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yi

le changement
Tout change tout le temps :
je ne peux donc rien tenir pour acquis

En observant l’alternance du soleil et de la pluie dont dépendaient leurs moissons, les Chinois de
l’Antiquité avaient compris que le changement est l’essence même de la vie.
Le jour succède à la nuit, le printemps à l’hiver, l’adulte à l’enfant. Rien n’est fixe, tout bouge et se
transforme continuellement, dans nos vies personnelles comme dans l’univers tout entier.
Se souvenir de la loi du changement permet de prendre plus de recul face aux évènements : quelle
que soit la situation dans laquelle on se trouve, on peut mettre celle-ci en perspective, entrevoir
son évolution. Savoir que tout change tout le temps évite de se laisse surprendre ou déstabiliser par
les évènements.

J’affûte ma perception, de façon à Je ne me laisse pas envahir par mes


reconnaître les changements au tout émotions, car je sais qu’elles sont passagères.
premier indice. Et que mon humeur est changeante.

Je relative ce qui m’arrive, car tout peut Je ne dis plus « je suis comme ça » ou «
basculer d’un moment à l’autre. c’est comme ça ». Car au moment même
ou je finis ma phrase, ce n’est plus «
Je mets toute mon attention dans mes comme ça » !
relations avec les autres, sachant qu’elles
sont en perpétuelle évolution. Je ne fais pas aveugler par une passion
amoureuse. Je la vis pleinement, sachant
qu’elle est destinée à se transformer.

« La seule chose qui ne changera jamais,


c’est que tout est toujours en train de changer. »
Le Yi King
yue la lune
ri le soleil
Chaque chose implique son contraire :
c’est pourquoi je renonce à porter des jugements

Pour définir quelque chose, nous sommes habitués à l’opposer à son contraire : le mal est le contraire
du bien, le chaud le contraire du froid, etc. Rien de plus faux pour les Chinois, pour qui il n’y a
pas de séparation, mais un processus, une polarité entre deux éléments qui ne peuvent exister
l’un sans l’autre. « Pile » n’est pas le contraire de « face » : il s’agit d’une seule et même pièce, qui a
évidemment deux côtés. Cette vision non dualiste ne nous est d’ailleurs pas totalement étrangère
: ne disons-nous pas qu’une personne a « les défauts de ses qualités » ? Quant aux cyclistes et aux
montagnards, ils savent bien que « montée » n’est pas le contraire de « descente » : tout dépend
du sens dans lequel on va.

J’oublie les notions de chance et de Je ne m’arrête pas à la surface des choses


malchance : la catastrophe d’aujourd’hui : j’envisage toujours le revers de la
pourrait demain se révèler une aubaine. médaille.
Et réciproquement.
Je freine mon enthousiasme quand
Avant de dire qu’il fait mauvais, je me les choses vont bien. Je ne cède pas au
souviens que la pluie est essentielle à la découragement quand elles vont mal.
survie de la planète. Avant de dire qu’il
fait beau, je pense aux conséquences de Je me garde de mettre des étiquettes :
la sécheresse. j’apprends à moduler mes opinions.
Je sais apprécier les difficultés, car ce sont
elles qui me font avancer.

« Entre oui et non, la frontière est bien mince.


Le bien et le mal sont entremêlés. »
Lao Tseu
qi le souffle
L’energie qui me traverse me vient de l’univers.
Mais c’est à moi de la cultiver

Chacun de nous est relié à tout ce qui existe, car animés par le même « souffle » que les Chinois
appellent le qi (prononcer « tchi »). Fondement de l’existence et de toutes ses manifestations, cette
énergie est le matériau primordial qui se condense en donnant la vie et se dissout lorsqu’elle la
retire. A la naissance, notre qi est à l’état brut, et c’est à nous qu’il incombe de l’affiner. Notre bien-
être physique et psychique, ainsi que notre accomplissement en tant qu’être humain, dépendant
de la qualité du qi qui nous traverse. Cultiver le qi – ce que les Chinois appellent qi gong -, c’est
d’abord apprendre à bien respirer ; la maîtrise du souffle permet de se relier à la terre et de
communiquer avec tout l’univers.

