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Terry Goodkind
Chapitre premier
Chapitre 2
Chapitre 3
— Merci... dit-il.
Il se tut pendant qu'une femme en robe de soie bleue
surchargée de dentelle passait devant eux. Pour ne pas
avoir à lui rendre un sourire mielleux, il baissa ostensi-
blement les yeux.
— Ça remonte à trois semaines, reprit-il.
Incarnation de la compassion, Kahlan l'écouta
raconter une partie de l'histoire.
— Je comprends ton chagrin, Richard, dit-elle
quand il eut fini. Tu préférerais peut-être que je te
laisse...
— Non, j'ai été seul assez longtemps. Avoir quel-
qu'un à qui parler m'est d'un grand réconfort.
Kahlan lui sourit.
Ils recommencèrent à se frayer un chemin dans la
foule.
Mais où était donc Michael ? se demanda Richard.
Pourquoi se cachait-il comme ça ?
Bien qu'il eût perdu son appétit, il n'avait pas oublié
que Kahlan jeûnait depuis deux jours. Avec tous les
mets délicieux proposés aux invités, sa retenue était
admirable. D'autant plus que les odeurs alléchantes
commençaient à faire changer d'avis son propre
estomac !
— Tu as faim ? demanda-t-il.
— Je meurs de faim !
Richard entraîna sa compagne vers une longue table
lestée de merveilles gastronomiques. Des plats fumants
de saucisses et de viande rouge, des pommes de terre
en robe des champs, du poisson fumé et grillé, du pou-
let, de la dinde, des légumes crus coupés en bâtonnets,
de la soupe à l'oignon, au chou, aux épices... Sans
oublier les diverses variétés de pain, les plateaux de
fromage, les fruits, les tartes et les gâteaux... Quant au
vin et à la bière, ils coulaient à flots !
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— Excuse-moi... souffla-t-il.
— Richard, je vis dans la peur ! Sans ton interven-
tion, tu n'as pas idée de ce que j'aurais subi. Mourir
aurait été le plus facile. Ces hommes sont capables des
pires horreurs !
Elle tremblait comme une feuille, submergée par la
terreur.
Richard la tira derrière la colonne, où personne ne
pourrait les épier.
— Je suis désolé, Kahlan. Mais je ne comprends
rien à tout ça ! Toi, tu sais certaines choses... Moi,
j'avance dans le noir et j'ai aussi peur que toi. Ce
matin, sur la corniche... La trouille de ma vie ! Et
malgré ce que tu dis, je n'ai pas fait grand-chose pour
nous sauver...
— C'était suffisant pour qu'on s'en sorte... Assez
pour nous tirer d'affaire ! Si tu ne m'avais pas aidée...
Mais je refuse que ma présence ici te mette en danger !
Richard serra plus fort la main délicate qu'il tenait
entre les siennes.
— Pas de risque que ça arrive ! Un ami à moi
appelé Zedd nous dira comment faire pour que tu sois
en sécurité. Il est un peu excentrique, mais c'est
l'homme le plus intelligent que je connaisse. Si quel-
qu'un est capable de nous aider, c'est lui. Puisqu'on
peut te suivre partout où tu vas, fuir ne sert à rien, car
tes ennemis te rattraperont toujours. Tu dois parler à
Zedd ! Dès que Michael aura fini son discours, je t'em-
mènerai chez moi. Tu t'assiéras près du feu... Au
matin, nous irons chez Zedd. (Il sourit et désigna
quelque chose du menton.) Regarde plutôt par là !
Kahlan obéit et découvrit Chase, solidement campé
devant une haute fenêtre. Il tourna la tête, leur sourit
et reprit sa surveillance.
— Pour lui, un quatuor serait l'occasion de s'amu-
ser un peu... Pendant qu'il s'occuperait de ces tueurs,
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Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
— Kahlan, ça ne va pas ?
— Non... Non... Pas de problème...
Elle posa une main sur son épaule et il l'aida à se
relever.
— Mais je démissionne de mon poste de Sour-
cière... ajouta-t-elle avec un pauvre sourire.
Richard foudroya Zedd du regard.
— Que signifie ce tissu d'âneries ? grogna-t-il. Cet
arbre n'a aucun rapport avec Darken Rahl. Tu l'as fait
pousser avec amour, comme son compagnon. Un cou-
teau sous la gorge, je jurerais qu'ils étaient une sorte
de monument à la mémoire de ta femme et de ta fille.
— Très bonne déduction, Richard, admit le sorcier
avec l'ombre d'un sourire. Reprends ton épée ! Te
voilà redevenu le Sourcier en titre ! Maintenant, coupe
le petit arbre et je t'expliquerai tout...
Richard prit l'épée à deux mains et sentit la colère
monter en lui. Bandant ses muscles, il frappa l'arbre
survivant de toutes ses forces. La lame décrivit un arc
de cercle en sifflant... et s'immobilisa juste avant de
toucher l'écorce, comme si l'air était devenu trop épais
pour qu'elle puisse le traverser.
Ébahi, Richard regarda l'arme, essaya de nouveau et
obtint le même résultat. L'arbre le narguait, abso-
lument intact !
Zedd contemplait la scène, les bras croisés et l'air
satisfait.
— Bon, assez joué, explique-toi ! dit Richard en
rengainant l'épée.
