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Ils y mettent toute leur conviction, toutes leurs forces : pour maintenir à flot l’illusion du système, les 

laquais de l’ordre néo­libéral sont même prêts à promettre qu’ils moraliseront le capitalisme. Tout, 
plutôt que d’avouer qu’il ne reste qu’une façon de résoudre cette crise qui risque bien de les emporter : 
taxer les riches, aplanir les inégalités, appauvrir l’oligarchie. S’ils ne le font pas…

Moraliser le capitalisme ?
Non, tuer les riches
Samedi 24 janvier 2009, par JBB

« Fusiller les riches de but en blanc serait de la folie : il faut d’abord les mettre en prison et les affamer  
jusqu’à ce qu’ils aient fait revenir de l’étranger l’argent qu’ils y ont caché… C’est seulement quand ils  
n’auront plus rien que nous les fusillerons. » 
Paul Lafargue

Ils se multiplient.

Et donnent de leurs forces sans compter.

Laquais de l’ordre social, soucieux de cacher la réalité.

Serviteurs des puissances en place, empressés de jeter un voile pudique sur la froide vérité.

Et oligarques privilégiés, désireux de tout faire pour que certaines conclusions évidentes, saines
impulsions, coups de colère bienvenus, ne viennent à l’esprit de ceux qu’ils gouvernent.

Car enfin : si l’immense masse de nos concitoyens ouvrait les yeux, ceux qui sont aux commandes y
perdraient leur trône, ainsi sans doute que leur tête.

Une question de vie ou de mort, donc.

Et cet aveu du président, sonnant comme un juste pressentiment : « Au nom du symbole, les Français  


peuvent renverser le pays. Regardez ce qui se passe en Grèce. (…) Les Français adorent quand je suis avec  
Carla dans le carrosse mais en même temps ils ont guillotiné le roi. »

C’est ainsi que celui qui s’était un temps engagé à « aller chercher la croissance avec les
dents » feint de gauchir son discours, appelant à « moraliser le capitalisme », à le « refonder »,
s’en prenant à ceux qui auraient « trahi l’esprit du capitalisme » et fustigeant « un système amoral  
où la logique des marchés excuse tout, où l’argent va à l’argent ».

Ainsi que le conseiller spécial du président, Henri Guaino, plaide aujourd’hui - en une longue interview
au Figaro - pour une semblable refondation, ne dissimulant même plus ses craintes : « La crise change  
les rapports entre la politique et l’économie. Partout dans le monde, même aux États­Unis ou en Grande­
Bretagne, les gouvernements vont devoir gérer des tensions politiques et sociales très fortes », constate-t-il,
sentant « poindre partout une révolte des classes populaires et des classes moyennes
contre des inégalités de rémunération qui ont atteint des niveaux jamais vus depuis le
XIXe siècle ».
Ainsi que Pascal Lamy, président de l’Organisation mondiale du commerce et chef de file de la
cohorte des enfumeurs ne souhaitant rien tant que perpétuer l’ordre des choses, réclame une
« régulation (...) au niveau mondial », parce que le capitalisme est un « système quand
même très très injuste ».
Ainsi que Jean-Marie Messier, meilleure incarnation de l’ordre néo-libéral et de ses turpitudes, revient
dans la course, pose au « citoyen engagé qui fait profiter de ses expériences » et se pique de
« dessiner les contours du capitalisme de demain, un capitalisme tempéré reposant
sur l’entrepreneur, l’éthique et le bon sens ».
Ou ainsi que le mensuel américain Fortunes, parangon de l’ultra-libéralisme et indécente bible de la
richesse, ose titrer « Le moment est venu d’envoyer Wall Street en prison » [1].

Oui : on rêve…

De ces pâles tentatives pour tout sauver et ne rien changer, mensonges servis par ceux-là mêmes qui
ne modifieront rien au système qu’ils ont toujours servi et qui les a fait, il faut bien sûr ne croire ni la
moindre syllabe ni le plus petit mot.

Tant il n’est qu’un discours réellement crédible aujourd’hui, celui qui s’attaque, de front et sans pitié,
aux inégalités.

C’est heureux, justement : l’effondrement de l’ordre néo-libéral donne un nouvel élan à la pensée
radicale.

Et ceux qui étaient hier taxés avec mépris d’imbéciles marxisants et d’abrutis utopiques retrouvent peu
à peu un public.

Gagnent en audience.

Et propagent leur vision des choses, celle-là même qui donne des cheveux blancs (pour peu qu’ils en
aient encore…) à tous les tenants de l’ordre établi.

Au menu, donc, de salutaires propositions, frappant directement les riches au portefeuille.

