Professional Documents
Culture Documents
SOMMAIRE INTRODUCTION
INTRODUCTION
« Vingt ans après » répondant aux exigences de I’évo-
LA RECHERCHE ET LES MISSIONS DE L’INFIRMIER(E) lution sociale et à des besoins et demandes de santé
GÉNÉRAL(E) plus spécifiques, est édictée une nouvelle loi portant
réforme hospitalière. Cette loi (n” 91-748) du 31 juil-
Le rôle scientifique du D.S.S.I. let 1991 transforme les hôpitaux en < Etablissements
Publics de Santé » et leur impose des obligations et
L’1.C. et la politique du S.S.I.
des missions élargies, la référence à des projets
La recherche en soins infirmiers concertés, une évaluation continue.
CONCLUSION !l
* Directrice de I’Ecole des Cadrer de Midi-Pyrénées, Membre de la
BIBLIOGRAPHIE Délégation a la Recherche Clinique du C.H.U. de Toulouse. ,b i
II
II
Dans cette situation vaste et complexe, une question comme les deux pôles complémentaires à la mission
se pose : comment « le responsable du Service Infir- de I’lnfirmier(e) Général(e) : la gestion et I’administra-
mier » (1) peut-il, tout à la fois, coordonner, d sous tion du Service de Soins Infirmiers. Deux pôles
l’autorité du Chef d’Etablissement », l’organisation et complémentaires car la gestion des soins, qui néces-
la mise en oeuvre de soins infirmiers efficients et de site une approche d’expertise et de créativité, traduit
qualité, et défendre une politique de soins qui parti- cette fonction en un rôle scientifique, cependant que
cipe de la politique d’Etablissement ? Autrement dit, l’administration du Service de Soins Infirmiers révèle
comment le « Directeur du Service de Soins Infir- l’importance du rôle politique de son Directeur, rôle
miers 1) (2) peut-il concilier sa mission scientifique de politique qui peut être compris comme la capacité à
soignant et son rôle de politique au sein d’un Etablis- faire les choix nécessaires pour assurer la compé-
sement de Santé ! tence, l’efficacité, l’avenir et la reconnaissance des
soins et des soignants.
Nous nous trouvons ici dans une double problémati-
que : Au coeur de cette complexité, /‘information. C’est elle
qur permet de « mieux connaître pour mieux choisir
- celle de la compléxité, et diriger ». Encore faut-il la trouver, la comprendre,
l’évaluer, l’utiliser et la diffuser. Encore faut-il vouloir
- et celle de la dualité.
la rechercher. La recherche en Soins Infirmiers permet
Dualité de la mission et complexité des fonctions. de conjuguer l’esprit d’aventure et la rigueur néces-
saires à cette découverte. Elle permet au Directeur du
La dualité inhérente à la mission de I’lnfirmier(e) Gé- Service de Soins Infirmiers de disposer du tryptique
néral(e) se traduit par le paradoxe de la coexistence savoir-vouloir-pouvoir qui peut l’aider à concilier plus
du savoir et du pouvoir, coexistence nécessaire à facilement ses missions, à assumer ses fonctions et à
l’exercice de la Direction du Service de Soins Infir- jouer pleinement son rôle. Toute cette problématique
miers. nous amène à poser cette hypothèse : s’il ne dispose
pas de l’outil performant qu’est la Recherche en Soins
Quant à la complexité de ses fonctions, elle se double Infirmiers, afin de découvrir, analyser et valider les
de la complexité du savoir dont il lui faut disposer informations nécessaires à l’exercice de ses missions,
pour : un Directeur du Service de Soins Infirmiers ne peut, ni
développer totalement, ni mettre en accord, ses fonc-
- créer un Service de Soins structuré, organisé, qui tions scientifique et politique.
puisse générer une transformation profonde de la pen-
sée et de la pratique infirmière ; Avant de tenter de valider cette hypothèse, il est né-
- engager ce service à participer à la mise en oeuvre cessaire de situer le cadre de cette réflexion. D’abord
en décrivant le domaine premier de la recherche,
de la Loi et des grandes orientations de la politique de
c’est-à-dire le domaine scientifique et en posant la
santé ;
question de la scientificité des SoEns. Ensuite, en dé-
- lui permettre, ainsi qu’à ses clients, de. trouver terminant le champ politique de I’lnfirmier(e) Céné-
l’autonomie et la responsabilité qu’il réclame, afin de ml(e) et sa capacité à faire participer le S.S.I. (3) à
participer, en partenaire responsable, à l’évolution du l’évolution des Etablissements de Santé. Enfin, en dé-
Service Public Hospitalier. En un mot, tout le savoir terminant précisément ce qu’est la R.S.I. (4) et en sou-
nécessaire pour développer une politique sanitaire de lignant les enjeux de sa pratique.