— Tu as vu avec quelle facilité Kahlan a abattu le
plus gros de ces érables ? demanda le vieux sorcier,
vivante image de l'innocence. De fait, il aurait tout
aussi bien pu être en acier ! La lame l'aurait pro-
prement coupé en deux ! Et toi qui es tellement plus
fort que cette frêle enfant, tu n'as même pas pu enta-
mer cet arbrisseau !
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Chapitre 11
frottant les yeux. Quand Chase lui fit une grimace, elle
lui rendit bravement la pareille.
— Oh, dit son père, quelle vilaine petite fille ! Je
crois n'en avoir jamais vu d'aussi laide !
Lee sourit, courut vers Chase, entoura son énorme
jambe avec ses petits bras et posa la tête sur ses genoux.
Ravi, il lui ébouriffa les cheveux.
— Il faut retourner au lit, ma chérie...
— Un instant ! dit Zedd. Lee, viens donc ici ! (La
fillette fit le tour de la table.) Mon vieux chat se plaint
de n'avoir jamais d'enfants avec qui jouer. (Lee jeta
un coup d'œil furtif à l'animal.) Tu ne saurais pas chez
quels gamins il pourrait faire un petit séjour ?
— Zedd, et s'il restait ici ? Avec nous, il s'amuse-
rait bien !
— Affaire conclue, dit Emma. Lee, il est temps de
retourner te coucher.
— Emma, fit Richard, je peux te demander un ser-
vice ? Tu prêterais des vêtements de voyage à Kahlan ?
— Elle a les épaules trop larges et les jambes trop
longues pour mes tenues, mais celles d'une de mes
aînées devraient convenir. (Emma sourit à Kahlan et
lui tendit la main.) Venez, mon amie, allons voir ça...
Kahlan confia le chat à Lee et se leva.
— J'espère qu'il ne t'ennuiera pas... Mais je crains
qu'il tienne absolument à dormir avec toi...
— Vraiment ! s'exclama l'enfant. Ce sera très
bien !
Elles sortirent toutes les trois. Emma prit soin de
fermer la porte derrière elles.
— Alors ? demanda Chase avant de boire une gor-
gée de thé.
— Tu te souviens de la conspiration dont parlait
mon frère ? Elle est pire que ce qu'il pense...
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— Vraiment...
Richard tira l'Épée de Vérité de son fourreau et la
posa sur la table. La lame polie brillait de mille feux.
Chase se pencha en avant et souleva l'arme du bout
des doigts. Il la fit glisser sur ses paumes, l'étudia lon-
guement et passa l'index le long du mot « Vérité »
gravé sur la garde. Après avoir éprouvé du pouce le
tranchant de l'acier, il afficha une curiosité de bon aloi,
rien de plus.
— Beaucoup d'épées ont un nom... En général, il
est sur la lame. C'est la première fois que j'en vois un
sur la garde.
Visiblement, il attendait qu'on daigne lui en dire
plus.
— Chase, tu as déjà vu cette arme ! le tança
Richard. Tu sais de quoi il retourne.
— Exact, mais je ne l'avais jamais contemplée de
si près. (Il releva les yeux, soudain tendu.) Richard,
que fiches-tu avec cette épée ?
Le Sourcier soutint sans ciller le regard de son ami.
— Elle m'a été donnée par un grand et noble sorcier...
Chase fronça les sourcils et regarda Zedd.
— Quel est ton rôle dans cette histoire ?
— C'est moi, le grand et noble sorcier...
— Que les esprits soient loués ! souffla Chase. Un
authentique Sourcier. Enfin !
— Nous n'avons pas beaucoup de temps, dit
Richard. Et j'ai des questions à te poser sur la frontière.
Chase soupira, se leva et approcha de la cheminée.
Un bras posé sur le manteau, il regarda longuement les
flammes, comme s'il y cherchait l'inspiration.
— Richard, sais-tu en quoi consiste mon travail ?
— Tu tiens les gens éloignés de la frontière. Pour
leur propre bien.
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Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
passer le voir après leur visite chez Zedd, mais les évé-
nements en avaient décidé autrement. Rahl avait failli
les capturer ! Mais n'avoir pas pu prévenir Michael le
torturait. Quand la frontière disparaîtrait, même le Pre-
mier Conseiller ne serait pas à l'abri du danger.
Fatigué de scier, Richard prit une hache et débita les
bûches. Utiliser ses muscles, sentir la sueur ruisseler
dans son dos... Faire quelque chose qui lui vidait l'es-
prit le ravissait ! Et la pluie froide, sur sa peau brûlante,
lui facilitait encore le travail. Pour s'amuser, il imagina
la tête de Darken Rahl à la place d'une bûche et abattît
sa hache avec une énergie renouvelée. Histoire de
varier les plaisirs, il décida que la suivante était un
garn. Et quand il tombait sur du bois particulièrement
résistant, il évoquait la tête très antipathique du rouquin
de l'auberge !
Kahlan sortit de la maison et lui demanda s'il voulait
venir dîner. Surpris que le temps ait passé si vite,
Richard alla tirer un seau d'eau au puits et se le vida
dessus pour éliminer sa sueur. Puis il se sécha, remit
sa chemise, passa le croc autour de son cou et rentra.
Kahlan et Adie étaient déjà assises à la table. En
l'absence d'une troisième chaise, il alla chercher une
grosse souche et prit place dessus,
Kahlan posa un bol de soupe devant lui et lui tendit
une cuiller.
