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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de philosophie et lettres


Langues et littératures française et romanes

EXERCICES DE GRAMMAIRE DESCRIPTIVE :


Topicalisation et phrase multiple

GLAUDE Travail réalisé dans le cadre du cours :


Carole Grammaire descriptive du français moderne II
ROMA-B-304

ANNÉE ACADÉMIQUE 2006-2007


I.Introduction :

Les exercices présentés ci-dessous tenteront de mettre en pratique


l’apprentissage d’une matière étalée sur deux longues années : la grammaire
descriptive. Cette manière de faire de la grammaire est qualifiée de « descriptive »
en raison de l’objectif qu’elle tente d’atteindre, c’est-à-dire décrire les relations
qu’on peut établir entre les faits grammaticaux préalablement observés.

Ce travail sera effectué en deux parties : la réécriture d’une anecdote


préexistante et ce en fonction d’un point grammatical abordé par Marc Wilmet
dans sa Grammaire Critique du français, puis le commentaire de ladite réécriture
en se référant à l’ouvrage de M. Wilmet. Les deux points étudiés dans ce travail
seront la topicalisation et la phrase multiple.

II. La Topicalisation :
1. Réécriture de l’anecdote :
Un événement assez cocasse fut raconté au snack « nuit et jour » où m’attendait
une amie d’enfance devenue mannequin qui était enlaidie par sa maigreur (elle-
même l’avait appris par la serveuse): Un jour, à la mi septembre, où il faisait assez
beau, dans une rue passante à heure d’affluence, un peintre sur un échafaudage
ravivait les couleurs d’une façade en sifflant (il profitait visiblement du temps
car, étonnamment, il ne pleuvait pas). Mais un geste maladroit et un de ses pots de
peinture a chu dans le vide. Sur le trottoir un jeune homme s’en est aperçu et
s’est lancé vers l’échafaudage : une vieille dame promenant son chien (chien de
race qui vaut une fortune) se fait bousculer et un homme, plongé dans la lecture
d’un journal au slogan vantard : « Dix millions de Français lisent un journal : le
nôtre », est renversé. Il plonge, saisit au vol le pot qui s’apprêtait à déverser son
contenu sur une jeune femme traînant son enfant par la main. Il s’écrase au sol
sans avoir lâché le pot…
Et il paraît qu’il ne contenait en fin de compte que le casse-croûte du peintre !
Après cela, la jeune femme qui était censée amener l’enfant chez son père, et le
jeune homme - épris depuis quelques semaines de cette demoiselle - se

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regardèrent. Il reçut une petite voiture de l’enfant en guise de remerciement et
celui-ci lui demanda qui avait salé la mer. Alors que le jeune homme semblait
gêné par la question, la jeune fille le fit rougir davantage en lui proposant un
rendez-vous. Comme quoi, il suffit d’un pot de peinture !

2. Commentaires grammaticaux :

Avant d’aborder les différents cas figurant dans l’anecdote, il semble


judicieux de définir la notion qui se cache sous le mot « scientifique » de
« topicalisation » qui est encore plongé dans l’obscurité des cerveaux de
nombreuses personnes.

La topicalisation est simplement la confrontation du sujet logique au sujet


grammatical et au sujet sémantique et ce, sous trois voix : l’actif, le passif et le
moyen ainsi que les deux constructions de l’impersonnel et du factitif (cf. §
578).

Pour bien des personnes, un sujet n’est rien qu’un sujet ! C’est pourquoi, il
convient, avant d’aborder la topicalisation sous ces aspects les plus complexes, de
savoir différencier sujet logique, sujet grammatical et sujet sémantique !

Le sujet logique :

Le sujet logique - qu’on appellera aussi thème - désigne « l’être ou l’objet


dont quelque chose est affirmé ou nié » (cf. § 573).

Le sujet grammatical :

Comme la grammaire lie « le sort du sujet à celui du verbe », le sujet


grammatical n’est qu’en réalité le mot avec lequel le verbe s’accorde (cf. § 574).

Le sujet sémantique :

Le sujet sémantique est l’un des rôles assigné au sujet logique, il est aussi appelé
« agent », opposé à l’ « objet sémantique » ou « patient » qui peut aussi être, dans
certains cas, sujet logique (cf. § 575).

a) fut raconté :

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Un événement assez cocasse fut raconté au snack nous offre l’exemple
d’une TOPICALISATION PASSIVE. La phrase appuie le fait que « La topicalisation
passive confirme au sujet logique la fonction du sujet grammatical » (cf. §
580) puisque raconté s’accorde avec un événement assez cocasse. Mais elle « lui
dénie celle d’agent sémantique » ! En effet, l’événement subit l’action d’être
racontée par « quelqu’un », elle est donc objet sémantique.

Cependant, Si est un événement […] est objet sémantique, quelle partie de la


phrase est l’agent sémantique ? En réalité, il n’y a pas d’agent sémantique dans la
phrase pour la bonne raison que syntaxiquement le pronom omnipersonnel
on (venant de l’actif : on a raconté un événement cocasse…) ne peut devenir
complément d’agent !

Cette particularité est une preuve flagrante de l’absurdité enseignée dans les
écoles, « La « voix passive » [ne] se contente [pas] de renverser la voix
active » (cf. § 581, 3).

Remarque : « Le choix de l’auxiliaire de composition avoir ou être est


intimement lié à la topicalisation et àla transitivité verbale » (§ 403). On peut
assurément remarquer que le verbe être (qui, ici, n’est pas un auxiliaire mais une
copule) est employé à la passivation uniquement des verbes transitifs !
Indubitablement, le verbe intransitif tomber peut se conjuguer avec l’auxiliaire
être (Je suis tombé) mais ne sait pas être passivé !

b) me fut rapporté par l’ami :


Dans cette topicalisation passive, le sujet logique un événement [...] est le sujet
grammatical (accord de rapporté) et le sujet sémantique est un ami introduit par la
préposition par.

c) était enlaidi :

Si certains indices aident les élèves à reconnaître la « voix passive » (la


copule « être », « par » introduisant l’agent sémantique et la permutation de
l’objet en sujet), était enlaidi nous démontre que la copule n’est en aucun cas
un indice matériel PROPRE à la « voix passive » (cf. § 580, rem.) !

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Nous somme en présence d’un « copule + attribut » donc de TOPICALISATION

ACTIVE (cf. f) puisque enlaidir est un verbe issu de l’adjectif enlaidi et est
transitif « au sens factitif de « faire changer » » correspondant à « rendre
laid… ». (cf. § 403, 1)

d) avait appris par la serveuse:

Ici, par introduit l’agent sémantique la serveuse malgré que ce ne soit pas
une phrase passive (contrairement à b)!