Je m’habitue à respirer profondément et Je ne fréquente pas les endroits bruyants,


« en conscience » : en inspirant, j’absorbe surpeuplés et mal aérés.
le qi intègre ; en expirant, je rejette les Je limite les « agents pollueurs » : stress,
souffles viciés. course contre la montre, cafés et cigarettes
Chaque matin, j’aère toutes les pièces de à la chaîne.
ma maison. Je ne laisse pas la poussière s’accumuler,
Si ma posture est mauvaise, mon qi elle fait stagner le qi.
circule moins bien ; je pense à redresse
mon dos, détendre mes épaules, décrisper
mes mains et mes pieds.

« La respiration d’un homme accompli vient des talons.


Celle du vulgaire vient de la gorge. »
Tchouang Tseu
yin principe féminin
yang principe masculin
Je m’habitue à penser
en termes de yin et yang

Le qi n’est ni statique ni « à sens unique » : il est formé de deux énergies, le célèbre couple yin et
yang. Le premier symbolise l’obscurité, le froid, le faible, le souple, l’intériorité, donc le principe
féminin. Le second évoque la lumière, la chaleur, la force, la grandeur, la rigidité, l’extériorité, donc
le principe masculin. Que nous soyons homme ou femme, tous deux sont présents en nous. Lorsque
nous nous exprimons haut et fort, nous activons le yang ; lorsque nous écoutons et réfléchissons,
nous laissons la place au yin. En apprenant à reconnaître ces deux principes en soi, on peut
travailler à les équilibrer. En les voyant à l’œuvre dans les phénomènes extérieurs, on se retrouve
à même d’intervenir plus efficacement.

En cas de conflit, j’écoute les arguments de Je ne suis pas un « béni-oui-oui » (excès


mon adversaire (yin) avant de découvrir de yin). Il y a des circonstances où il faut
mes cartes et passer à l’action (yang). savoir exprimer son indignation.

En face d’un dilemme, je réflechis avec Je ne confonds pas autorité et arrogance


pondération (yin). Mais une fois que (excès de yang) : être sûr de moi n’implique
j’ai tranché, je me tiens à ma décision nullement d’écraser qui que ce soit.
(yang). Ne pas écouter ma fatigue dénote un
Toute avancée (yang) comporte parfois excès de yang. Mieux vaut m’arrêter et
reprendre ma tâche à tête reposée.
des reculades (yin). Trois pas en avant,
un pas en arrière, telle est ma devise.

« La vie d’une personne avisée est une action du ciel…


Calme, elle a les vertus du yin.
Active, elle a le flux du yang. » Tchouang Tseu
shui l’eau
wu wei non agir
Avant de combattre les évènements,
j’essaie d’abord de m’y adapter

Pour comprendre le fonctionnement du yin et du yang, il suffit de penser à celui de la bicyclette


: je pousse sur une pédale (yang) et relâche l’autre (yin), et c’est grâce à ces deux mouvements
opposés que je peux avancer. Toute forme de vie implique les deux principes, chacun n’existe qu’en
fonction de l’autre et chacun est voué à se transformer en son contraire. Cependant, la sagesse
Chinoise tend à privilégier la douceur, la réceptivité et les facultés d’adaptation de yin : le tao n’est
il pas comparé à une rivière qu’il nous suffirait de suivre pour que aille mieux ? Défier les tempêtes
et ramer à contre-courant peut parfois devenir nécessaire, mais en faire une règle n’aboutit qu’à
l’épuisement.

Je suis toujours disposé à modifier Je n’humilie jamais un adversaire,


mes projets lorsque les circonstances sachant qu’à la première occasion il me
extérieures le requièrent. fera payer.

Si quelqu’un m’agresse, je n’entre pas dans Je ne me vante pas de capacités que je ne


son jeu. Je reste serein et maître de moi, suis pas certain d’avoir.
et attends qu’il récupère son calme. Je ne m’entête pas face aux difficultés. Je
Dans une discussion, je préfère convaincre fais le dos rond et attends que la situation
par la douceur plutôt que m’imposer par évolue d’elle-même.
la force.

« Qui se plie restera entier, qui s’incline sera redressé.


