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EXPLICATION DU SENS DU

CLASSIQUE DE LA COUR JAUNE


(HUANGTINGJING JIANGYI)

par Chen Yingning

Chapitre premier – La Cour jaune (huangting)


Si l’on veut lire le Classique de la cour jaune (Huangtingjing), il faut d’abord comprendre
la signification de ces deux mots Cour jaune. Le jaune est la couleur de la terre, la
localisation de l’élément terre est le centre; une cour est un espace vide devant un
escalier. Le syntagme Cour jaune a donc la signification de vide central. Le corps humain,
de l’ombilic à son extrémité supérieure - donc dans sa partie supérieure -, est comme la
tige ou le tronc d’un végétal, l’élan vital (shengji) est orienté vers le haut. Le bas du
corps, de l’ombilic aux extrémités inférieures, est semblable aux racines d’un végétal,
l’élan vital est orienté vers le bas. Le mécanisme physiologique général se résume en
forces vitales élémentaires supérieures et inférieures. Le point de séparation se situe
chez les végétaux au niveau du sol, qui fixe la frontière entre racines et tiges, dans le
corps humain, il s’agit de l’ombilic. Lorsque l’embryon est dans l’utérus, il ne respire pas
par le nez, c’est par le cordon ombilical que s’effectue la fonction respiratoire. Après la
naissance, l’ombilic perd sa fonction, et les cavités nasales se débouchent. Les formules
secrètes orales des Adeptes mettent l’accent sur la respiration embryonnaire. Qu’est-ce
que la respiration embryonnaire ? Cela signifie que la respiration cesse et retourne à la
racine (gen). Et qu’est-ce que la racine ? Il s’agit de la cavité ombilicale interne. Cette
cavité ombilicale interne est la Cour jaune.

Passages à l’appui tiré du Classique de la cour jaune

En haut, l’âme intellective hunling, en bas, la passe originelle yuanguan, à


gauche, le shaoyang, à droite, le taiyin, à l’arrière l’ huis secret mihu, à
l’avant, la porte de la vie shengmen. La sortie est de nature solaire yang,
l’entrée de nature lunaire yin, expiration, inspiration ,conservation.
(Neijing, ch.2).

En haut, la Cour jaune, en bas, la passe originelle, devant, il y a le Palais


obscur you que, à l’arrière la porte de la destinée mingmen. (Waijing, ch.
1).

L’homme réalisé (zhenren) de la Cour jaune est vêtu d’habits rouges, les
portes de la passe, la flûte de roseau enferme les deux vantaux, le palais
sombre l’enserre, cet endroit très vénérable, et au centre du champ de
cinabre, essence séminale et souffle sont impalpables. (Waijing, ch. 2).

Explications

L’âme intellective est le coeur/esprit (xinshen). Le point guanyuan se situe à trois pouces
au-dessous de l’ombilic. A gauche le yang à droite le yin. Il s’agit d’un énoncé de principe.
S’il fallait chercher à tout prix une localisation dans les viscères ou les méridiens pour
leur donner substance, ce serait une explication tirée par les cheveux. L’huis secret mihu
se situe à l’arrière du corps dans la région lombaire. La porte de la vie (shengmen) est
l’ombilic.
Li Hanxu dit : entre « haut », « bas », « devant », « derrière », « gauche », « droite », se
cache dans l’ombre le mot « milieu » (zhong). Ce « centre », c’est le vacuum vacui, le
vide sans cavité correspondante (xuwu qiao). Le soleil et la lune extérieurs, lorsque l’un
arrive, l’autre s’en va, et vice-versa. Le soleil et la lune intérieurs effectuent des
mouvements de montée et de descente, la respiration est ininterrompue et s’égalise à
l’intérieur de ce vacuum vacui. L’expiration hu est un processus de sortie, l’inspiration xi
est un processus d’entrée, la sortie est ouverture, l’entrée est fermeture, l’ouverture est
yang, la fermeture est yin, le yang est solaire, le yin est lunaire, c’est pourquoi il est dit :
« La sortie est de nature solaire, l’entrée de nature lunaire, expiration, inspiration,
conservation. » Le dessous de la Cour jaune, c’est le point guanyuan. Le dessus du point
guanyuan, c’est la Cour jaune. C’est pourquoi il est dit : « Au-dessus, il y a la Cour jaune,
au-dessous le point guanyuan. » La phrase du Canon intérieur « en haut il y a l’âme
intellective hunling, en bas il y a le point guanyuan », cela signifie qu’au-dessus de la
Cour jaune, il y a le coeur/esprit xinshen, et qu’au-dessous de la Cour jaune il y a le point
guanyuan. Si les termes sont différents, le sens est le même.
Le Palais sombre youque, c’est la porte de la vie shengmen, et la porte de la vie, c’est
l’ombilic. Les spécialistes de l’acuponcture l’appellent le Palais de l’esprit shenque ou la
Halte du souffle (qishe). La porte de la destinée mingmen, c’est l’huis secret, qui se situe
sous la quatorzième vertèbre, c’est-à-dire la deuxième lombaire. Les pratiquants
déversent et conservent le coeur/esprit dans la Cour jaune, et l’appellent l’homme
véritable de la Cour jaune. La couleur originelle du coeur est le rouge, d’où l’expression :
« il est revêtu d’habits rouges ». L’esprit shen pénètre dans le souffle, le souffle lui sert
d’enveloppe externe, comme un coït entre un mâle et une femelle, d’où l’expression
« flûte de roseau ». Fermeture des deux vantaux, c’est une métaphore pour la liaison
mutuelle du yin et du yang. Le très haut, c’est ce que le Cantongqi dit être né avant le
Ciel et la Terre. Très-haut signifie très vénérable. Le champ de cinabre est l’endroit où se
noue le cinabre, comme une graine plantée dans un champ. Il en naît naturellement une
plante et ensuite des fruits, dont on peut fixer les délais de croissance et de maturation.
C’est pourquoi on parle de « champ ». Le terme « impalpable » de la phrase « essence
séminale et souffle sont impalpables » est aisé à comprendre. Par exemple, l’essence
impalpable et pure dont parle le Zhouyi, la communication mystérieuse impalpable et
merveilleuse de Laozi sont les résultats obtenus par la Voie du Cinabre. La Voie du
Cinabre, bien qu’elle n’ait pas besoin d’autre chose pour son accomplissement de
l’accumulation de l’essence séminale et du souffle, ne saurait déboucher sur les résultats
merveilleux que l’on en attend, si on ne sait pas distinguer les parties subtiles de
l’essence séminale et du souffle de leurs parties grossières.

Commentaire supplémentaire : la localisation de la Cour jaune dont parlent les ouvrages


taoïstes plus tardifs est légèrement différente de celle qui est mentionnée par le
Classique de la cour jaune.

Chapitre deuxième – Le niwan


Le niwan est le champ de cinabre supérieur, juste au sommet du crâne. Les spécialistes
de l’acuponcture et de la moxibustion le nomment point baihui, c’est le cerveau. Il s’agit
du point le plus important pour les pratiquants. Durant une session d’exercice, le régime
du feu de la révolution céleste (yun zhoutian huohou) doit nécessairement monter à
l’arrière du corps et descendre par l’avant. Le processus de montée, parvenu au niwan,
prend fin. La descente commence au niwan. C’est ce que l’on nomme le retournement de
l’essence séminale pour régénérer le cerveau. Car la substance même de la moelle
cervicale est la part la plus pure de l’essence séminale, sa manifestation de ce qui est le
plus transcendant.

La constitution même de la matière cervicale provient indirectement de la transformation


du souffle originel (yuanqi), et, en cas de perte, il n’existe pas de substance matérielle
directement capable de la régénérer pleinement. Les hommes, après avoir atteint l’âge
moyen, endommagent leur force cervicale, qui diminue et s’affaiblit, et cherchent
fréquemment de l’aide dans la pharmacothérapie. Mais les drogues n’ont pas la propriété
de régénérer le cerveau. Seul celui qui possède les procédés merveilleux des Adeptes,
qui tire avantage du mécanisme de la montée et de la descente du yin et du yang,
engendre par transformation la substance transcendante (lingzhi), l’accumule sans cesse
durant des jours, peut faire en sorte que la matière cervicale, progressivement, se
reconstitue, et revienne à sa complexion primitive. On peut même aller au-delà, et dès
lors la nature innée (xing) trouve une base, la destinée (ming) trouve un point d’appui. Si
l’on n’est pas encore un Adepte, on n’en est pas loin.

