râbi`ah et dont les rôles principaux sont
revenus à Nabîlah `Ubayd et à Farîd Shawqî. Toutes ces œuvres ont gravé dans les esprits
cette image erronnée de Râbi`ah. Si les nécessités de la littérature, de l’art, du théâtre ou le
besoin de satisfaire le public justifient ce que nous avons fait de Râbi`ah, alors que toutes ces
justifications aillent au diable. Nous ne voulons garder que la véritable image, innocente, pure
et lumineuse de Râbi`ah Al-`Adawiyyah.

Quelques perles et joyaux de Râbi`ah


Uhibbuka hubbayni hubbal-hawâ wa hubbal-linnaka ahlul-lidhâkâ
Fa-ammal-ladhî huwa hubbul-hawâ fa-shughlî bi-dhikrika `amman siwâkâ
Wa ammal-ladhî anta ahlul-lahu fa-kashfuka liyal-hujuba hattâ arâkâ
Fa-lal-hamdu fî dhâ wa lâ dhâka lî wa lâkil-lakal-hamdu fî dhâ wa dhâkâ

Traduction

Je T’aime de deux amours : l’amour de la passion et un Amour car Tu es digne d’Amour


Quant à l’amour de passion, il s’agit pour moi de T’invoquer, Toi Seul, en-dehors de tout
autre
Et quant à celui dont Tu es digne, il s’agit pour Toi de m’ôter le voile afin que je Te voie
La louange ne me revient ni dans celui-ci ni dans celui-là : à Toi revient la louange dans
celui-ci et dans celui-là

Si le monde entier appartenait à un seul homme, il n’en serait pas plus riche. On lui
demanda : Mais pourquoi ? Elle répondit : Car le monde est éphémère.

Ô Seigneur ! Brûleras-Tu par le Feu un cœur qui T’aime, une langue qui T’invoque et un
Serviteur qui Te craint ?

Je supporterai toutes les douleurs et je les endurerai. Mais une souffrance encore plus
terrible me travaille l’âme, sectionne les ligaments de la patience dans mon âme. Cette
souffrance trouve son origine dans un doute installé dans mon esprit : Es-Tu satisfait de
moi ? Tel est mon dessein.

Sayyidî bika taqarrabal-mutaqarribûna fil-khuluwât


Wa li-`adhamatika sabbahal-hîtânu fil-bihâriz-zâkhirât
Wa li-jalâli qudsika tasâfaqatil-amwâjul-mutalâtimât
Antal-ladhî sajada laka sawâdul-layli wa daw’un-nahâr
Wal-falakud-dawwâr
Wal-bahruz-zakhkhâr
Wal-qamarun-nawwâr
Wan-najmuz-zahhâr
Wa kullu shay’in `indaka bi-miqdâr
Li-annakal-lâhu ta`âlal-`aliyyul-qahhâr

Traduction

Mon Maître, c’est par Toi que se rapprochent, dans leur intimité, ceux qui veulent se
rapprocher de Toi
C’est à Ta Majesté que les poissons ont adressé leurs louanges dans les profondes mers
C’est pour la Magnificence de Ta Sainteté que les vagues déferlantes se sont abattues
C’est devant Toi que se prosternent l’obscurité de la nuit et la lumière du jour
Ainsi que l’orbite circulaire
Et l’océan profond
Et la lune étincelante
Et les étoiles florissantes
Tu as tout assigné à sa juste mesure
Car Tu es Dieu, le Très Haut, le Tout Puissant

Sufyân Ath-Thawrî demanda à Râbi`ah : Quelle est la réalité de ta foi ? Elle lui répondit : Je
ne L’adore pas par crainte de Son Feu, ni par amour pour Son Paradis. Je serais alors
comme le mauvais salarié. En réalité, je L’adore parce que je L’aime tellement. [1]

Râbi`ah avait l’habitude d’accomplir mille rak`ahs [2] par jour. On lui demanda : Que
recherches-tu par tant de prière ? Elle répondit : Je ne cherche pas de récompense. Je n’agis
ainsi que pour que le Messager de Dieu soit fier de moi le Jour de la Résurrection, où il dira
aux autres Prophètes : Regardez cette femme de ma Communauté, voyez son œuvre.

On demanda à Râbi`ah : Comment est ton amour pour le Messager - paix et bénédiction sur
lui ? Elle répondit : Par Dieu, je l’aime vraiment très fort. Mais l’Amour du Créateur m’a
absorbée par rapport à l’amour des créatures.

Un dévot, assistant aux enseignements de Râbi`ah, s’écria un jour : Ô Dieu, agrée-moi ! Elle
lui répondit : Si tu agrées Dieu, Il t’agréera. Il demanda : Mais comment puis-je agréer
Dieu ? Elle lui dit : Lorsque tu seras heureux des calamités qui s’abattent sur toi tout comme
tu es heureux des bienfaits qui descendent jusqu’à toi, car tout vient de la part de Dieu.

P.-S.
Cette présentation s’est appuyée sur la source fournie par le site Islamonline.net.
`Ammâr Ibn Yâsir
lundi 11 septembre 2000

Son nom : `Ammâr Ibn Yâsir Ibn `Âmir Ibn Mâlik Ibn Kinânah Ibn Qays Ibn al-Husayn Ibn
al-Wadhîm Ibn Tha`labah Ibn `Awf Ibn Hârithah Ibn `Âmir Ibn Yâm Ibn `Ans Ibn Mâlik al-
`Ansî. On le surnomme Abû al-Yaqdhân. Il est l’allié de Banû Makhzûm.

Il est l’un des premiers Qurayshites à embrasser l’Islam. Il y invita ses parents Yâsir et
Sumayyah qui adoptèrent la nouvelle religion. Il figure parmi les sept premiers musulmans à
avoir assumé ouvertement leur foi.

Sa famille toute entière fut torturée pour sa foi. Sumayyah, la mère de `Ammâr, y laissa la vie
et fut ainsi le premier martyr de l’Islam. [1] Le Prophète passait voir ses fidèles soumis à la
torture par les païens mecquois et leur apportait la bonne nouvelle du Paradis : "Patience, Ô
famille de Yâsir, votre rendez-vous est le Paradis...". `Ammâr fut tellement torturé qu’il
consentit à désavouer le prophète Muhammad et renoncer à sa foi. Une fois libéré, il alla en
pleurs voir le Prophète lui disant qu’il avait dû trahir sa religion. Le Prophète lui demanda :
"Comment était ton coeur quand tu as désavoué ta religion ?" `Ammâr répondit : "Il était plein
de sérénité dans sa foi." Le Prophète lui dit : "S’ils te torturent à nouveau, désavoue ta religion
à nouveau.", montrant ainsi qu’un désaveu arraché par la torture ne compromettait en rien le
fidèle en détresse. D’ailleurs, Dieu du haut de son royaume consola `Ammâr par le verset :
"Quiconque a renié Dieu après avoir cru... - sauf celui qui y a été contraint alors que son coeur
demeure plein de la sérénité de la foi - mais ceux qui ouvrent délibérément leur coeur à la
mécréance, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils sont destinés à un châtiment
terrible." [2]

Il émigra une première fois en Ethiopie avec les musulmans qui ont fui la persécution des
mecquois. Puis, il émigra à Médine avec toute la communauté musulmane. Il participa à
toutes les batailles avec le Prophète. Il participa également à la bataille de Yamâmah contre
Musaylamah le menteur où il perdit une oreille.

Le Calife `Umar lui assigna le gouvernorat de la région de Kûfah en rappelant à ses habitants
que `Ammâr est l’un des premiers et nobles compagnons du Prophète.

Le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - dit à son sujet : "`Ammâr est rempli de foi
jusqu’à la cime de ses cheveux". (Narré par At-Tirmidhî et Ibn Mâjah avec un isnâd hasan.)

La Mère des Croyants Aïshah narre dans Sunan At-Tirmidhî : "Chaque fois que `Ammâr eut
le choix entre deux alternatives, il choisit la plus aisée".

D’après Hudhayfah, le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - dit : "Suivez l’exemple
de mes Successeurs Abû Bakr et `Umar, et imitez le bon comportement de `Ammâr". (Narré
par At-Tirmidhî et Ibn Mâjah avec un isnâd hasan.)

Une multitude de hadîths authentiques rapportent que le Prophète - paix et bénédiction de


Dieu sur lui - annonça à `Ammâr : "Tu seras tué par la faction injuste." et ils font l’unanimité
sur le fait qu’il a été tué aux côtés de `Alî - que Dieu l’agrée - dans la bataille de Siffîn en 87
AH. Il était alors âgé de 93 ans. Il transmit plusieurs hadîths du Prophète - paix et bénédiction
de Dieu sur lui. Ses hadîths ont été transmis par les compagnons du Prophète : Abû Mûsâ, Ibn
`Abbâs, `Abdullâh Ibn Ja`far, Abû Lâs al-Khuzâ`î, Abû Tufayl et de nombreux successeurs.

P.-S.
Cette biographie est traduite de l’entrée 5708 d’Al-Isâbah fî Tamyîz As-Sahâbah de l’Imâm
Ibn Hajar Al-`Asqalânî. Une version électronique gratuite est téléchargeable sur le site d’Al-
Muhaddith.org.

Zayd Ibn Hârithah, que Dieu l’agrée


le serviteur et fils adoptif du Prophète

lundi 23 octobre 2000

Il s’appelle Zayd Ibn Hârithah Ibn Shurâhîl Ibn Kacb Ibn cAbd Al-cUzzâ Ibn Umru’ ul-Qays
[...] Al-Kacbî. Il est le premier homme à embrasser l’islam après cAlî Ibn Abî Tâlib, que Dieu
les agrée. D’après Ibn Sacd, sa mère s’appelle Sucdâ Bint Thaclabah Ibn cÂmir de la famille de
Banû Macn du clan de Tay’. Hishâm Ibn Muhammad Ibn As-Sâ’ib Al-Kalbî relate d’après son
père et d’après Jamîl Ibn Mirthad At-Tâ’î (i.e. de Tay’) et d’après d’autres narrateurs que :
Sucdâ, la mère de Zayd, l’emmena en visite chez sa famille quand des chevaliers de Banû Al-
Qayn s’attaquèrent à leurs maisons et ravirent Zayd. Il était alors un grand garçon. Ils le
mirent en vente au marché de cUkâdh et ce fut Hakîm Ibn Hizâm qui l’acheta parmi d’autres
esclaves pour 400 dirhmas. De retour à la Mecque, il en fit cadeau à sa tante Khadîjah. Quand
le Prophète épousa Khadîjah, elle le lui offrit.

Son père, Hârithah Ibn Shurâhîl, pleura sa perte par un poème très touchant dont le vers
suivant :

bakaytu calâ Zaydin wa lam adri mâ facal


ahayyun fayurjâ am atâ dûnah ul-’ajal

i.e.

Je pleure Zayd et j’ignore ce qu’il est devenu


Est-il vivant, que l’on puisse le trouver,
ou bien la mort nous a-t-elle séparé ?

et aussi :

ûsî bihi cAmran wa Qaysan kilâhumâ


wa ûsî Yazîdan wa bacdahum Jabal

i.e.
Je le confie à cAmr et à Qays, tous deux,
et aussi à Yazîd et à Jabal après eux.

c
Amr et Qays sont les frères de Hârithah, Jabal est son fils aîné et Yazîd le demi-frère de Zayd.
Par la suite, pendant le pélerinage, des gens du clan de Kalb virent Zayd et le reconnurent. Les
reconnaissant à son tour, il leur demanda de transmettre à sa famille quelques vers de poésie
dont :

ahinnu ilâ qawmî wa in kuntu nâ’iyan


bi’abî qatîn ul-bayti cind al-mashâciri

Les pélerins prévinrent son père qui emmena une rançon pour son fils et partit pour la Mecque
en compagnie de son frère Kacb. Arrivés à la Mecque, ils demandèrent le Prophète -que les
salutations de Dieu soient sur lui [1]. On les orienta vers la mosquée où ils l’abordèrent disant :
"Ô fils de cAbd Al-Muttalib, fils du Seigneur de son peuple, vous êtes les dépositaires du
sanctuaire de Dieu, vous libérez le nécessiteux et vous nourrissez le prisonnier. Nous sommes
venus te voir au sujet de notre fils, ton esclave. Accorde-nous cette faveur et sois bienfaisant
en acceptant la rançon que nous sommes disposés à te payer." Il leur demanda : "De qui
voulez vous parler ?" Ils répondirent : "Zayd Ibn Hârithah." Il leur dit : "Tout ce que vous
voudrez. Appelez-le et donnez lui le choix. S’il vous choisit, il est à vous sans rançon. Mais
s’il me choisit, par Dieu, je ne suis pas du genre à préférer une rançon contre celui qui me
préfère." Ils dirent : "Tu as été généreux avec nous." Le Propète appela Zayd et lui demanda :
"Connais-tu ces gens ?" Il acquiessa : "Voici mon père et voici mon oncle." Le Prophète lui
dit : "Tu me connais également et tu connais ma compagnie. Tu as le choix entre nous." Zayd
répondit : "Personne ne m’est plus agréable pour moi. Tu es pour moi un père et un oncle."
Ceux-ci s’exclamèrent : "Malheureux, préfères-tu la servitude à la liberté et à ton père, ton
oncle et les tiens ?" Il répondit : "Oui, personne ne m’est préférable après ce que j’ai vécu
avec cet homme." Quand le Prophète -paix et salutations de Dieu sur lui- entendit ces paroles,
il emmena Zayd dans al-Hijr (un emplacement où les Mecquois se réunissaient pour leurs
affaires) et clama : "Soyez témoin que Zayd est mon fils, il hérite de moi et j’hérite de lui."
Satisfaits du sort de leur enfant, les proches de Zayd prirent congé. Depuis ce jour, Zayd fut
appelé Zayd Ibn Muhammad (i.e. fils de Muhammad) jusqu’à la venue de l’Islam. cAbdullâh
Ibn cUmar dit à ce sujet : "Nous l’appelions Zayd Ibn Muhammad jusqu’à la révélation du
verset : attribuez-les à leurs pères" (hadîth narré par Al-Bukhârî).

D’après Ibn Ishâq, une fois que le Prophète avait adopté Zayd, il le maria avec sa servante
Umm Ayman qui lui enfanta Usâmah. Puis, il le maria avec sa cousine Zaynab Bint Jahsh (la
fille de sa tante Umaymah Bint cAbd Al-Muttalib). Quand il divorça d’avec Zaynab, il le
maria avec Umm Kulthûm Bint cUqbah qui lui enfanta Zayd et Ruqayyah. Ensuite, il divorça
d’avec Umm Kulthûm et épousa la cousine du Prophète, Durrah Bint Abû Lahab Ibn cAbd Al-
Muttalib. Puis, ils divorcèrent et il épousa Hind Bint Al-cAwwâm, la soeur d’Az-Zubayr.

Après l’hégire, le Prophète scella une fraternité entre lui et Hamzah, l’oncle du Prophète.
Zayd assista à la bataille de Badr et toutes les batailles qui la suivirent. Il reçut le martyr
pendant la bataille de Mu’tah alors qu’il était à la tête de l’armée. Il était alors âgé de 55 ans.
D’après Aïshah - que Dieu l’agrée, à chaque fois que le Prophète envoyait Zayd dans une
expédition, il lui en donnait le commandement et s’il lui avait survécu, il lui aurait donné le
Caliphat (d’après Abû Bakr Ibn Abî Ashtah avec une chaîne de transmission forte). Salamah
Ibn Al-Akwac dit : "J’ai participé à sept batailles aux côtés du Prophète avec Zayd Ibn
Hârithah. A chaque fois, le Prophète donnait notre commandement à Zayd."

D’après Muhammad Ibn Usâmah Ibn Zayd, son père narre que le Prophète - paix et
salutations de Dieu sur lui, dit : "Ô Zayd, tu es mon affranchi et tu fais partie de moi et tu es
l’homme le plus cher [à mon coeur]." La Mère des Croyants Aïshah dit : "Zayd est venu à
Médine alors que le Prophète se trouvait chez moi. Il vint et frappa à la porte alors le Prophète
se leva, le prit dans ses bras et l’embrassa." cAbdullâh Ibn cUmar raconte que le Caliphe
c
Umar (son père) lui attribua une pension inférieure à celle qu’il attribua à Usâmah Ibn Zayd.
c
Abdullâh s’enquit de la raison, cUmar lui répondit : "Le Prophète l’aimait plus que toi et il
aimait son père (Zayd) plus que ton père (i.e. cUmar, lui-même)."

P.-S.
1. L’affranchissement de zayd et son adoption eurent lieu avant le début de la mission
prophétique.
2. Nous nous sommes basés dans la rédaction de cette présentation sur Sîrat Rasûlillâh
d’Ibn Hishâm (consultable en ligne) et sur al-Isâbah fî Tamyîz as-Sahâbah de l’Imâm
Ibn Hajar Al-cAsqalânî.

Salmân Al-Fârisî, que Dieu l’agrée


jeudi 15 mars 2001

Sa naissance et ses débuts


Salmân Al-Fârisî (qu’Allâh soit satisfait de lui) naquit dans un village nommé Jiyân situé à
Ispahan, ville située entre Téhéran et Chirâz dans l’actuelle République d’Iran. Salmân
(qu’Allâh soit satisfait de lui) quitta la Perse et partit à la recherche du Prophète - que la paix
et les bénédictions de Dieu soient sur lui - dès qu’il eut connaissance de son avènement pour
se rallier à l’islam.

Un jour, Salmân (qu’Allâh soit satisfait de lui) raconta sa vie en ces termes : J’étais un jeune
persan et j’habitais Ispahan dans un village dit Jiyân dont mon père fut le chef et le
concitoyen le plus riche occupant le rang le plus distingué. Dès ma venue au monde, il me
vouait un amour extraordinaire. Cette affection paternelle s’était accrue considérablement de
jour en jour, jusqu’à ce que mon père décida de m’enfermer à la maison par crainte pour moi,
tel que l’on faisait exactement avec les jeunes filles. Je faisais des progrès dans le mazdéisme
au point de devenir seul responsable d’entretenir le feu que nous adorions et de ranimer sa
flamme pour qu’elle demeurât ardente du jour comme de nuit. Mon père possédait un grand
domaine qui nous rapportait une récolte abondante et dont il prenait constamment soin et
faisait la cueillette. Un jour, ayant été retenu par quelque affaire, il fut dans l’impossibilité de
s’y rendre et s’adressa à moi en disant : "O mon fils ! Comme tu le vois, je suis tout à fait
absorbé et je ne peux pas m’occuper aujourd’hui du domaine. Vas-y donc et prends-en soin à
ma place". Je partis alors pour cette destination.

Sur ma route, je passai par l’un de ces édifices consacrés au culte des chrétiens et j’entendis
leurs voix qui en émanaient pendant la célébration de la prière. Ceci retint mon attention tant
que je ne savais rien sur la foi chrétienne ou sur les autres religions, comme j’étais pendant
longtemps tenu éloigné du commerce des gens par mon père. Ayant entendu leurs voix, je
pénétrai dans leur église pour voir ce qu’ils étaient en train de faire. Les ayant contemplés,
j’admirai leurs prières et eut une grande aptitude à embrasser leur religion. Je me dis : "Certes,
cette foi est meilleure que la nôtre". Je restais auprès d’eux jusqu’au coucher du soleil en
transgressant l’ordre paternel. Je leur posai alors la question : "Quelle est l’origine de cette
religion ?". – "Elle provient d’Ach-Châm", répondirent-ils.

A la nuit tombante, je rentrai chez moi. Et mon père de me demander ce que j’avais fait. – "O
mon père ! J’ai passé par des gens en train de prier dans leur église et j’ai été fasciné par leur
religion. Je suis resté, en effet, chez eux jusqu’au coucher du soleil". Affolé, mon père me dit :
"O mon fils ! Ta religion qui est celle des tes ancêtres est beaucoup meilleure que cette foi qui
ne comporte aucun bien". – "Non, leur religion prévaut certainement sur la nôtre". Mes
paroles effrayèrent mon père qui eut peur que je n’abjure ma religion. Sur ces entrefaites, il
me cloîtra à la maison tout en m’enchaînant les pieds.

Son séjour en Syrie


Je saisis une occurrence pour transmettre ce message aux nazaréens : "Quand une caravane en
destination pour Ach-Châm (i.e. Syrie) passait par vous, veuillez m’en tenir au courant". Peu
de temps après, l’occasion devint propice. Je pus alors me délivrer de mes chaînes et je sortis
en leur compagnie après m’être déguisé. Une fois arrivant à Ach-Châm, je demanda : "Qui est
l’homme le plus calé dans cette religion ?". – "L’archevêque placé à la tête de l’église", dirent-
ils. J’allai le trouver et lui dis : "Je désire embrasser le christianisme et je voudrais bien rester
auprès de vous à votre service pour que vous m’instruisiez dans la religion et que je fasse les
prières, étant guidé par vous". Il consentit à ma proposition et je me suis mis alors à son
service.

Cependant, je ne tardai pas à constater qu’il était un mauvais homme. Il exhortait ses adeptes
à la charité en leur faisant valoir sa rétribution immense. Et dès qu’ils lui faisaient l’aumône
pour qu’il la dépense dans la voie de Dieu, il s’en accaparait sans rien donner ni aux pauvres
ni aux indigents, jusqu’à ce qu’il eût amassé de l’or à emplir sept jarres. Par conséquent, je
l’exécrais de tout mon cœur. Peu de temps après, il meurt et quand les nazaréens s’étaient
réunis pour procéder à son enterrement, je leur dis : "Cet homme était méchant. Il vous
ordonnait vivement de faire l’aumône et vous incitait incessamment à la charité et quand vous
la lui faisiez, il la thésaurisait sans rien donner aux pauvres". – "Comment vous le savez ?!",
dirent-ils. – "Je vais vous montrer le lieu où il a enfoui son trésor", dis- je.- "Oui, montre-le-
nous", répliquèrent-ils.

Je leur désignai son emplacement d’où ils purent extraire sept jarres emplies d’or et d’argent.
Les ayant vu, ils dirent : "Par Dieu ! Nous ne l’enterrerons pas". Ils le crucifièrent et se mirent
à lapider son cadavre. Puis, ils désignèrent à son poste un autre homme auquel je m’attachais.
Je n’ai jamais vu un homme plus ascète que lui, renonçant aux choses de ce monde et ne
désirant que celles de l’au-delà. Il s’adonnait avec zèle aux dévotions jour et nuit. Je lui
vouais donc un profond amour et je demeurais à ses côtés pendant une longue période. Dans
son lit de mort, je lui dis : "O untel ! A qui me recommandez-vous ? Veuillez me conseiller. A
qui devrais- je m’attacher après ton décès ?". – "O mon fils ! Je ne savais personne qui était de
même discipline qu’un homme vivant à Mossoul qui s’appelait untel et qui n’avait jamais
interpolé. Allez donc le rejoindre".
A la mort de mon compagnon, j’allai rejoindre l’homme du Mossoul, à qui je racontai mon
histoire. L’ayant terminée, je lui dis : "Mon compagnon untel m’a conseillé, avant de mourir,
de vous rejoindre et m’a informé que vous étiez encore attaché à la discipline vraie qu’il
confessait". – "Restez donc chez moi", telle fut sa réponse. Je me séjournai chez lui et je
constatai qu’il était un homme parfait. Mais, peu après, il rendit le dernier soupir. A l’article
de la mort, je lui demandai : "O untel ! Par l’état que vous êtes par l’ordre de Dieu, vous avez
une parfaite connaissance de mon état. A qui vous me recommandez ? Et qui m’ordonnez-
vous d’aller rejoindre ?". – "O mon fils ! Par Dieu ! Je ne savais personne qui était de même
discipline que nous, excepté un homme vivant à Nasybîn qui s’appelait untel. Allez donc à sa
rencontre". Une fois qu’on fit enterrer l’homme, j’allai à la rencontre de l’homme de Nasybîn,
à qui je racontai mon histoire et ce qui mon ex-ami m’avait commandé de faire. – "Restez
donc chez nous", dit-il. Je m’arrêtai donc chez lui et je découvris qu’il emboîtait le pas à ses
autres ex-amis qui furent de conduite parfaite. Mais, il cessa de vivre peu de temps après et au
moment de son agonie, je lui dis : "Vous savez toute mon histoire, à qui vous me
recommandez donc ?". – "O mon fils ! Par Dieu ! Je ne savais personne qui professait encore
la même discipline que nous, sauf un homme vivant à cAmûriyya et qui s’appelait untel. Allez
donc le rejoindre".