Qui se tient creux sera rempli,
qui subit l’usure se renouvellera. » Lao Tseu
wu yu le détachement

J’apprends à « non agir » :


je fais ce qui doit être fait,
sans m’inquiéter des résultats
Le non-agir est le pilier de la pensée taoïste. Il ne signifie pas « ne rien faire », mais plutôt « ne
pas faire » ce qui va à l’encontre du cours naturel des choses. « Non agir »,c’est se rendre réceptif
au tao en oubliant son égo, ses ambitions et ses désirs personnels. C’est agir sans intention, mais
seulement par nécéssité, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire : avec la certitude que cette action a
une valeur en soi, en dehors de ce que l’on en obtiendra sur le plan concret. Le meilleur moyen de
se libérer du stress et de l’anxiété, c’est d’exécuter toutes ses tâches en y mettant le meilleur de soi-
même. Si le résultat ne dépend pas uniquement de soi, à quoi sert de s’en inquiéter ?

Je me mets à l’écoute de mon intuition En renonçant à avoir des attentes, j’évite


: contrairement à mon égo, elle sait bien des déceptions.
toujours ce qu’il faut faire. Je n’évalue pas mon travail en termes
Si je viens en aide à quelqu’un c’est parce d’argent, mais d’utilité.
que je dois le faire. Pas pour me faire Je ne m’attache pas au produit de mon
bien voir ou en retirer un quelconque travail. Quand j’ai fini, je passe à autre
avantage. chose.
Je me concentre sur ma tâche sans penser
à rien d’autre qu’à ce que je fais.

« Il produit sans s’approprier, il agit sans rien attendre.


Son œuvre accomplie, il ne s’y attache pas.
Et puisqu’il ne s’y attache pas, son œuvre restera. » Lao Tseu
zhong yong milieu juste

J’évite les excès


et vise en toute chose le « milieu juste »

Zhong Guo, littéralement « pays du milieu », c’est ainsi que s’appelle la Chine, et ses grands penseurs
auraient aimé qu’elle soit le pays du milieu juste. Synonyme de modération et de synchronisation
des actions humaines avec les forces de l’univers, le milieu juste n’est pas un point statique entre
deux extrêmes, mais « un pôle attractif qui tire les hommes vers le haut ». Pour le représenter, les
sages chinois recouraient souvent à la métaphore du tir à l’arc : l’archer devait atteindre le cœur de
la cible au moment précis où résonnait le gong, ce qui impliquait une parfaite maîtrise du corps,
mais aussi de l’esprit. Comme lui, nous devons rechercher le milieu juste en toute chose et attendre
le « moment juste » pour passer à l’action.

Je définis mes objectifs aussi clairement Je n’exhibe pas mes biens, je ne me vante
que possible, puis me tiens prêt à décocher pas de mes succès. Ainsi j’éviterai de
ma flèche. Sans hâte ni impatience. faire des envieux.

Je sais apprécier un bon repas, mais je ne Je ne m’éparpille pas entre mille projets. Je
ma gave pas. Je ne dédaigne pas un bon me fixe sur un seul but, et ne l’abandonne
verre, mais je ne me saoule pas. pas avant de l’avoir porté à terme.

Eduquer, c’est savoir se tenir dans le Je ne hurle pas, mais sais me faire
milieu juste : je sais punir mes enfants, entendre. Je ne m’enthousiasme pas, mais
sais apprécier ce que j’ai.
et aussi les récompenser.

« L’efficacité du milieu juste est suprême, mais la plupart


des gens en ont perdu la notion depuis longtemps. »
Confucius
ren être humain
Je n’oublie pas que le but de ma vie
est de me perfectionner

Pour Confucius, le grand sage sans lequel « la Chine ne serait pas ce qu’elle est », l’homme n’est
ni bon ni mauvais, il est perfectible. Ce qui distingue l’être de qualité de l’être ordinaire, c’est le
ren (prononcer « jen ») ou vertu d’humanité, cette étincelle grâce à laquelle l’homme prend
conscience de lui-même et de sa différence par rapport aux autres créatures, et s’interroge sur
la valeur morale de ses actes. Travailler à devenir pleinement humain, c’est se construire soi-
même, en partant de ses potentiels et en s’appliquant inlassablement à les développer : c’est ce que
Confucius appelle « l’étude », et qui n’est autre que le travail sur soi.

