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Invitation à la Coexistence

Episode : 7

Au nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Louange à Allah Seigneur de


l'Univers, et que la Bénédiction et le Salut d’Allah soient accordés à notre maître, le Messager
d’Allah.
Nous commençons aujourd’hui à faire connaissance avec l’Imam Malik ibn Anas. Mais je rappelle
que nous rapportons la biographie des quatre Imams pour suivre leur exemple de coexistence avec
les autres. C’est le principal sujet de notre programme. Nous devons apprendre comment construire
des ponts entre nous et les autres et non des murs, comment savoir leur communiquer notre pensée
avec bienséance et politesse. La divergence des idées enrichit le monde en lui donnant sa diversité
et aide à son développement.

L’Imam Malik, Imam de Dar Al-Hidjra

L’Imam Malik a vécu de 93 H à 185 H. Il a commencé ses séances de Fatwas (avis jurisprudentiels)
à l’âge de dix-sept ans avec la ratification de soixante-dix savants de Médine. Des milliers de gens
venaient l’écouter et prendre son avis et ce, durant 75 ans. Il avait sûrement en lui une qualité
extraordinaire qui a pu attirer tout ce monde pendant une aussi longue période de temps et notre
épisode d’aujourd’hui la révèle. Nous ne raconterons pas sa biographie, nous essayerons
simplement de faire ressortir cette qualité pour essayer de la gagner.

Le Prophète (BP sur lui) avait présagé cette renommée de l’Imam Malik avec ce hadith où il a dit :
“Les gens voyageront très loin à la recherche de la science et ne la trouveront que chez un seul
savant de Médine.” On lui donna le surnom du “Savant de Médine” et celui de l“Imam de Dar Al-
Hidjra”[1] C’est l’un des quatre Imams qui ont fondé le Fiqh musulman (interprétation de la
jurisprudence islamique).

Nous devons savoir que la jurisprudence islamique n’a que deux sources : Le Coran et la Sunna
(Tradition du Prophète (BP sur lui)). Les quatre Imams les ont interprétés et en ont tiré des critères
au moyen desquels nous pouvons juger tout ce qui a eu ou aura lieu jusqu’à la fin de l’Heure.
Chacun d’eux avait son interprétation ou sa règle de mesure et leur vie fut une application pratique
de coexistence et un modèle à suivre pour nous.

L’Imam Malik est né et mort à Médine et ne l’a jamais quittée que pour accomplir le grand ou le
petit pèlerinage à la Mecque. Il donnait ses séances de fiqh dans la mosquée du Prophète (BP sur
lui) entre sa tombe et son minbar (Chaire) à l’endroit appelé Ar-Rawda. Il avait deux genres
d’auditoire, ses élèves en nombre limité, et le grand public qui affluait par milliers et nécessitait une
équipe d’hommes pour le gérer. Ces organisateurs groupaient les gens par nationalité et les faisaient
entrer l’une après l’autre. Parmi les élèves de l’Imam on comptait des savants célèbres comme Ach-
Chafi‘y de l’Iraq, Yehya ibn Yehya et Fattoum, tous les deux d’Andalousie, Ibn Achhab d’Egypte et
beaucoup d’autres. On se demande quelle est la qualité qu’il possédait et qui attirait tous ces gens.
Des califes et des princes venaient assister à ses leçons ainsi qu’un grand nombre d’Imams d’autres
pays.
Les Abbassides avaient pris le califat des Omeyyades dont le dernier des califes, Saqr Qouraïche du
vrai nom de ‘Abdir-Rahmane Ad-Dakhil, s’était réfugié en Europe et y avait fondé une principauté.
Toute personne amie de l’une était considérée ennemie aux yeux de l’autre à part Malik pour qui les
deux avaient beaucoup de considération.

