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Alice Killy

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Alice Killy

Sugar Girl
Premier roman achevé à 15 ans

Tout le monde aime le sucre, tout le monde en raffole. C’est doux et cela donne un goût
agréable dans la bouche. Quand on en obtient on essaie toujours d’en garder un maximum.
C’est toujours comme cela, le sucre est une gourmandise convoitée et à la portée de tous... Un
or des fous mais qui cache bien ces défauts. Alors une fille peut-elle être faite de sucre ? Bien
sur que non du point de vue de la gourmandise en elle-même. Mais en y réfléchissant bien il
peut y avoir quelques similitudes. Une jeune fille trop douce, toujours agréable, on essaie
toujours d’en prendre un maximum. Vous savez une fille qui cache bien ces défauts, qui les
montre quelque fois mais néanmoins n’est pas parfaite, loin de là ! Un trop grand soupçon de
naïveté ainsi qu’un caractère de fillette, un sourire de confiance. Et quand on la voit nous
vient cette envie soudaine de tout profiter, de tout lui prendre ou alors de tout lui donner. Lui
raconter nos misères et l’entendre raconter les siennes. Obtenir toute sa confiance et plus tard
en être écœuré, comme le sucre...
« Morgane je vous dit ça parce que je vous aime bien et que j’ai été comme vous. Morgane,
vous êtes faites tout en sucre. Faites attention, les gens sont intelligents ils n’hésiteront pas à
profiter de vous... » C’est sur ces mots que je sus qui j’étais. En seulement quelques minutes,
la mère d’une amie m’avait résumé... « Tout en sucre », je suis tout en sucre. Cela peut
paraître bizarre, je dois avouer que la première fois j’ai été surprise. Mais le découlement de
mon adolescence m’a affirmé cela, m’a démontré maintes fois que j’avais eu tort de ne pas y
croire. Ce qui va suivre est sans doute quelques étapes de ma vie, elles ont néanmoins
beaucoup touché mon esprit. Je vis avec aujourd’hui. Vus comme ça, on a l’impression que
c’est dramatique et pourtant ce n’est pas si méchant. Cependant tout se passe dans la tête et
croyez-moi si vous le voulez mais cela compte beaucoup.
Dans ma quête du bonheur, mon plus grand rêve serait d’être aimé comme j’aime. Seulement
il y a un tarif lourd à payer. Ce prix je l’ai reçu à plusieurs reprises sous forme de confiance.
Non que les autres me l’ont donné, bien au contraire. Un de mes plus grands défauts est sans
doute la naïveté. Cette faculté à croire que personne n’est mauvais au début et d’offrir sa plus
grande confiance comme on offre un bonbon à un petit enfant. J’ai été bien trop de fois dupée
et pourtant cette naïveté revient toujours, plus belle et plus forte à chaque fois. Chez moi elle
prolifère telle une plante grimpante et elle s’agrippe à mes jambes autant qu’elle le peut. Je
vous prie de croire que par mes larmes j’en ai souffert, j’aurais voulu avoir cette force de
caractère qui me permette de rebondir et de ne pas tomber. Pourtant, je retombe le sourire aux
lèvres comme si finalement ce n’était pas grande chose et comme si mon bonheur était bien
là...

Le début
Tous les soirs, machinalement je reprends mon portable et j’attends ce message. Ce message
que tous les matins je vois de mes yeux. Pas possible, je ne peux y croire, je ne peux pas
croire à tant de tendresse. Hélas au fond de moi se forme ce gouffre qui, parois contre parois,
répète cet inlassable échos « c’est beau n’est-ce pas ? Il t’aime j’en suis sur ». Mensonge !

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Arrêtez de me torturer l’esprit, je ne peux pas y croire ! Je regarde encore une fois le
message : « Passe un bon weekend end petite fée ! Je pense à toi, tu sais ? »
Tu pense à moi ? Non, tu n’es qu’un menteur ... C’est la première fois qu’on me le dit et j’ai
beaucoup de mal à le croire. Dis-moi que tu n’es qu’un ami, rassure-moi je t’en pris !
Comment en suis-je arriver là, comment puis-je être aussi dépendante de cela ?
Trois semaines auparavant, je venais de sortir d’une peine de cœur enfin presque. Obstinée
jusqu’au bout j’essayais toujours de me faire aimer mais la froideur de la personne en
question me dépassait. Je laissais donc tomber pour me fixer seulement et uniquement sur
mes études. Malheureusement il est rare que je tienne mes engagements personnels.
Je m’engouffrais donc dans le travail, dans un sérieux qui m’était très étranger. Peu importe,
j’étais si appliquée, si pleine d’envie de réussir que le monde qui m’entourait ne m’importait
guère. Cela ne dura pas. A un moment j’eu envie de renoué avec mes amis et aussi en faire de
nouveaux, ou même reprendre connaissance avec des gens que je côtoyais auparavant.
C’est ce que je fis. J’allais de part et d’autre pour reparler à tout le monde, pour revoir ceux
que j’avais « laisser tomber ». C’est comme cela que je refis la connaissance de sa sœur.
Jeune fille adorable, toujours souriante, je lui avais parlé durant ma troisième et puis on s’était
perdues de vue. Et là j’eus cette envie de lui parler, alors on discuta, pas pendant beaucoup de
temps mais juste assez pour s’apprécier.
Il s’en suivi que pour mieux la connaître je lui demandais son adresse Internet pour que l’on
puisse encore parler. Dès que je fus rentrée chez moi j’en ai profité pour l’ajouter à mes amis.
Au lieu de cela il y eut un gros bug et mon ordinateur ajouta son frère ... Si j’avais su, si
j’avais pu voir ce qui m’attendait, je crois que je n’aurais pas gardé son adresse et pourtant je
l’ai fait.

« Je venais de sortir d’une histoire douloureuse, je n’ai aucune envie d’en revivre une autre.
Je voulais être simplement tranquille dans ma douleur, pourquoi a-t-il fallu que tu viennes ?
Pourquoi a-t-il fallu que tu veuilles me rendre si heureuse pour finalement redevenir plus
triste ? »

Notre première discussion avait été des plus banales, comme à mon habitude j’avais été très
distante et n’avait aucune confiance en lui. Je me méfiais, malgré toutes ces gentillesses je me
méfiais de lui.
Puis vint le moment de lâcher du leste.
Il commença à parler de poésie. Il faut savoir que j’aime beaucoup la poésie, j’en suis
amoureuse. Je donnerais tout pour pouvoir entendre ces mots qui chantent, les uns après les
autres qui se succèdent pour former le vers puis la rime et enfin établir cet ensemble qui
charme mon âme. Il était poète et pas n’importe lequel, il avait une façon d’associer les mots
qui enchantait mon cœur d’amoureuse perdue. Il avait cette qualité qui utilisait des
expressions pleines de tendresse pour faire couler sur ma joue de nombreuses larmes. Il me fit
lire quelques unes de ses prouesses. J’ai été ébloui par tout ce qu’il avait entreprit et je ne me
sentais pas de taille face à lui. Pourtant il me disait à sa façon que j’étais une « maîtresse des
émotions ». On était lié par notre amour des mots, simplement pour quelques vers nous nous
sommes plu...
Quelques jours se succédèrent et chaque soir je retrouvais mon poète. Notre petite coutume à
tout les deux consistait seulement à ne parler qu’en vers. Ainsi nous pouvions parler de notre
vie, de ce qui nous arrivait dans la journée et entre temps nous nous entraînions à la rime et à
notre grand amour de la poésie. On aimait rechercher, chacun à notre façon, la rime la plus
rare et je dois avouer c’est que c’était lui le plus fort. Je me souviens encore de ces deux vers
qui m’enchantèrent :
« Dans tout mon corps bous sangs et lymphe,

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Alors que devant moi se trouve une nymphe. »


J’ai été aveuglé par tant de mots. Puis c’est là que j’ai sus, là tout juste, que finalement il
mentait. Peut-être pas tant que ça, mais il aimait pour se faire aimer, moi je ne voyais rien ...

Le Prince des Excuses


C’était un jour d’été, il faisait chaud pourtant la météo avait prévu de la pluie. Pas un seul mot
n’avait été prononcé entre nous, jamais, seulement mes regards hésitants. Ou alors des regards
qui ne disaient rien, probablement. Aucune parole n’avait été dite depuis cet après-midi de
« mardi ». Puis, sans vraiment le vouloir, pendant une heure nous nous sommes retrouvés
seuls, sans les autres, sans leurs remarques, juste nous. Et comme si cela paraissait naturel,
nous nous sommes mis à parler sans nous arrêter avec mon impression que je devais tous lui
dire avant la fin, avant qu’ils ne reviennent. Une heure, juste lui et moi, à parler de nos vies,
comme un « avant » qui n’existe pas. Ce fut la dernière fois …
En ces jours, c’était des kilomètres, des murs, des fils puis des écrans qui nous offraient la
possibilité de parler ou plutôt de nous écrire. Demain, le silence sera notre lien.
Dehors, au lycée, nous sommes des étrangers. Chez nous, devant nos ordinateurs, nous étions
des amis. Aujourd’hui j’ai changé cela …
Le destin fait les choses. Mon esprit en dessine les conséquences. Néanmoins j’avouerai
simplement qu’il restera le prince, le cher prince des excuses. Etrange surnom me direz-vous,
je ne sais plus comment je l’ai trouvé, je crois que c’était parce qu’il cherchait toujours des
excuses pour tout, c’était toujours les autres jamais lui. Cela me fit bien rire, depuis ça m’a
marquée et j’ai précieusement gardée ce petit nom pour moi, comme une chose que les autres
n’ont pas de lui et que moi seule détiens.
Dans le petit square que je longe chaque jour, trône majestueux en son centre un grand arbre.
L’hiver étant là, on voyait que tombait entre ses branches, sa multitude de feuilles jaunies par
le froid. En le voyant ainsi, je me vue, seule. Victime du froid, le froid d’une saison qui dure
depuis un an …

Je reviens dans mon présent, qui est devenu le passé d’aujourd’hui. Je reprends l’objet qui
m’offre souffrance et espoir à la fois. Je regarde son écran, j’attends encore ces messages
pleins de tendresses. « Je voudrais, je souhaite qu’on m’aime aussi … » Rien n’arrive, cela
fait longtemps que plus rien n’est arrivé. Mon poète ne me parle plus comme avant, il devient
un garçon comme tous les autres, indifférent. Cela tient en un seul après-midi où l’on s’est
vu…
On essayait depuis deux voir trois semaines, de se voir. Mais toujours le destin fit en sorte
qu’on se rate, jusqu'à que l’on se voit vraiment … J’ai été déçu, j’en ai souffert. Il ne m’a
parlé que de l’être qui lui était cher. Pour lui je n’étais qu’une petite sœur, sa petite fée, celle
qui doit tout apprendre de lui parce que ce n’est encore qu’une petite enfant. J’y croyais tant
bien que mal. Je suis une fille en sucre, croire est une des grandes lignes de ma vie ne
l’oublions pas. Depuis ce jour, les discutions n’ont plus eu de sens, il n’y a même plus de
poème. Pour lui, il a juste beaucoup de travail ; moi, j’essaie encore de le croire mais
finalement c’est la tristesse qui l’emporte sur la raison. C’est en ces jours de silence et de
mots qui ne tiennent plus la route que je lui dirais bien :
« Suis-je petite fée à tes yeux ?
Es-tu toujours Grand Elf aux miens
Maintenant nos écrits sont creux
Et je n’en n’éprouve rien de bien … »
Je l’ai perdu en quelques heures, mais je ne l’avais jamais gagné. Encore une puérile illusion,
le jeu du mensonge a rebondi sur moi comme un reflet sur le miroir.

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Puis lentement il s’efface et moi je survis.

Si simple de mentir...
Perdre un être qui vous était cher, c’est une épreuve que personne ne devrait connaître.
J’avais, plus jeune, un hamster. Peut-être que pour la plupart des gens ce n’est qu’une petite
bestiole sans grande importance. Pour moi, cette « petite bestiole » était mon « grand
réconfort ». Puis, il n’y a pas si longtemps, elle s’endormit du sommeil éternel. Ce n’était
peut-être que ma boule de poil, mais sans lui je me retrouve seule dans mes chagrins, « plus
de réconfort Morgane ». C’est dans cette période-là que les amis comptent vraiment. J’avais
besoin de soutien car l’un des êtres qui comptait le plus dans ma vie venait de mourir.
Il était parti, il n’était plus là, la chambre redevint vide de vie, elle redevint silencieuse. Je me
retrouvais seule dans mon nid douillet. Moi, mes draps chauds mais pas ma petite boule de
poil…
J’avais besoin de parler, il fallait qu’on me rassure, que l’on me dise que je n’étais pas seule.
J’étais seule quand j’ai parlé au prince. J’étais seule quand j’eus envie de le voir le lendemain
juste pour parler. J’étais seule encore quand il me dit que ce n’étais pas possible parce qu’un
de ses amis venait déjà et que mon envie ne lui plaisait pas trop … Je fus seule le lendemain
quand je le vis à son tour arriver au lycée non accompagnée par son soi-disant copain. Et je
remarquais seule, dans mon esprit, que le prince venait de me mentir pour m’éviter.
C’est quand le mensonge arrive, c’est quand la détresse vous appelle que vous savez ce que
valent les gens. C’était la personne qui comptait le plus pour moi, j’aurais tout fait pour le
rendre le plus heureux du monde. Et le prince m’a menti …
Mes amies m’avaient prévenus, il ne fallait pas que je sois gentille, il ne fallait pas que je lui
parle, il ne fallait pas encore que je l’aime. Malgré cela je n’écoute pas. Bien que cette fois-là
fut différente. Je pris cette situation entre mes deux mains et je fis en sorte de ne plus lui
adresser la parole, et pour que cela marche je mettais en jeu ma fierté ! J’ai promis que je
tiendrais, au moins pendant trois mois, la situation ne pouvait plus durer, j’en avais assez !
Mais le doute reste en moi, on ne peut pas oublier quelqu’un comme cela, surtout quand on
lui offrait tout depuis près d’un an. Je dois l’avouer pour moi il m’est cher et sa vie ainsi que
son existence sont plus importance que ma propre vie à mes yeux. Si je devais mourir demain
et bien je partirai heureuse parce que, lui, sera toujours vivant et en bonne santé.
« Un jour peut-être, toujours jamais »

Les jours passèrent, et peu à peu je continuais dans le silence. Je ne lui disais plus rien, je ne
faisais plus rien, j’attendais. Non à vrai dire je n’attendais pas, je restais là juste à me
demander… Me demander quoi ? Je ne sais pas trop, en fait je ne faisais que rien. Je faisais
comme toujours sauf que là je ne faisais rien. Vous suivez ? Enfin tous cela pour dire que
j’avais beau ne rien faire, je pensais toujours à lui. A quoi pensait-il ? Que fait-il ? L’a-t-il
remarqué que je ne suis plus là ? Plein de questions pour passer le temps…
Seulement il fallait agir et ne pas rester là, il fallait que je me bouge car pour l’instant je
restais un légume à se lamenter.
Alors je vivais la vie comme elle venait, j’essayais tant bien que mal de voir qu’il n’était plus
là, pour moi du moins.

La volonté vous fait faire des choses si incroyables que plus rien n’est impossible. Je lui en
avais tellement voulu que par tout les moyens j’aie voulu tenir, tirer un trait sur lui, l’oublier,
en finir une bonne fois pour toutes ! J’aurais aimé vous dire que la réussite fut là mais je
mentirais. Néanmoins j’eus un peu de chance…

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Pendant deux semaines ma cervelle était en bouilli, je n’arrivais pas à me le sortir de l’esprit.
Puis comme si le ciel l’avait voulu, une amie me parla d’un autre garçon que j’avais connu.
Un gentil que peu de gens aimaient beaucoup, d’ailleurs elle m’en parla car soi-disant il
l’énervait beaucoup. Et comme pour rendre service à mon amie, je me suis mise à lui parler.
On avait une tonne de points communs, on s’aimait énormément, on s’attirait un peu aussi. A
vrai dire il me disait souvent que j’étais belle mais je disais également que c’était un menteur !
Je n’ai pas honte de dire que je me sentais bien avec lui et que j’oubliais peu à peu le prince
des excuses.
Que c’est bon de ressentir pour une nouvelle fois le goût du bonheur.
Et les choses s’enchaînèrent à toute vitesse, avant même que je puisse m’en rendre compte je
lui demandais si nous pouvions sortir ensemble. C’était la première fois que j’étais aussi
convaincu de quelque chose et je voulais à tout prix oublier ce passé qui me collais à la peau.
Et lui, c’était la clé que je recherchais pour enfin en terminer avec tout ça.
Au début ce fut dur, car il ne savait pas lui-même. Il me disait non, puis il se reprenait, en fait
il ne savait pas du tout ce qu’il voulait.

Il avait beau me dire : « Vraiment tu m’attire mais je ne sais pas si c’est une bonne idée… »
J’étais convaincu, rien ne pouvais me faire changer d’avis. Puis un jour, sans crier gare, il
m’annonça avec une curieuse façon que j’étais sa copine. Il me le dit avec une bague, une
bague que je portais d’habitude à la main droite. Une bague qu’une bonne amie m’avait
offerte, une claddagh. Cette bague à la particularité d’avoir à elle seule une légende et une
signification et selon son emplacement on sait notre situation sentimentale. J’avais expliqué
vaguement à mon cher et tendre ce qu’elle signifiait. Je lui avais raconté que si on la plaçait à
la main droite, la pointe du cœur vers le notre cela signifiait que la personne qu’on aimait ne
partageait pas le sentiment ; mais par contre si elle était mise à la main gauche cela voulait
dire que c’était réciproque.
Puis ce jour-là, il me dit simplement : « ta bague est mal placé ! ». J’avais compris qu’il avait
dit oui… Ce fut la fin.
Ne vous inquiétez vous avez bien lu, je vivais le bonheur mais entre-temps se profilait à
l’horizon la seule chose que je n’aurais jamais pu imaginer. Après tout ne dit-on pas qu’il ne
faut jamais dire jamais ? En cette même journée, enfin l’après-midi, avant que me vienne cette
merveilleuse nouvelle, je suis allée à une sortie avec des amis. A cette sortie était invité le
prince, mais il n’avait pu venir soi-disant. Je peux affirmer que c’était un mensonge. Ce jour-
là, les autres l’ont vu, moi je ne voulais pas le voir. Du moins le problème devait venir de
moi, je ne comprenais pas trop, je voulais juste être tranquille, du moins qu’il me laisse
l’oublier tranquillement. Et ce fut la première fois que le prince s’inquiéta, d’une façon peu
commune, de ma personne.

Le retour et une fin


« Enfin maintenant qu'il y a des embrouilles c'est bizarre mais j’existe ! Et tu sais ce que je
comprends encore moins c'est que tu t'intéresse de ce que je pense de toi?! »
A peine avais-je eu la bonne nouvelle que l’ouragan ouvrait les portes de l’enfer. Par une
obligation que j’avais promise à mes amies je ne devais en aucun cas adresser la parole au
prince. Mais je fus si en colère de voir qu’il leurs avait menti, elles qui avaient été si gentilles
de l’inviter. Cette colère bouillonnait en moi et ne demandait qu’une chose : sortir ! La seule
façon pour moi de me lâcher c’était de le montrer dans mes pseudonymes, mais en ne
nommant personne toutefois la colère y était et c’était le principal. Ce n’était pas la première
fois que je faisais cela, il m’est souvent arrivé de me laisser aller de cette façon néanmoins
jamais il ne l’avait remarqué jusqu’à ce jour. Etrangement déjà l’après-midi il avait demandé,
à celles qu’il avait vu, si j’étais là et si je pouvais venir mais je n’avais pas bougé de ma place.