Je m’efforce de toujours agir « moralement Je ne cherche pas à cacher mes lacunes :


», en faisant passer l’intérêt de tous avant je travaille à les combler.
le mien propre. Je ne me laisse influencer ni par les
Quand j’hésite sur la conduite à suivre, médias, ni par le voisin, ni par personne.
je m’interroge : « Que ferait un être de Je n’ai qu’une échelle de valeurs : la
qualité ? Que ferait un être ordinaire ? » mienne.

Je cultive la discipline, ma meilleure Je ne m’afflige pas si mes mérites ne sont


alliée. pas reconnus. Je m’afflige seulement des
mes manques.

« L’honnête homme remonte sa pente,


l’homme vulgaire la descend. »
Confucius
xun s’adapter
Avant de me lancer dans l’action, je m’interroge sur
les energies en présence

Nous savons tous que les succès de nos entreprises ne dépend pas seulement de nous, et que le
meilleur projet peut tomber à l’eau si nous le présentons au mauvais moment ou de la mauvaise
façon. Pour bien conduire son existence, il faut savoir harmoniser ses actions avec le contexte
dans lequel elles s’insérent, en comprenant la nature des énergies en présence. Le moment est-il
plutôt yin ou plutôt yang ? Faut-il agir ou attendre ? C’est là tout l’objet du Yi King ou « Livre des
changements », véritable socle de la pensée chinoise : un livre unique au monde, qui répond aux
questions que nous lui posons, en nous informant sur la qualité énergétique du moment et sur la
meilleur façon de l’utiliser.

Pour demander une augmentation, je me Je ne me laisse pas guider par émotions


renseigne sur la situation de l’entreprise, et me garde des coups de tête.
et l’humeur du patron. Quand quelqu’un ne fait du tort, je
Avant de prendre une décision, je regarde ne réagis pas tout de suite : j’essaie
en moi-même pour savoir si je suis prêt. d’abord de comprendre la dynamique des
Puis j’étudie les conditions extérieures. évènements.

Pour convaincre quelqu’un je cherche sa « Je ne fonce pas tête baissée. Je prends


ligne de moindre résistance » : j’enfonce le temps d’envisager les conséquences
possibles de mon action.
le clou là ou ça fait le moins mal.

« Une personne avisée pénètre la vérité des choses,


sait s’en tenir à l’essentiel. »
Tchouang Tseu
tia ming volonté du ciel

Je me conforte à la « volonté du ciel »


et j’accepte ce que je ne peux changer

Les chinois ne connaissent pas de Dieu créateur. Le principe supérieur est représenté par le ciel,
qui représente l’élan créatif ; sa contrepartie est la terre, symbole de réceptivité. Entre les deux se
trouve l’homme, pivot entre ciel et terre, au sommet de la pyramide du monde créé. La relation
homme-ciel est un va-et-vient constant de bas en haut et haut en bas : l’homme s’adresse au ciel
en éxecutant des rites et le ciel lui répond. Pour que tout fonctionne harmonieusement, il faut
savoir distinguer ce qui est du ressort de l’homme – et que nous appelons le libre-arbitre – et ce
qui relève de la volonté du ciel, c’est-à-dire le destin.

Mon destin est fixé à la naissance, ma Je ne me mets pas en tête de changer les
misson consiste à l’utiliser au mieux. autres. Le seul que je peux – et que je
dois – changer, c’est moi.
Chaque soir, je m’interroge : « Suis-je sûr
d’avoir fait tout ce qu’il était en mon Ma généalogie fait partie de mon destin.
pouvoir de faire ? » Pourquoi alors m’en prendre à ma famille
?
J’accepte mon vieillissement avec
sérénité. Ce qui n’empêche pas de Je ne cache pas mon âge. Parce que c’est
mettre tout en œuvre pour en freiner le inutile, et aussi parce que je sais en
apprécier les aspects positifs.
processus.