Je m’acheminai donc vers celui-ci et je lui racontai mon histoire. – "Restez donc chez moi",
dit-il. Je me séjournai chez lui et je vis qu’il était homme de bien tels ses défunts compagnons.
Chez lui, je pus faire fortune et j’eus quelques vaches et du butin. Le moine conseillant à
Salmân de suivre le Prophète : Un certain laps de temps s’écoula et vint le moment de sa
mort, je lui dis alors : "Vous savez toute mon histoire, à qui vous me recommandez donc et
qu’est-ce que vous me commandez de faire ?". – "O Mon fils ! Je ne connais absolument
personne sur cette terre qui se trouvait encore à cheval sur notre discipline. Mais c’est bien le
temps de l’avènement d’un Prophète qui va apparaître au territoire arabe. Il professera la
religion d’Abraham et s’expatria en émigration vers un terrain peuplé de palmiers, situé entre
deux terres arides. Il sera reconnu à des signes incontestables : il mange du cadeau qu’on lui
offre, ne touche jamais à ce qui est destiné à l’aumône et entre ses épaules, il y a le cachet de
la prophétie. Tâchez-vous donc de partir pour ce pays". Puis, il rendit le dernier soupir. Quant
à moi, je demeurais pendant quelques temps à cAmûriyya.

Son arrivée à la péninsule arabique


Un jour, un groupe de marchands arabes issus de la tribu (Kalb) passait par cAmûriyya, je leur
préposai alors de m’emmener avec eux aux pays des Arabes, en échange de ma vache et de
ma part du butin. Ils consentirent et moi de leur faire don de mes possessions. Une fois arrivés
à Wâdî Al-Qura, ils me trahirent et me vendirent à un juif et j’entrai donc en son service. Peu
après, l’un de ses cousins, issu des Banû Quraytha, ayant venu lui rendre visite, m’acheta et
m’emmena avec lui à Yathrîb où je vis les palmeraies dont m’avait parlé mon compagnon de
c
Amûriyya et je connus alors Médine -en me référant à la description déjà faite par ce
dernier-. Je m’y installai donc en compagnie de mon maître. A cette époque, le Prophète - que
la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - était en train de prêcher l’islam parmi ses
compatriotes mecquois. Toutefois, je n’entendais rien de ses nouvelles, parce que j’étais
tellement absorbé par mes charges d’esclave.

Sa conversion à l’islam
Quand le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - pénétra dans
Yathrîb, je me trouvais en haut de l’un des palmiers de mon maître, en train d’y effectuer
quelque besogne. Alors que mon maître était assis au pied duquel, l’un de ses cousins, vint lui
dire : "Qu’Allâh fasse périr les Banû Qîla ! Ils sont à Qîbâ’, entourant un homme qui vient
d’arriver aujourd’hui de La Mecque et qui prétend être un prophète". Aussitôt que ses paroles
parvinrent à mes oreilles, je me sentis fiévreux et je fus tellement agité au point de craindre de
perdre mon équilibre et de tomber sur mon maître. Je descendis donc du palmier, en disant à
l’homme : "Qu’est-ce que vous êtes en train de dire. Veuillez me répéter cette nouvelle". Mon
maître, pris d’un accès de colère, me donna un coup de poing en hurlant : "Pourquoi
t’immisces-tu dans ce qui ne te regarde pas ? Vas-y occupe-toi de ton boulot".

Sur le soir, je pris quelques dattes de ce que j’avais cueillies et je me dirigeai vers le lieu où
l’on donnait l’hospitalité au Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - .
Je lui dis : "J’ai entendu dire que vous étiez un homme pieux et que vous aviez des
compagnons étrangers et besogneux. Voilà quelque chose que je réservais pour en faire
l’aumône. Je vois donc que vous le méritez". Après que je les leur donnai, il dit à ses
Compagnons : "Mangez !". Tandis qu’il s’abstint à y goûter. Je me dis : "Voici l’un des signes
(de la prophétie)".

Je partis, ensuite, et me mis à ramasser quelques dattes. Quand le Prophète - que la paix et les
bénédictions de Dieu soient sur lui - quitta Qibâ’ et alla s’installer à Médine, je vins lui dire :
"J’ai remarqué que vous ne goûtez pas à l’aumône, et vous voici un cadeau que je vous offre
avec tout mon respect". Il en mangea et invita ses Compagnons de le partager avec lui. Je me
dis : "Voici le second (des signes de la prophétie)". Je vins, un jour, trouver le Prophète - que
la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - pendant qu’il fut à Baqîc Al-Gharqad en
train d’enterrer l’un de ses Compagnons. Je le vis assis, étant vêtu d’une pèlerine. Je le saluai,
puis je retournai pour regarder son dos, en essayant de voir le cachet déjà décrit par mon
compagnon de cAmûriyya.

Quand le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - m’aperçut en train
de fixer son dos, il comprit mon intention. Sur ce, il ôta sa pèlerine en me dénudant son dos.
Aussitôt que j’eus connu le cachet de la prophétie, je me jetai sur lui en l’embrassant tout en
pleurant. Le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - dit alors :
"Qu’est-ce que vous prend donc ?!". Je me mis à lui raconter mon histoire qu’il admira. Il
m’ordonna avec joie de la répéter par moi-même à ses Compagnons qui s’en étonnèrent et
s’en réjouirent. Salmân embrassa l’islam et fut délivré du joug de l’esclavage. Etant compté
parmi les plus estimables Compagnons, il (qu’Allâh soit satisfait de lui) se chargea du
gouvernement de certains pays à l’époque des Califes bien-guidés. De ses qualités : On
rapporte qu’un jour le Prophète posa sa main sur Salmân et dit : "Si la foi était dans les
pléiades, l’un de ces hommes l’aurait attrapée". Et, il désigna Salmân (qu’Allâh soit satisfait
de lui).

Mu`âdh Ibn Jabal, que Dieu l’agrée


mercredi 21 mars 2001

Sa naissance et ses débuts


Mucâdh Ibn Jabal (qu’Allâh soit satisfait de lui) naquit à Médine. Il avait l’esprit vif et était
éloquent et ambitieux. Allâh, le Très-Haut, le dota d’une verve splendide, d’un beau visage et
beaucoup de brio. Tout jeune, Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui) embrassa l’islam grâce à
Muscab Ibn cUmayr que le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui -
envoya à Médine pour y enseigner l’islam aux nouveaux fidèles médinois.

Pacte d’allégence prêté au Prophète


Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui) fit partie des 72 médinois qui conclurent un pacte
d’allégeance au Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui, peu de temps
avant l’hégire. A son retour à Médine, Mucâdh commença à prêcher l’islam dans son
entourage. Grâce à lui, de nombreux hommes qui devinrent par la suite de grands
Compagnons, tel que cAmr Ibn Al-Jamûh, adoptèrent l’islam.

Ses qualités
Quand le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - émigra à Médine,
Mucâdh ne le quitta plus afin d’apprendre le Coran et les préceptes de l’islam. Avec le temps,
Mucâdh fut compté parmi les Compagnons les plus versés dans le Coran et les plus instruits
dans la religion. Le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - lui rendit
hommage, en disant : "Mucâdh Ibn Jabal est celui parmi les membres de ma Communauté qui
sait le mieux distinguer le licite de l’illicite". (Hadith transmis par At-Tirmidhî et Ibn Mâjah).
Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui) était l’un des meilleurs mémorisateurs du Coran du
vivant du Prophète. Ainsi le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui -
dit en sa faveur : "Apprenez le Coran auprès de quatre personnes : Ibn Mascûd, Sâlim
l’affranchi d’Abû Hudhayfah, Ubayy et Mucâdh" (Sahîh Al-Bukhârî, Le Livre des Mérites, les
mérites de Mucâdh Ibn Jabal - qu’Allâh l’agrée)

Après la conquête de La Mecque, le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient
sur lui - y engagea Mucâdh comme enseignant et le chargea de transmettre l’islam aux gens et
de leur apprendre le Coran. De même, quand les souverains yéménites vinrent annoncer leur
conversion à l’islam au Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - et
qu’ils lui demandèrent de leur assigner un précepteur, son choix tomba sur Mucâdh à la tête
d’un groupe de Compagnons (qu’Allâh soit satisfait d’eux) pour remplir cette mission. Le
Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - sortit en personne pour leur
faire ses adieux et conseilla alors Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui), en disant : "Ô
Mucâdh ! Il se peut que vous ne me voyiez pas à l’année prochaine. Rendez-moi visite à ma
mosquée et à mon tombeau, etc.… ". Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui) fendit en larmes
par crainte de la séparation d’avec le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient
sur lui. En effet, celui-ci rendit l’âme avant de revoir Mucâdh.

Après le décès du Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - , Mucâdh
(qu’Allâh soit satisfait de lui) fut de retour à Médine. Il fut profondément affligé et versa de
chaudes larmes pour la mort du Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur
lui - . Quand le califat échut à cUmar ibn Al-Khattâb (qu’Allâh soit satisfait de lui), celui-ci
l’envoya aux Banû Kilâb pour trancher leur litige.
Son séjour en Syrie pour enseigner le Coran
Sous le califat de cUmar aussi, le gouverneur du Shâm (i.e. Syrie), Yazîd Ibn Abî Sufyân
envoya demander à cUmar (qu’Allâh soit satisfait de lui) un précepteur pour ses sujets. cUmar
convoqua alors Mucâdh Ibn Jabal, cUbâda Ibn As-Sâmit, Abû Ayyûb Al-Ansârî, Ubay Ibn
Kacb et Abû Ad-Dardâ’ et leur dit : "Vos coreligionnaires en Syrie me demandent de leur
assigner un précepteur pour apprendre le Coran et s’instruire dans la religion. Aidez-moi donc
qu’Allâh vous accorde Sa miséricorde dans le choix de trois parmi vous. Veuillez procéder par
tirage au sort, ou bien je désignerai par moi-même trois parmi vous". "Et pourquoi tirons-nous
au sort ?, répondirent-ils, Abû Ayyûb est âgé, Ubayy est malade et il ne reste que nous trois".
"Commencez, vous trois, par Hims et quand vous serez rassurés sur l’état de son peuple,
quittez-la en y laissant l’un de vous. Puis, que le second se dirige vers Damas tandis que
l’autre, vers la Palestine". Les trois se dirigèrent donc vers Hims où fut laissé cUbâdah Ibn As-
Sâmit. Tandis que Abû Ad-Dardâ’ se rendit à Damas et Mucâdh Ibn Jabal en Palestine.

Son décès
Mucâdh (qu’Allâh soit satisfait de lui) resta en Palestine jusqu’à ce qu’il fut atteint de la peste.
A l’article de la mort, il se mit à dire : "Ô mort ! Sois la bienvenue ! Tel un visiteur qui vient
après une longue absence et un être cher qui arrive après un profond désir". Il se mit à
regarder la voûte céleste, puis dit : Mon Seigneur ! Tu sais parfaitement que je n’ai jamais
aimé l’ici-bas ou désiré la longévité pour y planter des arbres ou y faire couler des fleuves,
mais plutôt pour accomplir le jeûne pendant les journées les plus torrides, passer les nuits à
faire des dévotions et me presser autour des savants qui tiennent les cercles du Dhikr.
Recueille mon âme comme tu recueilles les âmes croyantes". Puis, il rendit le dernier soupir,
qu’Allâh lui accorde Sa miséricorde.

Abû Ayyûb Al-Ansârî, que Dieu l’agrée


dimanche 24 février 2002

Khâlid ibn Zayd ibn Kulayb des Banu Najjar, également connu sous le nom d’Abû Ayyûb
(père d’Ayyûb), était l’un des proches compagnons du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu
sur lui). Ses relations privilégiées avec le Prophète Muhammad faisaient de nombreux
envieux parmi les Ansars (Les "Auxiliaires" - les médinois ayant soutenu les mecquois
émigrés).

Après son départ de la Mecque, le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) fut accueilli
avec amour et dévotion par les Ansars de Médine. Ils souhaitaient lui témoigner leur
attachement en lui réservant le plus chaleureux des accueils.

Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) s’arrêta d’abord dans les environs de
Médine, où il séjourna plusieurs jours. Il commença par y construire une mosquée décrite
dans le Coran comme " la mosquée fondée sur la piété (taqwâ) ". (Sourate At-Tawbah 9 :108)

Ensuite, le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) fit son entrée à Médine sur sa
chamelle, accompagné des chefs de la ville. Ils aspiraient tous à avoir l’honneur d’héberger le
Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) chez eux.

L’un après l’autre, ils se mettaient en travers du chemin de la chamelle l’invitant simplement :

" Viens chez moi, O Messager de Dieu !


- Laissez la chamelle, elle est guidée, répondait le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur
lui)".

La chamelle continua à avancer, suivie de près par les gens de Yathrib. Chaque fois qu’elle
dépassait une maison, son propriétaire en était attristé et abattu faisant ainsi naître l’espoir
dans le cœur des autres Ansars.

La chamelle poursuivit de la sorte jusqu’à montrer une hésitation devant la maison d’Abû
Ayyûb Al-Ansari. Cependant, le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) ne descendit
pas. Après un court instant, la chamelle repartit, le Prophète ayant relâché les brides.
Rapidement, elle revint sur ses pas et s’arrêta au même point qu’au premier arrêt. Abû Ayyûb
était transporté de bonheur. Il sortit accueillir le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui)
avec un grand enthousiasme. Il se chargea des bagages du Prophète (Paix et Bénédiction de
Dieu sur lui) comme s’il s’agissait du trésor le plus précieux sur terre.

La maison d’Abû Ayyûb était répartie sur deux étages. Il vida l’étage supérieur de ses biens
personnels à l’usage du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). Le Prophète (Paix et
Bénédiction de Dieu sur lui) préféra néanmoins rester au niveau inférieur.

Le soir, le Prophète se retira au rez de chaussée et Abû Ayyûb au premier étage. Lorsque ce
dernier ferma la porte, il dit à son épouse :
" Malheur à nous ! Qu’avons-nous fait là ? Nous sommes au-dessus du Messager de Dieu !
Peut-on marcher au-dessus de lui ? Ne sommes-nous pas un obstacle entre lui et la Révélation
(wahy) ? Si c’est le cas, nous sommes perdus ! "

Dans le doute et l’indécision, le couple était complètement bouleversé. Il ne s’apaisa qu’en se


déplaçant vers la partie du bâtiment qui ne chapotait pas directement le Prophète (Paix et
Bénédiction de Dieu sur lui). Il s’appliquait également à longer les murs afin d’éviter de "
marcher " sur le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui).

Le matin, Abû Ayyûb dit au Prophète :


" Par Dieu, ni moi ni Umm Ayyûb n’avons fermé l’œil la nuit dernière".
Le Prophète l’interrogea sur la raison de son insomnie. Abû Ayyûb expliqua alors son
embarras d’être au-dessus du Prophète et sa crainte de gêner une révélation. " Ne t’inquiète
pas Abû Ayyûb, dit le Prophète. Nous préférons être à l’étage inférieur en raison du grand
nombre de visiteurs".

Plus tard, Abû Ayyûb racontait : " Nous nous sommes soumis aux souhaits du Prophète.
Toutefois, un soir, l’une de nos jarres s’est brisée et l’eau qu’elle contenait s’est répandue sur
le sol. Umm Ayyûb et moi-même regardions l’eau. Nous ne possédions qu’un morceau de
velours qui nous servait de couverture. Nous l’utilisâmes pour éponger l’eau de crainte qu’elle
ne s’infiltre à l’étage du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). Le lendemain matin,
je suis allé trouver le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) et je lui ai clairement dit
que je n’aimais pas être au-dessus de lui. Je lui expliquais ce qui s’était produit la veille au
soir. Il accéda à ma demande et nous échangèrent d’étage".

Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) demeura

chez Abû Ayyûb pendant environ sept mois, c’est-à-dire le temps de la construction de la
mosquée à l’endroit désigné par la chamelle. Lui et sa famille emménagèrent dans les pièces
mitoyennes à la mosquée. Quel noble voisin pour Abû Ayyûb !

Abû Ayyûb aimait le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) de tout son cœur ; de
même, le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) lui vouait un amour profond. L’un et
l’autre ne s’encombraient pas de formalités. Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui)
considérait la maison d’Abû Ayyûb comme la sienne. L’anecdote suivante permet de juger des
relations qu’ils entretenaient.

Un jour, Abû Bakr, puisse Allah être satisfait de lui, sortit de chez lui au moment le plus chaud
de la journée pour se rendre à la mosquée. Il rencontra `Umar sur son chemin qui lui
demanda : " Abû Bakr, quelle affaire te fait sortir à cette heure ? ". Abu Bakr expliqua qu’il
était sortit de sa maison car il avait terriblement faim. `Umar était également affamé. Le
Prophète vint les trouver et leur posa la même question. Ils lui répondirent. Il leur dit alors : "
Par Celui qui détient mon âme, seule la faim m’a fait également quitter mon logis. Venez avec
moi".

Ils allèrent chez Abû Ayyûb al-Ansari.

" Bienvenue au Prophète et à ceux qui l’accompagnent, les accueillit son épouse, Umm
Ayyûb.
- Où est Abû Ayyûb ? s’enquit le Prophète".

Abû Ayyûb travaillait dans une palmeraie non loin de là. Quand il entendit la voix du
Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui), il rentra précipitamment.

Il souhaita la bienvenue à ses hôtes. L’heure de leur visite l’étonna. (Abû Ayyûb avait, en
effet, coutume de garder chaque jour une part de nourriture pour le Prophète (Paix et
Bénédiction de Dieu sur lui). Si le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) ne se
présentait pas au bout d’un certain délai, Abû Ayyûb donnait la ration à sa famille.) Le
Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) admit que ce n’était pas son heure habituelle.

Abû Ayyûb sortit chercher une grappe de dattes mêlant des dattes mûres et d’autres non.

" Je ne voulais pas que tu coupes cela, dit le Prophète. N’aurais-tu pas pu cueillir que des
dattes mûres ?
- O Messager de Dieu, s’il te plaît, mange des deux : du rutab (dattes mûres) et du busr (dattes
pas complètement mûres). Je m’en vais égorger un animal pour toi également.
- Dans ce cas-là, n’égorge pas l’animal qui donne du lait, mit en garde le Prophète (Paix et
Bénédiction de Dieu sur lui)".

Abû Ayyûb tua une jeune chèvre. Son épouse, qui était meilleure cuisinière que lui, en cuisina
la moitié et grilla l’autre moitié. Une fois prêt, il présenta le repas au Prophète (Paix et
Bénédiction de Dieu sur lui) et à ses deux compagnons. Le Prophète (Paix et Bénédiction de
Dieu sur lui) mit alors un morceau de viande dans un bout de pain et s’adressa à son hôte : "
Abû Ayyûb, porte cela à Fatimah. Elle n’a rien mangé de tel depuis des jours".

Après s’être rassasié, le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui), méditatif, s’exclama :
" Du pain, de la viande, du busr et du rutb ! ". Les larmes coulèrent et il poursuivit ainsi : "
C’est une bénédiction généreuse à propos de laquelle vous serez interrogés le Jour du
Jugement. Si on vous en propose, mettez-y vos mains et dites bismillâh (Au nom d’Allah) et
lorsque vous avez terminé dites alhamdulillah alladhî huwa ashba`ana wa an’ama `alayna
" (Louange à Dieu Qui nous a rassasié et Qui nous accorde Ses Bienfaits). Cela vaut mieux. "

Ce sont là quelques épisodes de la vie d’Abû Ayyûb en temps de paix. Il s’est, par ailleurs,
distingué au cours de sa carrière militaire. Il passait tellement de temps sur les champs de
bataille qu’on disait de lui qu’il avait prit part à tous les combats du temps du Prophète (Paix
et Bénédiction de Dieu sur lui) à celui de Mu’awiyah à moins d’être engagé dans un autre
combat.

La dernière campagne à laquelle il participa avait été organisée par Mu’awiyah et dirigée par
son fils Yazîd contre Constantinople. Abû Ayyûb était alors un vieil homme de presque quatre
vingt ans. Toutefois, cela ne l’empêcha pas de rejoindre les rangs des soldats et de traverser
les mers pour Allah. Peu après le début de la bataille, Abû Ayyûb tomba malade et dut se
retirer.

Yazîd vint le trouver et lui demanda :


" As-tu besoin de quelque chose Abû Ayyûb ?
- Transmets mes salutations aux combattants musulmans et dis-leur : " Abû Ayyûb veut que
vous pénétriez aussi loin que possible sur les territoires ennemis. Il demande que vous
l’emmeniez avec vous et que vous l’enterriez aux pieds des murs de Constantinople".

C’était là ses derniers mots.

L’armée musulmane repoussa les différentes offensives ennemies et finit par atteindre
Constantinople. Elle accéda à la requête du Compagnon du Messager d’Allah, en l’inhumant
aux pieds de la ville.

(Les Musulmans assiégèrent la ville pendant quatre ans mais durent finalement se retirer en
raison des lourdes pertes).

L’Imâm Al-Hasan Al-Basrî


Le grand Successeur

vendredi 8 septembre 2000

Sa lignée et sa naissance
Al-Hasan Ibn Abî Al-Hasan Yasâr Abû Sa`îd Al-Basrî, l’Imâm de Bassora, l’emblème de la
piété, le modèle des soufis, naquit en 21 A.H. à Médine, sous le califat de `Umar Ibn Al-
Khattâb. Son père était un esclave affranchi de Zayd Ibn Thâbit, et sa mère une esclave
affranchie de la Mère des Croyants, Umm Salamah. Lorsque sa mère s’absentait pour
accomplir une tâche qu’Umm Salamah lui avait demandée, Al-Hasan pleurait ; Umm Salamah
le portait et l’allaitait. On dit que cet allaitement fut une bénédiction pour Al-Hasan. Dans son
enfance, il allait s’asseoir avec les Compagnons du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur
lui. Notre maître `Umar Al-Fârûq invoqua Dieu d’accorder à Al-Hasan une profonde
compréhension de la religion et l’amour des gens. Il apprit le Coran sous le califat de `Uthmân
Ibn `Affân.

Ses qualités
Il fut connu pour son strict respect et son application de la Sunnah du Prophète - paix et
bénédiction sur lui -, pour son savoir immense, son austérité, son ascétisme et son caractère
charismatique qui force l’admiration et le respect.

Il fut le scribe du gouverneur de Khorasân, Ar-Rabî` Ibn Ziyâd, à l’époque de Mu`âwiyah. Il


s’illustra par son courage dans les conquêtes. Il participa avec des Compagnons du Prophète à
une bataille à Khorasân.