En somme, par introduisant l’agent sémantique n’est pas plus un indice


matériel propre à la « voix passive » que la copule (cf. § 580) !

e) il faisait assez beau:

Malgré une recherche assidue, on est bien forcé d’admettre que cette phrase
n’a pas de sujet logique ! Cette locution de faire est un exemple de la seule
construction qui n’a pas le même sujet logique et grammatical : La construction
impersonnelle !

« La topicalisation impersonnelle procure un sujet grammatical à un


énoncé privé de sujet logique » (cf. § 585)

Il fait beau fait partie de la « structure il + verbe + séquence non verbale »


de la construction impersonnelle (divisée en trois structures) puisque beau est un
adjectif et donc une structure non verbale. Cette locution n’a pas de doublon
personnel, c’est-à-dire qu’il est impossible de modifier la phrase initiale pour
arriver à un tour personnel !

f) ravivait :

« La topicalisation active décerne au sujet logique (le peintre) le brevet


de sujet grammatical (il régit l’accord avec ravivait) indépendamment de son
rôle sémantique. » (cf. § 579). Ici, il est le sujet sémantique puisque le peintre
est agent de raviver les couleurs d’une façade.

g) profitait du temps :

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Profiter de est un verbe symétrique et [Le peintre] profitait du temps peut
devenir Le temps profitait au peintre ainsi, la permutation de l’objet en sujet n’est
pas propre à la « voix passive » (cf. b) !

En conclusion, les verbes b, d, et g nous confirment qu’il n’existe AUCUN

indice matériel propre à la voix passive (cf. § 580, rem.) !

h) il ne pleuvait pas :

Cette phrase se range dans la « structure il + verbe » de la topicalisation


impersonnelle. Cette structure ne concerne que les verbes météorologiques et n’a
pas de correspondant personnel !

i) a chu :
Comme énoncé précédemment (cf. a), « Le choix de l’auxiliaire de
composition avoir ou être est intimement lié à la topicalisation et la
transitivité verbale » (§ 403). Si les verbes transitifs, à la « voix active »,
emploient l’auxiliaire avoir et à la « voix passive », la copule être1 ; les verbes
intransitifs empruntent soit l’auxiliaire avoir, soit l’auxiliaire être soit l’un ou
l’autre à leur guise.
Les verbes usant de l’auxiliaire avoir sont fort nombreux sans qu’on puisse
les catégoriser alors que les verbes se conjuguant toujours avec être sont
uniquement « les verbes de déplacement […] et le défectif issir, avec les
compositions » (§ 403, 3, b).

Et, parmi les verbes se conjuguant « avec avoir en alternance avec être » (§ 403,
3, c), nous retrouvons choir. Bien que être régresse (principalement dans le
français populaire), on l’utilise encore pour « souligner un état résultant » (§
403, 3, c). Ce n’est pas le cas de notre phrase (Mais un geste maladroit et un de
ses pots de peinture a chu dans le vide.) puisque la suite du texte expose les
événements qui surviennent pendant la chute du pot. Encore un fois, puisqu’il est
intransitif, choir ne peut être qu’à la topicalisation active.

1
Certains verbes « essentiellement » ou « accidentellement pronominaux» (cf. note 3) peuvent
être passivés comme s’évanouir (elle est évanouie)

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Remarque : Il est important de savoir que « la « voix pronominale »
exprime l’aspect extensif2 par l’auxiliaire être. », le verbe ci-dessous en est
l’exemple.

j) s’en est aperçu :


Les verbes pronominaux ne sont pas synonymes de simplicité et posent
malheureusement certaines difficultés :

Premièrement, dans la TOPICALISATION PRONOMINALE ou MOYENNE, le sujet


logique correspond au sujet grammatical (ici un jeune homme). Cependant, au
niveau sémantique, il a été défini comme objet ou patient. Et ce, malgré son rôle
agentif ! (cf. § 582)

Deuxièmement, la classification de la grammaire scolaire (basée sur celle de


Dangeau) que modifie Marc Wilmet :

Il sépare les tournures acceptant un sujet agentif et les tournures les excluant :
« tour subjectif » / « tour objectif ».

Il distingue le tour à pronom objet et le tour à pronom circonstanciel de


l’énonciation.

Il pointe la différence entre tour réfléchi et tour réciproque que peut prendre
une phrase selon son contexte.

Troisièmement, en ce qui concerne l’accord du participe passé des verbes


pronominaux (cf. § 584) « deux principes sont aux prises : 1° l’accord du
participe avec le sujet des verbes à auxiliaire être, 2° son éventuel accord avec
l’objet direct des verbes qui en ont un ». Ce dernier exige l’utilisation d’un
artefact, à savoir la substitution de avoir à être (alors que les verbes a auxiliaire
être s’accordent avec le sujet).

Les deux derniers points énoncés, une fois définis, peuvent nous éclairer
sur l’éventuel rôle agentif du verbe pronominal. Incontestablement, classifier
s’apercevoir n’est pas une mince affaire. Verbe appelé « accidentellement

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« L’aspect extensif décrit la phase postérieure au terminus ω ad quem du procès α-ω » (§
402) : un jeune homme s’en est aperçu (vient de s’en aperçevoir)

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pronominal »3 (par Dangeau) en raison de son doublon actif apercevoir X,
s’apercevoir (de) diffère de celui-ci de par le sens !

Si on peut, avec certitude, classer s’apercevoir dans les tours à pronom


circonstanciel de l’énonciation puisque le jeune homme n’aperçoit pas lui-même
mais bien l’incident qui se passe quelques lignes plus haut, il est difficile de juger
si le sujet de s’apercevoir -prenant le sens de remarquer- est agent ou patient. Il
n’agit pas dans le but de remarquer quelque chose, cette chose apparaît à lui et
parfois indépendamment de sa volonté. Mais il n’est pas non plus victime de ce
qu’il remarque, il ne subit pas ce qu’il remarque. Nécessairement, s’il le
remarque, c’est qu’il a regardé dans cette direction ou réfléchi à la question.

Ce problème épineux nous prouve formellement que la « topicalisation


moyenne mêle les topicalisations active et passive » (cf. § 583)!