Passages à l’appui tires du classique de la cour jaune

La Voie la plus haute consiste à ne pas se laisser troubler par les formules
orales et à maintenir le véritable (zhen). Le niwan et les cent articulations
sont tous habités par des divinités. Toutes les divinités ont pour ancêtre le
niwan. Les Neuf Véritables du niwan ont chacun une pièce, ils résident au
centre d’un carré d’un pouce de côté. Cependant, lorsqu’on pense à la
partie qui détient la longévité sans limites, il ne faut pas chercher ailleurs
que dans le cerveau. (Neijing, chap. VII).

Au milieu de la Chambre de jade précieux jingshi, les Huit Candides sont


réunis, la Dame du niwan occupe la position centrale. (Neijing, chap. XXI).

Je protège les Trois Transcendants uniques dans mon niwan, indifférent et


silencieux, vision close, et l’intérieur s’illumine de lui-même. (ibid.).

Demande-toi quel fils de famille réside dans ton corps, et d’où cet homme
sort-il pour pénétrer dans le niwan ? (Neijing, chap. XIX).

Explications
La Voie privilégie les principes simples, et, bien que les formules secrètes orales soient
nombreuses, la plus importante est de maintenir le Véritable (cunzhen). Maintenir, c’est
maintenir la pensée (cunxiang), le Véritable, c’est l’Homme véritable, ce qui signifie qu’il
faut conserver par la pensée l’existence de l’Homme véritable de mon corps. L’Homme
véritable, c’est l’esprit shen. Bien que les cent articulations du corps renferment toutes
des divinités, seule la divinité du niwan est l’ancêtre de toutes les autres. Le niwan est
composé de quatre carrés correspondant aux points cardinaux et de quatre carrés
correspondant aux points collatéraux, ce qui fait neuf secteurs en comptant le carré du
centre, le carré d’un pouce de côté au centre est le point de réunion de toutes les
divinités. Les pratiquants n’ont pas besoin de chercher autre part. Car maintenir par la
pensée l’esprit shen en un seul endroit rend possible l’obtention d’une inépuisable
longévité. Ainsi, l’esprit shen, en un seul endroit, ne se disperse pas pour aller loger à
d’autres endroits du corps, et se loge tout entier dans le cerveau. Le cerveau est le
maître du corps. Si l’on maîtrise ce maître, on obtient aisément les résultats escomptés.

La Chambre de jade précieux, c’est la cavité crânienne, les Huit Candides sont les dieux
des quatre secteurs correspondant aux points cardinaux et des quatre secteurs des
points collatéraux, la Dame du niwan est la divinité qui réside au centre de la cavité
crânienne. On l’appelle la Dame, ce qui signifie que le cerveau est de nature yin. La
tranquillité lui convient, et non le mouvement. S’il est tranquille, il demeure en paix, s’il
est en mouvement, il subit des dommages. Cela se fonde sur le principe de Laozi :
« garder le féminin » (shouci). Les Trois Uniques, ce sont les Trois Originels (sanyuan),
c’est-à-dire l’essence séminale originelle, le souffle originel, l’esprit shen originel.
L’indifférence et le silence consistent à limiter le désir et à diminuer la ratiocination. La
vision close consiste à fermer les yeux et à inverser la vision - vers l’intérieur -. Cela veut
dire que la seule méthode pour protéger et nourrir l’essence séminale, le souffle, et
l’esprit qui se trouvent dans le cerveau, consiste à inverser la vision, ce qui illumine
l’intérieur. « Quel fils de famille », c’est une métaphore pour désigner le cinabre intérieur.
Lorsque le cinabre intérieur est déjà planté dans le champ de cinabre inférieur, il doit par
nécessité effectuer un mouvement ascendant, il monte et pénètre le niwan. La vision
inversée et l’illumination intérieure, c’est la technique de nourrissement de la nature
innée (xing) par le repos, la confection du cinabre qui prend la direction du haut, c’est la
technique de coagulation de la destinée (ming) par le mouvement. Si l’usage est
différent, le principe est le même.

Chapitre troisième – Les âmes hun et po


En ce qui concerne les âmes hun et po, les théories sont assez complexes, il est
impossible de raffiner, si l’on s’en tient à l’essentiel, il y a en gros dix conceptions
différentes.
1. Explication des âmes hun et po par le yin et le yang. Chen dit, dans son commentaire
du Liji : « L’âme hun est l’élément transcendant (ling) du yang et la fine fleur du souffle,
le po est l’élément transcendant (ling) du yin et l’essence séminale du corps. » Gao You,
dans son commentaire du Huainanzi dit : « Le hun est l’élément divin (shen) du yang, le
po est l’élément divin du yin. »

2. Explication par les Cinq Eléments. Le Zhuzi quanshu dit : « Le hun se rattache à
l’élément bois, le po se rattache à l’élément métal. » Lorsque l’on dit qu’il y a trois hun et
sept po, cela correspond au chiffre de l’élément bois et au chiffre de l’élément métal.

3. Explication par les Cinq Viscères. Le Huangdi neijing dit : « Le coeur renferme l’esprit
shen, le foie renferme l’âme hun, les reins renferment l’essence séminale, les poumons
renferment l’âme po. » « Ce qui suit l’esprit dans ses allées et venues est appelé hun, ce
qui accompagne les entrées et les sorties de l’essence séminale est appelé po. » Cela
signifie que l’âme hun et l’esprit sont de même espèce, que le po et l’essence séminale
forment également une seule espèce. C’est la doctrine de la Voie du cinabre orthodoxe,
selon laquelle l’Est a le nombre trois, le Sud, deux, l’élément bois et l’élément feu sont
compagnons, l’Ouest est quatre et le Nord un, l’élément métal et l’élément eau occupant
le même palais.

4. Explication par l’élément divin et l’élément spectral (guishen). Le chapitre Jiyi du Liji dit
: « Le souffle est la fleur de l’esprit, le po est la fleur de l’élément spectral. » Le souffle ici
a le sens d’âme hun, les Anciens faisaient du souffle et de l’âme hun un seul concept,
comme le montre par exemple cette citation de Yan Lingji : « Os et chair retournent à la
terre, on ne sait ce qu’il advient du hun et du souffle. »

5. Explication par le repos et le mouvement. Le Xingli daquan cite un confucianiste des


Song : « Ce qui agit, c’est l’âme hun, ce qui est en repos, c’est l’âme po. Les deux mots
‘mouvement’ et ‘repos’ sont suffisants pour. décrire le hun et le po. Toutes les facultés
impliquant une quelconque activité sont induites par le hun, le po en est bien incapable. »

6. Explication par les mouvements ascendants et descendants. On lit dans le Zhuzi


quanshu : « Lorsque l’homme va mourir, le souffle chaud sort par le haut, c’est ce que
l’on nomme la montée de l’âme hun. La partie inférieure du corps se refroidit
progressivement, c’est ce que l’on nomme la descente de l’âme po. »

7. Explication par le souffle et la volonté (zhi). Le Zhuzi quanshu cite le commentaire du


Zhouyi par Maître Su : « Chez les hommes ordinaires, lorsque les souffles dominent la
volonté, ils constituent l’âme po. Lorsque la volonté domine les souffles, elle constitue
l’âme hun. »

8. Explication par l’acte d’intellection (siliang) et la capacité mémorielle. Huang Mianzhai,


un confucianiste des Song, écrit : « L’homme n’a qu’une seule âme hun et qu’une seule
âme po. Lorsque l’on prend note mentalement d’un évènement, la base naturelle de la
faculté de mémorisation est l’âme po. S’il y a élargissement de l’acte d’intellection, la
base en est l’âme hun. L’âme hun préside à la fonction organisatrice de la pensée, l’âme
po préside aux fonctions perceptives. »

9. Explication par la conscience et le corps physique. Chen, dans son commentaire au


chapitre Jiyi du Liji, écrit : « La conscience de l’homme appartient à l’âme hun, le corps
appartient à l’âme po. Le nez et la bouche aspirant et expirant du souffle, ils
appartiennent au hun. L’ouïe et la vision sont corporelles, ces sièges de l’acuité auditive
et de la clarté visuelle appartiennent au po. »

10. Explication par la succession des processus de naissance et de croissance. On lit dans
le Zuozhuan : « La première étape de transformation du principe vital de l’homme
s’appelle l’âme po. L’âme po une fois créée, le yang a pour nom l’âme hun. » Les
commentaires confucianistes ultérieurs expliquent ainsi le passage : « La première étape
du processus de transformation du principe vital est le moment où le principe
organisateur au sein de l’embryon en modèle la forme. La disposition naturelle la plus
primitive que possède l’organisme humain de recevoir le souffle, puis de l’agglomérer de
façon à modeler un foetus, c’est l’âme po. Une fois l’âme po constituée, apparaît alors
progressivement la faculté de mouvement, qui appartient au yang, et se nomme l’âme
hun. »