Il se distingua par sa piété, son éloquence et sa sagesse. Il ne craignait que Dieu et n’hésitait
pas à rappeler les gouverneurs et les princes au droit chemin en critiquant leurs travers.
Plusieurs fois, il s’opposa fermement à la déviance d’Al-Hajjâj.

Il fut considéré par le Salaf comme l’un des quarante « Saints-Substituts » (Al-Abdâl). At-
Tabarâni narre dans Al-Awsat que Anas rapporta que le Prophète dit : « La terre portera
toujours quarante hommes similaires à l’Ami de Dieu [Abraham], grâce auxquels les hommes
reçoivent la pluie et sont secourus. Chaque fois que l’un d’eux meurt, Allah le remplace par
un autre. » Qatâdah, un disciple d’Ibn `Abbâs, dit : « Il est certain qu’Al-Hasan est l’un
d’eux. »

Il est l’un des grands maîtres du Hadîth. Il rapporta des hadiths de `Imrân Ibn Al-Husayn,
d’Al-Mughîrah Ibn Shu`bah et d’An-Nu`mân Ibn Bashîr. Mâlik Ibn Dînâr, Humayd At-Tawîl
et Abû Al-Ashhab ont narré ses hadiths. Ses hadîths sont rapportés dans les Six Recueils : Al-
Bukhârî, Muslim, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Abû Dawûd et Ibn Mâjah.

Abû Nu`aym Al-Asfahâni mentionne dans son ouvrage encyclopédique Hilyat Al-Awliyâ’ que
`Abd Al-Wâhid Ibn Zayd, l’un des disciples d’Al-Hasan, fut le premier à bâtir une maison des
hôtes et une école soufie à Abadân (actuellement à la frontière entre l’Iran et l’Irak). La
réputation et la piété d’Al-Hasan Al-Basrî et de ses disciples amenèrent Sheikh Ibn Taymiyah
à écrire : « Le soufisme a pour origine Bassora. » (At-Tasawwuf dans Al-Fatâwâ Al-Kubrâ).
Plus précisément, Bassora est l’un des premiers centres où apparurent des écoles d’auto-
discipline, de purification des cœurs et d’ascétisme, fondées sur le Coran et la Sunnah,
connues plus tard sous le nom de soufisme sunnite (at-tasawwuf as-sunnî).

Ibn Al-Jawzî écrivit un livre d’une centaine de pages intitulé Adab Ash-Shaykh Al-Hasan Ibn
Abî Al-Hasan Al-Basrî, dans lequel il décrit les vertus d’Al-Hasan Al-Basrî. Aussi, dans son
livre Sifat As-Safwah, il cite certaines narrations selon lesquelles Al-Hasan aurait laissé à sa
mort une cape en laine qu’il a portée pendant vingt ans, en hiver comme en été, et qui était
restée propre, belle impeccable.

L’Imâm donne le bon exemple


Dans son livre Discours du cœur, Sheikh `Abd Al-Hamîd Kishk, qu’Allâh lui fasse
miséricorde, consacre le chapitre sur "la foi et le bon exemple" à un extrait de la vie de
l’Imâm Al-Hasan Al-Basrî.

"Il me vient à l’esprit un spectacle grandiose, à savoir cette noble attitude du pieux Al-Hasan
Al-Basrî, l’Imâm des prédicateurs, qu’Allâh l’agrée, vis-à-vis des esclaves de Bassora.

Un jour, ils se dirigèrent vers lui et dirent : Ô pieux de la religion ! Nos maîtres nous
maltraitent, leurs cœurs ont durci envers nous et nous sommes venus à toi pour que tu incites
à l’affranchissement des esclaves dans ton prochain sermon du vendredi. Il accepta leur
demande et promit de donner suite à leur souhait. Des vendredis se succédèrent sans qu’Al-
Hasan évoque le souhait des esclaves. Un vendredi, il monta sur la chaire et donna un sermon
sur l’affranchissement des esclaves. Chaque fidèle ayant entendu le sermon dans la mosquée
libéra son esclave après la prière.

Une fois affranchis, ils se réunirent chez Al-Hasan et lui parlèrent en ses termes : "Ô pieux de
la religion, nous avons un reproche à te faire". "A quel sujet ?", répondit-il. Ils dirent :
"Pourquoi as-tu attendu toutes ces semaines pour parler de notre affranchissement alors que tu
savais à quel point nous en avions besoin ?" Il leur répondit en des termes qui méritent d’être
écrits sur des feuilles de lumière avec des lettres d’or. Il répondit avec la certitude de la foi et
de la vérité manifeste : "Ce qui m’a retardé, c’est que je n’avais pas d’esclaves ni de quoi en
acheter un. Lorsque Allah m’a accordé un peu d’argent, j’ai acheté un esclave et je l’ai
affranchi. Ainsi, lorsque j’ai appelé les gens à affranchir leurs esclaves dans mon sermon, leur
cœur étaient ouverts à ma parole, car j’avais appliqué en premier lieu ce que je demandais à
autrui."

Quelques-unes de ses paroles


• Il disait : « Quiconque vénère le dirham, Dieu le rabaisse. » ; « Le paradis
n’a jamais été aussi embelli pour une communauté comme il l’a été pour
cette communauté, et pourtant tu ne lui trouves pas d’amoureux. ».

• Il éprouvait une très grande crainte révérencielle envers Dieu et craignait


de mériter le châtiment divin après la mort. C’est pourquoi il disait : « La
mort a fait éclater au grand jour la vérité de la vie ici-bas si bien qu’elle n’a
laissé de place à la joie que pour ceux qui sont doués d’intelligence. » Un
jour, on le vit pleurer, on lui en demanda la raison. Il répondit : " Je crains
que demain, Dieu me jette en enfer sans s’y attarder."
• L’Imâm Al-Ghazâlî dit dans son épître Mon Fils :

"On rapporte qu’on donna de l’eau fraîche à Al-Hasan Al-Basrî, qu’Allâh lui fasse
miséricorde. Quand il prit le verre ou le récipient, il s’évanouit et le verre tomba de sa
main. Quand il se réveilla, on lui dit : "Qu’as-tu ô Abû Sa`îd ?", il répondit : "Je me
suis souvenu des vœux des gens du Feu quand ils diront aux gens du Paradis :
"‹Déversez sur nous de l’eau, ou de ce qu’Allah vous a attribué.›" [1]"

• On relate que lorsque `Umar Ibn `Abd Al-Azîz devint calife, il écrivit à
l’Imâm Al-Hasan : « Je suis éprouvé par cette responsabilité, conseille-moi
des gens qui m’aideront à l’honorer ». Al-Hasan lui répondit : « Quant aux
gens attachés à la vie présente, tu n’en veux pas, et quant ceux attachés à
l’au-delà, ils ne veulent pas de toi. Cherche donc secours auprès de Dieu. »
• Il dit également : « Nous badinons, mais qui sait ? Peut-être que Dieu a
regardé une partie de nos œuvres et a dit : « Je n’en agrée aucune ».
Malheur à toi fils d’Adam ! Combats-tu Dieu ? Quiconque désobéit à Dieu, il
Le combat ! Par Dieu ! J’ai vu des vétérans de Badr. Leurs vêtements
étaient pour la plupart de laine. Si vous les aviez vu, vous auriez dit qu’ils
avaient perdu la raison, et s’ils voyaient les meilleurs parmi vous ils
diraient : « Ces gens ne cherchent pas de part dans l’au-delà. » et s’ils
voyaient les pires ils diraient : « Ces gens ne croient pas au Jour du
Jugement. » J’ai vu des hommes pour qui le monde avait moins de valeur
que la poussière sous leurs pieds. J’ai connu des hommes qui, revenant le
soir chez eux et ne possédant que leur propre repas, auraient dit : « Je ne
dois pas manger tout cela. Je dois en donner une partie pour l’amour
Dieu. » (conférer Hilyat Al-Awliyâ’ de Abû Nu`aym).
• Al-Hasan Al-Basrî dit aussi : « Quel mauvais Serviteur de Dieu ! Je parle
d’un Serviteur qui correspond à la description suivante : - Il demande le
pardon alors qu’il se complait dans le péché et les actes de désobéissance.

- Il se comporte d’une façon humble et soumise afin de paraître loyal aux


yeux des autres, alors qu’en réalité il feint pour dissimuler sa perfidie. - Il
interdit le blâmable, mais il ne s’abstient pas de le faire lui-même. - Il
recommande ce qui est bien, mais ne se conforme pas à ses propres
recommandations. - S’il donne, il le fait avec avarice, et s’il refuse de
donner, il le fait sans s’excuser. - S’il est en excellente santé, il se sent
tranquille, mais s’il tombe malade, il est plein de remords. - S’il est pauvre,
il se sent triste, et s’il devient riche, il est sujet à la tentation. - Il espère le
salut, mais n’agit pas en conséquence. - Il craint le châtiment, mais ne
cherche pas à s’en prémunir. - Il souhaite recevoir plus de bienfaits, mais il
ne remercie pas pour ce qu’il a déjà reçu. - Il aime l’idée de la récompense
spirituelle, mais il ne s’astreint pas à la patience. - Il s’empresse de dormir
et remet son jeûne à plus tard. » (Conférer Ghunyat At-Tâlibîn de Sheikh
`Abd Al-Qâdir Al-Jilânî, qu’Allâh lui fasse miséricorde)

Témoignages à son sujet


L’Imâm An-Nawawî dit : « Al-Hasan fut une sommité, un érudit raffiné, un
jurisconsulte, un homme de confiance, un dévot, un ascète au savoir abondant, au
discours éloquent et au visage gracieux. »

L’Imâm Al-Ghazâli dit : « Al-Hasan est celui dont les paroles étaient les plus proches
de celles des Prophètes et celui dont l’exemple se rapprochait le plus des Compagnons
du Prophète - paix et bénédictions sur lui. »

Yazîd Ibn Hawshab décrit la piété d’Al-Hasan, disant : "Je n’ai vu plus craintif envers
Dieu qu’Al-Hasan Al-Basri et `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, à croire que l’enfer n’a été
créé que pour eux."

Maslamah Ibn `Abd Al-Malik disait : « Comment peuvent s’égarer des gens qui
comptent parmi eux un homme comme Al-Hasan... »
Quand on évoque "Al-Hasan" sans autre précision, dans les livres traitant de
jurisprudence, de hadiths, de personnages éminents, d’ascétisme, de soufisme et de
bonnes manières, c’est de lui qu’il s’agit.

Il composa une exégèse du Coran intitulée Tafsîr Al-Qur’ân et un ouvrage traitant des
vertus de La Mecque, Fadâ’il Makkah.

Ce géant de l’islam retourna à Dieu en 110 A.H. à l’âge de 89 ans.

Notes
[1] Sourate 7 intitulée les Limbes, Al-A`râf, verset 50.

Répondre à cet article


1 Message
• > L’Imâm Al-Hasan Al-Basrî

26 février 2003 11:48

Asalamou alaikoum chers frères et soeurs, je voulais tout simplement vous


dire BarakaAllahou fikoum pour ce site très singulier qui nous apporte
beaucoup de choses nouvelles( du moins en langue française ) notamment
les biographies, etc... que l’on ne trouve pas ou très peu sur le marché
français. Qu’Allah Le Très Haut vous récompense en conséquence et vous
aide dans cette oeuvre. BarakaAllahou fikoum wa assalamou Alaikoum wa
Rahmatoullah. Saïd.

L’Imâm Mâlik
L’Imâm de Médine

lundi 24 novembre 2003

Introduction
L’école malékite est l’une des quatre écoles juridiques [1] les plus répandues dans le monde
musulman depuis le deuxième et le troisième siècle hégirien.

Cette école, ou madhhab, doit son nom à l’illustre savant, le grand juriste, l’Imâm de Médine,
Mâlik Ibn Anas, que Dieu l’agrée. Celui-ci occupa une place saillante parmi les juristes
musulmans, excella dans la ville qui reçut la science et la bénédiction du Prophète, et porta le
flambeau des sept célèbres juristes médinois : Abû Bakr Ibn `Abd Ar-Rahmân Ibn Al-Hârith
Ibn Hishâm, Qâsim Ibn Muhammad Ibn Abî Bakr As-Siddîq, `Urwah Ibn Az-Zubayr Ibn Al-
`Awwâm, Sa`îd Ibn Al-Musayyab, Sulaymân Ibn Yasâr, Khârijah Ibn Zayd et `Ubayd Allâh
Ibn `Abd Allâh Ibn `Utbah Ibn Mas`ûd.

L’époque de l’Imâm Mâlik


L’Imâm Mâlik naquit à la fin du premier siècle hégirien et son âme retourna à Dieu environ
vingt ans avant la fin du deuxième siècle. La première moitié de sa vie s’écoula sous le Califat
des Omeyyades, alors que la seconde témoigna des premiers épisodes du Califat abbasside.

Il vécut ainsi à une période mouvementée de l’Histoire islamique où émergèrent de nombreux


courants de pensée religieux et politiques. Sous les Omeyyades, le Califat islamique bien-
guidé fut transformé en un système monarchique. Cela généra discordes, conflits et instabilité,
d’autant plus que le nouveau système instauré fut teinté d’un "nationalisme arabe". Dans ce
contexte, les non-arabes subirent des injustices et les descendants du noble Prophète - paix et
bénédiction de Dieu sur lui - connurent de dures épreuves sanglantes et de regrettables
oppressions.

En 132 A.H., après avoir démantelé les structures du pouvoir omeyyade, le Califat des
Abbassides vit le jour. Le conflit s’attisa alors entre les Abbassides et les Alawites, malgré les
liens de parenté qui les liaient... Comme pour réagir au nationalisme arabe qui avait émergé
sous les Omeyyades, divers nationalismes non-arabes se développèrent sous les Abbassides.
C’est alors que les courants de pensée se multiplièrent, divers groupes religieux montèrent sur
scène et l’ouverture sur la philosophie grecque, les pensées persanes ou indiennes s’élargit par
le biais de diverses traductions.

Les frontières du monde islamique s’étaient largement étendues à cette époque, la vie
matérielle voyait son cercle s’étendre et la nécessité d’apporter des réponses religieuses à des
questions originales se faisait croissante, compte tenu de la diversité des peuples ayant
embrassé l’islam.

Les opinions juridiques se multiplièrent et deux principales écoles ou méthodologies se


dégagèrent.

La première méthodologie, celle des Gens du Hadîth, prônait l’application stricte et


rigoureuse du Coran et de la Sunnah, mettant l’accent sur la lettre et la narration. Cette Ecole
eut de nombreux adeptes et trouva une terre fertile dans le Hijâz en général, et à Médine en
particulier. En effet, cette méthodologie était en harmonie avec la vie à Médine, la ville du
Prophète : une ville fortement attachée aux enseignements du Prophète et ayant préservé sa
simplicité et son climat sain. Médine se dressa longtemps comme un rempart devant les
idéologies sociales et politiques étrangères issues des nombreuses conquêtes islamiques et du
contact avec de nouveaux peuples et de nouvelles cultures.

La deuxième méthodologie, l’Ecole de l’Opinion, plus interprétative que la précédente,


prônait également l’attachement, le respect et l’application du Coran et de la Sunnah, mais
mettait davantage l’accent sur le rôle de l’intellect dans l’appréhension et l’interprétation des
énoncés ainsi que dans la déduction des jugements légaux selon les règles de cette discipline.
Cette école s’était fortement répandue en Irak qui était, à cette époque, le foyer scientifique
musulman le plus actif. L’Irak était fort d’une histoire scientifique riche ; le recours à la
recherche et à l’analyse rationnelle était devenu familier dans l’environnement irakien,
confronté à diverses cultures, notamment la culture persane où foisonnaient les idéologies et
les philosophies.

L’Imâm Mâlik naquit et vécut à Médine. Il fut ainsi influencé par la vie et l’esprit de cette
honorable ville. Il naquit à l’époque de l’Omeyyade Al-Walîd Ibn `Abd Al-Malik et retourna à
Dieu sous le règne de l’Abbasside Hârûn Ar-Rashîd. Ainsi fut-il témoin du Califat omeyyade
et du Califat abbasside et des luttes qui les opposèrent. Il fut également témoin des luttes entre
les Abbassides et les Alawites, du mouvement des Khârijites, et des polémiques ayant opposé
les Sunnites aux Shî`ites.

Généalogie et naissance de l’Imâm Mâlik


Il s’agit de l’un des quatre pôles de la jurisprudence islamique, Mâlik Ibn Anas Ibn Mâlik Ibn
Abî `Âmir Ibn `Amr Ibn Ghaymân Ibn Khathîl Ibn `Amr Ibn Al-Hârith.

Son arrière grand-père, Abû `Âmir Ibn `Amr, fut un Compagnon du Messager de Dieu - paix
et bénédiction de Dieu sur lui. Il participa à toutes les batailles du temps du Messager de Dieu,
exception faite de la grande bataille de Badr.

Son grand-père, Mâlik Ibn Abî `Âmir, fut un grand Successeur qui rapporta des hadiths sur
l’autorité du Commandeur des Croyants `Umar Ibn Al-Khattâb, de Talhah, de la Mère des
Croyants `Â’ishah, de Abû Hurayrah et de Hassân Ibn Thâbit, que Dieu les agrée tous. Il fut
l’un des quatre hommes ayant porté le Commandeur des Croyants `Uthmân Ibn `Affân, que
Dieu l’agrée, à sa tombe. Il fut l’un des scribes qui inscrivirent le Coran lorsque `Uthmân
réunit les codex du Coran. On rapporte en outre que le « Cinquième Calife bien-guidé »,
`Umar Ibn Abd Al-`Azîz, lui demandait conseil.

Quant au père de Mâlik, Anas, l’histoire ne nous apprend que peu de choses sur lui. Nous
savons toutefois qu’il vécut à Dhû Al-Marwah, une oasis dans le désert au nord de Médine, et
qu’il gagnait sa vie en fabriquant des arcs. Selon l’opinion la plus solide, sa mère s’appelait
Al-Ghâliyah Bint Shurayk Al-Azdiyyah.

L’Imâm Mâlik naquit en 93 A.H., à Dhû Al-Marwah. Il vécut ensuite à Al-`Aqîq, une vallée
dans les alentours de Médine, puis s’installa à Médine, la ville où repose le Messager bien-
aimé - paix et bénédictions de Dieu sur lui.

Enfance et apprentissage des sciences


islamiques
Dans son enfance, l’Imâm Mâlik mémorisa le Noble Coran, puis apprit les hadiths
prophétiques et les verdicts religieux (fatâwâ) des Compagnons. Il étudia la jurisprudence de
l’Ecole de l’Opinion et s’initia à la réfutation des courants déviants. Il se montra brillant dans
l’acquisition des sciences islamiques et se distingua par son excellente mémoire.

Sa mère lui recommanda dans son enfance de se faire le disciple du Successeur, le Hâfidh
Abû `Uthmân Rabî`ah Ibn Abî `Abd Ar-Rahmân Al-Qurashî, pour puiser dans son savoir.
Rabî`ah, que Dieu l’agrée, était surnommé "Rabî`at Ar-Ra’y" pour sa rigueur et son
intelligence dans l’interprétation et le raisonnement par analogie. Les savants sont unanimes
quant à son éminence en matière de science et de jurisprudence. Yahyâ Ibn Sa`îd dit de lui :
"Je n’ai vu plus sensé que Rabî`ah." Le jeune Mâlik apprit la jurisprudence interprétative de
l’Ecole de l’Opinion auprès de Rabî`ah et, plus tard, lorsque Rabî`ah décéda, Mâlik prononça
ces mots nostalgiques : "La saveur de la jurisprudence disparut depuis la mort de Rabî`ah."

L’étape suivante de l’apprentissage de l’Imâm Mâlik fut marquée par son initiation auprès
d’un grand nombre de Sheikhs. Selon l’Imâm An-Nawawî, il eut 900 maîtres dont 300
Successeurs, les autres étant des Successeurs de Successeurs. L’Imâm `Abd Ar-Rahmân Ibn
Hurmuz Al-A`raj figurait parmi ses maîtres les plus distingués. Mais parmi ses Sheikhs, nous
pouvons également citer Nâfi`, le noble Successeur affranchi de `Abd Allâh Ibn `Umar, le
grand Imâm Ja`far Ibn Muhammad Al-Bâqir, le juriste et savant-mémorisateur Yahyâ Ibn
Sa`îd Al-Ansârî le Juge de Médine, et le prédicateur aux exhortations vibrantes, Salamah Ibn
Dînâr Abû Hâzim As-Sûfî.

Mâlik enseignant
L’excellence de l’Imâm Mâlik lui permit d’enseigner et de diffuser la science dès sa jeunesse.
On dit même qu’il commença à enseigner à l’âge de dix sept ans. Il choisit la Mosquée du
Prophète pour tenir son cercle de science. Plus précisément, il choisit, dans la Mosquée de
Médine, l’endroit où se tenait le Calife Juste `Umar Ibn Al-Khattâb. C’est là que s’asseyait le
Messager de Dieu - paix et bénédictions de Dieu sur lui. Les cours de l’Imâm Mâlik ne furent
transférés chez lui que plus tard, à cause de sa maladie.

La profusion de sa science attira une foule très nombreuse, sa renommée s’étendit et il occupa
une place distinguée dans le cœur des habitants de Médine.

En matière de jurisprudence, Mâlik puisait dans le Noble Coran, exigeant que l’exégète ait
une excellente maîtrise de la langue arabe. Puis il s’appuyait sur le Hadîth et la Sunnah, avec
une grande minutie dans l’authentification des narrations. Il considérait la pratique des gens
de Médine comme un argument législatif.

Ce noble savant prolongeait la réflexion et la méditation avant d’émettre une fatwâ ou un avis
juridique. Il disait : "Parfois, on me fait part d’une question et je passe toute la nuit à la
traiter." Il arrivait qu’une personne vienne le consulter pour une question juridique et reparte
avec pout toute réponse de l’Imâm : "Laisse-moi, je dois y réfléchir." La précipitation n’avait
aucune place dans ses verdicts. Il en est ainsi pour tous les nobles savants qui pensent en
permanence au Jour où ils comparaîtront devant Dieu.

Le scrupule de l’Imâm Mâlik transparaît aussi dans sa parole : "La chose la plus éprouvante
pour moi c’est d’être interrogé sur une question du licite ou de l’illicte, car il s’agit de
trancher dans la religion." C’est ainsi que l’Imâm Mâlik passa des années sans avancer une
opinion sur certaines questions complexes et ambiguës. Il dit : "Voilà une dizaine d’années
que je réfléchis à une question, sans arrêter une opinion."

Plus encore, quand l’Imâm était questionné sur une chose qu’il ne savait pas, il répondait
sobrement : "Je ne sais pas." Lorsqu’une personne insistait en lui disant : "Je suis venu
jursqu’à toi de mon lointain pays pour te poser cette question et voici que tu me réponds que
tu ne sais pas, toi le grand Imâm de Médine. Que vais-je dire aux miens ?" Et l’Imâm,
imperturbable, de répondre : "Dis-leur que Mâlik ne sait pas."

Famille de l’Imâm Mâlik


La femme que choisit l’Imâm pour l’accompagner dans sa vie n’était pas une femme libre. Il
épousa une esclave. On rapporte que l’Imâm Mâlik avait beaucoup d’estime pour son épouse
et eut d’elle trois fils - Muhammad, Hammâd et Yahyâ - et une fille, Fâtimah, appelée Umm
Al-Banîn. Umm Al-Banîn connaissait l’ouvrage de son père, Al-Muwattâ’, par coeur et avait
une connaissance des sciences islamiques supérieures à celle de ses frères. Lorsqu’un élève de
Mâlik lisait un passage d’Al-Muwatta’ dans son cercle d’enseignement, Fâtimah se tenait
derrière la porte et signalait chaque erreur de lecture en frappant à la porte. Entendant cela,
Mâlik demandait au lecteur de reprendre le passage où il s’était trompé.