Pour le prouver, Marc Wilmet nous montre deux MARQUES FORMELLES :

l’auxiliaire être (commun aux inaccusatifs4)

le pronom clitique réflexif : Grâce à lui, le verbe ne verse ni tout à fait dans la
« voix active » ni tout à fait dans la « voix passive » et il circonscrit « le
domaine d’application du verbe à la sphère du sujet »

Ainsi que TROIS SCHÉMAS SÉMANTIQUES :


Le sujet grammatical peut, en fonction du verbe pronominal :

maximaliser en lui l’agent

équilibrer en lui l’agent et le patient

maximaliser en lui le patient.

Après ces nombreux éclaircissements, il nous est facile de dire que


s’apercevoir, verbe à tour à pronom circonstanciel de l’énonciation, a un sujet

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Les verbes « accidentellement pronominaux » qui existent donc sans le pronom personnel se
(s’apercevoir/ apercevoir) sont opposés aux « essentiellement pronominaux » qui n’ont pas de
doublons non pronominaux (se souvenir/ ?souvenir).
4
Les inaccusatifs représentent une partie des verbes intransitifs qui se conjuguent soit
obligatoirement avec le copule être, soit en alternance avec avoir (§403, 3°, b et c)

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grammatical qui équilibre en lui le patient et l’agent. Un jeune homme est donc le
« siège » de s’en est aperçu.

Enfin, puisque le pronom réfléchi se n’a pas la fonction d’objet direct, le


participe passé ne peut s’accorder avec lui. Avec quoi s’accorde-t-il dès lors ? Si
nous utilisons l’artefact énoncé ci-dessus, notre phrase devient : Un jeune homme
a aperçu [un des pots de peinture basculer dans le vide]. Cependant la
proposition infinitive entre crochets n’est pas exprimée dans la phrase. L’objet
direct est donc le pronom « en » (cf. § 339, 2, b) qui reprend en réalité la phrase
précédente. Le « en » reprenant une phrase entière ne peut avoir un genre défini
(cf. le pronom relatif Neutre en latin) et donc il y a accord mais il est « neutre ».

k) s’est lancé :

À nouveau, ce verbe pronominal pose clairement un problème sémantique.


Le sujet logique et le sujet grammatical se correspondent mais qu’en est-il du
sujet sémantique ? Le jeune homme subit-il l’action ?

Le problème de son rôle sémantique rejoint, dans ce cas-ci, celui de l’accord du


participe passé. Si l’on substitue avoir à être (Le jeune homme a lancé le jeune
homme vers l’échafaudage) la phrase garde-t-elle son sens initial ? Garde-t-elle
même un sens quelconque ? Même à la topicalisation passive (Le jeune homme
est lancé vers l’échafaudage par le jeune homme) la phrase reste douteuse.

La grammaire normative pensa un instant à généraliser le premier principe


de l’accord du participe passé des verbes pronominaux (cf. j) mais s’est
finalement rétractée en laissant les utilisateurs de la langue avec des « phrases
inacceptables » de ce genre.

Quoiqu’il en soit, sémantiquement parlant, le jeune homme s’est lancé vers


l’échafaudage, dans ce contexte-ci, revient à dire : « le jeune homme a couru vers
l’échafaudage ». On peut donc considérer qu’il est agent sémantique et non
patient de sa course.

l) vaut :

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La première phrase (cf. a) nous avait appris que « La « voix passive » [ne]
se contente [pas] de renverser mécaniquement la voix active » (cf. § 581, 1, a),
le verbe valoir le confirme. Problème exclusivement morphologique : le verbe
valoir n’est pas passivable ! Il existe une quantité de verbe et de locutions qui ne
peuvent pas accéder à la topicalisation passive tels que comporter, pouvoir ou
faire tapisserie…

m) se fait bousculer :

La topicalisation factitive - que l’on verra en détail ultérieurement - « se


cumule sans problème avec le moyen pour assumer ou au contraire décliner
la responsabilité du procès 5» (cf. § 587). Initialement, « la topicalisation
factitive installe le sujet logique dans la fonction de sujet grammatical et dans
le rôle d’agent sémantique » (cf. § 587) dans le sens que si Pierre fait chanter
Marie (= « Pierre oblige Marie à chanter »), Pierre est bien l’instigateur de
l’action.

Ce n’est pas le cas de la vieille dame qui se fait bousculer. Elle décline la
responsabilité du procès puisqu’elle subit la bousculade qui est due au jeune
homme. En conséquence, le sujet logique (la vieille dame) ne correspond pas à
l’agent sémantique contrairement à une phrase telle que la vieille dame se fait
coiffer, donc la vieille dame, décidant de se faire coiffer, est agent sémantique !

5
Le factitif bloque, en revanche, le passif non impersonnel (cf. § 587)

1
0
n) lisent :
En passivant la phrase : Un journal est lu par dix millions de Français (=
« le même journal est lu par dix millions de Français »), on s’aperçoit que
sémantiquement, les phrases ne concordent pas.

Cela démontre, une nouvelle fois, que la voix passive n’est pas le
renversement de la phrase active. En réalité, c’est « la portée d’un quantifiant
ou d’une négation [qui] distancie la phrase passive de la voix active » (cf. §
581, 2, b).

o) plonge :

Le verbe plonger nous révèle une autre raison morphologique contrant cette
simplification clairement pédagogique: l’emploi du verbe plonger dans cette
phrase (= « aller du haut vers le bas, descendre brusquement vers quelque
chose ») n’est pas passivable (cf. § 581, 1, b) alors que d’autres de ces emplois le
sont (je suis plongée dans l’eau/ dans l’embarras par mon camarade).

p) s’apprêtait :

Ce verbe « accidentellement pronominal » a le même sens que son doublon


non pronominal, contrairement à s’apercevoir. Cela le rend plus facilement
analysable. Le sujet logique (le pot) et le sujet grammatical coïncident. Si l’on
constate facilement que le pronom se est objet (le pot apprête (= « prépare ») le
pot) et que le verbe accepte une tournure à sujet agentif. Cependant, vu le
contexte (Le pot étant un objet inanimé), il semblerait que le patient soit malgré
tout maximalisé dans cette phrase contrairement à, par exemple, une femme qui
s’apprêtait à partir.

1
1
q) s’écrase :

Ce verbe pronominal, est un exemple de tournure excluant un sujet agentif.


Le contexte ne permet pas au pronom d’être objet (le jeune homme ne s’écrase
pas lui-même) ni au sujet logique d’être le sujet sémantique puisque le jeune
homme n’écrase rien du tout, en l’occurrence il est écrasé. Il ne peut donc être
qu’au tour objectif ! C’est ce qu’on appelle la tournure médio-passive :
effectivement, bien qu’il soit à la voix moyenne, sémantiquement il correspond à
un passif.