Les conceptions énumérées ci-dessus sont certes différentes. Mais lorsqu’on les réunit, et
qu’on les examine attentivement, elles présentent nettement un élément commun. Le
Huangdi neijing dit : « L’âme hun et l’âme po une fois constituées, elles deviennent
l’homme. » Zai Shengbai dit dans son commentaire : « Le souffle et la forme corporelle
croissent, l’âme hun et l’âme po croissent avec eux, le souffle et la forme corporelle
décroissent, l’âme hun et l’âme po dégénèrent avec eux. L’âme hun est la flamme
brillante de l’âme po, l’âme po est la racine de l’âme hun. L’âme po, yin, préside aux
fonctions de stockage et de réception, c’est pourquoi l’âme po capable de mémoriser à
l’intérieur. L’âme hun, yang, préside aux facultés de mouvement et de déploiement, c’est
pourquoi elle est capable de motilité et d’expansion. Les deux entités,
fondamentalement, ne sont pas scindées. Lorsque l’essence séminale est concentrée,
l’âme po est concentrée, lorsque le souffle est concentré, l’âme hun est concentrée. C’est
la substance même du corps humain. Lorsque l’essence séminale est épuisée, l’âme po
entame son mouvement de descente, le souffle alors se disperse et l’âme hun part à la
dérive. La conscience s’éteint. »

Zhu Xi dit encore : « Sans l’âme hun, l’âme po est incapable de subsister per se. Si l’on se
livre à trop de ratiocinations conflictuelles, les âmes hun et po se séparent. » Laozi met
l’accent sur le fait que le principe de la conservation mutuelle débouche sur l’union
mutuelle. « L’âme po, dit-il, doit être soutenue et nourrie, c’est pourquoi il faut la
protéger par l’âme hun. » En fait, l’âme hun est chaude, l’âme po est froide, l’âme hun
est mouvement, l’âme po est repos. Si l’on est capable de conserver l’âme po par l’âme
hun, l’âme po use de l’âme hun et profite du repos, l’âme po utilise l’âme hun et il y a
principe vital et pensée créatrice. La chaleur de l’âme hun engendre le froid, le froid de
l’âme po engendre la chaleur. C’est seulement si les deux ne se séparent pas que le yang
ne tarit pas, que le yin ne stagne pas, et que l’on obtient leur harmonie. Sinon, l’âme hun
est trop mobile, l’âme po trop immobile, l’âme hun trop chaude, l’âme po trop froide.
Lorsque les deux se séparent, impossible d’obtenir leur harmonie, et c’est la mort.

Le chiffre de l’élément eau est le un, le chiffre de l’élément feu est le deux. Par l’âme po,
on soutient l’âme hun, par la dyade, on protège l’unité. Ainsi, l’élément eau et l’élément
feu ne se séparent pas. Il est possible alors de prolonger sa vie indéfiniment. A mon avis,
la doctrine de Zhu Xi est conforme à la conception du maintien réciproque de l’âme hun
et de l’âme po que défendent les adeptes de l’alchimie (danjia). Lorsque le pratiquant sait
exercer l’âme hun, et ignore les techniques d’exercice de l’âme po, il devient après sa
mort physique un Immortel fantôme (guixian). Lorsque le pratiquant sait exercer l’âme
po, mais ignore les techniques d’exercice de l’âme hun, le cadavre abrite simplement des
souffles supplémentaires.

Passages à l’appui tirés du Classique de la cour jaune

La substance des cent céréales est l’essence séminale du sol. Les Cinq
Saveurs, extérieurement succulentes, cachent ce démon malfaisant qu’est
le goût de la viande fraîche. Le fait de la sentir trouble l’esprit (shenming)
et réduit à zéro le souffle embryonnaire. Comment pourrait-on inverser le
processus de vieillissement et retourner à l’enfançon ? Les trois âmes hun
sont délaissées, les âmes po sont abandonnées à la destruction. Pourquoi
ne pas absorber ce qui est pur dans la suprême harmonie des souffles ?
C’est ainsi que l’on peut devenir immortel et pénétrer dans le Havre jaune
(huangting). (Neijing, chap. XXX).

Au-dessus de la Mystérieuse Origine (xuanyuan), hun et po fusionnent en


un, l’entité unique - née de cette fusion - se montre très rarement, il faut
disposer de la Voie véritable pour obtenir ensuite la vision subtile. On
parvient à éliminer tous les souffles mortifères, et toutes les pollutions.
(Neijing, chap. XXVII).

L’âme hun désire monter vers le ciel, l’âme po veut descendre dans
l’abîme. Inverser le chemin que suivent l’âme hun et l’âme po, telle est la
Voie de nature. (Waijing, chap. XV).

Au moment de mourir, si l’on maintient l’esprit shen, ce qui est mort revit.
Tirer l’âme hun, faire revenir l’âme po, et elles ne seront jamais détruites.
(Neijing, chap. XI).

Harmoniser et contrôler le hun et le po, les fluides sont équilibrés. (Ibid).

Demeurer sans agir, hun et po sont pacifiées. (Neijing, chap. XV).

Explications
L’être humain dépend des céréales pour nourrir son corps, il harmonise les cinq saveurs
pour satisfaire ses papilles gustatives, et c’est de là que vient tout le mal. Le souffle
malodorant de la saveur carnée suffit à polluer et à troubler l’esprit (shenming), jusqu’à
épuiser totalement le souffle originel du Ciel antérieur que l’on reçoit à l’état
embryonnaire. Comment pourrait-on alors réussir à inverser le processus de
vieillissement et à revenir au stade de l’enfant impubère ? L’âme hun une fois envolée,
l’âme po enterrée, il est trop tard pour les regrets. Si l’on est capable de mettre
progressivement un terme à l’ingestion de céréales, si l’on est capable d’absorber les
souffles en concentrant son esprit (xin), de protéger et de nourrir la Suprême Harmonie,
la vie éternelle est à portée de main. La technique d’exercice (xiulian zhi dao) confine au
miracle : il ne faut pas que le yin domine indûment le yang et vice-versa, il convient de
conjoindre et de fusionner l’âme hun et l’âme po. La pratique de conjonction et de fusion
du hun et du po consiste à retourner au souffle unique du Ciel antérieur à partir du yin et
du yang du Ciel postérieur. Cependant, ce souffle unique est extrêmement difficile à
obtenir. Il en existe du véritable, mais aussi du trompeur. Le véritable, c’est le souffle pur,
transcendant, vivant, que l’on peut utiliser. Les trompeurs, ce sont les souffles mortifères,
de substance polluée, à éliminer absolument.

Ce que les taoïstes (daojia) mettent à profit dans la contrainte réciproque du hun et du
po, c’est qu’il est de la nature profonde du hun d’être attiré par le po et vice-versa. L’âme
hun et l’âme po ne supportent pas par conséquent d’être séparées. Malheureusement, en
raison de la pression exercée par les affaires humaines, le hun est inéluctablement
poussé à s’échapper vers le haut, le po vers le bas, les deux se séparent, et l’homme
meurt. La Voie de l’inversion et du retour, donc, consiste simplement à obéir à l’attirance
mutuelle naturelle de son hun et de son po.
Un homme quasi-moribond, s’il maintient en pensée l’esprit originel (yuanshen) à
l’intérieur de son propre corps, peut encore prolonger de beaucoup sa respiration
défaillante. Celui qui sait la Voie de la contrainte mutuelle du hun et du po, comment
pourrait-il être victime d’une perte de substance ? Car la rétention du hun, le rappel du
po sont certes utiles, mais le principal consiste en l’harmonie et l’équilibre. Il n’est pas
possible de tirer par force dans un sens ou dans l’autre. S’il y a déséquilibre, il n’y a pas
d’harmonie. S’il y a violence, il n’y a pas d’équilibre. Si l’on peut harmoniser le hun et le
po, le souffle alors peut se transformer en fluide (jin), le fluide en souffle, les fluides et les
souffles circulent dans le corps tout entier et remplissent leur fonction d’irrigation. Tout
danger de déséquilibre est écarté. Dans la méthode taoïste, il y a d’abord activité (wei),
et ensuite non agir (wuwei). Le sommet de l’harmonie et de l’équilibre est le retour au
repos et à la stabilité. Le hun et le po sont naturellement pacifiés.