qualité globale et créer les conditions d’une nouvelle
dynamique qui permette d’offrir à la société de vérita- Ces références permettront de vérifier l’hypothèse
bles « Etablissements de Santé ». envisagée, mais aussi de déterminer des pistes de
réflexion, afin ‘de mettre en place la R.S.I. et d’en
Ces fonctions, ainsi que l’activité de formation qui les faire un des outils privilégiés de la Direction du
complète et les enrichit, doivent être abordées S.S.I.
(81 MORIN (E.1, Science avec conscience, Fayard, Paris, 1990, (10) Enclyclop&ia Universalis, Opus citatum, p. 555.
p. 21. Il) FOURASTIE (J.), cité par M.C. SOULACNET-BASCOU : « Les
(9) WEBER (M.), Le savant et le politique, V.C.E., Paris, 1959, caractéristiques de l’esprit scientifique n in R.s.~., ni 20, mars 1990,
p. 111. (p. 40.
LT::; ‘X;;i
- II est d’abord de lutter contre les discours appa- Mais la Science a ses limites... Dans une perspective
remment savants, très dangereux, et d’apporter plus sanitaire et guidée par un esprit humaniste, la
d’objectivité aux soins. Le progrès doit comporter une connaissance scientifique, pourtant, « peut servir à or-
part d’autocritique et c’est au Directeur du S.S.I. de la ganiser plutôt qu’à ordonner, communiquer plutôt
susciter. qu’à manipuler, animer plutôt qu’à diriger » (14). Elle
pourrait même se révéler une voie possible pour sortir
- II est, ensuite, de gérer /‘information et le savoir le Service de Soins Infirmiers de ses difficultés
nécessaires aux soins, c’est-à-dire leur apporter une actuelles.
vision plus dynamique du service à rendre. Mais « la
connaissance ne se réduit pas à des informations ; la
connaissance a besoin de structures théoriques pour
[!:I L’hfirmier(e) Général(e) et la politique du S.S.I.
pouvoir donner sens aux informations » (13). Dans ce
but, un(e) Infirmier(e) Général(e) doit aider le S.S.I. à :
construire ses références et faire évoluer ses théo- Dans une société en constante mouvante et en conti-
;ies, nuelle mutation qui soulève de façon permanente des
problèmes de santé, mais aussi d’avenir pour le S.S.I.
maîtriser sa pratique en une démarche scientifique, c o m m e p o u r I’Hôpital, c o m m e n t a f f r o n t e r /a
complexité, le futur et l’incertitude ? Comment faire
autoévaluer ses compétences, vivre une nouvelle réforme hospitalika ? Pour ac-
corriger et améliorer ses prestations en acceptant compagner I’evolution du système de santé, pour vi-
que tout conflit d’idées soit productif. vre la concurrence, pour lutter contre l’épuisement
professionnel, pour aborder l’avenir, un art, celui de
- Il consiste à aider le S.S.I. à se doter d’outils per- /a politique. Quoiqu’en pensent certains, l’avenir
formants, prolongement de la pensée et de la main n’est jamais totalement prédéterminé : il demeure ou-
des soignants. Sans outil spécifique, les soins se résu- vert à plusieurs futurs et doit donc se présenter
ment à l’exécution d’une série d’actes. comme un espace de liberté. L’espace de liberté du
S.S.I., nous l’avons dit, c’est sa professionnalisation et
- II vise, en résumé, à développer /a professionnali- celle-ci repose sur quatre axes :
sation des soignants, c’est-à-dire à leur réserver le
contrôle, à la fois, de la définition des besoins de
- la qualité
leurs clients et de la manière de les satisfaire. Là est la
source de la crédibilité et de la reconnaissance du
- la productivité
S.S.I.
des soins
L’esprit scientifique des soins, dont est garant le Di- - la communication
recteur du S.S.I., n’est donc, ni rigide, ni enfermant, et
il s’agit moins d’accroître, sans cesse, le savoir infir- - l’administration
(12) MORIN CE.), Opur citatum, p, 53. (14) MORIN CE.), s pensées à venir » in Le Nouvel Observateur, 14
(13) MORIN CE.), Opus citatum, p. 92. au 20 décembre 198’3, p. 17.