Il diffère cependant du passif : « son agent demeure la plupart du temps


implicite (c’est l’omnipersonnel on qui le rend à la « voix active » […]). Un
« complément d’agent » en par reste possible quand une négation exceptive
ou une focalisation obligent à sortir du cercle sujet  pronom réflexif 
sujet : On lance aujourd’hui un homme politique comme une lessive mais
cela ne se pratique que par des margoulins» de plus, « il demande des
complémentations propres » (cf. § 583, rem.).

Ce cas reste bien particulier. Personne n’écrase ce jeune homme, S’il


s’écrase au sol après être tombé, c’est uniquement dû au phénomène de
lagravitation. Pourrait-on transformer la phrase en ?le jeune homme est écrasé par
le phénomène de gravitation ou encore ?le phénomène de gravitation écrase le
jeune homme au sol. Il semblerait que s’écraser ne corresponde pas pleinement au
passif « est écrasé », mais comment le classer dès lors ?

r) il paraît que :

Si la TOPICALISATION IMPERSONNELLE a un sujet grammatical unique (en effet,


le pronom personnel « il » devenu impersonnel avec certains verbes et locution se
généralise après la période du moyen français dont on a conservé des expressions
comme Advienne que Pourra c’est-à-dire « ce qu’il pourra »), elle peut tout de
même avoir un sujet logique, malheureusement celui-ci sera évincé de la
première place et son correspondant personnel est difficilement utilisable. (cf. §
585-586)

1
2
Le sujet logique est en réalité la subordonnée. Cependant, dans ce cas-ci
(Et qu’il ne contenait en fin de compte que le casse-croûte du peintre paraît.), la
locution « il paraît que » (= « on dit que ») a pris une teinte d’incertitude qui ne
se trouve pas initialement dans le verbe ; le correspondant personnel en est
d’autant plus faussé.

s) était censée :

Morphologiquement, ce verbe, au contraire de valoir (cf. l), est toujours passivé


(cf. § 581, 1, c).

t) épris :

Le participe passé non auxilié est considéré comme la réduction du verbe à


la voix passive (Ex : une porte ouverte = « qui est ouverte »). Toutefois, de
nombreux cas infirment cette idée (cf. § 428).

Certains participes passés non auxiliés proviennent:


de verbes pronominaux : il y a effacement de l’auxiliaire et du pronom !
de verbes intransitifs : Ils sont majoritairement utilisés avec l’auxiliaire avoir
(Ex : Une famille dégénérée = « qui a dégénéré »)
soit d’une topicalisation active soit d’une topicalisation passive. (Ex : Le
journal parlé : « qui est parlé » ou « qui parle » ?)
de verbes, adjectifs etc. qui ne peuvent en aucun cas être reliés au passif. (Ex :
Une histoire osée = « qui ose/ audacieuse »)

Ainsi, Le jeune homme épris (= « qui s’est épris) représente parfaitement le


premier cas de figure.

1
3
u) se regardèrent :

Dans cette topicalisation moyenne, le sujet sémantique coïncide avec le


sujet logique, c’est donc une tournure acceptant un sujet agentif.

Nous somme aussi en présence d’un tour à pronom objet cependant c’est
un tour réciproque parce que ils se regardèrent sous-entend que le jeune homme
regarde la jeune fille et que la jeune fille regarde le jeune homme et non que le
jeune homme regarde lui-même et que la jeune fille regarde elle-même ! (cf. §
582)

v) reçut :

Recevoir est un verbe dont le rôle sémantique à la topicalisation active est


objet ! En effet, le fait que le jeune homme reçoive la petite voiture de l’enfant
n’est pas une décision ni une action du jeune homme mais bien de l’enfant qui a
donc le rôle du sujet sémantique! Par ailleurs, « syntaxiquement, le sujet
grammatical ne peut devenir « complément d’agent » s’il assumait à l’actif le
rôle sémantique de patient » (cf. § 581, 3): Une petite voiture de l’enfant a été
reçue par le jeune homme (??).

w) qui avait salé la mer :

Cette phrase représente un problème sémantique. En réalité, si l’on affirme


que la mer est salée, aucun actif n’est envisageable : a, b ou c a salé la mer ? Quel
est le coupable ? (Salé attribut cf. § 612, 4°)

Avec les deux exemples ci-dessus, on établit encore une fois le fait qu’on
ne peut pas simplement renverser l’actif pour avoir la « voix passive ».

x) semblait :

Les verbes copules ont deux critères d’identifications :

Ils « demandent à être complémentés ».

1
4
« La passivation leur est interdite. »

Les copules rejoignent donc valoir dans les verbes morphologiquement non
passivables.

y) fit rougir :

« La topicalisation factitive installe le sujet logique dans la fonction de


sujet grammatical et dans le rôle d’agent sémantique » (cf. § 587) : La jeune
fille est bien responsable du rougissement du jeune homme !

Cependant, il faut remarquer que les variantes de faire telles que envoyer,
laisser, voir (Ex : la jeune fille le laisse rougir) ne sont pas totalement similaires à
la topicalisation factitive parce qu’ils sont « décollable de l’infinitif » (Ex : la
jeune fille laisse le jeune homme rougir) alors que « le coverbe faire souffre au
mieux qu’un pronom [soit] intercalé ». Le jeune homme, quant à lui est agent
sémantique de l’infinitif rougir et objet premier de fit rougir parce que la
pronominalisation se fait en le et non en lui comme pour Pierre lui fait payer =
« Pierre fait payer ses dettes à Marie » (cf. § 587, rem.1)

Le factitif a d’autres particularités :

il a pourvu un objet à de nombreux verbes intransitifs (Ex : voler  faire voler


l’oiseau).

Il compose plusieurs verbes transitifs (Ex : tuer = « faire mourir »).

Il peut compter plusieurs acteurs qui entraînent une redistribution de rôle


constante (Ex : Pierre fait rire = un acteur, Pierre fait donner du pain à Paul
par Marie = quatre acteurs).

« L’omission de l’objet second agent sémantique de l’infinitif […] accroît


le potentiel de la coordination » (cf. § 587, rem. 2, 1)

Il y a une concurrence entre à et par pour introduire l’agent d’un infinitif (cf.
§ 612, 4°) mais l’utilisation de l’un ou l’autre peut désambiguïser certaines
phrases (cf. § 587, rem. 2, 2)

z) suffit :

1
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Il suffit d’un pot de peinture fait partie de la « structure il + verbe +
séquence non verbale » mais, à la différence de il fait beau il dispose d’un
doublon personnel : un pot de peinture suffit devient Il suffit d’un pot de peinture
par une construction prépositionnelle.