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Le soir me donna une autre surprise. Il est venu. La chose qui n’arrive jamais, il est venu de
lui-même me parler mais je ne lui ai pas répondu…
Il vint à la charge cette question sur les lèvres : «c’est moi dans ton pseudo ? » et plus tard
« pourquoi tu ne réponds pas ? ». Il avait beau le demander autour de lui, à deux, trois de mes
amies, il n’avait pas eu sa réponse et cela, du moins on me la dit, l’énervait.
Je pris de vous dire que cela m’étonna, lui aussi calme qu’il soit et bien qu’il le répète sans
cesse qu’il est un modèle de zen attitude. Je ne comprenais absolument rien bien que je riais
devant mon écran.
La situation se dégrada le lendemain, il passa à l’attaque. Il vint une nouvelle fois me
demander pourquoi je ne répondais pas, comme je l’avais promis je ne di rien. Il me bloqua.
Je ne pouvais admettre qu’il l’avait fait ! Je commençais vraiment à être sur les nerfs, à coté
de cela, deux de mes amies me disait qu’il ne faisait que parler de cette affaire et qu’il
cherchait encore en vain la cause de mon silence. Alors je pris la décision de briser la glace
dans un ultime message électronique, où je n’allais pas par quatre chemins, à vrai dire je n’ai
jamais été aussi franche …
De mémoire je ne me souviens pas qu’il ait répondu aussi rapidement. Cinq minutes avaient
suffi pour qu’il réagisse, cinq de plus pour qu’il me débloque et encore deux minutes pour
qu’il revienne m’en parler… La soirée fut longue, pleine de questions, de réponses, de
remarques et d’excuses. La confiance que je lui avais vouée depuis un an s’était éteinte,
malgré lui il m’avait perdu.

Deux jours suivirent sans le moindre bruit, enfin dérangement. Les vacances finissaient
doucement et tout devenaient plus monotone. Et sans que je m’en rende vraiment compte, une
autre mauvaise chose arrivait à grand pas. Mon copain, enfin celui qui m’a fait gentiment
changer ma bague de doigt, a décidé qu’il valait mieux en finir. J’étais seule encore une fois...
et cette bonne vieille bague reprit sa place, à la main droite.

« La robe du malheur me va à ravir, n’est-ce pas ? »


Les semaines passaient, elles ne changeaient pas, elles redevenaient celle qu’elles étaient.
Mon ancien petit ami, de passage furtif, devenait d’un coup adorable et de l’autre glacial. Je
n’étais là que quand il en avait le besoin. Quant au prince que j’espère toujours, il y eut ses
moments de gentillesse après le coup de gueule. Puis tout redevint comme avant, le froid
revint avec le temps, finalement je n’avais pas réussi à en avoir l’habitude. Je me sentais aigri,
perdue, je n’arrivais pas à me les ôter de la vue. Je les perdais, comme je perdais mes amis,
j’étais devenu étrangère de moi-même et quand j’écris ces quelques mots je ne sais même plus
la personne que je suis. Je n’arrive plus à retrouver mon goût de vivre, je ne reconnais pas ces
gens que j’avais tant apprécié, je ne vois plus la joie, je ne vois plus l’amour, je ne fais que
pleurer. Quand je dois attendre, je pars comme un courant d’air. Quand je dois rire je ne me
souviens plus de ce qu’est un sourire. Quand je dois soutenir, c’est moi qui aie besoin qu’on
la prenne dans ses bras. Egoïste ? Probablement...
Voit-on le cœur qui pleure ? Voit-on le visage de la tristesse sous le masque de la joie ? Non,
les gens sont aveugles, ils ne voient rien de tous cela. Et ceux qui portent ce masque le voient
encore moins. A force de cacher les choses, on finit par les oublier. Et un jour, au mépris de la
surprise, on se rend compte que tout ne va pas aussi bien qu’on le croyait. Ce jour, pour moi,
venait d’arriver. Tout était si rose mais il a fallu d’une petite seconde pour que je me
souvienne. Il y a des questions toujours sans réponses. Il y a des réponses qui valent la peine
d’être cru. Et il y eut des espoirs, tant d’espoirs, tous envolés ... dans cette petite seconde.

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« J’ai peur d’elles ... »


Personne ne peut vivre sans amis, pas même moi. J’ai beaucoup d’amies, par contre je compte
sur les doigts de ma main mes amis ... voyez-vous la différence ? Je ne sais par quels critères
je me suis toujours mieux entendue avec des filles, peut-être que la confiance passait-elle
davantage. Du moins mes amies me faisaient peur, et encore d’ailleurs. J’ai peur de perdre
une personne car j’aurais trop parlé. Voyez-vous, si je n’avais pas eu ce déclic, aujourd’hui je
ne suis pas aussi sur qu’il aurait eu cette même petite réputation dans le cercle de filles que je
connais. Et si je ne l’avais pas remarqué, lui parleraient-elles aujourd’hui ? Aurait-il été le
même ? Oui, c’est remarquable, il a changé depuis. Peut-être que je n’aurais pas du ... Peut-
être, toujours peut-être ! Et des « si » qui n’en finissent pas, avec toujours cette lueur au fond
de mes yeux qui lisent : « et s’il se comportait avec moi comme il se comporte avec elles ? »
Avec elles, c’est toujours plus drôle, c’est toujours plus bavard, c’est toujours plus tout. Avec
moi, ça reste connaissance à peine visible. En fait un fantôme, je ne suis là seulement quand
j’ose me montrer sinon je n’existe pas. Indifférence, rien que cela, présente comme un voile
qui s’accroche à mes pas...

J’ai vu le « Temps d’un Automne ». Ce film m’a fait beaucoup réfléchir, m’a fait comprendre
que je n’étais qu’une petite pleurnicheuse égoïste et qui par la plus grande idiotie ne voyais
pas sa chance. Oui, j’ai beaucoup de chance et la première que j’ai c’est d’être en vie. La
seconde c’est d’être apprécié de mon entourage. La troisième c’est tout ce qui tourne autour.
Alors oui je ne pleure pour pas grand-chose. Bien que cela me tienne à cœur, bien que cela me
fasse souffrir, je suis toujours ici en bonne santé et très bien entourée. Certainement seule,
certainement sans la personne que j’aime, mais toujours en vie.
Et puis remarquons l’espoir, je suis certes vivante et je pourrais vivre encore demain. Mais
seulement me reste-t-il encore l’espoir qu’un jour peut-être il ait autant d’estime que j’en ai
pour lui ? Oui, tout le monde a le droit encore d’espérer. Mes amies et surtout « ma » chère
amie, qui m’a dit un jour que j’étais dans le doute « change Morgane, va voir ailleurs, il n’est
pas pour toi ». Je n’en ai éprouvé que jalousie d’entendre cela, de la rancœur et de la tristesse.
Mais rien n’est perdu, je peux encore rêver, je peux encore parler et je peux encore l’aimer et
cela même si de l’autre coté il n’y a que de l’amitié. Pourquoi changer ? Pourquoi voudrais-tu
tant « ma » chère amie, que je change ? Pour moi, pour me revoir sourire comme on ne m’a
jamais vu, pour me calmer ? Non, jamais je ne changerai, jamais je ne deviendrais comme tu
l’aurais voulu, jamais je ne t’écouterai au mépris de mon cœur. Et tu pourras toujours me dire
qu’il ne faut jamais dire jamais, je pourrais toujours te répondre : « mais là où il y aura de la
vie, il y aura toujours de l’espoir ! ».
Et « ma » chère amie, toi qui pleurais pour un autre. Toi qui chaque jour que Dieu fait, tu
t’encerclais de cet amour synthétique offert par tous ces princes de passage. Toi, qui encore
chaque nuit, te lamente pour un grand désespoir du « mon copain ne m’a pas appelé ce soir, je
n’en peux plus ». Toi à qui il t’envoie des messages, où figure toujours une vingtaine de fois
cette même petite expression lassante qui répète un « je t’aime ». Toi qui es heureuse quand tu
t’aperçois que ton pauvre compagnon est jaloux, on n’aimera jamais que ta beauté « ma »
chère amie. Tous ces jours où tu me parlent, où tu oses encore me dire que mon prince vient te
voir chaque jour, rigoles de tes plaisanteries et des siennes. Et moi, jalouse que je suis, chaque
soir après t’avoir vue, je pleure de n’être pas plus que toi...
Aujourd’hui je ris, car « ma » pauvre amie tu ne vivras donc jamais que dans ce cocon
d’amour pas véritable, pour peu de ton image et rien dans ta tête. Pour vivre dans cette
tendresse dont je ne connais pas la douceur. Tu pourras toujours pleuré, tu pourras toujours
venir me voir quand ça ne se passe pas comme tu l’avais calculé. Répète inlassablement que
le prince est « un amour » avec toi, que tu ne vis que pour les beaux yeux de ton cher et tendre
bien que tu passe ton existence dans les bras du reste de tes prétendants. Et oui, « ma » chère

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et tendre amie, je suis jalouse, mais c’est tellement drôle de l’être de toi. Accapares-toi du seul
que je n’ai jamais aimé, détruis mon amour propre et moi je rirai. Je rirai à gorge déployée
parce que vois-tu « ma » douce amie, je sais qu’un jour ou l’autre ils te laisseront tous tomber.
La beauté n’est pas éternel, le charme non plus mais l’espoir persiste, il est immortel. Alors
« mon » amie, dis-moi encore qu’il faut que je tourne la page, montre-toi aussi douce avec le
prince des excuses que tu peux l’être avec les autres, mais après que toutes illusions seront
vaincus je serais encore debout lumineuse de tout mon espoir...

Un jour...
Qui aurait pu croire qu’en une seule amie je vois une farouche adversaire. La peur me tiraille
les entrailles et toujours ces doutes infatigables qui me noient dans d’horribles cauchemars. Si
seulement ce n’était que cela ! Et ce jour si différent et pourtant si semblable aux autres me
permet maintenant d’écrire ce que j’ai du mal à faire ressortir. J’ai beau être une bavarde dans
mes moments perdus je ne peux, à mon grand malheur, dénoncer le fond de mes pensées.
L’ancien part pour l’amie, les nouveaux anciens reviennent on ne sait plus trop pourquoi. En
ce même jour, trois chemins voir quatre se croisent. Mon poète fait son retour. Mon copain de
passage revient aussi. Et le seul que j’envie me tourmente de jalousie, ce n’est pas tellement
lui en fait, c’est seulement celles qui l’entourent. Je ne devrais pas être comme cela, après tout
mes espoirs sont vains mais ils persistent. Je ne sais plus trop en quoi je devrais. Il y a dans
mes rêves une lueur qui insiste, qui me dit de continuer. Et il y a le destin qui me contredit
sans cesse. Mais pourquoi s’acharner ? Je sais, je le sais qu’il n’éprouve rien, je le vois chaque
jour, je l’entends !
Il existe certaines larmes qui ne tarissent jamais, on me l’avait dit. J’ai cru pouvoir panser des
blessures du passé et puis elles sont remontées pour une toute petite raison. Dans mon passé
j’aurais voulu oublier des gens, des actes, et effacer ceux qui m’avaient auparavant délaissés.
Aujourd’hui je me rends compte que ces personnes restent les mêmes. Et celles qui surgissent
d’un futur proche, leurs ressemblent étrangement. La vie n’est donc qu’un insatiable retour en
arrière, on a beau essayé de tirer un trait sur ce qui est arrivé mais un jour ou l’autre tout
recommence... Je ne suis faite que de sucre.

« On joue au silence ? ... »


Jour gris, jour de pluie. Pourtant je ne déteste pas la pluie, ce jour-là il n’a pas plu. Le ciel
était d’un bleu limpide, le soleil tapait. Le froid aussi. « C’est normal, c’est l’hiver » me
disait-on. J’avais froid, pourtant je portais un pull et un gros manteau. Mais j’avais froid, froid
à l’intérieur. Ce jour-là je parlais en murmure de peur que le froid gèle ma voix, ce jour-là je
regardais mes pieds je ne regardais que mes pieds. Rien n’existais autour de moi, pas même
mes amis qui me répétait cette inlassable question : « ça va ? ». Et je répondais toujours :
« mais oui, je vais très bien, j’ai seulement un peu froid ». J’ai tort de leur répondre cela, c’est
vrai que ça ne va pas. C’est vrai que d’habitude je suis joyeuse, que d’habitude je fais des
câlins à qui le veut bien, je suis souriante, je ris même parfois trop. Et ce jour-là le silence, et
toujours je regarde mes pied avec mes mains dans mes poches, les bras contre mon corps pour
n’appartenir qu’à moi-même. Une prison de glace m’encerclait peu à peu, malgré moi ou
peut-être que je le souhaitais inconsciemment. Et comme si elle ne suffisait pas je redevins
plus seule encore, me forçant moi-même à fuir mon entourage alors que je l’avais tant cherché
par le passé. Je redeviens celle que j’étais, interminable retour je ne veux pas revoir cette
petite fille naïve sans une seule nuance d’intelligence !
Pourquoi parler d’hiver quand je pourrais tant décrire les beautés du printemps, la douceur de
l’été et les couleurs de l’automne. L’automne, ma saison, celle où je suis née et celle où

9
Alice Killy

j’aimerai m’éteindre. Pourtant je ne fais que parler d’hiver, cette saison de froid tranchant
comme une lame de rasoir. Mais saison d’innocence dans la blancheur de sa neige, où mes
pieds que je regarde tant, laisse passer doucement leurs traces pour un « quelqu’un » qui
chercherai ma direction. Que serait l’hiver sans la neige ? Sans le vent qui vous fait
frissonner à son passage ? Et que serais-je sans lui ?
Le vent on le sent glacial, entrant dans chaque recoin, chaque interstice et chaque pensée.
Même avec un manteau digne de ce nom on le sent pénétrer dans notre âme. Vent, toi qui sais
ce qui se cache sous ses couches de vêtements, sous cette surface de chair. Toi qui entends et
qui murmures le silence, tu oses encore comprendre pourquoi cette petite fille ne dit rien.
Quand tu souffles dans ses cheveux bruns détachés et que tu caresses délicatement sa nuque
dénudée, tu lui chuchotes encore à son oreille : « courage ». Quand elle est triste, tu souffles
assez fort pour faire disparaître ses larmes. Maintenant que c’est l’hiver tu souffles seulement
parce que c’est ton rôle. Aujourd’hui quand je t’ai senti me frôler les épaules, mon cœur a
frissonné, le froid l’a anéanti et ton souffle n’est plus d’aucun secours ...

Et encore ce regard ...


Dans une parole on peut dissimuler des vérités, dans un regard on ne peut cacher des
mensonges.
Cela doit faire six mois que je mens sur ce que je ressens, à la seule personne qui devrait le
savoir. Je ne suis pas d’un naturel menteur, mais pour le protéger je préfère tout dissimuler. Il
n’y a que mes yeux qui ne savent pas mentir. Il faut que je cache mes yeux sinon je me
dévoile. Seulement je ne peux résister à le regarder, à le scruter.
Par contre le regard du prince est particulier. Il ne montre ni ne révèle, néanmoins je sentais
une certaine profondeur, un gouffre, un océan dans lequel on aurait envie de plonger. Même
en le disant comme ça je n’arrive toujours pas à l’expliquer. Ce regard me fait peur quand je
le rencontre mais il me donne plus envie d’y goûter. Il est insaisissable et pourtant je le
cherche. A chaque couloir qui s’offre à moi, chaque coin de rue, j’espère ce regard que j’ai
peu de fois croisé depuis ces temps derniers. Il fut un temps où je tournais la tête et il s’offrait
à moi, c’est alors qu’un sentiment de plénitude me dévorait toute entière et je me sentais
faillir. Aujourd’hui je frissonne à l’idée de le revoir cependant je la guette ...
Et ce jour, où je m’y attendais le moins, en ne faisant que la queue de la cantine avec ma
petite bande d’amis. A peine eussè-je fait de tourner la tête que je croisai ces deux yeux bleus
qui n’en finissaient pas, cet océan que moi seul pouvait voir, en une seule petite seconde.
C’est alors que j’eus peur, je tournai vivement la tête. Mais le regret s’engouffra en moi, je les
aimais ces yeux, pourquoi en avais-je peur ? Je regrettais de ne pas avoir eu le temps d’en
profiter, finalement ce regard me fait du bien. Il me manquait ...

Comme cela ne suffisait-il pas de revoir des regards perdus, il fut aussi question de famille.
J’ai passé une semaine digne d’une dépression cérébrale, avec beaucoup d’exagération je
l’avoue. Tous se chamboulaient, mes notes faisaient une chute libre vertigineuse, la famille
devenait complètement dingue et mon cœur n’en pouvait plus de ces hauts et de ces bas. Pour
une enfant, entendre de la bouche de sa mère qu’on est un monstre de méchanceté,
d’hypocrisie et d’égoïsme. Et de plus lui répéter à longueur de journée que c’est son frère qui
serait le seul être humain digne de ce nom est la pire des hontes. Ma mère a fait cette chose et
sur ce moment plein de confusion j’ai compris qu’elle ne me connaissait plus. Elle m’avait
peut-être recueilli en elle pendant neuf mois, elle m’avait sans doute élevé pendant près de
seize années. Il n’empêche qu’aujourd’hui elle me lance ces mots dans ma figure
d’adolescente. Je ne m’attendais pas à cela, en tout cas pas ce jour-là. J’avais beau lui dire que
j’avais passé une mauvaise journée, elle ne m’écoutait pas et continuait à m’envoyer ses

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Alice Killy

réflexions qui ne sont pas fondés. Mon père ne disait rien, mon frère n’était pas là. Je me
sentis seule dans ma propre maison et rejeter par ma propre famille.
Seule est un mot encore trop fort. Je n’étais pas seule, il y avait tous mes amis autour. Et dieu
seul sait que s’ils n’avaient pas été là je ne sais pas ce que je serais devenu. Ils sont
aujourd’hui ma grande famille. Les uns des grands frères, les autres des grandes sœurs. Et
quand sur les joues de la petite sœur coulent des larmes de crocodiles, ils accourent pour faire
sécher ses petits malheurs. Mais là, la petite sœur demande à rester loin, près de son cœur et
loin des gens. Pour réfléchir sans doute ... Qui aurait pu se douter que le prince me portait un
quelconque intérêt ? Je ne le sus que bien trop tard. Un soir que je revenais de la patinoire
avec quelques amis. Et comme tous les soirs je me retrouvais sur Internet à discuter avec un
petit peu tout le monde, dont lui. Discuter est un mot bien trop sage je pense. Ce soir-là des
choses on été dites, des choses que peut-être je n’aurais jamais du savoir. Des choses pas
terribles en somme mais qui bouleversent le petit nuage sur lequel je m’étais installée.
Je suis plutôt curieuse et quand quelque chose me tricote l’esprit je ferais tous pour savoir.
J’ai toujours voulu comprendre pourquoi il avait dit, à plusieurs de mes amies, qu’il faisait
des effort pour être gentil avec moi et surtout pourquoi avait-il précisé « pour limiter ma
peine ». Ces questions, ce soir-là, je pus enfin les poser et je ne fus pas déçu de la réponse. Il
m’a tout simplement dit que parfois je l’avais énervé, c’est tout. Comme toute personne qui se
respecte j’aurais du être en colère, et bien non, j’étais contente. Parce que pour une fois il
avait dit ce qu’il pensait, pour une fois il avait eu assez de confiance en lui pour me faire
affronter la vérité. Et puis par la même occasion j’eus mes réponses, néanmoins cela a eu pour
effet de refroidir encore un peu plus l’atmosphère. C’est peut-être de là que vient mon mal-
être, en fait j’aurais voulu qu’il ne soit pas froid à ce moment, j’aurais tous fait pour me faire
pardonner. J’aimerai qu’il me voie comme je suis, naturellement, seulement je me sens
obligée de changer en sa présence. Ce soir-là j’aurais aimé que le prince soit près de moi pour
tout lui dire ... Et dire que je suis désolée.
Je me sentis mal toute la soirée, il faisait tout pour m’éviter le pire, la seule qui osait encore se
plaindre c’était moi. Je l’avoue parfois je souffre énormément qu’il ne dise rien, mais il fait
déjà de son mieux. Et il a beaucoup changé depuis l’histoire qui aurait du définitivement me
l’effacer. Je ne sais pas ce qu’il veut, moi non plus je ne sais pas ce que je veux. En fait c’est
bien comme cela, on parle, on s’amuse, parfois on se prend des coups de bec. Mais on finit
toujours par se reparler sans jamais vraiment le vouloir...