— Richard, dit Adie, tu viens de me faire un mer-
veilleux cadeau.
— Lequel ? demanda le Sourcier en attaquant
joyeusement sa soupe.
— Sans t'en offusquer, tu m'as laissé le temps de
parler avec Kahlan dans notre langue maternelle. Sais-
tu quelle joie ce fut pour moi, après tant d'années ? Tu
es un homme très sensible. Un authentique Sourcier !
— Vous m'avez également fait un merveilleux
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Chapitre 18
Des pièges-à-loup !
Le grincement était bien celui que des griffes
produisent sur le sol. Les monstres avançaient
lentement, leurs corps tanguant sans cesse de droite à
gauche.
Lentement, mais régulièrement. Et certains n'étaient
plus qu'à quelques pas de leurs proies.
Les ombres bougèrent pour la première fois. Elles
flottaient dans l'air pour resserrer leur demi-cercle
mortel.
Les yeux écarquillés, Kahlan s'était pétrifiée, dos au
rocher. Richard s'engagea dans l'ouverture, saisit son
amie par sa chemise et la tira à sa suite.
Les parois du passage étaient humides et gluantes.
Dès qu'il fût à l'intérieur, Richard eut la nausée, car il
détestait les endroits exigus. Ils avancèrent à reculons,
tournant de temps en temps la tête pour s'assurer qu'ils
ne déviaient pas du chemin. Richard brandissait tou-
jours sa pierre, qui illuminait les ombres volantes. Les
pièges-à-loup avaient aussi investi le passage.
Dans cet espace confiné, la respiration haletante de
Kahlan résonnait comme un soufflet de forge. Ils conti-
nuèrent à reculons, leurs épaules pressées contre les
parois de pierre. Une eau glaciale sourdait de la voûte
et détrempait leurs chemises.
Quand la faille rétrécit, les parois se touchant
presque, les deux jeunes gens durent se pencher et se
mettre de profil pour passer. Sur le sol boueux, des
végétaux tombés dans la crevasse se décomposaient et
une odeur de pourriture planait dans l'air.
Toujours de profil, ils atteignirent enfin le bout du
passage. Arrêtées devant le rocher, les ombres
n'avaient pas osé s'engager dans l'ouverture. Les
pièges-à-loup ne semblaient pas avoir ce genre
d'angoisse.
Richard flanqua un coup de pied à un des monstres,
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Chapitre 19
Sur leurs supports parés d'or fin, les torches proje-
taient une lumière vacillante le long des parois et de la
voûte en granit rose de la grande crypte. Dans l'air
immobile, l'odeur de la fumée se mêlait au parfum des
roses blanches. Renouvelées chaque matin depuis ces
trente dernières années, les fleurs remplissaient les cin-
quante-sept vases fixés au mur sous les cinquante-sept
torches qui symbolisaient chaque année de la vie du
défunt. Le sol était en marbre blanc, afin qu'aucun
pétale tombé des bouquets ne puisse attirer l'œil. Une
armée de serviteurs s'assuraient qu'aucune torche ne
reste éteinte trop longtemps et que les pétales soient
promptement enlevés. Une mission qu'ils prenaient
terriblement au sérieux, car la moindre inattention leur
valait de goûter à la hache du bourreau. Jour et nuit,
des gardes vérifiaient que toutes les torches brûlaient,
qu'on avait bien changé les fleurs et qu'aucun pétale
ne restait plus de quelques minutes sur le marbre.
Les serviteurs venaient des communautés paysannes
de cette région de D'Hara. Un poste dans la crypte,
selon la loi, était un honneur. En cas d'exécution,
suprême récompense, les condamnés bénéficiaient
d'une mort rapide. Dans un pays où les agonies inter-
minables étaient fréquentes - et universellement redou-
tées -, ça valait de l'or. Pour éviter qu'ils médisent du
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Chapitre 20
pour lui nuire, mais pour lui apporter la paix qu'il dési-
rait tant. Elles lui offraient ce qu'il voulait, sans rien
demander pour elles-mêmes. L'arracher à sa solitude
était leur unique ambition ! Un sourire mélancolique se
dessina sur ses lèvres. Comment avait-il pu être si bor-
né ? Si bête ? Telle une douce musique, les murmures
dissipaient ses angoisses et illuminaient les coins les
plus sombres de son esprit. Il s'arrêta de marcher pour
ne pas cesser d'être bercé par cette chanson douce.
Une main froide tirait sur la sienne pour le faire
avancer. Il ne résista pas, histoire qu'elle cesse de
l'ennuyer.
Les ombres s'approchèrent. Richard brûlait de
contempler leurs visages amicaux et de mieux entendre
leurs murmures. Quand elles chuchotèrent son nom,
il en frissonna de plaisir et fut plus heureux encore
lorsqu'elles l'entourèrent, leurs mains tendues vers lui,
désireuses de le caresser, de le cajoler...
Il croisa le regard des êtres qui entendaient le sauver,
et reçut de chacun, dans un souffle, des promesses de
merveilles indescriptibles.
Une main frôla sa joue. Il eut l'impression d'avoir
très mal, mais ce n'était peut-être qu'une illusion.
L'ombre lui jura qu'il ne connaîtrait plus jamais la
souffrance s'il se joignait à elle et à ses sœurs. Qu'il
s'abandonne à leur sollicitude, et tout irait bien !