Un pot de peinture suffit n’est pas complémenté mais quelques verbes


complémentés directement peuvent aussi passer du personnel à l’impersonnel si
le complément est un pronom clitique (Ex : Ecouter Pierre m’amuse  Il
m’amuse d’écouter Pierre) ou « après topicalisation passive ou médio-passive »
(cf. § 586).

Un cas particulier a été remarqué : « le retardement du sujet logique le


dépossède du rôle de sujet psychologique. La rupture narrative confère alors
à la phrase une pure valeur événementielle » : Un oncle nous arrive
d’Amérique a un effet différent de Il nous arrive un oncle d’Amérique.

Remarques :

La séquence nominale tolère mal l’article le (Ex : il arrive le train ?) sauf


unicité ontologique (Ex : Il arrive la lune) ou épisodique (Ex : Il ne passe
qu’une fois par jour le train).

La topicalisation impersonnelle vole au secours des sujets d’extensivité


partitive en prédication existentielle (Ex : Une bouteille est à table ?  Il y a
une bouteille à table).

3. Pour conclure :

Une tentative de synthétisation donnerait ceci :

L’actif a un sujet grammatical et un sujet logique qui se correspondent et qui


peuvent être sujet ou objet sémantique.

La topicalisation passive suit le même schéma en excluant formellement la


possibilité d’être sujet sémantique.

1
6
A la voix moyenne ou pronominale, le sujet logique, le sujet grammatical et
l’objet sémantique cohabitent obligatoirement et le sujet sémantique est
facultatif.

La construction impersonnelle, a un sujet grammatical qui ne peut concorder au


sujet logique, au sujet sémantique, ni même à l’objet sémantique.

Une phrase à la topicalisation factitive fait se recouper sujet logique,


grammatical et sémantique mais non l’objet sémantique.

III.La Phrase Multiple :


1. Réécriture de l’anecdote :
Il faisait beau le onze novembre et dans une rue passante à heure d’affluence, un
peintre sur un échafaudage ravivait les couleurs d’une façade en sifflant (il
profitait visiblement du temps car étonnamment, il ne pleuvait pas). Un geste
maladroit et un de ses pots de peinture bascula dans le vide. Sur le trottoir un
jeune homme prend l’air, flâne et rêvasse or il s’en est aperçu et s’est donc élancé,
il bouscule une vieille dame promenant son chien - qu’elle habillait généralement
de petits tricots verts et blancs- puis renverse un homme, plongé dans la lecture
d’un journal et sa femme, séduisants. Non seulement il plonge, mais en plus il
saisit au vol le pot qui s’apprêtait à déverser son contenu sur une jeune femme ou
bien sur son enfant qu’elle traînait par la main (Ils venaient d’un magasin, elle
portait des bouteilles de vins et lui un paquet de chips). Il s’écrase au sol sans
avoir lâché le pot… qui ne contenait en fin de compte que le casse-croûte du
peintre et non sa couleur ! La jeune fille et l’enfant n’avaient manifestement pas
appris la politesse et la gratitude car ni l’un ni l’autre ne le remercièrent. Mais le
jeune homme les regarda simplement s’éloigner – il était impressionné par la

1
7
beauté de cette demoiselle – et confus, il murmura: « C’est une déesse ! Comme
Aphrodite… ». Puis pour lui-même : « Reprends-toi et ne va jamais l’aborder ! ».
Lors de cet incident je discutais devant une maison à vendre avec mon associée -
c’est-à-dire j’achète et elle revend des maisons après que je les aie rénovées -, il se
trouve que je fus fort étonnée par la réaction de la jeune femme et ma compagne
aussi.

2. Commentaires grammaticaux :

Comment éclaircir le terme « phrase multiple » ?

Ne serait-ce pas plus pertinent d’élucider en premier lieu le


terme « phrase » ?

Une définition de la phrase dans toute sa complexité est élaborée par


Grevisse, se retrouve dans la grammaire critique de Marc Wilmet (§ 553) et,
puisque cette notion est le fondement même de l’exercice, la voici restituée dans
son entièreté :
« La phrase est l’unité de communication linguistique : c’est une suite
phonique minimale par laquelle un locuteur adresse un message à un
auditeur. Minimale parce qu’en deçà, on a plus une phrase. – Le plus
souvent, la communication comprend plusieurs phrases. Chacune de celles-
ci ont une intonation propre et est suivie d’une pause importante. Dans le
langage écrit, cette pause importante est généralement représentée par un
point.
D’autres signes de ponctuations peuvent marquer la fin d’une phrase : les
points de suspension, le point d’interrogation, le point d’exclamation, le
point virgule, le double point, mais ces divers signes peuvent aussi se
trouver à l’intérieur d’une phrase (…). – Il arrive aussi que le point ne
coïncide pas avec la fin d’une phrase, certains auteurs mettant un terme en
relief en le séparant par le point de la phrase dont il fait partie (…) : La
guerre est une maladie. Comme le typhus (SAINT-EXUPÉRY).

1
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La phrase est le plus souvent constituée de plusieurs mots. Ceux-ci doivent
être organisés d’une certaine façon : * Terre la du autour soleil tourne n’est
pas une phrase française.
Il y a des phrases constituées d’un seul mot : Entrez – Sauvé ! – Imbécile ! –
Oui. – Adieu. – Bravo ! – Zut ! Certains de ces mots ont justement la
particularité de former une phrase à eux seuls (oui, adieu, bravo, zut). –
Dans d’autres cas, ce n’est que de façon occasionnelle que tel mot (sauvé,
imbécile) constitue une phrase ; il ne le devient que s’il est prononcé d’une
certaine manière, avec une modulation qui est représentée dans l’écrit par le
point d’exclamation. »
Wilmet, quat à lui, donne une définition de la phrase plus « mathématique »
en tant que « unité de communication linguistique (…) par laquelle un
locuteur adresse un message à un auditeur » :
« P = Énonciation+ Énoncé ».
Il précise ensuite que « La phrase correspond à la première séquence
quelconque de mots née de la réunion d’une énonciation et d’un énoncé
qui ne laisse en dehors d’elle que le vide ou les mots d’un autre énoncé »

Dès lors que le concept de « phrase » est déterminé, on est en droit de se


demander ce qu’est une phrase multiple.

La phrase multiple est « une addition de phrases simples ou complexes en


parataxe » (Cf. § 554). Elles sont composées de phrases uniques liées par
insertion ou ligature (cf. § 696).