Chapitre quatrième – La respiration


Les trois chapitres précédents concernent la théorie, mais nous n’avons encore rien dit
sur la pratique. On peut diviser les formules alchimiques de toutes les écoles en
profondes et superficielles. Mais toutes les formules réellement praticables ne sortent pas
du cadre de la respiration. Tant que le souffle subsiste, l’être humain vit, lorsque le
souffle est épuisé, l’homme meurt. Aussi, comment ne pas prendre au sérieux tout ce qui
concerne la respiration ? Les hommes ordinaires savent ingérer de la nourriture solide par
la bouche, mais ignorent l’ingestion du souffle par le nez. Certes, ils ne cessent pas un
instant de respirer jusqu’à la fin de leur vie. Cependant, au cours de ces respirations,
beaucoup sort et peu entre. Ce qui est grossier et court ne peut être subtil et prolongé.
Ce qui est précipité et superficiel ne saurait être lent et profond. Tel est le travers que
doivent absolument éviter les pratiquants.

Le joyau des techniques d’immortalité (xiandao) consiste en le fait suivant : l’esprit shen
guide le souffle, cela induit qu’il pénètre dans le souffle, que le souffle lui sert
d’enveloppe externe. Ainsi, la respiration retourne à la racine, il ne se produit plus de
mouvement chaotique de dispersion, il y a fusion, formation d’une communauté, liaison,
coagulation en un point, et progressivement se constitue un circuit respiratoire auquel on
peut se conformer. Si l’on pratique cela de façon prolongée, il est possible de réaliser la
respiration embryonnaire. Qu’appelle-t-on respiration embryonnaire ? C’est l’arrêt de la
respiration, l’air se déploie et emplit l’intérieur du corps, il y a alternativement ouverture
et fermeture, tous les pores du corps répondent au mécanisme. Dans le nez, par contre,
on n’a plus conscience des entrées et des sorties du souffle, cela jusqu’à l’arrêt complet
de la respiration. Ouverture et fermeture cessent totalement. On n’est plus éloigné alors
de l’entrée en samadhi et de la sortie de l’esprit shen. La respiration qu’expose le
Classique de la cour jaune est l’étape initiale qui précède la respiration embryonnaire, si
l’étudiant pratique cette respiration de façon prolongée, il élimine toutes les maladies et
allonge la durée de sa vie. Mais il n’a pas encore été question de l’intégralité du
processus alchimique.

Passages à l’appui tirés du Classique de la cour jaune

Immortels et daoshi n’ont pas de magie particulière, sinon accumuler


l’essence séminale et le souffle pour devenir des Hommes réalisés. Les
hommes absorbent les céréales et les Cinq Saveurs, seul, j’absorbe les
souffles yin et yang de la Grande Harmonie. (Waijing, chap. XVIII ).

L’expiration et l’inspiration se stabilisent dans le point lujian, afin de se


régénérer, protéger et garder le corps intact et ferme et en recevoir les
bienfaits : dans le carré d’un pouce que l’on conserve et que l’on protège,
essence séminale et esprit opèrent une inversion et un retour, ce qui est
vieux revient à la force de l’âge. (Waijing, chap. IV).
Le palais des poumons est semblable à un dais fleuri. Dessous se trouve
un garçon impubère siégeant dans le Palais de Jade (yuque). Le Maître des
Sept Origines est responsable de la circulation du souffle, le nez, qui lui
correspond à l’extérieur, occupe la place une place similaire au Pic du
Centre, tunique de soie brute (su), ceinture de nuages jaunes, lorsque la
respiration est difficile, que les membres sont lents, il faut se hâter de
maintenir l’Originel blanc et d’harmoniser les Six Souffles. Les Immortels,
aussi longtemps qu’ils en gardent la vision, demeurent intacts et sans
dommage. (Neijing, chap. IX).

Le vide de la respiration pénètre le champ de cinabre, l’eau pure de la


Vasque de Jade irrigue la Racine transcendante (linggen). (Waijing, chap.
I).

Explications
« « « Ceux qui pratiquent la Voie des immortels n’ont pas d’autre tour de main
miraculeux, que l’accumulation de l’essence séminale et du souffle. Les hommes
ordinaires mangent les cinq céréales et absorbent les cinq saveurs, seul l’adepte absorbe
les souffles yin et yang. Le Huangdi neijing dit : « Les mangeurs de céréales sont
intelligents, mais ils meurent jeunes. Les mangeurs de souffle sont des spirituels
(shenming) et possèdent la longévité. »

Les êtres humains, vivant dans le siècle, quelle que soit la facilité de leur existence, ne
peuvent en général éviter les activités qui épuisent leur esprit et leur force physique. Et
lorsque cela se produit, celui qui en est victime ne peut éviter les pertes de son essence
séminale et de son esprit shen. II faut alors user d’artifices pour réparer et combler les
pertes. Quel artifice ? La respiration. Cependant, les mouvements respiratoires doivent
avoir un point fixe de départ et d’arrivée. Ce point est le point lujian, appelé aussi
kuizhong. Cet endroit n’est autre que la Cour jaune. Si l’on est capable de pratiquer en
permanence la technique de régulation de la respiration, ainsi que de protéger et de
conserver l’essence séminale et l’esprit shen à l’intérieur du corps, de ne pas les faire
s’écouler à l’extérieur, alors le corps possède des chances supplémentaires de survie. Le
soleil et la lune accumulés effectuent un mouvement circulaire dans le carré d’un pouce,
afin d’établir la racine de la vie (minggen). On tire avantage du souffle originel de
l’intérieur du corps afin d’attirer l’essence spirituelle et l’esprit shen du vide. Dès lors, on
peut ramener au corps la totalité de l’essence séminale et de l’esprit shen que l’on a
perdu au cours de sa vie. Tout risque de vieillissement est écarté.

Parmi les viscères que renferme l’organisme, la région pulmonaire est la plus haute, sa
forme est semblable à un dais fleuri. Les poumons appartiennent à l’élément métal, leur
couleur est blanche, c’est pourquoi on les appelle Palais de Jade (yuque). Au-dessous des
poumons, il y a le coeur, le coeur appartient à l’élément feu, son chiffre est le sept, c’est
pourquoi l’on dit « Le Maître des Sept Originels. » Les poumons renferment le souffle, le
coeur renferme l’esprit shen. Le joyau des taoïstes consiste à faire piloter le souffle par
l’esprit shen, c’est pourquoi il est dit : « Le Maître des Sept Originels préside à la
régulation du souffle. » Les poumons ouvrent leur orifice au nez, le visage humain se
divise en cinq pics sacrés, le nez correspond au Pic du Centre, c’est pourquoi il est dit :
« Le Pic du Centre, à l’extérieur, et le nez occupent la même situation. » Candide (su),
c’est-à-dire purifié. Jaune signifie harmonie intérieure. Le coeur doit être purifié, le souffle
doit être harmonisé à l’intérieur, c’est pourquoi il est dit : « Il est habillé d’une tunique de
soie brute (su) et porte une ceinture de nuages jaunes. » Le corps occasionnellement a
ses petits ennuis, la respiration ne peut être régularisée, elle est courte et difficile, à ce
moment-là il convient rapidement de maintenir l’esprit shen en régularisant et en
harmonisant les souffles malades. Les Six Souffles, ce sont le vent, le froid, la chaleur,
l’humidité, la sécheresse et le feu. Si l’un des éléments du couple l’emporte indûment,
cela suffit pour provoquer des maladies. Si l’on peut les harmoniser, la maladie est
guérie. Dans les ouvrages taoïstes en général, tous les organes de la tête aux pieds ont
des noms de divinités. L’Originel blanc est le dieu des poumons. Conserver l’Originel
blanc, c’est coaguler l’esprit shen afin de l’unir au souffle.