Il s'offrit à elles, avide qu'elles l'acceptent. En tour-
nant sur lui-même, il aperçut Kahlan et eut envie de
l'emmener avec lui pour qu'ils partagent cette merveil-
leuse paix. Des souvenirs liés à la jeune femme détour-
nèrent son attention des ombres, qui lui murmuraient
pourtant de les ignorer. Il sonda le flanc du coteau,
puis son regard balaya l'éboulis. A l'est, les premières
lueurs de l'aube apparaissaient. La silhouette noire des
arbres se découpait contre le ciel coloré de rose. Bien-
tôt, il atteindrait la fin de l'éboulis.
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Rahl se retourna.
— C'est ta principale occupation, Demmin ? Cher-
cher les problèmes avec une lanterne ?
— C'est comme ça que je garde la tête solidement
attachée à mes épaules.
— Eh bien, espérons que ça durera, mon ami. Allez,
je t'écoute...
Nass sauta d'un pied sur l'autre, un signe de grande
nervosité.
— Hier soir, j'ai reçu un rapport sur le nuage-
espion. Il a... hum... disparu.
— Comment ça, disparu ?
— En réalité, il a plutôt été... occulté. Absorbé par
d'autres nuages, si j'ai bien compris.
Au grand dam de son second, Darken Rahl éclata de
rire.
— Notre ami, le vieux sorcier... On dirait qu'il a
repéré le nuage et recouru à un de ses trucs pour
m'agacer. Il fallait s'y attendre. Ce n'est pas grave,
mon cher. Un contretemps sans importance.
— Maître, c'était un moyen de trouver le grimoire.
A part la dernière boîte, rien n'est plus vital !
— M'as-tu entendu dire que le grimoire n'avait pas
d'importance ? Je parlais du nuage, bien sûr. Le livre
est si crucial que je n'aurais pas tout misé sur un fichu
nuage. D'après toi, comment l'ai-je attaché aux
basques de Richard Cypher ?
— Le nuage ? Je n'en sais rien, maître. Mes talents
n'ont rien à voir avec la magie...
— Ça, tu peux le dire ! (Rahl s'humecta de nouveau
les doigts.) Il y a des années, avant d'être assassiné par
ce maudit sorcier, mon père m'a parlé des boîtes d'Or-
den et du grimoire. Il a essayé de les retrouver, mais il
n'était pas assez formé pour ça. C'était surtout un
homme d'action, jamais aussi heureux que sur un
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Chapitre 21
Il allait la tuer !
Une fraction de seconde, Richard se pétrifia, une
vague de panique occultant jusqu'à sa colère. Puis la
fureur reprit le dessus. Avec un « non ! » où s'expri-
mait toute la rage meurtrière de l'univers, il sauta de
la butte et, en plein vol, brandit à deux mains l'Épée de
Vérité, les bras armés comme s'ils tenaient une hache.
Quand il reprit contact avec le sol, il fit décrire à la
lame un grand arc de cercle.
L'acier fendit l'air en sifflant. Le tueur, qui s'était
retourné, vit l'arme de Richard venir sur lui et, vif
comme l'éclair, leva la sienne pour se défendre. Il avait
réagi si vite et si violemment que les tendons de son
poignet et de sa main émirent un claquement sec.
Comme dans un rêve, Richard suivit au ralenti la
trajectoire de son épée. Il avait mobilisé toute sa force
pour que le vol de la lame soit rapide, franc et meur-
trier. Et la magie faisait écho à son désir.
Derrière l'arme du tueur, il vit briller son regard bleu
aux reflets d'acier. Alors que son cri n'était pas encore
mort dans sa gorge, le Sourcier prit pour cible ces deux
yeux inhumains de froideur.
L'homme tenait son épée à la verticale, prêt à blo-
quer le coup.
Tout ce qui n'était pas son adversaire disparut de la
vue de Richard. Sa colère - et la magie - se déchaî-
nèrent comme elles ne l'avaient jamais fait. Rien au
monde ne l'empêcherait de prendre la vie de cet
homme. Son sang était à lui ! Au-delà de la raison, de
tout autre désir et même de la vie, il n'était plus que
la mort incarnée.
Dans ce coup d'épée, il avait mis toute la haine qu'il
était capable d'éprouver.
Alors que son cœur battait si fort qu'il sentait l'onde
de choc jusque dans les muscles tendus à craquer de
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Chapitre 22
Chapitre 23
— Je déteste ma mère !
Assis en tailleur sur l'herbe, Darken Rahl étudia un
moment l'expression amère du petit garçon avant de
répondre.
— Carl, ce n'est pas rien, ce que tu viens de dire !
Je ne voudrais pas que tu le regrettes après y avoir
réfléchi.
— J'y ai assez réfléchi ! cria l'enfant. Nous en
avons beaucoup parlé. Je sais maintenant que mes
parents m'ont toujours menti. Ce sont des égoïstes !
Et des ennemis du peuple !
Par la fenêtre, Rahl contempla les derniers rayons
du soleil couchant qui teintaient de pourpre et d'or les
nuages lointains. Ce soir ! Oui, ce soir, il retournerait
dans le royaume des morts.
Des jours et des nuits durant, il avait tenu l'enfant
éveillé grâce à son gruau spécial, lui autorisant seu-
lement de petites plages de sommeil. Un long travail
pour vider son esprit et le rendre influençable à loisir.
