ier Egead «Frater
REPUBLIQUE FRANCAISE
LE MINISTRE
Paris, le dimanche 30 mars 2014 au matin,
«La crainte de perdre ce que l'on a nous empéche d'atteindre ce que l'on est »
Saint Augustin
Monsieur le Président de la République,
Je m'adresse aujourd'hui A vous comme je l'ai toujours fait, comme je Vai fait
nouveau lors de notre dernier entretien de samedi, avec respect et franchise, sincérité et
loyauté.
Vous m'avez fait "honneur de me charger il y a presque 2 années de la difficile
mission du redressement de l'appareil productif de notre pays, en me confiant le soin en
toutes circonstances de protéger nos intéréts industriels et dassurer Ia renaissance de
Vindustrie frangaise par Vinnovation. Vous avez eu le soin pour me permettre d'accomplir
cette tache de enforcer I'ancien ministére de l'industrie en lui donnant la tutelle enfin
partagée sur ‘Agence des Participations de I'Etat ainsi que sur le Comité Interministériel des
Restructurations Industrielles. Pendant ces deux années de travail j'ai, avec votre appui
précieux, organisé méthodiquement la résistance industrielle face aux’ multiplications de
défaillances d'entreprises en créant les Commissaires au Redressement Productif et
it le Fonds de résistance économique. Cette politique a permis de sauver
jum frangais, 1a pétrochimie frangaise, bientot I'électroménager frangais, un certain
nombre de papeteries menacées en France, et permis l'entrée au capital de I'Etat dans
Peugeot-Citroén en soutenant la relance mondiale de ce fleuron national. Au total, cette
politique aura permis depuis mai 2012 de préserver dans 1343 dossiers supervisés par mes
Equipes, 170 752 emplois sur 194 372 emplois menacés et ce n'est pas 1a la moindre de mes
fiertés.
Avec votre soutien, j'ai pu lancer les 34 plans de la nouvelle France industrielle qui,
en quelques années, vont révolutionner notre pays, inventer de nouveaux produits dans la
course technologique mondiale, créer de nouveaux emplois, implanter de nouvelles usines
grice a une alliance originale entre les entreprises de toutes tailles et le secteur public,
incamé par le retour de I'Etat fort.
Monsieur Frangois HOLLANDE.
Président de la République
Palais de I"Elysée
55, rue du Faubourg Saint Honoré
75008 PARIS
—
MINISTERE DU REDRESSEMENT
PRODUCTIF
138 ue de Bercy - Teléoc 136 - 75572 Paris cedex 12Nous sommes arrivés A un moment oii je crois nécessaire -aprés des élections
municipales qui ont donné la parole aux Francais et qui s'en sont vigoureusement saisis- de
nous interroger en liberté et en conscience sur la force et la pertinence des orientations
décidées pour notre pays.
Je vous ai -déji plusieurs reprises- fait part de ma vision personnelle de la
nécessaire rupture qu'il nous faut accomplir sous votre autorité dans I'intérét & la fois de
notre pays et de l'idéal que nous portons ensemble. Ce changement profond que j'appelle de
mes voeux doit avant tout concemer les grandes orientations économiques prises par notre
pays, qui sont a l'origine de la grave perte de confiance dans leurs chefs que les Frangais
expriment durement.
Jusqu'i présent, face & la multiplication des plans d'austérité en Europe, qui
détruisent les économies européennes, appauvrissent les Frangais et nous privent de la
reprise économique présente partout dans le monde a l'exception notoire de la zone Euro,
nous avons di organiser la résistance & l'effondrement de l'économie par tous les moyens
disponibles. Mais cette politique d’endiguement ne peux pas durer, car le seul probléme &
résoudre d'urgence est celui de savoir si nous sommes capables de sortir de la crise,
retrouver la croissance économique et ne pas bloquer par nos propres décisions de politique
économique la reprise européenne. La croissance est en effet revenue partout dans le monde,
aux Etats Unis, au Japon, dans tous les pays émergents, méme en Grande Bretagne qui n'est
pas dans la zone Euro. Ce retour de la croissance est le fruit de choix de politiques
monétaires et budgétaires originales, innovantes, rejetant l'idéologie monétariste obsolete
qui imprégne les dirigeants relativement incompétents de la Commission Européenne. Le
bilan de ces demiers est désastreux puisque depuis Ia faillite de la banque Lehman Brothers
il y a 6 ans, la zone euro est la seule région dans le monde & ne pas avoir renoué avec la
croissance, & s'enfoncer dans la déflation et connaitre encore dans certains pays membres la
récession. Méme le président de la Bundesbank de Francfort s'en est récemment ouvert et
ému. J’ai done la conviction que la France doit défendre ses intéréts ainsi que ceux de son
peuple par une politique économique innovante et audacieuse. Plutat que de suivre avec
béatitude les erreurs de raisonnement et les recommandations catastrophiques de la
Commission européenne, condamnées unanimement dans le monde, la France doit prendre
Ie leadership d'une politique alternative de relance européenne de la croissance dans la zone
euro. Elle en a les moyens politiques, elle dispose d'alliés et elle en a la force économique.