Haroun Ar-Rachid avait envoyé demander à Malik de venir enseigner à ses fils à Bagdad. Malik
pensait que ceux qui voulaient la science devaient aller à sa recherche et non le contraire. Il
s’excusa avec beaucoup de diplomatie et répondit au calife avec ce message : “Ô prince des
croyants, puisse Allah t’honorer toi dont la famille fut la source de cette science qui, honorée,
prodiguera de l’honneur ou, déshonorée, couvrira de déshonneur. Ceux qui veulent la science
doivent aller à sa recherche et non le contraire.” Il a tout d’abord amadoué Haroun en lui rappelant
que cette science provenait de sa famille puisqu’il avait un lien de parenté avec le Prophète (BP sur
lui) ensuite il lui a mentionné l’honneur, lui qui, comme souverain, devait connaître son importance.
L’Imam posa une autre condition à la venue des petits princes à ses leçons. Ils devaient s’asseoir
avec le commun des mortels là où ils trouveraient une place sans considération particulière pour
leur rang. Haroun, un abbasside, accepta d’envoyer ses fils bien qu’il sût que les Omeyyades
fréquentaient Malik.

Haroun arriva lui-même à Médine et envoya dire à Malik de venir le rencontrer puisqu’il était venu
jusqu’à lui. L’Imam répondit : “Ô Prince des croyants, la science ne va pas vers les gens, ils doivent
aller vers elle.” Le prince accepta encore mais demanda à Malik de le recevoir seul. Là encore
Malik répondit : “Ô Prince des croyants, si la science est réservée aux notables à défaut des
humbles, elle ne profitera ni aux uns ni aux autres.” Haroun ne put rien faire d’autre que se résigner.

A l’arrivée de Haroun à la mosquée, l’Imam fit signe à ses élèves de ne pas lui offrir une place au
premier rang mais de le laisser s’asseoir là où le rang se termine. Les gardes de Haroun
s’empressèrent de lui trouver un siège pour ne pas le laisser s’asseoir par terre comme tout le
monde. Malik se tut pendant tout ce temps ensuite commença sa leçon avec le hadith qui dit :
“Allah ne rétribue celui qui pardonne par rien de moins que plus de noblesse et celui qui s’humilie
par rien de moins que plus de dignité.” Il regardait Haroun qui, comprenant le sous-entendu des
paroles, sourit, poussa sa chaise et s’assit à terre.

Que peut-on dire de cette attitude de l’Imam Malik et comment expliquer toute cette attirance des
gens envers lui ? Etait-ce son charisme, son esprit de leader, son intelligence remarquée depuis sa
jeunesse par son maître ? Il devait sûrement y avoir quelque chose de plus. Ach-Chafi‘y disait : “Je
n’ai éprouvé de crainte respectueuse que face à Malik.” Sa‘îd ibn Hind de l’Andalousie disait : “Je
n’ai éprouvé de crainte respectueuse que face à Abdir-Rahman Ad-Dari qui me parut menu après
ma rencontre avec Malik.” L’Imam était également profondément croyant. Il avait pour le Prophète
(BP sur lui) un amour profond qui le faisait pleurer d’émotion à la pensée de se trouver assis à
enseigner, là où le Prophète (BP sur lui) s’asseyait. Il n’a jamais pris de monture à Médine par
respect pour le sol qui a été foulé par lui et n’a jamais récité un hadith sans s’être purifié par des
ablutions et s’être parfumé. Il n’obligeait personne à le faire mais il ressentait une relation spéciale.
Toutes ces caractéristiques le rendaient exceptionnel mais il y avait encore plus.

Le Fiqh de l’Imam Malik


Si l’Imam Malik a réussi à unir tout ce monde autour de lui durant soixante-dix ans sans arrêts, des
gens de trois continents, des rois et des princes, des hommes et des femmes, c’est parce que toutes
ses opinions jurisprudentielles se basaient sur deux principes très simples : “Rechercher l’intérêt des
gens et faciliter pour eux les obligations”. Sa méthode de pensée le faisait se mettre à la place des
autres, ce que nous appelons simplement de la coexistence. Voici sa qualité principale.

Généralement, dans un conflit, pour entreprendre quoique ce soit ou répondre à une question,
chacun de nous commence par voir où se trouve son intérêt ou son désir. Mais celui qui se met à la
place des autres attire plus leur sympathie et leur confiance. Selon les principes de Malik, l’époux
ou l’épouse en désaccord avec le conjoint, le père qui réprouve l’attitude de son fils adolescent ou
son fils qui veut faire un mariage contre son gré, devraient se mettre à la place de l’autre et essayer
de comprendre son point de vue.