Interminablement, il lui avait parlé pour le convaincre
que les autres se servaient de lui, abusaient de lui et
lui mentaient. De temps en temps, il l'avait laissé seul
pour qu'il assimile tout ça. Un répit qu'il mettait à
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Chapitre 25
— Moi aussi.
Alors, pourquoi ne pas simplement améliorer les
leurs pour que la pluie ne les traverse plus ?
— Tu sais comment faire ?
— Non.
— Moi non plus. En revanche, je suis un expert en
toits de tuiles. Donc, c'est la solution que j'ai choisie.
Pendant qu'il montait la cheminée sous le regard
avide d'apprendre de Savidlin, d'autres hommes
dépouillèrent le toit de son chaume, laissant à nu une
charpente de solives qui servirait de support aux
futures tuiles.
Richard disposa chaque tuile en équilibre sur deux
solives, la partie inférieure reposant sur la première, et
la supérieure sur la deuxième. Les trous lui servirent à
les attacher solidement à leur support. Puis il plaça la
deuxième rangée de tuiles de manière à ce que leur
base chevauche la partie supérieure des précédentes et
obstrue les orifices de fixation. Grâce à leur forme
ondulée, les pièces s'emboîtèrent parfaitement.
Conscient que les tuiles étaient plus lourdes que le
chaume, Richard avait étayé la structure par en dessous
avec des poutres renforcées d'entretoises.
Une bonne moitié du village participait au chantier.
De temps en temps, l'Homme Oiseau venait y jeter un
coup d'œil, et ce qu'il voyait semblait le satisfaire.
Deux ou trois fois, il s'assit près de Kahlan sans enga-
ger la conversation, mais en lui posant à intervalles
irréguliers une ou deux questions sur le caractère du
Sourcier.
La plupart du temps, la jeune femme restait seule.
Les villageoises avaient décliné ses propositions d'as-
sistance, les hommes gardaient leurs distances - non
sans la surveiller du coin de l'œil - et les adolescentes
étaient trop timides pour oser s'approcher d'elle. Mais
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Chapitre 26
Chapitre 28
— Lequel ?
— Le premier.
— Non.
— Et le deuxième ?
— Quel est le sens de cette question? demanda
Richard entre ses dents serrées.
— Chaque question est posée pour une raison bien
particulière...
— Et parfois, la raison n'a aucun rapport avec la
question ?
— Réponds-nous !
— Pas avant de savoir pourquoi vous voulez savoir
Ça.
— Tu es venu nous interroger. T'avons-nous
demandé pourquoi ?
— On dirait bien que c'est ce que vous faites, oui...
— Réponds ! Sinon, tu n'obtiendras rien de nous.
— Si j'obéis, me fournirez-vous les informations
que je cherche ?
— Nous ne sommes pas là pour marchander avec
toi. On nous a appelés ! Réponds si tu ne veux pas que
ce conseil s'arrête...
— Oui, dit enfin Richard. J'ai pris plaisir à le tuer
à cause de la magie de l'Épée de Vérité. Ce devait être
ainsi. Si j'avais commis cet acte sans l'épée, je n'aurais
éprouvé aucune joie.
— Tu réponds à côté de la question !
— Pardon ?
— « Si » n'a aucun sens ! Et «je n'aurais » pas
davantage ! De plus, tu nous as donné deux raisons à
ce meurtre : défendre une amie et y prendre plaisir
Laquelle est la bonne ?
— Les deux. J'ai tué pour défendre une amie et j'ai
aimé ça à cause de l'épée.
— As-tu pensé que ton amie n'avait peut-être pas
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— Deux...
— Vous venez de me révéler où sont deux artefacts,
dit Richard. Je vous rappelle que c'est interdit. Ou est-
ce simplement une question de nuance sur la palette de
vos intentions ?
Les esprits ne relevèrent pas l'ironie.
— Cette information n'était pas secrète.
Ta question ?
Richard se pencha en avant comme un chien qui
renifle une piste.
— Pouvez-vous me dire qui sait où est la troisième
boîte ?
Kahlan se douta que le Sourcier connaissait la
réponse avant d'avoir posé la question. Son art
consommé de revenir par la fenêtre quand on l'avait
expulsé par la porte !
— Nous savons qui détient la boîte et nous pour-
rions te révéler les noms de ceux qui gravitent autour
de cette personne. Mais cela reviendrait à te dire où
est l'artefact, et ça nous est interdit.
— Alors, donnez-moi le nom de quelqu'un, à part
Rahl, qui ne possède pas la boîte, qui ne gravite pas
autour d'elle, mais qui sait où elle est...
— Une femme correspond à cette définition. Si nous
te communiquons son nom, ça ne te conduira pas
directement à l'artefact, mais à elle. Cela nous est per-
mis, car ce sera toi, pas nous, qui devras lui arracher
cette information.
— Alors, voilà ma question : qui est cette femme ?
Kahlan ne traduisit pas la réponse des esprits.
Décomposée, elle baissa la tête tandis que les Anciens,
tout aussi sonnés, murmuraient entre eux.
— Richard, nous sommes des morts en sursis,
souffla la jeune femme.
— Pourquoi ? De qui s'agit-il ?
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Chapitre 29
Chapitre 30
— Pourquoi ?
Les yeux globuleux du monstre se posèrent sur
l'épée.
