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LETTRES ARTS SPECTACLES

MUSÉE

LE NOUVEAU VISAGE
DU MOMA
artificiels. Fabuleux itinéraire qui, de Cézanne à Mon-

C
e siècle tant décrié, le voilà splendide et glorifié
dans sa ville, New York, dans sa rue, la 53 e . Le drian, de Picabia à Pollock; fait parcourir un siècle
musée
e d'Art moderne, fermé depuis un an pour d'an Moderne et les milliers d'années-peintures qui cé
depuis un an pour un lifting du troisième millénaire et séparent l'Europe triomphante de l'Amérique conque- ci
de cinquante-cinq millions de dollars, vient de rouvrir rante. Id, rien né sautait distraire. Les murs, en eux-
et joue enfin la concordance des temps. Son architec- mêmes neutres jusqu'à. l'absolu, pe renvoient que les
ture s'est mise à l'unisson des ceuvres qu'il exalte formes, les couleurs et les mouvements de l'art. L'enfi- LE PETIT VOYOU
comme nul autre musée au monde. lade de salles devient un labyrinthe dé l'essentiel. Il ne
Il y avait ici, accumulés depuis 1929; trop de tableaux s'agit plus d'aimer ou de ne pas aimer ce que le regard D'ALGER
(3 500), trop de dessins, gravures,, sculptures, livres et contemple. Le visiteur est plongé dans les oeuvres : le
photos (100 000), trop de visiteurs et... pas assez d'es- miracle, grâce à l'intelligence décorative, est qu'il les ongtemps on a considéré Camus comme un
pace : le Moma (doux prénom pour un musée) étouffait
sous ses modernes trésors. Alors, il a troqué auprès des
promoteurs ses « droits à l'air » jusque-là inexploités
— l'autorisation de construire en hauteur — contre la
reçoit toutes. Il se disloque en Picasso (« les Demoisel-
les . d'Avignon » et soixante-deux autres toiles, une
collection unique au monde). Il se glisse dans les corps
bleus et fluides ,de Matisse. Il se tord dans l'angoisse
L " littérateur. Sartre et Barthes avaient réussi à-le
cataloguer comme une belle âme, un moraliste
susceptible, un piètre penseur: Il a fallu attendre les
années 1980 pour que soit enfin réhabilitée sa lucidité
rénovation de ses bâtiments et une confortable rede- verte* de Van Gogh («-le Vieillard dans couloir politique ; il y a longtemps que cela était chose faite à
vance annuelle. Il a confié à un architecté argentin, d'hdspice », toile peu connue, justifie à elle seule là l'Est.' . •
Cesare Pelli, le soin de dessiner un building résidentiel traversée de l'Atlantique). Il se rafraîchit sous les pau- Le colloqué franco-italien qui s'est tenu à Grosseto'
et de remettre en scène ses propres murs. pières closes d'une « Gitane endormie » par Rousseau. les 24 et 25 mai est exemplaire à bien des égards. Il s'est
Côté rue, le Marna demeure tel qu'en lui-même. Côté Il se désincarne dans le cadre étroit du « Carré blanc sur déroulé dans pile ville de 70 000 habitants.dont le Maire
jardin des sculptures — où les branches des bouleaux blanc » de Malevitch. ; est communiste. La-'salle du conseil municipal était
caressent la pierre et le bronze modelés par Picasso, De ce parcours, qui est' aussi celui d'une histoire de pleine et aucun militent de service n'est venu, rappeler
Rodin ou Lachaise —, une cascade de serres, sur six l'art moderne délibérément reconstituée par William
,
l'orthodoxie. Imagine-t-on Cela en France ? .
étages, projette les gratte-ciel, la lumière, le ciel new- Rubin, directeur de la peintüre et de la* sculpture, on Les participants au colloque ont, abondamment
yorkais dans les vestibules de l'art. C'est cru comme sort exténué. Alors, on rend grâce aux milliers de commenté « l'Homme révolté » et la rupture avec Sar-
une révélation. Seul Monet, peintre des transparences, photographies, aux maquettes de Le Corbusier, à l'hé- tre que ce livre provoqua. Annie Cohen-Solal à bril-
a droit à celles du Moma. licoptère Bell, à la cafetière 'Cima exposés ailleurs lamment montré que l'amitié des deux hoinmes était
Car les autres artistes, tous les autres, sont voués à 'dans le musée de nous ramener au quotidien et an superficielle. L'héritier Sartre traite avec condescen-
l'intimité des salles closes et moquetées, des éclairages -superficiel. ' ELISABETÉI SeHEMLA dance le parvenu Camus, ce « petit voyou d'Alger » —

comme Marx Proudhon, a remarqué un Italien. L'un,


cérébral, veut articuler l'éthique et la politique, quand
l'autre, sensuel et pragmatique, les oppose. Ilios *Van-
nalcalcis à relaté ensuite comment Camus a éclipsé
Sartre dans laTchécoslovaquie d'avant 1968.
L'affirmation culturelle de la gauche démocratique,
« deuxième » ou pas, facilite assurément la réévalua-
tion de Camus citoyen. ,En témoigne la présence à
Grosseto de Paul Thibaud et de Patrick Viveret. Le
direeteur d'« Esprit » a rendu hommage 'à l'analyse
camusienne du Marxisme et du socialisme réel mais
regretté qu'elle nedébouche pas sur une politique plus
élaborée des droits de l'homme. Peur le rédacteur en
Chef d'« Intervention », ses édits aident à penser et à
fonder la démocratie. Ils peuvent empêcher que la
critique du totalitarisme ne débouche sur un cynisme
faisant bon Marché des «humiliés ». Dans le même
sens, Tahar Ben Jelloun a rappelé que Camus avait
.

préconisé l'implantation de la démocratie chez 'les


Atabes.. Son humanisme, a-t-il ajouté, l'aurait fait
réagir contre les atten tels racistes.
Nous n'en avons pas fini avec Camus.
JEAN-YVES'GUÉRIN

LE MUSÉE D'ART MODERNE À NEW YORK Spécialiste de l'oeuvre d'Albert Camus, Jean-Yves Guérin
On sort exténué prendra la parole au cours des « Rencontres internationales
Albert Camus » qui se déroulent jusqu'au 26 juin à Angers.

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N° ISSN : 0029 - 4713 - N° d'impression '11832- Dépôt légal : janvier 1984
Directeur de la publication : Claude Perdriel.
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Copyright 1984 « le Nouvel Observateur »
90 Vendredi 22 juin 1984

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