« Connaître les actes respectifs du ciel et des humains


est le summun du savoir. »
Tchouang Tseu
chan zen
Je cultive la « chan attittude » :
je reste calme et centré en toutes circonstances

Chan, c’est le bouddhisme « à la chinoise », précurseur du zen japonais. Si le bouddhisme est la


seule religion étrangère qui ait réussi à s’implanter dans le pays du Milieu – et à y prospérer -, c’est
parce qu’il présente de nombreux points commun avec le taoïsme. Tous deux considèrent que le
monde tel que nous le voyons est une illusion, la seule réalité est la vacuité (pour les bouddhistes)
et le vide (pour les taoïstes). Tous deux prêchent le détachement et la non-avidité. Tous deux
donnent une grande importance à l’introspection, à la vie contemplative et à la méditation. A
leur exemple, il faut apprendre à tourner son regard vers l’intérieur et à rester maître de soi quoi
qu’il arrive.

Je sais que ma perception des choses est Je ne me fais pas contaminer par
souvent erronée, je ne lui donne pas une l’agitation des autres. Quand on me
importance excessive. mets la pression, je reste courtois et
imperturbable.
Je remercie de ce que j’ai, au lieu de me
plaindre de ce que je n’ai pas. Je ne me laisse pas envahir par la peur :
c’est la pire conseillère qui soit.
Je me souviens que la vie suit la loi
de l’alternance : bonheur et malheur, Je ne crains pas la solitude mais au
maladie et santé, frustration et contraire la recherche, car c’est le seul
moyen pour me connaître moi-même.
satisfaction, rien n’ai jamais définitif.

« Tranquillité dans le tumulte,


c’est ce qu’on appelle perfection »
Tchouang Tseu
ren patience
Chaque chose arrive en son temps :
je cultive la patience, l’ art de savoir attendre

Pour devenir un être accompli, il faut développer sa patience. Savoir attendre est une vertu très
prisée par les grands sages de la Chine ancienne, tout comme par le Yi-King, qui ne se lasse pas de
la célébrer. Lorsque l’on a accompli tout ce qu’il était en son pouvoir pour mener à bien un projet,
la seule chose qu’il reste à faire est d’attendre patiemment que la situation mûrisse. Rien ne sert
de s’agiter, de vouloir précipiter les choses, de harceler les gens. Les paysans de la Chine ancienne
savaient que le ciel finirait par leur envoyer la pluie, mais ils ne savaient pas quand : une fois
terminées les semailles, ils rentraient chez eux et se reposaient. Comme eux, il faut apprendre à
attendre, et à se détendre.

Quand les choses traînent, j’en déduis que Si une chose à laquelle je tiens ardemment
le tao m’invite à aller plus doucement. est différée, je ne me fais pas prendre
par l’anxiété. Je me concentre sur autre
Je donne du temps au temps, et profite de chose.
l’attente pour mettre de l’ordre dans ma
vie et régler les affaires en suspens. Si un coup de téléphone important tarde
à venir, je mets le répondeur, j’éteins
Je pratique le « non-agir » en m’adaptant mon portable… et je vais me promener.
au rythme naturel des choses, à la
cadence du tao. Je ne me laisse pas prendre par
l’accélération généralisée. Les autres
courent ? Je vais ralentir.

« En cherchant à hâter les choses, on manque le but.


Et la poursuite de petits avantages fait avorter
les grandes entreprises. » Confucius
man zu modestie
Je reste à ma place
et la modestie en tout occasion

Vertu cardinale de la pensée chinoise, la modestie se calque sur une loi universelle : celle qui tend
à remplir ce qui est vide et diminuer ce qui est en excès. On est modeste quand on prend conscience
de son infinie petitesse par rapport au tout : « Je ne mes sens être qu’un caillou dans l’univers…
Comment oserais-je m’en orgueillir ? disait Tchouang Tseu. Etre modeste, c’est occuper sa juste
place, et savoir se tenir à l’intérieur d’un cadre qui s’agrandit ou se rétrécit selon les circonstances.
La modestie implique d’être sûr de soi : à quoi sert d’en rajouter si l’on a une idée précise de ses
qualités ? Elle implique aussi de savoir reconnaître ses lacunes et travailler à les combler. En toute
modestie…

Je suis toujours prêt à reconnaître mes Je ne souligne pas mes talents pour ne
défauts. Ainsi je me rends sympathique pas susciter d’hostilité.
et suis mieux accepté. Je ne me vante pas de mes succés, car je
Lorsque les circonstances le requièrent, je sais qu’ils sont relatifs et transitoires.
garde profil bas. Sans me sentir frustré Je ne confonds pas modestie et servilité
ni diminué. : rester à sa place n’est pas synonyme de
Je sais me faire entendre chaque fois que ramper.
c’est nécessaire. Mais je veille toujours à
y mettre les formes.