« J’existe donc vraiment ? »


Toujours dans cette même soirée, les yeux plongés dans mon écran j’essayais en vain
d’oublier ma petite querelle, ou du moins le froid qui avait parcouru mon esprit. Je parlais de
tous les cotés, à celle-là, à lui aussi pourquoi pas, de tout et encore de rien. Juste pour parler,
pour se dire que ce n’est que ce soir et demain ça sera passé. Puis une amie, que j’avais vu
dans l’après-midi, me parla, normal comme tout les autres me diriez-vous. On a discuté de
nos petites histoires, de nos petites anecdotes et je pus me décontracter c’était même plutôt
drôle. Mais une phrase me laissa silencieuse, une petite phrase fit toute la différence. Cette
phrase disait simplement : « Mardi dernier tu n’allais pas bien, d’ailleurs il m’a demandé
pourquoi tu faisais cette tête ». Sur le coup je ne l’ai pas cru, car cela ne se voyait pas
tellement que j’étais de mauvaise humeur ce jour-là et puis pourquoi le prince s’intéressait-il
soudainement à ce qui me tracassait. Je ne pus rien dire. Il y a quelques minutes il me disait
que parfois je l’énervais et là j’apprends qu’il s’était demandé pourquoi je paraissais
boudeuse. Tout change en lui je ne saurais dire pourquoi. Devrais-je en être réjouie ou en
avoir peur ? J’ai toujours voulu exister à ses yeux, là je ne sais pas si c’est de l’existence ou

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Alice Killy

seulement veut-il avoir la conscience tranquille. De la pitié ou de l’envie ? Je restais muette et


naïve, à la fois heureuse et étonnée.
C’était les vacances, j’étais contente car j’envisageais déjà de dormir paisiblement dans mon
lit sans entendre le tintamarre incessant de mon réveil me rappelant à la réalité. Je pouvais
rêver jusqu’à plus soif et me réveiller avec les rayons d’un soleil de midi. M’étirer tel un chat
dans mes draps mielleux en me disant que finalement la vie n’était pas si moche. Et le soir me
coucher sans heure fixe, à traîner sur Internet en discutant avec qui le voulait bien. Tout cela
pour dire que je me laissais aller pendant deux semaines, une petite pause ne peut faire de mal
à personne. Pause ? En fait je n’en suis pas véritablement sûre. Peut-être que je ne travaillerai
plus mais mon esprit continuerai de faire des siennes. Bien que les vacances soient
parfaitement installées et les bienvenus, les évènements vont tous faire pour éloigner la
tranquillité de ma petite tête, trop réfléchir me va si bien ! Pendant ces petits jours de repos
une soirée me marqua, je dirais même deux soirées. Un soir je fus prise de solitude, j’avais eu
ma petite habitude d’appeler mon ancien petit copain, même si nous n’étions plus ensemble
nous étions devenus de grands amis. Le soir quand je me sentais mal je l’appelais et on se
racontait nos vies. Ce soir-là fût différent. Premièrement cela faisait deux semaines que l’on
ne se parlait plus, je ne sais plus trop pourquoi, il s’était énervé sur moi pour une raison que
j’ignore encore. Le stress sans doute ou une affaire qui le tracassait. Bref, cela faisait deux
semaines et je dois avouer qu’à ce moment-là j’avais besoin de lui parler. Je l’appelais. On
s’échangea quelques mots sur nos vacances gentiment. Et voila que d’un coup il me demande
pourquoi je l’appelle, je lui explique tout simplement qu’il me manquait et que j’avais besoin
de lui parler. Puis sans crier gare il me dit : « J’ai en rien à faire de toi, cherche-toi un autre
mec ! » Blessée dans mon amour propre, il était devenu si important pour moi et en une seule
phrase toute ma confiance, mon estime s’est étouffée. Il y eut quelques mots, des adieux, des
« bonne nuit » de passage et j’ai raccroché. Peinée, frustrée, triste. C’était un nounours, un
adorable nounours et là d’un coup il était devenu agressif. Pourquoi maintenant ? Pourquoi
lui ? Encore ces questions ... et encore cette réponse qui me frappe de plein fouet : « Il s’est
servi de toi, tu le sais Morgane. Tu es en sucre, tu n’y pourras jamais rien ! ». Je m’emportais
toute la soirée. D’abord sur l’écriture, ensuite sur les amis qui sont toujours les bons soutiens.
Puis je finis par m’endormir pour m’éveiller dans un beau cauchemar où le prince redevint
crapaud et moi je redevins sorcière. Le lendemain je m’éveillai, grelottante de peur. La
journée s’annonçait bonne pourtant. Elle le fût. Elle passa sans encombre, de délires en délires
avec mes amies et en essayant d’oublier ce fâcheux coup de fil. Le soir je revins sur mon
ordinateur, comme à mon habitude, avec un pseudonyme très significatif montrant ma
tristesse d’avoir été une fois de plus aveugle. Je discutais tranquillement avec deux, trois
personnes. Il se connecta. Non ce n’est pas mon ancien copain, ni mon poète, c’était
seulement le prince. Seulement lui, oui le prince se connecte souvent je dois dire. Mais ce
soir-là, bien que je l’aie dit précédemment, je ne remarquais pas qu’il fût là. Lui, le remarqua.
Cette soirée le prince des excuses vint me voir. C’est alors que je fus fort surprise d’une drôle
attention. Il ne m’a pas dit « salut », ni même « ça va ? ». Il a juste répété le prénom de mon
ancien petit copain, qui se trouvait dans mon pseudo, suivi de quelques points d’interrogation.
Sur le coup je n’avais pas très bien compris où il voulait en venir. Alors je lui sorti un
« quoi ? » très franc, et il me demanda juste « c’est qui ? ». Tout simplement je lui ai répondu
que c’était mon « ex », il a répondu par un « ha », puis plus rien. Deux minutes plus tard il me
dit qu’il était juste de passage et qu’il s’en allait. Je ne l’ai plus revu de la soirée. Comme ce
fut étrange de sa part. D’habitude il ne vient jamais, seulement en cas d’extrême urgence. Et
là, quand j’ai vu surgir sa fenêtre de mon écran mon cœur a fait un bond, de peur je pense. Il y
a des choses que j’attendais, des choses comme celle-ci. Qui arrivent dans des circonstances
peu communes. Je ne serais expliquer en quoi il y eut ces petits mots d’échangés. Je fus
d’abord pleine d’espoir, les yeux illuminés. Puis je fus vite désavouée. Mes amies me

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Alice Killy

prouvèrent qu’en rien il ne s’intéressait à moi quand il disait cela. Il le faisait pour lui car il
aurait peur que je ne m’y intéresse plus. Je remarquais avec déception qu’elles avaient peut-
être raison et à quel point j’avais une fois de plus cru trop vite. Qu’il est malheureux d’écraser
les rêves dans quelques paroles... ou alors de les ressusciter. Après tout personne ne sait
encore lire dans les pensées.

Les choses reprennent leurs cours ...


Que je suis une petite fille de croire qu’il est encore possible. J’ai plusieurs fois aimé, j’ai
plusieurs fois cru et là je suis perdu. Je sais que l’impossible existe, je sais également qu’il est
impossible de le comprendre. Mai si différent, bien qu’il change il reste le même. Une fois un
agneau, une autre fois glaçon. Que faire ? Les jours se succèdent et ceux où je crois que tout
est perdu il recommence à me surprendre. Et quand je suppose que finalement tout est
possible, le prince redevient celui qui est prévisible et glacial. Mais que veut-il ? Cela me
brûle les lèvres rien que d’y penser. J’aimerai lui demander mais l’idée de l’énerver me tue.
Mais qu’est-il vraiment ? Un rêve inaccessible, une lueur d’espoir plus forte que les autres,
une conviction perdue qui refait nettement surface ? Et ce regard qui n’en finit pas de hanter
mes rêves les plus merveilleux. Que veut-il dire ? Je le sens glisser tout le long de mon corps
comme un frisson, néanmoins très agréable. Et ces quelques mots qui émanent de sa bouche,
me soutirant quelques sourires ... Ces réactions un peu trop retardés mais toutefois présentes.
Et demain le prince part. Une semaine. Ce n’est qu’une petite semaine n’est-ce pas ? Une
simple toute petite semaine. Faut-il y croire ? Non cela sera une éternité de l’attendre, il sera
si loin, il ne sera plus là le soir. Il n’y aura plus de messages, il n’y aura plus de surprises. Il
ne me surprendra plus pendant une semaine. Que vais-je faire sans ses incessants
changements, sans ses réponses qui n’ont ni queue ni têtes. Et ses questions que je
commençais à aimer. Il reviendra, oui cela est sûr, mais il redeviendra celui qu’il était. J’avais
eu beaucoup d’espoir, trop peut-être. Ce soir une amie m’a fait bien réfléchir. Et si je n’étais
qu’un outil pour son ego ? Ma conscience derrière me susurrait toujours cette incessante
hymne : « Il se sert de toi et toi tu ne vois rien. Que tu es bien naïve, pauvre sotte ! ». Elle
avait raison, on m’utilise et je ne remarque rien. J’aimais tellement cet intérêt qu’il me portait
soudain. Mais ce n’est pas pour un quelconque sentiment, c’est pour lui-même, c’est évident.
C’est si évident ... n’est-ce pas ?
C’est alors que je me souviens d’une soirée, d’une plutôt bonne soirée. Bien qu’en ce
moment, quand j’écris, je sais que le lendemain le prince ne sera plus chez lui, je me souviens
donc de ce soir d’il y a à peine deux jours. De cette nuit de vendredi à samedi, de ce minuit à
une heure du matin. Ce soir-là, où il est venu me voir et qu’il a enchaîné deux, trois questions
sur mon ancien petit copain. J’ai senti en moi cette onde de sécurité. Je ne sais pas pourquoi,
juste le fait de savoir qu’il s’y intéressait me faisait du bien. Comment était-il de l’autre coté
de son écran ? Je n’en sais rien mais ce soir-là je revis faire surface ma confiance que j’avais
abandonné. Je voulais encore le sentir près de moi, le voir me demander tout et n’importe
quoi sur ma vie. J’aurais voulu que cette nuit ne se finisse jamais, j’aurais aimé que le temps
s’arrête pour que je profite encore de ses mots. Je voulais encore sourire par ses plaisanteries
et aussi de ses répliques « excusables ». Néanmoins je sais que ce soir-là il s’est trahi. De
nouveau dans une toute petite phrase. Il y a quelques jours encore il me demandait qui était
cette personne que je nommais dans mon pseudo. Et ce soir-là, seulement en ayant dit « il
n’était pas sensé être super gentil », j’ai remarqué tout de suite que le prince savait très bien
qui était mon ancien copain. Voici donc sa face cachée, un garçon discret mais tout de même
un tantinet jaloux, enfin cela personne ne le sait, simple supposition fantaisiste de ma part. Et
moi, brillante d’un sourire nouveau je me ressassais encore ces mots tapés sur l’ordinateur et
cette sensation. Oui ce soir je dormirais tranquillement dans mon lit.

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Alice Killy

« Je te le dit. Je n’aime pas les menteurs, les indifférents et les jaloux. Mais j’en aime un qui
est les trois à la fois. »

« Dans ce que j’écris il se retrouve ... »


Quand on revient un peu plus loin en arrière on remarque qu’il y a des choses que je n’ai pas
encore avouées. De petites choses à la base, mais qui maintenant méritent d’être racontées.
Comme j’écris beaucoup j’aime savoir ce que les gens autour de moi en pensent. Il doit y
avoir deux ou trois mois j’ai donné à l’une de mes grandes amies, qui écrit également, l’un de
mes textes. Elle me présenta aussi le sien, on avoua chacune à l’autre ce qui était bien et ce
qui ne l’était pas. Mais elle fît une chose que je ne m’attendais pas. Elle le fît lire à l’un de ses
amis. Quelle fût ma stupeur quand elle me raconta l’émotion qui avait parcouru son ami en le
lisant... J’étais heureuse de voir que mon texte plaisait à d’autres personnes mais je n’étais pas
encore convaincu de ce que j’écrivais. Alors elle me dit gentiment qu’elle essayait en vain de
le convaincre pour que nous parlions ensemble, mais que c’était tâche difficile car d’après elle
c’était un grand timide. Tout de même, elle réussi à lui faire envoyer un petit courrier
électronique. Et quand je lus ce qu’il avait écrit à l’intérieur je ne pus contenir mes larmes.
C’était bien plus beau que tous les mots que j’avais enchaînés dans mes textes. Je n’avais
jamais encore reçu de message aussi touchant. Ses mots étaient si bien utilisés, on sentait la
sincérité. C’était comme si je venais de rencontrer un reflet, mon reflet. C’était un écrivain, un
lecteur et un avant tout une personne d’une gentillesse peu égalable. Je n’ai pas honte de dire
qu’en ayant lu son message je me retrouvais, avec ce sentiment d’hésitation mais en même
temps d’admiration. J’avais envie de l’admirer comme il m’avouait qu’il m’admirait. Et une
phrase me toucha plus que les autres : « comme si ce que tu racontes, ce que tu ressens, je
l'avais ressenti, comme si quelques uns de tes sentiments que tu déverses sur le papier étaient
aussi en moi... ». Moi aussi j’avais envie de dire que mes émotions étaient les siennes. Ce
message, je me voyais le taper, je me voyais le ressentir, le rechercher. C’est étrange comme
dans ses mots je pouvais le voir. Et lui, dans les miens, se retrouver... devant mes yeux se
profilait un si beau reflet.
Quelques jours passèrent toujours sous l’effet de ce message plein de compliments. Alors vint
le moment où nous devions nous parler, moi et mon reflet. Je dois dire que, bien que nous
soyons à des kilomètres l’un de l’autre, je me sentais mal à l’aise. J’avais les joues
empourprées et je ne savais pas trop quoi lui dire appart que son message m’avait
énormément touché. J’aurais voulu dire tant d’autres choses mais je me sentais me tasser sur
ma chaise. Il était pourtant si gentil que je ne savais pas trop quoi lui raconter. C’était après
tout l’une des personnes qui avait lu mon texte et j’avais beau dire qu’il ne me connaissait pas
j’avais tort car ce texte était toute ma vie. Notre discussion ne dura pas longtemps mais assez
pour qu’elle ait de l’effet. Cette nuit-là j’avoue avec une petite honte que je dormis
paisiblement, oui, comme une petite fille, car on aimait ce que j’écrivais.
Il y aurait tant à dire sur ce reflet. Le nommer reflet est un peu vexant je dois admettre, c’est
un être humain comme tout le monde mais je ne le considère pas comme tout le monde. C’est
quelqu’un de profondément sensible néanmoins avec une petite touche de folie qui fait son
charme. C’est quand il parle que je me vois en lui. C’est difficile à retrouver maintenant car
en le prince des excuses j’avais vu tout mon contraire. Avec mon poète nous étions liés par
notre passion des mots. Mon ancien petit copain, quant à lui, avait été celui qui me faisait
oublier le prince. Dans ces gens-là aucun ne me ressemblais vraiment, seulement lui, ce reflet,
quand je lui parle je me revois dans un miroir. Je ne lui ai jamais avoué, j’ai peur qu’il me
prenne pour une folle. Mais je n’ai plus peur de dire ici que je me vois dans ces paroles. Bien
que séparés par la distance je me sens proche de lui par ces mots. Cela ressemble fort à mon
poète ? Non, ce n’est pas la même chose... Là c’est comme ressentir les sens seulement par ce

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Alice Killy

qu’il dit. J’ai toujours cet effet que quand il tape quelques phrases sur le clavier c’est moi qui
les frappe. On discute rarement mais dès que nous en avons la possibilité, j’ai l’impression
que je pourrais tout lui dire car il est peut-être celui qui le comprend le mieux. Lorsque je lui
parle de ce que j’écris je le ressens de l’autre coté de l’écran percevoir les mêmes émotions.
Mais si je me trompais une fois encore ? Après tout mon ancien petit copain était lui aussi très
gentil au début. Et si une fois de plus le sucre remontait à la surface ?

« Je me suis trompée, ça en devient une habitude... »


C’est tellement beau de croire, au début. Puis après, comme un simple château de cartes tout
s’écroule dans un souffle, là tout s’est écroulé dans quelques mots. Des mots, il y en a des
tas : des gentils, des véritables, des beaux mais aussi des tristes, des regrettables et des
silencieux. Des silencieux, j’en connais beaucoup des silencieux. Surtout par le prince, c’est
son langage. On les aperçoit arriver dans une conversation après un quart d’heure, voir une
demi-heure de silence, ces petits mots ne voulant rien dire mais qui néanmoins laisse passer
un seul et même message : « je ne t’écoute pas, je vois même pas pourquoi tu parles ». Cela
faisait tellement longtemps que ça n’étais pas arrivé, tellement longtemps que je m’étais mise
en tête qu’il avait changé. Mais on a beau oublié, cela revient toujours dans la figure comme
une bonne claque. Ce soir-là j’ai senti cette claque une nouvelle fois, je ne peux qu’en pleurer
maintenant. Ces grosses larmes de crocodiles que vous sentez peut-être ici c’est seulement
celles d’une petite fille qui aimerait qu’on arrête de jouer avec ses sentiments. Et toujours ce
prince des excuses, partant dans un coup de vent, ne s’apercevra peut-être jamais de cette
petite fille, pleurant dans la nuit d’être si insignifiante. Ce soir il m’avait oublié, bien que l’on
se parle, il avait oublié de répondre, bien qu’il dise qu’il se couche tard et que je lui répondais
bonne nuit. Le prince est parti, sans un mot, sans un bruit. Et moi devant mon écran, j’arrive
encore à voir cette petite fenêtre m’annonçant son départ. Comme si c’était sa mort, j’ai
pleuré ! Pleuré comme s’il avait disparu de la surface de la Terre. Ce n’est pas lui qui a
disparu, c’était un rêve, c’était un espoir maintenant poussière, il retourna poussière ...
Toujours bloqué sur cette écran, la bouche ouverte comme un poisson et la larme sur ma joue.
Ce jour-là je m’étais faite belle, je m’étais mise en jupe, promesse d’une amie, je m’étais
joliment maquillée les yeux. Et tous ces regards se sont posés sur moi, les siens également,
plus d’une fois. Et ce soir, il est juste parti, il est juste lui... En fait je n’avais pas envie de
croire qu’il puisse changer, il n’a jamais changé. C’était, comme on me l’avait dit, de la fierté.
Rien de plus. Je ne suis que fierté pour ses beaux yeux, une poupée qui répète inlassablement
« pour moi tu existe ». La poupée avait presque réussi à changer, elle, mais quel bel acteur il
joue, quelle bonne poire je suis. J’avais presque honte d’avoir porté cette jupe, si belle qu’elle
soit, je me sentais sale d’avoir sentie son regard me frôler de la tête au pied. Pour une jupe. Je
me sentais sale, si sale...