L’art des taoïstes consiste à voir sans utiliser les yeux, à entendre sans utiliser les
oreilles. La vision durable ne veut pas dire que les yeux regardent vers l’extérieur. Cela
signifie que l’esprit shen regarde vers l’intérieur. La vision intérieure est aussi nommée
vision inversée. Qui est capable d’utiliser en permanence l’art de la vision inversée
illuminant l’intérieur, n’est point atteint par les calamités naturelles. Utiliser cet art de
façon prolongée, sans interruption, permet au corps de survivre en permanence. Mais la
recette secrète la plus importante de la régularisation de la respiration est la suivante : il
ne faut point stagner dans ce qui a une forme visible, il ne faut point s’abîmer dans le
sans racine - le vide -. Si l’on est capable de s’unir au vide, on ne crée pas de
déterminations opposées - qualités sensibles -, si l’on peut pénétrer le champ de cinabre,
on n’est pas dans le sans racine. Ni chair ni vacuité, ni inconscience ni appui - visuel
comme objet de méditation -, voilà la véritable recette secrète. Lorsque le pratiquant
reçoit les prodromes de la régularisation et de l’harmonisation de la respiration, dans sa
bouche apparaît infailliblement un fluide doux et froid. Se conformer au signe et avaler le
fluide, par l’idée créatrice le diriger directement vers le bas, le laisser fondre par le
feu/esprit shen, laisser le fluide se transformer en souffle, qui irrigue et baigne la totalité
du corps, enfin le faire revenir au champ de cinabre inférieur et l’y retenir, afin de planter
le bourgeon de la vie (mingdi). C’est pourquoi il est dit : « L’eau pure de la Vasque de
Jade irrigue la Racine transcendante. »

Chapitre cinquième – Avaler la salive


On peut comparer les fluides buccaux à l’eau d’une source de montagne. La nature
propre de l’eau est de descendre. Pourtant, l’eau de source est capable d’atteindre le
sommet des montagnes. Par quel mécanisme ? Le souffle de l’eau souterraine suit les
conduits naturels dusol, longe les berges, et monte sous forme de vapeur. Comment le
souffle de l’eau peut-il s’élever sous forme de vapeur ? C’est l’énergie thermique surgie
des profondeurs du sol qui provoque ce phénomène. Lorsque l’on pratique depuis
longtemps l’art de la méditation paisible en position assise, l’intérieur de la bouche
sécrète naturellement une sorte de fluide doux, pur, frais, insipide, différent de la salive
ordinaire, Ceci parce que la puissance thermique concentrée à l’intérieur du corps, fait
bouillir le souffle de l’eau du cuiseur inférieur (xiajiao), souffle qui suit alors la route des
méridiens, amorce un mouvement ascendant, atteint l’intérieur de la bouche où il se
transforme en fluide. Ce fluide naît de la fusion du souffle, et il est différent du fluide
buccal ordinaire. Une fois avalé, il pénètre l’intérieur de l’abdomen, il a un grand pouvoir
de régénération. Ensuite, le fluide qui pour la première fois est avalé et pénètre à
l’intérieur de l’abdomen, est encore une fois évaporé par la force thermique, se
transforme en souffle et opère un mouvement ascendant, et de facto revient dans la
bouche. Il se retransforme en fluide. Après cette deuxième transformation, il semble
encore plus doux que la première fois. Sa puissance de régénération s’est encore
renforcée. Si le cycle se poursuit sans arrêt, jusqu’à cent, mille, ou dix mille fois, le
résultat est le même que la transformation du lait en crème. Ce n’est pas différent de ce
que les Anciens appelaient «Sécrétion de jade retournée en cinabre » (yuye huandan).

Passages à l’appui tirés du Classique de la cour jaune

La bouche est la Vasque de Jade et l’organe de la Suprême Harmonie.


Avaler la sécrétion transcendante (lingye) et toute calamité est écartée. Le
corps génère un nimbe, l’haleine est comme un parfum d’orchidée, les
cent facteurs pathogènes sont éliminés, et le visage devient comme du
jade. (Neijing, chap. III).
La cavité sombre sous la langue est la rive de la vie et de la mort, les deux
souffles, le pur qui sort et le sombre qui entre, se mettent à briller.
(Neijing, chap. VI).

Avaler les Cinq Pousses (wuya), et l’on n’a plus ni faim ni soif. (Neijing,
chap. XXII).

Clore la bouche, courber la langue, absorber le fluide embryonnaire


(taijin). (Neijing, chap. XXVII).

Recevoir le fluide de la cavité sombre et le faire pénétrer dans le


Mingtang, le faire descendre afin qu’il irrigue la gorge, l’esprit (shenming)
est libéré. (Neijing, chap. XXXIII).

Trente-six avalements dans la Vasque de Jade. (Neijing, chap. XXXIV).

L’eau pure de la Vasque de Jade en haut génère le coagulat. Si la Racine


transcendante est maintenue ferme et solide, il n’y a plus ni vieillissement
ni décrépitude. (Waijing, chap. II).

Explications
Tous les souffles turbides qui emplissent la cavité buccale des hommes ordinaires
viennent du fait que ceux-ci ignorent les méthodes de montée et de descente,
d’élimination et d’ingestion (tuna). Cela va jusqu’au point où le haut et le bas perdent
leur mécanisme de pesée. Le souffle pur du cuiseur inférieur est alors incapable
d’effectuer un mouvement ascendant, et le souffle turbide du cuiseur supérieur est
incapable de descendre. Le surnom de la bouche, Vasque de jade, signifie qu’elle est
purifiée. Lorsqu’on dit que l’organe est la suprême harmonie, cela signifie sa régulation.
On expulse le turbide, on ingère le pur, on fait descendre le turbide, on fait monter le pur,
en cycle continu, on distille la sécrétion de jade, le procédé produit des résultats
instantanés, et les cent maladies n’attaquent pas. La peau est brillante et bien irriguée,
l’haleine comme un parfum d’orchidée, la face comme un morceau de jade poli.

Sous la langue se trouve la cavité où naît le fluide buccal, son nom est la Cavité sombre
(xuanying). C’est un élément dont les gens devraient sérieusement se préoccuper. En
vérité, lorsqu’on observe un homme malade, si sa langue est enroulée et rétractée, ses
dents sèches et friables, son fluide buccal tari, sa salive asséchée, la mort est inévitable.
On en connaît la raison. Le fluide buccal et la salive sont des produits de la
transformation du souffle. Le souffle entre et sort. Ce qui monte et sort par la bouche et
par le nez est entièrement pur, ce qui descend et pénètre le champ de cinabre est
entièrement sombre. Sombre a le sens de profond. Maintenir, cela signifie maintenir
l’esprit shen. Avaler, c’est-à-dire avaler le fluide buccal. Les Cinq Pousses, ce sont les
souffles vitaux des quatre points cardinaux et du centre. Bien que l’on parle de maintien
et d’avalement, il s’agit en réalité du travail conjugué d’expulsion et d’ingestion (tuna). Il
est mentionné dans le Daozang d’autres techniques d’absorption des souffles des Cinq
Pousses. qui ne correspondent à rien, et l’on n’en discutera pas ici.

De plus, au moment où l’on expulse le turbide, il faut ouvrir la bouche, lorsqu’on avale le
fluide buccal. il faut que la bouche soit fermée. La langue repliée signifie que la pointe de
la langue doit toucher le palais. Le fluide embryonnaire est le fluide produit par le
processus de vaporisation opérée par la respiration embryonnaire dans le champ de
cinabre. Il monte et coule dans la bouche, on le reçoit et on l’avale, il descend le long de
la gorge, passe le Mingtang, et se retransforme en souffle. Lorsque le souffle est en
suffisance. l’esprit shen est vivant et actif, c’est pourquoi il est dit : «l’esprit (shenming)
est libéré. ». L’enseignement des trente-six avalements appartient au passé, aujourd’hui
on peut parfaitement l’ignorer. La Racine transcendante est la racine de la vie (ming’gen)
située au-dessous de l’ombilic. Che/ l’homme ordinaire. cette racine n’est pas maintenue
solidement enfermée, elle est facilement agitée et troublée par les désirs, les émotions,
ou la maladie. La décrépitude se poursuit jour après jour. et l’homme finit par mourir. Les
pratiquants, eux, utilisent l’art de la montée et de la descente, de l’expulsion et de
l’ingestion (tuna), et provoquent l’arrivée des fluides buccaux dans la bouche, comme
s’ils coulaient d’une source intarissable, l’avalent sans discontinuer, un peu comme les
végétaux nourris par les engrais : les racines se maintiennent d’elles-mêmes.