Quelques principes de l’école malékite


La source première sur laquelle s’appuyait l’Imâm Mâlik dans sa jurisprudence fut le Noble
Coran. C’est dans les versets de la Sage Révélation qu’il cherchait les jugements légaux et les
preuves juridiques. Il estimait que toute personne qui se penchait sur l’interprétation des
versets coraniques devait absolument avoir une grande maîtrise de la langue arabe, la langue
de la révélation. "Si on m’amène un homme qui interprète le Coran sans être savant en langue
arabe, je le punirai très certainement", disait-il. Par ailleurs, il ne tenait pas compte des
israélismes [2] en matière d’exégèse.

Mais la maîtrise de la langue, outil indispensable pour l’exégète, ne suffit pas à elle seule pour
puiser les jugements divins dans le Noble Coran. La Tradition du Prophète - paix et
bénédiction de Dieu sur lui - illustre les versets, les expose, les explique et en revèle le sens.
C’est pourquoi l’Imâm Mâlik voyait en la Sunnah la deuxième source fondamentale de la
Législation islamique, conformément à la Parole de Dieu :

"Prenez ce que le Messager vous octroie ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en." [3]

"Quiconque obéit au Prophète, obéit à Dieu" [4]

"[...] Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens
ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent" [5]

"Non !... Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront
demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu
auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement [à ta sentence]" [6]

En outre, les verdicts religieux et les jugements juridiques émis par les Compagnons du
Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui -, occupaient une place importante dans la
jurisprudence de l’Imâm Mâlik. Il pensait en effet que la pratique des Compagnons doit être
annexée à la Sunnah. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que le Muwatta’ de Mâlik
compile, à côté des hadîths prophétiques, des verdicts des Compagnons. Il rapporta, par
exemple, selon `Abd Allâh Ibn `Umar, qu’un homme vint le voir et dit : "Ô Abû `Abd `Ar-
Rahmân, j’ai accordé un emprunt à un homme et j’ai exigé qu’il me le retourne par une chose
de plus grande valeur". Ibn `Umar répondit : "Telle est l’usure (Ribâ)".

Lorsque l’Imâm Mâlik manifesta un tel attachement à la Sunnah du Prophète et à la guidance


des Compagnons, il devint l’Imâm de la Sunnah à son époque et occupa une place très
distinguée parmi les savants de l’Islam.

Il voyait dans le jugement légal émis par un compagnon une preuve solide et une branche de
la Sunnah. En effet, soit le compagnon a appliqué un jugement qu’il tient du Messager de
Dieu, soit la situation se prêtait à l’ijtihâd, et l’ijtihâd du compagnon découle de l’aiguisement
de son sens juridique grâce à l’éducation prophétique qu’il a reçue.

Par ailleurs, il prenait en considération les opinions de certains Successeurs lorsqu’il s’assurait
de leur science, de leur maîtrise de la jurisprudence et de leur éthique. Parmi ceux-là, citons
`Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, Sa`îd Ibn Al-Musayyab, Ibn Shihâb Az-Zuhrî et Nâfi` l’affranchi
de `Abd Allâh Ibn `Umar.

Le consensus juridique, Ijmâ`, est une autre preuve législative considérée par Mâlik. On
entend par consensus juridique l’accord des juristes et des savants musulmans sur une
question donnée. A plusieurs occasions, l’Imâm Mâlik introduisait un jugement juridique par :
"L’opinion qui fait l’objet d’un consensus chez nous". Il entendait par cela : "la chose sur
laquelle s’accordent les juristes et les gens de science, sans divergence".

Il semblerait que l’Imâm Mâlik entende par "les juristes et les gens de science", les savants et
les juristes de Médine. Lorsqu’il dit "L’opinion qui fait l’objet d’un consensus chez nous", il
renverrait ainsi à l’opinion qui fait l’unanimité à Médine. C’est pour cette raison que certains
savants affirment que le consensus juridique chez Mâlik, c’est la pratique des gens de Médine.
La religion, ses fondements et ses branches, furent transmis et appliqués à Médine de
génération en génération, depuis le temps des Compagnons. Ainsi, la pratique des savants et
juristes médinois reflète avec fidélité ce qui fut transmis par les pieux prédécesseurs. C’est
pour cette raison, que l’Imâm Mâlik préférait le consensus des gens de Médine aux hadîths
dits ahâd.

L’analogie juridique (Qiyâs), la préférence juridique (Istihsân) et la présomption de continuité


(Istishâb) constituent également des preuves juridiques pour l’Imâm Mâlik.

Le raisonnement par analogie (Qiyâs) consiste à appliquer pour un cas juridique non tranché
par les sources législatives primaires le jugement prévu dans la législation pour un autre cas
juridique, sachant que, au fond, la raison juridique qui motive le jugement dans le premier cas
s’avère présente dans le second [7].

La préférence juridique istihsân peut se produire dans deux cas de figures. Le premier, c’est
lorsque le mujtahid délaisse le recours à un raisonnement par analogie explicite au profit d’un
raisonnement par analogie implicite. Le second cas de figure se présente lorsque le mujtahid
favorise, pour un motif donné, un jugement exceptionnel par rapport à un jugement convenu.
Si, par exemple, le dévoilement de la `awrah est illicite, une exception sera faite à ce
jugement pour des raisons médicales où le patient devrait exposer des membres de sa `awrah
au médecin. Dans ce cas de nécessité médicale, la préférence est donnée au jugement
exceptionnel.
Enfin, l’Istishâb stipule que le jugement légal relatif à une chose est conforme à son état dans
le passé, aussi longtemps que rien ne prouve que cet état a changé, et que le jugement établi
dans le passé est valide dans le présent, jusqu’à ce qu’une preuve motivant un changement
soit avancée.

Mâlik prenait aussi en considération la réalisation de l’intérêt public (Al-Masâlih Al-


Mursalah) et l’obstruction aux prétextes (Sadd Adh-Dharâ’i`) [8].

Par ailleurs, l’Imâm Mâlik prenait en compte l’usage (`Urf) et la coutume (`Âdah). Il s’agit de
conventions relatives aux paroles, aux actes ou aux abstentions, répandues parmi les gens et
consacrées par l’usage. Le recours à l’usage peut être fait par le savant à condition qu’il n’y
ait pas de texte dans le Coran ou la Sunnah tranchant la question et que cela n’entraîne pas de
mal ou de nuisance.

Ce tour d’horizon rapide témoigne de la richesse des mécanismes juridiques de l’école


malékite. Il convient de noter que la plupart de ces sources législatives sont également
considérées dans les autres écoles juridiques sunnites.

Elèves de l’Imâm Mâlik


Si les maîtres de l’Imâm Mâlik furent très nombreux, il en fut de même pour ses élèves. Ce
contact privilégié avec l’Imâm Mâlik fut sans doute favorisé par sa présence à Médine, lieu de
passage par excellence des pélerins venus prier dans la mosquée du Prophète Muhammad et le
saluer dans sa tombe illuminée. Pendant leurs séjours, de durées variables, les étudiants et les
savants parmi les pélerins, faisaient connaissance avec les savants de Médine et fréquentaient
leurs cercles d’enseignement. La prééminence de l’Imâm Mâlik à Médine fit de lui une
référence incontournable pour tout savant ou étudiant vivant à Médine ou y séjournant
provisoirement. Par ailleurs, la longue vie que Dieu accorda à Mâlik explique aussi le nombre
conséquent de ses élèves. La plupart des Imâms dont l’étoile brilla du vivant de l’Imâm Mâlik
étaient ses élèves, originaires de diverses contrées.

Certains de ses maîtres parmi les Successeurs rapportèrent des hadîths de lui. C’est le cas
notamment d’Az-Zuhrî, Ayyûb As-Sikhtiyânî, Abû Al-Aswad, Rabî`ah Ibn Abî `Abd Ar-
Rahmân, Yahyâ Ibn Sa`îd Al-Ansârî, Mûsâ Ibn `Uqbah et Hishâm Ibn `Urwah.

Certains de ses pairs rapportèrent aussi le hadîth de lui, comme Sufyân Ath-Thawrî, Al-Layth
Ibn Sa`d, Sufyân Ibn `Uyaynah, Abû Hanîfah, Abû Yûsuf et de nombreux autres.

Parmi ses élèves citons enfin, le disciple de l’Imâm Abû Hanîfah, Muhammad Ibn Al-Hasan
Ash-Shaybânî, et l’Imâm Ash-Shâfi`î.

L’épreuve de la prison
L’Imâm Mâlik vécut sous le Califat des Omeyyades, puis celui des Abbassides. Les historiens
rapportent qu’il fut flagellé, châtié et humilié sous le Califat de Abû Ja`far Al-Mansûr, et
avancent pour cela différentes raisons.
Selon une opinion, l’Imâm Mâlik enseignait un hadîth établissant qu’un serment prêté sous la
contrainte est nul. Al-Mansûr n’aimait pas que ce hadîth soit diffusé, de peur que ses
adversaires en profitent pour se débarasser de l’allégeance forcée qu’ils lui avaient prêtée. Il
aurait ordonné à l’Imâm Mâlik de ne pas enseigner ce hadîth et le refus de Mâlik aurait
entraîné le châtiment qu’il a subi.

Selon une autre opinion, similaire à la précédente, des gens auraient demandé à l’Imâm Mâlik
s’il était licite de s’allier à Muhammad Ibn Abî `Abd Allâh Al-Hasan pour se révolter contre
les Abbassides, malgré l’allégeance qu’ils avaient prêtée à Abû Ja`far Al-Mansûr... On
rapporte qu’il expliqua que cette allégeance fut scellée de façon forcée et que celle-ci était,
par conséquent, non avenue. Il leur aurait même recommandé de s’empresser de soutenir
Muhammad Ibn Abî `Abd Allâh Al-Hasan... La nouvelle serait parvenue à Al-Mansûr qui fit
venir Mâlik, en 147 A.H., et lui infligea l’épreuve du fouet au point que son épaule se déboita.

Selon une autre opinion encore, la raison de cette humiliation, c’est que Mâlik avait donné la
prééminence à notre maître `Othmân Ibn `Affân par rapport à notre maître `Alî Ibn Abî Tâlib,
que Dieu les agrée tous deux.

Mais l’opinion la plus connue et la plus correcte à ce sujet, c’est que l’Imâm Mâlik enseignait
le hadîth établissant que le serment prêté sous la contrainte est nul. Mais il parvint à Ja`far,
gouverneur de Médine et cousin du Calife Al-Mansûr, que l’Imâm Mâlik annulait l’allégeance
qu’ils reçurent des gens. Certains proches de Ja`far lui recommandèrent d’agir avec prudence
car l’Imâm Mâlik jouissait d’un rang élevé auprès du Calife. Ja`far envoya des gens demander
à l’Imâm le jugement légal relatif au serment forcé, puis les prit pour témoins, fit venir Mâlik
et ordonna qu’il reçoive soixante-dix coups de fouet. La nouvelle se propagea à Médine
comme le feu dans la paille et bientôt la ville allait entrer en ébullition sous la colère des
Médinois indignés.

L’incident parvint rapidement au Calife, qui exprima à son tour son indignation et affirma ne
pas être au courant de cela. Il démit son cousin de son poste de gouverneur et le fit venir de
Médine à Bagdad à dos de chameau. En outre, il demanda à l’Imâm Mâlik de bien vouloir
venir à Bagdad, mais le juriste de Médine déclina cette demande. Le Calife envoya alors une
lettre à Mâlik l’informant qu’il souhaiterait le voir à la prochaine saison de pélerinage.
L’Imâm rencontra ainsi le Calife à Minâ. Al-Mansûr le voyant quitta l’endroit où il était assis,
s’installa sur un tapis par terre et ne cessa de demander à l’Imâm de s’approcher de lui,
jusqu’au point où leurs genoux se touchèrent, pour ainsi manifester son affection pour le
juriste médinois. Puis le Calife jura qu’il n’avait guère ordonné ce qui fut, qu’il n’était même
pas au courant, et raconta son énorme indignation quand cette fâcheuse nouvelle agressa son
ouïe. Il s’excusa auprès de l’Imâm Mâlik et l’informa qu’il avait ordonné que Ja`far soit
châtié et humilié. Mais l’Imâm Mâlik loua Dieu, salua son Prophète et dit au Calife qu’il
pardonnait à Ja`far pour son lien de parenté avec le Prophète et son lien de parenté avec le
Calife.

Puis la conversation se prolongea entre les deux hommes et le Calife aborda les récits des
prédécesseurs et des savants, les sujets consensuels en matière de jurisprudence, et les
questions qui font l’objet de divergences entre les juristes, au point que l’Imâm Mâlik attesta
de sa culture et de son intelligence.

A cette occasion, le Calife demanda à l’Imâm Mâlik de rédiger un ouvrage, adoptant une voie
médiane et consignant ce qui fit l’unanimité des Compagnons et des Imâms parmi les savants.
Il promit à l’Imâm Mâlik de diffuser cet écrit dans les pays musulmans afin que les gens s’y
tiennent.

Les ouvrages de l’Imâm Mâlik


Le plus célèbre ouvrage composé par l’Imâm de Médine, c’est Al-Muwatta’. Il s’agit d’un
ouvrage compilant des éléments de la Sunnah purifiée, ainsi que certaines opinions juridiques
émises par les nobles Compagnons, les Successeurs et autres savants parmi les pieux
prédécesseurs.

On lui attribue quelques autres ouvrages et épîtres comme :

Tafsîr Gharîb Al-Qur’ân Al-Karîm (Interprétation des singularités du Noble Coran).

Kitâb As-Surûr (Le livre de la félicité).

Une épître traitant de la Fatwâ, une autre traitant d’astrologie, et une troisième apportant
une réplique aux Qadariyyah (adhérant à la doctrine de la prédestination et du fatalisme).

L’érudit, l’Imâm Jalâl Ad-Dîn As-Suyûtî cita ces ouvrages et quelques autres dans Tazyîn Al-
Mamâlik (L’ornement des royaumes). Toutefois, des doutes subsistent quant à l’authenticité
de leur attribution à Mâlik.

Mais le livre le plus précieux que ce juriste laissa à la postérité, c’est Al-Muwatta’.
L’attribution de ce livre à son auteur relève de la certitude. On relate que l’apparition de
nombreuses sectes et la propagation de leurs croyances poussèrent l’Imâm Mâlik à consigner
la science qui lui était parvenue, avant qu’elle ne s’évanouisse de génération en génération ou
qu’elle ne soit négligée ou oubliée. On rapporte aussi que ce livre fut rédigé à la demande du
Calife Abbasside, Abû Ja`far Al-Mansûr. Le Calife voulait que Mâlik rédige un livre
accessible où il adopterait une voie médiane et aisée, entre la rigueur outrancière et la
souplesse excessive, dans les positions juridiques adoptées. Cela aurait motivé le titre même
de l’ouvrage Al-Muwatta’...

Mâlik rédigea cet ouvrage pendant plus de dix ans et ne cessa de le mettre à jour et de
l’enrichir pendant près de quarante ans. Hârûn Ar-Rashîd lui proposa de l’accrocher à la
Ka`bah, à la Mecque Honorée, pour témoigner de ses vertus et pousser les gens à s’y
conformer. Mais l’Imâm Mâlik déclina cette offre et justifia son refus en ces termes : "Ô Emir
des Croyants, quantà accrocher Al-Muwattâ’ à la Ka`bah, [je ne le souhaite pas], car les
Compagnons du Messager de Dieu - paix et bénédictions de Dieu sur lui - divergèrent dans
les jugements dérivés et se dispèrent dans les pays, et chacun estime avoir raison."

C’est ce respect des divergences argumentées et solides en matière de jurisprudence qui


poussa l’Imâm Mâlik à se comporter ainsi. Plus encore, Mâlik vit en ces divergences, basées
sur des preuves tangibles, une miséricorde pour les serviteurs de Dieu : "Ô Emir des Croyants,
la divergence entre les savants est une miséricorde de Dieu envers cette communauté", dit-il.

Il convient de noter que cet ouvrage n’est pas un reccueil de Hadîth au sens classique du
terme. Il s’agit d’un ouvrage de Fiqh où l’Imâm Mâlik souhaita exposer les opinions qui
relèvent du consensus dans la jurisprudence médinoise, s’appuyant sur des preuves issues de
la Sunnah considérée et appliquée à Médine. C’est dans cette perspective qu’il déclina les
questions juridiques.

On rapporte que l’Imâm Ash-Shâfi`î dit : "Il n’y a sur terre de livre de science (islamique)
plus correct que le Muwatta’ de Mâlik." L’Imâm An-Nawawî cita cette parole et nota que
"Cette opinion d’Ash-Shâfi`î est préalable à la rédaction des deux Sahîh d’Al-Bukhârî et de
Muslim."

Quelques ouvrages célèbres de l’école


malékite
Nous citons ci-dessous quelques ouvrages et références de l’école malékite :

Mukhtasar Khalîl de Khalîl Ibn Ishâq Ibn Mûsâ.

Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid de Abû Al-Walîd Ahmad Ibn Muhammad Ibn
Rushd (Al-Hafîd).

Minah Al-Qadîr `alâ Mukhtasar Khalîl de Muhammad Ibn Ahmad Ibn `Arafah Ad-Desûqî.

Tuhfat Al-Hukkâm de Abû Bakr Muhammad Al-Gharnâtî.

Al-Furûq de Ahmad Ibn Idrîs Al-Qarâfî.

Tabsirat Al-Hukkâm de Muhammad Ibn Farhûn Al-Ya`murî.

Az-Zurqânî `alâ Al-Muwattâ’ de Muhammad Ibn `Abd Al-Bâqî Az-Zurqânî.

Mawâhib Al-Jalîl fî Sharh Mukhtasar Khalîl de Al-Hattâb Al-Maghribî.

At-Tâj wa Al-Iklîl li Mukhtasar Ash-Sheikh Khalîl de Muhammad Al-Gharnâtî.

Al-Musawwâ min Ahâdîth Al-Muwatta’ de Waliyy Ed-Dîn Ad-Dahlâwî.

Décès de l’Imâm
L’Imâm Mâlik tomba malade pendant vingt-deux jours. La nuit de son décès, Abû Bakr Ibn
Sulaymân As-Sawwâf vint dans une assemblée lui rendre visite et s’enquérir de son état de
santé : "Comment te sens-tu aujourd’hui ?", demanda-t-il au juriste de Médine. Mâlik
répondit : "Je ne sais quoi vous dire. Demain, vous verrez du Pardon de Dieu ce que vous
n’aviez pas prévu." Peu de temps après, l’Imâm Mâlik rendit son âme bénie.

Il décéda à Médine le 14 Rabî` Al-Awwal 179 A.H., selon l’opinion la plus correcte, et fut
enterré au cimetière d’Al-Baqî`. Puisse Dieu l’agréer et nous faire profiter de sa science dans
les deux demeures.
P.-S.
Cette présentation s’appuie sur le 6e volume de Yas’alûnaka fi Ad-Dîni wa Al-Hayâh de
Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî. Certaines considérations juridiques s’appuient sur `Ilm Usûl
Al-Fiqh de Sheikh `Abd Al-Wahhâb Khallâf.

Notes
[1] Les quatre écoles juridiques sunnites les plus répandues sont : l’école hanafite, l’école
malékite, l’école shaféite et l’école hambalite.

[2] Les israëlismes sont des traditions et des idées juives que certaines personnes bien ou mal
intentionnées ont tenté au cours de l’histoire d’incorporer dans l’Islam et dans la Sunnah, bien
qu’étant en contradiction avec ceux-ci. NdT

[3] Sourate 59, Al-Hashr, L’exode, verset 7.

[4] Sourate 4, An-Nisâ, Les femmes, verset 80.

[5] Sourate 16, An-Nahl, Les abeilles, verset 44.

[6] Sourate 4, An-Nisâ, Les femmes, verset 65.

[7] Un exemple du raisonnement analogique fut mené par les savants pour interdire toute
transaction depuis l’appel à la prière du vendredi jusqu’à la fin de celle-ci. En effet, le
Législateur interdit explicitement la vente après l’appel à la prière du vendredi : "Ô vous qui
avez cru ! Quand on appelle à la prière du jour du Vendredi, accourez à l’invocation d’Allah
et laissez toute vente.", Sourate 62, Al-Jumu`ah, verset 9. Or la raison d’être de cette
interdiction c’est la distraction résultant de ce commerce ; distraction qui empêche le
musulman d’accourir, immédiatement, à la mosquée pour écouter le sermon et accomplir la
prière. Ainsi, toute transaction - le bail, le troc, etc. - ou oeuvre qui distrait le musulman
d’accourir à la prière du vendredi devient, par analogie, répréhensible.

[8] Sadd Adh-Dharâ’i` consiste à condamner de manière préventive ce qui mène au mal.

L’Imâm Abû Al-Hasan Al-Akhfash


L’illustre Grammairien

dimanche 7 mai 2000

L’Imâm et grammairien Abû Al-Hasan, Sa`îd Ibn Mas`adah Al-Balkhî Al-Basrî, l’affranchi de
Banî Mujâshi`, connu sous le nom d’Al-Akhfash Al-Awsat.

Aperçu
Il fut le disciple d’Al-Khalîl Ibn Ahmad et accompagna Sîbaweih, son congénère, jusqu’à ce
que son génie se révèle. Abû Hâtim As-Sijistânî dit : "Al-Akhfash croyait en la prédestination
et était peu recommandable [1], son livre sur les significations [du Coran] est passable bien
que contenant des opinions sur la prédestination." Abû `Uthmân Al-Mâziniyy dit : "Al-
Akhfash était le plus grand linguiste et un expert en dialectique. Parmi ses disciples, on
compte : Al-Mâziniyy, Abû Hâtim et Salamah et bien d’autres.

Al-Akhfash dit : Al-Kisâ’î vint à Basorah et me demanda de lui répéter le contenu du livre de
Sîbaweih, ce que je fis alors il me donna 50 dinars. Par la suite, il fut chargé de l’éducation
des enfants d’Al-Kisâ’î. Tha`lab avait une préférence pour Al-Akhfash et disait de lui : "Il
était le plus connaisseur de tous". Il a laissé une importante littérature en grammaire, en
métrique, et en interprétation du Coran.

Al-Akhfash relate : Je me rendis à Baghdad à la Mosquée d’Al-Kisâ’î. Je trouvai en sa


présence Al-Farrâ’, Al-Ahmar et Ibn Sa`dân. Je l’interrogeai sur cent points et il me répondit
et je lui donnai tort à chaque réponse alors ses disciples se fâchèrent mais il les empêcha de
me nuire. Il me demanda : Par Dieu, es-tu Abû Al-Hasan ? Je répondis que oui. Alors il se
leva, me serra dans ses bras et me fit asseoir à côté de lui. Il me dit : j’aimerais que tu éduques
mes enfants, ce que j’acceptai.

Al-Akhfash décéda aux alentours de 210 A.H.

P.-S.
Nous nous sommes basé exclusivement pour la rédaction de cette page sur l’encyclopédie des
noms propres, Siyar A`lâm An-Nubalâ’ de l’Imam Shamsuddîn Adh-Dhahabî. Toute
information complémentaire de la part des lecteurs sera la bienvenue.