Qu’il s’agisse de mettre un sévère frein à leur accumulation de richesses, en instaurant un revenu
maximum admissible.

Ou de prélever une bonne part de leur patrimoine au bénéfice de la collectivité, en faisant peser de
lourdes taxes sur les épaules cossues.

Auteur de Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Hervé Kempf [2] invite ainsi
à mettre en place un revenu maximum admissible :

« Le débat a été lancé aux Pays-Bas par le ministre des Finances, Wouter Bos, qui
voudrait établir un plafond sur les rémunérations des dirigeants de compagnie : ’Non
seulement, elles atteignent un niveau absurdement élevé, a-t-il dit, mais le lien entre
revenu et performance est obscur’. On ranimera également une idée lancée en 1995
par une agence de l’ONU : ponctionner le patrimoine des grandes fortunes. La planète
compte dix millions de millionnaires. Leur fortune totale est estimée à 40 700 milliards
de dollars. Pour atteindre ’les objectifs du millénaire’, visant à réduire la pauvreté et la
faim dans le monde, on estimait en 2005 qu’il faudrait 195 milliards de dollars par an
d’ici à 2015. Un prélèvement de 5 % sur le patrimoine des dix millions de millionnaires
fournirait la somme idoine. »
Une idée déjà (presque) mise en pratique après une autre crise, celle de 1929, par un homme qui avait
autrement de convictions que notre présidentiel meneur de revue :
« En 1942, Roosevelt déclare : ’Aucun citoyen américain ne doit avoir un revenu (après
impôt) supérieur à 25 000 dollars par an’, rappelle le professeur Jean Gadrey sur son blog. C’est
l’équivalent de 315 000 dollars actuels, soit 8,5 fois le revenu disponible médian par
personne (37 000 dollars), lequel vaut environ trois fois les plus bas salaires à temps
plein. On aurait donc, si l’on appliquait aujourd’hui la norme de Roosevelt, un éventail
de revenus de l’ordre de 1 à 25, hors personnes vivant sur la base de petits boulots ou
d’aide sociale. C’est un écart encore énorme, mais c’est peu au regard de l’éventail de
1 à plusieurs milliers qui a cours actuellement. Roosevelt n’a toutefois pas pris une
décision du type ’au-dessus de 25 000 dollars, je prends tout’. Il a mis en place une
fiscalité sur le revenu avec un taux d’imposition de 88 % pour la tranche la plus
élevée, puis 94 % en 1944-45. De 1951 à 1964, la tranche supérieure à 400 000
dollars actuels a été imposée à 91 %, puis autour de 70-75 % jusque 1981. »
Exemple historique cité aussi par l’économiste Thomas Piketty, lequel explique dans une interview
plutôt réjouissante :

« J’en suis venu à penser que la seule solution serait de revenir à des taux marginaux
d’imposition quasi confiscatoires pour les très, très hauts revenus. Imposer des taux
marginaux de 80 %, voire 90 %, sur les rémunérations annuelles de plusieurs millions
d’euros me semble inévitable, incontournable. Cela prendra du temps, mais je pense
qu’on finira par en arriver là. »
C’est cela : il faut frapper les riches au portefeuille.

Les tuer fiscalement.

Massacrer leur patrimoine.

Et égorger leur revenu.

Faute de quoi, c’est pour de vrai qu’ils se feront trucider.

Notes
[1] Cité par Marianne.

[2] Dont vous pouvez retrouver l’interview ICI.

http://www.article11.info/spip/spip.php?article273

Anarchy at the FT !
Irène | 23 janvier 2009 | 14:26
Même l’excellent Steve Muhlberger, un historien – et blogueur – qui en a vu d’autres, n’en revient pas :

Vous savez que la situation est grave…

quand, en Grande­Bretagne, le

FINANCIAL TIMES !!!!(1)

publie un éditorial (signé ici par un certain Philip Stephens) disant :

“Pour le moment, cependant, je ne peux imaginer de programme plus populaire que d’exécuter  
les banquiers et nationaliser les banques. Cela pourrait même permettre à Mr Brown [le Premier  
Ministre britannique] de gagner les prochaines élections. En fait, quand j’y pense, cela pourrait  
être la solution pour nous sortir de ce gâchis.”

Tsk, tsk.

Shocking, my dear. Absolutely shocking.
http://www.irenedelse.com/2009/01/23/anarchy­at­the­ft/#identifier_0_4911

Shoot the bankers, nationalise the banks
By Philip Stephens
Published: January 19 2009 19:40 | Last updated: January 19 2009 19:40

http://www.ft.com/

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