— Mon épée. Tu me la donnes ? Pitié !
— Pas question !
Richard chercha Kahlan du regard. Son sac gisait
sur le chemin, pas très loin derrière lui, mais elle n'était
nulle part en vue. Fou d'inquiétude, il continua de son-
der les alentours. Le calthrop, il le savait, n'avait pas
pu capturer Kahlan, car il s'était enfui seul dans les
bois. Sans cesser d'appuyer la pointe de sa lame sur la
poitrine du monstre, il cria plusieurs fois le nom de son
amie. En vain.
— Ma maîtresse a eu la jolie dame.
— Que racontes-tu ?
— Ma maîtresse. Elle a capturé la jolie dame.
(Richard appuya plus fort sur l'épée, histoire de
convaincre la créature de se montrer volubile.) On vous
suivait. Pour voir le calthrop s'amuser avec vous.
Regarder la suite...
Les gros yeux jaunes se posèrent de nouveau sur la
lame.
— Et voler l'épée !
— Pas voler ! A moi ! Donne-la-moi !
Les mains de la créature se levèrent Richard appuya
un peu plus fort sur la lame, et tout rentra dans l'ordre.
— Qui est ta maîtresse ?
— Maîtresse ! cria le monstre, comme s'il appelait
au secours. C'est Shota.
— La voyante ?
— Oui.
— Pourquoi a-t-elle capturé la jolie dame ?
demanda Richard en serrant plus fort l'épée.
— Le sais pas ! Pour jouer avec, peut-être. Ou la
tuer. Ou pour t'avoir toi ?
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Chapitre 31
C'était sa mère !
Comme si la foudre l'avait frappé, Richard se pétri-
fia. Sa colère et sa rage relâchèrent leur emprise sur
son esprit, sans doute parce qu'il était impossible que
l'image de sa mère et la soif de tuer y cohabitent.
— Richard... dit-elle en souriant - un sourire
mélancolique qui exprimait à quel point elle l'aimait
et combien il lui manquait.
Dans un torrent de sentiments et d'idées, Richard
essaya de comprendre ce qui lui arrivait. Mais
comment faire correspondre son vécu - la terrible nuit
de l'incendie - avec ce qu'il avait sous les yeux ? Cela
ne pouvait pas être ! C'était impensable !
— Maman... gémit-il.
Des bras dont il se souvenait encore, et qu'il avait
si bien connus, s'enroulèrent autour de lui, le réconfor-
tèrent et firent perler des larmes à ses paupières.
— Mon chéri, si tu savais combien tu m'as
manqué !
Alors que des doigts doux et tendres lui ébourif-
faient les cheveux, Richard, les jambes presque cou-
pées, lutta pour reprendre le contrôle de ses émotions.
Il devait se concentrer sur Kahlan ! Pas question de
l'abandonner encore parce qu'il se laissait prendre à
604
Chapitre 32
Chapitre 33
La poupée sourit.
Soudain, des lumières bleues et jaunes explosèrent
dans la forêt. Rachel leva les yeux. Puis un roulement
de tonnerre la fit se redresser d'un bond. Bouche bée,
les yeux ronds, elle regarda une énorme boule de feu
jaillir de derrière les murs du château.
Elle s'éleva dans le ciel. Des étincelles s'en échappaient
et une fumée noire en montait. Mais les flammes
s'éteignirent peu à peu et l'obscurité revint.
— Tu as vu ça ? demanda Rachel.
Sara ne répondit pas.
— J'espère que Giller va bien...
La fillette regarda sa poupée, qui ne dit pas un mot
et ne sourit même pas.
— On ferait mieux d'y aller, fit Rachel en se levant.
(Elle serra le jouet contre elle et prit le ballot.) Il faut
obéir à Giller.
En passant devant le lac, elle jeta la clé du coffre à
linge dans l'eau, aussi loin qu'elle le put, et sourit en
entendant un gros « splash ».
Sara ne dit rien quand elles s'engagèrent sur la piste.
Se souvenant que Giller lui avait interdit d'aller dans
sa cachette, Rachel prit un petit sentier de chasseurs, à
travers les ronces, et partit dans une nouvelle direction.
Vers l'ouest !
Chapitre 34
Chapitre 35
— Où ?
— Nous allons à Tamarang, voir la reine. (Rachel
s'arrêta de mâcher,le souffle coupé.) Tu viendras avec
nous. Milena trouvera quelqu'un pour s'occuper de toi,
si je le lui demande...
— Kahlan, tu es sûre ? souffla Richard. Et le sorcier ?
— On s'occupera d'elle avant que j'écorche vif Giller,
murmura la jeune femme.
Rachel se força à avaler pour pouvoir respirer. Elle
le savait ! On ne pouvait pas se fier aux femmes aux
cheveux longs. Elle en aurait pleuré, car elle commen-
çait à bien aimer Kahlan. Et Richard était si gentil. Que
faisait-il avec quelqu'un d'assez méchant pour vouloir
blesser Giller ? Peut-être était-il agréable avec elle
pour se protéger, comme elle avec la princesse. Oui, il
devait avoir-peur qu'elle le frappe. Pauvre Richard !
Mais ne pouvait-il pas s'enfuir, comme elle l'avait
fait ? Si elle lui parlait de la boîte, il voudrait peut-être
partir avec elle, loin de Kahlan.