Notes
[1] Il convient de relativiser les critiques émises par certains savants sur leurs contemporains
car elle relève des fois de la jalousie ou de différends personnels et des points de vue
divergents comme sur la question de la prédestination.

L’Imâm Al-Farrâ’
Le Grammairien de son temps

lundi 24 avril 2000

Le savant, aux multiples écrits, Abû Zakariyyâ, Yahyâ Ibn Ziyâd Ibn `Abdillâh Ibn Mandhûr
Al-Asadî, le grammairien de kûfâh, ami d’Al-Kisâ’î, il rapporte le savoir de : Qays Ibn Ar-
Rabî`, Mandal Ibn `Alî, Abû Al-Ahwas, Abû Bakr Ibn `Ayyâsh, et `Ali Ibn Hamzah Al-Kisâ’î.
Ses étudiants sont notamment : Salamah Ibn `Âsim, Muhammad Ibn Al-Jahm As-Simmariyy
et bien d’autres. Ses narrations sont fiables. D’après Tha`lab, sans Al-Farrâ’, il n’y aurait pas
eu de langue arabe car il l’a sauvée et débarrassée de tous ceux qui se la réclamait.

Eléments de biographie
Abû Budayl Al-Waddâhî rapporte que le Calife Al-Ma’mûn ordonna à Al-Farrâ’ de composer
une référence rassemblant tous les fondements de la grammaire. Il lui assigna une pièce, des
serviteurs et des scribes. La dictée de cette référence dura plusieurs années. Il rapporte
également que quand il dicta son livre "Les significations du Coran" i.e. Ma`ânî al-Qur’ân, les
foules se sont rassemblées autour de lui dont quatre-vingt juges. Il dicta l’interprétation de
"Gloire" (arabe : "Al-Hamd", premier mot de la sourate 1 du Coran) près de 100 pages.

Le Calife Al-Ma’mûn le chargea de l’éducation de ses deux fils pour qu’il leur enseigne la
grammaire. Un jour voulant se lever, les deux enfants du Calife accoururent pour lui porter
ses savates. Quand le Calife en eut vent, il dit : "Un homme ne sera jamais trop grand pour
être modeste avec son souverain, ses parents et son professeur".

Ibn Al-Anbârî dit : "S’il n’y avait d’autres grammairiens à Baghdâd et Kûfâ que Al-Kisâ’î et
Al-Farrâ’, cela suffirait." Certains dirent : Al-Farrâ’ est le Commandeur des croyants en
grammaire.

Hannâd rapporte : "Al-Farrâ’ nous accompagnait dans nos tournées auprès des savants sans
jamais rien écrire, nous pensâmes qu’il mémorisait." Thumâmah Ibn Ashras dit : "Un jour, je
rencontrai Al-Farrâ’. Alors je l’interrogeai en linguistique où il s’avéra un océan de savoir. Je
l’interrogeai en grammaire où il fut exceptionnel. Je l’interrogeai aussi en jurisprudence où il
connaissait les diverses opinions et en médecine où il s’avéra expert, et sur l’histoire des
arabes et leur poésie et les astres. J’en informai le Commandeur des croyants qui le demanda.

Il mourut sur le chemin du pèlerinage en 207 AH à 63 ans.

Ses écrits
Parmi ses ouvrages, on compte :

• Al-Bahiyy
• Ses écrits s’élèvent à environ 3000 pages.

P.-S.
Cet aperçu est majoritairement traduit de Siyar A`lâm An-Nubalâ’, gigantesque
encyclopédie de noms propres de l’Imâm Shamsuddîn Adh-Dhahabî.

L’Imâm Abû Hanîfah


Un Géant du Fiqh

dimanche 7 octobre 2001

Nous présentons succintement le noble Imâm, célèbre sous le nom "Al-Imâm Al-A`dham" (le
plus grand Imâm), Abû Hanîfah, qu’Allâh l’agrée, l’un des quatre pôles de la jurisprudence.

Introduction
Mosquée de l’Imâm Abû Hanîfah

Le noble compagnon du Prophète, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, `Abd Allâh Ibn Mas`ûd
s’installa dans la ville de Kufa après sa construction sous le Califat de notre maître `Omar Ibn
Al-Khattâb, qu’Allâh l’agrée, en l’an 17 A.H. Il était qu’Allâh l’agrée un vaste océan de
science. Il enseigna aux gens la religion et la compréhension de la loi islamique. Notre maître
`Abd Allâh Ibn Mas`ud fut grandement influencé par la méthodologie de notre maître`Omar
Ibn Al-Khattâb dans la recherche, la déduction subtile des lois, l’Ijtihâd par l’opinion dans
l’absence d’un texte du Coran et la Sunnah, avec une grande rigueur dans l’authentification du
Hadîth. Parmi les plus remarquables des disciples d’Ibn Mas`ud, qu’Allah l’agrée, nous
pouvons citer des juristes brillants comme `Ubaydah Ibn Qays As-Salmâni, `Alqama Ibn Qays
An-Nakha`î au sujet duquel son sheikh, Ibn Mas`ud dit : " je ne connais une chose sans que
`Alqamah la connaisse ". De même nous pouvons citer Shurayh Al-Kindi qui présida la
Justice à Kufa sous le Califat de `Omar, et occupa cette fonction pendant 62 ans. Une
génération qui n’a pas connu Ibn Mas`ud, leur succéda. Ils se sont dévoués pour porter le
dépôt de la science et l’honorer en apprenant des compagnons d’Ibn Mas`ud et ses disciples.
Parmi les personnes les plus saillantes dans cette génération nous comptons Ibrâhîm Ibn Yazîd
An-Nakha`î, l’illustre juriste de l’Iraq, également très savant en matière du Hadîth. Ibrâhîm
An-Nakha`î eut de nombreux disciples dont Hammâd Ibn Sulaymân qui lui succéda dans son
cercle de science. Ce dernier était un Imâm Mujtahid, enseignant la jurisprudence dans un
vaste cercle de science où s’agenouillait l’Imâm Abû Hanîfah An-Nu`mân. L’Imâm Abû
Hanîfah surpassa ses collègues et son étoile brilla du vivant de son sheikh. Il lui succéda à la
tête de l’enseignement du Fiqh et dirigea l’école de l’opinion. De nombreux étudiants et
disciples l’ont entoure, parmi eux, se distinguèrent des gens aussi doues et dévoues que Abû
Yûsuf, Muhammad et Zufar, qui ont œuvré pour la formalisation de l’école juridique hanafite.

Sa naissance et sa jeunesse
La ville de Kûfa accueillit la naissance d’An-Nu`mân Ibn Thâbit Ibn An-Nu`mân, connu par
Abû Hanîfah, en 80 A.H. (699 E.C.). À cette époque, Kûfa était un foyer de science, riche en
cercle d’enseignement de Fiqh (jurisprudence), Hadîth, lectionnaires et langues. Les
mosquées étaient alors pleines d’Imâms entourés de disciples et étudiants assoiffés de science
et d’étude. C’est là que l’Imâm Abû Hanîfah a passé la majeure partie de sa vie, d’abord pour
apprendre, puis pour répandre la science. Depuis sa plus tendre enfance, après avoir mémorisé
le Noble Coran, il partait s’agenouiller dans ces cercles de sciences. Toutefois, il était
préoccupé par le commerce avec son père. Mais lorsque le juriste `Âmir Ash-Sha`bî vit en lui
les signes de l’intelligence et la vivacité de l’esprit, il lui recommanda d’assister aux
assemblées des savants et de se dépenser dans l’étude. Le jeune Imâm Abû Hanîfah donna une
suite favorable à ce conseil et dirigea ses efforts et son énergie vers les cercles de science. Il
rapporta le Hadîth, étudia la langue et la littérature, se versa dans la science du Kalâm où son
astre brilla au point de débattre avec les apôtres des différentes sectes et de réfuter de fausses
croyances en matière de Credo. Puis, il se dirigea vers le Fiqh et accompagna Hammâd Ibn
Abî Sulaymân pendant dix-huit ans.

Ses maîtres
L’Imâm Abû Hanîfah accomplissait le pèlerinage fréquemment ; on dit qu’il fit 55
pèlerinages. Ces voyages répétitifs vers les lieux saints lui permirent de rencontrer de grands
juristes et mémorisateurs du Hadîth (Huffâdh) et de puiser dans leur savoir. Parmi les
Successeurs (tabi`îne) qu’il rencontra citons `Âmir Ash-Sha`bî (m. 103 A.H., 721 E.C.),
`Ikrimah mawlâ Ibn `Ibbâs (m. 105 A.H., 723 E.C.), Nâfi` mawlâ Ibn `Omar (m. 117 A.H.,
735 E.C.), Zayd Ibn `Alî Zayn Al-`Âbidîn (m. 122 A.H., 740 E.C.). Certains historiens
comptent 4 mille sheikhs pour Abû Hanîfah, et selon certains récits, il aurait connu certains
rares compagnons qui auraient vécu jusqu’à la fin du premier siècle hégirien, ce qui élèverait
le rang de l’Imâm à celui de Successeur. Toutefois, si cela est vrai, il n’avait pas alors l’âge de
recevoir une quelconque science d’eux, et il est connu qu’il était préoccupé au début par le
commerce.

La direction du cercle de Fiqh


Après la mort de son sheikh, Hammâd Ibn Abî Sulaymân, la direction du cercle de Fiqh finit
entre les mains de l’Imâm Abû Hanîfah qui était alors un quadragénaire. Les étudiants l’ont
alors entouré pour puiser dans sa science abondante et son Fiqh. Il avait une approche
d’enseignement toute originale. Face à une question juridique, il ne donnait pas la réponse
directement, il exposait la question à ses disciples pour que chacun propose une solution
argumentée. Puis, l’Imâm commentait les propos de ses élèves, en rectifiant ce qui mérite de
l’être, puis au terme de cette discussion sondant les facettes du problème et les pistes de
réponse, le professeur pédagogue et ses élèves arrivaient à une solution juridique. L’Imâm
Abû Hanîfah entourait ses élèves de ses soins. Il dépensa même de son argent pour ses élèves,
notamment son fidèle disciple Abû Yûsuf pour lui faciliter la recherche de science et lui
épargner des difficultés financières qui constituaient un frein dans ses études. Abû Yûsuf (m.
182 A.H., 797 E.C.) dit : " Il me supporta financièrement ainsi que mes enfants pendant vingt
ans. Et si je lui dis : je n’ai vu plus généreux que toi, il me répondait : qu’aurais-tu dit si tu
avais vu Hammâd (i.e. le sheikh de Abû Hanîfah), je n’ai vu d’homme réunissant les nobles
qualités comme lui ". Il gagnait sa vie par le commerce. Il avait à Kûfa un commerce de soie,
géré par son partenaire. Cela lui permit de gagner sa vie honorablement et de se consacrer à la
science et l’enseignement.

Les fondements de son école


La naissance de l’école juridique de l’Imâm Abû Hanîfah marqua l’avénement de l’école de
l’opinion. Les fondements du madhab (école juridique) se sont établis de son vivant. Il les
synthétisa en disant : " Je prends le Livre d’Allâh lorsqu’il contient la réponse, sinon, je
prends la Sunnah du messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, si je ne trouve pas
dans la Sunnah, je prends l’opinion de ceux que je veux parmi ces compagnons, et je laisse
celles de qui je veux, je ne laisse leur opinion au profit de celle d’autres personnes, et lorsque
l’on en vient à l’opinion d’Ibrâhîm, Ash-Sha`bî, Al-Huss, Ibn Sîrîn ou Sa`îd Ibn Al-
Musayyab, alors je recours à l’Ijtihâd comme ils l’ont fait". En cela, l’Imâm Abû Hanîfah
s’accorde avec tous les juristes et Imâms du Fiqh sur le devoir de recourir au Coran et la
Sunnah pour puiser les jugements légaux. Mais l’Imâm Abû Hanîfah s’est distingué par son
Ijtihâd et sa méthode de déduction des jugements légaux, qui consiste à ne pas en rester à
l’apparence, mais plutôt de plonger dans les profondeurs du sens des textes, leurs buts et
finalités. Le fait que le noble Imâm soit connu pour le recours fréquent à l’opinion et
l’analogie ne signifie aucunement qu’il délaissait les narrations et les traditions du Prophète,
ou que sa marchandise en science du Hadith était peu de chose. La vérité est que l’Imâm Abû
Hanîfah avait des critères stricts d’acceptation des narrations, traduisant un grand souci
d’authentification. C’est cette stricte rigueur que s’est imposé l’imâm Abû Hanîfah qui fit
qu’il a exploré en profondeur ce qui, selon ses critères, était authentique et qu’il recourra à
l’analogie dans la nécessité en se référant à la base authentique qu’il a agrée. Le génie de
l’Imâm se manifesta dans les questions qui lui ont été posées, mais l’Imâm déploya sa science
et son intelligence en supposant des hypothèses, en imaginant des cas de figures qui ne
s’étaient pas produits, puis il les étudiait en profondeur et exposait les jugements légaux
relatifs. On appelle cela " Al-Fiqh At-Taqdîrî ", le Fiqh Hypothétique, et l’on dit qu’Abû
Hanîfah en est le pionnier. Il a été rapporté que l’Imâm a posé soixante milles questions
juridiques de ce type.

Ses disciples
Nous ne connaissons pas de livre de Fiqh écrit par la plume de l’Imâm Abû Hanîfah. Cela
n’est pas en contradiction avec le fait qu’il dictait à ses disciples et élèves des opinions
juridiques et des verdicts. Contrairement aux écoles juridiques d’autres grands Imâms
contemporains à Abû Hanîfah, l’école de l’Imâm ne s’est pas éteinte. Dieu a mis au service de
cet Imâm de nombreux disciples, brillants et fidèles, qui ont conservé précieusement et inscrit
les opinions juridico-légales de leur sheikh. Parmi les plus célèbres de ces disciples, citons :

• Abû Yûsuf Ya`qûb Ibn Ibrâhîm, décédé en 183 A.H. soit 799 E.C. Il est considéré
comme le premier à composer des ouvrages de l’école juridique hanafite. Certains de
ses écrits nous sont parvenus comme Al-Âthâr, où il rapporte un Musnad de l’Imâm
Abû Hanîfah compilant des hadîths sur lesquels l’Imâm s’est appuyé dans certaines de
ses fatwas. Nous citons aussi le livre La divergence entre Abû Hanîfah et Ibn Abî
Laylâ, où Abû Yûsuf rassembla certaines questions juridiques au sujet desquelles
l’Imâm Abû Hanîfah divergea avec le célèbre juriste de Kûfa, Ibn Abî Laylâ. Dans ce
livre, se tisse en filigrane une image des débats scientifiques très pointus et très riches
entre les savants de cette époque et Abû Yûsuf a pris le soin de réunir les arguments
des différents juristes qui ont divergé, même si, très souvent, il retient l’opinion de son
sheikh, l’Imâm Abû Hanîfah. Il est également l’auteur du célèbre Al-Kharâdj (Les
Impôts), qu’il écrivit à la demande du Calife Ar-Rashîd. Les postes qu’il a occupés
dans la Justice lui ont permis de répandre l’école hanafite. En effet, il travailla dans la
justice sous le Calife Abbaside Al-Mahdî, puis il occupa, pour la première fois de
l’Histoire islamique, le poste de Grand Juge, sous le califat de Hârûn Ar-Rashîd.
• Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî, décédé en 185 A.H., soit 805 E.C. Il a
probablement joué le plus grand rôle dans la consignation des opinions de l’école
hanafite. Il fut le disciple de l’Imâm Abû Hanîfah pendant une courte période, puis
poursuivit ses études auprès de Abû Yûsuf. Il apprit aussi la science auprès d’Al-
Awzâ`î et Ath-Thawrî. Il voyagea à Médine et apprit de l’Imâm Mâlik, que Dieu
l’agrée, le Fiqh du Hadîth et de la Narration.
L’inscription du Madhhab ou Ecole
Juridique
Les livres de Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî ne nous sont parvenus entièrement.
Certains de ses livres comme Al-Mabsût, Az-Ziyâdât, Al-Jâmi` As-Saghîr, Al-Jâmi` Al-Kabîr
sont qualifiés par les savants " Kutub Dhâhir Ar-Riwâyah ", en ce sens qu’ils ont été rapportés
par des hommes de confiance et fiables parmi ses élèves ; ils lui sont attribués donc par une
large base de transmission. Abû Al-Fadl Al-Marûzî, célèbre sous le nom Al-Hâkim Ash-
Shahîd (m. 344 A.H. soit 955 E.C.), a réuni ces livres (Kutub Dhâhir Ar-Riwâyah), après
omission des répétitions, dans un ouvrage intitulé Al-Kâfî qui fut commenté et expliqué par
Shams Al-A’immah As-Sarkhasî (m. 489 A.H. soit 1090 E.C.) dans Al-Mabsût (l’Etendu). Al-
Mabsût, ouvrage encyclopédique imprimé en trente volumes, est compté parmi les livres les
plus importants de l’école hanafite, réunissant les paroles des Imâms de cette école, les
fondements liés aux questions juridiques, les preuves employées et la nature de l’analogie.

Propagation du Madhhab
Le Madhab (école juridique) de l’Imâm Abû Hanîfah, que Dieu l’agrée, se répandit dans les
terres islamiques notamment avec le rôle clef de Abû Yûsuf, occupant le poste de Grand Juge
de la dynastie abbaside. Il devint le madhab officiel de cette dynastie, ainsi que le madhab des
seldjoukides et de l’Empire Ottoman. Cette école juridique, l’une des quatre écoles juridiques
sunnites prévalantes, est répandue dans la plupart des terres islamiques, avec une présence
dominante en Haute-Egypte (alors que la moitié Nord est chaféite), des régions de Syrie et
d’Iraq, au Pakistan, en Inde et en Chine.

Mort de l’Imâm Abû Hanîfah


Dieu a accordé à l’Imâm Abû Hanîfah une longue vie, pleine de piété et de science. Il lui a
aussi accordé des disciples brillants qui ont appris son Fiqh et ont répandu son école juridique,
comme Abû Yûsuf, Muhammad Ibn Al-Hasan, Zufar, Al-Hasan Ibn Ziyâd... Ses
contemporains ont témoigné de ses mérites, sa généreuse science, son excellence en Fiqh si
bien qu’An-Nadir Ibn Shumayl dit : " Les gens étaient endormis, négligeant le Fiqh, jusqu’à
ce qu’Abû Hanîfah les réveilla par ce qu’il a expliqué et exposé". Il nous suffit le témoignage
plein d’admiration et de respect que fit notre Imâm Ash-Shâfi`î, le soleil des juristes, au sujet
de l’Imâm Abû Hanîfah : "En Fiqh, les gens sont des enfants par rapport Abû Hanîfah". Il fut
un Imâm plein de scrupule, un emblème de la piété, un noble savant au cœur plein de crainte
de Dieu, comme en témoignent tous les livres de biographies islamiques. Nous retiendrons
enfin ce mot synthétique et ô combien pertinent de l’ascète, le dévot, Al-Qâdî `Iyâd : "Abû
Hanîfah fut un juriste, connu en jurisprudence, célèbre pour son scrupule, aisé, bienfaisant
envers autrui, patient dans l’enseignement de la science de jour comme de nuit, il observait
souvent le silence, parlait peu, jusqu’à ce qu’une question traitant du licite ou de l’illicite
survienne...". L’Imâm Abû Hanîfah remplit la terre de science dans sa vie bénie et retourna à
Dieu le 11 Jumâdah Al-Ûlâ 150 A.H., soit le 14/06/767.
Tombe de l’Imâm Abû Hanîfah

Qu’Allâh déverse Sa Miséricorde sur sa tombe, sur celles des Imâms Mâlik, Ash-Shâfi`î et
Ahmad Ibn Hanbal, ainsi que leurs semblables et tous les musulmans.

P.-S.
References biographiques : Islamonline.net et Abû Hanîfah, Hayatuhu wa `Asruh (Abû
Hanîfah, sa vie et son époque) de Sheikh Mohammad Abû Zahrah.

L’Imâm Ibn Al-Mubârak


jeudi 7 février 2008

L’Imâm Adh-Dhahabî dit dans Tadhkirat Al-Huffâdh au sujet d’Ibn Al-Mubârak : “Par Dieu,
je l’aime, et j’espère du bien par son amour, au vue de la piété, la dévotion, la sincérité,
l’effort sacré, l’étendue du savoir, le perfectionnement, la compassion, la générosité de l’âme,
et les nobles attributs que Dieu lui accorda”.

Introduction
Le deuxième siècle hégirien connut une élite de dévots et de savants qui vécurent pour Dieu.
Ils furent des modèles de droiture, de générosité, de scrupule et de raffinement. Des hommes
et des femmes qui furent sevrés par la Sunnah du Prophète, le modèle humain parfait dans
toute sa splendeur. Parmi ceux-là, trois hommes se distinguèrent par leurs mérites et l’amitié
qui les lia : `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak, Sufyân Ath-Thawrî et Al-Fudayl Ibn `Iyâd. Trois
hommes de haut calibre.

L’Imâm Ath-Thawrî fut un expert du Hadîth, si bien qu’on le qualifia de l’Émir des Croyants
en Science du Hadîth, un titre qui distingue les sommités de cet art. Il fut par ailleurs un
modèle de bravoure, de sincérité, d’altruisme et ne cessa de prêcher la vérité si bien que le
gouverneur de son époque, Abû Ja`far Al-Mansûr, ordonna sa crucifixion. Mais Abû Ja`far
décéda, et l’Imâm Ath-Thawrî survécut à cette épreuve par la grâce divine et des éléments de
sa vie bénie furent consignés et transmis au sein de la communauté musulmane. On demanda
à l’Imâm Ibn Al-Mubârak : Quels sont les Imâms de notre temps ? Il dit : Sufyân et les siens.
L’Imâm Al-Fudayl Ibn `Iyâd fut un savant distingué, un homme connu pour son scrupule, et
un narrateur du Hadith de confiance de qui les Imâms Al-Bukhârî et Muslim rapportent
certaines traditions prophétiques. Ibn Al-Mubârak disait à son sujet : “Je réunis le savoir des
savants. De ce que je réunis, nulle science n’est plus chère à mon cœur que le savoir d’Al-
Fudayl Ibn `Iyâd”.

Jeunesse
L’Imâm Abû `Abd Ar-Rahmân `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak Al-Marûzî naquit en 118 A.H.
(736 E.C.) d’une mère de Khawârizm et d’un père Turc. Il vécut à Marw, une ville du
Khorâsân, jusqu’à l’âge de vingt-trois ans. Il y apprit le Noble Coran et se forma aux sciences
de la langue arabe, la jurisprudence islamique et la science du Hadith. Il acquit ainsi des bases
solides en sciences religieuses et se distingua dans sa jeunesse par une excellente mémoire.
On raconte à ce titre que son père le menaça de brûler ses livres, mais Ibn Al-Mubârak lui dit
avec quiétude que ses livres reposaient désormais dans sa poitrine.

Ibn Al-Mubârak préserva son esprit et sa mémoire des futilités et orienta son énergie vers le
savoir utile et le cheminement vers Dieu. Une personne de son entourage lui dit un jour :
“T’es-tu appliqué dans l’apprentissage du Hadith ?”. Ibn Al-Mubârak répliqua : “Je lis. Ce
que j’aime s’inscrit dans mon cœur et y reste gravé”. Muhammad Ibn An-Nadir Ibn Miswâr
dit : “Mon père demanda à Ibn Al-Mubârak : T’efforces-tu à apprendre le Hadith ?” L’humeur
d’Ibn Al-Mubârak changea et il dit : “Je ne me suis point efforcé à apprendre le Hadith. Sauf
que je saisis les écrits et je les scrute. Ce que j’aime reste accroché à mon cœur”.