« Qui s’exhibe ne rayonnera pas. Qui s’affirme ne s’imposera


pas. Qui se glorifie ne verra pas son mérite reconnu. Qui
s’exalte ne deviendra pas un chef.» Lao Tseu
chouo parler
Je fais très attention
à tout ce qui sort de ma bouche

Lao Tseu disait que « celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas ». Confucius n’était
pas en reste et se méfiait comme de la peste de langage et de ses pièges. A la séduction des beaux
discours, il préfèrait l’harmonie du geste ; aux bavardages de ses contemporains, le son céleste de
la musique. Le maître pesait ses mots et ne supportait pas ceux qui en faisant mauvais usage.
A son image, il faut don prêter plus d’attention à ce que l’on dit, car le langage est un outil
difficile à maîtrise : on regrette plus souvent d’avoir parlé que d’avoir tenu sa langue, une phrase
malheureuse peut suffire à gâter une amitié ou compromettre une carrière.

Je ne parle que si j’ai quelque chose à dire Je me garde des expressions toutes faites :
et je ne m’exprime que sur ce que je sais. elles banalisent mon discours et enlèvent
toute force à mon propos.
Ma façon de parler révèle qui je suis
: je soigne mon vocabulaire et ma Je ne tourne pas autour du pot et exprime
grammaire, mais aussi ma diction et le mes requêtes de façon aussi directe
ton de ma voix. que possible : mes interlocuteurs m’en
sauront gré.
Les dérives de langage sont très
contagieuses. Si autour de moi les gens Je ne colporte pas de ragots, car je tiens
à l’estime et à la confiance de mon
s’expriment n’importe comment, je vais
entourage.
devoir redoubler d’attention.

« Un défaut dans un jade blanc s’efface au polissage.


Un mot placé mal à propos ne peut se reprendre. »
Confucius
lao vieux
Je change de regard
sur les personnes âgées.

C’est dans la piété filiale, le système relationnel initial institué par Confucius, encore en vigueur
aujourd’hui, que le très grand respect porté par les Chinois aux plus âgés puisent ses origines. La
famille est le modèle sur lequel l’individu réglera, tout au long de sa vie, sa façon de se comporter
avec les autres. Avec les plus âgés, il se conduit comme avec son père et mère : si la différence
d’âge est moindre, il se calque sur la relation aîné-cadet. Ce système permet de toujours se sentir
à sa place et de ne jamais commettre d’impairs vis-à-vis de personnes que l’on ne connaît pas. Ce
serait une bonne idée de s’en inspirer, en commençant par faire preuve de plus de considération
et d’affection envers les personnes âgées.

Je sais que les anciens souffrent de leur invisibilité. Aider qui est plus vieux que moi n’est
Je les regarde et les écoute avec intérêt, car ils ont pas « faire une BA ». C’est simplement
toujours quelque chose à m’apprendre. me conduire en être humain.

Aimer et respecter les plus âgés est affaire de bon Mépriser les « vieux », c’est faire preuve
sens : je les traite comme je voudrais être traité à d’ignorance. Et se condamner à mal
leur âge. vieillir.

Je reconnais aux grands-parents le rôle important Je ne confonds pas respect et commisération


qui est le leur, et encourage les contacts entre mes : les seniors n’ont que faire de ma pitié.
enfants et les personnes âgées.