Chapitre sixième – Le maintien de l’esprit shen


L’esprit constitue l’entité la plus impensable, qui change de façon totalement
imprévisible, qui entre et sort quand ça lui chante. Qui serait à même de le domestiquer?
Ce que l’on appelle le «maintien de l’esprit », ne s’agirait-il pas d’une phrase creuse ? Et
pourtant, si l’on connaît la technique, l’exploit n’est pas difficile à réaliser, Le maintien de
l’esprit signifie que l’esprit se maintient lui-même, et non qu’il faut s’appuyer sur une
autre force pour le maintenir. Le maintien de l’esprit et le maintien de la pensée
(cunxiang) ne sont pas identiques. Le maintien de la pensée consiste, comme le
préconise le Dadongjing, à maintenir une image visualisée stable des vêtements, des
ornements, des attitudes, des mouvements, etc. des différentes divinités intérieures.
C’est également, comme dans le Longhu Jiuxian jing, maintenir stable la vision spirituelle
de la nuée jaune au sommet du crâne, ou dans le Zhonghuang jing, la vision spirituelle
des souffles de cinq couleurs différentes, correspondant aux points cardinaux, qui sortent
de l’intérieur du corps, etc.

Si l’on maintient l’esprit, il n’y a pas d’objet de pensée (suoxiang). Le maintien de l’esprit
n’est pas autre chose que la luminosité de l’esprit shen coagulée et concentrée en un
seul point, qu’il ne faut pas laisser se dissoudre et s’écouler. Le maintien de l’esprit n’est
pas limité à un endroit dans le corps, ni même confiné à l’intérieur du corps. Quelquefois
il se fait aussi à l’extérieur du corps. Ceux qui pratiquent la Voie du Cinabre apprennent
étape par étape l’usage du maintien de l’esprit. C’est ce que dit le Classique de la cour
jaune : A l’étudiant qui n’a pas pris encore toute la mesure - du maintien de l’esprit -, on
ne peut qu’en indiquer les grandes lignes.

Passages à l’appui tirés du Classique de la cour jaune

Les corps aériens des divinités des Six Réceptacles et des Cinq Viscères
dans le coeur font la ronde céleste; en les maintenant sans trêve nuit et
jour, on peut atteindre la longévité. (Neijing, chap. V111).

Le palais du coeur est une fleur de lotus fermée, il préside à la régulation


du sang, règle la destinée et empêche le corps de se dessécher comme un
arbre mort. A l’extérieur, dans la bouche, la langue qui correspond - au
coeur - expulse les Cinq Fleurs (wuhua). Lorsqu’on est proche de la mort,
l’expulser et on revient à la vie, si on le pratique suffisamment longtemps,
on volera dans les rougeurs matutines. (Neijing, chap. X).

Le palais des poumons, cercle de la Passe sombre, préside aux Six


Réceptacles et aux Neuf Sources de fluides. Les cent maladies et les mille
maux lorsqu’ils sont éliminés, les deux maîtres de l’au, de chaque côté de
la porte de la vie (shengren), permettent à l’homme d’atteindre la
longévité et d’accéder aux Neuf Cieux. (Neijing, chap. X11).

Scruter le jardin de la Voie de l’indifférence et du silence, dans la chambre


intérieure la vision transcendante contemple la totalité du Vrai (zhen). L’
Homme véritable est en soi, n’interroge pas ton voisin. Pourquoi aller au
loin chercher ses raisons ? (Neijing, chap. XXIII).

La clarté des Trois Luminaires pénètre la Chambre de l’Enfançon (zishi). Si


l’on peut maintenir l’Obscurité mystérieuse, les dix mille activités cessent,
il est impossible de perdre l’essence séminale et l’esprit shen de son
propre corps. (Neijing, chap. XXV).

Explications
Toutes les fonctions des viscères sont dirigées par l’esprit shen. Le coeur et l’esprit
constituent une seule et même entité, lorsqu’elle est en repos, on la nomme coeur,
lorsqu’elle est en mouvement, on l’appelle esprit. Les Cinq Viscères et les Six Réceptacles
ont tous une capacité naturelle à se mouvoir. C’est pourquoi il est dit : dans le coeur font
la ronde céleste. » Les mouvements des viscères chez l’homme ordinaire, se poursuivent
sans trêve nuit et jour, jusqu’à l’épuisement.

Ceux qui pratiquent la Voie commencent par préserver le repos pour contrôler le
mouvement, pratiquent ensuite le maintien de l’esprit pour pacifier le coeur, puis font
encore une fois le vide du coeur et effectuent la fusion de l’esprit. Ils font usage des
conditionnements réciproques, et par conséquent, peuvent ralentir le mouvement
cyclique du souffle et du sang des viscères, faire que le corps soit nourri. On peut éviter
d’en arriver au point où l’apparence extérieure est encore forte, avec un intérieur
complètement desséché, on peut éviter les désagréments d’un arrêt brusque de la
régulation, on peut éviter ]es effets néfastes de l’agitation. C’est à ces conditions que la
longévité est rendue possible. Dans la cavité que constitue le corps, sous les poumons se
trouve le coeur. Sa forme est comme une fleur de lotus qui n’est pas encore ouverte, et
sa fonction principale est la régulation du sang. La régulation du sang est le principe
même de la vie (mingli) ; le corps est luisant et frais, il ne présente pas une apparence
émaciée et desséchée. A l’intérieur de la bouche se trouve la langue, qui est la jeune
pousse du coeur. Lorsque le coeur est agité, le souffle s’écoule parla langue. Si un
homme est vieux et malade, sur le point de mourir, l’âme hun désire quitter le corps. Il
suffit d’unifier sa pensée (yi) pour maintenir l’esprit dans le coeur, il ne faut pas
s’effrayer, ou succomber à la peur - de la mort-, ne pas s’agiter. On peut alors prolonger
sa vie en un seul instant. Dès lors, si l’on étudie cette technique de stabilisation du coeur
et de maintien de l’esprit dans sa jeunesse ou dans sa maturité, et qu’on la pratique de
façon prolongée, pourquoi ne serait-on pas capable, comme le serpent volant, de prendre
la voie des nuées matutines ?

Les reins appartiennent à l’élément eau, aussi sont-ils la source des fluides des Six
Réceptacles et des Neuf Orifices. Lorsque le souffle des reins est déficient, les cent
maladies apparaissent. Les pratiquants font descendre le feu du coeur et le font copuler
avec l’eau des reins, empêchant ainsi le feu de provoquer l’inflammation dans les parties
supérieures du corps. et l’eau d’en inonder les parties inférieures. L’élément eau et
l’élément feu constituent l’hexagramme jiji - terme de l’accomplissement - et plantent le
cinabre. Les reins ont deux lobes, c’est pourquoi on les nomme les deux parties. Les reins
sont l’origine de l’eau, c’est pourquoi on les appelle les «maîtres de l’eau ». Face à la
porte de la destinée (mingmen), c’est-à-dire à mi-chemin entre la porte de la destinée et
l’ombilic. Lorsque l’on est capable de maintenir en permanence l’esprit immobile, stocké
dans l’espace entre le nombril et les reins, afin d’édifier la base de la destinée (mingji), la
longévité n’est pas difficile à obtenir.

La technique de la Porte sombre (xuanrnen), même si on la dit étrange et mystérieuse,


quand on va au fond des choses, se ramène à la tranquillité, au silence et au non agir. La
grande Voie est fondamentalement cela. La vision intérieure et l’oeil de l’esprit, voir soi-
même son essence véritable (zhen), connaître ainsi l’Homme véritable qui est tout proche
dans notre propre corps; il n’est pas besoin d’aller chercher ailleurs et au loin.
Les Trois Luminaires du ciel sont le soleil, la lune et les étoiles, les Trois Luminaires de
l’homme sont les oreilles, les yeux et la bouche. Le Cantongqi dit : «Oreilles, yeux,
bouche, ces trois joyaux, qu’on les bouche et qu’on ne les laisse pas se déployer et
communiquer. » Il dit aussi : «Les Trois Lumières s’enfoncent dans les profondeurs,
réchauffant et nourrissant la Perle de l’Enfançon. » Cela signifie que les oreilles
n’entendent pas les sons extérieurs, que les yeux ne regardent pas l’extérieur, que la
bouche se tait. La lumière spirituelle de ces cinq orifices, fermée sur l’extérieur, et donc
sans usage, plonge alors et pénètre dans l’abîme du chaos (huntun), s’inverse et illumine
la chambre de la Cour jaune. L’Obscurité mystérieuse (xuanming) appartient à l’eau, et
est symbolisée par le trigramme kan. La lumière spirituelle appartient au feu, elle est
symbolisée par le trigramme li. Lorsqu’on maintient l’esprit dans l’Obscurité mystérieuse
(xuanming), alors le trigramme kan et le trigramme li s’accouplent, l’eau et le feu
forment l’hexagramme jiji. Et tout naturellement l’essence séminale et l’esprit du corps
se coagulent, se nouent, et ne se dispersent plus.

