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Compte-rendu du symposium "Beyond the State – Local Politics in Afghanistan"


Centre pour la Recherche en matière de développement (CDR/ZEF*), Bonn 26-8/2/2009

L’Afghanistan est actuellement plus que jamais dans le focus de la politique internationale. La
croissance de l’insurrection armée contre le gouvernement afghan et les troupes de l’OTAN porte de
plus en plus en avant le fait que l’intervention amorcée depuis 2001 en Afghanistan a oblitéré la
complexité sociale du pays. Effectivement, beaucoup d’activités politiques et économiques se sont
excessivement concentrées sur les espaces urbains, et les stratégies de sécurité et de développement
ont privilégié le versant national. Au contraire, le versant local resta dans l’obscurité. Ainsi, les
structures politiques locales ont fréquemment été considérées comme des anachronismes qui, tôt ou
tard, disparaîtraient. En premier lieu, l’accroissement de la violence, dans les dernières années, a rendu
clair aux yeux de la communauté internationale le fait qu’il fallait accorder une signification
considérable aux structures politiques locales.
Le constat scientifique que les structures politiques locales acquièrent une haute signification
constitua une thématique centrale pour un symposium scientifique qui se déroula du 26 au 28 février
2009 au CDR (/Centre pour la Recherche en matière de développement /ZEF *) de l’université de
Bonn. Contrairement à l’ensemble des conférences orientées vers les recommandations politiques
tenues jusqu’à présent, qui se sont occupées, durant les années passées, des questions afghanes,
l’échange scientifique était cette fois au premier plan lors du symposium "Beyond the State – Local
Politics in Afghanistan". Cette manifestation a rassemblé des scientifiques (hommes et femmes) issus
de différentes disciplines (entre autres géographie, sciences politiques, ethnologie, recherche sur la
résolution des conflits, recherche en matière de développement, linguistique) afin de se pencher sur la
définition de la recherche appliquée à la politique locale. Au total, environ 50 scientifiques ont pris
part au congrès. Le profil des participant-e-s allait des pionniers de la recherche ethnologique en
Afghanistan comme Thomas Barfield, Micheline Centlivres-Demont et Pierre Centlivres, Bernt
Glatzer et Nazif Shahrani à des chercheurs (et chercheuses) qui se consacrent aux situations actuelles
de conflit comme Antonio Giustozzi, Gilles Dorronsoro, Jonathan Goodhand ou Kristian Berg
Harpviken. Le symposium était notamment encouragé par la Fondation germanique pour la recherche
sur la paix (FGP/DSF - Deutsche Stiftung Friedenforschung), la Société pour la coopération technique
(ECT/GTZ - Gesellschaft fûr teknische Zusammenarbeit) et le Ministère des Affaires Étrangères.
En raison de la spécialisation pointue et de l’expérience confirmée, concernant l’Afghanistan,
de la plupart des participants, les débats furent menés à un très haut niveau. Unanime, le point de
départ des discussions formula le consensus que des structures politiques locales sont apparues
historiquement en Afghanistan et qu’elles ont perduré pendant la guerre. Bien que conditionnées par la
dynamique des aléas de la guerre et l’influence de courants transnationaux, la dominance de nouveaux
acteurs (par exemple les Commandants) et de nouvelles formes d’organisation (par exemple la shura),
ainsi que l’intrusion de représentations et de technologies, etc., les structures locales ne se sont
cependant jamais effondrées tout à fait, mais ont plutôt vécu une constante modification. Cet état des
lieux contrecarre l’idée, déjà communément admise dans les cercles s’occupant du développement,
selon laquelle un vide institutionnel ou des situations illégitimes prédominent sur le versant local. A
donc été considérée centrale par le symposium la constatation de la persistance des structures sociales
de nature locale, en dépit du caractère pérenne et épuisant de la guerre. Par là, il devient évident qu’il
ne suffit pas de s’occuper des processus techniques à employer pour la construction de l’État (state-
building) et l’usage d’une autorité centralisée [des pleins pouvoirs de l’État], mais que ce processus
implique les élites locales qui, en fin de compte, entrent dans le jeu du contrôle et de l’accès au
pouvoir [à l’autorité].
Pareillement, il a été mis en lumière lors du symposium que les structures politiques locales en
Afghanistan sont extrêmement diversifiées : ainsi les disparités culturelles et socio-économiques ne
sont-elles pas seulement nombreuses entre les régions mais aussi à l’intérieur d’une même région. La
question qui fut abordée de savoir s’il existait une quelconque "culture de la violence" [Gewaltkultur]
permet d’élucider cette hétérogénéité : ainsi l’empreinte d’une culture de la violence est forte du fait
de structures de pouvoir déterminantes et dépendant de modèles de légitimité qui, à chaque fois, sont

*
Zentrum für Entwicklungsforschung. [Note du traducteur]
*

Dr Dessart—Les Clausonnettes-21 rue de la République-30300 Beaucaire-France-tel.+fax: (0)4 66 81 75 30 / mail :laurent@t-sano-lik.com


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différents, suivant le contexte local.