La chute ...
« Je voulais t’informer que mes yeux ne sont pas remplis d’étincelles quand on prononce ton
prénom ni même quand tu es là (bien au contraire bref...).Tu vois je pense toujours que tu
n’es qu’un menteur, je ne te fais mais alors plus du tout confiance depuis la patinoire ! C’est
marrant maintenant je me sens beaucoup mieux ! »
Un soir, on se parla le Prince des Excuses et moi. Ce soir-là ça se passait bien. Soudain le
silence, plus aucune réponse n’était échangé pendant un long moment. De l’autre coté, « ma »
chère amie en grande discussion avec lui. Je ressentis cette colère, cette jalousie que j’avais
mise de coté, je ne pus me contenir, j’ai parlé trop vite. Je me suis lâchée sur la mauvaise
personne. Je ne voulais pas dire toute la vérité sanglante que je lui ai lancé cette soirée. Au

15
Alice Killy

début j’étais fière de moi d’avoir eu assez de courage de lui répéter tout le fond de ma pensée.
Mais j’ai vite déchanté, je n’étais pas si contente que cela, après tout il n’avait rien fait.
Seulement je me suis rendue compte de mon erreur trop tard.
Vendredi, le lendemain, j’étais tout sourire mais la journée ne m’a pas suivi. Une amie que
j’avais pour grande estime m’a énormément déçu, pour elle je n’étais qu’une pauvre gamine
comme toutes les autres qui ne cesse de répéter du mal derrière le dos des gens. Je n’eus pas
l’envie de la croire mais je sentais peser sur moi comme un goût de déjà-vu. Je l’avais déjà
entendue quelque part cette réflexion, c’était donc vrai ? Et la journée se poursuivit, jusqu’au
soir qui me parut une éternité. Déjà je sentais les regards de mes amis sur moi, juste pour cette
réflexion de l’une d’entre eux. Néanmoins là c’est la famille qui me parut le plus blessant.
Alors que je mangeais tranquillement ma mère, anxieuse que mon père ne soit toujours pas
arriver, se mit soudainement à s’énerver. J’avais l’habitude. Puis elle me regarda et me dit
« Et toi ? Qu’est-ce que tu as encore ? Pourquoi es-tu boudeuse ? ». Je lui expliquai
vaguement ma journée. Elle ne fut pas convaincue qu’elle soit mauvaise, elle m’exposa la
sienne avec un ton dramatique. Là encore j’avais l’habitude. Mon père arriva, ma mère
retrouva son sourire et moi je repartis dans ma chambre. C’est alors que je vus sur mon
ordinateur que le cher prince était là, mon cœur se remplie soudainement d’une joie. Dans une
fraction de seconde je retrouvai le sourire, persuadée qu’il avait oublié mon excès de colère de
la veille. Non, il n’a pas la mémoire aussi courte que je le croyais. A peine avais-je dit bonjour
qu’il ne répondait rien, je lui demandais s’il était là j’eus une réponse. « Oui, mais je ne veux
pas te parler. » Le prince qui disait cela, je ne pouvais y croire. Et mon sourire plongea dans
les abîmes de mon cœur comme s’il n’avait jamais eu lieu. Sans m’en rendre compte, une
petite larme roula sur ma joue encore rougie par sa présence. Je restais bloquée devant l’écran
de mon ordinateur, sans rien dire, les yeux grands ouverts. Peut-être que je croyais que ce
n’était pas possible, j’avais tort. Je me laissai tomber sur ma chaise, puis je me mis à pleurer,
sans doute un réflexe. Quelques minutes plus tard ma mère m’appela pour discuter des
vacances, le sujet qui fâche. Elle me dit avec mon père que finalement on ne reviendrait de
grandes vacances que le deux ou trois Septembre, sachant très bien que la rentrée des
terminales était le premier je ne pouvais que m’y opposer. Je leurs dit que ce n’était pas
possible, que je ne pouvais pas rater le premier jour, qu’on me donnait tous ce jour-là. Mon
père se mit à rire, lança l’une de ses plaisanteries sanglantes et pouffa de rire, une fois encore,
en compagnie de ma mère. Je me sentais abandonnée, mais là encore ce n’était rien, j’avais
l’habitude. Je retournais dans ma chambre, les yeux rougis, la gorge sèche et le ventre noué.
Je ne me sentais pas de taille à affronter une fois de plus mon ordinateur et le silence pesant
du prince, alors, pour la première fois sans doute, je l’éteignis et je me posai sur mon lit pour
réfléchir. Ma mère entra, me lança le livre que j’avais demandé pour l’école et elle me
demanda « qu’est-ce que t’as ? ». Je lui répondis qu’il n’y avait rien et que de toute manière je
ne voulais pas lui en parler pour la bonne et simple raison que ce n’était pas aussi
« dramatique » que ses journées de travail. Elle me dévisagea et repartit en fermant la porte.
Quelques temps plus tard j’entendis mon père rire dans le couloir, je savais qu’il allait une
fois de plus me faire l’une de ses moqueries qui ne font rire que lui et ma mère. Je bloquai ma
porte pour l’empêcher de l’ouvrir et je l’entendis dire en riant : « Oh non alors ! Elle m’a
entendu ! ». Mais sa force était plus grande que la mienne et il réussi tout de même à ouvrir la
porte. Je le vis un sourire large, juste derrière lui se tenait ma mère. Il me dit simplement :
« alors les liaisons dangereuses avec ton amoureux ?! » Et là ce fut de trop ! Cela peut paraître
bête mais je ne pus contenir mes larmes en entendant rire mon père et ma mère. Ma mère, la
première, savait très bien que je ne supportais plus les longs et interminables silences du
prince. Et tout ce que je lui racontais elle n’avait de cesse de le répéter à mon père pour qu’ils
soient deux à en rire. Ce soir j’ai pleuré devant eux, rieurs qu’ils soient, et sans crier gare,
d’un coup tout est sorti, je me suis mise à crier de toute mes forces pour qu’ils arrêtent. J’ai

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Alice Killy

crié si fort que j’en suis tombée, toujours en pleurs, mais rien de tous cela n’avait servi. Ils
continuaient à rire de plus belle avec des exclamations : « mais que lui arrive-t-il ! » suivie
d’un sourire narquois sur le visage. Pourquoi n’y a-t-il pas de serrure à la porte de ma
chambre et de mon cœur ? Je m’agenouillais à mon lit, ma tête enfouie dans mes bras, ne
demandant qu’une seule chose, que tout cela se termine. Ma mère revint à la charge : « si
c’est pour un gars que tu pleurs, tu es bien idiote ! Mais je suis ta mère j’ai tout de même le
droit de savoir exactement. » C’est alors que j’ai sentie un élan me poursuivre, les phrases
s’enchaînèrent à toute vitesse : « oui mais j’en doute maintenant ! ». Elle se rapprocha de moi
en me répétant plusieurs fois un « quoi ? » nerveux. Je lui rétorquais qu’à force de répéter
sans cesse que j’étais un monstre maintenant je doutais de son statut de mère. Soudainement
elle me prit par les cheveux me traînant d’avant en arrière, me lâcha deux secondes pour me
mettre une bonne gifle puis recommença quatre ou cinq fois en répétant sans cesse « Je suis
toujours ta mère et arrête de pleurnicher ! ». Quand elle lança ma tête en avant pour me
lâcher, elle me cracha à la figure : « Je suis toujours ta mère pour pouvoir t’acheter toutes ces
conneries ! » Elle parti mais revint sur ces pas en me disant : « tu as des nouvelles pour le
cinéma de demain ? C’est à quelle heure ? ». En pleurant je lui répondis que je ne savais pas,
que mon ami ne m’avait encore rien dit. Elle s’approcha de moi une nouvelle fois et dans
l’oreille me dit : « Tu vois, personne n’en a rien à faire de toi, pas même tes amies. Elles ont
bien raison de dire que tu es méchante, tu l’es ! » Et elle repartit. A genoux, je refermai ma
porte et resta le dos collé à celle-ci, noyé par mes larmes je ne pouvais rien dire. C’est là que
j’entendis mes parents rirent une fois encore, et ma mère ajoutée : « je comprends pas, je
n’étais pas du tout comme ça à son âge, je pleurais pas pour ce genre de choses. Il existe
quand même des choses beaucoup plus grave qui mérite qu’on pleurs. ». Je me pris les
oreilles pour mieux paraître sourde. Mais c’était plus fort que moi, je l’avais entendu. La
soirée n’était pas encore finie. Le téléphone sonna, je le pris les larmes aux yeux n’arrivant
quasiment pas à prononcer un seul mot, c’était mon amie qui était au téléphone, elle
m’appelait pour le cinéma du lendemain. Pendant près d’un quart d’heure elle m’écouta, me
réconforta et me conseilla en me disant qu’il valait mieux que j’aille dormir après son coups
de fil. Je le fis mais un peu plus tard dans la nuit mes parents entrèrent dans ma chambre
comme des furies et crièrent un « tu dors ?! » puis claquèrent la porte derrière eux en riant. Je
n’ai pas beaucoup dormi. Le lendemain matin je me réveillai malade comme un chien...

... Quand on touche le fond.


« « Ma » chère amie, je m’excuse d’avoir été jalouse de toi. Après tout ce n’est pas de ta
faute, tu es comme tu es. Mais ce jour-là tu te surpassas, tu es vraiment devenue une amie
digne de ce nom. Tu fis ce que toute amie doit faire en cas de grosse crise : être présente. Je
te remercie pour tous ce que tu as fais en cette journée noire, mais également pour tous ce
que tu m’as révélé. Qui aurait cru que tu allais parler de notre petit différent avec le prince.
Aujourd’hui je sais quelque chose que je n’aurais jamais pu savoir sans toi. Tu m’as dit la
cause du mutisme du prince, que tout simplement il n’en pouvait plus que je l’utilise pour
cible quand je ne vais pas bien. Cela l’énervait d’en prendre plein la figure à chaque fois et
que dorénavant il évitera de me parler. Certes je n’en fus que plus déçue de le savoir, mais je
te remercie tout de même d’avoir été franche avec moi, c’est la moindre des choses ... »
La semaine commença, je n’arrivais pas à retrouver le sourire. La suite ne me prouva pas le
contraire. Mes notes chutaient encore, tout s’écroulait sous mes pas sans que je ne puisse rien
n’y faire. Je sentais cette envie de pleurnicher une fois encore, sans m’arrêter, je n’avais
jamais eu autant envie de pleurer. Et comme tout s’effondrait je sentais le poids de mon corps
s’alourdir pour finir par tomber au sol. Certes il existe d’autres souffrances beaucoup plus
atroces. Je n’ai jamais été handicapé, ni même malade. Jamais je n’ai été menacé de mort et je

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Alice Killy

n’ai pas même vécu dans la crainte. Seulement ma tête n’en pouvait plus de voir tous ses
efforts tombés un par un. Il ne me restait qu’une seule chose, mes amis. Ils ont toujours été là,
même dans les cas extrême ils sont restés près de moi. Toujours à sécher mes larmes et à me
rassurer. J’espère que jamais ils ne partiront, sans eux je ne serai plus rien. Ils furent là toute
cette semaine, cela même quand le prince restait dans un silence morne. Je ne le comprenais
plus, il ne disait rien, il ne voulait pas me parler mais il me laissait la possibilité de le faire. Je
n’en étais que plus malheureuse. C’était comme s’il voulait encore me voir lui adresser la
parole sans que lui ne dise rien. Je me sentais trahi, je ne pouvais plus profiter de ces
nombreuses réponses qu’il avait auparavant, je me sentais seule, il y avait quelque chose en
moins depuis qu’il ne parlait plus. Plus de sourires, plus de délires, plus même d’anecdotes à
lui raconter. Je voulais tant savoir s’il allait bien, si de l’autre coté de son écran cela lui faisait
quelque choses que ça soit si froid entre nous d’un coup. C’est moi qui l’ai cherché, c’est lui
qui l’a choisi. C’était un vide, il n’était plus là, au moment où j’en avais le plus besoin. Quand
mon ancien petit copain était devenu agressif, c’est lui qui m’avait fait rire. Quand mes notes
commençaient à chuter et que les devoirs sur table s’avéraient être plus difficiles que prévu,
c’était son « bonne chance » qui me donnait encore assez de force. Aujourd’hui j’aurais voulu
avoir cette force, ce petit coup de pouce que lui seul sait si bien faire qu’il n’en sait rien. Mais
je voudrais également savoir si lui va aussi bien, dernièrement ses notes baissaient aussi, je
m’inquiète pour le prince des excuses. Il me manque beaucoup.
Puis un soir le silence pesait de trop, toujours connectés mais aucun mot échangé. Alors j’ai
mis ma musique et je suis repartie dans mon univers. J’ai regardé par la fenêtre et j’eus la
surprise de remarquer qu’il neigeait. C’était donc l’hiver qui s’installait dans cette blanche
neige ; comme un élan, dont je ne connais pas l’origine, je me suis mise à écrire un poème, un
poème de quelques rêves et de quelques flocons, peut-être le plus beau que j’ai jamais écrit ...
Le lendemain soir, le silence revenait à la charge, je n’en pouvais plus de tous cela alors je me
décidais à aller le voir. Juste lui dire bonjour et lui demander comment ça allait. La réponse,
que j’attends encore aujourd’hui, je ne l’ai pas aperçu. Je me demande quelle fut sa réaction
quand il vit clignoter sa fenêtre. Peut-être n’en fit-il rien. Du moins cela ne me suffisait pas,
j’attendis une petite demi-heure avant de dire encore quelque chose. Puis l’attente passée je
me dévoilais à lui. D’abord je m’excusais pour ce que j’avais fait, je n’étais plus si fière de
moi. Ensuite je lui expliquais vaguement que c’était ma façon à moi de lui montrer que je
tenais à lui plus que quiconque, que je m’en voulais énormément. Je me suis arrêté là de peur
de l’ennuyer. Mais il n’y eut aucune réponse, une autre demi-heure passa puis il partit.
J’aurais voulu encore lui dire qu’il me manquait. Néanmoins la pensée que je l’ennuie me
tracassait l’esprit. Il y aurait encore tellement de choses que je n’ai pas dite, de bonne chose,
mais par peur je préfère ne rien lui dire. Il n’a eu droit qu’à la mauvaise vérité, celle qui fâche.
Il n’a pas pu entendre l’autre réalité, la plus tendre, la plus véritable parce que cette fois-là
c’est moi qui ne pouvais plus...
Pourquoi les plus belles choses doivent être les plus difficiles à avouer ?

Une main tendue ...


Cette nuit-là je fus tourmentée par des doutes et des craintes. Le prince c’était mué dans un
silence que je ne connaissais pas ou que j’avais du oublier. Pourquoi maintenant quand j’ai
besoin de lui ? Ces temps derniers les larmes coulent avec une grande facilité, à en croire que
j’en ai l’habitude. Qu’elles cessent est mon vœu. Et ce soir-là, le seul qui fut présent était mon
reflet. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas parlé comme en cette soirée. J’avais
besoin d’une épaule et il s’en chargea. De soutien également et il me le proposa. Il fut si
gentil, presque incroyable. Je n’arrivais plus à dormir et lui en quelques mots pouvait encore

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Alice Killy

me soutirer un petit reste d’espoir. Une bonne nuit, beaucoup de tendresse et également la
chance de mieux réussir le lendemain, voila ce qu’il ma promis ce soir-là. Merci...
Il avait été si adorable que je passai une merveilleuse nuit remplie de rêves plus beaux les uns
que les autres. La journée qui suivit fut douce et pleine de surprise. Il est vrai le proverbe qui
dit : après la pluie vient le beau temps. Bien que je fusse toujours aigrie par le silence pesant
du prince je souriais à qui le voulait. J’en avais conclu que c’était bel et bien fini, que malgré
mes efforts d’excuses je l’avais perdu. Je l’avais perdu lui que j’aime encore, que j’ai cherché
à oublier. Oui, mais une fois de plus, le destin n’était pas d’accord avec moi...
En fin d’après-midi, alors que je rentrais de mon cours de sport en passant par le lycée pour
rattraper quelques amis, j’ai croisé le prince. Au début je fis celle qui ne l’avait pas vu.
Néanmoins plus j’avançais plus je culpabilisais. Alors je me suis arrêtée, je l’ai regardé partir
pendant une bonne minute puis j’ai crié son prénom. Il s’est retourné mollement, je crois qu’il
m’avait vu aussi mais qu’il ne voulait pas non plus me parler. Je lui ai demandé s’il allait
bien, il me dit que oui et me retourna la question. C’est là que j’ai dit : « tiens tu me parles
maintenant ? », il éclata de rire. Puis j’enchaînai sur le fait qu’il aurait pu me l’avouer qu’un
certain soir je l’avais énervé et qu’il n’en pouvait plus que je lui tombe dessus pour des
bêtises, au lieu que je le sache par « ma » chère amie. Comme à son habitude il me lança l’une
de ses excuses : « je ne m’en rappelle pas ». Moi, je me souvenais très bien, même plus que
très bien car j’en ai eu peur. Soudain il me lança : « Que veux-tu que je te dises ? Que je n’ai
pas assez confiance en moi ! [...] ». A ce moment-là je crois l’avoir mal entendu, et d’ailleurs
je n’ai pas pu comprendre la fin de sa réplique, car il n’articule pas beaucoup et puis il ne
parlait pas très fort. Je lui demandais de m’expliquer, il m’a répondu je ne sais plus trop quoi
toutefois j’avais cru comprendre que c’était de mes sentiments qu’il parlait. Je n’en fis rien de
plus, à vrai dire je ne croyais pas que cela puisse être de lui ; je doutais pourtant j’étais sûre de
l’avoir seulement mal entendu ... Il se mit à tousser et brusquement je me suis inquiétée pour
lui. J’avais peur qu’il ait attrapé quelque chose, cela peut paraître stupide mais je m’inquiétais.
Je me suis mise à lui faire la morale, qu’il devait fermer son manteau car il faisait très froid à
cette saison. Il n’en fit rien, il m’a juste dit que c’était normal car il venait de passer deux
heures à courir dehors. Je lui ai simplement répondu que moi je ne voulais pas qu’il attrape
froid. Pendant deux petites minutes il y eut un silence, je ne sais pas à quoi il pensait et moi je
ne pensais à rien en particulier, j’étais seulement bien d’être là avec lui, comme en sécurité. Et
j’ai dit « bon j’y vais », il a répondu par un « d’accord ». Puis j’ai hésité une petite minute, je
me suis rapprochée, il a fait un pas vers moi. Il a incliné sa tête pour que je puisse l’atteindre
et sur sa joue je laissai une bise. Croyant que ce n’était qu’une simple bise, je me suis
retournée pour m’en aller alors qu’il tendait l’autre joue. En glissant ma main, posée sur son
bras, j’ai soufflé un « bon week-end » et je suis partie...
Cette nuit, en m’endormant, j’arrivais encore à sentir sur mes lèvres sa joue chaude et rougie
par le froid. Je me souvenais de ses yeux, de sa voix me disant ces quelques paroles. Mais
plus je me laissais bercé dans le monde des rêves, plus j’essayais de recréer dans ma mémoire
ce petit bisou. Il se devait de n’avoir aucune signification pourtant.
En une petite discussion des centaines de questions se bousculèrent en moi. Je ne sais toujours
pas si nous allons nous reparler. Si maintenant on s’entendra mieux qu’avant. Si le fait de
s’être perdue pendant quelques jours arrangera les choses. Je ne sais rien de ce que seras fait
l’avenir ni même de ce qu’est fait le présent. Je ne sais pas non plus ce qu’il a bien voulu me
dire, ni même ce qu’il me cache que ce soit bien ou mal. Je ne comprends toujours pas ce
qu’il veut ni ce que je veux moi-même. Je n’ai pas compris non plus notre discussion à vrai
dire. Mais ce que je sais c’est que pendant ces jours, j’ai eu très peur. Pendant ces jours je me
répétais sans cesse que c’était perdu et qu’en moi ne résidait plus rien. Néanmoins, comme
toujours, tout recommence ... Enfin, presque.

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Alice Killy

... Et la main me lâcha.


On ne le répétera jamais assez souvent, le bonheur n’existe pas par contre tous ce qui est
contraire à cette idée ne cessent de se dévoiler à la vie. Un petit jour d’allégresse, ça se paie
avec une semaine ; une semaine de tourments, d’incertitudes, de peurs, d’oublis parfois
même. Oui je crois que la joie, l’amour s’achète. Je crois en ce petit magasin qui réside dans
chacun de nos esprits. Chaque mois peut-être nous allons voir sa seule caissière en lui disant :
« ma chère madame, ce mois-ci ça sera trois jours de joie. Mais l’amour je n’en demanderai
pas, bien que cela me manque. C’est que cela coûte cher et là, voyez-vous, je suis à sec. ». Et
de sa voix fluette elle vous répondra : « cela vous fera donc deux à trois semaines de stupeur,
de sanglots et voir même de doutes. Vous êtes sûre de ne vouloir rien d’autre ? Pourtant vous
avez l’air d’avoir l’esprit solide... ». Comme tout commerçant qui se respecte elle essaiera de
vendre ces produits. Il existe des gens qui ne se laissent pas faire, qui connaissent
parfaitement leurs limites. Je ne fais pas partie de cette catégorie, je serais plutôt classée dans
ceux qui ont les yeux plus gros que leur ventre. Ceux qui en veulent toujours trop, qui paient
néanmoins mais avec faiblesse. J’ai dû payer également ce flot de bien-être, d’ailleurs j’ai pris
un crédit cette fois, il me faudra le rembourser lourdement. Je vois défiler les chiffres de la
somme que je rembourse dans toutes ces petites minutes m’apportant leurs lots de larmes. Je
voulais seulement ressentir encore une fois ce minuscule sentiment me permettant d’être ici.
Seulement il est dur à payer. Et en ce petit jour de lundi, début de semaine, j’ai payé la plus
grosse somme. Par l’ignorance des yeux, par l’oubli de formules et de leçons, par le temps
manqué et par les mots encore étranglés dans la gorge ne voulant pas se faire dévoiler. Ce
petit jour où un matin, je me croyais plus forte que les autres fois, j’étais prête à aller lui dire
bonjour, lui faire la bise au prince, pareil à vendredi. Mais quelle déception quand il passa
près de moi comme s’il était passé à coté d’un poteau, sans rien voir aux alentours. Je restai
figée au milieu de la pièce et dans ma tête rien n’était plus en désordre que cela. Que je suis
naïve d’y avoir encore cru... L’après-midi s’annonçait gris, trois heures d’examens
m’attendaient patiemment, alors que je remarquais avec un peu d’effroi que ma place était à
coté de celle du prince. Passé trois heures près de lui, sans dire un mot, perdre tous ces
moyens devant un exercice à la seule vue de sa personne. Comment ? Je voyais déjà la scène
devant mes yeux. Et là encore je remarquais que mes dons de médium ne me faisaient pas
défaut. L’après-midi se passa comme je l’avais prévu : regards en coin, trouble sur les
exercices, impossible de se concentrer et même plus encore, je n’avais pas réussi à finir mes
examens. Je m’étais tellement précipitée dessus que je n’avais pu les finir. Et à la fin des trois
heures, quand il restait peu de temps et que je m’acharnais à finir un exercice de maths que je
connaissais sur le bout des doigts, je me suis sentie observée. D’abord je pensais que c’était
mon esprit qui me faisait une mauvaise farce, la paranoïa je m’y connais. Mais non, je
constatais avec stupeur que le prince, ayant fini son examen d’anglais, était effectivement
occupé à m’observer. J’aurais préféré sentir un autre regard se glisser sur moi que le sien aussi
agréable soit-il. Néanmoins j’étais plongée dans mon travail, enfin j’essayais, en évitant
soigneusement de penser qu’il pouvait regarder ce que je faisais. Et puis peut-être que je me
trompais, je l’espérais fortement. Une infime partie de moi toutefois espérait que cela puisse
être vrai. Je dois avouer, tout de même, que ce n’est pas cela qui me ramèneras tous mes
examens, tous perdus quoi que je fasse.
Puis la journée continue, en rentrant l’ennuie me submergea. Je ne voulais ni faire mes
devoirs ni même m’occuper à une toute autre tâche. Alors j’attendais sur mon ordinateur à ne
rien faire. Puis le prince se connecta, on se parla un petit peu, d’ailleurs il fut très gentil dans
sa façon de partir. Dans un simple « je dois y aller » habituel, mais qui cette fois-ci était
accompagner d’un « je reviens » donnant l’espoir d’un « je te signale ma présence plus tard,
peut-être que nous pourrons continuer notre discussion ». Et en effet il se reconnecta plus tard
dans la soirée, la gentillesse toujours présente dans un « vas-tu bien ? » inhabituel. Par la

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Alice Killy

même occasion dans cette discussion je pus constater que je ne passais pas forcément pour un
fantôme. Le prince m’avoua avec beaucoup de facilité que quand j’avais fait ce pari stupide
avec mon amie, pour mon silence prolongée avec lui, il avait trouvé cela suspect que je sois
aussi muette. Il faut croire que je suis une grande bavarde ou alors que je l’eue manqué un
peu. Mais la suite fit revenir à grand coup de pied l’habituel du prince : le silence. Ces
réponses devenaient rares, c’était à peine si je parlais à un mur. Et puis sa phrase, celle qui
achève comme une lame un blessé de guerre : « je dois y aller ». Pas même de « au revoir »,
ni « à bientôt » ou encore de « bonne nuit », juste le fait de partir comme si en fait la
discussion n’avait jamais eu aucun sens. Mais que suis-je en fait pour lui ? Je l’ignore, peut-
être amie, certainement pas amante ni même petite copine, de forte chance pour que je sois
une simple connaissance rien de plus. Des questions encore, il faut croire qui n’existe que
cela. Les réponses se font rares maintenant. Ou alors elles paraissent être des réponses mais ne
répondent pas moins aux questions.