Quatre axes qui doivent se traduire par un abord
scientifique, par le faire-savoir, par l’esprit d’en- A
treprise et par l’anticipation, ces fonctions partici-
pant elles-mêmes du rôle politique du Directeur du
S.S.I.
(22) SCOTT-WRIGHT VA), « La Recherche, base de l’exercice de Mais il faut encore construire un plan de recherche.
la profession d’infirmière » in Krankenpflege, mai 1975, p. 167.
( 2 3 ) FORMARIER (M.1 et POIRIER-COUTANSAIS (C.), Initiation d
/a R-W., P a r i s , Lamarre-Painat, 1988, p. 2 1 .
( 2 4 ) FORMARIER (M.1 et POIRIER-COUTANSAIS (C.), Opus cita- CL51 ENCYCLOPEDIA UNIVERSALIS, Volume 6 , e M é t h o d o l o g i e u,
tum, p, 2 1 . Edition 1980, p. 370.
Recueillir les informations. du S.S.I. et d’exercer ses rôles scientifique et politi-
que, tout en visant l’excellence, l’innovation et le par-
Les exploiter, les traiter. tenariat. Annie ALTSCHUL, ancienne Doyenne de la
Evaluer les résultats et valider ou infirmer les hypo- Faculté de Soins Infirmiers de l’université d’Edim-
thèses. bourg va plus loin et affirme :
Bien sûr, cette méthodologie nécessite, pour être ap- <t II ne devrait pas y avoir d’infirmière-chercheur qui
pliquée, des outils d’enquête fiables et valides, désor- n’a pas de pratique ni d’infirmière-praticienne ne fai-
mais acquis dans les écoles en soins : les sondages, sant pas de recherche ; tout enseignant en Soins Infir-
les questionnaires, les entretiens, l’observation, tous miers et tout administrateur en Soins Infirmiers devrait
associés à des outils d’analyse bien connus eux-aussi disposer de temps pour faire de la recherche afin
et parfois empruntés à d’autres sciences : l’analyse de d’appuyer son enseignement ou ses décisions admi-
contenu, les échelles d’attitude, les statistiques, les nistratives sur des résultats de recherche... »
grilles de dépendance, etc.
Tous ces outils permettent aux soignants d’aborder
plusieurs types de recherche : DJS DIFFICULTÉS A CONCILIER
- les recherches descriptives, simples mais qui met- LES ROLES SCIENTIFIQUE,ET,POLITIQUE
tent en évidence des relations de causalité, et qui DE L’INFIRMIER(E) GENERAL(E)
vont plus loin que l’enquête ou la description. Elles
sont les plus utilisées dans les soins infirmiers. La
recherche descriptive peut aussi aborder les compa- « Ayez le culte de /‘esprit critique »
raisons qualitative ou quantitative, dans l’espace ou le
temps et permet aisément une analyse sociologique PASTEUR
des soins. La recherche historique procède de la
même démarche mais ici, le lien causal est souligné Afin de vérifier l’hypothèse de l’intérêt que peut avoir
par la notion de continuité. La recherche génétique la R.S.I. dans l’exercice des missions scientifique et
est toujours descriptive, mais centrée sur la genèse politique d’un Directeur du Service de Soins Infir-
des événements, tandis que la dialectique révèle les miers, les méthodes classiques de recherche convien-
contradictions des systèmes, etc. ; nent mal et se révèlent peu pratiques dans le contexte
actuel de la gestion des soins. En effet, peu d’hôpitaux
- /a recherche expérimentale ou quasi-expérimen- français (pour ne pas dire aucun) utilisent systémati-
tale. Peu pratiquée, elle est plus difficile à aborder, re- quement cet axe de développement du service soi-
pose sur le jeu de variables de recherche et repose gnant. Les dysfonctionnements observés dans I’admi-
aussi sur un strict respect des règles éthiques ; nistration des soins ne sont donc pas uniquement
- /a recherche action : l’action est ici le support révélateurs de l’existence d’un esprit et d’une struc-
même de la recherche. Son but premier est de faire turc de recherche au sein du service infirmier. Les
évoluer et d’améliorer la qualité de la pratique soi- problèmes peuvent avoir d’autres causes, souvent dé-
gnante. « La recherche de la maîtrise des savoir-faire, crites ou restant à découvrir et à étudier. Cependant,
l’optimisation des moyens, l’appréhension des situa- l’absence de la R.S.I., pensée comme un des outils du
tions de changement sont exploitables en recherche- Service de Soins, peut avoir des impacts non négli-
action » (26). geables et nous avons donc, pour le démontrer, choisi
d’utiliser une approche philosophique de recherche,
« Tout ne peut être fait en même temps, sans examen l’approche phénoménologique et qualitative.