Chapitre septième – Atteindre la vacuité


On peut constater en quelques jours les effets des techniques respiratoires, d’ingestion
de salive et de maintien de l’esprit mentionnées plus haut, si on les applique
correctement, et surtout si on a la volonté de les appliquer. Il est à craindre, cependant,
que les débutants ne se livrent pas à un examen approfondi, qu’ils fassent preuve d’une
excessive rigidité; auquel cas ils ne tireront non seulement aucun avantage de leur
pratique, mais encore subiront des dommages. Aussi faut-il poursuivre la pratique jusqu’à
s’absorber dans la vacuité. Mais l’absorption dans la vacuité ne consiste pas à demeurer
immobile comme une souche, l’air stupide et creux. Il s’agit du calme au sein de l’action
(dong). Tout est interdépendant : l’esprit repose sur la respiration, la respiration repose
sur l’esprit, la stabilité accompagne la -confusion, la lumière brille au sein de l’obscurité.

Les thérapeutes utilisent des toniques énergétiques, comme reconstituants du souffle.


Mais, ce faisant, ils favorisent aussi l’apparition d’un contre effet thérapeutique, qui est la
stagnation du souffle. Il faut donc user comme adjuvant de Chen Pi (Pericarpiuni Citri
reticulatae ) pour en favoriser la dispersion. Les thérapeutes utilisent Shu Di Huang
(Radix Rhemanniae praeparata) comme reconstituant du sang; mais, ce faisant, le sang
risque de s’épaissir trop. Ils usent donc comme adjuvant de Dang Gui (Radi_v Angelica
sinensis), qui favorise la circulation sanguine. Ceux qui pratiquent les techniques
macrobiotiques utilisent la force du vent et du feu, extraient la fine fleur des aliments
solides et liquides, et compensent ainsi les pertes subies par leur propre corps. Il faut se
conformer aux principes de la nature, ne faire qu’un avec le mystère de la vacuité, par le
rééquilibrage, par le contrôle et la limitation des excès. Le retour au royaume de pure
harmonie (chunhe) est alors possible. Le processus est comparable à l’usage que font les
thérapeutes de Chen Pi (Pericarpium Citri reticulatae) et de Dang Gui (Radix Angelica
sinensis). Sinon, si l’on s’en tient de manière rigide aux méthodes établies, on perd sa
capacité d’adaptation, on s’acharne douloureusement, on laisse le yin l’emporter
indûment sur le yang ou vice-versa. Et puis l’on proclame aigrement que les immortels
sont une illusion, que les ouvrages taoïstes ne contiennent que leurres et tromperies.

Passages à l’appui tirés du Classique de la cour jaune

Lorsque les êtres ont leur nature, le cours des événements n’est pas
troublé. Sans agir, le corps se pacifie de lui-même. Lorsque l’esprit est
vide, sans entités, le corps se décontracte, silencieux et solitaire, la
bouche reste muette. (Waijing. chap. XI).

Les sourcils comme des couvercles fleuris couvent en dessous les perles
brillantes. Dans les Neuf Obscurités, le soleil et la lune occupent la
caverne de la vacuité. (Neijing, chap. VI).
Le vide de la respiration pénètre le champ de cinabre. (Waijing, chap. I).

Au centre du vide, indifférent et insipide, on touche au divin. (Neijing,


chap. XXIX).

Au centre de la Chambre royale (zhengshi), demeure de l’esprit, le coeur


purifié se règle lui-même, il ne subit aucune souillure, la vision illumine les
Cinq Viscères et contemple les articulations, les Six Réceptacles sont
nettoyés, et tenus propres comme de la soie brute, tel est le principe de la
Voie du vide naturel. (Waijing. chap. X).

Les pratiquants de la Voie vivent sans contraintes, même s’ils résident


dans le monde vulgaire, ils cultivent la nature innée et la destinée, et
demeurent vides. Lorsqu’on est indifférent, silencieux, quelle pensée
pourrait surgir ? Les ailes une fois formée indiquent la luxuriance, l’Adepte
immortel et clairvoyant prend alors son envol. ( Waijing, chap. XII).

Explications
Toutes les créatures ont un principe de nature. Lorsqu’elles agissent conformément à ce
principe, le cours des choses n’est point troublé. Mais qu’elles agissent à contre-courant,
et les difficultés commencent. Le corps parle non agir se pacifie de lui-même. l’esprit
(xin) sans objet - de pensée- se détend de lui-même. Celui qui est silencieux et solitaire
est tranquille. celui qui est libre - de toute préoccupation mondaine - a atteint la vacuité.
«A l’intérieur, pour achever le nourrissement - du principe vital -, dit le effet que l’on soit
tranquille et vide. »«A l’image des saisons on se conforme au climat, on clôt sa bouche et
on ne parle point. » II s’agit vraiment de l’idée selon laquelle la bouche doit rester
muette.

Les sourcils comme des couvercles fleuris, couvrent des perles brillantes. Les perles
brillantes, ce sont les yeux. La lumière des yeux brille facilement vers l’extérieur, de la
même façon que le soleil et la lune. Le soleil et la lune plongent dans les Neuf
Obscurités : cela signifie que la lumière spirituelle des yeux est stockée en bas dans la
Mer du Souffle. La respiration la suit et pénètre le champ de cinabre. La respiration, c’est
le souffle. Une fois que le souffle est retourné à la racine, que l’esprit est indifférent et
apaisé, on ne cesse pas de faire usage de la vacuité, et pourtant on ne reste pas assis
comme une souche morte, l’air imbécile et creux.

Li Hanxu dit : La chambre royale (zhengshi) est la demeure de la divinité du centre. La


divinité du centre demeure impartiale, purifie le coeur, et se retire dans le viscère,
l’ajustement se fait automatiquement, il ne se produit plus de souillure. Ensuite, on
pratique la vision intérieure des Cinq Viscères, c’est aussi clair que la lumière d’une
lampe, on peut observer toutes les articulations du corps. Ensuite on pratique la vision
interne des Six Réceptacles, on les ajuste un à un, aussi propres que de la soie brute,
sans turbidité ni souillure. La Voie de nature vide, ce n’est rien d’autre que cela.

Parmi ceux qui pratiquent la Voie, certains vivent en société, d’autres trouvent refuge en
des endroits retirés. En tous les cas, ils sont libres de contraintes. Si l’on veut conserver
son propre corps, même en résidant dans ce cloaque qu’est le monde, il faut d’abord
pratiquer la fusion de jade (yulian), pour éclaircir la nature innée, ensuite pratiquer la
fusion de l’or pour établir la destinée. Le secret principal consiste tout simplement à
préserver le vide intérieur. Les Adeptes, en forgeant leur souffle, forgent leurs propres
ailes. Lorsque l’esprit est stabilisé, et le souffle en suffisance, les ailes sont prêtes pour
l’envol. La luxuriance, c’est la luxuriance de l’esprit et du souffle. Intérieurement, la
nature innée et la destinée ont atteint la perfection, extérieurement, le corps physique
est ferme et solide. L’Adepte peut parfaitement vivre caché au milieu des hommes, il
possède la longévité et la clairvoyance. Lorsqu’il est las d’habiter le monde vulgaire, il
abandonne sa coquille et s’envole.

Chapitre huitième – Mettre fin au désir


Le premier stade de réalisation sur le chemin de l’adeptat consiste à mettre fin au
vieillissement et à retourner au stade du garçon impubère. Si le corps a perdu de
l’essence séminale et du souffle, chair et moelle n’ont plus leur intégrité. Il faut donc user
progressivement des techniques nutritives et reconstituantes, afin de les faire revenir à
leur complexion initiale. Il y a trois types de méthodes nutritives et reconstituantes.

1.Ingérer de la nourriture solide et liquide par la bouche. 2. Faire entrer par le nez l’air
atmosphérique. 3. Faire entrer le souffle originel par la fermeture et l’ouverture des
pores. Ces trois types de nourriture se rassemblent, s’accumulent, et se fondent en un
seul corps. Ils sont cueillis progressivement, puis fusionnés, puis noués. A l’intérieur ils
emplissent les os et les viscères, à l’extérieur ils ornent la peau, l’esprit est pur, le souffle
du champ de cinabre est plein. On poursuit jusqu’à être sûr du résultat, la longévité, on
éloigne les spectres de la vieillesse et de la maladie. Naturellement, si l’on désire obtenir
de tels résultats, il est indispensable de cesser toute activité sexuelle. Le principe de
modération du désir (jieyu) que prônent les spécialistes du «nourrissement du principe
vital » aujourd’hui comme hier n’était pas l’orientation de base des pratiques
d’immortalité. C’est en vain que l’on parle de modérer et de contrôler, cela ne produit
aucun effet. Il faut absolument cesser toute activité sexuelle, c’est à cette condition
seulement que l’on peut parvenir au but. Il ne s’agit pas seulement de s’interdire les
rapports sexuels entre hommes et femmes, mais encore d’utiliser la technique de
rétention du sperme par blocage des canaux du pénis, parvenir au stade où l’essence
séminale ne s’écoule plus jamais vers l’extérieur. Dès lors, le processus est terminé.