Non content d’avoir des phrases et des phrases multiples, il existe aussi des
phrases simples, complexes et uniques !

En réalité la phrase (P) se subdivise en phrase unique OU multiple.


La phrase unique n’est composée que d’une prédication première (cf. § 608-609)
alors que la phrase multiple est composée de X phrases uniques.

1
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La phrase unique aussi se fragmente. Elle peut être une phrase simple, ne
contenant aucune sous phrase, ou une phrase complexe scindée en une phrase
matrice et une ou plusieurs phrases enchâssées à celle-ci.

Une caractéristique importante des phrases multiples est la suivante : « Les


segments de la phrase multiple doivent être viables isolément » (cf. § 680,
rem.).

Puisque nous sommes maintenant armés de ces notions grammaticales, nous


pouvons, dès lors, entamer le sujet.

a) et :

Comme signalé ci-dessus, les phrases multiples sont formées de plusieurs


phrases uniques reliées par insertion ou ligature (cf. § 696). Nous sommes ici
dans un cas de ligature « formelle » (cf. § 700), c’est-à-dire de coordination.

Et, désigné comme « conjonction de coordination », associe la phrase


unique 1 : « Il faisait beau le onze novembre » et la phrase unique 2 : « dans une
rue passante à heure d’affluence, un peintre sur un échafaudage ravivait les
couleurs d’une façade en sifflant ». Si et est désigné sous le nom de copulatif (cf.
u et § 703) il « s’annexe au gré des contextes et des connaissances
extralinguistiques », il représente ici la sécution (cf. § 703).

b) les parenthèses :

L’autre procédé pour joindre deux phrases uniques, l’insertion utilise une
procédure appelée « incidente » (cf. § 697). L’un des outils employés pour ce
faire, sont les parenthèses (cf. § 699).

c) car :

Il est important de remarquer que l’incidente peut aussi bien contenir des
phrases simples que complexes, ainsi que des phrases uniques ou multiples (cf. §
699). Par conséquent, il n’est pas extraordinaire de retrouver dans cette incidente
(cf. b) une autre phrase multiple. La conjonction de coordination causale car

2
0
assemble par une ligature formelle « il profitait visiblement du temps » et
« étonnamment, il ne pleuvait pas ».

Il est à remarquer que « car a parfois été incorporé aux « conjonctions


de subordinations » » (cf. § 701, rem.). En effet, sémantiquement proche de
parce que et puisque, « car est la conjonction de coordination la plus proche de
la subordination » (cf. § 701, rem.).

On peut aisément admettre que:

« La majorité des emplois de parce que […]et puisque lui sont


accessibles » (cf. § 701, rem.).

Il peut être repris par que (Exemple de Vialar: «… le maître de cérémonie qui
parlait fortement du nez car il était enrhumé depuis trois jours et que cette
église (…) était glaciale… » )

Son étymologie (du latin: quare) le rapproche de quand et comme.

Toutefois :

L’emploi de car est fortement limité par rapport à celui de parce que.

Il n’introduit pas de « complément intraprédicationnel » (cf. § 701, rem.)


comme parce que (Ex : Elle n’a pas demandé le divorce car il ronflait = « Elle
n’a pas divorcé car elle avait besoin de ses ronflements » alors que Elle n’a pas
demandé le divorce parce qu’il ronflait = « Elle ne divorce pas en raison de ses
ronflements mais d’autre chose »).

Il est difficilement déplaçable à l’inverse de parce que et puisque.

Le modulateur de vérité qui inverse le S et le Verbe n’ont pas d’effet dans une
sous-phrase (Ex : Pierre est en retard car peut-être a-t-il eu un accident mais
Pierre est en retard parce que peut-être il a eu un accident).

En réalité, il « complète à la perfection les enchâsseurs puisque et parce


que » (cf. § 701, rem.) ! Il enchaîne « p à q sur la base à la fois de
l’énonciation et du contenu énoncé » (cf. § 701, rem.), en somme, il
coordonne P1 et P2 ! De plus, car ne se répète jamais sauf à très longue

2
1
distance. Marc Wilmet explique donc la reprise de car par que soit par un que
parasite, soit par un « raccourcissant indûment de parce que sous l’effet du et
superflu» (cf. § 701, rem.). Il constate par ailleurs que la sous-phrase explicite
en réalité la P2 (le rhume) et non la P1 (le nasillement) ! Les phrases boiteuses
telles que Elle n’a pas demandé le divorce CAR il ronflait mais CAR il la battait
s’explique très bien dans le discours absorbé (cf. s).

d) un geste maladroit et…

Contrairement au et du point a, celui-ci représente la consécution (cf. §


703). puisque le pot bascule directement après le geste maladroit du peintre.

Bien que les coordonnants unissent les phrases, certains (et, ni et quelques
fois ou et mais) entraînent la suppression de morceaux de phrase communs (cf. §
705).

Ces suppressions peuvent poser quelques problèmes d’interprétation et


certains changements grammaticaux ; ce n’est cependant pas le cas ici.

Dans les phrases multiples, il y a différents cas où P1 et/ou P2 sont


abrégées. La phrase Un geste maladroit et un de ses pots de peinture bascula dans
le vide représente le cas de la « P1 en prédication incomplète » (cf. § 706). En
prédication complète, la phrase serait IL FAIT un geste maladroit et (…).
Les autres cas sont envisagés par la suite.

e) un jeune homme prend l’air, flâne et rêvasse :

Cette phrase exemplifie l’un des changements grammaticaux (cf. ci-


dessus) : « La coordination de verbe crée des syntagmes verbaux à têtes
multiples » (cf. § 706).

f) or… donc…

2
2
Si la ligature formelle est utilisée avec des « conjonctions de coordination »
(cf. a et § 701) égrenés par la grammaire scolaire avec la fameuse astuce
mnémotechnique: Mais, ou, et, donc, or, ni, car. Force a été de constater
l’hétérogénéité de cet ensemble et notamment le fait que donc est déplaçable
(Ex : Je pense donc je suis ou je pense, je suis donc tandis que je pense mais je
suis fatigué ou * je pense je suis fatigué mais) et combinable (Ex : Et donc, ou
donc, ni donc, car donc, mais donc… alors que * car mais, *or ou…).

Ce problème entraîne deux solutions possibles : « soit on évacue l’intrus


en direction des adverbes (…), soit on accueille au voisinage de donc des
« conjonctions occasionnelles »» (cf. § 701) mais dans le premier cas « on
démembre le syllogisme » composé de or… donc… que représente la phrase
multiple Sur le trottoir se promène un jeune homme OR il s’en est aperçu et s’est
DONC élancé qui associe indéniablement trois phrases uniques (P1 or P2 donc
P3).