La théorie ...
J’ai fort bien réfléchi à tout cela en analysant minutieusement toutes les réactions, toutes les
répliques, tous les sous-entendus et tous ce qui peut paraître à mes yeux. J’en ai conclu une
hypothèse, je l’appelle donc hypothèse parce que je n’en ai pas encore la certitude et qu’elle
reste d'ailleurs à l’état de paranoïa ou alors de réflexion. L’hypothèse est tout d’abord fondée
sur un individu : Prince des Excuses. Plusieurs événements me prennent à penser qu’il
n’apprécie pas que son entourage sache que nous nous parlons. Par peur ou bien par
réputation, cela je n’en ai aucune idée. Chercherai-t-il à se protéger ? Et de quoi ? Là encore
impossible de répondre. Pourtant d’autres petits indices me prennent à y croire. Des réactions,
comme celle de prendre le téléphone quand l’un des ses amis cherche à m’avoir pour
l’embêter un peu. Ou encore je remarque avec stupéfaction que je suis la seule que l’on n’est
pas joué de ces sentiments. Alors que je voyais une amie se faire traiter de tous les noms car
elle était amoureuse du meilleur ami du prince. Avec moi cela fût totalement différent. Aucun
préjugé, aucune mauvaise blague. Parfois j’entendais quelques petites réflexions assez drôles
sur lui et moi, mais non ; sinon aucune farce de sa part, aucune reproche, que de gentillesse,
de patience et de long silence. Il n’y a qu’une chose que j’ai à me plaindre de lui, ce sont ces
mensonges. Cependant ici encore je peux constater qu’ils ne sont pas fondés comme s’il
cherchait encore à se protéger, croyant qu’en me mentant il empêcherait le regard des autres
de changé de direction, en restant fixé sur autre chose que sur lui. Là une fois de plus c’est
une simple supposition, rien ne peut me dire que c’est la stricte vérité.
Toutefois, dans un autre cadre, je peux remarquer avec peur comme je m’étais trompée en
faisant un pari de mutisme avec l’une de mes amies, en ayant cru trop fort qu’il ne se douterait
de rien et pourtant il trouvait cela suspect de ne plus m’entendre. Je reviendrais volontiers sur
l’histoire de mon ancien petit copain, où un soir le prince, qui avait lu mon pseudonyme, était
venu me poser un tas de question sur cet « ex » qui me faisait du mal. Peut-être une façon à
lui de me rassurer. Même si parfois je pleurs à cause de lui juste pour quelques silences, je
devrais être flattée de toutes ces petites attentions à mon égard. Il est vrai que la plupart du
temps je ne suis pas témoin de ces attentions car on me les répète. Cela me rappelle la fois où
je n’arrivais plus à retrouver le sourire et qu’il avait demandée à l’une de mes amies pourquoi
je faisais cette tête. Ou alors quand j’étais restée silencieuse, il demandait à tous bout de
champs pourquoi je ne lui répondais pas. Mais surtout ses regards, je ne les oublierais pas, je
ne sais pas si les gens voient ce que je peux trouver dans ses regards. Un espoir, une lumière,
une caresse, une autre façon de se dire qu’il faut être patient. Je peux l’attendre, cela ne me
gêne pas. Je l’ai déjà attendu plus d’un an. Un encore ? Pourquoi pas. J’ai tous mon temps, la
vie est courte certes mais pendant cette grande année de « nous » furtif, je ne me suis toujours

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Alice Killy

pas lassée de lui. À force de tenter de le connaître, d’entrevoir ses sourires, de préméditer ses
répliques et ses réactions. De le surprendre également par des réponses cinglantes, des paris
toujours aussi bêtes mais quand on y repense ils font bien rire. Aussi des blagues, des délires,
des fous rires. Il reste encore les disputes, les larmes, les éloignements qui, finalement, nous
rapprochent un tout petit peu. Malgré lui ? Malgré moi ? A quoi bon, la vie est faite ainsi, il
me le dirait si j’étais vraiment énervante, n’est-ce pas ? Il m’a déjà dit que parfois je
l’énervais, il m’a enfin avoué que j’avais tendance à lui faire perdre son sang froid quand
j’étais trop franche. Etre en colère, lui ? Cela m’étonne toujours car je me souviens encore du
jour où il m’avait dit qu’il ne s’énervait qu’à de rares occasions, je suis l’une de ces rares
occasions.
Il y aurait beaucoup de choses à rajouter, des éléments que j’ai du oublier. Oh ! Oui, j’allais
en oublier un qui est important à mon cœur. La bise. Bon d’accord, je dois l’avouer que là
c’est purement et simplement parce que j’ai l’envie d’en parler. Ce n’était qu’une simple bise
mais quand on regarde bien dans quel climat elle a été conçue ... Cette fois-là quand nous
nous sommes parlé, une température glaciale était passée sur l’instant et pourtant pendant un
court laps de temps c’est remonté à plus de zéro. Comme je l’ai dit précédemment je m’en
souviendrais toujours quand le soir je dormirais, car c’est l’espoir d’un jour meilleur. L’espoir
qu’un jour il assume sa parole, assez pour me la transmettre et ne point me faire peur.
L’espoir qu’un jour je puisse savoir le pourquoi du comment. Et que « pour une fois », il me
dise ce qu’il pense vraiment ...

J’appelle le Printemps, il ne me répond pas ...


Les jours passent, les questions se lassent et se répètent. J’aimerai dire que tout va pour le
mieux. J’aimerai toujours d’ailleurs. Ma théorie se fonde et s’encre peu à peu dans mon esprit.
Je n’aime pas beaucoup avoir raison. Mon caractère me pousse à être défaitiste, néanmoins
j’aurais préféré cette fois-là être un peu plus optimiste et croire que les rêves se réalisent. Mais
comme je le dis je n’aime pas avoir raison, donc le rêve ne s’est pas réalisé.
C’est vite dit qu’il ne se réalise pas. Toutefois on ne peut que remarquer que je baisse les bras.
Il en est assez de tous cela. Il en est assez de faire des efforts pour quelques beaux regards que
ce soit. Cela doit bien faire la énième fois que je le dis, je ne le répéterai jamais assez. Il
existera de la volonté pour réussir je ne sais quoi, seulement je n’en peux plus d’en faire moi-
même. C’est bien égoïste de ma part de dire cette chose. Qui sait le nombre d’effort de l’autre
coté ? Personne, pas même moi. Alors j’ai bien le droit d’y penser, non ? Mes amis auront
beau me dire de continuer moi je ne peux plus. Que pourrais-je faire d’autre ? La simple idée
que je puisse être énervante une fois de plus, en ressassant ce vieux sentiment qui m’anime,
me glace le sang. Je voudrai disparaître tout doucement même en ayant pas véritablement
existé dans ses yeux. Peut-être ne s’en rendra-t-il pas compte, avec un peu de chance. J’ai le
cœur d’oser croire à ma défaite. Tant d’espoirs ont plié devant le poids des questions.
D’autres certitudes cinglantes ont triomphé de mes rêves. Nombreuses furent les occasions de
l’oublier mais je n’en utilisai aucunes. Il y eut beaucoup de choix à faire, je ne sais pas si ceux
que j’avais choisis étaient les bons et si celui-ci le sera également. Je ne fais qu’être le
compagnon de mon cœur sur cette route sinueuse. Je l’écoute se lamenter et je prends les
décisions. C’est les larmes aux yeux que j’écris ces mots. J’aurais voulu lui plaire à ce prince
autant qu’il m’a plu. J’aurais aimé être magicienne, avoir le pourvoir de me fondre dans son
esprit pour répondre à mes questions. Tous ce que je trouve à redire c’est que je suis juste
moi. On ne peut pas toujours suivre ses rêves.
Existe-t-il plus grande souffrance que celle de devoir détester celui qu’on aime ? Se forcer à
ne plus rien éprouver de lui alors que notre cœur ne bat qu’au rythme de ses pas ? Pourquoi

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Alice Killy

faut-il que je m’oblige à cet ouvrage ? C’est ainsi, c’est un choix qui s’offre comme une
contrainte à mes yeux.

Supprimer ...
Et le Prince s’efface, enfin j’efface toute trace de lui sur mon ordinateur, sur mon portable,
dans ma chambre. Sur ces nombreuses photos, ces nombreux messages. J’efface tous. Mais
ma mémoire à elle seule comble le vide. En revoyant toutes ces choses mon parcours me
revient soudainement avec les efforts que nous avions entrepris pour en arriver là. Puis je
repense encore à ces jours, à ces mots, ces petites disputes sans grands sens. Involontairement
les larmes parviennent à mes yeux, c’est presque trop facile. Je dois l’avouer, j’ai mal de
devoir tout gommer d’un coup, comme si finalement ce n’était rien. Il le fallait bien. Bonne
ou mauvaise idée ? J’avais la réponse devant moi, toutefois à force de croire que c’était lui qui
se voilait la face je n’admettais pas que moi-même je le faisais. Plus je réfléchis, plus je me
rends compte. Il n’est pas mauvais, il est juste trop gentil. Je ne suis pas mauvaise non plus, je
suis juste trop naïve. Dans son élan de gentillesse il voulait éviter de me faire souffrir, de
m’avouer la dure réalité. Et moi alors ? Aveugle, jusqu’au bout je l’ai été. Mais aujourd’hui,
je remercie tous mes amis de m’avoir à semi-ouvert les paupières. Certes la vérité à tellement
brûler mes yeux que j’ai voulu tout de suite les refermés. J’insiste alors sur mon pardon à tous
ces proches qui m’ont forcée à rouvrir mes yeux. Il est dur de s’habituer à la lumière du soleil
quand nous passons plus d’un an dans l’obscurité. Parfois nous essayons de revenir à la
surface mais le contact est dur. Un jour il faut l’affronter. C’est cela la vie. Essayer un jour,
laisser tomber quelque temps, malgré cela se rendre compte finalement que nous nous devons
de l’affronter tôt ou tard, que nous le voulions ou non. J’ai eu peur d’affronter la réalité, le
sucre fond au soleil, j’ai eu peur de disparaître. Néanmoins ce n’est pas moi qui allais
disparaître mais ce que je fus...
Ne dit-on pas : « chassez le naturel, il revient au galop » ? Je l’ai entendu de nombreuses fois
cette citation, néanmoins je n’ai jamais eu l’occasion d’en voir les véritables aboutissants. Je
me suis toujours arrangée pour me transformer, en moi je me disais sans arrêt : « il n’y a que
les imbéciles qui ne changent pas ». Pour moi, donc, prendre différente facette semblait être
un bon jeu. Jusqu’à ce qu’un jour je fasse la connaissance de ce très cher Prince des Excuses.
Au début se métamorphoser tantôt en fleur bleu tantôt en fille très classe était ce qui était des
plus naturelles. Puis plus tard je me suis rendue compte que cela ne servait pas à grande
chose. A la réflexion je m’amusais beaucoup en me pouponnant de la sorte, mais je ne
trouvais pas le naturel qu’il cherchait. Je revois encore son expression quand les lundis
j’arrivais avec une toute nouvelle couleur de cheveux, remarquez que je suis passée par toutes
les couleurs de l’arc en ciel. Mes nouveaux styles de vêtements aussi, je vous avais déjà
mentionné l’histoire de la jupe, plus tard il y eut les regards visant mon sensuel corsage.
En y revenant aux changements, ces temps derniers ce que je voulais changer c’était ma façon
de le voir. Je m’étais appliquée à le supprimer, par la suite je me suis appliquée à essayer de le
haïr au point de lui inventer des défauts. Je ne vous mentirais pas en vous disant que ce fut
mes amies qui lui trouvait le plus de défauts, plus que moi je n’en pus. Je m’étais alors
appliquer à me créer une nouvelle image de quelqu’un que j’admirais, j’adorais ou alors que
simplement j’aimais. Comme un jeu je me soignais à en rédiger les règles. Aujourd’hui je ne
demande qu’à les enfreindre. Après tous n’est-ce pas pour cela que nous établissons des
limites ? N’est-ce pas pour les franchir ? Ces barrières deviennent peu à peu plus fragiles,
avec le temps qui s’écoule, je les entends murmurer : « détruis-nous ! Cède à la passion, cède-
lui ton cœur, ton âme et ta vie. », Mais je ne peux pas abandonner ce que j’ai commencé. A
quel prix ? Le prix d’efforts pour tirer un trait sur une tristesse solitaire. Seulement ce trait
n’est-il pas grossier, raturé et fait à toute vitesse sans avoir pris la peine de réfléchir ? Cela

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Alice Killy

vaut-il l’effort de tirer un trait mal fait sur des souvenirs. Je me souviens, oui je me souviens
de ces tous petits moments qui avaient leurs charmes où nous étions lui et moi comme deux
imbéciles. S’en souvient-il ? Je n’en sais rien, il y a peu de choses qu’il laisse paraître. Si
seulement j’avais en ma possession une réponse qui pourrait m’aider à un choix moins rude.
Je désire plus que tout le revoir, le sentir près de moi, lui adresser quelques mots justes assez
pour me sentir apaiser.
Nous sommes mardi tard dans la nuit, tout juste ce soir il a eu son cours de sport. Je me
souviens de ce qu’il m’en disait : il en revenait toujours fatigué, il lui arrivait d’avoir mal aux
bras et de ressentir des courbatures. Puis ce petit adieux d’il y a à peine quelques semaines :
« bon j’y vais, en espérant retrouver l’usage de mes bras demain, bonne soirée. ». Ma réaction
devant mon ordinateur était de m’en inquiéter. Celle que je laissais paraître dans mes
messages était un « mon pauvre ! » rien de plus. J’aurais aimé être auprès de lui, m’en
occuper comme une vraie petite maman. J’aimais le chouchouter comme j’ai aimé lui faire la
leçon pour qu’il ferme son manteau de peur qu’il attrape froid. Mais cela est loin, ce mardi
soir je ne l’ai pas vu, les autres soirs je ne le verrais plus. Je ne pourrais plus lui demander
comment s’est passé son cours. Je n’aurais plus l’occasion de m’inquiéter en sa présence, je
ne pourrais que le cacher au fond de moi. Récemment une amie m’a dit qu’il avait attrapé un
rhume, je l’avais prévenu de fermer son manteau... maintenant que je ne suis plus derrière lui
le fera-t-il ?
Le sait-il ? Le sent-il que je ne suis plus là ? Le comprend-t-il pourquoi je ne peux plus ?
Quand je croise ses regards dans les couloirs, les larmes me viennent aux yeux. Dans ma tête
je cherche une porte de secours. Vite ! Où sont mes amis ? J’ai besoin de rire, j’ai besoin de
m’occuper ! Seulement je n’arrive plus à penser, j’ai l’esprit trop encombré...

Ce qui devait se dire et jalousie chronique.


« Prince ... Très cher Prince des Excuses, qu’ais-je fais ? Pardonne-moi, je ne sais ce qui
m’est passé par la tête. Je ne pouvais plus continuer ainsi. Il le fallait. Comprends-tu ? Je fais
cela parce qu’ils me l’ont répété pendant tous ce temps, ils m’ont prouvé que tu ne m’aimais
pas, que tu t’en fiches de moi. Mais toi qu’en dis-tu ? Que veux-tu ? J’en entends de partout,
tous veulent me donner à d’autre. Tous me disent que tu ne me mérites pas, tous veulent
m’offrir à des garçons que je n’aime pas. Tous te dédaignent car tu ne deviens que plus gentil
et silencieux. Parles, Parles ! Je t’en supplie, montrent leurs que tu n’es pas un monstre.
Prouve à tous que tu mérites que l’on t’aime ! Prince, dis-moi que tu ne m’as pas oublié, que
je suis toujours cette gentille petite fille. Dis-moi ce que tu veux dire par ces regards furtifs
mais néanmoins présents. Je ne peux me laisser aller une fois encore aux silences. Trop dur,
trop long. Maintenant je n’essaie que d’oublier que cette vérité trop grossière. J’essaie
d’oublier pour ne pas t’étouffer. Mon seul doute c’est ta personne... S’il existe une réponse,
laisse-moi la connaître avant de commettre une autre erreur. Prince des Excuses, tu es et sera
toujours le seul. »
Je n’ai jamais connu temps aussi long, ma hâte à l’oublier était si pressée que je ne pensais
que à cela. Les secondes passaient comme des jours, les minutes semblables à des mois et les
heures s’apparentaient à l’éternité. Comme le temps se lasse et diminue sa course lorsque
l’être aimé doit se contraindre à devenir fantôme face à vous. Il ne l’a pas choisi, il n’en sait
rien non plus, la cause lui reste encore inconnue. Sait-il seulement, a-t-il toutefois remarqué
qu’il devient absent ? L’a-t-il vu que je m’effaçais ? Cela n’est pas la première fois que je me
pose ces questions n’est-ce pas ? J’aurais beau me les demander, la réponse se fera plus
éloigné encore. Et comme un rêve elle s’échappera entre mes doigts sans que je ne puisse rien
y faire. Croyez-vous que je puisse encore faire quelque chose ? Croyez-vous que je puisse
encore réagir devant les gentillesses du Prince, pas envers moi, non seulement envers ces

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Alice Killy

autres filles. Voila que je redeviens jalouse, encore une fois. Ce sentiment ne me sert pas à
grande chose. J’ai seulement le cœur serré, car en me forçant à l’oublier je remarque tous ses
faits et gestes. La moindre délicatesse, l’infime parole qu’il prononce je la vois et je l’entends.
Et tous n’en devient que blessure. Je ne peux que m’en prendre à moi-même d’être à la merci
de ce personnage. Je pourrais choisir d’être libre, de penser ce que je veux et comme je le
veux. Je saurais encore rire avec mes amis en étant sûre que je m’amuse au fond de moi.
J’aurais la force de me lever le matin en pensant à autre chose qu’à lui. Oui, mais je ne suis
pas cette fille. Ne soyons pas si pessimiste. Je suis ce que je suis. Avec mes défauts comme
avec mes qualités. Je suis jalouse, je suis amoureuse, je suis têtue, je me fais des films et tard
le soir j’adore écrire ce que j’imagine. Et puis en écrivant j’aime écouter de la musique.
J’adore également revenir sur des lieux importants dans ma mémoire. Comme ce chemin, un
carrefour si je me souviens, où une fin d’après-midi de Vendredi une bise à été échangée. Ou
même encore ce banc de pierre dans un square, une jeune fille s’y était assise en envoyant un
message à celui qu’elle aimait, pour s’excuser de sa conduite et lui offrir un cadeau caché
dans sa boite aux lettres. Les souvenirs m’empêchent de continuer ma route, les regrets
s’amoncellent et si finalement je me trompais ? Comme une amie me l’a dit, nous perdons
notre temps à se poser des questions, nous devons agir car la vie est courte. Faisons des choix
et ne nous attardons pas à se demander le pourquoi du comment. Elle a raison, je n’ai pu que
lui répondre cela : « mais ne pas perdre son temps c’est savoir prendre les bons choix ».
Encore faut-il savoir ce qu’est un bon choix. Celui que le cœur vous dicte ou alors celui de la
raison ? Celui de votre ami ou le votre ? Et le temps file encore en se demandant lequel sera le
bon à prendre. Arrêtons-nous là avant qu’il ne soit trop tard, s’il ne l’est pas déjà.

