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Fiche culture générale

La Convention européenne de sauvegarde des droits de


l’homme et des libertés fondamentales est-elle utile ?

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés


fondamentales, a été signée à Rome le 4 novembre 1950 et est entrée en vigueur le 3
septembre 1953. En outre, elle a été complétée par 11 protocoles additionnels et est
considérée comme la réalisation maîtresse du Conseil de l'Europe. La Convention définit les
droits et les libertés que les Etats membres s'engagent à garantir à toute personne relevant de
leur juridiction et instaure un système international de protection incarné par la Cour
européenne des droits de l'homme. Les droits visés sont essentiellement civils et politiques et
visent expressément les particuliers.
La Convention doit être signée par chaque nouvel adhérent à l’Union européenne puis
ratifiée par ce même Etat dans le délai d’un an. La France ne l’a ratifiée que le 3 mai 1974
sous la présidence de George Pompidou.
Mais à quoi sert cette convention devant être signée et ratifiée par les Etats membres
de l’Union européenne, est elle utile ?

Au premier abord, le caractère nécessaire de la Convention européenne de sauvegarde


des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas de doute (I), cependant, en
l’étudiant de manière plus approfondie on peut constater certaines lacunes (II).

I) Le caractère nécessaire de la Convention européenne de sauvegarde


des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’existence de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales est incontestablement nécessaire car elle constitue le seul instrument
international protecteur des droits de l’homme, d’une part (A), et qu’elle peut être considérée
comme le vecteur d’une certaine identité européenne, d’autre part (B).

A) Seul instrument international protecteur des droits de l’homme

En effet, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des


libertés fondamentales est, avec la Convention américaine qui s’en inspire, le seul instrument
international protecteur des droits de l’homme qui organise un contrôle juridictionnel de
l’application des ses dispositions.
Dans un premier temps, la Convention a pour objet la déclaration de droits (1) qu’elle
doit ensuite faire respecter (2).

1) par la reconnaissance de droits

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés


fondamentales vise directement les particuliers en leur conférant des droits. Aucune condition
de nationalité, de résidence, d’état civil ou de capacité de l’individu n’est exigée par la
Convention pour bénéficier des droits qu’elle reconnaît. Ainsi un apatride, un mineur ou un
incapable sont également bénéficiaires des droits reconnus par la Convention.

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La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales se distingue des traités internationaux qui de leur côté créent des droits
subjectifs et réciproques entre les Etats, sujets du droit international
Les droits reconnus par la Convention peuvent être regroupés dans trois domaines : un portant
sur l’intégrité de la personne (ex : droit à la vie, et le droit de ne pas être soumis à la torture),
un autre relatif à la prééminence du droit (ex : le droit à la liberté et la sûreté, le droit à un
procès équitable), et enfin le domaine du pluralisme et de la tolérance (ex : le pluralisme des
idées)
Par cette reconnaissance, elle fixe des normes internationales (obligations et
interdictions) à respecter par les Etats contractants dans leurs rapports avec les individus et
leurs confis en premier lieu le soin d’assurer la jouissance des droits et libertés qu’elle
consacre. Il s’agit de l’application du principe de subsidiarité. Cependant, les Etats membres
disposent d’une certaine marge d’appréciation dans l’application de la Convention.

2) par leurs protections

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés


fondamentales peut être invoquée tant par les particuliers à l’égard d’un Etat membre, que par
un Etat à l’égard d’un autre Etat membre. Ainsi, l’individu ou l’Etat qui se prétend lésé peut
déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette requête est
individuelle et doit être motivée par un intérêt personnel à agir (violation d’un droit) sauf en
cas de requête étatique.
Une fois saisie, la Cour se prononce et déclare la compatibilité ou l’incompatibilité de
la décision ou de la mesure nationale prise par l’Etat. Il s’agit d’un arrêt déclaratoire qui
permet néanmoins de réaliser une union plus étroite entre les membres de l’Union européenne
en ajustant les jurisprudences nationales à la jurisprudence européenne. En effet, afin de ne
pas être montré du doigt par les autres membres de l’Union européenne, l’Etat condamné doit
prendre toutes les mesures propres à mettre fin à la violation constatée et à en effacer les
conséquences, il dispose, pour cela, d’un libre choix dans les moyens utilisés pour parvenir à
ce résultat. La condamnation d’un Etat incite les autres à mettre leur législation en conformité
avec la Convention sous peine de condamnation ou de recours individuels intempestifs. Ainsi,
bien qu’uniquement déclaratoire, les arrêts de la Cour européenne bénéficient néanmoins
d’une certaines efficacité corrective. (Ex : cas de la France, où les arrêts B (1992), Poitrimol
(1993) et Beldjoudi (1992) ont contraint la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat à
abandonner leur jurisprudence respective refusant la modification de l’état civil du
transsexuel).
Enfin, pour une meilleure protection des droits, l’exécution des arrêts rendus par la
Cour européenne des droits de l’homme font l’objet d’un contrôle par le Comité des ministres
du Conseil de l’Europe.

B) Vecteur d’une certaine identité européenne

En vertu de l’article 6 §1 du traité instituant l’Union européenne, l’Etat candidat qui


souhaite intégrer l’Union doit être fondé sur « les principes de liberté, de démocratie, du
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etats de droit ».
Ainsi, le respect des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales constitue une des conditions
d’appartenance à l’Union européenne. De ce fait, tout manquement peut entraîner une
sanction pouvant se traduire par une suspension voire même une exclusion de l’Union
européenne.