Il serait donc plus logique d’accepter des « conjonctions occasionnelles » !

g) la virgule :

L’union de phrases peut être construite par la ligature supra-segmentale ou


juxtaposition. Celle-ci consiste en « une coordination minimale – à ligateur
zéro- de mots, de syntagmes, de sous-phrases ou de phrases » (cf. § 708).
Si à l’oral, elle est signalée « par des arrêts de durées variables », à l’écrit elle
« use d’une batterie de ponctuation » (cf. § 709) c’est-à-dire la virgule, le
point-virgule, le point d’interrogation, le point d’exclamation, les deux points et
les points de suspension.

Il y a cependant une difficulté : La ponctuation ne contribue que


partiellement à la juxtaposition. De même, elle ne reflète « pas toujours une
courbe mélodique » (§ 708).

Dans ce cas-ci, la virgule juxtapose clairement les deux phrases -déjà


multiples par des ligatures formelles- sur le trottoir se promène un jeune homme
or il s’en est aperçu et s’est donc élancé ET il bouscule une vieille dame

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promenant son chien puis renverse un homme, plongé dans la lecture d’un
journal. Elle n’accompagne pas une apposition, une « apostrophe » ou même une
ellipse du verbe ! (cf. § 709 pour les autres emplois non juxtaposants). De plus,
puisqu’elle ne précède pas les coordonnants or, car, mais, et, ni ou encore ou, son
emploi est donc bien mélodique (cf. §709 pour les autres emplois non
mélodiques) !

h) et :

Dans le cas des tricots verts et blancs du chien, nous sommes en droit de
nous demander si ce sont des tricots verts et des tricots blancs ou des tricots
porteur des deux couleurs : vert et blanc. Voici donc un exemple des suppressions
qui peuvent posé problème d’interprétation (cf. d).

En effet, « La coordination des caractérisants offre plus ou moins de


prise aux reconstructions » (cf. § 705).

i) puis :

Parmi ces « conjonctions occasionnelles » formées d’ « adverbes et


adverbiaux » tels que ainsi, toutefois, voire, par contre etc., nous retrouvons puis
(coordonnant consécutif) qui est combinable mais non déplaçable ! Dans
l’anecdote, puis rejoint la P1 il bouscule une vieille dame promenant son chien
[…] et la P2 [il] renverse un homme, plongé dans la lecture d’un journal […] (cf.
§ 701).

j) un homme […] et sa femme, séduisants :

La suppression de certains mots entraînant des changements grammaticaux


(cf. d), ici nous avons affaire à « un homme séduisant et sa femme séduisante »
mais « La coordination de syntagmes nominaux provoquent l’accord de
l’adjectif ou du verbe avec le noyau bicéphale » ou tricéphale etc. (cf. § 705)

Remarque : Cependant« l’effacement ou le retardement du second noyau


ramènent le singulier » comme Wilmet le démontre dans son exemple La
critique des Jésuites par Pascal et de Pascal par les Jésuites ne FAIT plus rire
personne (cf. § 705)

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k) non seulement… mais en plus :

Si les adverbes et adverbiaux cités ci-dessus composent les « conjonctions


occasionnelles », les corrélatifs également (autant… autant, soit… soit, ou sans
redoublement sinon… du moins… etc.) évoqués par Non seulement il plonge,
mais en plus il saisit au vol le pot […] (cf. § 701).

l) ou bien :

Une autre marque de l’hétérogénéité des conjonctions de coordinations : Ou


(comme mais et et) est couplable à bien (Cf. § 701).

Ce ou marque une disjonction exclusive (cf. § 703) puisque la peinture serait


tombée soit sur l’un soit sur l’autre contrairement à la phrase la pellicule
photographique peut être un positif ou un négatif ou l’une des deux propositions,
au moins, est vraie.

m) elle portait des bouteilles de vins et lui un paquet de chips :

La phase comporte une « P2 à sujet propre économisant un noyau verbal


sur le compte de P1 » (cf. § 706) puisque le verbe portait est abrégé (cf. d)

n) et non :

Enoncé au point d, les P2 utilisée avec non s’abrège (cf. § 706).

Effectivement, (…) le pot… qui ne contenait en fin de compte que le casse-


croûte du peintre et non sa couleur équivaut à « le pot… QUI NE CONTENAIT
en fin de compte que le casse-croûte du peintre et QUI NE CONTENAIT PAS sa
couleur ».

o) la jeune fille et l’enfant […] la politesse et la gratitude :

La jeune fille et l’enfant n’avaient manifestement pas appris la politesse et


la gratitude représente un autre problème d’interprétation (cf. d) causé par « le
déploiement aveugle des coordinations risque d’outrepasser son but » (cf. §
705). De fait, La phrase correspond-t-elle à « La jeune fille n’avait
manifestement pas appris la politesse et la gratitude et l’enfant n’avait
manifestement pas appris la politesse et la gratitude » ou « La jeune fille n’avait

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5
manifestement pas appris la politesse et l’enfant n’avait manifestement pas appris
la gratitude » ?

p) car ni… ni… :

Ni est non seulement répété - comme peuvent l’être ou et et - mais aussi


combinable aux autres (notamment avec car comme démontré ici), troisième
preuve de l’hétérogénéité des conjonctions de coordinations (cf. § 701).

q) mais :

L’exemple de la juxtaposition (cf. f) nous indique que la phrase multiple


peut outrepasser de nombreux signes de ponctuation cependant elle se termine
généralement par le point.

Malgré tout, il arrive qu’elle réussisse à l’enjamber :

Dans « La Phrase P2 à ligateur », Les adverbes ordinatifs et pronoms


« relatifs » ainsi que la locution ça fait que s’y prêtent allègrement. (cf. § 710)

Ce mais est bien un ligateur malgré le point qui le sépare de la phrase


précédente. Si l’on réduisait les deux phrases multiples liée par le coordonnant
adversatif à l’opposition qu’elles marquent, on pourrait lire : Ils firent preuve
d’ingratitude MAIS le jeune homme les regarda simplement s’éloigner.