et étude préalables, éventuellement Sand expérimenta-
tion et, naturellement, sans concertation... » (27). Celle-ci a pour but de faire émerger de nouveaux axes
de réflexion afin de mieux comprendre certains phé-
La R.S.I. est un des outils privilégié de I’lnfirmier(e) nomènes qui peuvent faire progresser la pratique soi-
Général(e) et lui permet, en découvrant, analysant, gnante. Comme l’a décrite MERLEAU-PONTY (28),
validant l’information, de mieux cerner la Direction cette approche s’appuie sur la compréhension globale
d’un phénomène et sur l’ébauche de nouveaux sa-
voirs que l’on peut en tirer. Son but : comprendre les
(26) FORMARIER CM.1 et POIRIER-COUTANSAIS (C.), Opus cita-
tum, p. 34.
- les typer, c’est-à-dire déterminer entr’eux toutes - On note une reconnaissance certaine du corps
les relations existantes ; médical.
- enfin, vérifier la présence de causes explicatives. II - Les établissements disposent d’un Service de Soins
en va également ainsi de toute réflexion qui d’abord Infirmiers, qui, sous l’impulsion d’un(e) seul(e) Infir-
aide à percevoir, puis à comprendre, enfin à expli- mier(e) Général(e), cherche à se structurer mais à qui
quer. s’oppose encore un cloisonnement certain entre les
unités de soins.
Bien sûr, l’outil privilégié de la recherche descriptive
reste /'observation, associée à l’analyse explicative.
- Ces services ont à leur disposition peu d’outils de
Nous avons donc’observé, dans le cadre d’hôpitaux
gestion et d’administration, rarement évalués. La R.S.I.
fréquentés lors de stages ou pendant notre carrière,
n’y est pas pratiquée et peu ou mal connue des soi-
les fonctionnements de leur Service de Soins Infir-
gnants.
miers. L’exercice des missions scientifique et politique
de leurs directeurs sera analysé à la lumière de la
pratique ou de l’absence de pratique de la R.S.I. - On note la présence d’un encadrement essentiel-
Et ceci grâce à une grille de lecture déjà validée lement hiérarchique, aux fonctions imprécises, floues
puisqu’il s’agit de la description des « normes de qua- et parfois mal comprises des intéressées eux-mêmes.
lité pour la pratique des soins infirmiers » qui fait
l’objet du Cuide du Service Infirmier no 12 paru au - On observe enfin des difficultés de recrutement de
personnel soignant qualifié qui touche de plein fouet
le corps infirmier, malgré la présence d’écoles profes-
(29) MERLEAU-PONTY (Ml, Opus citatum, p. 9. sionnelles au sein de ces centres hospitaliers.
Ii!] Absence de recherche et gestion du S.M. En l’absence de recherche sur l’évaluation des soins,
sur les besoins de la clientèle, sur les nouvelles tech-
niques, sur l’évolution des mentalités, en l’absence
d’évaluation de la qualité des soins et même de calcul
Le cadre des valeurs annoncées
des charges de travail, comment envisager des ré-
ponses adaptées à des demandes non formulées ?
On n’observe, dans aucun de ces établissements, la
Comment envisager des perspectives pour le S.S.I. !
connaissance par les soignants d’une politique du
S.S.I. concertée, écrite, diffusée. Les Infirmiers(ères) Comment organiser les moyens nécessaires pour régir
les actions futures ?
Généraux(ales) ne disposent pas ici de la recherche,
anthropologique et sociologique notamment, qui leur
Dans ce cadre, les normes de qualité sont mal étu-
permettrait de connaître la population qui fréquente
diées, rarement divulguées, peu utilisées et la seule
ces hôpitaux, leurs habitudes, leur culture et leurs be-
référence commune se révèle être les textes juridi-
soins de santé. Sans ces données, il leur est donc diffi-
ques. Dans ces conditions, les évaluations qualitatives
cile de conduire le S.S.I. vers une réflexion sur les
des soins sont rares et aucun projet ne voit jour dans
soins pratiqués dans les unités, leurs spécificités, les
un but de réajustement.
concepts qui les sous-tendent et qui pourraient :
- les éclairer, La Recherche et les outils du S.S.I.