Les regrets
Ce fut cette journée de Mars, où finalement les barrières se sont faites plus minces que les
quatorze derniers jours. Je me baladais alors avec une tendre amie, je m’en souviens très bien
de cette après-midi de grève. Les cours avaient été annulés, le temps n’était pas de la
compagnie il faisait gris ce jour-là. Pourtant nos pas nous entraînaient lourdement vers la
maison du Prince des Excuses. Nous avions une passion avec cette tendre amie, nous aimions
nous attarder sur les roses du jardin du Prince. Bien que ce n’était que le début du printemps
et qu’elles ne furent pas écloses, nous étions curieuses et amusées à l’idée de regarder du coté
de chez lui. Certes mon amie l’était, moi je doutais. Mon plaisir, mon bonheur aurait été de le
voir certainement même sûrement. Toutefois, tourmentés par la peur de lui déplaire ou bien
de passer pour une mauvaise fille, je ne pus que passer devant sans y prêter attention. Plus
loin sur le chemin je pris conscience de mon erreur. Ne devrions-nous pas vivre pour ce que
nous aimons ? J’aurais, oui, j’aurais aimé suivre les propos de ma douce amie me disant :
« Viens Morgane, sonnons à sa porte, venons juste lui dire bonjour après nous le laisserons.
Rien de plus. ». Mais ce fût plus fort que moi, j’avais peur. J’aimais cet être comme ma vie,
certes, néanmoins je ne peux me résoudre à refaire surface. Je m’étais promis plus de mots,
plus de sourires, plus de bonjour ni de bonne chance. Il restait encore tout juste ses quelques
regards et les miens devenant de plus en plus nombreux, comme pour combler un vide noyé
de silence. Quelle triste fin, me direz-vous, pour un cœur qui n’a cessé d’espérer. Tout n’est
pas encore achevé, le dessin est loin d’être terminé. C’est ce que les yeux désirent voir et
croire mais il existe certaine chose qui ne se regardent pas, du moins pas avec les yeux.
Quatorze jours, je les ai comptés. Ce ne sont que des jours mais qui n’en deviennent
qu’éternité. À force de les compter de les remarquer sur un calendrier, le temps en devient
lenteur, toujours en espérant un petit coup de pouce. La tentation se fait plus forte à chaque
heure qui se succède, grignotant le cœur de remords et de soupirs, répétant inlassablement :
« qu’attends-tu pour recommencer ? ». Et chaque matin de ces jours je me demande de quoi

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Alice Killy

sera faite la journée. Je prie, même si je ne crois pas vraiment en dieu, je pris pour que ses
yeux ne s’attardent pas sur moi. Pas de regards, pas de sourires, ni de tristesse. Indifférence,
indifférence seulement. Sur son visage j’aurais voulu ne remarquer que cela. Mais la journée
commence et les couloirs où nous nous croisons se rétrécissent. Le Prince finit par s’attarder
sur ma petite personne. Je baisse la tête. Je sens la honte pénétrer dans les abîmes de mon
corps. Ma tête me tourne, mes jambes se fléchissent et le cœur bat plus fort que jamais.
Pourtant je réussis à rejeter ces peurs. Ne pas paraître triste, surtout pas, seulement rester
naturelle, le plus possible. Je le vois en face de moi. Pourquoi l’est-il plus aujourd’hui que les
autres jours ? Je le regarde un peu, juste assez pour ne pas se faire remarquer. Je détourne
mon regard, je baisse ma tête et repart. Mes pieds entraînés dans ma folie ne savent plus où
aller. Je cours, je cours. Je ne sais où j’atterrirais. Je me terrerais dans un coin et je me
souviendrais. Plus tard je regretterais. Où se trouve la force assez grande pour que je puisse
lui dire tous ce que j’ai sur le cœur sans aucune peur ? Où se trouve celle qui me permettrait
de réaliser mes désirs les plus grands sans lui manquer de respect ?
Retour à cette journée de Mars en la compagnie de ma tendre et douce amie. Nous
continuâmes à marcher et dans ma tête je me lamentais d’avoir eu si peur. Je lui en fis part,
elle me dit simplement que ça sera pour une autre fois peut-être et que maintenant il fallait
rentrer chez soi. Nous prîmes le chemin du retour chacune de notre coté. Dans le bus qui me
ramenait à l’appartement de mes parents je me mis à écrire un message sur mon vieil ami,
mon portable. Aussi curieux que cela puisse être ce message était destiné au Prince. Je n’en
attendais aucune réponse, je voulais simplement lui parler un petit peu. Peut-être que cela a
détruit en partie la promesse que je mettais faite. Toutefois alors que la pluie tombait sur les
vitres du bus, je me mis à réfléchir. Je ne peux pas éternellement continuer comme cela. Je
peux arrêter de lui parler ou toute autre chose mais je ne peux pas le faire sans lui. La chose
que je n’aurais pas du faire c’est de ne pas lui en avoir parlé, de l’avoir écarter de cela alors
qu’il est l’un des plus concernés. Je remarque des personnes autours de moi qui n’ont rien à
voir dans cette histoire et qui en savent plus que lui. Voila ma faute. Voila ici le reproche qu’il
peut me faire. Je respecte ma personnalité de jeune fille en sucre : j’aime en faisant de
nombreuses erreurs, je les apprends mais je finis toujours par les refaire. Tomber et encore
tomber, se remettre debout mais plus le temps avance et il devient dur de se relever.

La violation de promesse
Je suis arrivée un peu tard ce jour. Je me suis installée devant un film et je me suis mise à
manger. J’étais vide. Je ne sais plus pourquoi, sans raison aucune. Je mangeais, je regardais ce
film et je ne pensais à rien. Le fait de ne penser à rien me détruisait encore un peu plus. Je me
suis posée des questions, finalement je pensais à quelque chose. Les questions n’étaient pas
très logiques, pour ainsi dire je ne m’en souviens même pas. Puis j’ai pris mon portable, j’ai
n’ai vu aucun message et j’ai continué à manger en regardant ce film. Plus tard je me suis
décidée à me lever, à retourner dans ma chambre faire un semblant de devoir. Non, finalement
je n’étais pas assez motivée pour cela. J’ai donc un peu lu et ma soirée se passa comme cela.
Jusqu’à une certaine heure. Alors que je bouquinais enfin que j’essayais de ne pas m’ennuyer,
je sentis mon téléphone portable vibré dans ma poche de jeans. Qui pouvait bien m’envoyer
un message à neuf heures du soir ? Je regarde son écran et sur le choc du prénom qui s’était
affiché je lâchai mon téléphone qui tomba au sol. Heureusement que j’ai de la moquette ... Je
le repris et plissa les yeux de peur d’avoir mal lu. Ces temps-ci j’avais les yeux très fatigués,
peut-être me jouait-il un mauvais tour. Mais non je ne rêvais pas, le message que je venais de
recevoir était une « réponse » du Prince des Excuses. Il s’en suivi de quelques réponses, juste
assez pour rire un peu. Je dois l’avouer il me manquait et cela me faisait du bien d’avoir de

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Alice Killy

ces nouvelles. Je lui envoyai un mail, que je trouvai moi-même très drôle, je n’en attendais
aucune réponse je voulais juste qu’il le lise. Il n’y en eu aucune mais j’étais contente.
Je ne me rendais pas encore vraiment compte de ce que j’avais fait. J’avais promis une fois
encore que plus jamais je ne tomberai dans le panneau. Il faut croire que nous tombons
souvent. Peut-être aimons-nous cela ? Et l’on me répète encore ce lassant proverbe : tu ne dois
jamais dire jamais. Je ne peux qu’en rire, en répondant : « ne viens-tu pas de démontrer le
contraire ? ». Oui, je venais de me démontrer à moi-même que je ne pouvais pas me l’extraire
de l’esprit aussi simplement qu’une parole, une promesse à vrai dire. Mais je n’ai qu’une
seule parole et elle est d’or. Comment d’un trait puis-je mentir sur ce que je suis ? Je leurs
avais promis à tous, je leurs avais dit : « vous verrez je réussirais ! Cette fois-ci je ne laisserais
pas tomber, je ne le laisserais pas gagner ! ». Il est si simple de parler, le reste est encore trop
dur à appliquer. Je voulais tant qu’ils soient tous fière de moi. Je ne voulais plus être cette
petite fille influençable, je voulais faire tous cela moi-même, je suis assez grande pour cela !
Je ne voulais plus être en sucre, je voulais devenir « moi » en une autre personne. Juste celle
que je vois dans ma chambre, celle qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui sait ce
qu’elle veut et qui l’obtient malgré tous. Je n’y suis pas arrivée. Je leurs avais promis… et le
vent souffla les promesses, il sait qui je suis.

Les saisons se répètent.


Ce petit événement engendra un raz de marée comme jamais je n’en fus témoin. Je m’écartais
de mes limites pour atteindre le dangereux. Néanmoins cette fois-ci j’aurais pu l’éviter si je
n’avais pas eu à m’occuper des affaires de l’une de mes amies. Comme je l’ai dit
précédemment, pour ma part elles sont sacrées et je ne peux admettre que les autres puissent
faire du mal à mes amies. Si c’est le cas, ils le paieront cher de ma vengeance. On peut
m’humilier, me jeter au sol que je n’en n’aurais rien à faire. Mais s’ils s’avisent de toucher à
un seul de leurs cheveux, je peux changer très vite ! Je trouve cela naturelle, cette réaction, car
elles m’ont tous offert, elles m’ont fait don de tous ce qu’il y a de plus beau surtout leur
amitié, c’est normal de vouloir leur bien comme elles ont fait le mien.
Une mauvaise blague, une simple très mauvaise blague me mit dans une de ces colères
inimaginables. Cette blague ne m’était pas destinée, toutefois la personne pour laquelle fut
faite cette ânerie j’y tiens énormément. Je ne pouvais contenir ma rage, surtout quand je sus
quel en était l’auteur, le meilleur ami de ce cher prince. Et bien pourquoi pas… Je
m’emportais plus encore, alors tous simplement j’ai envoyé un texto. Je demandais juste
pourquoi son très cher ami avait fait cette stupide blague. Toute la soirée ne fut que procès
entre nous. L’un cherchant les arguments pour son accusé de copain, l’autre défendant sa
victime de copine. Je ne me sentais que plus concerné dans tous cela. Après tous mon amie
avait simplement écrit un texte sur une peine de cœur comme moi je l’aurai fait. Et ce
meilleur ami, qui était aussi l’un de ceux de mon amie de plus, a abattu tous les sentiments
pouvant ressortir de ces écrits. Le prince avait beau me dire que ce n’est qu’une petite blague,
rien de plus de méchant et que le texte était visible par tous, j’étais peinée de sa réaction. S’il
avait su combien de ma petite tête, de mes doigts et de mon sommeil j’ai offert pour écrire
tous ce que j’avais sur le cœur, et qu’il dise : « Je ne comprends pas car pour moi écrire afin
d’apaiser sa peine est difficilement concevable. ». Pour vous peut-être que cela ne veut rien
dire mais en moi ce fut comme un coup de poignard. Dans cette petite phrase il a quasiment
englouti mon passe-temps, ma passion, pour ne pas dire toute ma vie depuis qu’il est arrivé.
Et bien pourquoi pas ! Demain je peux arrêter d’écrire juste parce que je ne saurai plus
pourquoi je devais apaiser ma peine. Mais non il pourra rester glacial et ne jamais rien
comprendre, je continuerais à écrire malgré que l’hiver retombe, je n’ai plus peur car j’écris
afin que revienne le printemps !

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Alice Killy

Ce fut comme une chute libre. Déjà nous ne nous entendions pas bien, à toujours être en
désaccord. Quand je pensais à quelque chose il pensait au contraire et vice-versa. La situation
empira. La raison me revint d’un coup, il fallait que je lui en parle cette fois. Je ne voulais en
aucun cas rendre la situation plus désagréable, je souhaitais simplement tous régler. Je pris
mon courage à deux mains et le mercredi qui suivit je lui demandais de m’attendre à la sortie
pour que nous parlions. Je savais au fond de moi qu’il ne serait pas là et qu’il aurait trouvé
n’importe quelle excuse même valable pour éviter de me voir, comme il l’a tant de fois fait.
Je sortais vers quinze heures, le cœur battant la chamade mais la certitude brillait plus que
tous. Je passais le portail de mon lycée et je ne vis personne. Il y avait deux amies mais pas de
trace du Prince. J’allais vers l’une d’elles et je lui demandais si elle ne l’avait pas vu. Elle me
répondit qu’elle l’avait aperçu rentrer chez lui puis me demanda pourquoi je le cherchais. Je
lui expliquais vaguement que j’aurais aimé lui parler. Elle me proposa d’aller chez lui et que
toute manière il comprendrait car il était « gentil ». Je suivis son conseil mais auparavant, sur
le chemin qui menait à sa maison, je l’appelais pour le prévenir. Personne ne répondait alors
je laissais tomber. Je me rendis compte, quelques secondes plus tard que j’avais reçu un texto
venant de lui. Croyant que c’était en réponse de mon appel je le lus. Je ne sais pas si ce qu’il
contenait était censé être sympathique ou totalement incontrôlé mais je sentis les larmes me
monter aux yeux. Je posais ma main sur ma bouche par crainte de dévoiler un cri. Je désirais
simplement m’expliquer, enfin lui expliquer et lui dire à quel point j’étais désolée. Il avait
naturellement répondu : « je suis sorti plus tôt, je suis occupé et pour ma part je trouve la
réaction exagérée. Je ne vois pas ce que je pourrais te dire. » Il n’avait rien compris une fois
encore. Et comme si une habitude était revenue, je sentis un courant d’air froid se glisser dans
mes manches et dans mon col me sifflant : « tu l’as cherché ! ». Le froid et les excuses,
retourner à la case départ, faire des efforts mais pour ne rien gagner. Malgré cela je me disais
que tout était de ma faute. Il n’était pour rien là-dedans, je suis la seule fautive. Jamais je
n’aurais du, mais je l’ai fait parce que je voulais trouver une solution, je croyais faire bien.
J’avais tort…

Une sœur retrouvée…


J’étais sur le chemin, je ne savais plus trop où aller. Je me dirigeais vers chez lui, pour faire
quoi ? Je ne voulais pas le voir, je ne désirais plus lui parler. Déception, déception… Ce mot
bourdonnait dans ma tête comme une abeille. Je marchais avec lenteur, je me créais un
chemin vers nulle part, ne voulant ni rentrer chez moi ni même dans un autre endroit. Puis
j’entendis derrière moi quelqu’un prononcer mon prénom. Je ne me retournais pas pensant
que c’était mon esprit. Je l’entendis une deuxième et une troisième fois suivies par des pas
précipités. Je tournai et j’aperçu ma sœur courant vers moi. Sur un élan je courus aussi pour
me tenir dans ses bras. Je me suis mise soudainement à pleurer sans pouvoir lâcher un seul
mot. Je ne pouvais pas, je pleurais seulement et elle comprenait.
Je n’ai jamais eu vraiment de sœur, juste un grand frère. Quand je suis arrivée en troisième
dans mon nouveau collège j’ai rencontré une personne. Au début nous nous entendions bien
puis nous somme devenues comme les deux doigts de la main. En quelques temps elle s’était
transformée en l’être me connaissant le mieux, je la considérais comme ma propre sœur. A
vrai dire c’était ma sœur. Elle savait quand je n’allais pas bien et moi de même. Puis en
première nous nous sommes retrouvées dans la même classe, nos relations se sont dégradées.
Depuis qu’elle avait un copain elle ne me voyait plus, elle ne savait plus rien et ne voyait pas
plus que le bout de son nez. Etrangement, bien que nous ne nous voyions plus, elle se trouvait
toujours là quand il se passait quelque chose. Sans qu’elle le veuille vraiment elle se trouvait
là. Encore ce destin qui nous pistonne.

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Alice Killy

Ce jour-là j’avais eu besoin d’une présence. J’étais sur ce chemin et un souhait profond
résonnant dans la rue disait : « où es-tu ? ». Elle lui a répondu, elle m’a parlé comme personne
ne l’aurait fait. Elle me prit dans ses bras me demandait pourquoi je pleurais, je ne pus rien
dire et juste lui montrer mon téléphone portable. Elle comprit simplement en ayant aperçu
l’auteur du message. Elle me parla tout le long du chemin, me prit les mains et me tenait en
essayant de me calmer de sa petite voix fluette. Elle me disait des paroles censées mais je
sentais que tout était de ma faute tout de même. Je ne pouvais admette que le Prince était pour
quelque chose dans mon chagrin, ma sœur pensait le contraire. Elle me proposa de passer
l’après-midi chez elle. Je vous pris de croire qu’au début ce fut tendus mais plus tard dans la
journée nous ne faisions que rire de plus belle. J’ai passé un bon après-midi malgré les
quelques événements qui s’y sont passés. Merci à ma sœur. J’ai peut-être perdue des espoirs
mais j’ai retrouvée une sœur que j’avais cru égaré.
Je rentrais chez moi tranquillement, du baume au cœur, je me suis mise à travailler. Puis j’ai
regardé un film, j’ai mangé et je suis retourné dans ma chambre. Je regarde mon portable…
Un appel en absence vers dix-sept heures. Je fais défiler la liste d’appel, le numéro est noté
privé. Qui aurait voulu m’appeler ? Je me suis dit que c’était peut-être elle. Je me suis
installée sur mon ordinateur pour lui demander mais elle me dit que non. J’en concluais alors
que ça devait être une erreur ou bien si ce n’est pas le cas la personne finira par rappeler. Ma
sœur n’était pas de mon avis, pour elle ça devait sans aucun doute être le Prince. Cela se
tenait. Alors j’ai regardé l’heure du message qu’il m’avait envoyé, une demi-heure avant que
je sorte de cours. Puis j’ai regardé l’heure à laquelle je l’ai appelé, à peu près à quinze heures
et trente minutes. Mais je n’avais pas vu le message avant que je ne l’appelle. Peut-être avait-
il cru que je voulais lui parler, toutefois je ne pensais pas que c’était lui, ça ne lui ressemble
pas de rappeler. Bien que je ne l’ai jamais appelé ça ne lui ressemblais pas. Je laissais cette
affaire sur le doute, ma sœur également.
Bien que la situation ne fût pas favorable, bien que j’aie aimé m’expliquer avec ce Prince des
Excuses, je dois avouer que tous cela arrangèrent mes rapports avec cette sœur. Un bien pour
mal disons-nous parfois, n’est-ce pas ?