« La piété filiale et le respect des aînés


sont les racines mêmes de l’humanité »
Confucius
bian discernement
Je choisis mes amis
avec le plus grand discernement

Tout comme l’amour, l’amitié ne vas pas de soi et mérite les plus grands égards. Confucius ne
s’intéressait guère au premier, mais beaucoup à la seconde, et ses conseils en matière d’amitié sont
d’une étonnante actualité. Sa première recommandation concerne les critères de choix : si les valeurs
de l’autre sont trop différentes des miennes, il ne pourra jamais y avoir de véritable échange. Vient
ensuite l’honnêteté : il faut toujours dire ce que l’on pense, même si ce n’est pas plaisant. La loyauté
est un autre ingrédient fondamental : on se doit d’être fidèle à ses amis en toutes circonstances et
de ne jamais déroger à ses engagements. Pour finir, il faut savoir reconnaître leurs talents et les
encourager à les développer.

Je suis sincère avec mes amis et n’hésite Je ne choisis pas mes amis pour les avantages
pas à les mettre en garde lorsque je pense que je pourrais en retirer : l’amitié n’a rien
qu’ils se trompent. Mais je le fais avec à voir avec l’opportunisme.
tact. Je me méfie des solutions de facilité : le
Je me montre tel que je suis : les masques voisinage n’est pas un critère suffisant,
n’ont pas leur place en amitié. seules comptent les réelles affinités.

Au début d’une relation, je maîtrise mon Je n’encourage pas les défauts de mes amis.
enthousiasme : une amitié se construit Je n’offre pas d’alcool à quelqu’un qui boit
trop, ni de cigarettes à qui veut arrêter de
pas à pas.
fumer.

« Ne recherchez pas l’amitié de ceux


qui ne partagent pas vos exigences. »
Confucius
zhu bambou
Je limite mes exigences
et sais me contenter de ce que j’ai

Le bambou représente la limitation, symbolisée par les nœuds de sa tige. Tout comme les
bouddhistes, les grands sages taoïstes ne cessent de nous mettre en garde sur l’attachement excessif
aux biens matériels. L’argent et les possessions ne sont pas de mauvaises choses, mais l’être de
qualité les mets à leur juste place, qui n’est pas la première, mais vient après sa vie intérieure et
son accomplissement spirituel. « Sur cent projets d’un riche, il y en a quatre-vingt-dix-neuf pour
le devenir d’avantage », dit un proverbe chinois. Le problème n’est pas l’argent lui-même, mais
la dépendance qu’il tend à créer : plus on en a, plus on voudrait en avoir. S’efforcer de limiter son
avidité est essentiel, car celle-ci éloigne de soi et fait oublier le tao.

Je considère l’argent comme un outil : rien Je ne m’identifie pas à mon compte en


de plus, rien de moins. banque : je vaux bien plus que ça !

Je sais que le but d’une existence humaine est Je cesse de me comparer à ceux qui ont
de s’enrichir. Mais cet enrichissement n’a plus que moi, j’essaie de me comparer à
rien à voir avec les possessions matérielles. ceux qui ont moins.

Je traite « les choses en choses » au lieu de Je ne tombe pas dans le piège de


me laisser « traiter en chose par les choses l’hyperconsommation. Avant de casser
» : je ne suis esclave ni de ma voiture, ni de ma tirelire, je m’interroge sur mes vrais
besoins.
mon téléphone portable, ni de rien.

« Pas de plus grand malheur que d’être insatiable.


Pas de pire fléau que l’esprit de convoitise.
Qui sait se borner aura toujours assez. » Lao Tseu
sun amoindrir
Je simplifie ma vie
et sélectionne attentivement mes loisirs

Pour devenir un être accompli, il faut savoir renoncer à tout ce qui encombre l’existence et éloigne
du tao. Cinq cents ans avant notre ère, les grands sages chinois exhortaient déjà leurs semblables
à simplifier leur vie, à ne pas s’éparpiller ni se laisser contaminer par la frénésie ambiante : qui
sait ce qu’ils diraient s’ils voyaient où nous sommes arrivés… Tel un jardinier qui élague sa haie,
chacun doit peu à peu éliminer les activités superflues pour pouvoir se concentrer sur l’essentiel.
Gaspiller son temps libre revient à se gaspiller soi-même : il faut donc cesser de perdre son temps
dans des occupations qui n’apportent rien et n’ont rien à voir avec ses vrais intérêts.