- les valider,
On observe, dans ces trois institutions, que classique-
- les orienter, ment, des outils de soins ont été perpétués (cahiers de
- permettre leur évaluation. transmissions, par poste), ou imposés (par mimé-
tisme), mais peu interrogés, rarement évalués et ex-
Ainsi, la politique du S.S.I., couramment entendue ceptionnkllement validés par les soignants :
dans les unités, se traduit souvent par :
- Ainsi, certains soignants pratiquent la « démarche
- « II faut faire comme les autres... » de soins »... sans réel recueil de données de santé.
« Cette démarche scientifique 3 Ah ! oui, ce qu’elles
- « II faut de la polyvalente... »
apprennent à l’école ? ! »...
- « II faut agir suivant le chef de service... » (30)
- Ainsi, le diagnostic infirmier est inconnu des ser-
Sans références qui s’ancreraient dans une recherche vices et ne permet pas de bâtir des,, projets de soins in-
des besoins de la clientèle, il est donc difficile aux Di- dividualisés ou collectifs pour les patients.
recteurs de ces S.S.I. d’affirmer le besoin d’un niveau
de qualité référent et, par là-même, de développer, Sans diagnostic infirmier validé, il est difficile égale-
définir, exiger des normes qualitatives ou quantita- ment pour le Directeur du S.S.I. d’envisager la partici-
tives de soins. Comment, dans ce cas, peuvent-ils bâ- pation des soins au P.M.U. et de faire reconnaître le
tir, avec et pour le S.S.I., un projet de soins ! coût des prestations soignantes...
Comment faire participer le S.S.I. au projet d’établis-
gement ? Comment, sans norme, évaluer la qualité - Ainsi, aucune analyse de contenu n’a permis de
des soins, les argumenter, faire valoir un savoir infir- valider les dossiers de soins utilisés, de connaître leur
mier ? réelle utilité, de vérifier leur intérêt dans le cadre
d’une approche globale des soins : « Normalement, si
les infirmières sont intelligentes, avec des cahiers, ça
Le projet du S.S.I.
suffit. Les malades restent peu maintenant ; le dossier,
Aucun de ces établissements ne dispose d’un projet ça ne vaut, ni le coup, ni la dépense. »
de service ou d’un projet du S.S.I. qui puisse souder - Dans ces conditions, l’évaluation des prestations
un groupe professionnel ou structurer une organisa-
est difficile et l’argumentation de l’organisation des
tion.
soins parfois impossible. Sans recherche évaluative,
sans étude ergonomique ou des conditions de travail,
un(e) Infirmier(e) Général(e) peut rarement exiger une
lutte efficace contre les soins « oubliés », insuffisants
ou contre la confusion et la dispersion des tâches.
NOMBRE D; PERSONNES
SOIGNÉES
ACTES MÉDICAUX
MATIÈRES CONSOMMABLES
+
4 MOYENS
i LES USAGERS
~
ACTES MÉDICO-TECHNIQUES RATIOS
+
+
ÉQUIPEMENTS DE LA PERSONNE
ACCUEIL ACTIVITÉ HOTELIÈRE A LA SORTIE
I
ÉTUDE DE L’ËTAT +
DE SANTÉ
ACTIVITÉ ADMINISTRATIVE
INCIDENCE
INDI”IDUELLE
SOCIALE
ÉCONOMIQUE
n’est pas toujours consulté(e) sur les problèmes de - Sans recherche, le Directeur du S.S.I. peut diffici-
conditions de vie des équipes et des patients à~ I’hôpi- lement évaluer la satisfaction de ses clients ou même
ta1 ; simplement analyser le contenu des appréciations que
laisse les patients. La difficulté d’évaluer ces presta-
qu’il ne peut pas toujours intervenir comme média- tions, donc de les réajuster en corrigeant les erreurs,
teur entre Médecins et Administration ; ne fait pas, sur nos terrains d’étude, des soins, une
discipline scientifique, pleinement reconnue par ses
qu’il ne participe pas systématiquement à la prise clients.
de décision dans les instances où il siège.
- De même, d’autres sciences, médicale, écono-
Ainsi, sans l’aide de la R.S.I., il n’existe également au- mique, sociologique, etc., d’autres services sanitaires
cun plan de formation continue qui définirait des be- reconnaisent parfois mal le S.S.I. comme un parte-
soins et des objectifs pédagogiques pour I’établisse- naire performant. II suffit d’observer, dans ces établis-
ment et les demandes ne sont satisfaites par sements, l’attitude des autres services hospitaliers à
I’Administration qu’au fur et à mesure de leur arrivée, leur égard : les services économiques, techniques, les
jusqu’à épuisement du budget. écoles, les C.H.R., les centres de soins hospitaliers,
etc. qui recherchent peu sa collaboration.