Non. Giller lui avait recommandé de ne faire
confiance à personne. S'il avait trop peur de Kahlan, il
lui dirait tout. Il fallait être courageuse pour Giller. Et
pour tous ces innocents. Elle devait fuir. Seule.
— On décidera demain matin, dit Kahlan. Il faut
dormir, comme ça, on partira dès le lever du soleil.
Richard serra Rachel dans ses bras et acquiesça.
— Je prends le premier tour de garde. Repose-toi
un peu.
Il souleva Rachel et la tendit à Kahlan. La fillette se
mordit la langue pour ne pas crier. Quand la dame aux
cheveux longs la blottit contre elle, elle baissa les yeux
sur son couteau. Même Violette n'en avait pas ! En
gémissant, elle tendit les bras à Richard, qui sourit et
lui donna sa poupée. Ce n'était pas ce qu'elle voulait,
mais elle prit quand même Sara et lui mordit le pied
pour ne pas pleurer.
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Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Kahlan s'approcha.
— Siddin ? Siddin ! (Elle fit volte-face.) Gardiens,
tous ces hommes se sont confessés à moi, et ils sont
innocents. Ouvrez les geôles !
— Un moment... Je ne peux pas libérer tant de gens.
Richard dégaina son épée. A cause de l'exiguïté des
lieux, la lame percuta les barreaux, faisant voler dans
l'air des étincelles. D'un coup de pied, le Sourcier
ferma la porte de fer, dans son dos, et pointa son arme
sur les gardiens avant qu'ils aient seulement songé à
s'emparer de leurs haches.
— Obéissez, ou je vous coupe en deux histoire de
récupérer plus facilement les trousseaux accrochés à
vos ceintures !
L'homme qui avait le plus de clés s'empressa d'ou-
vrir les cellules. Kahlan s'engouffra dans un cachot et
en sortit presque aussitôt, Siddin dans les bras. Terro-
risé, l'enfant blottit sa tête contre l'épaule de l'Inquisi-
trice, qui lui murmura des mots tendres à l'oreille pour
le rassurer. Siddin lui répondit dans l'idiome du Peuple
d'Adobe. Elle lui sourit et parvint à le dérider en lui
murmurant quelque chose que Richard, bien entendu,
ne comprit pas.
Le gardien ouvrait déjà l'autre cellule. L'enfant calé
sur un bras, de sa main libre, Kahlan le saisit par le
col.
— La Mère Inquisitrice affirme que ces hommes
sont innocents. J'ordonne qu'on les relâche ! Toi et tes
deux collègues, vous les escorterez hors de la ville.
(L'homme faisait une bonne tête de moins que Kahlan,
qui colla son nez contre le sien.) Si ça se passe mal, tu
en répondras devant moi.
— Oui, Mère Inquisitrice. C'est compris. Nous
nous en chargerons. Sur mon honneur !
— Non, sur ta vie, corrigea Kahlan.
815
Chapitre 40
— Que se passe-t-il ?
— Je n'en sais rien... J'ai eu l'impression de percu-
ter un mur, au centre du pont. Mais j'ai dû trébucher.
Je crois que ça va aller, maintenant.
Zedd regarda autour de lui, puis poussa Richard en
avant. Le phénomène se reproduisit. Mais le choc fut
moins rude, car Richard n'avançait pas vite. Au lieu
de se retrouver sur le derrière, il recula simplement de
quelques pas. Quand il fit une nouvelle tentative, cela
recommença.
Sous le regard inquiet de Zedd, le Sourcier tendit la
main et sentit la surface solide et bien réelle du mur
qui l'empêchait de passer sans gêner le moins du
monde ses compagnons. Le contact avec cette barrière
le rendit aussitôt nauséeux, la tête lui tournant à une
vitesse folle. De plus en plus intrigué, le vieux sorcier
traversa plusieurs fois l'obstacle invisible.
— Richard, dit-il en s'immobilisant à l'endroit
exact où se dressait le mur, retourne à l'entrée du pont
et marche vers moi.
Le jeune homme revint sur ses pas en tâtant la bosse
qui se formait sur son front. Dans son dos, Kahlan
sauta de cheval près de Zedd. Brophy la rejoignit pour
essayer de comprendre ce qui se passait.
Quand il repartit en avant, Richard tendit les bras
devant lui. Un peu avant d'être à mi-chemin, il se
heurta à la barrière et dut reculer pour échapper aux
détestables symptômes que lui valait son contact.
— Fichtre et foutre ! lança le vieux sorcier en se
frottant le menton.
Comme il ne pouvait pas les rejoindre, ses compa-
gnons allèrent à la rencontre du Sourcier. De nouveau,
Zedd le poussa en avant. A l'impact, le jeune homme
recula un peu.
— Touche l'obstacle de la main droite, dit le sorcier
en lui prenant la gauche.
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Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
— Pourquoi ?
— Maître Rahl semblait décidé à en finir avec lui.
Et même s'il ne l'a pas fait, Denna s'en sera chargée.
C'est ainsi qu'agissent les Mord-Sith. Leurs parte-
naires ne vivent jamais très longtemps. J'étais surpris
qu'il soit encore de ce monde quand j'ai quitte les
lieux. Il était en piteux état. C'est la première fois que
je vois un homme survivre à autant d'applications de
l'Agiel à la base du crâne.