L’intelligence et la droiture d’Ibn Al-Mubârak lui valurent d’être célèbre dans sa jeunesse
même. Ahmad Ibn Sinân relate qu’Ibn Al-Mubârak rencontra Hammâd Ibn Zayd dans ses
débuts. Hammâd Ibn Zayd apprécia sa maîtrise de la grammaire arabe et lui dit : “D’où viens-
tu ?” Il lui dit : “Du Khorâsân”. “De quelle ville du Khorâsân ?” poursuivit Hammâd. “De
Marw”, répondit Ibn Al-Mubârak. Et Hammâd de continuer : “Connais-tu un homme du nom
de `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak ?” Ibn Al-Mubârak lui dit : “Il s’agit de ton interlocuteur”.
Hammâd le salua, l’honora et ils furent liés d’une solide amitié. Un jour, Ibn Al-Mubârak vint
rendre visite à Hammâd Ibn Zayd qu’il trouva entouré de ses disciples. Ces derniers
souhaitèrent écouter les narrations du Hadith par Ibn Al-Mubârak et demandèrent à Hammâd
d’exprimer leur requête. Ibn Al-Mubârak lui dit : “Comment puis-je narrer le Hadith alors que
tu es parmi nous ?!” Mais Ibn Al-Mubârak s’inclina devant l’insistance de Hammâd, et non
sans une note d’humour, il se mit à narrer des hadiths prophétiques qu’il tient de Hammâd Ibn
Zayd !

Sa quête du savoir l’emmena à Bagdad, puis il séjourna dans d’autres villes irakiennes et se
rendit au Hijaz. Lorsqu’il arrivait à la Mecque Honorée, il se dirigeait vers la Mosquée Sacrée
et allait s’abreuver de l’eau de Zamzam en disant : “O Dieu, Ibn Abî Al-Mawâl nous rapporta
selon Muhammad Ibn Al-Munkadir selon Jâbir que le Prophète dit : L’eau de Zamzam est
pour la finalité pour laquelle elle est bue, et moi je la bois contre la soif du Jour de la
Résurrection”.

Au cours de ses voyages, il rencontra des savants vertueux et fut épris, en particulier, d’Al-
Fudayl Ibn `Iyâd, Sufyân Ath-Thawrî, Mâlik et Abû Hanîfah, puisse Dieu les agréer.
Le savant
L’auteur de Wafiyyât Al-A`yân dit d’Ibn Al-Mubârak : “Il allia le savoir et l’ascétisme et se
forma en jurisprudence auprès de Sufyân Ath-Thawrî et Mâlik Ibn Anas, puisse Dieu les
agréer tous deux, et il rapporta le Muwatta’. Il se livrait souvent à la solitude et aimait la
retraite. Il fut d’un grand scrupule, et ainsi fut son père”.

Ibn Al-Mubârak fut un savant qui apporta sa contribution à diverses sciences islamiques
majeures. Selon Adh-Dhahabî, il consigna son savoir en matière de jurisprudence, récits des
batailles islamiques, ascétisme et spiritualité. Les historiens et biographes mentionnent aussi
qu’il composa une exégèse coranique, un ouvrage d’histoire, un livre de fatwas, et un livre où
il réunit les sunnan en matière de jurisprudence.

Selon lbn Sa`d : “Il étudia, rapporta les narrations avec profusion, et composa de nombreux
ouvrages dans les différentes branches du savoir qui furent transmis par un groupe de
disciples et les gens les copièrent ainsi. Il visita l’Iraq, le Hijaz, le Shâm, l’Egypte et le
Yémen, et recueillit un savoir abondant”.

Quant à son rapport à l’Imâm Abû Hanîfah, l’auteur d’An-Nujûm Az-Zâhirah dit : “Il voyagea
beaucoup en quête de science et il rapporta les narrations selon de nombreuses personnes.
Aussi, nombreux sont ceux qui rapportèrent le Hadith par son biais. Il se forma en
jurisprudence auprès d’Abû Hanîfah”.

Muhammad Ibn Al-Mu`tamir Ibn Sulaymân raconte : “Je dis à mon père : Qui est le juriste
des Arabes. Il répondit : Sufyân Ath-Thawrî. Lorsque Sufyân décéda, je reposai ma question
et il me répliqua : `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak”.

Ibrâhîm Ibn Shammâs témoigna du rang d’Ibn Al-Mubârak en matière de jurisprudence en ces
termes : “Je vis l’homme le plus doué en matière de jurisprudence, l’homme le plus
scrupuleux, et l’homme doué de la meilleure mémorisation. Quant au plus doué en matière de
jurisprudence, il s’agit d’Ibn Al-Mubârak. L’homme le plus scrupuleux c’est Al-Fudayl Ibn
`Iyâd. Quant à l’homme ayant la meilleure mémorisation, il s’agit de Wakî` Ibn Al-Jarrâh”.

La retraite
Notre homme aimait la retraite solitaire et inspira de nombreuses générations de soufis. Il
profitait de ces moments pour méditer et pour se pencher sur le savoir des pieux
prédécesseurs.

Abû Dawûd demanda un jour à Ibn Al-Mubârak : “Qui côtoies-tu au Khorâsân”. Il répondit :
“Je m’assieds avec Shu`bah et Sufyân.” Abû Dawûd d’expliquer que cela signifie qu’il
consultait leurs ouvrages et restait en compagnie de leur science.

Shaqîq Ibn Ibrâhîm Al-Balkhî relate qu’on dit à Ibn Al-Mubârak : “Quand tu accomplis la
prière avec nous, pourquoi ne restes-tu pas en notre compagnie ? Ibn Al-Mubârak répliqua : Je
m’en vais voir les compagnons et leurs successeurs. On lui dit : Mais quels compagnons et
successeurs ? Il répondit : Je m’en vais et je médite mon savoir. Je réalise ainsi leurs legs et
leurs œuvres. Qu’ai-je à faire avec vous ?! Vous passez votre temps dans la médisance”.
Al-Mu`tamir Ibn Sulaymân dit : “Je ne vis personne comme Ibn Al-Mubârak. On trouve
auprès de lui ce que l’on ne trouve nulle par ailleurs”.

Ibn Al-Mubârak prit conscience du caractère sacré et noble du savoir religieux. Il disait :
“Nous avions appris le savoir pour l’ici-bas, mais il nous apprit à nous détourner de l’ici-bas”.
Il disait aussi : “Je m’étonne de l’étudiant en quête de savoir. Comment son ego l’appelle à
aimer l’ici-bas, alors qu’il croit en la science qu’il porte”. Il pensait par ailleurs qu’“une
condition nécessaire pour le savant stipule que l’amour de l’ici-bas n’effleure pas son esprit”.

Le commerçant
Mais ce savant humble, ce grand ascète et célèbre dévot fut aussi un commerçant très aisé.
Aux yeux d’Ibn Al-Mubârak, l’aisance n’est pas en contradiction avec l’ascétisme, mais un
moyen de l’atteindre, tout en préservant sa dignité. Posséder l’ici-bas, sans que celui-ci ne
possède notre cœur. Ibn Al-Mubârak achetait des marchandises qu’il revendait ailleurs avec
une marge de profit. `Alî Ibn Al-Fudayl raconte à cet égard : “Un jour, j’entendis mon père
dire à Ibn Al-Mubârak : Tu nous recommandes l’ascétisme et une vie simple et modeste, alors
que nous te voyons prendre des marchandises au Khorâsân que tu revends dans les Terres
Sacrées, comment donc ? Ibn Al-Mubârak lui répondit : O Abû `Alî, je ne fais cela que pour
préserver ma dignité et protéger mon honneur. Je me sers de mon commerce pour obéir à mon
Seigneur, et chaque fois que je vois un Droit de Dieu, j’accours pour l’honorer”.

Commerçant, certes, mais un homme très généreux, si bien qu’Al-`Abbâs Ibn Mus`ab Al-
Marûzî dit : “Ibn Al-Mubârak réunit le Hadîth, le fiqh, la langue arabe, l’histoire, le courage et
la générosité”. Relatant des signes de sa générosité, Ismâ`îl Ibn `Ayyâsh dit : “Il n’y a sur terre
un homme comme Ibn Al-Mubârak... Il n’y a pas un noble caractère sans que je ne le trouve
vivant en la personne d’Ibn Al-Mubârak. Certains de mes amis me racontent même qu’ils
l’accompagnèrent dans un voyage depuis l’Egypte jusqu’à la Mecque ; il leur offrait du
khabîs [1] alors qu’il ne cessait, lui, de jeûner”.

La générosité d’Ibn Al-Mubârak atteignit des dimensions exceptionnelles pendant la saison du


pèlerinage. Muhammad Ibn `Alî Ibn Al-Hasan Ibn Shaqîq dit : “A l’approche de la saison du
hajj, les habitants de Marw allaient voir Ibn Al-Mubârak : Pouvons-nous t’accompagner, ô
Abû `Abd Ar-Rahmân ? Il leur disait : Apportez-moi l’argent que vous avez préparé à cette
fin. Il rassemblait leur argent dans un coffre qu’il fermait soigneusement. Puis, il leur louait
des montures et les prenait de Marw jusqu’à Bagdad. Ce faisant, il ne cessait de couvrir leurs
dépenses, il leur achetait les mets les plus délicieux et les desserts les meilleurs. Puis, à leur
départ de Bagdad, il leur achetait les plus beaux habits et les comblait de tous les honneurs et
ce jusqu’à ce qu’ils arrivent à la Ville du Messager de Dieu. Une fois à Médine, il disait à
chacun d’eux : Qu’est-ce que ta famille t’a demandé d’acheter à Médine ? Et il achetait pour
chacun ce dont il avait besoin. Ils se dirigeaient ensuite vers la Mecque et accomplissaient le
hajj. Puis il disait à chacun : Qu’est-ce que ta famille t’a demandé d’acheter à la Mecque ? Et
il honorait tous leurs besoins. Ils prenaient alors la route de la Mecque vers Marw et il ne
cessait de couvrir leurs dépenses sur le chemin du retour. Arrivés à Marw, il rénovait leurs
portes et leurs demeures, puis, trois jours plus tard, il leur organisait un grand repas, leur
offrait de nouveaux habits. Après qu’ils aient mangé à leur guise, il demandait qu’on lui
apporte le coffre où il avait réuni leur argent. Puis il rendait à chacun sa somme d’argent ”.
Au champ de bataille
Ni l’ascétisme, ni la dévotion, ni son commerce ne l’empêchaient de porter ses armes et
d’aller faire face aux armées ennemies. Il voyait même en cela un devoir religieux et acte de
dévotion qui surpasse celui des ascètes en retraite dans les mosquées. Il composa à cet effet
des vers devenus célèbres après lui :

Ô toi, le serviteur des Deux Saintes Mosquées, si tu nous voyais


Tu aurais réalisé que ta dévotion n’est qu’un jeu d’enfants
Si certains couvrent leurs joues de leurs larmes
Qu’ils sachent que nos gorges de notre sang sont couvertes
Et que ceux qui épuisent leurs montures dans les futilités
Sachent que nos montures de bon matin se fatiguent
La brise parfumée leur appartient, mais notre parfum à nous
Ce sont les éclats des sabots et la poussière sacrée
Les propos de notre Prophète nous sont bien parvenus
Des paroles authentiques, véridiques, sans mensonges
Ne sont point égales la poussière des chevaux de Dieu
Dans les narines d’un cavalier et la fumée d’un feu enragé
Voici le Livre de Dieu, tranchant entre nous deux
Le martyr n’est pas mort, et le Livre ne ment point

Souvent des savants et étudiants allaient le voir et une fois arrivés à sa demeure, on les
informait qu’Ibn Al-Mubârak avait pris ses armes et était parti affronter les armées ennemies.
Et c’est ainsi que cet Imâm quitta ce monde, dans la ville de Hît en Iraq en 181 A.H. (797
E.C.), à son retour d’un combat qu’il menait pour défendre les musulmans.

Puisse Dieu lui faire miséricorde.

P.-S.
Source biographique arabe : Al-Imâm Ar-Rabbânî Az-Zâhid, `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak, de
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmoud.

Notes
[1] Un dessert à base de dattes et de beurre.

L’Imâm Az-Zajjâj
Le Grammairien de son temps

lundi 24 avril 2000

L’Imâm Abû Ishâq, Ibrâhîm Ibn Muhammad Ibn As-Sariyy Az-Zajjâj Al-Baghdâdî,
grammairien de son temps, à qui l’on compte de nombreux écrits, dont le livre Ma`ânî Al-
Qur’ân i.e. "Les significations du Coran".
Biographie
Il resta en compagnie d’Al-Mubarrid qui lui donnait un dirham par jour pour le travail du
verre [1] et le conseillait et l’instruisait. Ensuite, il fut chargé de l’éducation d’Al-Qâsim Ibn
`Ubayd Allâh le ministre, qui fut la cause de sa fortune. Puis, il fut parmi la cour du Calife Al-
Mu`tadid qui l’appréciait énormément et lui attribuait une pension de juriste, une pension de
savant, et une pension de courtisan, environ 300 dînârs.

Il décéda en 311 AH. On dit aussi que ce fut le 19 du mois Jumâdâ Al-Âkhirah 310 AH.

Bibliographie
Parmi ses ouvrages, on compte :

• al-’insân wa a`dâ’uh ( L’homme et ses organes),


• al-`arûd (La métrique), [poésie]
• al-ishtiqâq (La dérivation), [grammaire]
• An-nawâdir (Les anecdotes),
• fa`altu wa af`altu ("Faire et faire faire") [grammaire].

Il est l’une des plus grandes références en grammaire arabe. Ses opinions sont amplement
citées par les exégètes du Coran comme Al-Qurtubî, At-Tabarî, Ar-Râzî et Al-Alûsî pour ne
citer que quelques noms. Il eut de nombreux élèves dont le grammairien Abû `Alî Al-Fârisî.

P.-S.
Cet aperçu est traduit de Siyar Aclâm An-Nubalâ’, gigantesque encyclopédie de noms propres
de l’Imâm Shamsuddîn Adh-Dhahabî.
"Az-Zajjâj", signifie "Le verrier" en référence au métier exercé par l’Imâm.

Notes
[1] Zajjâj signifie verrier, d’où l’appellation.

L’Imâm Ash-Shâfi`î
Le soleil des juristes

mercredi 24 octobre 2001

Nous présentons succintement le noble Imâm, célèbre sous le nom Nâsir As-Sunnah (celui qui
a donné la victoire à la Sunnah), Ash-Shâfi`î, qu’Allâh l’agrée, l’un des quatre pôles de la
jurisprudence.

Introduction
Le deuxième siècle de l’Hégire témoigna de l’apparition de deux grandes écoles de
jurisprudence islamique : l’école dite de l’opinion (Madrasat Ar-Ra’y) et celle appelée l’école
du Hadîth (Madrasat Al-Hadîth).

La première des deux écoles vit son avènement en Iraq pour prolonger l’approche juridique de
notre maître Abd Allâh Ibn Mas`ûd, que Dieu l’agrée, qui a séjourné en ces terres iraqiennes
fécondes. Ses disciples ont hérité sa généreuse science et l’ont transmise et propagée. Ibn
Mas`ûd fut influencé par la méthodologie de notre maître, Al-Fârûq, `Umar Ibn Al-Khattâb,
que Dieu l’agrée, dans la déduction subtile des jugements légaux et le recours à l’opinion dans
l’absence d’un texte du Livre de Dieu ou de la Sunnah de notre bien-aimé, le Messager
d’Allâh, paix et bénédiction de Dieu sur lui.

Parmi les célèbres disciples d’Ibn Mas`ûd citons `Alqamah Ibn Qays An-Nakha`î, Al-Aswad
Ibn Yazîd An-Nakha`î, Masrûq Ibn Al-Ajda` Al-Hamadhânî, Shurayh Al-Qâdî, qui étaient
tous parmi les éminents juristes du premier siècle de l’Hégire. Puis, la direction de l’école de
l’opinion arriva à Ibrâhîm Ibn Yazîd An-Nakha`î, le grand juriste de l’Iraq qui eut pour
disciple et successeur Hammâd Ibn Sulaymân. Hammâd fut un Imâm et un Mujtahid,
disposant dans un large cercle de Fiqh et d’un grand nombre d’élèves, dont le célèbre Imâm
Abû Hanifah qui lui succéda à la tête de l’enseignement du Fiqh à Kûfâ. Ce noble Imâm eut
un grand nombre de disciples fidèles et dévoués qui ont porté sa science et l’ont transmise
comme l’Imâm, le juge, Abû Yûsuf, Muhammad Ibn Al-Hasan, Zufar, Al-Hasan Ibn Ziyâd et
d’autres encore qui ont renforcé l’édifice de cette école et sa formalisation.

La deuxième école quant à elle, l’école du Hadîth, se développa au Hijâz, héritière d’Ibn
`Abbâs, Abd Allâh Ibn `Umar, la Mère des Croyants, la véridique, la fille du véridique, Aïsha
et d’autres juristes parmi les compagnons qui ont séjourné à la Mecque ou à Médine. Cette
école fut représentée par un grand nombre d’Imâms, comme Sa`îd Ibn Al-Musayyab, `Urwah
Ibn Az-Zubayr, Al-Qâsim Ibn Muhammad, Ibn Shihâb Az-Zuhrî, Al-Layth Ibn Sa`d et Mâlik
Ibn Anas. Cette école, comme la première, s’attache au Coran et à la Sunnah. Dans l’absence
d’un texte puisé dans ces deux sources infaillibles de la législation islamique, les opinions des
compagnons et leurs traditions étaient alors prises. Il est vrai que, par rapport aux terres
d’Iraq, la société mecquoise et médinoise semble moins exposée à de situations et incidents
juridiques nouveaux qui motiveraient un élargissement de la déduction des jugements légaux.
Lorsque notre maître l’Imâm Ash-Shâfi`î entra sur la scène des sciences islamiques, les
polémiques avaient déjà éclaté entre les deux écoles. Il prit une position médiane et résorba
des polémiques par sa méthodologie qui réunit autant que possible les deux écoles, après avoir
été un disciple de grandes figures de l’école du Hadîth comme l’illustre Imâm Mâlik, mais
aussi un disciple de Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî de l’école de l’opinion.

Sa naissance et sa jeunesse
Dieu a voulu que l’année 150 A.H. soit une année de deuil pour les musulmans qui ont vu
partir l’Imâm Abû Hanîfah, répondant à l’appel du Très-Haut après avoir servi le Fiqh et
l’islam. Mais, la Sagesse divine a voulu que l’année de la mort d’un grand Imâm de la
communauté soit elle-même l’année de naissance du soleil des juristes, le défenseur de la
Sunnah, le modèle des savants, l’Imâm prééminent, Abû Abd Allâh Muhammad Ibn Idrîs Ibn
Al-`Abbâs Ibn `Uthmân Ibn Shâfi`î, dont la lignée se croise avec celle du Messager d’Allâh
au niveau de Abd Manâf.

L’Imâm Ash-Shâfi`î a grandi orphelin. Sa noble mère veilla sur son éducation et le combla
dans sa tendresse. Âgé de deux ans, sa mère l’emmena à la Mecque pour qu’il grandisse dans
sa famille, comme les autres enfants de sa tribu Qurayshite, dans cette terre sainte où
séjournaient un grand nombre de juristes et savants du Hadîth. Il mémorisa le Noble Coran
avant l’âge de sept ans et commença à assister aux cercles de science.

Dieu a doté le jeûne Imâm d’une grande soif pour la science et le fit aimer son acquisition.
L’Imâm dans son enfance n’avait pas les moyens d’acheter des feuilles pour ses études, il se
contenta de faire des inscriptions sur les peaux d’animaux, sur des feuilles de palmier et des
os de chameaux. Il fréquenta les cercles de science, apprit le Hadîth et partait dans les tribus
du désert pour perfectionner sa prononciation et son éloquence. Il demeura ainsi sept ans chez
la tribu de Hudhayl qui était la plus éloquente de toutes les tribus, il apprit leur poésie,
s’imprégna de leur éloquence et retourna à la Mecque.

Ses Voyages pour acquérir la science


L’astre de l’Imâm Mâlik a brillé dans le ciel des savants, sa renommée a comblé les horizons
et son valeureux recueil de Hadîth Al-Muwatta’ s’est propagé entre les gens. Le jeûne Imâm
Ash-Shâfi`î aspira à partir à Médine pour le voir et apprendre de lui. Toutefois, avant de partir
à sa rencontre, le jeûne Ash-Shâfi`î décida d’apprendre entièrement Al-Muwatta’. Âgé de
treize ans environ, Ash-Shafi`î se présenta à l’Imâm Mâlik et lui exposa son livre Al-Muwatta’
avec une éloquence et une précision qui suscitèrent l’admiration de l’Imâm de Médine,
l’Imâm Mâlik.

C’est à cette occasion que l’Imâm Mâlik lui dit : " Dieu Exalté Soit-Il a déversé une lumière
sur ton cœur, ne l’éteins pas par le péché. Fais preuve de crainte révérencielle de Dieu et de
piété car tu auras un grand avenir ". Depuis, l’Imâm Ash-Shâfi`î accompagna l’Imâm Mâlik
jusqu’en 179 A.H. (795 E.C.), année où l’Imâm Mâlik retourna à Dieu. Ainsi, l’Imâm Ash-
Shâfi`î étudia auprès de l’Imâm Mâlik pendant environ seize ans. Notons que pendant ce
temps, il apprit la science également auprès de Ibrâhîm Ibn Sa`d Al-Ansârî, Abd Al-Azîz Ibn
Muhammad Ad-Darawardî, Muhammad Ibn Sa`îd Ibn Abî Fadîk et d’autres.
Après la mort de l’Imâm Mâlik, que Dieu l’agrée, l’Imâm Ash-Shâfi`î occupa le poste de
gouverneur de Najrân. Il honora sa fonction et fut juste et bienfaisant envers les gens.
Toutefois, quelques malintentionnés jugèrent bon de porter plainte contre lui auprès du Calife
Hârûn Ar-Rashîd. Convoqué à la cour du Commandant du Croyant en 184 A.H. (800 E.C.),
l’Imâm Ash-Shâfi`î comparu devant Hârûn Ar-Rashîd et prit sa propre défense avec une
langue éloquente et une preuve probante. Admirant cela, le Calife décida de le libérer et jugea
bon de lui accorder la somme cinquante mille (dinars). Avant de quitter le palais, l’Imâm Ash-
Shâfi`î avait entièrement distribué cette somme aux serviteurs et huissiers de Hârûn Ar-
Rashîd.

L’Imâm Ash-Shâfi`î demeura à Bagdad, la capitale du Califat, et connut un grand disciple de


l’Imâm Abû Hanîfah, Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî. L’Imâm Ash-Shâfi`î étudia
ses livres et puisa dans sa science pendant certain temps. C’est ainsi que l’Imâm Ash-Shâfi`î
hérita la jurisprudence du Hijâz et celle de l’Iraq, la science des gens du Hadîth et celle des
gens de l’opinion. Il se dirigea ensuite vers la Mecque et, dans ses lieux saints, il donna ses
premiers cours de science. Pendant les saisons de pèlerinage, de grands imâms firent sa
connaissance. C’est ainsi que l’Imâm Ahmad Ibn Hanbal le connut et devint son disciple.
C’était le début de la naissance de l’école de l’Imâm Ash-Shifi`î, avec une méthodologie qui
réunit subtilement la jurisprudence d’Iraq et de Médine, une méthodologie produite par un
esprit vif et un cœur intelligent, réunissant la connaissance du Coran et celle du Hadîth,
possédant les clefs de l’éloquence et connaissant de près le quotidien des gens et leurs
problèmes.