- On ne note également aucun rapport d’activité fait
par le Directeur du S.S.I., faute de données recueil-
lies, analysées pour informer, rendre compte, évaluer,
souligner l’évolution, poser de nouveaux objectifs et Recherche et Pédagogie
faire reconnaître le S.S.I.
- On note encore qu’il n’a pas toujours de pouvoir
de décision dans les domaines qui lui sont propres, La R.S.I. permet enfin la collaboration et le partenariat
ceux de la fonction autonome infirmière. Ainsi, l’or- dans le domaine de l’enseignement. Sans avoir re-
ganisation des soins, les méthodes de travail, I’admi- cours à elle, les trois S.S.I. observés ont des difficultés,
nistration des unités lui échappent parfois et dépen- nous l’avons vu, à prendre en charge la formation
dent généralement du corps médical : « c’est eux qui continue, autre condition de scientificité, d’efficacité
disent ce qu’ils veulent de nous ». « Ils préparent leurs et de reconnaissance des soins.
gens et les imposent. » Mais sans recherche pédagogique, on observe aussi
des difficultés relationnelles avec les écoles hospita-
- On remarque enfin qu’il n’a pas toujours la possi-
lières : ainsi, dans un établissement, aucune I.D.E.
bilité d’entreprendre les études nécessaires pour faire
n’est recrutée à l’école ; dans un autre, les travaux des
évoluer les soins et la profession, pour argumenter
élèves sont vécus comme des agressions envers les
l’obtention de moyens nécessaires, pour prendre les
initiatives concernant le S.S.I. : approche de soins unités et, dans les trois, les relations entre Directeurs
nouvelles, techniques différentes, structures spécifi- du S.S.I. et de l’école réduites à la civilité la plus ré-
glementaire.
ques, conditions de travail améliorées, etc.
Sans échange de projets de service ou pédagogique,
sans interrogation commune sur la pratique des soins,
sans réel tutorat des élèves dans les services, sans
banque de données de soins constamment enrichie,
L’absence de R.S.I. et la reconnaissance du S.S.I. de bibliothéque, de fond documentaire, le S.S.I. re-
nonce à un élément moteur de son évolution, la pé-
dagogie. Sans R.S.I. dans le domaine de l’éducation
La difficile autonomie du S.S.I., que ne sert pas la sanitaire, on peut entendre : « Ça ne manque pas, il y
Recherche, entraîne rarement une reconnaissance a peu de demandes » ou « c’est une perte de temps
complète de ses prestations et de ses membres. Nous pour les patrons... 8.
l’avons vu, la méconnaissance des besoins des pa-
tients entraîne une définition floue du service rendu Nous observons donc, dans le cadre de cette situation
et, par là, un accueil limité et des admissions parfois de services infirmiers ne disposant pas de l’outil
mal gérées ainsi que l’impossibilité d’exercer pleine- qu’est la R.S.I. que l’information nécessaire fait défaut
Objectifs Action
Révélation
du
problème
Recherche Recherche
Ces observations de terrain le montrent, le pouvoir ne par l’application intelligente des textes juridiques,
s’acquiert pas uniquement par l’application de tech- notamment la Loi du 31/07/1991,
niques. II dépend aussi d’attitudes psychologiques : la
par plus de cohérence autour du projet d’établisse-
ment,
(33) Ibid, p. 186.
WI Circulaire du 23 février 1989, relative au renouveau du Ser-
vice Public (1111, Michel ROCARD. (35) Circulaire du 23/02/1~9, opus citatum, IV, 4.
par plus de participation à la vie de l’institution, no- POUR UNE POLITIQUE SCIENTIFIQUE
tamment dans les différentes instances légales et bien- DU SERVICE DE SOINS INFIRMIERS
tôt au travers de la Commission du S.S.I.,
par un travail sanitaire en plus étroite collaboration
« Quand l’éducation scientifique aura produit fous ses
avec le corps médical. effets, /a politique elle-même sera transformée. L’une,
La R.S.I. a sa place au coeur de la mission de I’lnfir- comme /‘autre, deviendra, suivant un mot célèbre, ex-
mie+) Général(e). Elle lui permet de mieux faire : périmentale. »
- découvrir Marcelin BERTHELOT
- mettre en place les moyens de réaliser
Ce que visent les soins c’est avant tout la QUALITÉ de
- évaluer la VIE. C’est là désormais une exigence sociale autant
une prestation de qualité maximale, les soins, par une qu’une nécessité institutionnelle. Et c’est dans cette
équipe pluridisciplinaire et compétente : le Service de perspective que le progrès peut s’affirmer quand il
Soins Infirmiers. rapproche les individus et donne un sens à leurs ac-
tions.