Le choix de Malik pour les solutions jurisprudentielles se basait toujours sur ses deux principes
mentionnés plus hauts et exprimés par lui en deux règles : “ La loi jurisprudentielle se trouve là où
est l’intérêt des gens et, à l’origine, toute chose est licite à part les exceptions mentionnées dans le
Coran et la Sunna (tradition du Prophète)”. Il interprétait les versets et les hadiths selon ce principe
avec une profonde conviction. Pour lui le vrai savant est celui qui prouve la licité d’une question au
moyen d’un verset ou d’un hadith, parce que l’illicite est évident dans ces textes. Refusant de
défendre ce qui n’a pas été prohibé d’une façon précise par ces deux sources, il pouvait rechercher
la réponse à une question durant un an.

Parce qu’il désirait l’intérêt et la facilité pour les gens, Malik voyait ces trois versets du Coran d’une
importance primordiale : “ … il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion … “ [2] …Allah
veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous …” [3] " Allah veut vous
alléger (les obligations,) car l'homme a été créé faible. " [4] Tout son fiqh (Jurisprudence) se
base sur ces trois versets.

Si je parle de cette qualité de l’Imam Malik c’est pour vous apprendre à l’imiter à vous mettre à la
place des gens lorsque vous décidez d’une chose ou que vous êtes en conflit avec eux, vous entrerez
facilement dans leurs cœurs. Malik commençait toujours ses leçons par ce hadith : “ Le croyant est
complaisant, tolérant et de bonnes mœurs.” Il se distinguait par cette facilité de son Fiqh.

Un hadith nous raconte une histoire qui a beaucoup marqué l’Imam Malik : “ Un jour, un homme de
peau très claire était venu devant le Prophète (BP sur lui) avec sa femme également claire de peau
et leur fils très brun. Il dit au Prophète (BP sur lui) : “Ô Messager d’Allah (BP sur lui), vois-tu
comment ce petit est brun ?” Le Prophète (BP sur lui) comprit que l’homme doutait de sa femme et
lui demanda : “As-tu des chameaux ?” L’homme répondit : “Oui.” Le Prophète (BP sur lui)
questionna : “De quelle couleur sont-ils ?” --- “Roux avec quelques-uns bruns.” dit l’homme. Le
Prophète lui demanda alors : “Et comment y en a-t-il des bruns parmi eux ?” L’homme dit : “Le
hasard du gène peut-être.” Le Prophète (BP sur lui) dit alors : “Et avec ton fils c’est le hasard du
gène également.” L’Imam Malik a compris de là que le Prophète (BP sur lui) nous apprend à avoir
toujours le bénéfice du doute et que, en matière de couples mariés, il faut éviter les discordes autant
que possible et ne pas entreprendre de longues inquisitions.

Le Fiqh de l’Imam Malik, c’est la facilité autant que possible. Par exemple, à l’obsédé qui doute
toujours d’avoir accompli la chose et ne cesse de la répéter, il lui dit que s’il ne peut jurer par Allah
qu’il ne l’a pas faite, il ne doit plus la recommencer. C’est l’Imam qui a le plus répondu : “Je ne sais
pas …” Il a raconté qu’il pouvait passer une semaine à chercher la solution la plus facile à la
question d’un homme au point de perdre l’appétit et le sommeil. Tout son Fiqh se fondait sur ce
principe et c’est pourquoi les gens s’empressaient vers lui. Il a réuni tous ses avis jurisprudentiels
dans le premier livre, après le Coran et les hadiths, écrit dans l’histoire musulmane. Il l’a intitulé Al-
Muwatta’, un titre très significatif qui veut dire “Le Nivelé” parce que tous les avis contenus
recherchent l’intérêt des gens et essayent de leur rendre la vie facile. C’était le premier livre qui
réunissait les hadiths et les avis jurisprudentiels dans cet ordre précis pour chaque question : le
hadith, les paroles des Compagnons à ce sujet, celles des Tabi‘îne (seconde génération des
Compagnons), ensuite celles des habitants de Médine et enfin son propre avis. Il a nivelé la route à
Al-Boukhari dans sa méthode d’assembler les hadiths et à Ach-Chafi‘y dans sa méthode
d’assembler les avis jurisprudentiels.

A un homme qui lui demandait ce qui lui faisait le plus plaisir, il répondit : “Rendre les gens
heureux. Le hadith dit : “Celui qui soulage son frère musulman dans le malheur, Allah le soulagera
d’un des malheurs du Jour de la Résurrection.” Et moi je me suis dédié pour soulager les malheurs
des Musulmans.” Il avait un slogan qui disait : “Entre deux solutions, le Messager D’Allah (BP sur
lui) a toujours choisi la plus facile”.