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La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales est un acquis communautaire. En effet, l’article 6 § 2 du traité instituant
l’Union européenne dispose « L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont
garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950… ». En outre, le juge communautaire
(CJCE) s’approprie la Convention, par le recours à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme.

II) Les lacunes de la Convention européenne de sauvegarde des droits


de l’homme et des libertés fondamentales.

Ces lacunes se traduisent, d’un coté, par la nécessaire interprétation qui doit être faite
des dispositions de la Convention (A), et de l’autre en ce qui concerne la référence aux droits
qu’elle énonce (B).

A) La nécessaire interprétation des dispositions de la Convention

La Cour européenne des droits de l’homme considère que la Convention européenne


de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est « un instrument
vivant » qui « doit s’interpréter à la lumière d’aujourd’hui » (Arrêt Marckx du 13 juin 1979)
Ainsi, la Cour doit opérer une adaptation constante de la Convention à l’évolution des mœurs
et des mentalités, comme à celles des droits internes des Etats parties.
La Convention doit être mise à jour par la Cour grâce aux « dispositions autonomes » pour
une définition uniforme des engagements étatiques et préserver l’égalité de traitement entre
les Etats contractants (ex : extension singulière du droit au procès équitable qui est limité
selon le texte de la Convention aux « contestations sur les droits et obligations des caractère
civil » et aux accusations en « matière pénale »).
La Cour, par sa jurisprudence florissante, définit le « contenu concret » des droits proclamés.
Ainsi, les droits garantis, ont vu leur contenu largement précisé par la jurisprudence
européenne : leur analyse ne peut se faire qu’au vu de cette lecture prétorienne de la
Convention. Cette dernière reconnaît les droits et c’est à la Cour de déduire les obligations qui
sont à la charge des Etats pour respecter ces droits. D’ailleurs, la Convention le prévoit
expressément dans son article 37 qui dispose que la Cour est compétente pour « toutes les
affaires concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles
additionnels ».
Enfin, il arrive parfois que la Cour soit obligée de combler les vides normatifs de la
Convention (ex : en matière de droit des étrangers en étendant à ces derniers le bénéfice du
droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradant en affirmant que le fait d’expulser
ou d’extrader une personne en sachant qu’elle risque de subir des traitements inhumains
constitue un traitement inhumain).
Ainsi, l’utilité de la Convention n’existe que parce qu’elle dispose d’une juridiction
chargée de faire respecter ses dispositions.

B) La référence aux droits proclamés par la Convention

Dans ce domaine, deux éléments peuvent être relevés, celui de la limitation du recours, d’une
part (1) et celui des risques d’invocation abusive de la Convention, d’autre part (2).

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1. un recours limité

Le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme n’a qu’un caractère


subsidiaire. En effet, cette dernière ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de
recours internes (ex : en France, après être aller en cassation). En outre, le recours devant la
Cour ne peut intervenir que dans un délai de 6 mois à compter de la décision de justice ayant
épuisée les voies de recours.
Enfin, en aucun cas, la Cour peut annuler la décision rendue par une juridiction
nationale, ni formuler des injonctions ou prescrire des mesures correctives à l’égard de l’Etat.
En effet, comme il a déjà été précisé, l’arrêt de la Cour n’a qu’un caractère déclaratoire
(déclaration de la violation ou de la non violation de la Convention).

2. des risques d’invocation abusive

L’organe de contrôle de la Convention a été victime de son succès. En effet, il a été


saisis de si nombreuses affaires qu’il lui est devenu impossible de respecter lui même le délai
raisonnable de l’article 6 §1, dont la Cour se recommandait si souvent pour censurer les Etats
mis en cause devant elle.
En outre, l’existence d’un tel texte bénéficiant d’une reconnaissance supranationale
conduit parfois à son invocation abusive. En effet, les droits proclamés par la Convention
étant énoncés de manière général peuvent trouver application dans quasiment toutes les
situations de la vie. Ainsi, certains individus n’hésitent pas invoquer la violation d’un droit
énoncés par la Convention et même à déposer une requête devant la Cour européenne des
droits de l’homme pour n’importe quel litiges (ex : un requérant condamné pour ne pas avoir
respecté un feu rouge et qui estimait contraire à la dignité humaine et dégradant au sens de
l’article 3 de la Convention de contraindre des êtres humains à obéir aveuglément à ces choses
inanimées que sont les feux de signalisation tricolores).

Conclusion

A l’époque de la signature de la Convention européenne de sauvegarde des droits de


l’homme et des libertés fondamentales, on pouvait légitimement douter de son utilité au
regard de la composition du Conseil de l’Europe à cette date. En effet, les Etats membres
étaient tous des démocraties libérales, au sein desquelles les droits de l’homme n’étaient pas
menacés par les régimes en place. Depuis elle s’est enrichie de protocoles additionnels qui ont
étendu le nombre de droits et des libertés reconnus à toute personne relevant de la juridiction
des Etats signataires. De nos jours, elle permet d’accompagner utilement la « libéralisation »
des Etats d’Europe centrale et orientale affranchis du joug communiste.
Cependant, comme il a pu être constaté, bien que sans nul doute nécessaire, la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a
besoin de l’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme pour voire les droits
qu’elle proclame protégés. De même, il a été observé que, même si de manière générale, les
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont pour objet d’exercer une contrainte
politique sur les Etats condamnés, ils n’en demeurent pas moins dénués de toute force
juridique contraignante. C’est pourquoi, le Traité de Lisbonne signé, le 13 décembre 2007 a
voulu renforcer la protection des droits de l’homme au sein de l’Union européenne en
conférant à la Charte des droits fondamentaux une valeur juridiquement contraignante dés
l’entrée en vigueur du Traité.

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