Les participant-e-s au congrès soulignèrent qu’un changement de perspective scientifique est
nécessaire, qui procède moins de prémisses centrées sur l’État et qui s’aligne sur le versant local.
Précisément dans cette connexion, les phénomènes tels que les Talibans ou l’économie de la drogue
doivent être à leur tour considérés plus en profondeur dans leur remise en contexte local. Il y eut
toutefois une vive controverse autour du sujet des Talibans pour savoir dans quelle mesure ils devaient
être considérés comme un phénomène local ou dépassant le cadre local.
Dans le fil de cette discussion surgit en outre la question de savoir à quel point les catégories
scientifiques employées par la recherche ne sont pas fondamentalement imprégnées d’un entendement
inspiré par l’État et, qui plus est, inclinées vers une simplification excessive. Ainsi des abstractions se
dressent, hiératiques, telles "warlord" (seigneur de guerre), "Kommandant" (Commandant), "rish
safed" (barbe blanche) ou "corruption", sur la pierre de touche de la science, alors qu’elles peuvent
revêtir, selon les points de vue, des significations différentes. Rien que cette discussion éclaira le fait
qu’à l’intérieur de la communauté scientifique, en raison d’angles de vue différents, il était
fréquemment difficile d’atteindre une unité minimale dans la compréhension des structures politiques :
alors qu’ici quelques scientifiques considéraient que, du point de vue du paradigme de l’État, elles
sortaient des structures politiques, d’autres plaidaient au contraire en faveur d’une compréhension de
la politique locale au-delà des abstractions étatiques. D’autres prétendirent à l’inverse qu’il fallait se
concentrer uniquement sur l’exploration de l’analyse du discours. Cette discussion permit de mettre
une fois de plus en lumière combien il est malaisé de débattre au sujet de la formalisation politique au
niveau local - sans examiner immédiatement une appréciation normative.
Un thème central fut, de plus, comment exprimer la forme de l’équilibre entre le centre
étatique et le versant local. Ici commença pour tous une discussion suivie et intensive sur la
signification de l’ethnicité pour la représentation des identités locales et la concentration du pouvoir.
Certain-e-s participant-e-s constatèrent alors que l’inclinaison du pouvoir entre le centre et la
périphérie était fortement influencé par les appartenances ethniques. À l’opposé, d’autres participant-
e-s défendirent la conception selon laquelle les structures réticulaires et clientélistes franchissaient
fréquemment les frontières ethniques. La majorité des participant-e-s, tomba d’accord sur le fait que,
malgré la notabilité des caractéristiques ethniques s’appliquant à soi et aux étrangers dans la vie
quotidienne afghane, chacune en fonction du contexte et de l’état du conflit, différentes identités
jouaient un rôle.
Il reste à déterminer si la politique locale en Afghanistan est indépendante (autonome) et s’il
faut lui attribuer une place éminente, qui devrait trouver son expression dans un outillage analytique
affranchi des perspectives heuristiques de la sphère étatique1. Par surcroît, le cours de la discussion
mit en lumière combien il est difficile d’abandonner les représentations étatiques, normalisées par les
définitions classiques issues de Max Weber, et de s’ouvrir à des concepts alternatifs relatifs à la
légitimité et au gouvernement. En ce qui concerne l’Afghanistan, les disparités locales, lesquelles se
dérobent à la création de catégories étanches, représentent à l’avenir pour le chercheur l’exercice
difficile consistant à vérifier les affirmations communes au moyen de l’enquête de terrain2. Le
symposium a également pris pour sujet, en mettant l’accent principal sur la politique locale, la
connexion entre le versant local et le versant transnational (par exemple dans le narcotrafic, [mené]
par l’insurrection contre le gouvernement afghan et par les mouvements migratoires).
Le fait que la science commence à s’occuper de formaliser la politique locale ne présente pas
un intérêt uniquement pour ceux qui font profession académique de l’Afghanistan et de pays ayant de
faibles structures étatiques, mais c’est aussi éminemment pertinent [d’un point de vue] politique. Les
actes du colloque seront publiés en langue anglaise par Hurst (Londres) en 2010 dans la compilation
"Beyond the State – Local Politics in Afghanistan". Un compte-rendu détaillé de la conférence en
langue anglaise est disponible sur le site Internet de ZEF* (http://www.zef.de/amudarya.0.html).
Octobre 2009 Hafiz Boboyorov, Henrik Poos, Janosch Prinz & Conrad Schetter
[Traduit de l’allemand par Dr Laurent DESSART, tiré de Afghanistan Info N°65-10/2009 :10]

1
Ou du politique. Note du traducteur.
2
Lit. : dans le secteur local. Note du traducteur.
*
Zentrum für Entwicklungsforschung. Note du traducteur.

Dr Dessart—Les Clausonnettes-21 rue de la République-30300 Beaucaire-France-tel.+fax: (0)4 66 81 75 30 / mail :laurent@t-sano-lik.com

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