» Il criait ton nom, maîtresse. Denna ne l'a pas laissé
mourir parce que maître Rahl voulait l'interroger
encore. Même si je ne l'ai pas vu périr, je suis sûr qu'il
est mort. Denna contrôlait la magie de son épée. Il
n'avait aucun moyen de lui échapper. Elle l'a gardé
plus longtemps que d'habitude, torturé davantage que
la norme, et tenu longtemps en équilibre entre la vie et
la mort. A ma connaissance, aucun homme n'a autant
résisté. Pour une raison que j'ignore, maître Rahl
voulait que le Sourcier vive un long calvaire. Voilà
pourquoi il a choisi Denna. Aucune Mord-Sith n'aime
plus son métier. Et ses sœurs n'ont pas son art de
prolonger un «petit chien» ainsi. Elles font mourir les
leurs beaucoup plus vite. Avoir partagé la couche de
cette femme aura suffi à le tuer, même si maître Rahl
l'a épargné...
Zedd tomba à genoux, le cœur brisé. Il éclata en
sanglots, comme si son univers venait d'exploser.
Crever, voilà tout ce qu'il voulait ! Qu'avait-il fait,
pauvre vieux fou ? Impliquer Richard dans cette
horrible aventure !
Richard, l'être qui comptait le plus à ses yeux...
A présent, il savait pourquoi Rahl ne l'avait pas
éventré, la veille. Il voulait d'abord qu'il souffre mille
morts. C'était bien dans son style...
Chase s'agenouilla près du sorcier et lui passa un
bras autour des épaules.
1024
Chapitre 48
— Par quoi ?
— Mon amour pour toi. J'ai compris que je t'aimais
plus que la vie elle-même. Plutôt que d'être sans toi,
je préférais me livrer à ton pouvoir. Rien de ce que la
magie aurait pu me faire n'était pire qu'une séparation
définitive. Je voulais tout abandonner pour toi, Kahlan.
Alors, j'ai offert au pouvoir tout ce que je possédais.
Mon amour pour toi ! Ayant mesuré à quel point je
t'aimais, prêt à t'appartenir sous n'importe quelles
conditions, j'ai compris que la magie ne détruirait rien
en moi. Je te suis déjà dévoué corps et âme, alors,
pourquoi me transformerait-elle ? Ma protection,
c'était d'avoir déjà été touché par ton amour.
Convaincu que tu éprouvais la même chose, je n'avais
aucune crainte. Au moindre doute, la magie se serait
ruée sur la faille pour me ravager. Mais je n'en avais
aucun ! Mon amour pour toi est un bouclier lisse et
sans craquelures. Il m'a protégé de la magie.
Kahlan le gratifia de son sourire « spécial Richard ».
— Tu n'avais vraiment aucun doute ?
Le Sourcier lui rendit son sourire.
— Eh bien, un instant, quand j'ai vu les éclairs sur
ton visage, j'avoue avoir été inquiet. J'ignorais ce
qu'ils signifiaient. Alors, j'ai sorti l'épée pour gagner
du temps, histoire de réfléchir. Puis j'ai compris que
ça n'avait pas d'importance : tu étais toujours Kahlan,
je t'aimais, et le reste ne comptait pas. Je désirais que
tu me touches, pour t'offrir mon amour et ma dévotion,
mais j'ai dû monter une petite mise en scène au
bénéfice de Darken Rahl.
— Ces symboles, murmura Kahlan, signifiaient
aussi que j'étais prête à tout abandonner pour toi.
Elle enlaça Richard et l'embrassa. Agenouillés sur
les carreaux, devant le bassin, ils se serrèrent l'un
contre l'autre. Richard s'enivra des lèvres qu'il avait
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— Quelle crypte ?
— Celle de Panis Rahl, bien sûr ? Le grand-père de
maître Rahl !
— Et quel problème, exactement ?
— Je ne l'ai pas vu de mes yeux, sorcier Zorander
mais mon personnel ne ment jamais. Ce sont mes gens
qui m'ont informé, et on peut leur faire confiance.
— Au fait ! explosa Zedd. Que se passe-t-il ?
— Les murs, sorcier Zorander, lâcha le petit homme
d'une voix étranglée. Les murs...
— Quoi, les murs ?
— Ils fondent. Les murs de la crypte fondent !
— Fichtre et foutre ! Tu as des réserves de pierre
blanche extraite de la carrière des prophètes ?
— Bien sûr !
Zedd sortit une petite bourse de sa poche.
— Scelle l'ouverture de la tombe avec ces pierres
blanches...
— Fermer la crypte, sorcier Zorander ?
— Oui ! Sinon, tout le palais fondra. (Il tendit la
bourse à son interlocuteur.) Mélange cette poudre
magique au mortier et achève les travaux avant le cou-
cher du soleil. Compris ? Tout doit être fini avant la
nuit.
Le type prit la bourse, hocha la tête et remonta les
marches aussi vite que ses jambes courtaudes le lui
permettaient. Un autre homme, plus grand, les mains
glissées dans les manches de ses robes blanches
brodées d'or, le croisa sans lui accorder un regard et
continua à descendre, la tête bien droite.
Chase se tourna vers Zedd et lui tapota la poitrine
du bout de l'index.
— Panis Rahl, le grand-père de maître Rahl ?
— Eh bien... hum... oui, il faudra que nous ayons
une petite conversation, un de ces jours...
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