Mes paroles d’aujourd’hui ne sont pas une invitation au laxisme, je présente le Fiqh d’un savant. Si
nous voulons vivre dans l’harmonie, l’union et trouver des liens communs entre nous pour
commencer une renaissance, nous devons suivre son exemple en nous mettons à la place de notre
interlocuteur et en recherchant le bonheur des autres.

Coexistence et éducation

Je voudrais terminer en disant comment Malik en était arrivé là. C’est un exemple à suivre pour les
parents.

Malik a grandi au milieu d’une famille de savants parmi lesquels son père et son grand-père. Il
aimait s’amuser et ne s’intéressait pas aux questions sérieuses. Il passait son temps à jouer avec les
pigeons et à chanter, même ses frères plus jeunes s’intéressaient à la science plus que lui. Ses
parents en étaient désolés et ils décidèrent de le changer. Sans le gronder ou l’humilier, son père
décida de faire chaque vendredi un concours intellectuel. Il voulait attirer l’attention de Malik et lui
faire remarquer à quel point il était en retard. Ses jeunes frères répondaient mieux que lui et son
père ne lui dit rien d’autre que : “Les pigeons t’ont fait négliger la science, Malik.” Voyez comment
un père peut guider son fils en mettant entre eux une aire commune et en pratiquant la coexistence.
Furieux de se voir dépassé, Malik se promit de réussir quelque chose et il s’essaya plus
sérieusement au chant. Sa mère à son tour et de la même façon que le père lui dit : “Ô Malik, le
chanteur, même beau, n’attire pas les gens s’il n’a pas une belle voix.” Elle le décourageait et en
même temps l’amadouait en mentionnant sa beauté. Remarquez la méthode d’éducation de cette
mère qui ne formule pas des ordres à son enfant comme la plupart d’entre nous. Malik demanda à sa
mère : “Alors, quoi faire ?” elle lui répondit : “Je ne vois pas que tu puisses faire beaucoup avec le
chant, mais peut-être que tu as une meilleure chance avec la science.” Il faut remarquer là
également la façon douce et intelligente de la mère de guider son fils sans le forcer. Combien je
souhaite que toutes les mères de nos pays aient cet esprit de coexistence. Malik raconte : “J’ai dormi
cette nuit tout en pensant quoi faire. Au matin, ma mère me présenta un nouvel habit et un couvre-
chef comme celui des savants et me dit : “Vois ce que j’ai acheté pour toi.” Je les portai et me sentis
très fier dans cet attirail. Je me suis pris au sérieux et j’ai demandé : “Où est-ce que je peux trouver
la science ? Ma mère me répondit : “ Va vers Rabî‘a et apprends sa politesse avant sa science.”

Cette façon d’agir de la mère de Ma lik l’a beaucoup impressionné puisque c’est lui qui l’a raconté.
Il a appris d’elle à se mettre à la place des gens et à ne pas leur imposer un avis mais à leur
présenter ce qui est dans leur intérêt.

Je m’adresse aux mères et je leur demande de suivre cet exemple et en même temps aux
occidentaux, puisque ces épisodes sont diffusés chez eux. Je leur dis voyez cet exemple de
coexistence dans notre religion. Ne nous obligez pas à investir votre civilisation et n’essayez pas de
nous faire comprendre que vous seuls savez pratiquer la coexistence. Un savant né en l’an 93 H a
fondé son école de Fiqh sur l’intérêt des gens et la facilité, n’est-ce pas là de la coexistence ?

C’est l’idée de cet épisode : “Se mettre à la place de l’autre, lui faciliter la vie autant que possible et
le traiter avec gentillesse.” Je prie Allah de nous faire bien comprendre ces sens, d’en emplir nos
cœurs et de nous aider à les mettre en pratique pour bien éduquer nos enfant, amorcer une nouvelle
renaissance dans nos pays et sauver les pays dans le malheur comme l’Iraq et les autres.

[1] Dar Al-Hidjra (Foyer de l’immigration) c à d Médine.


[2] AL-HAJJ (LE PELERINAGE) : 78).
[3] Al-Baqara (LA VACHE) : 185).
[4] An-Nisâ' (LES FEMMES) : 28).

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