J’oublie la frénésie du « faire » et m’exerce à Je ne lis pas un livre parce que tout le
pratiquer le « non-faire » ; je retrouve mon monde en parle ou parce qu’il a plu au
rythme naturel et découvre les bienfaits de la voisin. Mes lectures doivent suivre un fil
lenteur. conducteur.

Dans mes loisirs, je mise sur l’enrichissement Je ne donne pas de rendez-vous dans des
plutôt que sur le divertissement, j’apprends endroits bruyants : comment écouter mes
à dire non aux invitations qui ne m’intéresse amis si je ne m’entends pas penser ?
pas. Je ne force personne à me suivre dans
mes loisirs. Chacun doit utiliser son
Je tente une journée sans télévision ni téléphone
temps libre comme il l’entend.
portable. Et j’en tire les conclusions.

« Qui contemple l’eau trouble


perd la vue de l’eau limpide. »
Tchouang Tseu
mu observer
J’exerce constamment
mes facultés d’observation

Confucius a évoqué à maintes reprises la primauté du geste sur la parole. Pour évaluer un
interlocuteur, il ne se contentait pas de l’écouter : il le regardait avec attention. Lorsque le maître
nous conseille d’observer les autres, ce n’est pas dans le but de les critiquer mais de mieux les
connaître. La chose la plus difficile étant de se voir tel que l’on est, les défauts des autres doivent
être vus comme des avertissements : si nous les remarquons, c’est probablement parce qu’ils nous
concernent de très près. Il faut donc s’habituer à mieux observer tout ce qui se trouve autour de
soi, ce qui oblige à moins parler. Car dès que l’on ouvre sa bouche, la perception diminue.

Chaque fois que je note un défaut chez Je me garde du regard superficiel, qui
une personne, je me demande si je n’ai balaie sans se fixer et regarde sans voir.
pas le même. Observer ne veut pas dire juger. Mon
J’observe avec attention les maisons des regard doit être attentif, mais sans a
autres : elles en disent long sur leurs priori ni malveillance.
occupants. Je ne me fixe pas sur ma petite personne
Chez une personne, je note l’habillement, : c’est le meilleur moyen pour ne rien
le type de voiture, le sport et les loisirs voir de ce qui passe autour de moi.
qu’elle pratique : tout est message, tout
est langage.

« Voyer pourquoi un homme agit, observez comment il agit,


examiner ce qui fait son bonheur,
Que pourrait-il encore vous cacher ? » Confucius
kang santé
Je respecte mon corps
et l’entretien avec soin

Pour la sagesse chinoise, entretenir son corps est avant tout un acte moral. Notre corps ne nous
appartiens pas, c’est « une forme qui nous est fournie par le ciel et la terre », disant Tchouang Tseu,
une manifestation du qi sous sa forme la plus condensée : notre santé dépend de la circulation
harmonieuse de cette énergie le long de canaux appelés méridiens. Maintenir son corps tel qu’il
nous a été « confié » n’est pas suffisant, nous devons travailler à en optimiser toutes les potentialités.
Corps et esprit sont intimement liés : en agissant sur le premier, nous perfectionnons le second.
Il faut avoir conscience de cette unité profonde et sentir combien l’exercice physique régulier est
capital pour l’équilibre intérieur.

Pour savoir dans quel état d’esprit je Aller au-delà de ces forces est contre nature,
me trouve, j’écoute mon corps : c’est aussi le sage ne se fatigue t’il jamais. En
le meilleur baromètre de mon état respectant son corps, il se conforme à son tao.
intérieur. Je ne saute pas le déjeuner, je ne mange
Je fais du sport « pour » mon corps et pas devant mon ordinateur. Je prends mes
non pas « contre » lui : j’oublie le culte repas dans le calme et fais attention à bien
de la performance et progresse à mon mâcher.
rythme. Les excès alimentaires dénotent une
mauvaise écoute de notre corps : celui-ci sait
En soignant l’harmonie de mes gestes, je
très bien nous dire quant il est rassasié.
renforce mon harmonie intérieure.

« Un vivant doit avant tout soigner son corps.


Qui ne veut pas soigner son corps
ferait mieux de quitter le monde » Tchouang Tseu
Les 20 concepts clés

Le TAO
Lawrence
Janvier 2005

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