Il existe pourtant des « et, mais, car… non coordonnants à l’initiale de


phrases », ils réintègrent dès lors les adverbes ordinatifs (cf. § 707).

r) les tirets :

Second outil de l’incidente, les tirets insèrent une phrase unique simple à la
1ère partie de la phrase multiple Mais le jeune homme les regarda simplement
s’éloigner et confus, il murmura: « C’est une déesse ! Comme Aphrodite. ». (cf.
§ 699)

Cette insertion a pour but d’expliquer la raison de la réaction du jeune


homme. En outre, elle clarifie son discours : « C’est une déesse !Comme
Aphrodite », celui-ci prend tout son sens !

2
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Il arrive que l’insertion prévale sur la coordination. Ce n’est pas le cas
présentement (cf. § 699, rem.).

s) le discours direct :

L’association par insertion se fait aussi par emboîtement. L’emboîtement


consiste à insérer un discours direct qui « active une actualité A2 sous l’actualité
A » (cf. § 698).

Cependant, ne serait-on pas plutôt en présence d’une phrase complexe avec


la sous-phrase Δ ayant la fonction d’objet premier du verbe embrayeur
murmurer ? Mais, « que devient pourtant la définition de P par la réunion
d’une énonciation et d’un énoncé (cf. § 558) ? Où interrompre l’écoulement
continu du DD embrayé vers le DD non embrayé (cf. § 565, 2°) ? Et les
dialogues indiquant le changement d’énonciateur au moyen de tirets à
l’exclusion de tout autre embrayage seront-ils aussi des objets (…) ? » (cf. §
698)

Une solution est proposée par Dan Van Raemdonck à savoir « une phrase
« doublement complexe » » qui dédoublerait « l’énoncé et l’énonciation par
absorption de la phrase à prédication expliquée » (cf. § 698). Les quatre
sections du Discours rapporté se réduiraient à trois : Discours Indirect, Discours
Indirect Libre et Discours Absorbé.

Le verbe murmurer serait alors un « simple signal – utile mais non


indispensable – d’un saut d’actualité !

t) comme Aphrodite :

La phrase multiple dépasse aussi le point lorsque « La phrase P2 est amputée de


ses parties communes avec P1 ». L’exemple C’est une déesse ! Comme
Aphrodite… peut être envisager sous deux angles différents : « Une phrase
unique avec un caractérisant ou un complément circonstanciel –
intraprédicationnel ou extraprédicationnel – détachés (cf. § 649) » ou bien
« une unique avec une apposition au sujet (cf. § 640, 3°, rem.) »

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u) reprends-toi et ne va jamais l’aborder ! :

L’abrègement des P1 et/ou P2 (cf. d) peut aussi être dû à l’impératif. En effet, le


« sujet [est] effacé [toujours] par l’impératif » (cf. § 706).

v) c’est-à-dire :

En plus des adverbes et adverbiaux (cf. i) et des corrélatifs (cf. k), d’autres
coordonnants sont recrutés chez les adverbes ordinatifs comme alias, autrement
dit, c’est-à-dire (comme ici), jusqu’à… (cf. § 701)

Au fond, la démarche ne devrait pas être l’extension de la liste des


coordonnants mais bien de faire un « inventaire non fini des adverbes capables
de coordonner des phrases, des sous-phrases, des syntagmes, des mots et/ou
préfixes » (cf. § 701) puis de sélectionner les adverbes « immobilisés aux
jointures de la phrase multiple » (et, ou, ni, mais, car, or, donc) et enfin de
pointer « les adverbes spécialisés à la réunion de phrases ou de sous-
phrases » (cf.§ 701).

Cependant, le grand nombre de coordonnants donne lieu à des


« regroupements sémantiques » (cf. § 703) :

Copulatifs : et (cf. a et d), ni (cf. p), aussi (cf. x)…

Disjonctifs : ou (cf. i), voire, soit… soit, etc.

Adversatifs : mais (cf. q), cependant, néanmoins…

Causaux : car (cf. c), en effet…

Consécutifs : donc (cf. f), alors, aussi, ensuite, puis (cf. g)…

w) j’achète et elle revend des maisons :

Nous nous retrouvons en présence d’une « P1 à sujet propre attendant


un objet premier de P2 » (cf. § 706). L’objet premier des maisons de la P1
j’achète a bien été abrégé (cf. d)

x) et ma compagne aussi :

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« Les P2 en aussi, également, de même » (vf. § 706) sont considérablement
abrégées (cf. d) : Elles ne gardent que le sujet !

3. Pour conclure:
Après avoir effectué cet exercice, il est facile de percevoir la complexité de
la ligature formelle. La nature même des conjonctions de coordination – et de
toutes les conjonctions au fond – est proprement insaisissable pour la grammaire
traditionnelle qui regroupa prépositions et conjonctions sous le terme « mots de
liaison ».
En réalité, Après la réduction des dizaines de classes grammaticales, « on ne
conserve que 1° le nom, 2° l’adjectif, 3°le verbe 4° peut-être le pronom (d’où
sortent l’adverbe et, en un processus de grammaticalisation progressive, les
prépositions et les conjonctions, définies par leurs fonctions de ligateur,
d’enchâsseur et/ou de translateur cf. § 668, rem. § 678) ». Par ailleurs, « la
préposition et la conjonction illustreraient bien un quatrième avatar de
l’incidence externe (cf. § 653, 1°) » (cf. § 702).

Enfin, il est conséquent de mentionner que les phrases multiples sont la


dernière étape de la construction de phrase. Le stade suivant pour l'usager de la
langue française sera la construction de texte (cf. § 711) !

IV.Conclusion :

Ce travail, après avoir été dûment accompli, nous permet de nous rapprocher
d’une science fort dénigrée et récusée. La grammaire Wilmet nous offre une
approche d’une scientificité soutenue et parfois complexe malgré le bagage
d’étudiant de la langue française que l’on porte depuis deux longues années. Mais
qu’en est-il alors des personnes n’ayant pas ces compétences ?

Malheureusement, à la différence des autres sciences, la grammaire est


l’outil par excellence de la communication écrite entre les êtres et son
apprentissage fastidieux façonne un handicap que nombreux d’entre nous portent.

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S’il existe des portes ouvertes permettant aux éclopés de fuir leurs hantises :
Physique, Chimie ou Mathématique ; la grammaire enveloppe ces « victimes »
tout au long de leur vie.

Voila pourquoi, la grammaire est la science la plus vilipendée qui soit. Alors
qu’en réalité, elle demande simplement un peu de rigueur, de logique et de
réflexion.

V.Bibliographie :
- WILMET Marc, Grammaire critique du français 3e édition, Bruxelles, duculot,
2003, 758 p.
- ENGLEBERT Annick, Grammaire descriptive du français moderne II, Bruxelles,
PUB, 2006, p. 104-109

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Table des matières

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