Le Cercle vicieux...
Je m’abstiendrais par des silences, maintenant devenues ma seule arme devant tant de paroles
cachés. Il y en eut beaucoup durant quelque temps. En passant de la copine qui vous avoue
que vous avez tendance à énerver le seul qui ne s’emporte jamais, votre Prince. Mais aussi un
dernier texto sur lequel figure l’oubli d’une dispute et l’excuse pour ce prince, le souvenir
douloureux et la perte pour celle qui l’espère.
C’était durant ces vacances de Pacques, elles furent interminables. Passées dans une maison
de campagne, coupée de tout, surtout de la population citadine. Un bon moyen pour moi de
réfléchir à tous, mais également à rien. L’ennui se meurtrissait aux portes de mon cœur,
tellement qu’il m’était quasiment impossible de trouver la juste réponse aux vagues questions
me hantant. Je fis l’effort de m’occuper par quelques promenades, des devoirs également -
n’ayant pas vraiment le choix, sinon je ne devrais m’en prendre qu’à moi-même de rendre des
feuilles vierges à mes professeurs – De retour chez moi je remplis mes poumons de cette
visqueuse pollution dans l’air, caractérisant bien ma banlieue. Rien de très agréable,
seulement le fait de retrouver ma chambre, mon trou à rat, mon nid à bordel, simplement et
j’étais remplie de joie. Allumage, pour ne pas dire décollage de ma fusée, qui n’est autre que
mon très cher ordinateur. Le premier ronronnement de ma machine m’arracha un sourire sur
lequel une phrase se laissait pressentir : « qu’il est bon de retrouver son chez soi ». Je passe en
revue les gens présent sur Internet. Tient mon ex est là, quelle bonne surprise ! Encore une
autre surprise il vient me parler. Que me vaut l’honneur de sa présence ? Il parle un peu de lui,

29
Alice Killy

me demande si je vais bien, je lui réponds que oui et je le laisse parler. Pas de motivations.
Tient donc, il s’excuse. Mais de quoi ? Ah oui cette histoire du fait qu’on était plus ensemble.
Il est affreusement désolé car pendant ces quelques semaines - j’aurais plutôt cru à deux longs
mois, quelle notion du temps disproportionné il a ici – il était en colère, contre quoi ? Je n’en
ai encore aucune idée, il n’a pas osé me le dévoiler. Apparemment je dois accepter ses
excuses. Regardons le bon coté des choses, il est venu s’excuser. Je peux lui donner une
deuxième chance en tant qu’ami, nous verrons par la suite.
Est-ce moi ou tout recommence ? A peine l’ex refait surface avec son semblant de « désolé »
que le poète revient avec ses compliments toujours aussi évocateurs. Il paraîtrait que je serais
« toujours aussi sensuel sur tes photos », là sont ses propres mots. C’est vraiment gentil de sa
part, j’ai du baume au cœur mais une boule dans la gorge. Pas plus tard dans la semaine, c’est
mon reflet qui me redonne de ses nouvelles, une amie l’ayant vu me raconta avec quelle
animosité il parlait de moi et aussi de comment il rougissait quand quelqu’un d’autre que lui
s’avisait de parler de ma personne. Je suis flattée, mais n’est-ce pas un peu exagéré ? Je dois
avouer qu’il est très gentil avec moi, que en tout point nous nous ressemblons, nous nous
retrouvons, complétons. Toutefois je n’arrive pas à le voir plus qu’un très bon ami ou comme
un frère.
Avec tous ces retours de flammes, j’en oublis presque le Prince des Excuses. Ceci est un
mensonge, les jours passent mais n’en demeure pas moins son souvenir. Il est le seul et restera
le seul. On peut m’obliger à me taire, me museler, me bâillonner jusqu’au sang ; toujours
devant mes yeux restera son doux sourire, sur mes lèvres sa joue, dans ma main son bras et
dans mon cœur son regard.
C’est un cercle vicieux cette période de ma vie, tout le monde revient sauf ceux qu’on espère.
Perdu dans le méandre des couloirs peut-être. J’ai besoin de lui, comme j’ai besoin de lui
donner toute ma tendresse, pourquoi sur lui à déferler toute ma colère ? Il m’a tellement
transformé, métamorphoser que je ne me reconnais pas moi-même. Pourquoi je me tais
aujourd’hui ? Pourquoi depuis un mois nous ne nous parlons plus ? Pourquoi on s’était
disputés déjà ? J’en oublis même les causes ... Ce n’est pas moi, je n’ai pas voulu ou du moins
je ne veux pas le laisser maintenant, je ne veux pas le lâcher, j’ai encore trop besoin de sa
présence, de son absence, de ses mots. Pourtant il n’a rien de spécial ce Prince. Il n’est ni trop
beau, ni trop moche. Ni trop intelligent, ni pas assez. Ni gentil, ni même méchant. Il est
véridique autant qu’il est menteur. Timide autant que bavard. Il trouve des excuses à tous
mais ne se désole pas moins. Il est lui et c’est cela qui me suffit. J’ai réussi à trouver ce que
chez aucun autre j’ai pu rencontrer. Il y a une petite chose faisant la différence. Je ne sais pas,
je ne la vois pas, je sais qu’elle est là, je la sens tout près de moi quand il n’est pas loin. Je la
savoure quand nos yeux se rencontrent. Je l’écoute quand j’entends sa voix. C’est cela la
différence, cette main invisible qui me pousse vers lui, parfois me rejette. Je ne comprends
pas très bien, nous nous querellons mais les jours de lycée nous n’existons pas et cette chose,
cette chose invisible arrange tous.
Alors pourquoi je me tais ? Je recommence encore et encore à me dérober, comme si c’était la
solution ultime à ce dilemme. L’ais-je au moins choisi ? On m’a quelque peu forcé la main,
autour de moi on a de cesse de me répéter qu’il n’en a rien à faire, qu’il ne me vaut pas, que je
devrais tourner la page. Je n’ai pas le courage de leurs répondre. Je me plie avec un minimum
de volonté, je m’oblige en me répétant qu’ils ont raisons et que tout ira mieux. Tout ne va pas
mieux depuis que le silence s’encre dans ma chair je ne deviens que plus anxieuse. Il me
manque quelque chose, seulement plus j’essaie de le retrouver plus je me fais disputer comme
une enfant. Ses amis réitèrent les mêmes excuses pour me culpabiliser et me forcer à admettre
que je dois rester aussi muette qu’une feuille de papier. Alors je continue à me taire, il n’y a
que mes yeux encore qui apprécient son visage. Puis ils s’attristent quand la silhouette se
dérobe dans le couloir. Et retiennent leurs larmes quand d’autres yeux, les siens, s’arrêtent sur

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Alice Killy

eux quelques instants. Que peuvent-ils bien vouloir se dire tous ces regards ? Quand la parole
est interdite, les lourdes tendresses se diffusent sur lui grâce à mes yeux. Mais je souffre de ne
pouvoir parler, tellement que mes yeux ne peuvent plus remarquer les siens, à en souhaiter de
devenir aveugle pour ne plus sentir le poids de mon mutisme.

Le mensonge d’indépendance
Aussi bavarde que je puisse l’être, je ne le restai pas longtemps. La peur du temps me rongeait
l’esprit, il ne me resterait plus d’instants si aujourd’hui j’attendais de parler. Elle coule cette
rivière, sans m’attendre, elle court encore. Sans m’attendre je la vois partir au loin avec les
souvenirs, les bons comme les mauvais, accompagnés par les occasions manquées. Les reflets
de l’eau renvoient tout ces espoirs mais disparaissent dans le flot, ils appartiennent au passé.
Et ses illusions toute fraîches me dévoilant ce semblant de liberté. Me délaissant donc de cette
eau, je me vois divaguer, chercher encore des raisons quand il n’y en a aucune. Cela faisait un
mois tout juste que je n’adressais plus la parole au Prince. Et l’envie furieuse de recommencer
nos conversations me démangeait plus que les autres fois. A cela s’ajoutait la culpabilité, la
peur d’être rejetée, oui j’avais peur car il l’avait bien dit. Il l’avait dit que j’avais tendance à
l’énerver. Comme je me rappelle de ces quelques mots tapés sur l’ordinateur que le cœur se
cogne encore contre ma poitrine. Inconsciemment une larme coule, une de plus. Tout devient
si répétitif, je ne change pas. Je suis toujours cette fille en sucre. Je suis encore cette
demoiselle qui pensait pouvoir changer et pourtant le tout recommence comme avant. Je parle
puis je me tais. Je discute mais je passe sous silence pendant quelques temps. Encore et
encore. L’illusion de la liberté devant les yeux, le Prince peut donc faire de moi tous ce qu’il
veut, je suis une poupée dans ses mains expertes rien de plus. Pendant ce mois, je souhaitais
oublier, recommencer, vivre, rire et être une adolescence qui ne se prend pas vraiment la tête
pour ce genre de bêtises. Quelle déception de remarquer par mes propres gestes que je
retombe dans ces doigts habiles.
Il a fallu d’un jour pour que je reprenne contact. Quand ce jour arriva, le Prince fut si gentil, il
parla comme jamais, si adorable, que les illusions ont refait surface. Voila mon indépendance
disparut. Néanmoins par cela je pus voir que l’indépendance n’a jamais été là. Bien que
j’essaye de paraître libre je ne l’étais pas. Et quand je lui adressai ce « bonjour » après un
mois de silence les chaînes, qui étaient à mes poignets, se refermèrent encore un peu plus. La
clé était pendue à son cou et je ne pouvais donc pas l’atteindre. Tout n’était que perdu, même
si je suis pessimiste je ne trouve pas la solution. C’est une prison dorée où je ne veux ni sortir,
ni rester. Puis un souvenir très proche, que je n’ai pas encore mentionné, me revient à l’esprit.
Je crois que c’était un jeudi midi, ou peut-être un vendredi, je ne sais plus très bien. Ce jour-
là, alors que je mangeais tranquillement avec quelques amies tout en discutant, je sentis qu’on
m’observait. Cette sensation d’un regard posé sur vous presque indéfinissable. Vous ne
pouvez dire comment vous vous sentez observez, vous le savez seulement. Cette sensation me
poussa à lever la tête et à chercher les yeux de mon observateur. D’abord je ne vis rien, puis
mon amie en face de moi me parla et là je fus frappé de plein fouet par ce regard qui m’était
très familier. Deux yeux bleus fixés sur moi au fond de la salle. Sur l’instant je me sentis mal
à l’aise, je baissai la tête je cherchais à m’évader, mais où ? Alors j’essayai de me changer les
idées en discutant avec mes amies. Elles le voyaient que quelque chose n’allaient pas. Je
levais la tête une nouvelle fois, il me fixait toujours, les mains croisées sur son menton
comme s’il réfléchissait. Mais pourquoi me fixe-t-il à ce point ? Peut-être mon esprit me
jouait des tours, c’est sûrement cela. Je devais rêver, c’est probablement cela comme il y a
longtemps que nous ne nous étions pas parlé sans doute qu’il me manquait tellement que je
divaguais. Oui, certainement... Puis le souvenir repartit au fin fond de ma mémoire bien qu’il
fût d’un passé récent. Ce passage me rappela que j’avais beau faire la jeune fille libre je ne

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Alice Killy

l’étais pas. En fait, je suis autant menteuse que lui. Mais je m’inventais de gros mensonge
juste pour moi.

Lassitude ?
Je me suis toujours demandé si tout ce que faisait le Prince des Excuses avait un sens. Jusqu’à
maintenant je n’ai pas eu de réponse. Si aujourd’hui pour lui, partir sans dire au revoir a un
sens, pour moi il reflète son ennui. Jusqu’à maintenant je ne me lassais jamais de tous ce qui
pouvait arriver. Certes, le fait que tout recommence m’énerve au plus haut point, toutefois je
ne m’en lasse pas. Non pas que ceci me fasse plaisir, je n’arrive seulement pas à m’en
détacher. Il y a de cela pas très longtemps je disais à une amie que j’étais perdue par ma
passion. Je n’arrivais pas à m’ennuyer de lui, la simple idée que je puisse m’en défaire ne
m’apparaissait pas. Et je lui répétais à cette amie : « tu sais, quand ils nous arrivaient de nous
quereller et que nous nous reparlions tout de même ensuite, c’était comme une renaissance.
Comme si je revivais le premier jour. Toujours cette impression de l’aimer d’un amour neuf à
chaque fois. Je n’obtiens pas cette déception permanente, je change trop pour revenir et
retomber entre ces bras qui ne seront jamais miens. ». Trop souvent cette impression revient.
Comme une petite fille je l’aime d’un amour nouveau à chaque instant. Comme un sucre, le
Prince doit savourer chaque moment où je l’espère plus que quiconque au monde. Oui, une
petite fille en sucre, je fonds d’une passion renaissante à chaque nouveau différend entre nous.
Une soirée, une discussion encore trop silencieuse de son coté et un départ si muet que je n’en
ai pas entendu le tintement. Encore parti sans un signe, pareil à si j’avais été un fantôme. Je
n’existe pas, ou du moins je n’existe plus. C’est à ce moment là précisément que le retour en
arrière se fait le plus sentir qu’auparavant. Faut-il que je fasse silence une fois encore pour
ressentir sur moi cette attention qu’il avait dénié me donner quelque mois avant. C’est trop
simple.
Pourquoi ne suis-je pas lassée ? Pourquoi faut-il que je sois traînée de bout en bout comme un
boulet pour les beaux yeux de monsieur ? S’il existe un dieu, peut-il m’offrir cette fatigue que
je demande tant, juste assez pour me détacher de ce Prince des excuses. Pourtant j’ai
beaucoup de faciliter à m’agacer de mon ancien petit copain. Revenu récemment, mais ne
parle que de ses jeux vidéo qu’il en devient ennuyeux et nos conversations téléphoniques sont
devenues si creuses qu’elles disparaissent elles aussi. Mon poète reprend son fil avec moi
qu’il en devient écrivain. Les poèmes, cela ne lui réussit plus qu’il s’est mis aux nouvelles.
Elles sont intéressantes, je dirais même que je ressens une certaine impatience à savoir leurs
suites. Toutefois l’engouement du début a disparue, je ne rigole plus autant qu’avant avec lui,
c’est cela l’ennui. Mon reflet a disparu, je n’ai plus aucune nouvelle. D’après l’amie qui nous
avait rapproché, ils se sentent en confiance maintenant tous les deux mais elle m’avoue qu’il
avait eu un petit penchant pour moi. J’aurais aimé en penser de même, néanmoins je n’ai
qu’un seul cœur et bien qu’il appartienne à un « connard » comme mon amie ose le nommer
ainsi, je ne peux le partager en deux même si je l’aurais voulu de toute mon âme. Un seul ne
m’ennuie pas, l’unique auquel j’aurais souhaité trouvé la fatigue : le Prince des excuses. Car
chaque jour qui nous est offert je profite de son image, de ses paroles lointaines et j’espère
durement une lumière affaiblie par les mensonges et le temps. Lassitude, pointeras-tu un jour
le bout de ton nez ou suis-je arrivée au sommet de mes sentiments ? Que la chute se fera
haute. L’atterrissage, dur.

Mes mensonges
Ce que j’escomptais tant, l’indifférence, devient le couteau de mon assassin. Je n’aurais
jamais du la souhaiter si fort. Espérer cette arme plus forte que toutes autres finit par me

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Alice Killy

détruire. Non pas l’espérance, mais l’arme. Les jours avancent et j’ai le désir de ne pas cesser
l’aimer. Seulement toujours sur ma bouche le besoin d’arrêter. Cela devient une obligation,
elle l’était déjà avant n’est-ce pas ? Mais pas par moi ... Mon entourage me le conseillait très
fortement, j’écoutais, j’essayais mais je craquais trop vite et trop facilement. Vous voyez là,
devant mon écran, sur mon clavier mes doigts se fragilisent. Au fur et à mesure que j’essais
d’écrire je perds tous mes moyens. Ce n’est pas que je le veuille mais les larmes coulent
toutes seules. Je sens comme un poids. Cela est presque rien, je l’aime beaucoup c’est tout.
L’assumer devant lui est trop dur. L’oublier également. J’aimerais qu’il sache aujourd’hui que
tous ces mots que je tape lui sont destinés. Peut-être un jour car le courage me manque
énormément. Me dévoiler est trop dur pourtant j’ai essayé à maintes reprises. Je finis toujours
par renoncer et à continuer à me mentir. A lui aussi. Je suis plus menteuse que j’ai cru qu’il
l’a été avec moi je l’avoue. Tous ces jours où il me demandait si j’allais bien et que je
répondais « oui » je mentais. J’aurais pu dire qu’il me manquait énormément. Que le simple
fait de mettre un pied en dehors du lycée quand il y est encore me refroidit entièrement. Mais
aussi que je m’inquiète pour lui à chaque contrôle, chaque épreuve et toutes les occasions où
je ne le vois pas arriver. Je veux me sentir près de lui quand il me raconte ses petites histoires.
Je souhaite le rassurer quand il devient trop réaliste. Je désire tant le faire vivre dans mon
monde d’utopie quand lui s’attache trop à la réalité. Je suis donc une grande menteuse et j’ose
l’accuser de ce rôle. Un mot revient toujours à mon esprit à ce moment-là : « pathétique ».
Que je suis pathétique de m’inquiéter du seul qui ne s’en préoccupe pas. Je suis pathétique de
vouloir son bien à chaque instant. Je me trouve pathétique. Pauvre petite fille pathétique en
sucre.
Une amie arrive et vous dit : « je ne te trouve pas pathétique ». Vous lui demandez pourquoi,
elle vous répond : « une personne qui s’inquiète pour une autre n’est pas pathétique. Au
contraire, cela est une belle preuve d’amour. ». Mais pathétique car l’être aimée n’en a rien à
« foutre » ... J’aurais beau tous faire, le plus gros mensonge que je me suis créée était que tout
était de ma faute. J’y crois encore aujourd’hui seulement il n’y a personne autour pour me
croire.
Où sont passés tous ces jours ? Je regrette tous ce que j’ai fait, de bien ou de mal. Toutes mes
pensées, tous mes désirs et toutes mes paroles, je regrette. Je lui ai fait tant de mal, j’ai été
méchante, agressive et colérique. Je l’ai traité de menteur, d’imbécile et de plein d’autres
choses encore. Toujours des mensonges, des deux cotés. « Tu vois mon Prince des Excuses,
nous sommes égaux maintenant. » Je regrette le temps où nous étions encore faiblement
complices, assez pour se dire quelques plaisanteries. Ce temps je ne l’aperçois plus, mais où
sommes-nous arriver ? Ils me manquent ces moments, ces instants. Il y en a eu des rares, des
exceptionnels, des inoubliables que ce Prince a sans doute oublié depuis. Je n’ai rien oublié,
j’ai tous précieusement conservé. Même un tout petit pétale de rose. Elle a un an maintenant,
elle est séchée dans ma boîte et dès que je la voie de nombreux souvenirs remontent à la
surface. De si bons souvenirs... Pourquoi je lui mens ? Pourquoi je ne lui avoue pas ma
faiblesse ? Alors que j’ai besoin de l’entendre même pour écouter de moindres sarcasmes ou
des remarques indifférentes. Je l’écouterai durement probablement, mais je l’écouterais, j’en
ai besoin. C’est une punition et il me la faut...
Et il repart, « bonne soirée » me renvoie-t-il, on va essayer. Alors pourquoi inconsciemment
un petit sanglot pointe à ma paupière. Il est parti. C’était comme s’il partait pour toujours,
c’est ridicule. « Mais Morgane arrête de mentir, tu ne sais faire que cela ! » Toutefois ce rêve
qui se métamorphose en cauchemars me pousse à dire des sornettes. C’est plus fort que moi.
Ces derniers temps il ne se passent plus rien. Le Prince s’en va, je le sens et je le vois. Je ne
veux pas et je voile ce semblant de vérité. Je n’en ai pas besoin et pourtant si. « Arrête de
mentir Morgane et va lui dire. » Seulement peut-être que le Prince a raison quand il dit qu’il
n’y a plus rien à expliquer. Seul le silence le pousse et moi ? Mensonge encore, ne me

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Alice Killy

poursuit pas Mensonge ... Mon esprit tourmenté par si peu de chose. Que sera la vie si un
élément comme celui-ci me bouleverse ?