Est-il permis de rappeler que nous avions promis aux Frangais une réorientation de
1'Evrope qui n'est jamais venue ni dans les discours ni dans les actes ? Non pour la beauté
du geste, mais pour gagner la bataille de la baisse du chdmage, ce que tous les autres pays
au monde a l'exception de I'Europe ont démontré savoir-faire. Notre attachement a l'Union
est historique et politique, mais nous avons le devoir de contribuer a son efficacité
économique et 4 ses résultats qui sont jusqu'a présent depuis la crise de 2008-2009,
calamiteux. Pour gagner la bataille de I’emploi, il n'est pas d'autre choix que de combattre
Yaustérité obsessionnelle de 1a Commission, et imposer avec nos alliés et amis européens
une politique européenne de croissance. C'est le choix intelligent qu'a décidé de faire le
nouveau Président du Conseil italien : il préfére la croissance de l'économie réelle qui fait
travailler les hommes et les femmes, plut6t que les recommandations comptables de
Bruxelles, politiquement incapable de renouer avec la croissance,Cette réorientation de politique économique n'est pas incompatible avec votre
initiative du « pacte de responsabilité ». Tout au contraire, lobjectif de rétablissement de
notre compétitivité, que j’ai toujours défendu, est un impératif catégorique si nous voulons
éviter de voir la France continuer & descendre économiquement Ia pente, ct 4 nos
compatriotes continuer a s'appauvrir. Mais cette politique fondamentale que le rapport de
Monsieur Louis Gallois nous avait permis diinitier est stratégiquement incompatible avec les
recommandations austéritaires de !'Union Européenne, Améliorer la rentabilité de nos
entreprises ne peut pas marcher avec une politique de rétablissement dogmatique des
comptes publics qui asséche le pouvoir d'achat des ménages, dégamit les carnets de
commandes de nos entreprises, et alimente la récession européenne.
En outre, l'expérience de rétablissement des comptes publics dans de nombreux pays
européens montre que pour régler rapidement la dette publique, il est nécessaire de disposer
d'inflation raisonnable et de croissance, Or les dogmes politiques européens austéritaires
conduisent rigoureusement & inverse, a la déflation et la récession, lesquelles empéchent
cette politique de rétablissement des comptes publics davoir le moindre résultat. Crest
malheureusement le chemin que prend notre pays, si les recommandations de la
Commission européenne n’étaient pas vigoureusement combattues : nous subirions alors & la
fois la hausse non interrompue du chémage et l’échec sur les déficits et la dette.
Nous aurions done linconvénient de cumuler le déshonneur de passer pour de
mauvais gestionnaires des comptes publics avec la responsabilité d'avoir fait bondir le
chémage dans des proportions inouies. Peut-on cumuler, par crainte excessive de Bruxelles,
le naufrage économique programmé pour la France et [a tragédie politique de I'élimination
de la gauche de la carte électorale pour ses erreurs de jugement ?
Comme I'a déclaré un grand économiste américain, Prix Nobel d’économie, relayé
par un relatif consensus mondial d'économistes qui critiquent vivement les choix de
politique économique européens : « Aucune économie n'est jamais revenue & la prospérité
avec des mesures d'austérité ». Comme je me suis permis de ie dire au Premier Ministre et &
plusieurs collégues ministres, payer ses dettes -fussent-elles léguées par le Sarkozysme- ne
peut pas étre un projet de société, ni un projet d'avenir pour les Frangais. Il faut donc faire
prendre a la France un nouveau chemin stratégique.
Je vous ai proposé tout au long de ces deux années des décisions différentes de celles
qui ont été réguligrement prises. Ces propositions consistent en un redéploiement des efforts
des Frangais dans une régle juste et équilibrée des trois tiers : un tiers reviendrait au pouvoir
achat des _ménages, un tiers 4 la compétitivité de nos entreprises et un dernier tiers
reviendrait 4 la réduction de nos déficits garantissant ainsi notre sérieux budgétaire. A
plusieurs reprises, jai également plaidé auprés de vous pour une réforme de I’euro d’autant
plus urgente que l'Europe est incapable de profiter la reprise mondiale et que le risque
déflationniste s’accroit. Ces propositions sont non seulement considérées par nombre
déconomistes modérés comme raisonnables, mais elles reflétent surtout ce quont demandé
les Frangais dans leur vote. Vous l'avez compris, au total, elles sont la condition sine qua
non de Iutilité de mon travail au redressement industriel du pays.Comment pourrais-je continuer dans ma mission difficile alors que les efforts que
mon équipe, mon administration et moi-méme accomplissons pour sauver l'industrie et faire
naftre une nouvelle France industrielle sont et seront contredits et découragés sans cesse par
les décisions économiques et fiscales qui épuisent l'économie et les entreprises, décisions
prises jusqu’a présent hors de toute délibération collective et dans le refus obstiné de la
collégialité gouvernementale. Pendant que nous nous battons pour le renouveau industriel et
rallions a cette cause d°autres pays au sein de l'Union Européenne, certains, au sein méme et
souvent au sommet de l'appareil gouvernemental, restent sourds et aveugles & ces graves
problémes.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande instamment de faire
mouvement sur les choix cruciaux de politique économique. Il s‘agit la de renouer avec les
Frangais et de reprendre de l'autorité et des forces pour tenter de retrouver la confiance
perdue en ouvrant grandement la porte & ces changements stratégiques de politique
économique. Ils sont profondément liés notre réussite ainsi qu'au redressement de la
France. J'attends avec espoir que vous vous déclarerez prét a ouvrir vos décisions vers ces
nouveaux horizons qui feront avec moi espérer & nouveau les Francais.
Dans lattente, je vous prie, Monsieur le Président de la République, de croire en
assurance de ma respectueuse et loyale considération.
Toupfonaut ath
Armaud MONTEBDURG