la politique, comme la science, sont véhiculées par
des êtres humains qui ne doivent craindre, ni de se Vouloir le progrès c’est à la fois le but de la science
tromper, ni d’oser. L’erreur est au coeur de l’esprit qui développe l’esprit critique et celui de la politique
scientifique. Pour pouvoir la corriger, il faut d’abord qui vise à faire les choix nécessaires. Mais, en amont
accepter de la voir : de ces volontés, il faut au Service de Soins Infirmiers
et à son Directeur, l’espoir qu’il existe des solutions.
- sans peur, C’est aux soignants de les découvrir pour rendre le
- sans relâche, service qu’ils souhaitent offrir.
- en référence à des valeurs partagées, La Recherche en Soins Infirmiers est un peu la traduc-
- confiant en sa correction, tion de cette espérance, un des moyens d’unifier et de
développer le S.S.I. autour d’un projet d’excellence et
- avec une méthodologie adaptée, celle de la ce projet peut devenir « un puissant levier... » pour
recherche scientifique. diriger le S.S.I. « s’il est compris comme la recherche
permanente et généralisée... du sens de chaque acti-
La R.S.I., comme les recherches en sciences hu-
vité » (36).
maines, constitue une réserve de compétence, de sa-
voirs qu’une entreprise, telle qu’un établissement de Le pouvoir qu’en tireront les soignants est acceptable
santé, doit prendre au sérieux et s’approprier. Elle puisqu’il vise un réel progrès sanitaire et hospitalier.
peut alimenter la motivation et être un des facteurs Mais il est commandé par la faculté qu’aura le S.S.I. à
clefs de l’efficacité de l’épanouissement des individus se remettre en cause et à se positionner comme un
au travail, autant que de progrès sanitaires, sociologi- partenaire performant. Réfléchir à cet avenir du S.S.I.
ques, économiques, technologiques, etc. implique donc de penser la politique des soins qu’il
convient de promouvoir, ensemble.
C’est à tous ces niveaux qu’elle peut aider les soins à
se structurer, en un long mais irréversible processus, Pour être capable d’exercer totalement ce rôle politi-
en un service performant visant l’excellence et le par- que, c’est-à-dire de développer le pouvoir de suggé-
tenariat : rer, d’influencer et de conseiller du S.S.I., I’lnfir-
mier(e) Général(e) doit exiger des soignants une
AUTONOMIE - OBLIGATIONS - RESPONSABILITE pratique scientifique et donc de recherche à toutes les
\ i’ étapes des soins. Le S.S.I. est un immense réseau d’in-
formations. Les rechercher et les valider, c’est mieux
CO\MPÉTENCE -ÉVALUA;ION
approcher les réalités et donc pouvoir choisir. Mais le
risque est inhérent au choix ; pour s’adapter et bien
choisir, il faut « piloter n le S.S.I., c’est-à-dire recher- - Enfin, si toute infirmière doit avoir l’esprit de
cher quelque certitude et donc disposer de données recherche, toutes ne doivent pas devenir chercheur.
fiables. Développer l’esprit scientifique et la R.S.I., Le tableau ci-dessous (37), situant la participation
c’est se permettre de meilleurs choix. des professionnels à la recherche, le précise claire-
ment.
Mais le pouvoir au Directeur du S.S.I. prend aussi sa
source dans l’organisation des soins. La compétence Pour tenter de pallier les difficultés que nous avons
donne, bien sûr, du pouvoir, mais le pouvoir, c’est observées, exercer plus facilement sa mission et
aussi donner la compétence et oser les changements concilier ses fonctions, I’lnfirmier(e) Général(e) peut
nécessaires. La question n’est donc plus de savoir si la développer une stratégie (38) de soins plus scientifi-
R.S.I. est nécessaire, mais de savoir comment : ques et l’aborder simultanément par différents
axes :
- la faire connaître,
- entreprendre un effort de recherche pour baser
- l’implanter, cette stratégie sur la prospective et la planification ;
- l’utiliser, - viser la flexibilité de l’ouverture du S.S.I. ;
pour le bénéfice de tout le S.S.I. et pour faciliter - rechercher un équilibre dynamique entre les soi-
l’exercice de la mission de son Directeur. gnants, les moyens du S.S.I. et la formation ;
Pour cela, le S.S.I. dispose de quelques points forts : - viser une réelle éducation sanitaire pour le SU.