Quelqu’un m’a demandé comment il fallait comprendre les théories de Pengzu. La


réponse est simple. Ce que pratiquait Pengzu n’était pas du tout la voie des immortels.
Cela ne dépassait pas le cadre des techniques sexuelles pour prolonger sa vie. Ces
pratiques-là diffèrent totalement des nôtres. La libido est une sorte de force latente
accumulée dans le corps, qui trouble la pensée par le désir, qui est attiré par des objets
extérieurs de désir, elle se manifeste de façon arbitraire, et il est difficile d’y résister.
Mais, d’autre part, cette force latente du corps est limitée, ce que l’on dépense d’un côté
ne peut l’être de l’autre. Supposons que l’on réduise la vie humaine au niveau de celle
des bêtes sauvages, en dehors de la boisson, de la nourriture, et du sexe, il n’y aurait pas
d’autre activité, on suivrait ses pulsions, un point c’est tout. Mais on voit bien que les
activités humaines sont multiples, que l’étude et le travail exigent beaucoup. Il faut faire
appel à cette force latente accumulée dans le corps pour y répondre. Si ceux qui
épuisaient cette force uniquement dans les pulsions sexuelles étaient nombreuses, il n’en
resterait guère pour les autres secteurs de l’activité humaine. Et quel que soit le type
d’activité, elle serait difficile à mener à bien.

Quelqu’un m’a demandé si la phrase du Wuzhenpian «Que la femme cesse de dispenser


en abondance - son fluide vaginal -, yin et yang se séparent » n’était pas une attaque
contre l’extinction du désir. Réponse : Ce que j’appelle cessation du désir désigne
simplement le coït vulgaire avec émission d’essence spermatique. Pour le dire
simplement, lorsque l’on commence à étudier et que l’on veut fonder sa pratique sur des
bases solides, on ne peut faire l’économie de cet interdit. Ce que transmet le
Wuzhenpian, c’est la méthode miraculeuse du grand retournement en cinabre de la
liqueur d’or. Ce qui appartient au monde des immortels n’appartient pas au monde
ordinaire, et ne peut être saisi par le sens commun.

Passages à l’appui tiré du Classique de la cour jaune

Si 1’on veut prolonger sa vie, c’est sur les pertes causées par les activités
sexuelles que la plus grande vigilance s’impose. Pourquoi une activité
mortelle, qui fait pleurer les dieux ? Sous-estime l’étendue de ta mauvaise
fortune, et les Trois Transcendants sont détruits. Mais si le souffle est
correctement aspiré, l’essence séminale correctement fusionnée, dans le
champ de cinabre, clans la demeure d’un pied, on peut contrôler le
principe vital. Mais que les mers se vident, que les cent canaux se
dessèchent, les feuilles tombées, l’arbre desséché perd sa verdeur, le
souffle se perd, le fluide s’écoule, c’en est fait de ton corps. Veille tout
spécialement à, fermer ce qui communique avec le monde extérieur, et tu
jouiras d’une longue paix. Protège les Trois Transcendants uniques de ton
niwan. (Neijing, chap. XXI).

Sois attentif à ne pas laisser s’écouler l’essence séminale accumulée,


enferme-la et conserve-la comme un trésor, et tu vivras très longtemps.
(Neijing, chap. XXII).

Principe fondamental de la longévité : gare aux pertes que cause l’activité


sexuelle. (Waijing, chap. VII ).

Explications
Lorsqu’on veut pratiquer les techniques macrobiotiques, il convient de s’interdire toute
activité sexuelle. C’est l’interdit le plus important. Les hommes ordinaires ont des
conduites suicidaires, jusqu’à tarir leur essence séminale et à épuiser leur souffle. Dès
lors, l’esprit n’a plus rien sur quoi se reposer. N’y a-t-il pas de quoi nous tirer des larmes ?
Essence séminale, souffle, esprit sont interdépendants. Prenons l’exemple d’une lampe à
huile. On peut comparer l’essence séminale contenue dans le corps humain à l’huile qui
remplit le réservoir, le souffle à la flamme, et l’esprit à la lumière. Lorsque la quantité
d’huile est suffisante, la flamme monte, et plus la flamme monte, plus la lumière est
intense. Si l’huile vient à manquer, la flamme cesse de brûler et la lumière s’éteint.
Lorsque l’essence séminale est intacte, le souffle est vigoureux, l’esprit est dans sa
perfection. Mais si, succombant au désir, on laisse s’épuiser et s’assécher l’essence
séminale, celle-ci une fois épuisée, le souffle se disperse, et si le souffle se disperse,
l’esprit s’éteint. Ce malheur-là ne se répare pas.

Mais si l’on est capable, avec toutes les difficultés que cela comporte, de corriger les
manquements antérieurs, de mettre un terme aux désirs charnels, et de pratiquer
conjointement les techniques d’aspiration du souffle et de fusion de l’essence, on peut
réparer les dégâts. On dit «champ d’un pouce, demeure d’un pied », pour en souligner
l’extrême subtilité. On peut protéger, conserver, augmenter et perfectionner le principe
vital. Mais s’il y a activité sexuelle avec émission, le souffle se perd, les fluides s’écoulent,
ils s’en vont comme l’eau d’une mer lorsqu’une digue est rompue. On devient semblable
à un arbre sec dont les feuilles sont tombées. C’est bien l’erreur la plus grave que l’on
puisse commettre. Il faut veiller tout spécialement à fermer les canaux qui véhiculent
l’essence séminale, et l’on peut alors atteindre un bonheur durable, calme et paisible. Le
niwan étant nourri, la moelle cervicale est intacte, l’essence séminale et le souffle étant
coagulés en permanence, l’esprit et l’âme hun sont stabilisés. La tâche la plus urgente,
pour les adeptes, est de bloquer l’essence séminale et d’éviter toute éjaculation. S’ils y
parviennent, ils peuvent se maintenir très longtemps intacts.

Cependant, les gens dont le corps est déjà usé ont énormément de difficultés à pratiquer
cette méthode. Pourtant, l’usage de médicaments est sans effet, comme le sont aussi la
gymnastique, la continence individuelle, la pratique de la méditation bouddhique, ou la
foi religieuse quelle qu’elle soit. Pareil pour les techniques taoïstes courantes. Il se produit
immanquablement à un moment où à un autre une émission, même involontaire. Dans
certains cas, la situation empire au lieu de s’améliorer. Lorsqu’on se laisse aller à la
nature, qu’on néglige d’y ajouter un élément de contrôle, peu importe que l’on éjacule
plusieurs fois dans le mois ou une seule fois en plusieurs mois. La santé ne sera
assurément pas mise en danger pour cela. Non, ce qui est le plus grave, c’est que la
volonté d’atteindre à l’immortalité a fondu comme neige au soleil.

Lorsqu’on sait cela, si l’on agit selon les circonstances, si l’on suit ce que disent les gens,
il est impossible de garder l’un pour corriger ses excès. Ceux qui transmettent la Voie
doivent avoir des connaissances qui dépassent celles du commun des mortels. Ceux qui
reçoivent la Voie doivent en premier lieu posséder une intelligence innée. Ensuite, par un
enseignement dispensé avec constance et patience, en passant du superficiel au profond,
en épuisant une par une les voies de traverse, ils reviennent enfin sur la bonne route. Ne
pas mettre fin aux rapports entre mari et femme, c’est favoriser indûment sa
descendance, ne pas cesser les accouplements, c’est dérober le pouvoir que possède la
nature. «Dans le pénis, il n’y a pas d’accumulation d’essence séminale, dans l’ombilic de
la femme, le foetus ne prend pas racine », «L’accomplissement de la pratique, chez le
mâle, consiste à ne plus émettre d’essence séminale, chez la femme, à ne plus laisser
s’écouler les règles », disent les traités taoïstes. S’il existe des héros en ce siècle, qui ne
se résignent pas à être les jouets des forces surnaturelles que sont le yin et le yang, qu’ils
saisissent une fois pour toutes tout le poids de ces paroles.

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