Confiance et préoccupations...
De la joie naît un dimanche, si gaie, si heureux ce dimanche. Le lundi procéda de cette
manière, ainsi que le mardi. Mais mardi soir, non, la joie n’était pas là quand les amies
appellent et vous transmettent leurs tristesses. On ne peut que s’attendrir.
Je pleure, c’est tout... Le Prince n’y était pour rien cette fois. D’ailleurs il était en grande
partie la cause de ma joie. C’est seulement un de ses amis. Je ne me prenais plus la tête depuis
quelques jours. « En quelques minutes tu a réussi à m’énerver, tu es trop maladroite ! », c’est
ce qu’il a dit. J’ai vite fait le rapprochement. Après tout c’est le meilleur ami du Prince, j’étais
perdue. Je tiens trop à lui pour le laisser partir à cause de ses amis. Je préfère pleurer, pleurer
tout ce que je contiens plutôt que de devoir le laisser sur une impression. Non, tous mais pas
lui. Pas lui, s’il vous plait, pas lui.
Cet ami est très particulier, méchant dans l’âme, au début on croit qu’il ment quand il le dit
mais en fait non il l’est vraiment. Du moins c’est assez étrange, il ne l’est peut-être pas mais
l’effet qu’il a sur le prince est assez déroutant. « Tu t’en prend a lui c’est comme si tu t’en
prenais à moi. », ce sont ses propres mots. Je les ai relus tant de fois sur un de ses texto que
maintenant j’ai peur. Et si son ami allait dire que je suis la pire de toutes, ne me parlerait-il
plus ? C’est cela que j’ai peur, cet ami a tant d’emprise sur le Prince que je ne suis qu’une
miette. Je me souviens encore de ce que l’on m’a dit à ce sujet : « s’il avait à faire un choix
entre toi et son ami, tu ne ferais pas le poids... ». Donc j’aurais tous fait pour rien, pour en
arriver à là ? Non je ne me laisserais pas marcher sur les pieds comme cela ! J’y tiens
beaucoup trop pour me laisser faire maintenant.
Ça agit comme un poignard, on ne s’y attend jamais. Pourtant ça allait si bien ces temps
derniers, c’était une ambiance bonne enfant que je ne comprend pas. On avait réussi encore à
rire, je n’avais plus peur de dire tout et n’importe quoi car il était là. J’avais compris pourquoi
je ne devais plus me prendre la tête. Au moins pour lui. Maintenant je comprends pourquoi il
faut que j’arrête, pour les autres. Encore. Il existe des rêves qui persistent, ne s’envolant
jamais, s’accrochant à ma peau comme des sangsues. Derrière il y a la réalité, elle aussi
s’accroche tant bien que mal, et quand vous la délaissez trop dans vos rêveries elle revient
plus forte que jamais sous forme de gifle. Il n’est plus étonnant que je doive partir. Je dois
m’en aller loin, loin, très loin de lui, et ne jamais revenir.
Je n’avais pas eu tort de penser qu’il allait me parler de cette affaire. À peine le lendemain
venu ainsi que le temps que je vienne lui parlé qu’il commence par dire : « je suis un peu
énervé. » De ce fait j’ai cru que c’était de ma faute. Pas du tout. Durant quelques minutes il
n’a jamais autant dit de choses, on voyait derrière ces mots qu’il était contrarié par la chose.
Au début j’en eu peur mais finalement plus tard, après en avoir parlé avec quelques amis, je
remarquais qu’il s’était seulement confier à moi. Peut-être étais-ce seulement une colère
passagère, mais ce fut à moi qu’il répéta : « je suis sûr que tu sais ». Ce petit morceau de
phrase peut paraître insignifiant, pourtant je m’amusais à le décortiquer et à le découvrir.
Chaque mot avait son importance. Il pouvait signifier qu’il était sûr de ma pensée, comme un
devin. Ou bien encore qu’il était convaincu que pour une fois j’avais le même avis que lui.
Dans tous les cas il avait tort. Bien que je ne lui aie pas dit je n’étais pas tout à fait d’accord
avec lui. Je restais de glace devant tant de colère mais surtout de surprise car ce fut la
première fois qu’il osait m’avouer sa colère. Dire qu’il répétait sans cesse qu’il ne s’énervait
jamais. J’en souris encore aujourd’hui.
Pourquoi ma mère ces temps-ci est-elle plus colérique ? Je ne comprends pas, une mère peut-
elle dire de son enfant que c’est un monstre. Peut-elle le comparer à un autre de ses enfants ?

34
Alice Killy

Encore peut-elle prétendre le bonheur de son enfant. Je n’ai rien fait, dans tous les sens de la
phrase. Je me fais crier dessus pour si peu. Crise de l’adolescence et toutefois je ne demande
que la tranquillité. Je me fais crier dessus. Elle insiste encore et encore. J’ai beau pleurer,
demander d’être tranquille et elle continue. Pourquoi ? Une mère se doit d’être une mère.
Réconforter quand il le faut, aider s’il le faut mais enfoncer ... loin de là. Chaque jour se voir
traiter d’hypocrite, de méchante et de monstre. Quoi répondre à cela ? Il ne reste que le besoin
constant de vouloir partir loin de cet endroit. Loin de tous cela. Loin de ses fausses contraintes
et de ses efforts qui ne paient pas. Parfois je me dis que je ne devrais rien essayer. Il y a eu des
tentatives, comme la fête des mères où les cris et la colère ont remplacé les sourires et les
remerciements. Alors que j’avais toujours ce bouquet de roses entre mes mains, je tremblais
un peu et osais un petit « bonne fête maman ». Toutefois je ne pus m’empêcher quand je fus
rentrée dans ma chambre que de fondre en larmes. Je pensais bien faire, je ne croyais pas
qu’elle allait fondre sur moi comme un vautour sur sa proie. Et de suite comparer mon pauvre
petit bouquet de rose aux cadeaux volumineux de mon frère. Est-ce une mère qui ferait cela ?
C’est dans ces moments-là qu’on se pose des questions sur son existence. Mais « mon dieu »
si elle pensait vraiment tout cela, qu’est-ce que je fais ici ? Elle pourra toujours essayer de
dire que la plus malheureuse de nous deux c’est elle, mais alors pour qui je pleure ce soir ?
Comme elle le dit si bien, je reste désespérément une gamine pleurnichant car on vient de
casser sa poupée préférée...

Des jours particuliers


Il fut un jour, il y a de cela un an et la décision fut prise. La décision se devait de dire ce que
je pensais au très cher Prince des Excuses. Ce jour était un mardi, c’était il y a tout juste un
an. Un mardi 31 Mai si je ne me trompe pas. Un an après il y a une chose qui n’a pas changée.
Il y en a d’autres par contre qui ont beaucoup changé. Comme notre comportement.
Maintenant on se parle un peu plus. Bon autant dire qu’on se dispute pas mal aussi. Mais on a
réussi à changer, à être autrement ensembles ou séparés ça dépend des situations. Un an après
je me souviens. Je me suis retrouvé dans la même salle que la dernière heure de cours. Je me
suis retrouvé à la place où il était. Ce jour-là je n’écoutais pas mon professeur réciter sa leçon.
Je divaguais dans mes rêves ou dans un passé. Je revoyais cette journée comme si je m’y
retrouvais. Mais le moment fatidique arrivait, je me souvenais de ma silhouette qui cherchait
dehors encore les mots pour lui dire. Et quand ce fut dit, sur ses lèvres il fit glisser un
« désolé ». Oui je m’en souviens très bien. Puis après, je suis partie, je me suis enfuie. Très
vite je l’ai vu disparaître lui aussi. La suite vous la connaissez, c’est là que tout a commencé.
Toutefois un an après je me demande ce qu’il aurait dit ensuite si j’étais restée. J’eu au moins
le prestige d’être félicitée quelques temps plus tard...
Mais revenons au présent, le passé me donne le tournis. Donc en ce jour d’un an après, rien ne
se passa. Et pourtant longs furent les regards et les pensées cachées. Ainsi que le soir, muets
comme jamais. On se demande bien ce qui se passait de chaque coté de ces écrans. Je laissais
la journée se terminer, rien ne se passa de plus, rien que des silences comme d’habitude...
Puis ce fut la fin des cours, il fallait admettre que cette année avait été riche en émotions. Je
me demande ce que me réservera l’année prochaine. Tout du moins au lieu de parler de futur,
restons un peu dans le présent. Je me souviens de ce dernier jour, nos deux classes avaient fini
à la même heure. Quinze heures de l’après-midi. Ce jour-là il y avait un très beau soleil et
j’avais envisagé avec une amie de profiter de notre après-midi en faisant du roller. Nous
avions invité quelqu’un d’autre pour nous amuser encore un peu plus. Je me rappelle que
j’avais eu peur dans une descente. Je me répétais que j’allais tomber mais au final je me suis
rattrapée à un mur. Par la suite nous avons vu la descente qui nous attendait et nous avons
préféré enlever nos rollers et remettre nos chaussures. Nous devions descendre au terrain de
foot au bord de la Marne où nous y attendaient deux, trois amies. Elles devaient bien

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Alice Killy

s’embêter car au terrain il n’y a que les gars qui jouent. Nous sommes donc descendus
tranquillement, avec notre excellent sens de l’orientation nous nous sommes même trompés
de chemin. Toutefois nous savions qu’il fallait continuer à descendre jusqu’à apercevoir la
Marne, de là nous allions à droite. Nous avons un peu tourné en rond avant de trouver le bon
chemin, néanmoins nous rigolions bien toutes les trois. Quelques blagues étaient racontées,
ainsi que quelques anecdotes. Je me souviens aussi que nous avons longé de magnifiques
jardins, dont un où les roses étaient merveilleuses. J’étais enivrée par leur beauté que je ne pus
m’empêcher d’en voler une. Elle sentait bon, d’un rouge éclatant me rappelant celle du jardin
du Prince... Je l’ai toujours cette rose, séchée dans une boîte d’ailleurs elle porte toujours sur
elle son parfum et sa beauté.
Nous avons continué notre chemin. Au bout de dix bonnes minutes nous étions enfin arrivées
au terrain. Nous avons croisé quelques gars qui allaient se rafraîchir et ils furent surpris de
nous voir. Dans le groupe je pus reconnaître le Prince des Excuses mais je cachais ma surprise
quant à sa présence. Ensuite nous retrouvâmes les filles qui, en effet, s’ennuyaient un peu, et
décidaient de repartir avec nous. Entre-temps nous avons un peu discuté, enfin plutôt elles
discutaient. Moi je regardais dans le vague l’ombre du Prince en caressant légèrement la rose
sur mes lèvres. Puis je la laissais tomber sur mon cou. Je recommençais comme cela pendant
un bon bout de temps et je n’ai jamais su vraiment pourquoi. Après tout c’était le dernier jour
tout était permis. Je savais qu’il allait me manquer pendant ces trois longs mois alors j’en
profitais autant que je le pouvais. Oui, tant que je le pouvais... Puis nous sommes partis en
petit comité et derrière moi je laissais le Prince jouer avec ses amis. J’eus une certaine
rancœur à le laisser, sans lui avoir dit au revoir ni même bonnes vacances. Mais voyons la
réalité en face nous ne nous parlons guère quand il y a du monde autour. Non, nous
n’existions pas à ce moment. Seulement mes regards, quelques désirs cachés sans aucunes
paroles...

Les peurs et la découverte


Comme je l’ai dit précédemment, ce fut le dernier jour de l’année. Cela annonçait deux
choses. La première était mon entrée en terminal, ce qui dans un sens me faisait plaisir mais
dans l’autre ne m’enchantait guère. La deuxième est les révisions pour le baccalauréat, mon
premier véritable examen difficile. Oui, car le brevet n’était pas forcément quelque chose de
difficile quand je le regarde maintenant. Je m’attardais déjà à faire un planning de révisions
pour paraître des plus sérieuses, mais sans grande stupeur je n’arrivais pas à le tenir à la lettre.
Entre le stress et la certitude de tout connaître, mon cœur balançait. Je réussis tout de même à
réviser. Entre-temps les choses se peaufinaient sur un autre sujet. Souvenez-vous l’histoire
des deux amis. Mon amie et celui du Prince des Excuses. Encore ce soir il me fallu prendre
des pinces pour cette histoire. Je dois dire que je ne porte pas du tout dans mon cœur l’ami du
Prince, je l’ai d’ailleurs répété à maintes reprises. Mais mon amie l’aime énormément, je ne
sais pas si c’est de l’amour ou de l’amitié seulement je trouve qu’elle a tendance à lui
pardonner un peu trop facilement. Ce soir-là elle n’accepta pas que je lui dise cela, pour elle
tout allait très bien. Pour elle, elle avait eu raison de lui pardonner. Je crois que je lui fais de la
peine en lui dévoilant un peu ma pensée. Je sais que c’est une fille intelligente, je sais
également qu’elle peut être là quand il faut et quand on a besoin d’elle. C’est quelqu’un
d’exceptionnel, vraiment. Et je n’accepte pas qu’une personne comme l’ami du Prince, lui
crache dessus à ce point. C’est un personnage abject qui joue avec ses sentiments, se moquant
derrière son dos de ses moindres attentions à son égard. Mon amie est très gentille, elle n’est
pas naïve, toutefois je dois avouer que dans cette affaire je ne la comprends pas. Il a pourtant
fait des choses horribles envers elle, elle s’était cependant mise en colère et avait juré qu’elle
ne lui adresserait plus la parole. Pourtant elle l’a fait... Parfois je me revois un peu en elle. Je

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Alice Killy

ne veux pas qu’elle fasse les mêmes erreurs que les miennes, je tiens trop à elle pour qu’elle
se laisse faire à ce point. Je voudrais qu’elle réfléchisse à tout cela, puis vive sa vie en laissant
cette « ordure » dans son coin. Elle n’a pas besoin de lui, pour le peu qu’il fait pour elle il ne
la mérite pas... Et pourtant ce soir-là j’ai cru comprendre qu’elle préférait le croire plutôt que
de m’écouter. Elle partit dans un semblant d’au revoir. Je sentais derrière ses mots que je
l’avais blessé. Je voudrais qu’elle sache que ce n’était pas mon intention, je veux son bonheur
autant que le mien car elle en a tellement fait pour moi. Elle a dévoilé en moi cette facette qui
se cachait depuis trop longtemps. Même si tout devient froid je ferais mon possible pour la
faire sourire car elle le mérite...
Le temps passaient puis revenaient les anciens et les perdus de vues. J’eus la possibilité de
parler à mon poète quelques jours puis plus rien. Il m’avait semblé étrange à ce moment, sa
délicatesse devenait trop gênante que je ne savais plus où me mettre. Enfin, il est parti je ne
sais où, l’affaire est close. Ensuite il y eut mon ancien petit copain, en fait peu à peu il devient
un grand ami, même si parfois il dit certaine chose me choquant un peu. Un soir il fut d’une
tendresse à toute épreuve, je lui pardonna sa maladresse et nous avons continué à nous parler.
D’ailleurs l’année prochaine il rentre dans mon lycée, et nous nous sommes dit que nous
n’allions pas nous quitter. Pour s’amuser bien sur. Quelques temps plus tard je remarquais la
présence de mon reflet, je me pris à un petit jeu sympathique avec lui. Nous parlâmes en
vieux français, très distingué avec des mesdemoiselles par-ci et des messieurs par-là. Je dois
avouer que j’aimais parler avec lui car plus nous trouvions des mots sympathiques à nous
avouer plus nous nous rapprochions. Il faut avouer qu’il n’y a rien d’aussi beau que des
phrases bien tournées. Il y avait tant de métaphores, de figures dans ce que nous disions que je
me croyais dans un rêve éveillé. Une réalité parallèle avec seulement des mots tous cela
ajouté à la nuit. Il était tard, je ne voulais pas dormir et lui ne voulais pas me quitter. J’étais
heureuse, j’étais joyeuse de lire chaque mot qu’il tapait pour moi. La soirée continuait encore
et encore. Même au moment où je tape je me crois encore près de lui à raconter en vers des
journées entre nous... Il me ressemble dans tous ce que nous disons et m’apaise quand je ne
vais pas bien. C’est un être exceptionnel, je ne remercierai jamais assez la personne qui nous a
permis de nous rencontrer. Vraiment cet homme-là c’est une perle, une crème, un tendre à
l’état pur, connaissant vraiment la valeur de chaque mot. S’en servant merveilleusement bien
et me révélant quelques sourires quand je peux lire que pour lui même mes mensonges sont
beau car ils sortent de ma bouche...
Mais il reste quelqu’un, bien sur, je laisse le meilleur pour la fin. Enfin le meilleur c’est très
vite dit, seulement j’ai des choses à dires c’est tout. Le cher Prince des Excuses. Je ne me
lasserai pas de l’appeler de cette sorte. Il porte si bien ce surnom même si maintenant
j’apprends à mieux le connaître. Ami maintenant ? Cela ne m’empêche pas de découvrir
quelques nouvelles facettes de sa personnalité. Je ne sais pas s’il a mûri depuis les deux ans
que l’on se connaît. Probablement que dans sa tête les choses sont différentes toutefois je dois
admettre certaines choses. Ce cher Prince se voile un petit peu voir beaucoup devant les
autres. Il cache ses émotions ou alors montre un quart de ce qu’elles sont. Quand il est en
colère il fait sa zen attitude. Quand il est triste ou déçue il ne montre rien. Quand c’est de la
joie ou du bonheur il le montre à petite dose. Ce n’est pas un excessif seulement ces derniers
temps il a apprit à se dévoiler un peu plus que d’habitude. Je ne sais pas par quel hasard et ce
n’est sans doute pas seulement avec moi, enfin je n’en ai aucune idée. Toutefois il me dit plus
facilement ce qui ne lui plaît pas, ce qui lui arrive, ce qu’il aime et tout ce qui s’en suit.
Parfois aussi il s’inquiète enfin pas vraiment toujours à petite dose. Il donne l’impression que
je veuille m’intéresser à sa vie, me la raconte quand il est de bonne humeur. Quelquefois il me
dit même pourquoi il ne parle pas beaucoup, parce qu’il est contrarié ou qu’il est occupé. Et
comme tout Prince des Excuses se respectant il trouve toujours une excuse à ce qui ne va pas.
Je le taquine sur cela car je sais qu’il se cherche des raisons et il est mignon quand il fait

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Alice Killy

l’enfant. Et maintenant quand je lui dit que j’ai une question à lui poser il ne me dit plus
« non » comme avant. Il me laisse la poser et il répond, s’il le veut bien sur. Il reste un tant soi
peu sincère avec moi et n’essaie pas de m’embrouiller enfin je ne crois pas. Il y a eu des
moments où je me suis dise qu’il n’en faisait rien de moi mais on m’a vite fait changé d’avis
en me répliquant : « il ne te répondrai pas s’il n’en avait rien à faire ». Cela lui était arrivé il y
a de cela quelques semaines, il partait sans dire au revoir. Maintenant il s’excuse quand il doit
s’absenter, cela lui arrive de s’expliquer. Toutefois il n’a pas laissé tomber sa façon de partir.
Peut-être pourriez-vous prendre cela pour de la paranoïa ou alors tout simplement de la
naïveté. J’aime seulement l’idée que tout deux, en cette année, nous avons beaucoup changé...

Une fille en sucre ?


Maintenant se pose à moi la question : suis-je vraiment faite de sucre ? Après tout je pense
que toutes les filles le sont mais à leurs manières. Il y a des sucres doux et parfois même des
sucres amers. Mais qu’est-ce vraiment une fille en sucre ? C’est une fille un peu naïve, selon
son degré elle l’est plus ou moins. Une fille qui découvre ses erreurs, les réitèrent mais les
reconnaît. Elle apprend à connaître son adversaire avant de partir en courant. C’est aussi une
fille pleine d’espoirs et de volontés qui sont les moteurs de la vie. Elle rit comme elle le peut,
pleure à ses émotions qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Car les larmes ne s’assignent ni à
la tristesse ni à la joie, c’est une façon différente de présenter son cœur autrement qu’avec des
mots. Elle vit au jour le jour car une fille en sucre à peur du temps, elle ne veut pas grandir,
elle veut vivre aujourd’hui sans penser à demain. Elle est triste, souvent, selon ses histoires.
Joyeuses près de ses amies parce qu’elle préfère les voir rire autour d’elle plutôt que
préoccuper par ses problèmes. Voila une fille en sucre c’est toutes les filles à la fois. Ce sont
toutes les adolescentes qui lieront ces lignes, car chacune d’elles, peu importe le passage, elles
se retrouveront. La fille en sucre, c’est la fille universelle. Ce n’est pas seulement moi, c’est
toutes ses amoureuses qui attendent des réponses. Ce sont toutes ces solitaires n’en pouvant
plus d’êtres seules. Ces meneuses de bandes riant à gorge déployée et sachant que la vie est
courte et qu’il faut en profiter.
Quoique la fille en sucre que je vous ai parlé ici est devenue au fil du temps un caramel.
Tout le monde change. Et le sucre quand on le tient trop devient caramel, c’est tout aussi
meilleur. Ce sont tous ces personnages qui l’ont transformé en cette gourmandise, toute seule
elle ne serait peut-être rien devenue ...

Deux ans plus tard, les langues ont parlées. Enfin surtout celle du Prince. « J'ai en horreur de
cette fille, elle m'a toujours fait pitié ». Ainsi je ne saurais dire si ce fût par jalousie ou par
vanité, car aujourd'hui je ne suis plus si seule et perdue. Merci à vous.

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