Le voyage à Bagdad
Après un séjour de neuf ans à la Mecque où l’Imâm Ash-Shafi`î établit son approche et
renforça sa méthodologie, il se dirigea vers Bagdad où il passa deux ans, entre 195 et 197
A.H. Il y répandit son " ancien madhab " et composa son ouvrage " Ar-Risâlah " (l’Epitre) où
il établit la base de la science complexe traitant des Fondements de la Jurisprudence. Il fut
entouré de savants venus puiser dans son savoir et acquérir sa méthodologie. Parmi ses fidèles
compagnons figurent Ahmad Ibn Hanbal, Abû Thawr, Az-Za`farânî et Al-Karabîsî.

De retour à la Mecque, il y eut un court séjour avant de retourner pour la troisième et la


dernière fois à Bagdad en 198 A.H. (813 E.C). Il ne resta pas longtemps dans cette ville où il
avait de nombreux disciples répandant sa méthodologie. Il quitta Bagdad pour l’Égypte qui
était partagée entre deux tendances principalement : d’une part, un groupe fidèle aux opinions
d l’Imâm Mâlik et défendant son école et, d’autre part, des défenseurs de l’école de l’Imâm
Abû Hanîfah. Il y avait également les disciples du noble Imâm Al-Laythî dont l’Imâm Ash-
Shaf`î a dit qu’il était plus savant en Fiqh que l’Imâm Mâlik. L’Imâm Ash-Shafi`î aurait tant
aimé rencontrer l’Imâm Al-Laythî en personne, mais la modestie de sa situation financière
lorsqu’il était étudiant l’empêcha de réaliser ce voyage pour l’Égypte.

Séjour en Égypte
L’Imâm Ash-Shâfi`î arriva en Égypte en 199 A.H., mais sa grande renommée l’avait précédé
et il fut accueilli par les savants d’Égypte qui connaissait son rang élevé. Il dirigea un cercle
de science à la Mosquée de `Amr Ibn Al-`Âs.
Le peuple égyptien s’attacha à lui et il aima les Egyptiens et apprécia son séjour parmi eux.
L’abondance de sa science, la vivacité de son esprit et sa grande éloquence séduirent de
nombreux disciples de l’école hanafite et malékite. En Égypte, l’Imâm Ash-Shâfi`î établit la
forme définitive de son école. Ainsi, l’Égypte fut le berceau de " Al-Madhab Al-Jadîd " (la
Nouvelle Ecole), alors que l’on réfère à l’époque de l’Iraq par " Al-Madhab Al-Qadîm
" (l’Ancienne Ecole). En effet, Al-Madhab Al-Jadîd réunit les opinions juridiques et les fatwas
de l’Imâm Ash-Shâfi`î qui diffèrent sur des questions d’Ijtihâd par rapport à certaines de ses
opinions qu’il avait formulées en Iraq. Il composa en Égypte de précieux ouvrages qui furent
propagés et enseignés par ses nombreux disciples.
Les fondements de son Madhab
Dans son célèbre ouvrage Ar-Risâlah, l’Imâm Ash-Shafi`î a synthétisé les fondements sur
lesquels il s’est basé dans sa jurisprudence et les règles qu’il a respectées dans son Ijtihâd. Il
appliqua ces fondements de son école juridique ; il s’agit donc de fondements pratiques et non
une simple conception théorique. Cela apparaît clairement dans son livre Al-Umm où l’Imâm
donne le jugement légal accompagné de la preuve, puis explicite le mécanisme entre le
jugement obtenu et l’argument employé, les règles de l’Ijtihâd et les fondements de la
déduction qu’il a employés. La méthodologie de l’Imâm consistait, globalement, à puiser dans
le Noble Coran et suivre le sens apparent- à moins qu’un argument montre que le sens réel
n’est pas le sens apparent- ainsi que dans la Sunnah purifiée. Il acceptait la tradition rapportée
par une voie, tant que le narrateur est un homme de confiance, connu pour sa probité et sa
véridicité, et reconnu pour sa précision et sa bonne mémorisation.

L’Imâm Ash-Shâfi`î insista sur la vérité qui fait que l’on ne peut faire l’économie de la
Sunnah et se contenter du Coran. Il montra que Coran et Sunnah vont de paire et ne peuvent
être séparés. Souvent, le Coran présente des jugements générales et des règles globales ; la
Sunnah détaille et explicite ses règles, peut spécifier ce qui est général et restreindre ce qui est
global. Ash-Shâfi`î a exigé pour accepter le hadîth que sa chaîne soit sans lacune et qu’il soit
authentique. Si cette condition est vérifiée, il prend le hadîth, sans exiger la conformité du
hadîth avec les actes des médinois - chose que l’Imâm Mâlik a exigée. Le fait que l’Imâm
Ash-Shâfi`î accepte le hadîth " mo-narré ", expliquerait peut-être le fait que l’usage du Hadîth
soit plus élargi dans l’école chaféite que dans l’école hanafite, car l’Imâm Abû Hanîfah avait
des critères d’acceptation différentes. L’Imâm a dépensé sa vie dans la défense de la Sunnah si
bien que les savants du Hadîth l’ont appelé Nâsir As-Sunnah (celui qui a donné la victoire à la
Sunnah). Après le recours au Coran et la Sunnah, vient la considération du consensus (al-
ijmâ`), puis le recours à l’analogie (qiyâs) à condition que celle-ci ait un fondement tiré du
Coran et de la Sunnah.

L’inscription du Madhab ou Ecole


Juridique
L’Imâm Ash-Shâfi`î, que Dieu purifie son âme, a pu écrire de sa propre main son école
juridique. Il consacra son séjour en Égypte à l’enseignement, l’écriture des épîtres et ouvrages
et les débats. Nous trouvons les fondements de son école et ses opinions juridiques dans de
précieux ouvrages, principalement :

• Ar-Risâlah fî Usûl Al-Fiqh (l’Epitre dans les fondements de la Jurisprudence).


• Kitâb al-Umm qui couvre la plupart des chapitres traités en Fiqh. Ce livre
est caractérisé par la beauté du style, la précision de l’expression,
l’exposition des opinions des savants qui ont divergé avec lui et l’analyse
et la discussion de leurs arguments. Ce livre fut publié entièrement, une
fois compilé par le juriste égyptien, Sheikh Ahmad Al-Husaynî qui a réuni
son manuscrit et l’ édité à sa charge personnelle. Sheikh Ahmad Al-
Husaynî rédigea un commentaire en 24 volumes où il explique la section
du livre Al-Umm traitant de l’adoration et des œuvres de culte. Il intitula
son commentaire, qui est encore sous sa forme manuscrite à Dâr Al-Kutub
Al-Misriyyah, Murshid Al-Anâm li Bar’ Umm Al-Imâm qui contient une
longue préface recouvrant les classes des juristes chaféites. Sheikh Ahmad
Al-Husayni décéda en 1914 E.C.

Les disciples de l’Imâm ont répandu par leurs voyages l’école de leur sheikh. Trois disciples
Egyptiens de l’Imâm Ash-Shâfi`î, qui l’ont accompagné avec dévouement, eurent un rôle clef
dans la propagation de l’école chaféite sous définitive :

1. Yûsuf Ibn Yahyâ Al-Buweitî décédé en 231 A.H. (854 E.C.),


2. Ismâ`îl Ibn Yahyâ Al-Muznî, décédé en 264 A.H. (874 E.C.). Ce fut un
savant, un ascète, un mujtahid, spécialiste des débats. Un grand nombre
de savants du Khorasân, de l’Iraq et du Shâm (actuels Syrie, Liban) ont
étudié l’école juridique chaféite auprès de lui,
3. Ar-Rabî` Ibn Sulaymân Al-Murâdî qui fut un muezzin de la mosquée de
`Amr Ibn Al-`Âs où l’Imâm Ash-Shâfi`î tenait son cercle de science. Il
accompagna Ash-Shâfi`î et devint une référence incontournable dans la
transmission des paroles de l’Imâm et ses livres qui nous sont arrivés par
la voie d’Al-Murâdî.

Par les efforts des ces juristes, ainsi que leur disciples connus et enregistrés dans les classes
des chaféites, l’édifice de l’école chaféite s’est élevé, offrant un précieux patrimoine juridique
à la communauté.

Son Rang
Les juristes, les savants du Hadîth, ceux des fondements et les experts de la langue
s’accordent sur le fait que l’Imâm Ash-Shâfi`î fut un grand Imâm de la communauté, un
homme de confiance, un ascète plein de scrupules, un pieux, un dévot, un savant prééminent,
au rang distingué. Il fut loyal dans ses débats, nobles dans ses manières, et il ne cherchait que
la vérité, loin de la renommée, si bien qu’il dit une phrase qui devint très célèbre après lui : "
je n’ai jamais débattu avant quelqu’un sans aimer qu’il soit guidé vers le succès et qu’il soit
soutenu ; je n’ai jamais débattu sans espérer que la vérité apparaisse, indifféremment par ma
langue ou celle de l’autre ".

Il nous suffit le témoignage plein d’amour et de respect de son disciple, le noble Imâm Ahmad
Ibn Hanbal. Interrogé par son fils Abd Allâh au sujet d’Ash-Shâfi`î, l’Imâm Ahmad dit : " o
mon fils, Ash-Shâfi`î fut ce que le soleil est pour le jour et ce que la bonne santé est pour les
gens ". L’Imâm Ahmad suivait fidèlement les cours de l’Imâm Ash-Shâfi`î et disait à l’un de
ses amis : " O Abû Ya`qûb, puise dans la science de cet homme, mes yeux n’ont guère vu un
homme comme lui ".

Le soleil des juristes persévéra dans l’enseignement de l’islam jusqu’à son dernier souffle. Il
entamait après la prière de l’aube son cours pour ceux qui veulent apprendre le Coran et ses
sciences. Puis lorsque le soleil se levait, ces étudiants s’en allaient et arrivaient les étudiants
du Hadîth. Puis à la fin du cours de Hadîth, venait le tour de ceux qui veulent apprendre la
grammaire, l’éloquence et la poésie et ses règles. L’Imâm a écrit un recueil de poésie qui un
véritable trésor de sagesse et d’exhortations. Pendant toute la matinée, l’Imâm arrosait les
cœurs assoiffées de science.
Mort de l’Imâm
L’Imâm Ash-Shâfi`î, qu’Allâh lui fasse miséricorde, avait fait connaissance avec notre dame
As-Sayyidah Nafîsah à son arrivée en Égypte. Il entretint de relations solides avec elle. Il
avait coutume de lui rendre visite sur son chemin pour la mosquée de `Amr Ibn Al-`Âs.
Pendant le mois du Ramadan, il accomplissait les prières du Tarawîh avec elle, dans sa
mosquée (la mosquée d’As-Sayyidah Nafîsah). L’Imâm lui rendait visite en la compagnie de
certains de ses amis et disciples, et il insistait, lui qui est un soleil de piété, à ce qu’elle
invoque Dieu pour lui en espérant bénéficier de sa bénédiction. Lorsque la maladie
l’empêchait d’aller la voir, il lui envoyait un disciple comme Ar-Rabî` Al-Jîzî en le chargeant
de lui dire : " Ton cousin Ash-Shâfi`î est malade et te demande d’invoquer Dieu pour lui ".
Elle levait alors les yeux vers le ciel et invoquait Allâh, la guérison atteignait l’imâm avant
même le retour de son disciple. Lorsqu’il fut atteint de la maladie de sa mort, fidèle à son
habitude, il lui envoya un messager pour qu’elle prie pour lui. Elle dit au messager : "
qu’Allâh lui accorde la douceur de regarder Sa Noble Face". Au retour du messager, l’imâm
lui demanda ce qu’elle lui avait répondu. Il comprit alors qu’il allait quitter la vie ici-bas et
qu’il allait bientôt retourner à Dieu.

Il décéda le 30 Rajab 204 A.H. (le 20/01/820). Il fut enterré au Caire, dans le cimetière Al-
Qarâfa As-Sughrâ. Que Dieu couvre sa tombe par les nuages de Sa Miséricorde, qu’Il y
déverse la pluie de Sa Bienfaisance et qu’Il l’illumine. Âmîne.
Répondre à cet article
1 Message
• > L’Imâm Ash-Shâfi`î

13 juillet 2004 06:03, par ibn ahmad maori

subhaanallah , qu’ Allah ne nous prive pas de son effort et qu’il nous guide
à travers sa lumière . AMINE...
L’Imâm Ahmad Ibn Hanbal
vendredi 16 septembre 2005

Fondateur de la quatrième école de jurisprudence sunnite, l’Imâm Ahmad fut l’un des Imâms
de la guidance des tous premiers siècles de l’hégire. Une référence pour ses contemporains et
un modèle vivant d’attachement à la Sunnah et de pratique droite et sincère. Son cercle de
savoir était une source de guidance et de lumière et l’ultime abri des raisons saines pendant
les épreuves.

Sa naissance et son enfance


Ahmad Ibn Hanbal [1] naquit à Bagdad, dans l’une des maisons nobles des Banû Shaybân, au
cours du mois de Rabî` Al-Awwal de l’an 164 A.H. — en novembre 780 E.C. —. Orphelin de
père, dès avant sa naissance, il fut élevé par sa mère qui veilla à lui donner la meilleure
éducation et à lui enseigner les savoirs primordiaux en ces temps. Il mémorisa le Noble Cora
avant de se lancer avec avidité dans l’apprentissage du Hadîth. Au petit matin, il se dépêchait
de se rendre auprès de son maître pour être le premier de ses étudiants à se rendre aux études.
Lorsqu’il sortit de la petite enfance, il rejoignit le cercle de l’Imâm Abû Yûsuf — le brillant
disciple de l’Imâm Abû Hanîfah et le premier homme à exercer la fonction de Grand Juge
(Qâdî Al-Qudâh) — où se retrouvaient pêle-mêle étudiants, savants et magistrats. Il passa
quatre ans dans le cercle d’Abû Yûsuf durant lesquels il prit en note tout ce qu’il entendait,
soit l’équivalent de quatre malles d’écrits. Il assita également au cercle du Maître des Savants
du Hadîth à Bagdad, Hushaym Ibn Bashîr As-Sulamî. Dès qu’un savant séjournait à Bagdad,
il veillait à prendre contact avec lui et à se former auprès de lui. Il se forma ainsi auprès de
Nu`aym Ibn Hammâd, `Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî et `Umayr Ibn `Abd Allâh Ibn Khâlid.

La quête du savoir
Vu qu’en ces temps les grands savants étaient dispersés dans l’ensemble du monde musulman
et qu’aucune région n’avait le monopole du savoir, il n’était pas rare que les étudiants
désireux de se former aux sciences islamiques aient à faire de longs voyages pour recueillir le
savoir de la bouche de ses maîtres les plus réputés.

Âgé de douze ans, Ahmad Ibn Hanbal entama sa quête du savoir vers l’an 186 A.H., circa 802
E.C. Il se rendit à Basorah, à Koufah, à Ar-Ruqah, au Yémen et dans le Hijâz et rencontra de
nombreux grands savants et juristes du monde musulman tels que Yahyâ Ibn Sa`îd Al-Qattân,
Abû Dâwûd At-Tayâlisî, Wakî` Ibn Al-Jarrâh, Abû Mu`âwiyah Ad-Darîr, Sufyân Ibn
`Uyaynah, et Ash-Shâfi`î. Ibn Hanbal suivit longuement ce dernier et se forma auprès de lui à
la jurisprudence et ses fondements. L’Imâm Ahmad réservait beaucoup de respect et
d’admiration pour l’Imâm Ash-Shâfi`î au point que, pendant quarante années consécutives, il
ne passa pas une nuit sans faire des invocations en faveur de son maître. Lorsqu’il narrait le
hadîth du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — selon lequel : « Au début de
chaque siècle, Dieu envoie un réformateur qui renouvelle à cette communauté les affaires de
leur religion. » [2], il disait : « Dieu — Exalté soit-Il — a envoyé notre maître `Umar Ibn
`Abd Al-`Azîz au début du deuxième siècle pour renouveler à cette communauté sa religion,
et j’espère qu’Ash-Shâfi`î soit celui envoyé au début du troisième siècle. » De son côté,
l’Imâm Ash-Shâfi`î fit l’éloge de son disciple disant : « Je n’ai point vu plus connaisseur du
Livre de Dieu que ce jeune homme Qurayshite. » Lorsqu’on interrogea l’Imâm Ash-Shâfi`î
sur la raison qui le poussait à recevoir et à rendre visite fréquemment à l’Imâm Ahmad, il
répondit par ces vers de poésie :

Qâlû yazûruka Ahmadu wa tazûruhû *** qult ul-fadâ’ilu lâ tubârihu manziluhû


in zâranî fa bi-fadlihî aw zurtuhû fa li-fadlihi *** fal-fadlu fil-hâlayni lahû

Traduction :

Ils dirent : “Ahmad te rend visite et tu lui rends visite.” *** Je répondis : “Les vertus ne
quittent point sa demeure.”
S’il me rend visite, le mérite est sien et, si je lui rends visite, c’est pour son mérite. *** Dans
les deux cas, le mérite est sien.

Ainsi voit-on un bel exemple de respect mutuel entre les savants et combien cela contraste
avec le comportement des gens sectaires qui, pour grandir leur maître, se croient obligés de
dénigrer les autres savants.

L’attachement de l’Imâm Ahmad à la science était tel qu’aucun obstacle ne pouvait l’en
empêcher. Tout savant qu’il était, reconnu et loué par ses maîtres et par ses pairs pour ses
compétences et sa maîtrise, il n’hésitait pas à saisir sa plume et à s’asseoir en tant que disciple
écoutant et consignant humblement les enseignements prodigués par autrui. Ses
contemporains objectaient : « Abû `Abd Allâh, tu as atteint un rang élevé, tu es l’Imâm des
musulmans. » Il répondait : « Ma plume m’accompagnera toujours, jusqu’à la tombe ! »

Un jour, il quitta l’Irak en compagnie de Yahyâ Ibn Ma`în dans l’intention de s’instruire
auprès du grand savant du Hadîth, `Abd Ar-Razzâq Ibn Al-Humâm le Yéménite, l’auteur du
recueil de hadîths intitulé Musannaf `Abd Ar-Razzâq. Arrivés à la Mecque, pendant qu’ils
effectuaient quelques circumambulations autour de la Maison Sacrée, ils aperçurent `Abd Ar-
Razzâq. Yahyâ Ibn Ma`în suggéra à son compagnon de profiter de sa présence à la Mecque
pour s’instruire auprès de lui. Ahmad refusa arguant qu’il était parti avec l’intention de
rencontrer le savant yéménite chez lui pour en recueillir une rétribution complète et qu’il
n’avait aucune envie de frelater cette intention. Pendant qu’il était au Yémen, `Abd Ar-Razzâq
voulut lui faire don de quelque argent pour l’aider à subvenir à ses frais de séjour à l’étranger.
Mais l’Imâm Ahmad déclina son offre, préférant gagner sa vie en tant que copiste.

Par ailleurs, il se donna beaucoup de mal pour rejoindre `Abd Allâh Ibn Al-Mubârak qu’il dut
suivre à la trace de pays en pays pendant longtemps. Une fois en sa compagnie, il puisa dans
sa science en matière de Hadîth et d’Éthique. Ce dernier lui enseigna notamment l’ascétisme
véritable. Il distribuait des gâteaux alors qu’il ne mangeait en majorité que du pain. Lorsqu’il
avait envie de quelque mets délicieux, il invitait toujours quelqu’un à sa table car, disait-il, la
nourriture mangée en compagnie d’invités est exemptée de tout compte-rendu. On lui dit un
jour que sa fortune s’était amenuisée et qu’il fallait qu’il soit moins généreux, il répondit que,
de toute façon, il ne lui restait plus longtemps à vivre. Tout comme `Abd Ar-Razzâq le
Yéménite, il voulut faire don d’une somme d’argent à l’Imâm Ahmad, mais ce dernier déclina
rappelant qu’il lui tenait compagnie pour son savoir et non pour son argent.

L’enseignement et la fatwa
En 204 A.H. — 819 E.C. —, l’Imâm Ahmad Ibn Hanbal se consacra à l’enseignement et à la
fatwa à Bagdad. Jusque-là il s’était refusé à la fatwa en attendant d’atteindre l’âge de quarante
ans et ce, pour diverses raisons :

1. Il voulut suivre l’exemple du Prophète, repris par `Abd Allâh Ibn `Umar — que Dieu
l’agrée — [3].
2. Il tenait les assemblées de fiqh et de fatwa en grande estime, considérant qu’elles
étaient les lieux de l’héritage prophétique.
3. Il s’interdisait d’exercer cette activité du vivant de son Sheikh et Maître l’Imâm Ash-
Shâfi`î.

Il tenait deux cercles d’enseignement, l’un chez lui auquel assistaient ses disciples les plus
brillants et un autre, public, se tenait à la mosquée après la prière d’al-`asr et rassemblait des
centaines de gens et d’étudiants. Il était très heureux de voir des gens écrire le Hadîth dans
son assemblée et qualifiait leurs encriers de luminaires de l’islam. Il ne citait jamais un hadith
de mémoire, mais le lisait à partir de ses écrits, par souci de fidélité, alors qu’il était passé
pour une légende pour sa bonne mémoire et l’exactitude de sa restitution.

Il eut nombre de disciples brillants comme Abû Bakr Al-Marwazî — son disciple préféré pour
sa science et son scrupule —, Abû Bakr Al-Athram, Ishâq Ibn Mansûr At-Tamîmî, Ibrâhîm
Ibn Ishâq Al-Harbî, Al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwûd et Baqiyy Ibn Mukhallad.

Son école juridique


L’Imâm Ahmad ne consigna pas lui-même son école juridique, ni ne rédigea le moindre traité
de jurisprudence. Il ne dicta pas non plus les verdicts de son école à ses disciples et détestait
qu’on consignât ses opinions et ses fatwas. On doit la compilation de la jurisprudence
hanbalite à Abû Bakr Al-Khallâl (décédé en 311 A.H., 923 E.C.), le disciple d’Abû Bakr Al-
Marwazî. Celui-ci parcourut les contrées à la recherche des verdicts rendus par l’Imâm
Ahmad et réussit à en recueillir un nombre sans précédent qu’il classifia dans son ouvrage en
vingt volumes intitulé Al-Jâmi` Al-Kabîr (« Le grand recueil »). Ensuite, il se consacra à
enseigner la jurisprudence de l’Imâm Ahmad dans la Mosquée d’Al-Mahdî à Bagdad. L’école
juridique de l’Imâm Ahmad venait ainsi de naître et était passée d’une somme éparse
d’opinions transmises oralement à un corpus écrit.

Puis, Abû Al-Qâsim Al-Khiraqî (décédé en 334 A.H., 946 E.C.) se chargea de faire une
synthèse de la compilation réalisée par Abû Bakr Al-Khallâl qu’on connaît sous le titre de
Mukhtasar Al-Khiraqî (« L’abrégé d’Al-Khiraqî »). Son ouvrage connut beaucoup de succès,
si bien qu’on lui connaît près de trois cents commentaires et explications dont notamment Al-
Mughnî d’Ibn Qudâmah Al-Maqdisî (décédé en 620 A.H., 1233 E.C.). Non seulement Ibn
Qudâmah commenta l’ouvrage, mais il se chargea également de relever les différentes
opinions existant au sein de l’école tout en fournissant les arguments des différents partis et en
arbitrant entre eux, le tout dans un style remarquablement fluide et précis.