- D’abord, la R.S.I. bénéficie d’une reconnaissance Choisir de faire des soins une science, pour
juridique, affirmée dans le Décret du 17 juillet 1984 mieux agir en leur nom, c’est néanmoins éviter de
comme dans la Loi du 31 juillet 1991 ; faire de la recherche pour faire de la recherche ;
- La structuration d’un S.S.I. entraîne l’émergence (38) STRATÉGIE : processus de dkision par lequel une organisa-
d’un véritable savoir dans lequel peut s’enraciner la tion choisit les demandes qu’elle veut satisfaire et les affres de pro-
recherche. duction qu’elle veut mettre en ceuvre.
4 J L $ 1 J J
7 t t T t t î
Le savoir
ii; Projet de S.S.I.
Les objectifs sont clairs : c’est éveiller l’intelligence
des soins, la capacité à les évaluer, à les apprécier, à
- D’abord, faire connaÎtre /es valeurs du S.S./. : les libérer la créativité, à encourager les intuitions. Pour
discuter, les écrire, les diffuser. cela, les stratégies se multiplieront :
- Puis, envisager une planificat?m : - motiver et mobiliser la hiérarchie, en général ; soi-
gnante, en particulier ;
Analyser les besoins du S.S.I. pour aborder plus
scientifiquement les soins : - impliquer les soignants par des rencontres, des
exemples, l’implication dans des choix de recherches,
- en personnel, etc. ;
- en outils, - les former par le biais de la formation continue ;
(39) SCOTT-WRIGHT CM.), Opus citatum, p. 189. (40) SERIEYX U4.1, Opus citatum, p. 239..
Tous ces pouvoirs, tout ce pouvoir que peut aider à BRAUDEL (F.). - Ecrits sur /‘Histoire, Flammarion,
développer la R.S.I., entraîneront obligatoirement un Paris, 1984, 318 p.
changement culturel important et difficile. Mais
BURY (I.A.). - Education pour /a Santé, De Bloeck-
« qu’est-ce qu’une culture ! Tout à la fois un art, une
Wesmael, Bruxelles, 1988, 240 p.
philosophie, une mathématique, une manière de pen-
ser, toutes réalités jamais valables, jamais compréhen- CARPENITO (L.J.). - Diagnostic Infirmier, M.E.D.S.I.,
sibles en dehors de l’esprit qui les anime » (41). Celle- Paris, 1986, 548 p.
ci, et il en va du rôle de I’lnfirmiene) Général(e) doit
être observée, analysée, soutenue, aidée, protégée car Collectif Recherches Interdisciplinaires. -Les critères
elle affirme l’autonomie du S.S.I. et l’autonomie est de vérité dans /a recherche scientifique, Maloine, Pa-
difficile et fait peur : elle ne s’acquiert jamais sans ris- ris, 1983, 256 p.
COLLIÈRE (M.F.). - Promouvoir /a vie, InterEditions, WEBER (M.). - Le savant et le politique, Union Gé-
Paris, 1982, 392 p. nérale d’Edition, Paris, 1959, 193 p.
SERIEYX (H.). - Le zéro mépris, InterEditions, Paris, LECLERCQ (l3.1. - « Qu’engendrent les structures de
1989,239 p. soins de demain comme exigences pour les infir-
mières ? » in Recherche en Soins Infirmiers, “‘21,
VIDAL CF.). - L’instant créatif, Flammarion, Paris, juin 1990, p. 6 à 15.
1984, 396 p.
LOUBAT (J.R.). - « Remotivation des personnels et
WALTER (B.). - Le savoir infirmier, Lamarre-Poinat, management » in Gestions Hospitalières, n’ 305, avril
Paris, 1988, 280 p. 1991,p.366à370.
STRATÉGIE SCIENTIFIQUE ET PbITIQUE DE L’INFIRMIÈRE GÉNÉRALE
ERRATUM RSI N’ 31 d6c. 92. L’introduction à l’article de Nicole ZLATIEV 4 Les Soins Palliatifs ?J la rencontre
du 2= Type * débutait par ces lignes :
I Lorsque vous voyez quelque chose de diffkent dans le domaine des coutumes, de la nourriture ou des traditions,
ne dites pas “Comme c’est bizarre”. Dites plut& “Comme c’est int&essant” et mettez-vous à en savoir plus D (1).