Ensuite, Ibn Taymiyah l’Aïeul (Ibn Taymiyah Al-Jadd), alias `Abd As-Salâm Ibn `Abd Allâh
— décédé en 652 A.H., 1254 E.C. —, fit une classification des questions juridiques de l’école
hanbalite dans son ouvrage Al-Muharrar. Après cela, la littérature hanbalite se multiplia et se
démocratisa.
Il convient de noter à ce titre que l’école juridique hanbalite est l’école la plus souple en ce
qui concerne les contrats et les critères que doivent remplir les contractants. Car aux yeux de
l’Imâm Ahmad les transactions sont licites originellement aussi longtemps qu’aucune preuve
légale ne les interdit. D’où l’adéquation du rite hanbalite et sa souplesse dans le domaine des
transactions.

La grande épreuve
L’Imâm Ahmad vit passer quatre califats successifs de son vivant. D’abord, il y eut le califat
d’Al-Ma’mûn, ensuite celui d’Al-Mu`tasim, puis celui d’Al-Wâthiq et enfin celui d’Al-
Mutawakkil. En cette période, les Mu`tazilites avaient pris beaucoup d’envergure et
jouissaient d’une grande influence dans les cercles du pouvoir, notamment du temps du Calife
Al-Ma’mûn. Ce dernier était le disciple de Abû Hudhayl Al-`Allâm, l’un des chefs du
mu`tazilisme, si bien qu’il fut subjugué par la philosophie grecque. Profitant de cette relation
privilégiée, le Mu`tazilite sectaire Ahmad Ibn Abî Dhu’âd ne cessa de se rapprocher du Calife
et de l’entretenir tant et si bien que ce dernier en fit son ministre et son conseiller. Or, nous
avons vu précédemment que l’Imâm Ahmad était éloigné de la philosophie et du mu`tazilisme
et attaché à la Sunnah et à la tradition des pieux prédécesseurs.

À cette époque, les Mu’tazilites proclamèrent la thèse de la création du Coran, c’est-à-dire que
le Coran est une créature accidentelle et qu’il n’est pas la parole éternelle et ancienne de Dieu,
thèse que le Calife Al-Ma’mûn reprit à son compte. En 218 A.H., 833 E.C., le Calife Al-
Ma’mûn envoya un décret à son représentant à Bagdad, Ishâq Ibn Ibrâhîm, clarifiant cette
thèse et l’étayant — d’après leurs dires — de preuves scientifiques détaillées. On pense
cependant que ce décret n’est pas de la composition du Calife Al-Ma’mûn mais émanerait
plutôt de son conseiller mu`tazilite. Toujours est-il qu’il fut ordonné à Ishâq de réunir tous les
savants de Bagdad et de les convaincre que le Coran était une créature et de démettre de leurs
fonctions tous ceux qui s’opposeraient à la doctrine officielle.

Dans un premier temps, Ishâq exécuta l’ordre du Calife de réunir les savants afin de les
convaincre et congédia de leurs emplois ceux qui s’y opposaient, puis il envoya au Calife les
réponses que ces derniers opposaient à la doctrine de la création du Coran.

Dans son livre intitulé Târikh Al-Jadal (« L’histoire du débat contradictoire »), Sheikh
Mohammad Abû Zahrah rapporte longuement les interrogatoires conduits par les inquisiteurs
du Calife Al-Ma’mûn, dont voici un extrait :

« Il (L’inquisiteur Ishâq Ibn Ibrâhim) se tourna de nouveau vers Ahmad Ibn Hanbal et lui
demanda : “Que dis-tu à propos du Coran ?” Il répondit : “Il est la Parole de Dieu.” Il lui
demanda : “Est-il créé ?” Il répondit : “Il est la Parole de Dieu, je n’ai rien d’autre à ajouter.”
Alors, il lui demanda de lire la formule exigée par le Calife mais l’Imâm s’arrêta après la
phrase “Rien n’est à Sa ressemblance et Il est l’Audient le Clairvoyant” et refusa de dire
"Aucune de Ses créatures ne lui ressemble dans quelque qualité que ce soit, de quelque façon
que ce soit" (...) Ishâq interrogea Ahmad Ibn Hanbal : “Que signifie ’Il est l’Audient le
Clairvoyant’ ?” Il répondit : “Il est Tel qu’Il S’est décrit Lui-Même.” Il demanda de nouveau :
“Qu’est-ce que cela signifie ?” Il répondit : “Je ne sais pas, Il est Tel qu’Il S’est décrit Lui-
Même.” »
Dans un second temps, le Calife écrivit de nouveau à son représentant à Bagdad lui ordonnant
de licencier ceux qui s’opposent à cette thèse, de les arrêter et de les envoyer au Calife sous
peine de mort. L’Imâm Ahmad était parmi les savants ayant été arrêtés et envoyés dans leurs
chaînes à Tartûs. En route, certains révisèrent leurs opinions sous l’emprise de la peur,
d’autres trépassèrent, tandis que l’Imâm Ahmad campa sur sa position malgré les menaces
répétées. À quelques heures de leur arrivée à Tartûs, l’Imâm Ahmad s’agenouilla et leva les
yeux au ciel disant : « Seigneur, Ta patience a désabusé ce tyran si bien qu’il eut la témérité
d’agresser tes saints, les frappant et les tuant. Ô Allâh, si le Coran est Ta Parole incréée, fais-
nous jouir de sa protection. » Sur ce, Al-Ma’mûn décéda avant l’arrivée de l’Imâm Ahmad.
Ce dernier fut détenu en prison le temps que les affaires de l’État se stabilisent.

Al-Mu`tasim, le frère du défunt Calife, prit le pouvoir et, suivant les ultimes
recommandations d’Al-Ma’mûn, rapprocha Ibn Abî Dhu’âd de lui, cet ennemi déclaré de
l’Imâm Ahmad. Ainsi l’Imâm Ahmad fut-il enchaîné et emmené dans ses chaînes à Bagdad où
il subit de longs interrogatoires en présence du Calife. Incapables de recueillir son adhésion à
leur doctrine par quelque moyen que ce soit — ni les promesses d’argent ni le débat
contradictoire —, l’Imâm Ahmad fut suspendu par les pieds et flagellé jusqu’à
l’évanouissement, sans aucun égard à son savoir ni à son rang. Son calvaire dura deux ans et
demi... La colère des juristes commença à gronder à Bagdad, ces derniers campèrent devant la
porte d’Al-Mu`tasim demandant la libération de leur maître, l’Imâm Ahmad.

Une fois relâché, ce dernier rentra chez lui soigner ses plaies. Lorsqu’on l’interrogea au sujet
du Calife Al-Mu`tasim, il demanda à Dieu de lui faire miséricorde et de lui pardonner,
affirmant qu’il aurait honte d’arriver le jour du jugement avec des réparations à réclamer.
L’Imâm Ahmad aurait bien pu décrété la mécérance du Calife, du temps d’Al-Ma’mûn et
d’Al-Mu`tasim, mais la crainte de Dieu le poussait à dire qu’il est illicite de rentrer en
dissension contre le Calife tant que ce dernier était musulman, ce qui correspond à l’opinion
adoptée par la majorité des savants musulmans.

Pour éviter les troubles, il fut assigné à domicile à l’époque du Calife Al-Wâthiq, entre 227 et
232 A.H. Il ne sortait de chez lui que pour accomplir les prières. Puis, lorsque le Calife Al-
Mutawakkil prit le pouvoir, la doctrine de la création du Coran fut abolie et l’Imâm Ahmad
réhabilité. Il put alors poursuivre ses activités d’enseignement et de narration du Hadith dans
la mosquée.

Bibliographie
L’Imâm Ahmad légua à la littérature islamique plusieurs ouvrages dont notammant Al-
Musnad un immense recueil de hadiths comprenant une sélection de quarante mille hadiths
retenus parmi un corpus de sept cent cinquante mille hadiths. En réalité, la genèse du Musnad
débuta en même temps que l’initiation de l’Imâm Ahmad aux sciences du Hadîth, alors qu’il
était âgé de seize ans. Tout au long de sa vie, il consigna tous les hadîths qu’il apprenait. Puis,
sentant son heure approcher, il décida de compulser et de mettre de l’ordre dans sa collection
de hadîths. Il dicta ces hadîths aux gens de sa demeure et les mit à contribution dans son
œuvre. Il aurait vraisemblablement demandé à son fils `Abd Allâh de poursuivre son travail.
Ce dernier classa les hadîths selon le rang des narrateurs, commençant par Abû Bakr, puis
`Umar et ainsi de suite. La méthodologie de l’Imâm Ahmad dans la sélection des narrations
consistait à exiger l’authenticité lorsqu’il s’agissait de questions du credo (`aqîdah) ou de
règlements juridiques. Concernant le domaine des œuvres méritoires, si les narrations étaient
confirmées par le Coran ou la Sunnah authentique, l’Imâm tolérait qu’elles soient faibles.
Lorsqu’une narration faible était contraire à une autre narration plus consistante, de sorte qu’il
n’était pas possible de les concilier, l’Imâm écartait la narration la plus faible. Par exemple,
`Abd Allâh Ibn Abî Lahî`ah est cité dans le Musnad en dépit des critiques dont il a fait l’objet
par les spécialistes. Non pas qu’il fut accusé de mensonge, mais plutôt parce qu’il narrait les
hadîths d’après des livres et des parchemins en sa possession. Un jour, ces supports
s’abîmèrent et il dut rapporter les hadiths de mémoire se trompant souvent. Or, les specialistes
du Hadîth sont très exigeants dans ce domaine. Néanmoins, les Imâms Ibn Taymiyah et Ibn
Al-Qayyim affirmèrent que le Musnad ne comprenait aucune narration controuvée. Certains y
comptèrent quatre narrations controuvées, mais qui ne proviennent pas de l’Imâm Ahmad.
Enfin, les hadîths faibles que contient le Musnad ne concernent pas les règlements juridiques,
et ne sont pas extrêmement faibles non plus.

Parmi ses autres écrits, il y a :

1. Az-Zuhd
L’ascétisme

2. As-Sunnah
La Sunnah

3. As-Salâh wa Mâ Yalzamu Fîhâ


La prière et ses piliers obligatoires

4. Al-Wara` wal-Îmân
La piété et la foi

5. Al-Ashribah
Les boissons

6. Al-Masâ’il
Les questions

7. Fadâ’il As-Sahâbah
Les mérites des Compagnons

8. An-Nâsikh wal-Mansûkh
L’abrogeant et l’aborgé

9. Al-`Ilal
Les défauts

Tous ces ouvrages sont imprimés et se trouvent aisément en langue arabe.

Son décès
Âgé de soixante-dix-sept ans, l’Imâm Ahmad décéda après une vie pleine de services rendus à
l’Islam, le 12 Rabî` Ath-Thânî 241 A.H. — le 30 août 855 E.C. — et fut enterré à Bagdad.

P.-S.
Cette présentation se base sur :

• la présentation commise par islamonline.net


• le livre de Sheikh Mohammad Abû Zahrah intitulé Târikh Al-Jadal, édition Dâr Al-
Fikr Al-`Arabî, 1980.
• la biographie de l’Imâm Ahmad dans islampedia.

Notes
[1] On écrit Hanbal et on prononce Hambal. NdT.

[2] Hadîth rapporté dans les Sunan de Abû Dâwûd selon Abû Hurayrah. NdT.

[3] Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — ne reçut sa mission prophétique qu’après
l’âge de quarante ans. NdT.

L’Imâm Al-Bukhârî
La Citadelle du Hadith

vendredi 30 juin 2000

L’Imâm des musulmans, l’Exemple des pieux, le Savant du Hadîth et la Référence des
savants, Abû `Abd Allâh Muhammad Ibn Ismâ`îl Ibn Ibrâhîm Ibn Al-Mughîrah Ibn
Bardizbah, surnommé Al-Bukhâri, en référence à sa ville natale, Bukhârah.

Sa jeunesse et le début de son apprentissage


L’Imâm Al-Bukhâri naquit en 194 AH, à Bukhârah, dans la région de Khorasân. Le père de
l’Imâm Al-Bukhârî, un homme aisé, mourut alors que son fils était très jeune et c’est son
épouse qui prit le plus grand soin de l’éducation de leur fils orphelin. Ahmad Ibn Al-Fadl Al-
Balkhî rapporte au sujet de l’Imâm Al-Bukhârî : « Dans son enfance, il perdit la vue. [Un
jour], sa mère vit le prophète Ibrahîm — que la paix soit sur lui — dans un rêve ; il lui
annonça la bonne nouvelle : « Dieu a rendu la vue à ton fils grâce à tes nombreuses prières et
invocations ». » Ainsi Dieu exauça les prières de sa mère et l’Imâm recouvrit sa vue.

Avide de science et doué d’une mémoire exceptionnelle, il commença à étudier les hadîths à
l’âge de onze ans en mémorisant la compilation de hadîths de Ibn Al-Mubârak (soufi et grand
juriste de son temps). Il finit la mémorisation du Coran avant l’âge de seize ans. On relate que
dans sa jeunesse il connaissait déjà par cœur soixante-dix mille hadiths de notre prophète
Muhammad — paix et bénédictions sur lui.

À l’âge de seize ans, après avoir appris le Hadîth par les spécialistes de cette science à
Bukhârah, il voyagea avec sa mère et s’installèrent à la Mecque. Pendant leur séjour, il étudia
le Hadith par d’éminents savants de la Mecque, notamment Al-Humaydî qui lui enseigna
aussi la jurisprudence de l’Imâm Ash-Shâfi`î. À l’âge de 18 ans, il écrivit son premier livre
sur les compagnons du prophète Muhammad — paix et bénédictions sur lui — et les
successeurs (la génération qui suivit celle des compagnons), qu’Allâh les agrée.
Il dit à Abû Ja`far Ibn Muhammad Abû Hâtim Al-Warrâq : « J’ai étudié les livres d’Ibn Al-
Mubârak et Wakî` et je connaissais déjà leurs écrits par cœur à l’âge de seize ans. A dix-huit
ans, j’ai commencé à compiler les comportements et les paroles des Compagnons et des
Successeurs [en arabe : at-tâbi`ûn]. C’était au temps de `Ubayd Allah Ibn Mûsâ. J’ai rédigé
Kitâb At-Târîkh [i.e. Le livre d’Histoire] près de la tombe du Prophète — paix et bénédictions
sur lui — les nuits de lune. [...] ».

Abondance de son savoir


Dans l’espoir d’acquérir le savoir et de compiler des hadiths exacts (ou intègres) [en arabe :
sahîh], il parcourut la terre à la recherche des savants du hadîth. Il fut le disciple de nombreux
savants de la Mecque, de Médine, de Damas, de `Asqalân, de Hims, du Caire, de Baghdâd, de
Bassora, de Kûfah et de nombreuses autres villes. Il acquit le savoir en compagnie de savants
tels que : l’Imâm Ahmad Ibn Hanbal, Abu `Âsim An-Nabîl, Muhammad Ibn `Îsa At-Tabbâ`
et Ishâq Ibn Mansûr. Parmi ses disciples, nous pouvons citer plusieurs grands noms comme :
Muslim, Abû Zur`ah, Abû Hâtim, At-Tirmidhî, Al-Marwazî, Sâlih Ibn Muhammad Jazarah,
Ibn Khuzaymah, As-Sarrâj.

Dieu dota l’Imâm d’une mémoire exceptionnelle et sa contribution aux sciences du Hadîth est
sans pareil. `Abd Ar-Rahmân Ibn Muhammad Al-Bukhâri rapporte qu’il entendit Muhammad
Ibn Ismâ`îl dire : « J’ai rencontré plus de mille hommes [de science] du Hidjâz [en Arabie] ,
Iraq, Syrie, Egypte et Khorasân » et il poursuivit jusqu’à ce qu’il dit : « Ils soutenaient sans
exception le principe stipulant : « La Religion repose sur des actes et des paroles, et le Coran
est la Parole d’Allah ». »

Ibn `Adiyy dit : « Un nombre de savants apprirent qu’Al-Bukhâri serait prochainement de


passage à Baghdâd. Ils choisirent cent hadiths dont ils brouillèrent les chaînes de transmission
et les textes, donnant ainsi à chaque Hadîth une chaîne de transmission autre que la sienne.
Chaque savant prit dix de ces hadiths et s’apprêta à mettre Al-Bukhâri à l’épreuve durant leur
rencontre. Les gens s’assemblèrent et l’un des savants confronta Al-Bukhâri avec le premier
de ses dix hadîths. Il répliqua « Je ne le connais pas ». Le savant lui cita un autre hadîth. Il
répondit « Je ne le connais pas. » et ainsi de suite jusqu’au dixième hadîth. Les gens avertis
[initiés à la science du hadith] parmi l’audience se regardèrent et dirent : « L’homme s’y
connaît. », les autres pensèrent que c’est un ignorant. Puis un autre savant exposa à son tour
ses dix hadîths, puis un autre, jusqu’au centième hadîth et Al-Bukhâri répondait
invariablement « Je ne le connais pas. ». Quand il vit qu’ils avaient terminé, il se retourna vers
le premier savant et dit « La chaîne authentique de ton premier hadîth est ceci, celle de ton
deuxième hadîth est ainsi etc. » Il fit de même avec le deuxième savant, puis le troisième, et il
poursuivit avec chacun d’eux jusqu’au centième hadîth. À ce moment, tout le monde eut la
certitude qu’il était un Hâfidh [i.e. ils reconnurent la qualité de sa mémorisation]. »

Al-Warrâq dit « j’ai entendu Sâlim Ibn Mujâhid dire : « Je rendais visite à Muhammad Ibn
Sallâm Al-Bikandî et il me dit : « Si tu étais venu plus tôt, tu aurais vu un garçon qui connaît
par cœur soixante-dix mille hadîths. ». Je suis sorti à sa recherche. Lorsque je l’ai trouvé, je
demandais « Est-ce toi qui dit connaître par cœur soixante-dix mille hadîths ? », il [i.e. Al-
Bukhâri] répondit « Oui, et plus encore, et jamais je ne te citerai un hadîth d’un Compagnon
ou un Successeur sans que je sache la date et le lieu de leur naissance et de leur mort, et là où
ils vécurent. Et je ne narre [de leurs hadîths] que ce qui est certain et fondé sur un principe de
la religion de Dieu, dans le Livre de Dieu et La Sunnah de Son Messager ». Ainsi Al-Bukhâri
fut non seulement un muhaddith d’exception [un spécialiste du Hadith] mais également un
grand juriste (faqîh). D’ailleurs Al-Khozâ`i dit : « Al-Bukhâri est le faqîh de cette Ummah »
( faqih signifie spécialiste en jurisprudence.)

Ibn `Adiyy dit : Muhammad Ibn Al-Qumîsi me rapporta : j’ai entendu Muhammad Ibn
Hamdawayh dire : j’ai entendu Muhammad Ibn Ismâ`îl [Al-Bukhâri] dire : « je connais par
cœur cent mille hadîths intègres [i.e. hadîth sahîh] et 200 000 hadîths d’authenticité
questionnable. »

Témoignages des savants à son sujet


Les témoignages faits au sujet de la science de l’Imâm et de ses qualités sont très nombreux.
Nous nous contenterons ici de quelques exemples :

L’Imâm Ibn Khuzaymah dit : « Je n’ai vu sur terre plus savant en Hadîth que Muhammad Ibn
Ismâ`îl Al-Bukhâri ».

Muhammad Bashshâr disait : "Les sommités en terme de mémorisation sont au nombre de


quatre sur terre : Abû Zur`ah à Rayy, Muslim à Naysabûr, `Abd Allah Ad-Dârimî à
Samarqand et Muhammad Ibn Ismâ`îl à Khorasân."

Qutaybah Ibn Sa`îd dit à son sujet : "Il était à son époque ce que `Omar fut parmi les
Compagnons, et si Muhammad Ibn Ismâ`îl vivait du temps des compagnons, il aurait été un
phare.(ayah)."

Al-Khozâ`î dit : « Al-Bukhâri est le faqîh de cette Ummah ».

Piété et adoration
Il fut l’exemple du dévot et du savant éprouvant une crainte révérencielle envers Allah. C’est
l’homme aux prières nombreuses et au cœur recueilli et éveillé. Pendant le mois du ramadan,
il récitait le Noble Coran en entier dans la journée, et un tiers du Coran avant l’aube tous les
jours.

Al-Farabarî dit : Muhammad Ibn Ismâ`îl m’a dit « Je n’ai jamais écrit un hadîth dans le Sahih
[son livre Sahîh Al-Bukhâri] sans avoir effectué al-ghusl [ablutions majeures] et prié deux
rak`ah au préalable. »

Al-Warrâq rapporte : « Pendant mes voyages avec Abû `Abd Allâh, lorsqu’il arrivait que nous
dormions dans la même maison, je le voyais se lever la nuit entre quinze et vingt fois. Chaque
fois, il allumait sa lampe et il extrayait des hadîths en les annotant. Puis il s’allongeait de
nouveau. A l’approche de l’aube, il avait l’habitude de prier trente rak`ah [2 par 2] et il ne me
réveillait jamais. Je lui dis une fois : « Tu endures cela pour toi-même, pourquoi ne me
réveilles-tu pas aussi [pour prier] ? Il répondit : « Tu es un homme jeune et je n’aime pas
troubler ton sommeil. ». »

Son livre Al-Djâmi` As-Sahîh


L’Imâm rédigea différents ouvrages de hadîths. Dans son livre Al-Djâmi` As-Sahîh
[littéralement : "La Somme Authentique"], après un examen minutieux et rigoureux, il
enregistra des paroles du Prophète — paix et bénédictions sur lui — dont la chaîne de
transmission ne se compose que de transmetteurs justes et fiables, sans défaut ni brisure.
Pendant seize ans, il scruta 600 000 hadîths et retint 7 275 hadîths dont l’authenticité est au-
delà du moindre doute.

Dans l’étude des chaînes de transmission, il ne disait jamais d’un homme « c’est un
menteur ! », il disait « telle personne l’a démenti », « telle personne l’a traité de menteur »,
« non digne de confiance ». Lorsqu’Al-Bukhâri qualifiait un homme de « non digne de
confiance », il ne narrait pas de hadîth de lui.

Il y a un consensus parmi tous les savants de l’Islam au sujet de l’abondance exceptionnelle


de son savoir, ses bonnes manières, son caractère noble et généreux. Son livre précieux Al-
Djâmi` As-Sahîh est la meilleure référence de tous les temps en matière de hadîths
authentiques.

La Citadelle du Hadîth, le maître des muhaddithînes, le Rempart des sciences de la tradition,


le flambeau de la communauté, l’exemple du pieux, l’Imâm de l’Islam, Abû `Abd Allâh Al-
Bukhâri retourna auprès d’Allah en 256 AH, à Samarqand (v. d’Ouzbékistan, Asie centrale).
Qu’Allah le récompense pour ce qu’il fit et ce qu’il fut pour l’islam et qu’Il lui fasse
miséricorde. Âmîn.

Répondre à cet article


1 Message
• > 0810. L’Imâm Al-Bukhârî

18 novembre 2003 09:00, par nour-eddine

assalam ouhalaykou !l’article a été bénéfique pour moi inchallah.j’ai lu


beaucoup de boukhari et jamais je n’ai cherché à le connaître. Voilà donc
une première approche sur lui.assalam ouhalaykoum.

You might also like